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Revue générale
Anesthésie et réanimation pour chirurgie réglée
de l’anévrisme de l’aorte abdominale
Anaesthesia and critical care for scheduled infrarenal
abdominal aortic aneurysm surgery
E. Marret *, N. Lembert, F. Bonnet
Département d’anesthésie–réanimation, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France
Reçu le 19 avril 2005 ; accepté le 31 août 2005
Disponible sur internet le 02 novembre 2005
Résumé
Objectif. – Les patients programmés pour une chirurgie de l’anévrisme de l’aorte abdominale sous-rénale présentent un risque élevé de
comorbidité cardiaque et respiratoire. Résumer la prise en charge anesthésique de ces patients.
Méthodes. – Revue de la littérature croisant les termes anévrisme de l’aorte abdominale, anesthésie, analgésie, réanimation et/ou chirurgie
dans la base de données Medline.
Résultats. – L’évaluation préopératoire cardiaque et sa stratégie ont fait récemment l’objet de recommandations. Les patients avec un
risque cardiaque intermédiaire ou élevé doivent bénéficier d’un test d’effort cardiaque avant l’intervention pour décider entre une stratégie
préopératoire médicamenteuse (bêtabloquant ± statine et aspirine) ou une stratégie interventionnelle (angioplastie coronarienne ou chirurgie
cardiaque). Une ischémie myocardique périopératoire doit être recherchée chez ces patients par un monitorage clinique, électrocardiographi-
que et biologique (dosage de la troponine Ic). Le risque de décompensation respiratoire peut aussi être évalué à l’aide d’un score réalisé en
préopératoire. L’analgésie péridurale permet de diminuer le risque des complications respiratoires. Aucun traitement pharmacologique n’a
montré son efficacité pour diminuer l’incidence de l’insuffisance rénale après chirurgie de l’aorte. Le traitement par mise en place d’une
endoprothèse aortique est actuellement recommandé chez seulement les patients âgés, les patients à haut risque chirurgical ou les patients avec
un abdomen multi-opéré.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Objectives. – Patient scheduled for infrarenal abdominal aortic aneurysm surgery carries a high risk of cardiac or respiratory comorbidity.
To outline the perioperative management for these patients.
Methods. – Review of the literature using MesH Terms “abdominal aortic aneurysm”, “anesthesia”, “analgesia” “critical care” and/or
“surgery” in Medline database.
Results. – Cardiac preoperative evaluation and management have recently been reviewed. Intermediate and high-risk patients should
undergo non-invasive cardiac testing to decide between a preoperative medical strategy (using betablocker ± statin and aspirin) and an inter-
ventional strategy (coronary angioplasty or cardiac surgery). Perioperative myocardial ischaemia should also be investigated by clinical,
electrocardiographic and biologic monitoring such as plasmatic troponin Ic dosage. Specific score could also assess the respiratory failure risk
preoperatively. Epidural analgesia decreases this risk. There is no evidence that a pharmacological treatment decreases the incidence of acute
renal failure after aortic surgery. Endovascular repair is actually recommended for older, higher-risk patients or patients with a hostile abdo-
men or other technical factors that may complicate standard open repair.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : emmanuel.marret@tnn.ap-hop-paris.fr (E. Marret).
Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
http://france.elsevier.com/direct/ANNFAR/
0750-7658/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.annfar.2005.08.023
Mots clés : Anesthesie ; Analgésie ; Réanimation ; Anévrisme ; Aorte abdominale ; Chirurgie
Keywords: Anaesthesia; Analgesia; Critical care; Infrarenal abdominal aortic aneurysm; Surgery
1. Introduction
L’anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) devient actuel-
lement une maladie de plus en plus fréquente. La maladie
anévrismale de l’aorte est le plus souvent la conséquence d’un
processus dégénératif chronique de la paroi artérielle ; sa pré-
valence augmente donc avec l’âge et avec le vieillissement
de la population. Cinq à 10 % des sujets âgés de plus de 65 ans
sont ainsi atteints par un AAA [1–4]. Les anévrismes aug-
mentent de taille lentement jusqu’à un diamètre critique où
l’évolution prend alors une allure exponentielle. La maladie
anévrismale reste cependant, bien souvent asymptomatique
jusqu’à la rupture. Le risque de rupture augmente avec le dia-
mètre de l’AAA [5]. La mortalité périopératoire des AAA
rompus peut atteindre jusqu’à 60 % des patients ce qui justi-
fie une chirurgie réglée de l’AAA dès que le diamètre est
supérieur à 50 mm. La mortalité périopératoire d’une chirur-
gie à froid se situe aux environs de 5 % mais reste supérieure
à 2 % même dans les centres les plus expérimentés ou dans
les études les plus récentes. Cependant, des chiffres de mor-
talité supérieurs à 5 % sont observés dans les centres effec-
tuant moins de 50 interventions réglées de l’AAA par an et/ou
avec des chirurgiens opérant annuellement un faible nombre
d’AAA [6]. Les facteurs de risque identifiés de la maladie
anévrismale sont ceux des maladies cardiovasculaires ou plus
précisément l’âge, le sexe masculin, le tabagisme, l’hyperten-
sion, l’hypercholestérolémie et les antécédents familiaux
d’anévrismes [1–4,7,8]. La prévalence de l’insuffisance coro-
naire sévère chez les malades opérés d’un AAA s’élève alors
à plus de 30 % [9–11]. La présence de lésions athéromateu-
ses souvent diffuses justifie ainsi une prise en charge particu-
lière de ces patients aussi bien avant l’acte d’anesthésie
qu’après la cure d’un AAA.
2. Préparation du patient à l’intervention :
stratégie préopératoire
Les patients opérés d’une chirurgie de l’AAA nécessitent
une approche multidisciplinaire du fait des nombreuses patho-
logies associées à la maladie anévrismale de l’aorte.
2.1. Évaluation cardiaque
L’évaluation cardiaque préopératoire est une étape fonda-
mentale pour les patients opérés d’une chirurgie pour AAA.
La prévention du risque cardiaque passe avant tout par l’éva-
luation soigneuse de l’état cardiovasculaire du patient au
moyen d’index cliniques et d’explorations limitées.Au terme
de cette évaluation, le praticien doit décider d’une prépara-
tion qui repose généralement sur une optimisation du traite-
ment médicamenteux ou sur un traitement médicamenteux
préventif spécifique, établi en collaboration avec le chirur-
gien et le cardiologue. Le recours à un geste de revasculari-
sation devient actuellement de moins en moins fréquent car
le bénéfice d’une revascularisation myocardique n’est pas
supérieur à celui d’une chirurgie vasculaire réalisée sous bêta-
bloquant, aspirine et statine [12]. L’évaluation du risque car-
diaque chez les patients programmés pour une chirurgie
majeure a fait l’objet de plusieurs synthèses [13,14].
L’incidence élevée des infarctus du myocarde (IdM) pério-
pératoires et des décès de cause cardiaque chez les patients
de chirurgie vasculaire est attribuée à l’importante préva-
lence de la maladie coronarienne [15]. Plus d’un patient sur
trois programmé pour une cure chirurgicale d’un AAA pré-
sente une coronaropathie sévère [9–11]. Le taux de mortalité
après la survenue d’un IdM postopératoire est supérieur à
20 % et le risque de décès après IdM est dix fois plus élevé
que le risque de décès après toute autre complication posto-
pératoire [15]. Moins de 10 % des patients de chirurgie vas-
culaire ont des artères coronaires normales et plus de 50 %
ont une insuffisance coronaire sévère [16]. Dans cette popu-
lation, la prévalence des complications cardiaques périopéra-
toires est de plus de 10 %, celle de l’IdM est selon la littéra-
ture d’environ 4 % et la mortalité cardiaque avoisine 2 %
[17,18].
2.1.1. Échelles de risque
Des échelles de risque fondées sur des données cliniques
et paracliniques simples ont été développées dans le but d’éva-
luer rapidement un malade à risque de complications cardia-
ques postopératoires. L’échelle de Goldman a été utilisée pen-
dant plus de 30 ans pour évaluer le risque cardiaque des
patients opérés [19] ; ce score a été établi sur un mélange
hétéroclite de critères cliniques et paracliniques et n’a pris en
compte qu’une population à faible risque cardiovasculaire
[19]. Lee et al. ont récemment proposé une échelle simplifiée
pour évaluer le risque cardiaque chez les patients âgés de plus
de 50 ans, opérés d’une chirurgie majeure non urgente. Son
évaluation s’est fondée sur une population de 4315 patients.
Une complication cardiaque majeure (IdM, œdème aigu du
poumon, fibrillation ventriculaire ou arrêt cardiaque) est sur-
venue chez 2 % des patients. Six facteurs de risque de poids
quasi-équivalent, ont été indépendamment associés à une aug-
mentation du risque cardiaque : chirurgie à haut risque (chi-
rurgie pour AAA, chirurgie thoracique, chirurgie digestive),
cardiopathie ischémique, antécédent d’insuffisance cardia-
que, antécédent d’accident vasculaire cérébral, traitement par
insuline et taux de créatinine plasmatique supérieure à
177 µmol/l ou supérieur à 20 mg/l [20] ; les complications
associées à la présence d’un, deux, trois ou plus de trois fac-
teurs étaient respectivement de 0,4, 1,9, 7 et 11 %. Finale-
159E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
ment, l’American College of Cardiology et l’American Heart
Association (ACC/AHA) ont défini trois classes de risques
cardiovasculaires (Tableau 1). Les patients présentant des cri-
tères cliniques intermédiaires doivent bénéficier d’une éva-
luation cardiaque. Quant aux malades présentant des critères
majeurs, la prise en charge cardiologique de ces symptômes
prime sur l’indication opératoire de l’AAA. L’évaluation cli-
nique de ces patients est un temps fondamental de l’évalua-
tion préopératoire car il va guider la réalisation ou non d’exa-
mens complémentaires (Fig. 1).
2.1.2. Tests non invasifs
Plusieurs tests non invasifs cardiaques ont été évalués dans
le but de stratifier les patients à risque et de diminuer leur
risque par une thérapeutique ciblée. L’épreuve d’effort (EE)
a été validée pour dépister une insuffisance coronarienne avec
un faible coût dans une population donnée. Toutefois, une
proportion non négligeable de patients n’atteint pas les fré-
quences cardiaques maximales qui autorisent le diagnostic
de l’ischémie myocardique [21]. De plus, certaines patholo-
gies de l’appareil locomoteur ainsi que les artériopathies obli-
térantes des membres inférieurs ne permettent pas la réalisa-
tion de cet examen. La négativité d’une EE à au moins 85 %
de la fréquence maximale théorique détermine une popula-
tion avec un moindre risque cardiovasculaire [22] mais son
degré reste d’évaluation difficile ; un travail a montré que les
patients ayant une EE positive présentaient un risque cardio-
vasculaire cinq fois plus important mais cela n’a pas été
confirmé par d’autres études plus larges, tout cela conférant
une faible valeur prédictive positive pour ce test [23,24].
La scintigraphie au thallium–dipyridamole (TD) permet
d’étudier l’ischémie myocardique et la viabilité du myocarde
sous-jacent. La valeur de cet examen pour évaluer le risque
peropératoire du malade de chirurgie vasculaire reste très
débattue [25]. Lorsqu’elle est corrélée à certains facteurs cli-
niques (âge avancé, diabète, angor, ESV, ondes Q de nécrose
sur l’ECG), son intérêt est grandement rehaussé [26].
L’enregistrement ambulatoire du segment ST (holter) per-
met de détecter la présence d’une ischémie myocardique en
préopératoire avec un coût trois fois moins élevé. Cet exa-
men a une prédictibilité d’autant meilleure qu’il est réalisé
chez les patients présélectionnés. Il permet la détection
d’ischémies silencieuses qui sont de façon générale, de mau-
vais pronostic. Différentes études ont montré que cet examen
est hautement spécifique et également très sensible chez les
patients de chirurgie vasculaire [27–31]. Toutefois, il n’est
pas réalisable chez tous les patients (50 %) comme ceux ayant
des anomalies de l’ECG de repos (bloc de branche gauche
complet, pacemaker, imprégnation digitalique) et contraire-
ment à la scintigraphie au TD, le degré d’ischémie n’est pas
quantifiable. Cet examen est ainsi très rarement utilisé en pra-
tique courante en France.
L’échocardiographie de stress à la dobutamine détecte des
troubles de la cinétique des parois, induits par une ischémie
myocardique provoquée par un stress pharmacologique (dobu-
tamine et atropine). Pour l’évaluation préopératoire des
patients de chirurgie vasculaire, l’échocardiographie de stress
à la dobutamine a une sensibilité proche de 85 % (intervalle
de confiance à 95 % [IC 95 %] : 75–97 %) et une spécificité
de 70 % [IC 95 % : 62–79 %] pour prédire la morbidité car-
diaque périopératoire [31]. De plus, dans une cohorte de plus
de 1000 patients opérés d’une chirurgie vasculaire majeure,
Tableau 1
Critères cliniques évaluant le risque lié au patient selon les recommanda-
tions nord-américaines de l’ACC/AHA [14]
Critères cliniques
Majeurs
• Syndromes coronariens instables (IdM récent ou angor instable)
• Insuffisance cardiaque décompensée
• Arythmies significatives (BAV de haut grade, arythmies ventriculaires
symptomatiques et arythmies supraventriculaires sans contrôle ventricu-
laire)
• Pathologie valvulaire sévère
Intermédiaires
• Angor stable
• Antécédent d’IdM
• Insuffisance cardiaque compensée
• Diabète
• Insuffisance rénale
Mineurs
• Aˆ ge avancé
• Anomalies ECG (HVG, BBG, anomalies du segment ST et de l’onde
T)
• Rythme non sinusal
• Faible capacité fonctionnelle
• Antécédent d’AVC
• HTA non contrôlée
Capacité fonctionnelle
< 4 MET
Manger, s’habiller, marcher autour de la maison, faire la vaisselle
> 4 MET
Monter un étage, courir sur une courte distance, marcher sur du plat à
6 km/h, danser, faire un golf.
MET : indicateur métabolique équivalent.
Fig. 1. Arbre décisionnel pour l’évaluation du risque cardiaque avant une
chirurgie pour anévrisme de l’aorte abdominale selon les recommandations
de l’ACC/AHA [14] et prise en charge préopératoire. La prescription de
bêtabloquants avec un objectif de fréquence cardiaque périopératoire
(FC ≤ 80 b/min) est une alternative possible à la revascularisation myocar-
dique en cas de test non invasif positif.
160 E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
l’apparition d’une cinétique anormale lors de cet examen de
stress dans une population ayant des facteurs de risque clini-
que de coronaropathie était un facteur de risque indépendant
important associée à une augmentation de la morbimortalité
postopératoire [32]. L’échocardiographie de stress a la sen-
sibilité la plus élevée dans une méta-analyse récente incluant
plus de 8000 patients opérés d’une chirurgie vasculaire
majeure [31]. Une autre méta-analyse a montré la supériorité
de l’échographie de stress à la dobutamine comme facteur
prédictif de morbidité cardiaque (RR = 6,2) par rapport à la
scintigraphie au TD (RR = 4,6), à la mesure isotopique du
ventricule gauche (VG) (RR = 3,7) et à l’ECG ambulatoire
(RR = 2,7) [33]. L’échocardiographie de stress a ainsi la
valeur prédictive négative la plus élevée (égale à 99 % [IC
95 % : 93–100 %]). Sa valeur prédictive positive n’est que de
13 % (IC95 % = 7–21 %) [18].
La mesure isotopique de la fractionVG procure une mesure
précise de la fonction ventriculaire gauche au repos ou à
l’effort. Elle est selon certains auteurs, un facteur prédictif
indépendant de morbidité cardiaque périopératoire [34].
Cependant, cette technique est moins prédictive que l’écho-
cardiographie de stress à la dobutamine et la scintigraphie
myocardique pour prévoir les complications cardiaques en
chirurgie vasculaire.
Au terme de ces examens d’effort non invasifs, le test
d’évaluation cardiaque peut être négatif. D’une manière géné-
rale, les tests cardiaques non invasifs ont une très bonne valeur
prédictive négative du risque de complications cardiovascu-
laires. Autrement dit, le risque cardiaque est minime s’ils ne
mettent pas en évidence d’ischémie myocardique [35]. Si le
test est positif, il faut alors adapter la préparation du patient,
avec des modalités différentes en fonction de l’urgence de
l’acte opératoire. Ainsi, les tests non invasifs ne deviennent
pertinents pour évaluer le risque cardiaque que lorsqu’ils ont
été réalisés dans une population à risque intermédiaire et non
de manière systématique [14,17,36]. Le choix du test non inva-
sif (scintigraphie, échographie de stress, ECG d’effort) repose
sur la capacité du patient à réaliser un exercice physique, les
ressources techniques locales et les préférences de l’équipe
médicale. En chirurgie vasculaire, l’échocardiographie de
stress et la scintigraphie au thallium sensibilisée par la per-
santine sont les tests non invasifs les plus utilisés.
2.1.3. Stratégie préopératoire
La présence d’une ischémie myocardique postopératoire
est le facteur de risque le plus important de complications
cardiaques [30,37]. La diminution de l’ischémie myocardi-
que périopératoire et postopératoire par une stratégie inter-
ventionnelle (angioplastie transluminale (ATL) coronarienne
ou chirurgie cardiaque) ou médicamenteuse (bêtabloquants ±
statine et aspirine) sont deux attitudes actuellement validées
chez les patients opérés d’une chirurgie vasculaire [12]. En
effet, une étude récente a randomisé, vers soit une revascula-
risation myocardique préopératoire, ou vers soit un traite-
ment médical seul, des patients opérés d’une chirurgie vas-
culaire majeure avec un tiers d’AAA [12]. Plus de 500 patients
ayant tous au moins une sténose significative sur une artère
coronaire ont ainsi été inclus (exclusion des patients ayant
une sténose du tronc commun, d’un rétrécissement aortique
sévère ou d’une insuffisance cardiaque sévère). Aucune dif-
férence significative n’a été observée entre les deux groupes
aussi bien en terme de complications cardiaques ou de décès
postopératoires immédiats (j30) que de survie à distance (trois
ans) [12]. De plus, la chirurgie cardiaque ou l’ATL, réalisée
avant la chirurgie vasculaire, s’est compliquée d’une morta-
lité d’environ 2 % et d’un taux d’IdM d’environ 6 % La revas-
cularisation myocardique par ATL ou pontage aortocoro-
naire (PAC) avant une chirurgie n’avait été validée uniquement
que sur des études rétrospectives ou de cohortes avec les biais
qui n’intégraient pas le risque lié à l’acte de revascularisation
notamment la mesure de la morbidité et la mortalité périopé-
ratoire. D’une manière générale, ces études de cohorte avaient
montré que les patients opérés après revascularisation avaient
un risque de complications cardiaques inférieur à celui des
patients n’ayant pas eu un geste de revascularisation [38–40].
