Attention, il y a des graviers ou du gravier dans le carburateur. Beware, grabvel in the engine. Risque de callage surtout en montée. Si vous avez une ou deux de ces pillules bleues dont on ne doit pas dire le nom en bonne société, n'hésitez pas à les prendre par précaution. Un étalon prévenu en vaut deux et chat ébouillanté craint l'eau froide.
BEAUTY FOR THOSE WHO SERVE – SALVATION FOR THE JUST
Nouvelles Graveleuses
1.
2. Quand on essaie en 2021 de capturer le visage de l’avenir sur la base de tout
ce que l’on a vécu ou souffert dans le passé, on est pris d’un doute sans fin et sans
texture, d’un doute qui vous échappe tout en vous envahissant. La vie est-elle
quelque chose qui suit une logique au moins existentielle, et peut-être objective et
scientifique ? Mais comment en serait-il ainsi puisque la science est une invention
de l’homme dans sa longue vie sur cette terre depuis qu’il a gravi les premiers
échelons qui l’ont fait passer d’Erectus à Sapiens il y a 300 000 ans, oui trois cent
mille ans, ce qui n’est pas une paille, mais n’est pas non plus une botte de foin
bottelée dans le pré derrière ma maison par la botteleuse mécanique ? Ou devons-
nous poser que la science existait dans le cosmos, dans la nature avant que nous
ne l’inventions, l’élaborions, la construisions, et donc voilà que nous n’aurions fait
que la découvrir, mais nous avons perdu le livre car chaque étape est un
recommencement incessant et insensé, incessamment insensé dans la durée ?
Pris de ce vertige existentiel nous nous tournons, nous nous contorsionnons
du côté du centre de l’alphabet grec et Omicron se rue sur nos âmes et nous
colonise comme si nous n’étions que des esclaves prêts à nous mettre au service
de ce cosmos qui nous déglutira quand il en décidera son propre besoin, car nous
ne sommes que de la vulgaire chair à cosmos.
Il y a dans tout le fatras de ces nouvelles, poèmes et autres histoires, y compris
un vrai conte de Noël avec cadeaux et bonhomme en pain d’épices, qui couvrent
plus de quinze années, bien des choses qui vont de paire avec lui et moi, avec AC
qui se dit Hallah sur Facebook et moi JC qui me crois le frère aîné de Jésus, mais
il est vrai que cette paire est une paire plus souvent impaire que paire, et cela
fonctionne mieux en anglais, « the pair is more often odd than even ».
C’est un parcours, une recherche, un délire qui explique et sous-tend sans la
moindre limite ni ambiguïté, ou même réticence, la recherche scientifique, la
pratique pédagogique et la fureur journalistique. Le critique des Festivals de La
Chaise Dieu a usé de la même plume que l’auteur ou les auteurs de chacune de
ces pièces. L’auteur humain est-il unique ou multiple, surtout quand il est bilingue,
au moins ? Et pourtant il n’aurait qu’une plume ? Serait-ce confondre le marteau,
avec l’enclume, le fer rougi avec le forgeron ? Comme si la plume faisait l’auteur !
Ni d’ailleurs l’auteur la plume !
3. Il y a derrière tous ces textes une histoire, une impasse, une souffrance, un
désir, un cri et parfois simplement le coup de feu sur la voie ferrée de Biloxi au
Mississippi qui donna voix à une frustration qui ne sera jamais assouvie, satisfaite
dans sa faim cannibale et insatiable.
Il y a derrière chaque pavé qui casse une vitre la rage qui le lance et la bêtise
causale à laquelle il est destiné en revanche, en vengeance, en rétribution, la bêtise
qui sera l’ultime analyse qualificatrice des gens, plus vite encore qu’il n’en fallût
pour le lancer. On trouve facilement le lanceur de pierre et autrefois on l’aurait
envoyé à Cayenne, ou plus loin encore dans l’autrefois on l’aurait passé à la roue,
un supplice délicieux qui fut supprimé par l’industrialisation de la peine de mort par
la Révolution Française et la guillotine. On trouve plus difficilement la bêtise à
laquelle le pavé est destiné, et si on la trouve il est encore plus hasardeux de lui
donner visage humain. Le pavé lancé efface comme par miracle la bêtise qui a
causé ce lancement au seul profit de la bêtise du lanceur.
Quelque part nous avons toujours des pavés, des lanceurs potentiels ou réels,
mais nous n’avons plus nulle part ni la guillotine, ni la roue, et les séjours dans les
prisons françaises, avec isolation et viol en alternance (SIDA à la clé de voute de
ces internements), n’ont rien de comparable à mourir au soleil sur une roue à trois
mètres du sol, les jambes, les cuisses, les avant-bras, les bras, le sternum, les
côtes et pour bonne mesure les clavicules brisées à coups de barre de fer. La
barbarie humaine a perdu une bataille là et la civilisation en a gagné une. On est
passé de la civilisation féodale à la civilisation républicaine, certains diraient à
l’économie de marché qui n’aime plus le sang versé à la face du monde, ou si peu
mais en temps de guerre seulement aussi loin que possible de chez nous, qui aime
qu’on cache ces choses-là comme le sein de Tartuffe, car loin de la vue, loin de la
vie, loin de l’âme. Qu’on les cache à jamais derrière les sept voiles de Salomé et
les écrans télé. L’horreur n’est plus qu’une distraction artificielle cinématographique
ou télévisuelle, peut-être internautique. Pour le réel on a les accidents de la route
C’est à cela que je dédie ces nouvelles, ces poèmes, ces cris qui montent du
plus profond de l’enfer de Dante jusqu’au plus récent cas de violence gratuite
contre autrui, comme ces enfants entre douze et quinze ans qui tuent d’autres
enfants du même âge ou parfois un peu à peine plus âgés.
Pensons, en ce jour d’hiver proche, à Oxford, Michigan, aux USA où un gamin
de quinze ans a tué quelques-uns de ses camarades de classe avec l’arme à feu
que ses parents, père et mère, venaient de lui acheter comme cadeau de Noël.
Cela fait froid dans le dos, mais pas que dans le dos. Cela fait revivre les
innombrables occasions où la raison non respectée, où le harcèlement de principe
du plus faible, qu’il soit autiste ou qu’il soit plus sombre de peau qu’« une nuance
plus blanche du pâle » (“a whiter shade of pale”) de Procol Harum en 1967, en
plein dans l’escalade de la guerre américaine au Vietnam, au Cambodge et au
Laos, qui se terminera par une débandade et toute sa suite en 1975 que Viet Thanh
Nguyen a si merveilleusement décrite dans son roman « The Sympathizer » (215,