Les jeux sont faits et les lits sont défaits. Rien ne va plus dans cet entre-deux. D'un côté la poésie. De l'autre la turpitude sociale, culturelle et S*******. La censure des mots sensibles est naturelle dans notre société de liberté. La version ici est non censurée et étendue par rapport à la version sur les sites vendeurs. Ici on peut appeler un appendce pénien par son simple nom de pénis et arrêter de parler du pen-club de l'amour ou du penne de la serrure virginale ou du Le Pen de la virilité frivole et lubrique, azvec ou sans jeu de mot sur les articles bégayants en genre comme le Le pen ou la Le Pen. C'est plus simple en anglais, The Pen and that's all.
2. JACQUES BONNAFFÉ –
L’ORAL ET HARDI – 2007-
2013
Quand j’ai quitté le Nord – Roubaix, plus précisément – en 1975 après dix-neuf ans
en pays picard, je croyais l’avoir perdu à jamais, ce Nord picard auquel j’avais tant donné,
même si parfois il ne le savait pas toujours. Quelle ne fut pas mon erreur ! Quelle n’est pas
mon erreur ! Et voilà qu’il vient de me rattraper et c’est ce bien bon vieux Jacques
Bonnaffé qui atterrit sur mon bureau comme un guru du temps jadis qui se rappelle à moi
des temps de Radio Quinquin, Radio Canal Sambre, et du journal Liberté. J’ai un souvenir
attaché à ce Jacques qui n’a rien du Bonsergent, et je ne le lui souhaite pas vu ce qui
arriva le 23 décembre 1940 pour cet ingénieur français qui n’aimait pas les Nazis
envahisseurs. Un souvenir attaché à jamais et pour toujours. Un soir chez les Clowns du
Prato, au tout début du TGV Paris Lille, il arriva à l’heure certes mais un peu disjoncté. En
effet le TGV qui l’amenait de Paris avait, du côté d’Arras, fini, sans dislocation il est vrai,
dans un champ de betteraves comme pris d’un Béghin soudain pour ce légume sucré, ou
serait-ce pour la Jenlain de la GBM qui en est dérivée aussi – ambrée c’est la meilleure ?
La voie ferrée avait filé du mauvais coton car une ancienne tranchée de la guerre de 14-18
s’était affaissée au passage du train. Et il donna son spectacle comme si de rien, ou de
presque rien. Si j’ai bonne mémoire c’était du Cafougnette.
3. Ici le texte de base est de Jean-Pierre Verheggen, un Belge Wallon, même si son
nom est flamand, avec quelques petits textes empruntés comme des citations, et en
particulier un Cafougnette à Ostende de Mousseron. Le travail d’écriture est simple c’est
ce que Verheggen appelle « le pêché de chair linguistique » et le poète est un
« languedicapé » qui nous décape les méninges et les glandes surrénales et testiculaires
de son verbe dévergondé, de ses accumulats informes de mots en forme de termitières
qui nous envahissent, les termites bien sûr, par tous les orifices auxquels vous pouvez
penser comme les trous du nez ou les trous des oreilles. En un mot il vous en met plein la
vue et on finit comme on dit dins ch’Nord « la tête dins ch’cul ». C’est du délire
linguistique. On est au-delà de la langue, au-delà du discours, au-delà même du syndrome
de Gilles de La Tourette, vous savez ces bizarres gens dérangés, pas rangés du tout dans
aucun placard, et qui s’adonnent à l’enfilement de perles scatologiques de diverses
natures, plus ou moins fluides et malodorantes, en un flot et un flux de grumeaux, de gros
mots, de mots grimés en épouvantails de grenouilles de bénitiers et de crapauds de
sacristie qui pourtant, les uns comme les autres, ne crachent pas sur les enfants de chœur
– tous des garçons en bas âge vous savez –, à votre bon cœur, Messieurs Dames, pour
les pauvres qu’ont froid l’hiver sans poêles à ma zoute de ce Lucien méchant Mechan, un
vrai loup sans poils pour tous les hommes velus. On est dans l’inconscient hormonal du
plaisir de bouche, comme Claude Olivenstein pourrait dire qui a défendu en son temps
que tous les plaisirs ne sont durables et satisfaisants que dans la mesure où ils passent
par la bouche et donc le pêché de chair linguistique est d’abord et avant tout un pêché de
bouche, et je ne dirai pas tout ce que ce poète Wallon fait de ce pêché de bouche, bien
que le plus souvent il prêche par et pour un autre orifice corporel que celui-ci, l’orifice
corporel par lequel ce qui est entré par la bouche finalement sort de sa prison de chair, de
sa prison de gras double. Enfin presque tout car je doute que l’objet d’une simple fellation
on dira digitale pour rester poli n’atteigne jamais cet orifice, faute d’un bras suffisamment
long, orifice qui est selon Dante la porte de sortie de l’enfer, recevant de par-là même des
lettres de noblesse.