De plus, la pose d’une endoprothèse coronaire avant une chi-
rurgie n’est pas dénuée de risque. Kaluza a ainsi décrit le
pronostic de 40 patients opérés dans les 40 jours après la pose
d’un stent [41]. Une chirurgie programmée dans les 14 jours
après la pose de la prothèse endocoronaire s’est accompa-
gnée d’une mortalité de 32 % ; la cause principale du décès
étant une thrombose du stent chez des patients ayant eu un
arrêt des AAP pour la chirurgie. Enfin, cette série rapportait
aussi la survenue de complications hémorragiques postopé-
ratoires liées à la réalisation de la chirurgie sous agents anti-
plaquettaires (AAP). Un délai d’au moins six semaines est
donc nécessaire après la pose de l’endoprothèse pour dimi-
nuer le risque des complications, soit thrombotique, soit
hémorragique [42]. En cas de pose d’une endoprothèse coro-
naire recouverte de molécules visant à diminuer le risque de
resténose (sirolimus ou paclitaxel), le risque de thrombose
du stent semble être plus important et plus retardé que pour
un stent classique lors de l’arrêt desAAP [43,44]. La réendo-
thélialisation plus tardive de l’endoprothèse pourrait expli-
quer ce risque retardé de thrombose.
Le bénéfice de l’introduction des bêtabloquants sur la mor-
talité et la morbidité cardiovasculaire périopératoire a été éva-
lué au cours des dix dernières années [45]. La survenue d’une
ischémie myocardique est associée à un risque élevé de com-
plications cardiaques (IdM, troubles du rythme, insuffisance
ventriculaire gauche) pendant la période postopératoire
[30,37]. De plus, la durée de l’ischémie semble être un fac-
teur important dans la genèse de la nécrose myocardique [46].
Autrement dit, une ischémie myocardique prolongée conduit
plus fréquemment à une souffrance myocardique puis à une
lésion irréversible du tissu myocardique. Les causes d’isché-
mie myocardique sont nombreuses en postopératoire. Cepen-
dant, la tachycardie semble être un des éléments importants
responsable de l’ischémie myocardique postopératoire
[46,47]. L’efficacité des bêtabloquants ou des agonistes alpha-
2-adrénergiques pour prévenir les complications cardiaques
confirment l’intérêt de prévenir les épisodes de tachycardie
161E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
survenant en per- et postopératoire. En effet, plusieurs études
randomisées, contrôlées, en double insu, ont été réalisées chez
des patients opérés d’une chirurgie non cardiaque majeure.
La plupart ont d’ailleurs inclus des patients opérés d’une chi-
rurgie vasculaire [47–49]. Poldermans et al. ont montré que
l’administration préopératoire de 5 à 10 mg de bisoprolol
(Détensiel®
, Cardensiel®
, Soprol®
), débutée au moins sept
jours avant l’intervention et poursuivie en postopératoire, dans
le but d’obtenir une fréquence cardiaque basale inférieure à
60 b/min et une fréquence cardiaque postopératoire infé-
rieure à 80 b/min, réduisait la mortalité cardiovasculaire pério-
pératoire après une chirurgie vasculaire majeure [48]. Cepen-
dant, les patients de l’étude de Poldermans constituaient une
population à haut risque de complications cardiovasculaires
postopératoires puisque tous avaient une échocardiographie
de stress positive. Une diminution des complications cardio-
vasculaires a été aussi observée avec l’administration pério-
pératoire d’aténolol (Ténormine®
5 à 10 mg i.v. ou 50 à
100 mg per os) [50]. Une méta-analyse a récemment synthé-
tisé l’effet des bêtabloquants utilisés en périopératoire pour
diminuer le risque cardiovasculaire. Le regroupement de
600 patients inclus dans huit études principalement réalisées
en chirurgie vasculaire a ainsi permis de montrer leur effica-
cité pour diminuer le risque d’infarctus du myocarde non fatal
de 80 % (OR = 0,19 [0,08–0,48]) et de décès d’origine car-
diovasculaire de 75 % (OR = 0,25 [0,09–0,73]) [51]. L’admi-
nistration périopératoire des bêtabloquants avec un objectif
de fréquence cardiaque périopératoire (FC < 60 b/min au
repos et FC < 80 b/min en postopératoire) constitue donc
actuellement une stratégie permettant de réduire les compli-
cations cardiaques postopératoires après chirurgie non car-
diaque avec un bénéfice à court et à moyen terme [52].
L’ACC/AHA recommandent ainsi l’utilisation des bêtablo-
quants chez les patients ayant une ischémie myocardique lors
d’un test non invasif [14]. Leur efficacité est cependant limi-
tée en présence d’une ischémie étendue lors de la réalisation
d’un test non invasif d’effort [32]. L’intérêt des bêtablo-
quants chez des patients dont on ne sait pas s’ils ont une isché-
mie résiduelle (mise en évidence par les tests non invasifs)
reste incertain.
La clonidine pourrait aussi diminuer les complications car-
diaques périopératoires [53,54] même si la plupart des étu-
des ne montrent pas de supériorité par rapport au placebo
[55]. Plusieurs synthèses méthodiques de la littérature ont
cependant, montré que la clonidine et le mivazérol dimi-
nuaient l’incidence de l’ischémie myocardique [51,55,56],
de la survenue d’IdM [56] et des décès [51,56], notamment
en chirurgie vasculaire [56]. Les alpha-2-agonistes peuvent
ainsi présenter un intérêt dans la chirurgie de l’aorte abdomi-
nale ; leur place reste à définir notamment vis-à-vis des bêta-
bloquants. Ils représentent une alternative aux patients néces-
sitant un traitement par bêtabloquants mais ayant une contre-
indication à ceux-ci.
La prise quotidienne d’AAP permet une réduction annuelle
de la mortalité cardiovasculaire chez les patients ayant des
antécédents vasculaires (décès, infarctus du myocarde, acci-
dent vasculaire cérébral) de 22 % [57]. Un arrêt irréfléchi
d’un AAP en préopératoire peut conduire à une thrombose
aiguë [58,59]. Un arrêt des AAP peut difficilement se conce-
voir chez un malade avec un angor instable ou présentant des
accidents ischémiques cérébraux récidivants. De même, une
angioplastie coronaire avec la pose d’une prothèse endoco-
ronaire classique impose la prise d’AAP pendant au moins
six semaines. Dans les autres situations, le risque exact lié à
l’arrêt des AAP en périopératoire chez des coronariens iden-
tifiés, est mal connu. Certaines séries non contrôlées suggè-
rent que ce risque est loin d’être nul [58,60–62]. En cas d’arrêt,
la conférence d’experts organisée par la Sfar en 2001 conseille
de prendre le relais de l’aspirine ou des thiénopyridines par
du flurbiprofène (Cébutid®
50 mg × 2/j) ou une héparine de
bas poids moléculaire administrée à doses curatives que l’on
arrêtera 24 heures avant l’acte d’anesthésie ; la période sans
AAP étant ainsi la plus courte possible [63].
Les statines ont montré leur efficacité dans la prévention
primaire et secondaire de l’infarctus du myocarde à travers,
notamment, l’amélioration du profil lipidique plasmatique et
la stabilisation de la plaque d’athérosclérose. Plusieurs étu-
des ont récemment montré une diminution des événements
cardiovasculaires périopératoires chez les patients recevant
des statines en préopératoire et opérés d’une chirurgie majeure
non cardiaque [64–66]. Cet effet protecteur des statines sur
la morbidité périopératoire semble persister même chez les
patients recevant des bêtabloquants et opérés d’unAAA [67].
Finalement, une étude randomisée et réalisée chez 100 pa-
tients opérés d’une chirurgie vasculaire a montré qu’un trai-
tement par atorvastatine 20 mg vs placebo et initié en pré-
opératoire permettait de diminuer les événements
cardiovasculaires de 70 % [68].
En conclusion, les données récentes de la littérature per-
mettent de dire qu’une prise en charge préopératoire par une
stratégie interventionnelle est équivalente à celle d’une stra-
tégie médicamenteuse (bêtabloquants voire alpha-2-agonistes,
aspirine et statine) [12,69]. Une revascularisation myocardi-
que par ATL ou PAC semble toutefois préférable chez les
patients ayant une ischémie étendue lors d’un test d’effort
cardiaque ou ayant un risque cardiaque élevé (Fig. 1) [32,70].
L’application des recommandations de l’ACC/AHA (Fig. 1
et Tableau 1) a ainsi permis d’améliorer la prise en charge
des patients opérés de l’aorte avec un meilleur dépistage des
patients à haut risque et donc une augmentation des gestes de
revascularisation coronaire préopératoires, une diminution des
complications cardiaques postopératoires et une augmenta-
tion de la survie sans évènement intercurrent à un an post-
opératoire [71].
2.2. Évaluation respiratoire : prise en charge
de la bronchopneumopathie chronique obstructive
Le tabagisme est un facteur de risque important d’AAA et
de bronchopneumopathie obstructive (BPCO). L’intoxica-
tion tabagique et la présence d’une BPCO augmentent signi-
ficativement les complications respiratoires postopératoires
162 E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
(atélectasies, bronchopneumopathies, ventilation prolongée)
par un facteur pouvant aller jusqu’à 5 selon l’importance du
tabagisme et de l’altération de la fonction pulmonaire [72,73].
De même, la présence d’une BPCO est un facteur de risque
indépendant de mortalité après chirurgie de l’aorte [74].
L’évaluation respiratoire fait donc partie intégrante de la
consultation préopératoire. Les résultats fournis par les explo-
rations fonctionnelles respiratoires et les gaz du sang sont
moins contributifs que les données fournies par l’interroga-
toire du patient ou son examen clinique (consommation supé-
rieure à 20 paquets-année, toux importante, encombrement
bronchique) [75]. Une préparation respiratoire est donc impor-
tante, d’autant plus que la chirurgie pour AAA est une chi-
rurgie à haut risque de complications respiratoires postopé-
ratoires. En effet, un score évaluant le risque de complications
respiratoires postopératoires, établi à partir d’une cohorte de
plus de 300 000 opérés, attribue à la chirurgie aortique un des
niveaux de risque les plus élevés [76,77]. La chirurgie pour
AAA est ainsi la chirurgie qui induit le risque relatif le plus
élevé pour les complications respiratoires postopératoires [77].
Chez les patients ayant un encombrement bronchique, des
séances de kinésithérapie respiratoire (cinq à dix séances avec
désencombrement plus apprentissage de la respiration abdo-
minodiaphragmatique et de l’accélération du flux expiratoire
pour acquérir une expectoration efficace) doivent être pres-
crites dès la phase préopératoire. Le patient doit ainsi être
informé des risques induits par la poursuite de l’intoxication
tabagique tout en sachant que le risque respiratoire ne dimi-
nue réellement qu’après un sevrage supérieur à huit semai-
nes [78]. Enfin, la présence d’une BPCO est un facteur de
risque associé à une surmortalité après cure chirurgicale d’un
AAA [79].
3. Prise en charge anesthésique
L’anesthésie pour chirurgie réglée de la cure d’un AAA
nécessite une bonne compréhension de la physiopathologie,
une connaissance parfaite des temps chirurgicaux, une capa-
cité à interpréter des données hémodynamiques complexes et
une gestion et un contrôle hémodynamique pharmacologi-
que aguerris.
3.1. Approche chirurgicale par voie ouverte
La chirurgie par voie ouverte représente à l’heure actuelle
le traitement classique ou conventionnel de la cure chirurgi-
cale de l’AAA même si le traitement par voie endoluminale
est une technique de plus en plus utilisée. L’AAA peut être
abordée par une voie transpéritonéale via une incision cuta-
née xipho–sous-ombilicale le plus souvent ou par une voie
rétropéritonéale gauche.Aucune voie d’abord ne semble pré-
senter d’avantages définitifs pour diminuer l’incidence des
complications postopératoires. Sur le plan respiratoire, deux
études randomisées n’ont pas montré des bénéfices clairs
[80,81]. L’élément le plus important à considérer semble être
la longueur de la voie d’abord. Les complications cardia-
ques, hémorragiques, pariétales ou digestives ne semblent pas
être influencées par le type de voie d’abord. La cure chirur-
gicale par voie cœlioscopique plus ou moins assistée reste
encore une technique en cours d’évaluation [82]. La mise à
plat chirurgicale de l’AAA est réalisée après libération de
l’anévrisme et contrôle des collets supérieurs et inférieurs,
exclusion de l’AAA par mise en place des clamps vasculai-
res, incision de l’anévrisme et évacuation du thrombus intra-
anévrismal, ligature des orifices des artères lombaires, resti-
tution de la continuité vasculaire par la mise en place d’une
prothèse aorto-aortique ou bi-iliaque en dacron ou polytétra-
fluoroéthylène, vérification de l’hémostase, fermeture du sac
sur la prothèse puis rétropéritonisation.
3.2. Physiopathologie du clampage aortique
La physiopathologie et les conséquences hémodynami-
ques du clampage et déclampage de l’aorte abdominale sont
complexes et dépendent de nombreux facteurs dont le niveau
de clampage, l’état des artères coronaires et la fonction myo-
cardique du patient, l’existence d’une circulation collatérale,
la volémie, l’activation du système sympathique et des agents
et techniques anesthésiques [83]. La plupart des pathologies
chirurgicales de l’aorte abdominale nécessitent un niveau de
clampage sous-rénal. Plus le niveau du clampage de l’aorte
s’élève, plus les répercussions hémodynamiques sont impor-
tantes, ainsi que le retentissement de l’hypoperfusion sur les
organes vitaux [83].
3.2.1. Clampage
L’hypertension artérielle est la réponse hémodynamique
la plus fréquente lors du clampage de l’aorte quel que soit
son niveau. Elle est plus marquée lors de la chirurgie pour
AAA du fait d’une circulation collatérale moins développée.
L’augmentation de pression artérielle est due à l’interruption
brutale du flux aortique. Le clampage de l’aorte augmente
également les pressions veineuse centrale, artérielle pulmo-
naire et d’occlusion. En échographie cardiaque, on observe
une diminution de l’aire télédiastolique et de la fraction d’éjec-
tion ventriculaire gauche voire des anomalies segmentaires
de la cinétique myocardique. Les répercussions hémodyna-
miques sont d’autant moins importantes que le clampage est
distal. Elles sont mineures lors du clampage sous-rénal sauf
chez les patients atteints d’une coronaropathie sévère. Cela
est lié au phénomène de redistribution de la masse sanguine :
lorsque le chirurgien clampe l’aorte au-dessus du système
splanchnique, il induit à ce niveau une veinoconstriction ainsi
qu’une redistribution sanguine des lits vasculaires distaux vers
les lits vasculaires proximaux responsables d’une augmenta-
tion majeure de la précharge (Tableau 2) [84].
Un cœur avec une fonction normale est capable de suppor-
ter d’importantes augmentations de la postcharge sans dys-
fonction ou dilatation ventriculaire gauche significative. Les
patients opérés d’une chirurgie aortique ont souvent à l’état
basal une altération de la contractilité myocardique ou une
163E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
réserve coronarienne basse. Ainsi l’augmentation de la pres-
sion intramyocardique provoquée par le clampage peut être
responsable chez ces patients d’une hypoperfusion sous-
endocardique, de dyskinésies segmentaires et d’une diminu-
tion de la fraction d’éjection, même si le clampage est infra-
rénal [85]. Chez les 30 % de patients qui vont présenter des
dyskinésies myocardiques lors des reconstructions aortiques
sous-rénales, 66 % d’entre elles se produiront lors du clam-
page [86]. Le débit cardiaque est le plus souvent diminué lors
du clampage de l’aorte.
Les patients avec une insuffisance cardiaque et atteints
d’une coronaropathie sont les plus exposés au stress et à l’aug-
mentation du travail myocardique induits par le clampage aor-
tique. Afin de diminuer les conséquences myocardiques du
clampage aortique, certaines stratégies sont employées : dimi-
nution de la postcharge et optimisation de la précharge. Des
vasodilatateurs coronariens, des agents inotropes positifs ou
chronotropes négatifs sont utilisés selon les conditions de
charge du ventricule gauche et la cardiopathie du patient. Les
agents anesthésiques volatiles, comme l’isoflurane, qui pré-
sentent des propriétés vasodilatatrices peuvent être avanta-
geusement utilisés pendant cette phase de l’anesthésie pour
diminuer la postcharge et le travail myocardique [87]. D’autres
agents vasodilatateurs titrés comme les inhibiteurs calciques
(nicardipidine) peuvent être utilisés. Cependant, chez les
patients ne présentant pas de signes d’incompétence myocar-
dique ou d’ischémie coronarienne pendant le clampage, une
pression artérielle moyenne élevée est tolérable. Les agents
anesthésiques cardiodépresseurs sont évités pendant le temps
de clampage.
3.2.2. Déclampage
La réponse hémodynamique au déclampage dépend du
niveau de clampage et de sa durée, de l’utilisation d’agents
adjuvants et de la volémie du patient. La diminution de la
pression artérielle est la réponse hémodynamique observée
après déclampage. Il existe parfois une hypotension arté-
rielle profonde. L’ischémie–reperfusion et l’hypovolémie
relative qu’elle induit sont les mécanismes principaux de cette
hypotension. Différents médiateurs des tissus ischémiques,
comme l’acide lactique, la rénine, l’angiotensine, les radi-
caux libres, les prostaglandines, des cytokines et d’autres pro-
duits cardiodépresseurs sont aussi impliqués dans la réponse
hémodynamique au déclampage et jouent un rôle dans les
dysfonctions organiques observées. La prévention d’une
hypotension significative requiert une communication avec
l’équipe chirurgicale, une connaissance de la technique chi-
rurgicale et une maîtrise de l’utilisation des différents agents
vasoactifs et des solutés de remplissage. Au moment du
déclampage, il est essentiel que la correction du déficit liqui-
dien préopératoire, le maintien des apports et le remplace-
ment des pertes sanguines peropératoires aient été effectués.
Une volémie optimisée par un remplissage permet d’éviter
les hypotensions artérielles sévères. Le déclampage entraîne
une baisse de la pression artérielle systémique d’autant plus
sévère que la volémie du patient est basse [88]. Les vasodi-
latateurs, s’ils ont été utilisés pendant la phase de clampage,
doivent être progressivement diminués, voire arrêtés. Un rem-
plissage modéré avant le déclampage de l’aorte sous-rénale
permet de diminuer les conséquences hémodynamiques lors
du déclampage ; il doit être plus important lorsque que le
niveau est supracœliaque. Effectuer un remplissage systéma-
tique pendant le temps de clampage afin de maintenir une
pression veineuse centrale et capillaire pulmonaire élevée peut
conduire à une hypervolémie et une transfusion excessive.
Le retrait progressif du clamp par le chirurgien est une autre
mesure pouvant aider au maintien d’une stabilité hémodyna-
mique. Les vasopresseurs sont rarement nécessaires après
déclampage de l’aorte sous-rénale mais souvent utiles pour
des niveaux supérieurs en raison des phénomènes d’ischémie–
reperfusion dans le territoire splanchnique. Il faut toutefois
rester vigilant afin que l’emploi de vasopresseurs ne soit pas
responsable de pics hypertensifs si un nouveau clampage est
réalisé. De plus, l’hypertension après déclampage augmente
le saignement et les lésions au niveau des anastomoses vas-
culaires.
3.3. Monitorage périopératoire
Le risque de saignement important et rapide lors de la chi-
rurgie aortique ne doit pas être négligé. Il est classique de
poser une voie veineuse centrale et une ou deux voies veineu-
ses périphériques de bon calibre. La voie centrale permet
l’administration des substances vasoactives nécessitant une
perfusion continue. La pose d’un cathéter artériel radial doit
être systématique. La mise en place d’un cathéter artériel pul-
monaire avec surveillance de la saturation veineuse en oxy-
gène voire du débit cardiaque en continu n’est utile que chez
les patients ayant une insuffisance cardiaque sévère (fraction
d’éjection du ventricule gauche inférieure 30 %) ou une insuf-
fisance rénale majeure. Une surveillance de la fonction car-
diaque et de la volémie peut cependant être réalisée par
d’autres techniques. Toutefois, aucune étude randomisée n’a
mis en évidence de différence significative quant à la morbi-
dité cardiaque avec un monitorage par cathéter artériel pul-
monaire par rapport à l’utilisation d’un cathéter veineux
central [89,90]. L’échocardiographie transœsophagienne bidi-
mensionnelle (ETO) a été utilisée en peropératoire pour éva-
Tableau 2
Variations (en pourcentage) des paramètres hémodynamiques échocardio-
graphiques lors d’une chirurgie pour AAA selon le niveau de clampage [84]
Variations hémodynamiques
Niveau de clampage Suprarénal (%) Infrarénal (%)
PAM +5 +2
PAPO +10 +0
STDVG +2 +9
STSVG +10 +11
FEVG –10 –3
Dyskinésie myocardique +33 0
PAM : pression artérielle moyenne ; PAPO : pression artérielle pulmonaire
d’occlusion ; STDVG : surface télédiastolique du ventricule gauche ;
STSVG : surface télésystolique du ventricule gauche ; FEVG : fraction
d’éjection du ventricule gauche.
164 E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
luer la fonction ventriculaire gauche, guider le remplissage et
diagnostiquer les ischémies myocardiques. En chirurgie de
l’aorte abdominale, les surfaces télédiastoliques du ventri-
cule gauche (STDVG), télésystolique du ventricule gauche
(STSVG) et la fraction d’éjection du ventricule gauche obte-
nues par une coupe du petit axe passant par les piliers mitraux,
sont bien corrélées aux volumes et à la fraction d’éjection
ventriculaires gauches observés en angiographie avec injec-
tion de nucléotides [91]. L’augmentation majeure de la
STDVG et la chute de la fraction d’éjection, observées en
ETO2D, après clampage supracœliaque ne sont pas détec-
tées par le cathétérisme de l’artère pulmonaire [84]. L’ETO
permet également de révéler des anomalies de la cinétique
segmentaire dont la corrélation avec des troubles de la perfu-
sion coronaire est établie et qui surviennent avant les modi-
fications électrocardiographiques. Toutefois, les anomalies
cinétiques peropératoires ont été peu corrélées à l’incidence
de complications cardiaques postopératoires et les données
de la littérature sont donc insuffisantes pour définir la sensi-
bilité et la spécificité des anomalies de la cinétique segmen-
taire comme facteur prédictif d’accident coronarien périopé-
ratoire [92,93]. L’ETO reste ainsi surtout un outil diagnostic
devant une défaillance hémodynamique plus qu’un moyen
de monitorage hémodynamique.
Une surveillance électrocardiographique continue avec sur-
veillance du segment ST permet de diagnostiquer rapide-
ment les épisodes d’ischémies myocardiques survenant chez
les patients opérés d’un AAA pendant la période périopéra-
toire. La surveillance de deux dérivations (DII et V5) permet
de détecter 80 % des épisodes ischémiques périopératoires
chez les patients à risque de coronaropathie [94]. Plus récem-
ment et en s’appuyant sur le dosage biologique de la tropo-
nine Ic, il a été montré que la dérivation V4 (plutôt que V5)
augmentait la sensibilité du monitorage du segment ST (83 vs
75 %) pour détecter une ischémie myocardique responsable
d’un infarctus du myocarde chez les patients opérés d’une
chirurgie vasculaire [95].
3.4. Agents et techniques anesthésiques
La morbidité et la mortalité cardiaque en chirurgie aorti-
que étant élevées lors d’une chirurgie pour AAA, une atten-
tion particulière doit être portée sur les facteurs influençant le
travail ventriculaire et la perfusion coronaire. Le maintien de
la perfusion et du fonctionnement des organes vitaux via une
stabilité hémodynamique peropératoire est plus important que
le choix de telle technique ou de tel agent anesthésique. En
général, une anesthésie balancée utilisant des substances de
courte durée d’action permet de s’adapter à toutes situations.
L’entretien de l’anesthésie est obtenu par l’association d’un
morphinique et d’agents anesthésiques halogénés ou intravei-
neux. Le protoxyde d’azote a tendance à diminuer le débit
cardiaque et la pression artérielle tout en augmentant les résis-
tances artérielles vasculaires. Une étude indique que chez les
patients bénéficiant d’une chirurgie aortique abdominale, le
protoxyde d’azote augmente les besoins en vasodilatateurs
pour traiter une augmentation de pression capillaire pulmo-
naire et une ischémie myocardique [96]. Il est important
d’anticiper le réveil par une restauration de la circulation et
d’une perfusion adéquate des organes vitaux. Une homéosta-
sie hémodynamique, métabolique et une température nor-
male doivent être obtenues avant la fermeture cutanée dans la
prévision d’une extubation rapide. Les pics hypertensifs et
les épisodes de tachycardie doivent être absolument évités
lors du réveil par l’emploi d’agents de courte durée d’action
comme l’esmolol ou d’autres vasodilatateurs comme les inhi-
biteurs calciques (nicardipine) ou alphabloquant (urapidil)
voire même l’utilisation de substances d’action plus prolon-
gée si la volémie est correcte (aténolol). L’ischémie myocar-
dique survient ainsi dès le réveil du patient opéré pour AAA.
Le contrôle de la température est primordial car l’hypother-
mie postopératoire est associée à de nombreux effets indési-
rables [97]. Le maintien d’une normothermie peropératoire
est un but des thérapeutiques au même titre que l’optimisa-
tion hémodynamique. Cette mesure simple permet de dimi-
nuer l’hémorragie peropératoire, les infections de paroi et les
complications cardiaques postopératoires [98].
3.5. Antibioprophylaxie, stratégie transfusionnelle
et anticoagulation
Une antibioprophylaxie est recommandée chez les patients
opérés d’une cure chirurgicale de l’AAA [99]. Une céphalos-
porine de deuxième génération (céfazoline 2 g ou céfaman-
dole–céfuroxime 1,5 g) ou un glycopeptide (vancomycine
15 mg/kg) en cas d’allergie à la pénicilline doivent ainsi être
administrés en préopératoire, idéalement lors de l’induction
anesthésique. Des réinjections peropératoires sont nécessai-
res lors de l’utilisation d’une céphalosporine : toutes les qua-
tre heures avec une dose de 1 g si le choix s’est porté pour de
la céfazoline sinon toutes les deux heures à la dose de 0,75 g.
L’autotransfusion peropératoire pendant la chirurgie aor-
tique réduit l’exposition aux produits sanguins labiles et donc
les risques de complications liées à la transfusion [100]. Tou-
tefois, le matériel est cher et son emploi nécessite d’être
entraîné et expérimenté, réservant son utilisation aux patients
à risque hémorragique important [101]. L’utilisation de sys-
tèmes récupérateurs de sang épanché permettant de traiter le
sang en peropératoire n’est donc pas obligatoire chez tous les
patients [102] et seul le système récupérateur est installé dans
un premier temps. Le volume de sang récupéré nécessaire
pour pouvoir traiter suffisamment de sang est, pour la chirur-
gie vasculaire, supérieur à 700 ml. En cas d’hémorragie impor-
tante, il existe rapidement des troubles de l’hémostase favo-
risés par l’utilisation de l’héparine en peropératoire et la
dilution des plaquettes et des facteurs de coagulation faisant
suite à l’utilisation répétée de l’autotransfusion et au remplis-
sage par colloïdes ou cristalloïdes. Dans cette situation, il faut
avoir recours à une transfusion de concentrés de plaquettes si
le chiffre est inférieur à 50 × 109
/l et à une transfusion de
plasma frais congelé.
L’héparine est fréquemment utilisée lors de la chirurgie
de l’aorte. Cependant, le risque de thrombose d’une prothèse
165E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
aortique est considéré comme faible à cause du flux impor-
tant qui traverse la prothèse. Une étude randomisée a ainsi
évalué l’intérêt de l’héparinisation chez 284 patients opérés
pour AAA. L’administration d’un bolus de 5000 UI d’HNF
avant le clampage de l’aorte n’a pas diminué le risque de com-
plications thrombotiques et hémorragiques périopératoires.
Cependant, le bénéfice de l’héparine est apparu vis-à-vis des
IdM mortels (1,4 vs 5,7 % ; p < 0,05) et non mortels (2,0 vs
8,5 %, p < 0,05) [103]. En postopératoire, l’héparine ne doit
être prescrite qu’à des doses prophylactiques sauf indication
chirurgicale particulière.
3.6. Fonction rénale et protection
La survenue d’une insuffisance rénale aiguë (IRA) après
une chirurgie réglée de l’AAA est associée à une mortalité
importante pouvant atteindre plus de 40 % [104,105]. La pré-
servation de la fonction rénale revêt donc un intérêt tout par-
ticulier lors d’une chirurgie réglée pourAAA. La diurèse per-
opératoire est un mauvais facteur prédictif de la fonction
rénale postopératoire [106] et donc un mauvais reflet de la
perfusion rénale. En effet, le clampage de l’aorte, même sous-
rénal, provoque une diminution du flux sanguin rénal et une
redistribution du flux intrarénal vers la médullaire rénale
[107,108]. Ces altérations hémodynamiques persistent après
déclampage et le blocage sympathique rénal par une anesthé-
sie péridurale haute ne les modifie pas. L’institution préopé-
ratoire d’un traitement par inhibiteur de l’enzyme de conver-
sion n’améliore ni la perfusion rénale ni la filtration
glomérulaire. Certains auteurs ont même montré que les IEC
pouvaient entraîner une dysfonction rénale après chirurgie
de l’aorte [109]. La nécrose tubulaire aiguë est impliquée dans
la plupart des insuffisances rénales observées après chirurgie
aortique. Elle est multifactorielle : hypovolémie, emboles
rénaux de cholestérol et traumatisme chirurgical des artères
rénales. L’utilisation peropératoire de dopamine ou de diuré-
tique de l’anse est une pratique fréquente bien qu’aucune étude
n’ait démontré les propriétés de protection rénale de ces agents
lors de la chirurgie aortique [110]. Des travaux récents sug-
gérèrent un rôle bénéfique des agents antioxydants [111,112].
Nicholson et al. ont montré que l’utilisation de mannitol avant
le clampage lors d’une cure chirurgicale d’unAAA, réduisait
les lésions rénales glomérulaires et tubulaires [111]. Les
actions protectrices potentielles du mannitol incluent la diu-
rèse osmotique, la diminution des résistances rénovasculai-
res qui améliorent le flux sanguin cortical et médullaire, l’effet
antiradical libre et l’augmentation du taux de filtration glo-
mérulaire pendant l’hypoperfusion rénale [113].
La plupart des travaux montrent que l’optimisation hémo-
dynamique notamment de la volémie, est la plus efficace des
stratégies pour prévenir l’IRA après chirurgie pour AAA. En
préopératoire immédiat, les patients ont souvent une volémie
diminuée par le jeûne et la préparation colique. Le degré
d’insuffisance rénale préopératoire [109], l’étendue de la
reconstruction aortique, la durée du clampage et la sévérité
de l’athérosclérose artérielle rénale sont les facteurs de ris-
que principaux du développement d’une insuffisance rénale
postopératoire.
4. Analgésie postopératoire
La chirurgie ouverte de l’aorte abdominale est une chirur-
gie sus- et sous-ombilicale. À ce titre, cette chirurgie s’accom-
pagne de douleurs postopératoires sévères. Les douleurs au
repos sont en effet évaluées par le patient entre 6 et 7/10 à
l’aide d’une échelle visuelle analogique (EVA). Les doses de
morphiniques délivrées à la demande sont importantes après
une chirurgie de l’aorte, avec des consommations moyennes
en morphine de 120 mg pendant les 48 premières heures [114].
Malgré ces fortes doses, les douleurs sont ressenties par les
patients comme ayant une intensité moyenne à sévère notam-
ment lors des mouvements [114]. Même si les techniques
d’analgésie postopératoire permettent de soulager suffisam-
ment la douleur postopératoire, elles ne présentent pas les
mêmes effets secondaires ou « collatéraux » sur les différents
organes comme le poumon, le cœur ou l’appareil digestif.
Ceux-ci ont ainsi guidé le choix des techniques d’analgésie
postopératoire après chirurgie de l’aorte pendant de nombreu-
ses années. Cependant, l’application de la médecine fondée
sur les preuves (evidence based medicine) [115,116] et les
nouvelles approches de la prise en charge postopératoire des
patients opérés d’une chirurgie vasculaire [32] ont permis de
mieux situer la place des différentes techniques d’analgésie
postopératoire après la chirurgie de l’aorte.
4.1. Analgésie intraveineuse
L’une des techniques de référence pour l’analgésie après
chirurgie de l’aorte abdominale est l’administration intravei-
neuse de morphine sur un mode autocontrôlé par le patient
(PCA) [114,115]. Son utilisation fréquente se justifie par sa
facilité de mise en place, sa simplicité d’utilisation et son fai-
ble coût global (en matériel et en moyen humain). Elle per-
met, de plus, de répondre en grande partie à la variabilité dans
le temps de la douleur postopératoire mais aussi à la variabi-
lité interindividuelle de la sensation douloureuse. L’analgé-
sie au repos est ainsi satisfaisante. Cela est souvent objectivé
par les scores de douleur inférieurs à 3/10 avec la PCA dans
les études sur la chirurgie de l’aorte [114,115]. En consé-
quence, cette technique est souvent bien acceptée par les
patients avec des taux de satisfaction voisins de 90 %
[117,118]. Cependant, la PCA souffre de plusieurs limita-
tions. Son efficacité, évaluée par l’EVA, est inférieure aux
techniques d’analgésie périmédullaire [119]. Elle s’accom-
pagne fréquemment d’effets indésirables à type de nausées–
vomissements, de sédation, de dépression respiratoire, de pru-
rit, d’iléus et de rétention d’urine. Ces complications peuvent
alors interférer avec les suites postopératoires. Les nausées–
vomissements associés à une sédation, tout comme la pré-
sence prolongée d’une sonde d’aspiration nasogastrique en
raison d’un iléus postopératoire, peuvent augmenter l’inci-
166 E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
dence des complications postopératoires [120]. De plus,
l’administration de morphine par voie systémique après une
chirurgie sus-mésocolique peut être associée à une altération
de la fonction respiratoire en postopératoire plus importante
qu’une analgésie péridurale. La PCA reste une technique sim-
ple, efficace mais comportant rapidement des limites lors
d’une chirurgie majeure ou se compliquant dans la période
postopératoire.
Les antalgiques non morphiniques sont souvent utilisés
après la chirurgie de l’aorte abdominale dans le but de dimi-
nuer la consommation de morphine et leurs effets secondai-
res, supposés dose dépendante. De plus, l’analgésie est poten-
tiellement renforcée grâce à l’action sur les différentes voies
et composantes de la douleur [121]. L’association paracéta-
mol–morphinique, fréquemment utilisée en pratique clini-
que, ne permet qu’une réduction modeste de la consomma-
tion des morphiniques (25 à 46 %) sans amélioration des
scores de douleur, ni de l’incidence des effets secondaires
des morphiniques [122–125]. De plus, l’intéressante syner-
gie de l’association AINS–morphine [126,127] notamment
pour améliorer l’analgésie au mouvement, présente quelques
limites chez les patients opérés pour AAA. Les AINS restent
classiquement à utiliser avec précaution chez les patients aux
antécédents de lésion gastroduodénale–pathologie que l’on
rencontre fréquemment chez les patients opérés de l’aorte.