J’imagine que la praline de notre poète est de la même essence que le « brun d’
c’va » comme on dit en picard, des boules rondes qui s’enfilent les unes sur les autres.
4. Mais il n’y a pas que le pêché de chair linguistique qui compte. Il y a aussi le pêché
d’OS informatique, vous savez Windows, l’informatique qui nous ouvre toutes ses fenêtres
sur toutes les langues et tous les mots qui n‘ont d’équivalents syphilisés dans aucune
langue car la syphilisation est une maladie qui peut être mortelle, surtout pour les esprits
universitaires qui pratiquent la promiscuité intellectuelle avec n’importe quoi et le reste
comme pour se faire connecter les deux bouts extrêmes de l’aimant politique qui pourtant
se haïssent pour voir ce qui peut bien arriver chez Mousseron à Denain. Voyez sur ce
sujet un certain Arthur Rimbaud qui a, en son temps et en Éthiopie, trop copulé avec les
moucherons de la pissotière de l’hôtel avec ou sans Verlaine, un cousin distant de
Verheggen qui tous les deux font des vers, parfois des vers qui sont plus érotiques que
simplement respectables et petit-bourgeois, petit parce que la poésie ne plait jamais aux
grands bourgeois car la poésie ne fait pas de fric et n’est pas cotée en bourse. Mais le
délire des sens dans tous les sens, sens dessus dessous, et même à contre-sens dans
une langue à jamais enfermée dans un sens giratoire sur les ronds-points de Charles
Fiterman, qui n’en finissent jamais de tourner en rond comme à la fin du Bruit et de la
Fureur de Faulkner, et je dois dire que Trump qui aime bien ce bruit et cette fureur lui
aussi finit à contre-sens dans le giratoire autour du soldat confédéré qui est mort pour
garder la suprématie blanche en gardant les esclaves dans leur position d’esclaves,
jusqu’au moment où on les transfère, pas trop vieux si possible, dans quelque cimetière
non-chrétien bien sûr car il ne faut jamais pousser le bouchon plus loin qu’il ne peut aller.
C’est pas qu’ils voient jaunes nos poètes, ou même gilet jaune, mais c’est que les mots
qui s’enchainent sans fin finissent toujours par s’empiler en de vastes carambolages
embouteillés dans de vrais étranglements de goulot de bouteille, carambolages qui vous
montent à la tête, comme la liqueur de la bouteille, la verte absinthe, n’est-il point. Et c’est
bien ce qu’ils cherchent nos poètes. Pas faire sens mais donner le tournis au public qui se
raccroche alors aux branches quand il en voit une, quand il est capable de la saisir, et tout
le monde sait qu’un Auvergnat ça va, mais plusieurs c’est l’enfer. Auvergnats s’abstenir !
Même si leur pratique volcanique leur a appris à saisir les branches sans discrimination,
tout ce qui dépasse du corps principal du crime, du délit, du pêché de chair.