De plus, les facteurs de risque favorisant l’altération de la
fonction rénale sousAINS, comme l’insuffisance rénale chro-
nique, l’insuffisance cardiaque, l’athérome rénal, sont fré-
quemment retrouvés chez les malades opérés d’un AAA.
D’autres molécules comme le néfopam, le tramadol ou la kéta-
mine peuvent aussi être utilisées dans ce concept d’analgésie
balancée. Les données sur ces molécules prescrites avec une
PCA, après une chirurgie majeure, sont actuellement peu
importantes. Leur effet d’épargne morphinique ne semble pas
s’accompagner d’une diminution des effets secondaires des
morphiniques. De plus, ils présentent des effets indésirables
similaires à type de nausées–vomissements accompagnés,
pour le néfopam, de sueurs et de tachycardie. Enfin, la cloni-
dine administrée en intraveineux peut présenter un intérêt dans
le cadre d’une analgésie balancée après la chirurgie de l’aorte,
notamment chez les patients ayant une contre-indication aux
bêtabloquants. En plus de son effet épargne morphinique
[128], la clonidine pourrait diminuer les complications car-
diaques périopératoires [55,56].
4.2. Analgésie péridurale en chirurgie aortique
L’utilisation combinée d’une anesthésie générale asso-
ciée à une analgésie péridurale pour la chirurgie aortique a
reposé sur un ensemble de travaux démontrant que l’anesthé-
sie péridurale thoracique peut bloquer la réponse neuroendo-
crinienne au stress chirurgical. Ces travaux ont été ensuite
étayés par plusieurs études ayant montré le bénéfice potentiel
de l’anesthésie péridurale thoracique en présence d’une car-
diopathie ischémique, qu’il s’agisse de modèles expérimen-
taux ou d’études cliniques. En effet, de nombreuses études
ont montré que l’anesthésie péridurale thoracique exerce un
effet protecteur sur l’ischémie myocardique liée au blocage
sympathique [129–132]. Cette technique s’est ainsi présen-
tée comme l’une des techniques de choix pour assurer l’anal-
gésie après chirurgie de l’aorte à la fin des années 1980. Par
ailleurs, l’injection d’anesthésiques locaux dans l’espace épi-
dural en peropératoire avait l’avantage de réduire la consom-
mation d’agents anesthésiques hypnotiques et analgésiques
et de ce fait de raccourcir la durée d’anesthésie et de ventila-
tion postopératoire. Enfin, plusieurs études se sont attachées
à démontrer que l’anesthésie péridurale thoracique pouvait
diminuer la survenue de complications postopératoires après
chirurgie majeure chez les patients à risque, notamment ceux
opérés d’une chirurgie aortique. Malgré un certain nombre
de données positives, l’utilisation combinée d’une anesthésie
générale et d’une anesthésie péridurale est quelque peu tom-
bée en désuétude au cours des années 1990. Plusieurs raisons
peuvent expliquer cet état de fait : la complexité relative de la
procédure, les modifications de la pratique de l’anesthésie
générale, les interférences avec les traitements anticoagu-
lants et AAP utilisés en périopératoire, l’utilisation concur-
rentielle d’autres agents thérapeutiques ayant les mêmes
objectifs (ex : prévention de l’ischémie myocardique) tels que
la clonidine [55] ou surtout les bêtabloquants [48] et l’absence
de preuve formelle de l’efficacité de l’anesthésie et de l’anal-
gésie péridurale dans la prévention des complications cardia-
ques postopératoires [119,133,134]. Cependant, l’analgésie
péridurale semble avoir une place particulière après chirur-
gie de l’aorte [133,135].
4.2.1. Prévention de l’ischémie myocardique
et des complications cardiovasculaires per-
et postopératoires par l’analgésie péridurale
Plusieurs équipes ont tenté d’évaluer si l’anesthésie péri-
durale thoracique combinée à l’anesthésie générale pouvait
réduire l’incidence de l’ischémie myocardique. Les résultats
sont contradictoires mais la majorité des études conclue à
l’absence d’effet significatif de l’anesthésie péridurale
[114,136–138]. Une méta-analyse incluant des études allant
des années 1980 à 2000 note cependant que la pose du cathé-
ter à l’étage thoracique diminue le risque de complications
cardiaques [134]. En ce qui concerne la morbidité postopé-
ratoire et plus spécifiquement la morbidité cardiovasculaire,
le travail le plus cité est aussi celui qui a fait l’objet des plus
vives critiques [139] Par la suite, plusieurs groupes d’inves-
tigateurs ont repris le même objectif après chirurgie aortique
sans parvenir au même résultat (Tableau 3) [115,140–143].
Finalement, deux larges études multicentriques ont comparé
de manière randomisée une analgésie postopératoire par péri-
durale ou par morphine administrée en PCA [119,133].
L’inclusion concernait les patients considérés comme à ris-
que de complications postopératoires et devant être opérés
d’une chirurgie majeure (chirurgie abdominale ou vasculaire
pour la majorité des patients). Chez les patients opérés de
l’aorte, une seule a mis en évidence une diminution des com-
plications cardiaques (Tableau 3). Les patients soumis à une
167E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
chirurgie de l’aorte abdominale ont constitué souvent un
modèle privilégié pour ce type d’étude, du fait de la forte
prévalence de la maladie coronaire et du type de chirurgie à
la fois stéréotypée et relativement « lourde ». En outre, des
traitements plus simples à manier, comme les bêtabloquants,
ont fait la preuve de leur efficacité de façon très convain-
cante, tandis que le doute persistait quant à celle de l’anes-
thésie péridurale [47,48,144].
4.2.2. L’analgésie péridurale permet de prévenir
les complications pulmonaires
La chirurgie sus-ombilicale et sous-costale altère la fonc-
tion respiratoire en postopératoire. Elle est essentiellement
responsable d’une baisse de la capacité résiduelle fonction-
nelle et d’une altération de la dynamique diaphragmatique
responsables d’atélectasies [145–147]. L’analgésie péridu-
rale n’a que peu d’effets directs sur l’altération postopéra-
toire de la fonction pulmonaire [148,149]. Cependant, plu-
sieurs études suggèrent que l’analgésie postopératoire à l’aide
d’un cathéter péridural permette de diminuer l’incidence des
complications respiratoires postopératoires probablement
grâce à l’excellente analgésie qu’elle procure lors des mou-
vements [119,150]. Une méta-analyse a confirmé que l’anal-
gésie péridurale diminue de plus de 50 % les atélectasies et
les infections pulmonaires postopératoires [150]. En chirur-
gie de l’aorte, la plupart des études randomisées ne montrent
pas de différence. Cependant, les deux études les plus récen-
tes incluant des patients ayant à la fois des facteurs de comor-
bidité sévère en préopératoire et opérés d’une chirurgie aor-
tique montrent une diminution significative des complications
respiratoires dans le groupe péridural (Tableau 3) [133,135].
L’analgésie péridurale thoracique a ainsi toute sa place dans
la chirurgie aortique chez des patients à haut risque de com-
plications respiratoires.
4.2.3. Obstacles à l’utilisation des techniques d’analgésie
périmédullaire en périopératoire d’une chirurgie
de l’aorte
Un des éléments qui conduit de plus en plus à l’abandon
de l’anesthésie péridurale thoracique est la crainte de la sur-
venue d’hématome périmédullaire lié à l’administration
conjointe d’un anticoagulant. Bien que cette complication soit
extrêmement rare (moins de 1/100 000), les conséquences en
sont suffisamment sérieuses pour inviter à la prudence. Parmi
les facteurs de risque de survenue d’un hématome épidural,
l’analyse des cas publiés permet de retenir, en plus de l’utili-
sation des anticoagulants : une ponction répétée et/ou trau-
matique et la présence d’un cathéter [151]. Ces éléments peu-
vent être réunis lors de la réalisation d’une technique
péridurale thoracique qui est plus difficile à réaliser (notam-
ment dans la région thoracique basse) qu’au niveau lom-
baire. Le risque estimé à partir des données de pharmacovi-
gilance est cependant variable. Il se situe aux environs
1/40 000 avec une rachianesthésie et de 1/3100 avec main-
tien du cathéter péridural postopératoire et anticoagulation
postopératoire. L’association d’AAP et d’anticoagulant
majore le risque d’hématome périmédullaire. La conférence
d’experts sur « agents antiplaquettaires et période périopéra-
toire » organisée par la Sfar en 2001 a conclu que l’aspirine
ne contre-indique pas une ALR-rachidienne au cas par cas
Tableau 3
Effet du type d’analgésie (péridurale vs systémique) sur la morbidité et la mortalité après chirurgie aortique
Auteurs Technique analgésique Décès Complications cardiaques Complications respiratoires
Yeager et al. [139] AG (n = 25) 16 %* 52 %* 32 %
AET AL et/ou M (n = 28) 0 % 14 % 11 %
RR (IC 95 %) 0,1 (0,0–2,9) 0,3 (0,1–0,7) 0,3 (0,1–1,1)
Garnett et al. [136] PCA (n = 51) 3,9 % 21,5 % 19,6 %
AET AL + M (n = 48) 0 % 14,6 % 14,6 %
RR (IC 95 %) 0,1 (0,0–7,2) 0,6 (0,2–2,5) 0,7 (0,2–1,9)
Bois et al. [114] PCA (n = 59) 1,7 % 16,9 % NR
AET AL+M (n = 55) 1,8 % 18,1 % NR
RR (IC 95 %) 1,1 (0,1–12,5) 1,4 (0,7–2,9)
Boylan et al. [138] PCA (n = 21) NR 9,5 % 0 %
AEL (n = 19) NR 15,8 % 10,5 %
RR (IC 95 %) 1,7 (0,3–8,9) 2,2 (0,2–22,5)
Norris et al. [115] PCA (n = 80) 6,6 % 3,9 %† 2,7 %‡
AET AL + M (n = 88) 4,8 % 3,6 %† 1,2 %‡
RR (IC 95 %) 0,7 (0,2–2,5) 0,9 (0,2–4,3) 0,5 (0,1–4,9)
Park et al. [133] PCA (n = 190) 2,6 % 17,9 %* 28,9 %*
AE M seul(n = 184) 2,2 % 9,7 % 12,0 %
RR (IC 95 %) 0,8 (0,2–2,9) 0,5 (0,3–0,9) 0,5 (0,3–0,8)
Peyton et al. [135] PCA (n = 78) 5,1 % 18,0 % 52 %*
AE AL + M(n = 86) 10,5 % 16,3 % 44 %
RR (IC 95 %) 2,0 (0,7–6,0) 1,0 (0,7–1,3) 0,8 (0,6–0,99)
Un tiers des patients de l’étude deYeager et al. sont opérés d’une chirurgie vasculaire majeure.AG = anesthésie générale;AE = anesthésie péridurale thoracique
(T) ou lombaire (L); NR = données non rapportées ; AL= anesthésique local ; M = morphinique ; RR = risque relatif ; IC 95 % = Intervalle de confiance à
95 %. *p < 0,05 ; † infarctus du myocarde ; ‡ pneumopathie.
168 E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
si l’on considère que le bénéfice de l’ALR-rachidienne est
supérieur au très faible risque d’hématome médullaire, à la
condition que le patient n’ait reçu aucun traitement anti-
coagulant avant la ponction.
4.3. Rachianalgésie
La découverte de récepteurs aux opioïdes au niveau de la
corne postérieure de la moelle dans les années 1960 a permis
de développer une nouvelle voie d’administration de la mor-
phine [152]. Cependant, cette technique qui permettait d’obte-
nir une analgésie postopératoire extrêmement efficace ne s’est
pas répandue rapidement à cause de ses effets indésirables
[153,154]. L’intérêt de la rachianalgésie a été récemment
remis au goût du jour par une diminution du risque de dépres-
sion respiratoire de cette technique (diminution des doses de
morphiniques) et un délai d’action court avec une durée
d’action prolongée grâce à l’administration conjuguée en
intrathécal d’un morphinique liposoluble (sufentanil par
exemple) et d’un morphinique hydrosoluble (morphine). Cette
double association permet, après une chirurgie majeure, une
analgésie efficace dès les premières minutes postopératoires
grâce au délai d’action rapide que procure le sufentanil admi-
nistré en intrathécal et prolongée sur environ une vingtaine
d’heures grâce à la longue durée d’action de la morphine ; le
LCR servant de réservoir à morphine. Des doses de 20 à 50 µg
de sufentanil et de 0,2 à 0,5 mg de morphine ont montré leur
efficacité dans les 24 premières heures après une thoracoto-
mie [155,156]. La rachianalgésie avec 1 µg/kg de sufentanil
plus 8 µg/kg de morphine s’est aussi montrée supérieure à la
PCA morphine pour diminuer les scores EVA pour la dou-
leur après chirurgie de l’aorte [157]. Les besoins en morphi-
niques et les scores de douleur sont diminués d’environ 50 à
70 % selon les doses utilisées en intrathécal [155,156]. Elle
peut présenter un intérêt chez les patients atteints de patho-
logie cardiaque dès lors qu’il a été montré qu’une analgésie
puissante peut limiter le risque d’ischémie myocardique [158].
Cependant, l’efficacité de la rachianalgésie–morphine ne dure
le plus souvent qu’au maximum 24 heures et aucune étude
n’a montré son efficacité pour diminuer la morbidité ou la
mortalité postopératoire [157]. Le relais de l’analgésie doit
être pris avec une PCA. Enfin, le risque de dépression respi-
ratoire impose une surveillance pendant les 24 premières heu-
res en unité de soins intensifs ou en salle de réveil. En résumé,
cette technique simple et efficace impose une surveillance
postopératoire en milieu de soins intensifs et sa durée d’action
est inférieure à celle de la douleur postopératoire. Elle pour-
rait s’avérer extrêmement intéressante après une chirurgie de
l’aorte réalisée par minilaparotomie ou par laparoscopie.
4.4. Conclusion
Aucune technique n’est aussi efficace que l’analgésie péri-
durale [119]. L’utilisation de l’analgésie péridurale thoraci-
que ou thoracoabdominale reste donc une proposition théra-
peutique valable lorsque l’on veut assurer une analgésie de
qualité afin de faciliter la réhabilitation après une chirurgie
de l’aorte abdominale [121] ou chez les patients ayant un ris-
que de complications respiratoires élevées. Le débat reste
ouvert pour savoir si, au-delà de l’analgésie, d’autres bénéfi-
ces de la péridurale peuvent être escomptés en termes de durée
d’hospitalisation, de morbidité cardiovasculaire, voire de mor-
talité. La prise en charge efficace de la douleur postopéra-
toire n’est qu’un des éléments de la réhabilitation postopéra-
toire parmi tant d’autres (réalimentation précoce, mobilisation
active précoce, diminution du stress périopératoire avec main-
tien d’une normothermie, d’une normoglycémie et d’une
hémodynamique stable) dont le but final est de diminuer la
durée d’hospitalisation et de permettre une récupération rapide
[159,160].
5. Réanimation postopératoire
5.1. Prévention et traitement des complications
cardiovasculaires
Les complications cardiaques représentent la première
cause de morbidité et de mortalité postopératoire de l’AAA.
L’ischémie myocardique et les événements cardiovasculai-
res surviennent essentiellement pendant la période postopé-
ratoire [37]. La survenue d’une tachycardie ou d’une hyper-
tension secondaire au stress chirurgical, à la douleur, à
l’interruption des agents antihypertenseurs ou l’utilisation de
substances sympathomimétiques en postopératoire, sont
autant de facteurs qui augmentent la demande en oxygène
pendant la période postopératoire. Les patients opérés d’une
chirurgie pour AAA doivent donc être surveillés afin de
rechercher les signes et les symptômes d’une ischémie myo-
cardique tout en sachant que plus de 90 % des épisodes
d’ischémie demeurent asymptomatiques [37]. La surveillance
électrocardiographique et biologique par le dosage biologi-
que de la troponine plasmatique Ic présente un intérêt majeur
pendant la période postopératoire. En effet, la plupart des étu-
des montrent que l’infarctus du myocarde est précédé par des
épisodes d’ischémie myocardique [37,46] ou une élévation
faible de la troponine Ic [161,162].
La survenue d’un infarctus du myocarde ou d’une isché-
mie en postopératoire d’une chirurgie majeure, représente un
facteur de mauvais pronostic de survie à court et à moyen
terme, voire à long terme. De plus, la surveillance de 115 pa-
tients opérés (38 % de chirurgie pour AAA) en chirurgie vas-
culaire a montré que la survenue d’un IdM en postopératoire
était un facteur de risque indépendant de surmortalité à un an
[163]. De même, il a été montré que l’augmentation de la
troponine (> 1,5 ng/ml) en période postopératoire d’une chi-
rurgie vasculaire était associée à une diminution de la survie
à six mois [164]. Finalement, des auteurs ont récemment mon-
tré qu’une augmentation de la troponine, même faible (tro-
ponine Ic > 0,6 ng/ml), était un facteur associé à une augmen-
tation de la mortalité à cinq ans [165]. Ces résultats sur la
valeur péjorative à moyen et à long terme d’une augmenta-
169E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
tion minime de la troponine en période périopératoire ont été
confirmés par d’autres auteurs [166,167].
La période postopératoire est caractérisée par un état
d’hypercoagulabilité. L’acte chirurgical crée ainsi une sus-
ceptibilité accrue à la thrombose. Les facteurs de la coagula-
tion sont augmentés et, plus particulièrement le fibrinogène
[168]. À cela, s’associe une diminution de la fibrinolyse due
à l’augmentation plasmatique des inhibiteurs physiologiques
de la fibrinolyse (PAI-1) [168]. La fonction plaquettaire est
aussi perturbée pendant la phase périopératoire. En chirurgie
aortique, il a ainsi été observé une augmentation significative
de l’agrégabilité plaquettaire à l’ADP au cours des 48 pre-
mières heures postopératoires associées une augmentation du
nombre absolu de plaquettes, maximale au septième jour
[168]. L’expression des glycoprotéines membranaires pla-
quettaires (CD 62 ou P-Sélectine, marqueur d’activation pla-
quettaire ou CD-63) n’est cependant pas augmentée. Pendant
la période postopératoire, les plaquettes paraissent donc être
dans un état d’« instabilité » où le moindre stimulus ou stress
(comme l’ADP ou la mise à nu du sous-endothélium lors
d’une rupture de plaque) peut conduire à une hyperagrégabi-
lité plaquettaire responsable de thrombose. La présence d’une
« instabilité » plaquettaire dès les premières heures postopé-
ratoires est un argument physiopathologique pour maintenir
ou réintroduire précocement les AAP en postopératoire chez
les patients à risque de thrombose artérielle [169]. Cet état
d’hypercoagulabilité postopératoire joue un rôle dans la
genèse des complications myocardiques postopératoires. Plu-
sieurs études autopsiques ont retrouvé la présence d’une rup-
ture de plaque d’athérosclérose ou d’un thrombus intracoro-
naire chez les patients décédés d’un infarctus du myocarde
pendant la période postopératoire [170,171]. De plus, cer-
tains auteurs ont noté que les infarctus postopératoires ne sur-
viennent pas toujours sur des sténoses très serrées, supérieu-
res à 90 % [172,173]. Après chirurgie vasculaire, des IdM
périopératoires peuvent ainsi se localiser dans des zones consi-
dérées comme non ischémiques lors d’un test d’effort [174].
Ces constatations laissent ainsi supposer qu’il existe un ou
plusieurs facteurs périopératoires dynamiques responsables
de la nécrose myocardique. La formation d’un thrombus coro-
naire sur une sténose coronaire d’origine athéromateuse puis
son augmentation de taille jusqu’à devenir sub- voire occlu-
sif peut participer à la constitution de l’ischémie périopéra-
toire [170,171].
Tous ces éléments concourent à souligner l’importance du
traitement médical pour prévenir les complications cardia-
ques postopératoires. Des auteurs ont ainsi montré que la pres-
cription d’un bêtabloquant dans le cadre d’études randomi-
sées en double insu améliorait le pronostic des patients
[48,50]. Un traitement par bêtabloquant institué en préopéra-
toire pour diminuer le risque cardiaque doit être continué pen-
dant toute la période postopératoire. L’absorption orale de
l’aténolol est diminuée après une chirurgie abdominale [175].
Son efficacité peut ainsi être diminuée et une prescription
intraveineuse à la place de la prise orale doit être envisagée si
les objectifs de fréquence cardiaque (FC ≤ 80 b/min) ne sont
pas atteints pendant la période postopératoire. En cas d’arrêt
préopératoire des AAP, leur reprise doit être la plus précoce.
En cas de constitution d’un infarctus du myocarde après une
chirurgie pour AAA, la réalisation d’une coronarographie
voire d’une angioplastie dépendra essentiellement du risque
hémorragique du patient. En effet, les gestes de revasculari-
sation myocardique par voie transcutanée nécessitent l’asso-
ciation de deux voire trois AAP (aspirine, thiénopyridines,
anti-GPIIbIIIa) [176].
5.2. Complications respiratoires postopératoires
La chirurgie de l’AAA est une des chirurgies qui s’accom-
pagnent le plus de complications respiratoires en postopéra-
toire. En effet, l’incidence des complications respiratoires
majeures (bronchopneumopathie postopératoire, réintuba-
tion, ventilation prolongée) s’élève jusqu’à 30 % dans certai-
nes séries [133,177,178]. Les pneumopathies postopératoi-
res ont une mortalité entre 30 et 40 % [78]. La localisation du
site chirurgical est, avec l’âge supérieur à 80 ans, un des fac-
teurs de risque ayant le poids le plus important dans la genèse
des complications pulmonaires postopératoires [76]. L’inci-
dence des complications respiratoires semble différente lors
d’un traitement d’unAAA par endoprothèse même si aucune
étude prospective et randomisée n’est actuellement publiée
sur le risque respiratoire [179]. L’utilisation de curares de
durée d’action prolongée associée à la présence d’une cura-
risation résiduelle sont, en revanche, des facteurs de risque
identifiés comme associés aux complications pulmonaires
postopératoires [180]. L’analgésie est un des facteurs sur
lequel il est possible d’agir dans le but de prévenir les com-
plications respiratoires (Tableau 3). La réalisation d’une anal-
gésie péridurale doit s’intégrer dans un véritable programme
de réhabilitation postopératoire d’autant plus que la kinési-
thérapie respiratoire (spirométrie incitative, ventilations dis-
continues en pression positive) permet de diminuer l’inci-
dence des complications respiratoires par deux comme le
suggère une méta-analyse de dix études [181].
5.3. Insuffısance rénale postopératoire
La survenue d’une IRA reste un événement rare avec une
incidence estimée aux environs de 3 % [104,105]. La diurèse
et le chiffre de créatininémie pris individuellement ne per-
mettent pas d’évaluer la fonction rénale en postopératoire.
En effet, pendant la période postopératoire, le chiffre de la
créatininémie n’augmente que lorsque la filtration gloméru-
laire est réduite de plus 75 % [182]. Plusieurs traitements
médicamenteux (diurétiques, dopamine, mannitol) ont été tes-
tés pour prévenir l’IRA postopératoire. Aucun traitement n’a
montré une efficacité réelle. Le maintien d’une normovolé-
mie et d’une normotension reste donc actuellement les mesu-
res les plus importantes en per- et postopératoire pour préve-
nir la survenue d’une IRA.
5.4. Ischémie colique postopératoire
L’ischémie colique est une complication rare mais grave
après une chirurgie pourAAA. En effet, l’incidence de l’isché-
170 E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
mie colique clinique et de 0,5 à 1 % [183]. Cependant, celle-ci
est plus fréquente lors de la réalisation postopératoire de colos-
copie systématique dans des séries prospectives (7 à 35 %)
[184,185]. L’ischémie colique se situe essentiellement au
niveau du côlon gauche. La vascularisation artérielle du côlon
gauche est assurée par l’artère mésentérique inférieure. Le
réseau artériel de l’artère mésentérique est en rapport avec
deux systèmes anastomotiques :
• l’un avec l’artère mésentérique supérieure (arcade de Rio-
lan) ;
• et l’autre avec l’artère rectale supérieure et moyenne qui
naissent des artères iliaques internes (hypogastriques).
L’artère mésentérique inférieure est occluse chez un patient
sur deux, opéré d’un AAA. La vascularisation du côlon gau-
che est alors reprise essentiellement par le système anasto-
motique en rapport avec l’artère mésentérique supérieure. Le
tableau clinique d’une ischémie colique est différent selon
son importance. Les signes cliniques sont peu spécifiques dans
un contexte postopératoire. Les patients présentent une ins-
tabilité hémodynamique, une sensibilité de la fosse iliaque
gauche ou une reprise trop précoce du transit (classique diar-
rhée sanglante « sur table »). On note une acidose métaboli-
que avec hyperlactatémie, une élévation des lacticodéshydro-
génases, des créatines kinases ou de la phosphorémie. Le
moindre doute sur une ischémie colique doit faire réaliser
une colonoscopie. D’autres tableaux cliniques sont décrits
avec présence d’un météorisme abdominal, d’une défense de
la fosse iliaque gauche d’une diarrhée sanglante ou d’un syn-
drome de défaillance multiviscérale. La colonoscopie doit
alors être réalisée en urgence sauf en cas de perforation coli-
que (présence d’un pneumopéritoine). Le diagnostic est le
plus souvent fait dès le début de la colonoscopie car l’isché-
mie touche surtout le côlon sigmoïde et le côlon gauche. On
décrit trois stades endoscopiques [186] :
• stade I : œdème et érythème de la muqueuse ;
• stade II : ulcération de la muqueuse ;
• stade III : nécrose extensive de la muqueuse colique.
La résection colique s’impose lors de la mise en évidence
d’un stade III. Un traitement conservateur est réalisé au stade
I. En cas de stade II, la décision d’une colectomie en urgence
dépend essentiellement de l’état clinique du patient. D’autres
moyens de détection comme la mesure du pH intramuqueux
colique ou du dosage du D-lactacte (isomère dextrogyre du
lactate produit par la fermentation bactérienne) ont été pro-
posés mais restent peu utilisés en pratique [187,188]. La pré-
vention de l’ischémie colique passe par une bonne stabilité
hémodynamique per- et postopératoire, un temps de clam-
page court. La préservation de la vascularisation du côlon
gauche reste la stratégie essentielle pour prévenir l’ischémie
colique postopératoire. La revascularisation peropératoire de
l’artère mésentérique inférieure ne fait pas actuellement
l’objet d’un consensus en sachant que les patients ayant une
artère mésentérique restant perméable sont à plus grand ris-
que d’ischémie colique et sont donc ceux qui pourraient béné-
ficier d’une réimplantation.
6. Traitement endovasculaire des anévrismes de l’aorte
abdominale
Bien que la chirurgie de mise à plat–greffe reste le traite-
ment de référence, l’implantation d’une endoprothèse aorti-
que (EA) abdominale est une technique maintenant établie,
représentant une alternative à la cure chirurgicale des AAA.
Le principe du traitement endovasculaire desAAA consiste
à déployer une prothèse qui s’ancre hermétiquement au-dessus
et en dessous l’anévrisme, excluant le sac anévrismal du flux
sanguin et donc prévenant sa rupture. Pour des raisons ana-
tomiques, moins de 60 % des patients peuvent bénéficier du
traitement endovasculaire ; les anévrismes devant présenter
des caractéristiques particulières et un siège sous-rénal, même
si maintenant la majorité des prothèses sont faites sur mesu-
res.
L’Afssaps a redéfini les recommandations d’utilisation des
EA en 2003 (Tableau 4) [189].
6.1. Comparaison avec la chirurgie ouverte
Les données de la littérature se fondent essentiellement
sur des cohortes de patients dans le cadre d’étude rétrospec-
tive ou prospective. L’étude du groupe EUROSTAR, après
suivi de 1554 patients traités par voie endoluminale a permis
de démontrer un taux de mortalité à 30 jours et un taux de
complications systémiques inférieurs à ceux des patients trai-
tés par voie classique [190]. Cependant, la mortalité et la mor-
bidité postopératoire des patients opérés d’un anévrisme de
l’aorte sans facteurs de risque tendent, au fil des années, à
devenir de plus en plus faible proche des 2–3 % [191]. De
plus, le débat reste ouvert quant au devenir à moyen et à long
terme des patients traités par voie endoluminale. Plusieurs
Tableau 4
Recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits
de santé pour l’utilisation des endoprothèses aortiques lors du traitement
endovasculaire des anévrismes de l’aorte abdominale sous-rénale. L’implan-
tation d’une endoprothèse aortique peut être retenue chez les patients ayant
un risque chirurgical élevé défini par la présence d’un des facteurs [189]
Facteurs de risque
• Aˆ ge supérieur ou égal à 80 ans
• Coronaropathie (antécédent(s) d’infarctus du myocarde ou angor) avec
test fonctionnel positif et lésions coronariennes pour lesquelles un
geste de revascularisation est impossible ou non indiqué
• Insuffisance cardiaque avec manifestations cliniques patentes
• Rétrécissement aortique serré non opérable
• FEVG < 40 %
• Insuffisance respiratoire chronique objectivée par un des critères sui-
vants
C VEMS < 1200 ml/s
C CV < 50 % de la valeur prédite en fonction de l’âge, du sexe et du
poids
C Gazométrie artérielle en l’absence d’oxygène : PaCO2 > 45 mmHg
ou PaO2 < 60 mmHg
C Oxygénothérapie à domicile
• Créatininémie ≥ 200 µmol/l avant l’injection du produit de contraste
• Abdomen « hostile », y compris présence d’une ascite ou autre signe
d’hypertension portale.
171E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
auteurs ont démontré que le traitement endovasculaire est une
thérapie avec un taux de mortalité à 900 jours acceptable chez
les patients octogénaires [192] et/ou ASA IV [193].
Les conséquences hémodynamiques lors de la pose d’une
EA sont bien moins importantes que celles consécutives au
clampage aortique. Chez les patients traités par voie endolu-
minale, il existe un stress myocardique moins important avec
une incidence d’ischémie myocardique plus faible que chez
les patients traités par chirurgie conventionnelle, même si la
morbidité cardiaque globale est comparable dans les deux
groupes [179,194]. De même, les variations endocriniennes
et métaboliques observées lors du stress et les modifications
du profil inflammatoire sont moins importantes lors d’un trai-
tement endovasculaire que lors d’une chirurgie ouverte de
l’AAA [195]. Les complications respiratoires (détresse res-
piratoire, pneumopathie postopératoire) et l’insuffisance
rénale aiguë semblent moins fréquentes lors d’un traitement
chirurgical par EA [179,194]. Les pertes sanguines sont moins
importantes que lors de la chirurgie à ciel ouvert [179,196].
Finalement, la durée du séjour intrahospitalier est moins lon-
gue et le recours aux soins intensifs moins fréquent pour les
patients traités par EA [179,196] ; en revanche, le coût hos-
pitalier est plus important [197], cela étant principalement lié
au coût du dispositif prothétique [198].
Deux essais randomisés et prospectifs ont comparé la mor-
bidité et la mortalité périopératoire (jusqu’au 30e
jour) chez
les patients ASA I à III après chirurgie ouverte ou par voie
EA [199,200]. À partir de ces études ayant inclus plus de
1400 patients au total, il ressort que la chirurgie par voie endo-
vasculaire diminue de plus de 50 % la mortalité périopéra-
toire et les complications respiratoires. La mise en place d’une
endoprothèse permet aussi de diminuer le temps opératoire,
les besoins transfusionnels, le nombre de patients transfusés
et la durée d’hospitalisation (six vs sept jours) [200]. Il fau-
dra cependant attendre les résultats à long terme des études
randomisées (évaluation du risque de rupture avec le traite-
ment endovasculaire, réintervention pour endofuite) pour fina-
lement savoir si le traitement endovasculaire de l’AAA peut
réellement remplacer la chirurgie conventionnelle [195].
6.2. Complications aiguës
Bien que le traitement endovasculaire soit une technique
moins invasive que la chirurgie conventionnelle, il existe tou-
tefois des complications aiguës, notamment au niveau de la
région abordée, pouvant menacer le pronostic vital :
• migration ou mauvais positionnement de la prothèse avec
comme conséquences potentielles une occlusion d’un vais-
seau ou d’une exclusion incomplète de l’anévrisme ;
• embolie distale d’une plaque athéromateuse ou d’un throm-
bus ;
• lésions des vaisseaux iliofémoraux (dissection, isché-
mie) ;
• réaction indésirable au produit de contraste ;
• et rupture de l’aorte.
Une conversion pour une chirurgie ouverte survient dans
2,9 % des cas ; après la « période d’apprentissage » (les 30 pre-
mières procédures), les causes sont essentiellement la rup-
ture anévrismale et les endofuites. Les facteurs de risques
sont l’âge avancé du patient, un poids corporel bas, une bron-
chopneumopathie chronique obstructive et les collets anévris-
maux trop larges ou trop étroits [201]. Le taux de mortalité
est élevé après conversion (supérieur à 20 %). Cependant, les
patients les plus âgés et les patients atteints d’une BPCO sem-
blent ceux qui bénéficient le plus du traitement d’un AAA
par EA [194].
6.3. Complications tardives
Les complications tardives sont principalement représen-
tées par les endofuites qui correspondent à la persistance ou à
la réapparition d’un flux sanguin anévrismal, exposant de nou-
veau le patient à un risque de rupture. Leur incidence est de
plus de 15 % à la fin de l’intervention et environ de 9 % à six
mois comparativement à 0 % après chirurgie ouverte [202].
Elles imposent un suivi régulier, rigoureux et prolongé par
TDM injecté. Un syndrome « post-implantation » a égale-
ment été décrit chez plus de la moitié des patients ; il s’agit
d’un syndrome inflammatoire survenant dans les suites immé-
diates de la cure anévrismale. Il associe une fièvre, une
hyperleucocytose et une élévation du taux de la protéine
C-réactive pendant quatre à dix jours.
6.4. Prise en charge anesthésique
Du fait de l’existence de toutes ces complications, l’équipe
anesthésique doit être rapidement capable de pouvoir réali-
ser un remplissage massif pour traiter une hémorragie aiguë ;
la prise en charge anesthésique nécessite la pose d’une voie
veineuse de bon calibre, un accès facile aux systèmes de rem-
plissage rapide et d’autotransfusion peropératoire voire une
mesure invasive de la pression artérielle et un monitorage de
la pression veineuse centrale afin de détecter précocement
les modifications de précharge. Cependant, l’expérience gran-
dissante, à la fois des équipes anesthésiques et chirurgicales,
conduit à un monitorage de moins en moins invasif des
patients. La pose d’une sonde urinaire permet de recueillir la
diurèse et d’éviter la constitution d’un globe vésical. Des
agents inotropes et vasoactifs doivent être disponibles rapi-
dement ainsi que des culots globulaires. La mise en place
d’un cathéter artériel pulmonaire ou d’un autre monitorage
de la fonction cardiaque et de la volémie (doppler œsopha-
gien, par exemple) se discute au cas par cas en fonction de la
gravité de l’atteinte cardiopulmonaire. La technique anesthé-
sique la plus souvent employée en Europe est l’anesthésie
générale pour des raisons de facilité de stratégie lorsqu’une
conversion chirurgicale est nécessaire. Toutefois, une méta-
analyse récente démontre que l’anesthésie générale par rapport
à l’anesthésie locorégionale (ALR) est un facteur de risque
de complications périopératoires [203] et avec l’expérience
croissante des intervenants, il est de plus en plus fréquent que
la pose d’EA se fasse sous ALR, (anesthésie péridurale, péri-
rachianesthésie combinée ou rachianesthésie continue dans
172 E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
le but de titrer l’administration des substances anesthési-
ques) voire sous anesthésie locale en cas d’abord unique-
ment de l’artère fémorale [204]. Un niveau à T10 est suffi-
sant pour réaliser une endoprothèse aortique sous anesthésie
périmédullaire. Dans ce cas, le retentissement hémodynami-
que de l’ALR est minime. De plus, il semble que l’emploi
d’une technique d’ALR permette de diminuer la durée de
l’hospitalisation [205] mais moins qu’une anesthésie locale.