Mais ce type de poésie ne fonctionne qu’oralement, d’où le titre, n’est-il point, un
titre plutôt osé, plus que hardi qui pour moi restera toujours le Coq Hardi d’antan, osé donc
5. je dirai car ces deux clowns pas du Prato, ceux-là, font plutôt dans le délire circonstanciel,
comme d’ailleurs leur compère triadique Charlie Chaplin qui n’a rien d’hebdo mais en
prend plein le dos. Il faut que nos oreilles soient assaillies de mille mots en une minute
pour que le plaisir de la douche écossaise, du lancer de louches de Comines, des
sucreries péniennes en bouche fonctionne et que la mayonnaise séminale prenne ici et là.
Je ne pense même pas que chacun d’entre nous dans le public verrait des moments
humoristiques entrainant le rire pour tous comme le mariage en même temps. Encore faut-
il que les éléments mémoriels, les incongruités et les absurdités soient reconnues par
chacun en fonction de ses propres atomes crochus. J’espère que personne ne croit que
l’humour est – non pas soit, fût ou serait – la chose la mieux partagée du monde, car ce
n’est pas vrai. Il n’y a que les gens qui ne comprennent pas les moments humoristiques
qui rient tous ensemble car l’important pour eux c’est de rire tous ensemble, peu importe
sur quoi. Et je ne comprends pas pourquoi je ris peu importe car l’important c’est de rire
avec les autres. Et ne pas rire c’est le f ait des trouble-fêtes.
Et pourtant ce texte est une mine d’un anthracite si noir qu’il m’en donne le deuil,
dernier puits de mine fermé dans le Nord, Oignies, 1986, et chaque ligne aurait besoin
d’une explication, même si nous y perdrions l’humour et probablement nos pédales, ce qui
risque d’être très critiqué en nos temps écologiques bicyclistes pour ne pas dire queer,
mais dans ce cas ce mot n’est plus politiquement correct surtout quand il s’abrège en deux
consonnes initiales comme pour Président Directeur, souvent gratifié de quelques Galons,
ceux d’un Général ou est-ce Galeux, car il y a longtemps belle lurette qu’on ne pédale plus
dans la semoule et que les moules c’est pour la Braderie, avec des frites si possibles, car
les pieds bien posés sur des pédales et les écrasant au goudron pour nous libérer de
toutes nos perverses obsessions, nous avons la frite et nous ne pensons plus alors qu’à je
ne sais quelle moule pour ce soir au fond de quelques – généralement entre-deux – draps.
À ne consommer qu’avec parcimonie et modération et surtout à éviter en
conduisant. Le résultat pourrait être catastrophique. Soit dit en passant, Jacques Bonnaffé
donne à cette poésie la truculence d’une lecture déjantée et cela rejoint très bien les
pédales que j’avais perdues juste avant. Ce n’est pas sans chemise et sans pantalon
comme dirait Rika Zaraï mais en caleçon bien sûr pour aller danser. C’est bien plus que ça
ici, définitivement sans jantes et sans pédales, cela rend la cyclotourisme un peu
scabreux, dangereux, aléatoire. Je me demande si je n’ai pas tout perdu cette fois,
chemise, pantalon, et en même temps mon caleçon, et même peut-être plus, – ah ! non
pas ma zoute ni les poils qui vont avec, s’il vous plait – dans cette épreuve de dénuement.
« Cachez-moi, petit homme, ce posté-trop-rieur
Qui ne plait ni ne fait plus rire que les pots
Autant se taire en or que se faire en argent.
Le silence vaut bien une action de vaurien.
Tant va le pot à l’eau, mais bien sûr qu’il se casse. »
On me dit que ce spectacle va repartir en tournée. Alors profitez-en. Bonne soirée
en cette très mauvaise compagnie poétique et pensez très fort à retrouver les pinderlots
d’la Castafiore, perdus au château de Moulinsart, un joli moulin sur une rivière, pardon
eun’ sart, de petite montagne.
Dr Jacques Coulardeau