De plus, sous anesthésie locale, le recours aux substances
vasoactives et aux soins intensifs après l’intervention est
moins fréquent [206]. Cependant, il n’existe pas de preuve
formelle qui permette de dire que l’ALR est différente de
l’anesthésie générale en termes de morbimortalité [206,207].
Du fait de l’habituelle longueur de la procédure, la nécessité
d’une anesthésie modulable conduit à éviter la réalisation
d’une rachianesthésie seule et lorsqu’une anesthésie locale
ou ALR est envisagée, l’adjonction d’une sédation permet
d’augmenter la compliance du patient. Parfois, afin de per-
mettre la mise en place minutieuse de l’EA, il est nécessaire
de diminuer le flux sanguin intra-aortique en provoquant une
hypotension (PAM ≤ 60 mmHg) ou une bradycardie majeure
(esmolol ou adénosine). Dans le cas d’anévrismes sous-
rénaux, cette hypotension est rarement nécessaire. Une courte
hypotension contrôlée suffit dans la majorité des cas, obte-
nue par un approfondissement de l’anesthésie (bolus intra-
veineux de propofol, augmentation des doses d’agents anes-
thésiques halogénés, injection d’un vasodilatateur de courte
durée d’action ou injection péridurale d’un bolus de xylo-
caïne). Le traitement endovasculaire implique la réalisation
d’artériographies itératives avec injection de produit de
contraste, attestant du positionnement exact de l’EA et de
l’exclusion du sac anévrismal. Une hydratation optimale per-
et postopératoire associée à l’administration de N-acétyl-
cystéïne tendent à éviter la survenue des dysfonctions réna-
les dues aux produits de contraste [208]. Cette stratégie peut
être extrêmement importante car les patients ayant une dys-
fonction rénale préopératoire semblent bénéficier spécifique-
ment du traitement par EA [194].
7. Conclusion
L’anesthésie et la réanimation des patients opérés pour un
AAA nécessitent une véritable approche multidisciplinaire
du fait des nombreuses complications associées mais aussi
des nombreuses pathologies touchant les futurs opérés. L’éva-
luation cardiaque du patient préopératoire a récemment été
clarifiée avec les recommandations nord-américaines en vue
d’une chirurgie majeure voire même simplifiée avec l’intro-
duction préopératoire des bêtabloquants et la démonstration
de l’efficacité de l’approche médicamenteuse pour diminuer
les complications cardiaques. Finalement, la technique chi-
rurgicale de la cure d’AAA est elle-même en évolution : le
traitement endovasculaire représente un acte chirurgical de
plus en plus pratiqué pour la correction des AAA sous-
rénaux. Cette approche a complètement révolutionné la prise
en charge hospitalière des patients. Des études randomisées
européennes et nord-américaines permettront de connaître la
place véritable de ces nouvelles techniques dans les prochai-
nes années chez les patients ayant un risque périopératoire
faible et élevé. De plus, les abords chirurgicaux deviennent
aussi de moins en moins invasifs avec l’introduction des tech-
niques de minilaparotomie ou de cœlioscopie. Dans ce
contexte, une politique de réhabilitation périopératoire peut
y être associée dans l’espoir de diminuer la durée d’hospita-
lisation et l’incidence des complications postopératoires.
Références
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173E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
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  • 1. Revue générale Anesthésie et réanimation pour chirurgie réglée de l’anévrisme de l’aorte abdominale Anaesthesia and critical care for scheduled infrarenal abdominal aortic aneurysm surgery E. Marret *, N. Lembert, F. Bonnet Département d’anesthésie–réanimation, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France Reçu le 19 avril 2005 ; accepté le 31 août 2005 Disponible sur internet le 02 novembre 2005 Résumé Objectif. – Les patients programmés pour une chirurgie de l’anévrisme de l’aorte abdominale sous-rénale présentent un risque élevé de comorbidité cardiaque et respiratoire. Résumer la prise en charge anesthésique de ces patients. Méthodes. – Revue de la littérature croisant les termes anévrisme de l’aorte abdominale, anesthésie, analgésie, réanimation et/ou chirurgie dans la base de données Medline. Résultats. – L’évaluation préopératoire cardiaque et sa stratégie ont fait récemment l’objet de recommandations. Les patients avec un risque cardiaque intermédiaire ou élevé doivent bénéficier d’un test d’effort cardiaque avant l’intervention pour décider entre une stratégie préopératoire médicamenteuse (bêtabloquant ± statine et aspirine) ou une stratégie interventionnelle (angioplastie coronarienne ou chirurgie cardiaque). Une ischémie myocardique périopératoire doit être recherchée chez ces patients par un monitorage clinique, électrocardiographi- que et biologique (dosage de la troponine Ic). Le risque de décompensation respiratoire peut aussi être évalué à l’aide d’un score réalisé en préopératoire. L’analgésie péridurale permet de diminuer le risque des complications respiratoires. Aucun traitement pharmacologique n’a montré son efficacité pour diminuer l’incidence de l’insuffisance rénale après chirurgie de l’aorte. Le traitement par mise en place d’une endoprothèse aortique est actuellement recommandé chez seulement les patients âgés, les patients à haut risque chirurgical ou les patients avec un abdomen multi-opéré. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Objectives. – Patient scheduled for infrarenal abdominal aortic aneurysm surgery carries a high risk of cardiac or respiratory comorbidity. To outline the perioperative management for these patients. Methods. – Review of the literature using MesH Terms “abdominal aortic aneurysm”, “anesthesia”, “analgesia” “critical care” and/or “surgery” in Medline database. Results. – Cardiac preoperative evaluation and management have recently been reviewed. Intermediate and high-risk patients should undergo non-invasive cardiac testing to decide between a preoperative medical strategy (using betablocker ± statin and aspirin) and an inter- ventional strategy (coronary angioplasty or cardiac surgery). Perioperative myocardial ischaemia should also be investigated by clinical, electrocardiographic and biologic monitoring such as plasmatic troponin Ic dosage. Specific score could also assess the respiratory failure risk preoperatively. Epidural analgesia decreases this risk. There is no evidence that a pharmacological treatment decreases the incidence of acute renal failure after aortic surgery. Endovascular repair is actually recommended for older, higher-risk patients or patients with a hostile abdo- men or other technical factors that may complicate standard open repair. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : emmanuel.marret@tnn.ap-hop-paris.fr (E. Marret). Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179 http://france.elsevier.com/direct/ANNFAR/ 0750-7658/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annfar.2005.08.023
  • 2. Mots clés : Anesthesie ; Analgésie ; Réanimation ; Anévrisme ; Aorte abdominale ; Chirurgie Keywords: Anaesthesia; Analgesia; Critical care; Infrarenal abdominal aortic aneurysm; Surgery 1. Introduction L’anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) devient actuel- lement une maladie de plus en plus fréquente. La maladie anévrismale de l’aorte est le plus souvent la conséquence d’un processus dégénératif chronique de la paroi artérielle ; sa pré- valence augmente donc avec l’âge et avec le vieillissement de la population. Cinq à 10 % des sujets âgés de plus de 65 ans sont ainsi atteints par un AAA [1–4]. Les anévrismes aug- mentent de taille lentement jusqu’à un diamètre critique où l’évolution prend alors une allure exponentielle. La maladie anévrismale reste cependant, bien souvent asymptomatique jusqu’à la rupture. Le risque de rupture augmente avec le dia- mètre de l’AAA [5]. La mortalité périopératoire des AAA rompus peut atteindre jusqu’à 60 % des patients ce qui justi- fie une chirurgie réglée de l’AAA dès que le diamètre est supérieur à 50 mm. La mortalité périopératoire d’une chirur- gie à froid se situe aux environs de 5 % mais reste supérieure à 2 % même dans les centres les plus expérimentés ou dans les études les plus récentes. Cependant, des chiffres de mor- talité supérieurs à 5 % sont observés dans les centres effec- tuant moins de 50 interventions réglées de l’AAA par an et/ou avec des chirurgiens opérant annuellement un faible nombre d’AAA [6]. Les facteurs de risque identifiés de la maladie anévrismale sont ceux des maladies cardiovasculaires ou plus précisément l’âge, le sexe masculin, le tabagisme, l’hyperten- sion, l’hypercholestérolémie et les antécédents familiaux d’anévrismes [1–4,7,8]. La prévalence de l’insuffisance coro- naire sévère chez les malades opérés d’un AAA s’élève alors à plus de 30 % [9–11]. La présence de lésions athéromateu- ses souvent diffuses justifie ainsi une prise en charge particu- lière de ces patients aussi bien avant l’acte d’anesthésie qu’après la cure d’un AAA. 2. Préparation du patient à l’intervention : stratégie préopératoire Les patients opérés d’une chirurgie de l’AAA nécessitent une approche multidisciplinaire du fait des nombreuses patho- logies associées à la maladie anévrismale de l’aorte. 2.1. Évaluation cardiaque L’évaluation cardiaque préopératoire est une étape fonda- mentale pour les patients opérés d’une chirurgie pour AAA. La prévention du risque cardiaque passe avant tout par l’éva- luation soigneuse de l’état cardiovasculaire du patient au moyen d’index cliniques et d’explorations limitées.Au terme de cette évaluation, le praticien doit décider d’une prépara- tion qui repose généralement sur une optimisation du traite- ment médicamenteux ou sur un traitement médicamenteux préventif spécifique, établi en collaboration avec le chirur- gien et le cardiologue. Le recours à un geste de revasculari- sation devient actuellement de moins en moins fréquent car le bénéfice d’une revascularisation myocardique n’est pas supérieur à celui d’une chirurgie vasculaire réalisée sous bêta- bloquant, aspirine et statine [12]. L’évaluation du risque car- diaque chez les patients programmés pour une chirurgie majeure a fait l’objet de plusieurs synthèses [13,14]. L’incidence élevée des infarctus du myocarde (IdM) pério- pératoires et des décès de cause cardiaque chez les patients de chirurgie vasculaire est attribuée à l’importante préva- lence de la maladie coronarienne [15]. Plus d’un patient sur trois programmé pour une cure chirurgicale d’un AAA pré- sente une coronaropathie sévère [9–11]. Le taux de mortalité après la survenue d’un IdM postopératoire est supérieur à 20 % et le risque de décès après IdM est dix fois plus élevé que le risque de décès après toute autre complication posto- pératoire [15]. Moins de 10 % des patients de chirurgie vas- culaire ont des artères coronaires normales et plus de 50 % ont une insuffisance coronaire sévère [16]. Dans cette popu- lation, la prévalence des complications cardiaques périopéra- toires est de plus de 10 %, celle de l’IdM est selon la littéra- ture d’environ 4 % et la mortalité cardiaque avoisine 2 % [17,18]. 2.1.1. Échelles de risque Des échelles de risque fondées sur des données cliniques et paracliniques simples ont été développées dans le but d’éva- luer rapidement un malade à risque de complications cardia- ques postopératoires. L’échelle de Goldman a été utilisée pen- dant plus de 30 ans pour évaluer le risque cardiaque des patients opérés [19] ; ce score a été établi sur un mélange hétéroclite de critères cliniques et paracliniques et n’a pris en compte qu’une population à faible risque cardiovasculaire [19]. Lee et al. ont récemment proposé une échelle simplifiée pour évaluer le risque cardiaque chez les patients âgés de plus de 50 ans, opérés d’une chirurgie majeure non urgente. Son évaluation s’est fondée sur une population de 4315 patients. Une complication cardiaque majeure (IdM, œdème aigu du poumon, fibrillation ventriculaire ou arrêt cardiaque) est sur- venue chez 2 % des patients. Six facteurs de risque de poids quasi-équivalent, ont été indépendamment associés à une aug- mentation du risque cardiaque : chirurgie à haut risque (chi- rurgie pour AAA, chirurgie thoracique, chirurgie digestive), cardiopathie ischémique, antécédent d’insuffisance cardia- que, antécédent d’accident vasculaire cérébral, traitement par insuline et taux de créatinine plasmatique supérieure à 177 µmol/l ou supérieur à 20 mg/l [20] ; les complications associées à la présence d’un, deux, trois ou plus de trois fac- teurs étaient respectivement de 0,4, 1,9, 7 et 11 %. Finale- 159E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
  • 3. ment, l’American College of Cardiology et l’American Heart Association (ACC/AHA) ont défini trois classes de risques cardiovasculaires (Tableau 1). Les patients présentant des cri- tères cliniques intermédiaires doivent bénéficier d’une éva- luation cardiaque. Quant aux malades présentant des critères majeurs, la prise en charge cardiologique de ces symptômes prime sur l’indication opératoire de l’AAA. L’évaluation cli- nique de ces patients est un temps fondamental de l’évalua- tion préopératoire car il va guider la réalisation ou non d’exa- mens complémentaires (Fig. 1). 2.1.2. Tests non invasifs Plusieurs tests non invasifs cardiaques ont été évalués dans le but de stratifier les patients à risque et de diminuer leur risque par une thérapeutique ciblée. L’épreuve d’effort (EE) a été validée pour dépister une insuffisance coronarienne avec un faible coût dans une population donnée. Toutefois, une proportion non négligeable de patients n’atteint pas les fré- quences cardiaques maximales qui autorisent le diagnostic de l’ischémie myocardique [21]. De plus, certaines patholo- gies de l’appareil locomoteur ainsi que les artériopathies obli- térantes des membres inférieurs ne permettent pas la réalisa- tion de cet examen. La négativité d’une EE à au moins 85 % de la fréquence maximale théorique détermine une popula- tion avec un moindre risque cardiovasculaire [22] mais son degré reste d’évaluation difficile ; un travail a montré que les patients ayant une EE positive présentaient un risque cardio- vasculaire cinq fois plus important mais cela n’a pas été confirmé par d’autres études plus larges, tout cela conférant une faible valeur prédictive positive pour ce test [23,24]. La scintigraphie au thallium–dipyridamole (TD) permet d’étudier l’ischémie myocardique et la viabilité du myocarde sous-jacent. La valeur de cet examen pour évaluer le risque peropératoire du malade de chirurgie vasculaire reste très débattue [25]. Lorsqu’elle est corrélée à certains facteurs cli- niques (âge avancé, diabète, angor, ESV, ondes Q de nécrose sur l’ECG), son intérêt est grandement rehaussé [26]. L’enregistrement ambulatoire du segment ST (holter) per- met de détecter la présence d’une ischémie myocardique en préopératoire avec un coût trois fois moins élevé. Cet exa- men a une prédictibilité d’autant meilleure qu’il est réalisé chez les patients présélectionnés. Il permet la détection d’ischémies silencieuses qui sont de façon générale, de mau- vais pronostic. Différentes études ont montré que cet examen est hautement spécifique et également très sensible chez les patients de chirurgie vasculaire [27–31]. Toutefois, il n’est pas réalisable chez tous les patients (50 %) comme ceux ayant des anomalies de l’ECG de repos (bloc de branche gauche complet, pacemaker, imprégnation digitalique) et contraire- ment à la scintigraphie au TD, le degré d’ischémie n’est pas quantifiable. Cet examen est ainsi très rarement utilisé en pra- tique courante en France. L’échocardiographie de stress à la dobutamine détecte des troubles de la cinétique des parois, induits par une ischémie myocardique provoquée par un stress pharmacologique (dobu- tamine et atropine). Pour l’évaluation préopératoire des patients de chirurgie vasculaire, l’échocardiographie de stress à la dobutamine a une sensibilité proche de 85 % (intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] : 75–97 %) et une spécificité de 70 % [IC 95 % : 62–79 %] pour prédire la morbidité car- diaque périopératoire [31]. De plus, dans une cohorte de plus de 1000 patients opérés d’une chirurgie vasculaire majeure, Tableau 1 Critères cliniques évaluant le risque lié au patient selon les recommanda- tions nord-américaines de l’ACC/AHA [14] Critères cliniques Majeurs • Syndromes coronariens instables (IdM récent ou angor instable) • Insuffisance cardiaque décompensée • Arythmies significatives (BAV de haut grade, arythmies ventriculaires symptomatiques et arythmies supraventriculaires sans contrôle ventricu- laire) • Pathologie valvulaire sévère Intermédiaires • Angor stable • Antécédent d’IdM • Insuffisance cardiaque compensée • Diabète • Insuffisance rénale Mineurs • Aˆ ge avancé • Anomalies ECG (HVG, BBG, anomalies du segment ST et de l’onde T) • Rythme non sinusal • Faible capacité fonctionnelle • Antécédent d’AVC • HTA non contrôlée Capacité fonctionnelle < 4 MET Manger, s’habiller, marcher autour de la maison, faire la vaisselle > 4 MET Monter un étage, courir sur une courte distance, marcher sur du plat à 6 km/h, danser, faire un golf. MET : indicateur métabolique équivalent. Fig. 1. Arbre décisionnel pour l’évaluation du risque cardiaque avant une chirurgie pour anévrisme de l’aorte abdominale selon les recommandations de l’ACC/AHA [14] et prise en charge préopératoire. La prescription de bêtabloquants avec un objectif de fréquence cardiaque périopératoire (FC ≤ 80 b/min) est une alternative possible à la revascularisation myocar- dique en cas de test non invasif positif. 160 E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
  • 4. l’apparition d’une cinétique anormale lors de cet examen de stress dans une population ayant des facteurs de risque clini- que de coronaropathie était un facteur de risque indépendant important associée à une augmentation de la morbimortalité postopératoire [32]. L’échocardiographie de stress a la sen- sibilité la plus élevée dans une méta-analyse récente incluant plus de 8000 patients opérés d’une chirurgie vasculaire majeure [31]. Une autre méta-analyse a montré la supériorité de l’échographie de stress à la dobutamine comme facteur prédictif de morbidité cardiaque (RR = 6,2) par rapport à la scintigraphie au TD (RR = 4,6), à la mesure isotopique du ventricule gauche (VG) (RR = 3,7) et à l’ECG ambulatoire (RR = 2,7) [33]. L’échocardiographie de stress a ainsi la valeur prédictive négative la plus élevée (égale à 99 % [IC 95 % : 93–100 %]). Sa valeur prédictive positive n’est que de 13 % (IC95 % = 7–21 %) [18]. La mesure isotopique de la fractionVG procure une mesure précise de la fonction ventriculaire gauche au repos ou à l’effort. Elle est selon certains auteurs, un facteur prédictif indépendant de morbidité cardiaque périopératoire [34]. Cependant, cette technique est moins prédictive que l’écho- cardiographie de stress à la dobutamine et la scintigraphie myocardique pour prévoir les complications cardiaques en chirurgie vasculaire. Au terme de ces examens d’effort non invasifs, le test d’évaluation cardiaque peut être négatif. D’une manière géné- rale, les tests cardiaques non invasifs ont une très bonne valeur prédictive négative du risque de complications cardiovascu- laires. Autrement dit, le risque cardiaque est minime s’ils ne mettent pas en évidence d’ischémie myocardique [35]. Si le test est positif, il faut alors adapter la préparation du patient, avec des modalités différentes en fonction de l’urgence de l’acte opératoire. Ainsi, les tests non invasifs ne deviennent pertinents pour évaluer le risque cardiaque que lorsqu’ils ont été réalisés dans une population à risque intermédiaire et non de manière systématique [14,17,36]. Le choix du test non inva- sif (scintigraphie, échographie de stress, ECG d’effort) repose sur la capacité du patient à réaliser un exercice physique, les ressources techniques locales et les préférences de l’équipe médicale. En chirurgie vasculaire, l’échocardiographie de stress et la scintigraphie au thallium sensibilisée par la per- santine sont les tests non invasifs les plus utilisés. 2.1.3. Stratégie préopératoire La présence d’une ischémie myocardique postopératoire est le facteur de risque le plus important de complications cardiaques [30,37]. La diminution de l’ischémie myocardi- que périopératoire et postopératoire par une stratégie inter- ventionnelle (angioplastie transluminale (ATL) coronarienne ou chirurgie cardiaque) ou médicamenteuse (bêtabloquants ± statine et aspirine) sont deux attitudes actuellement validées chez les patients opérés d’une chirurgie vasculaire [12]. En effet, une étude récente a randomisé, vers soit une revascula- risation myocardique préopératoire, ou vers soit un traite- ment médical seul, des patients opérés d’une chirurgie vas- culaire majeure avec un tiers d’AAA [12]. Plus de 500 patients ayant tous au moins une sténose significative sur une artère coronaire ont ainsi été inclus (exclusion des patients ayant une sténose du tronc commun, d’un rétrécissement aortique sévère ou d’une insuffisance cardiaque sévère). Aucune dif- férence significative n’a été observée entre les deux groupes aussi bien en terme de complications cardiaques ou de décès postopératoires immédiats (j30) que de survie à distance (trois ans) [12]. De plus, la chirurgie cardiaque ou l’ATL, réalisée avant la chirurgie vasculaire, s’est compliquée d’une morta- lité d’environ 2 % et d’un taux d’IdM d’environ 6 % La revas- cularisation myocardique par ATL ou pontage aortocoro- naire (PAC) avant une chirurgie n’avait été validée uniquement que sur des études rétrospectives ou de cohortes avec les biais qui n’intégraient pas le risque lié à l’acte de revascularisation notamment la mesure de la morbidité et la mortalité périopé- ratoire. D’une manière générale, ces études de cohorte avaient montré que les patients opérés après revascularisation avaient un risque de complications cardiaques inférieur à celui des patients n’ayant pas eu un geste de revascularisation [38–40]. De plus, la pose d’une endoprothèse coronaire avant une chi- rurgie n’est pas dénuée de risque. Kaluza a ainsi décrit le pronostic de 40 patients opérés dans les 40 jours après la pose d’un stent [41]. Une chirurgie programmée dans les 14 jours après la pose de la prothèse endocoronaire s’est accompa- gnée d’une mortalité de 32 % ; la cause principale du décès étant une thrombose du stent chez des patients ayant eu un arrêt des AAP pour la chirurgie. Enfin, cette série rapportait aussi la survenue de complications hémorragiques postopé- ratoires liées à la réalisation de la chirurgie sous agents anti- plaquettaires (AAP). Un délai d’au moins six semaines est donc nécessaire après la pose de l’endoprothèse pour dimi- nuer le risque des complications, soit thrombotique, soit hémorragique [42]. En cas de pose d’une endoprothèse coro- naire recouverte de molécules visant à diminuer le risque de resténose (sirolimus ou paclitaxel), le risque de thrombose du stent semble être plus important et plus retardé que pour un stent classique lors de l’arrêt desAAP [43,44]. La réendo- thélialisation plus tardive de l’endoprothèse pourrait expli- quer ce risque retardé de thrombose. Le bénéfice de l’introduction des bêtabloquants sur la mor- talité et la morbidité cardiovasculaire périopératoire a été éva- lué au cours des dix dernières années [45]. La survenue d’une ischémie myocardique est associée à un risque élevé de com- plications cardiaques (IdM, troubles du rythme, insuffisance ventriculaire gauche) pendant la période postopératoire [30,37]. De plus, la durée de l’ischémie semble être un fac- teur important dans la genèse de la nécrose myocardique [46]. Autrement dit, une ischémie myocardique prolongée conduit plus fréquemment à une souffrance myocardique puis à une lésion irréversible du tissu myocardique. Les causes d’isché- mie myocardique sont nombreuses en postopératoire. Cepen- dant, la tachycardie semble être un des éléments importants responsable de l’ischémie myocardique postopératoire [46,47]. L’efficacité des bêtabloquants ou des agonistes alpha- 2-adrénergiques pour prévenir les complications cardiaques confirment l’intérêt de prévenir les épisodes de tachycardie 161E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
  • 5. survenant en per- et postopératoire. En effet, plusieurs études randomisées, contrôlées, en double insu, ont été réalisées chez des patients opérés d’une chirurgie non cardiaque majeure. La plupart ont d’ailleurs inclus des patients opérés d’une chi- rurgie vasculaire [47–49]. Poldermans et al. ont montré que l’administration préopératoire de 5 à 10 mg de bisoprolol (Détensiel® , Cardensiel® , Soprol® ), débutée au moins sept jours avant l’intervention et poursuivie en postopératoire, dans le but d’obtenir une fréquence cardiaque basale inférieure à 60 b/min et une fréquence cardiaque postopératoire infé- rieure à 80 b/min, réduisait la mortalité cardiovasculaire pério- pératoire après une chirurgie vasculaire majeure [48]. Cepen- dant, les patients de l’étude de Poldermans constituaient une population à haut risque de complications cardiovasculaires postopératoires puisque tous avaient une échocardiographie de stress positive. Une diminution des complications cardio- vasculaires a été aussi observée avec l’administration pério- pératoire d’aténolol (Ténormine® 5 à 10 mg i.v. ou 50 à 100 mg per os) [50]. Une méta-analyse a récemment synthé- tisé l’effet des bêtabloquants utilisés en périopératoire pour diminuer le risque cardiovasculaire. Le regroupement de 600 patients inclus dans huit études principalement réalisées en chirurgie vasculaire a ainsi permis de montrer leur effica- cité pour diminuer le risque d’infarctus du myocarde non fatal de 80 % (OR = 0,19 [0,08–0,48]) et de décès d’origine car- diovasculaire de 75 % (OR = 0,25 [0,09–0,73]) [51]. L’admi- nistration périopératoire des bêtabloquants avec un objectif de fréquence cardiaque périopératoire (FC < 60 b/min au repos et FC < 80 b/min en postopératoire) constitue donc actuellement une stratégie permettant de réduire les compli- cations cardiaques postopératoires après chirurgie non car- diaque avec un bénéfice à court et à moyen terme [52]. L’ACC/AHA recommandent ainsi l’utilisation des bêtablo- quants chez les patients ayant une ischémie myocardique lors d’un test non invasif [14]. Leur efficacité est cependant limi- tée en présence d’une ischémie étendue lors de la réalisation d’un test non invasif d’effort [32]. L’intérêt des bêtablo- quants chez des patients dont on ne sait pas s’ils ont une isché- mie résiduelle (mise en évidence par les tests non invasifs) reste incertain. La clonidine pourrait aussi diminuer les complications car- diaques périopératoires [53,54] même si la plupart des étu- des ne montrent pas de supériorité par rapport au placebo [55]. Plusieurs synthèses méthodiques de la littérature ont cependant, montré que la clonidine et le mivazérol dimi- nuaient l’incidence de l’ischémie myocardique [51,55,56], de la survenue d’IdM [56] et des décès [51,56], notamment en chirurgie vasculaire [56]. Les alpha-2-agonistes peuvent ainsi présenter un intérêt dans la chirurgie de l’aorte abdomi- nale ; leur place reste à définir notamment vis-à-vis des bêta- bloquants. Ils représentent une alternative aux patients néces- sitant un traitement par bêtabloquants mais ayant une contre- indication à ceux-ci. La prise quotidienne d’AAP permet une réduction annuelle de la mortalité cardiovasculaire chez les patients ayant des antécédents vasculaires (décès, infarctus du myocarde, acci- dent vasculaire cérébral) de 22 % [57]. Un arrêt irréfléchi d’un AAP en préopératoire peut conduire à une thrombose aiguë [58,59]. Un arrêt des AAP peut difficilement se conce- voir chez un malade avec un angor instable ou présentant des accidents ischémiques cérébraux récidivants. De même, une angioplastie coronaire avec la pose d’une prothèse endoco- ronaire classique impose la prise d’AAP pendant au moins six semaines. Dans les autres situations, le risque exact lié à l’arrêt des AAP en périopératoire chez des coronariens iden- tifiés, est mal connu. Certaines séries non contrôlées suggè- rent que ce risque est loin d’être nul [58,60–62]. En cas d’arrêt, la conférence d’experts organisée par la Sfar en 2001 conseille de prendre le relais de l’aspirine ou des thiénopyridines par du flurbiprofène (Cébutid® 50 mg × 2/j) ou une héparine de bas poids moléculaire administrée à doses curatives que l’on arrêtera 24 heures avant l’acte d’anesthésie ; la période sans AAP étant ainsi la plus courte possible [63]. Les statines ont montré leur efficacité dans la prévention primaire et secondaire de l’infarctus du myocarde à travers, notamment, l’amélioration du profil lipidique plasmatique et la stabilisation de la plaque d’athérosclérose. Plusieurs étu- des ont récemment montré une diminution des événements cardiovasculaires périopératoires chez les patients recevant des statines en préopératoire et opérés d’une chirurgie majeure non cardiaque [64–66]. Cet effet protecteur des statines sur la morbidité périopératoire semble persister même chez les patients recevant des bêtabloquants et opérés d’unAAA [67]. Finalement, une étude randomisée et réalisée chez 100 pa- tients opérés d’une chirurgie vasculaire a montré qu’un trai- tement par atorvastatine 20 mg vs placebo et initié en pré- opératoire permettait de diminuer les événements cardiovasculaires de 70 % [68]. En conclusion, les données récentes de la littérature per- mettent de dire qu’une prise en charge préopératoire par une stratégie interventionnelle est équivalente à celle d’une stra- tégie médicamenteuse (bêtabloquants voire alpha-2-agonistes, aspirine et statine) [12,69]. Une revascularisation myocardi- que par ATL ou PAC semble toutefois préférable chez les patients ayant une ischémie étendue lors d’un test d’effort cardiaque ou ayant un risque cardiaque élevé (Fig. 1) [32,70]. L’application des recommandations de l’ACC/AHA (Fig. 1 et Tableau 1) a ainsi permis d’améliorer la prise en charge des patients opérés de l’aorte avec un meilleur dépistage des patients à haut risque et donc une augmentation des gestes de revascularisation coronaire préopératoires, une diminution des complications cardiaques postopératoires et une augmenta- tion de la survie sans évènement intercurrent à un an post- opératoire [71]. 2.2. Évaluation respiratoire : prise en charge de la bronchopneumopathie chronique obstructive Le tabagisme est un facteur de risque important d’AAA et de bronchopneumopathie obstructive (BPCO). L’intoxica- tion tabagique et la présence d’une BPCO augmentent signi- ficativement les complications respiratoires postopératoires 162 E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
  • 6. (atélectasies, bronchopneumopathies, ventilation prolongée) par un facteur pouvant aller jusqu’à 5 selon l’importance du tabagisme et de l’altération de la fonction pulmonaire [72,73]. De même, la présence d’une BPCO est un facteur de risque indépendant de mortalité après chirurgie de l’aorte [74]. L’évaluation respiratoire fait donc partie intégrante de la consultation préopératoire. Les résultats fournis par les explo- rations fonctionnelles respiratoires et les gaz du sang sont moins contributifs que les données fournies par l’interroga- toire du patient ou son examen clinique (consommation supé- rieure à 20 paquets-année, toux importante, encombrement bronchique) [75]. Une préparation respiratoire est donc impor- tante, d’autant plus que la chirurgie pour AAA est une chi- rurgie à haut risque de complications respiratoires postopé- ratoires. En effet, un score évaluant le risque de complications respiratoires postopératoires, établi à partir d’une cohorte de plus de 300 000 opérés, attribue à la chirurgie aortique un des niveaux de risque les plus élevés [76,77]. La chirurgie pour AAA est ainsi la chirurgie qui induit le risque relatif le plus élevé pour les complications respiratoires postopératoires [77]. Chez les patients ayant un encombrement bronchique, des séances de kinésithérapie respiratoire (cinq à dix séances avec désencombrement plus apprentissage de la respiration abdo- minodiaphragmatique et de l’accélération du flux expiratoire pour acquérir une expectoration efficace) doivent être pres- crites dès la phase préopératoire. Le patient doit ainsi être informé des risques induits par la poursuite de l’intoxication tabagique tout en sachant que le risque respiratoire ne dimi- nue réellement qu’après un sevrage supérieur à huit semai- nes [78]. Enfin, la présence d’une BPCO est un facteur de risque associé à une surmortalité après cure chirurgicale d’un AAA [79]. 3. Prise en charge anesthésique L’anesthésie pour chirurgie réglée de la cure d’un AAA nécessite une bonne compréhension de la physiopathologie, une connaissance parfaite des temps chirurgicaux, une capa- cité à interpréter des données hémodynamiques complexes et une gestion et un contrôle hémodynamique pharmacologi- que aguerris. 3.1. Approche chirurgicale par voie ouverte La chirurgie par voie ouverte représente à l’heure actuelle le traitement classique ou conventionnel de la cure chirurgi- cale de l’AAA même si le traitement par voie endoluminale est une technique de plus en plus utilisée. L’AAA peut être abordée par une voie transpéritonéale via une incision cuta- née xipho–sous-ombilicale le plus souvent ou par une voie rétropéritonéale gauche.Aucune voie d’abord ne semble pré- senter d’avantages définitifs pour diminuer l’incidence des complications postopératoires. Sur le plan respiratoire, deux études randomisées n’ont pas montré des bénéfices clairs [80,81]. L’élément le plus important à considérer semble être la longueur de la voie d’abord. Les complications cardia- ques, hémorragiques, pariétales ou digestives ne semblent pas être influencées par le type de voie d’abord. La cure chirur- gicale par voie cœlioscopique plus ou moins assistée reste encore une technique en cours d’évaluation [82]. La mise à plat chirurgicale de l’AAA est réalisée après libération de l’anévrisme et contrôle des collets supérieurs et inférieurs, exclusion de l’AAA par mise en place des clamps vasculai- res, incision de l’anévrisme et évacuation du thrombus intra- anévrismal, ligature des orifices des artères lombaires, resti- tution de la continuité vasculaire par la mise en place d’une prothèse aorto-aortique ou bi-iliaque en dacron ou polytétra- fluoroéthylène, vérification de l’hémostase, fermeture du sac sur la prothèse puis rétropéritonisation. 3.2. Physiopathologie du clampage aortique La physiopathologie et les conséquences hémodynami- ques du clampage et déclampage de l’aorte abdominale sont complexes et dépendent de nombreux facteurs dont le niveau de clampage, l’état des artères coronaires et la fonction myo- cardique du patient, l’existence d’une circulation collatérale, la volémie, l’activation du système sympathique et des agents et techniques anesthésiques [83]. La plupart des pathologies chirurgicales de l’aorte abdominale nécessitent un niveau de clampage sous-rénal. Plus le niveau du clampage de l’aorte s’élève, plus les répercussions hémodynamiques sont impor- tantes, ainsi que le retentissement de l’hypoperfusion sur les organes vitaux [83]. 3.2.1. Clampage L’hypertension artérielle est la réponse hémodynamique la plus fréquente lors du clampage de l’aorte quel que soit son niveau. Elle est plus marquée lors de la chirurgie pour AAA du fait d’une circulation collatérale moins développée. L’augmentation de pression artérielle est due à l’interruption brutale du flux aortique. Le clampage de l’aorte augmente également les pressions veineuse centrale, artérielle pulmo- naire et d’occlusion. En échographie cardiaque, on observe une diminution de l’aire télédiastolique et de la fraction d’éjec- tion ventriculaire gauche voire des anomalies segmentaires de la cinétique myocardique. Les répercussions hémodyna- miques sont d’autant moins importantes que le clampage est distal. Elles sont mineures lors du clampage sous-rénal sauf chez les patients atteints d’une coronaropathie sévère. Cela est lié au phénomène de redistribution de la masse sanguine : lorsque le chirurgien clampe l’aorte au-dessus du système splanchnique, il induit à ce niveau une veinoconstriction ainsi qu’une redistribution sanguine des lits vasculaires distaux vers les lits vasculaires proximaux responsables d’une augmenta- tion majeure de la précharge (Tableau 2) [84]. Un cœur avec une fonction normale est capable de suppor- ter d’importantes augmentations de la postcharge sans dys- fonction ou dilatation ventriculaire gauche significative. Les patients opérés d’une chirurgie aortique ont souvent à l’état basal une altération de la contractilité myocardique ou une 163E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
  • 7. réserve coronarienne basse. Ainsi l’augmentation de la pres- sion intramyocardique provoquée par le clampage peut être responsable chez ces patients d’une hypoperfusion sous- endocardique, de dyskinésies segmentaires et d’une diminu- tion de la fraction d’éjection, même si le clampage est infra- rénal [85]. Chez les 30 % de patients qui vont présenter des dyskinésies myocardiques lors des reconstructions aortiques sous-rénales, 66 % d’entre elles se produiront lors du clam- page [86]. Le débit cardiaque est le plus souvent diminué lors du clampage de l’aorte. Les patients avec une insuffisance cardiaque et atteints d’une coronaropathie sont les plus exposés au stress et à l’aug- mentation du travail myocardique induits par le clampage aor- tique. Afin de diminuer les conséquences myocardiques du clampage aortique, certaines stratégies sont employées : dimi- nution de la postcharge et optimisation de la précharge. Des vasodilatateurs coronariens, des agents inotropes positifs ou chronotropes négatifs sont utilisés selon les conditions de charge du ventricule gauche et la cardiopathie du patient. Les agents anesthésiques volatiles, comme l’isoflurane, qui pré- sentent des propriétés vasodilatatrices peuvent être avanta- geusement utilisés pendant cette phase de l’anesthésie pour diminuer la postcharge et le travail myocardique [87]. D’autres agents vasodilatateurs titrés comme les inhibiteurs calciques (nicardipidine) peuvent être utilisés. Cependant, chez les patients ne présentant pas de signes d’incompétence myocar- dique ou d’ischémie coronarienne pendant le clampage, une pression artérielle moyenne élevée est tolérable. Les agents anesthésiques cardiodépresseurs sont évités pendant le temps de clampage. 3.2.2. Déclampage La réponse hémodynamique au déclampage dépend du niveau de clampage et de sa durée, de l’utilisation d’agents adjuvants et de la volémie du patient. La diminution de la pression artérielle est la réponse hémodynamique observée après déclampage. Il existe parfois une hypotension arté- rielle profonde. L’ischémie–reperfusion et l’hypovolémie relative qu’elle induit sont les mécanismes principaux de cette hypotension. Différents médiateurs des tissus ischémiques, comme l’acide lactique, la rénine, l’angiotensine, les radi- caux libres, les prostaglandines, des cytokines et d’autres pro- duits cardiodépresseurs sont aussi impliqués dans la réponse hémodynamique au déclampage et jouent un rôle dans les dysfonctions organiques observées. La prévention d’une hypotension significative requiert une communication avec l’équipe chirurgicale, une connaissance de la technique chi- rurgicale et une maîtrise de l’utilisation des différents agents vasoactifs et des solutés de remplissage. Au moment du déclampage, il est essentiel que la correction du déficit liqui- dien préopératoire, le maintien des apports et le remplace- ment des pertes sanguines peropératoires aient été effectués. Une volémie optimisée par un remplissage permet d’éviter les hypotensions artérielles sévères. Le déclampage entraîne une baisse de la pression artérielle systémique d’autant plus sévère que la volémie du patient est basse [88]. Les vasodi- latateurs, s’ils ont été utilisés pendant la phase de clampage, doivent être progressivement diminués, voire arrêtés. Un rem- plissage modéré avant le déclampage de l’aorte sous-rénale permet de diminuer les conséquences hémodynamiques lors du déclampage ; il doit être plus important lorsque que le niveau est supracœliaque. Effectuer un remplissage systéma- tique pendant le temps de clampage afin de maintenir une pression veineuse centrale et capillaire pulmonaire élevée peut conduire à une hypervolémie et une transfusion excessive. Le retrait progressif du clamp par le chirurgien est une autre mesure pouvant aider au maintien d’une stabilité hémodyna- mique. Les vasopresseurs sont rarement nécessaires après déclampage de l’aorte sous-rénale mais souvent utiles pour des niveaux supérieurs en raison des phénomènes d’ischémie– reperfusion dans le territoire splanchnique. Il faut toutefois rester vigilant afin que l’emploi de vasopresseurs ne soit pas responsable de pics hypertensifs si un nouveau clampage est réalisé. De plus, l’hypertension après déclampage augmente le saignement et les lésions au niveau des anastomoses vas- culaires. 3.3. Monitorage périopératoire Le risque de saignement important et rapide lors de la chi- rurgie aortique ne doit pas être négligé. Il est classique de poser une voie veineuse centrale et une ou deux voies veineu- ses périphériques de bon calibre. La voie centrale permet l’administration des substances vasoactives nécessitant une perfusion continue. La pose d’un cathéter artériel radial doit être systématique. La mise en place d’un cathéter artériel pul- monaire avec surveillance de la saturation veineuse en oxy- gène voire du débit cardiaque en continu n’est utile que chez les patients ayant une insuffisance cardiaque sévère (fraction d’éjection du ventricule gauche inférieure 30 %) ou une insuf- fisance rénale majeure. Une surveillance de la fonction car- diaque et de la volémie peut cependant être réalisée par d’autres techniques. Toutefois, aucune étude randomisée n’a mis en évidence de différence significative quant à la morbi- dité cardiaque avec un monitorage par cathéter artériel pul- monaire par rapport à l’utilisation d’un cathéter veineux central [89,90]. L’échocardiographie transœsophagienne bidi- mensionnelle (ETO) a été utilisée en peropératoire pour éva- Tableau 2 Variations (en pourcentage) des paramètres hémodynamiques échocardio- graphiques lors d’une chirurgie pour AAA selon le niveau de clampage [84] Variations hémodynamiques Niveau de clampage Suprarénal (%) Infrarénal (%) PAM +5 +2 PAPO +10 +0 STDVG +2 +9 STSVG +10 +11 FEVG –10 –3 Dyskinésie myocardique +33 0 PAM : pression artérielle moyenne ; PAPO : pression artérielle pulmonaire d’occlusion ; STDVG : surface télédiastolique du ventricule gauche ; STSVG : surface télésystolique du ventricule gauche ; FEVG : fraction d’éjection du ventricule gauche. 164 E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
  • 8. luer la fonction ventriculaire gauche, guider le remplissage et diagnostiquer les ischémies myocardiques. En chirurgie de l’aorte abdominale, les surfaces télédiastoliques du ventri- cule gauche (STDVG), télésystolique du ventricule gauche (STSVG) et la fraction d’éjection du ventricule gauche obte- nues par une coupe du petit axe passant par les piliers mitraux, sont bien corrélées aux volumes et à la fraction d’éjection ventriculaires gauches observés en angiographie avec injec- tion de nucléotides [91]. L’augmentation majeure de la STDVG et la chute de la fraction d’éjection, observées en ETO2D, après clampage supracœliaque ne sont pas détec- tées par le cathétérisme de l’artère pulmonaire [84]. L’ETO permet également de révéler des anomalies de la cinétique segmentaire dont la corrélation avec des troubles de la perfu- sion coronaire est établie et qui surviennent avant les modi- fications électrocardiographiques. Toutefois, les anomalies cinétiques peropératoires ont été peu corrélées à l’incidence de complications cardiaques postopératoires et les données de la littérature sont donc insuffisantes pour définir la sensi- bilité et la spécificité des anomalies de la cinétique segmen- taire comme facteur prédictif d’accident coronarien périopé- ratoire [92,93]. L’ETO reste ainsi surtout un outil diagnostic devant une défaillance hémodynamique plus qu’un moyen de monitorage hémodynamique. Une surveillance électrocardiographique continue avec sur- veillance du segment ST permet de diagnostiquer rapide- ment les épisodes d’ischémies myocardiques survenant chez les patients opérés d’un AAA pendant la période périopéra- toire. La surveillance de deux dérivations (DII et V5) permet de détecter 80 % des épisodes ischémiques périopératoires chez les patients à risque de coronaropathie [94]. Plus récem- ment et en s’appuyant sur le dosage biologique de la tropo- nine Ic, il a été montré que la dérivation V4 (plutôt que V5) augmentait la sensibilité du monitorage du segment ST (83 vs 75 %) pour détecter une ischémie myocardique responsable d’un infarctus du myocarde chez les patients opérés d’une chirurgie vasculaire [95]. 3.4. Agents et techniques anesthésiques La morbidité et la mortalité cardiaque en chirurgie aorti- que étant élevées lors d’une chirurgie pour AAA, une atten- tion particulière doit être portée sur les facteurs influençant le travail ventriculaire et la perfusion coronaire. Le maintien de la perfusion et du fonctionnement des organes vitaux via une stabilité hémodynamique peropératoire est plus important que le choix de telle technique ou de tel agent anesthésique. En général, une anesthésie balancée utilisant des substances de courte durée d’action permet de s’adapter à toutes situations. L’entretien de l’anesthésie est obtenu par l’association d’un morphinique et d’agents anesthésiques halogénés ou intravei- neux. Le protoxyde d’azote a tendance à diminuer le débit cardiaque et la pression artérielle tout en augmentant les résis- tances artérielles vasculaires. Une étude indique que chez les patients bénéficiant d’une chirurgie aortique abdominale, le protoxyde d’azote augmente les besoins en vasodilatateurs pour traiter une augmentation de pression capillaire pulmo- naire et une ischémie myocardique [96]. Il est important d’anticiper le réveil par une restauration de la circulation et d’une perfusion adéquate des organes vitaux. Une homéosta- sie hémodynamique, métabolique et une température nor- male doivent être obtenues avant la fermeture cutanée dans la prévision d’une extubation rapide. Les pics hypertensifs et les épisodes de tachycardie doivent être absolument évités lors du réveil par l’emploi d’agents de courte durée d’action comme l’esmolol ou d’autres vasodilatateurs comme les inhi- biteurs calciques (nicardipine) ou alphabloquant (urapidil) voire même l’utilisation de substances d’action plus prolon- gée si la volémie est correcte (aténolol). L’ischémie myocar- dique survient ainsi dès le réveil du patient opéré pour AAA. Le contrôle de la température est primordial car l’hypother- mie postopératoire est associée à de nombreux effets indési- rables [97]. Le maintien d’une normothermie peropératoire est un but des thérapeutiques au même titre que l’optimisa- tion hémodynamique. Cette mesure simple permet de dimi- nuer l’hémorragie peropératoire, les infections de paroi et les complications cardiaques postopératoires [98]. 3.5. Antibioprophylaxie, stratégie transfusionnelle et anticoagulation Une antibioprophylaxie est recommandée chez les patients opérés d’une cure chirurgicale de l’AAA [99]. Une céphalos- porine de deuxième génération (céfazoline 2 g ou céfaman- dole–céfuroxime 1,5 g) ou un glycopeptide (vancomycine 15 mg/kg) en cas d’allergie à la pénicilline doivent ainsi être administrés en préopératoire, idéalement lors de l’induction anesthésique. Des réinjections peropératoires sont nécessai- res lors de l’utilisation d’une céphalosporine : toutes les qua- tre heures avec une dose de 1 g si le choix s’est porté pour de la céfazoline sinon toutes les deux heures à la dose de 0,75 g. L’autotransfusion peropératoire pendant la chirurgie aor- tique réduit l’exposition aux produits sanguins labiles et donc les risques de complications liées à la transfusion [100]. Tou- tefois, le matériel est cher et son emploi nécessite d’être entraîné et expérimenté, réservant son utilisation aux patients à risque hémorragique important [101]. L’utilisation de sys- tèmes récupérateurs de sang épanché permettant de traiter le sang en peropératoire n’est donc pas obligatoire chez tous les patients [102] et seul le système récupérateur est installé dans un premier temps. Le volume de sang récupéré nécessaire pour pouvoir traiter suffisamment de sang est, pour la chirur- gie vasculaire, supérieur à 700 ml. En cas d’hémorragie impor- tante, il existe rapidement des troubles de l’hémostase favo- risés par l’utilisation de l’héparine en peropératoire et la dilution des plaquettes et des facteurs de coagulation faisant suite à l’utilisation répétée de l’autotransfusion et au remplis- sage par colloïdes ou cristalloïdes. Dans cette situation, il faut avoir recours à une transfusion de concentrés de plaquettes si le chiffre est inférieur à 50 × 109 /l et à une transfusion de plasma frais congelé. L’héparine est fréquemment utilisée lors de la chirurgie de l’aorte. Cependant, le risque de thrombose d’une prothèse 165E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
  • 9. aortique est considéré comme faible à cause du flux impor- tant qui traverse la prothèse. Une étude randomisée a ainsi évalué l’intérêt de l’héparinisation chez 284 patients opérés pour AAA. L’administration d’un bolus de 5000 UI d’HNF avant le clampage de l’aorte n’a pas diminué le risque de com- plications thrombotiques et hémorragiques périopératoires. Cependant, le bénéfice de l’héparine est apparu vis-à-vis des IdM mortels (1,4 vs 5,7 % ; p < 0,05) et non mortels (2,0 vs 8,5 %, p < 0,05) [103]. En postopératoire, l’héparine ne doit être prescrite qu’à des doses prophylactiques sauf indication chirurgicale particulière. 3.6. Fonction rénale et protection La survenue d’une insuffisance rénale aiguë (IRA) après une chirurgie réglée de l’AAA est associée à une mortalité importante pouvant atteindre plus de 40 % [104,105]. La pré- servation de la fonction rénale revêt donc un intérêt tout par- ticulier lors d’une chirurgie réglée pourAAA. La diurèse per- opératoire est un mauvais facteur prédictif de la fonction rénale postopératoire [106] et donc un mauvais reflet de la perfusion rénale. En effet, le clampage de l’aorte, même sous- rénal, provoque une diminution du flux sanguin rénal et une redistribution du flux intrarénal vers la médullaire rénale [107,108]. Ces altérations hémodynamiques persistent après déclampage et le blocage sympathique rénal par une anesthé- sie péridurale haute ne les modifie pas. L’institution préopé- ratoire d’un traitement par inhibiteur de l’enzyme de conver- sion n’améliore ni la perfusion rénale ni la filtration glomérulaire. Certains auteurs ont même montré que les IEC pouvaient entraîner une dysfonction rénale après chirurgie de l’aorte [109]. La nécrose tubulaire aiguë est impliquée dans la plupart des insuffisances rénales observées après chirurgie aortique. Elle est multifactorielle : hypovolémie, emboles rénaux de cholestérol et traumatisme chirurgical des artères rénales. L’utilisation peropératoire de dopamine ou de diuré- tique de l’anse est une pratique fréquente bien qu’aucune étude n’ait démontré les propriétés de protection rénale de ces agents lors de la chirurgie aortique [110]. Des travaux récents sug- gérèrent un rôle bénéfique des agents antioxydants [111,112]. Nicholson et al. ont montré que l’utilisation de mannitol avant le clampage lors d’une cure chirurgicale d’unAAA, réduisait les lésions rénales glomérulaires et tubulaires [111]. Les actions protectrices potentielles du mannitol incluent la diu- rèse osmotique, la diminution des résistances rénovasculai- res qui améliorent le flux sanguin cortical et médullaire, l’effet antiradical libre et l’augmentation du taux de filtration glo- mérulaire pendant l’hypoperfusion rénale [113]. La plupart des travaux montrent que l’optimisation hémo- dynamique notamment de la volémie, est la plus efficace des stratégies pour prévenir l’IRA après chirurgie pour AAA. En préopératoire immédiat, les patients ont souvent une volémie diminuée par le jeûne et la préparation colique. Le degré d’insuffisance rénale préopératoire [109], l’étendue de la reconstruction aortique, la durée du clampage et la sévérité de l’athérosclérose artérielle rénale sont les facteurs de ris- que principaux du développement d’une insuffisance rénale postopératoire. 4. Analgésie postopératoire La chirurgie ouverte de l’aorte abdominale est une chirur- gie sus- et sous-ombilicale. À ce titre, cette chirurgie s’accom- pagne de douleurs postopératoires sévères. Les douleurs au repos sont en effet évaluées par le patient entre 6 et 7/10 à l’aide d’une échelle visuelle analogique (EVA). Les doses de morphiniques délivrées à la demande sont importantes après une chirurgie de l’aorte, avec des consommations moyennes en morphine de 120 mg pendant les 48 premières heures [114]. Malgré ces fortes doses, les douleurs sont ressenties par les patients comme ayant une intensité moyenne à sévère notam- ment lors des mouvements [114]. Même si les techniques d’analgésie postopératoire permettent de soulager suffisam- ment la douleur postopératoire, elles ne présentent pas les mêmes effets secondaires ou « collatéraux » sur les différents organes comme le poumon, le cœur ou l’appareil digestif. Ceux-ci ont ainsi guidé le choix des techniques d’analgésie postopératoire après chirurgie de l’aorte pendant de nombreu- ses années. Cependant, l’application de la médecine fondée sur les preuves (evidence based medicine) [115,116] et les nouvelles approches de la prise en charge postopératoire des patients opérés d’une chirurgie vasculaire [32] ont permis de mieux situer la place des différentes techniques d’analgésie postopératoire après la chirurgie de l’aorte. 4.1. Analgésie intraveineuse L’une des techniques de référence pour l’analgésie après chirurgie de l’aorte abdominale est l’administration intravei- neuse de morphine sur un mode autocontrôlé par le patient (PCA) [114,115]. Son utilisation fréquente se justifie par sa facilité de mise en place, sa simplicité d’utilisation et son fai- ble coût global (en matériel et en moyen humain). Elle per- met, de plus, de répondre en grande partie à la variabilité dans le temps de la douleur postopératoire mais aussi à la variabi- lité interindividuelle de la sensation douloureuse. L’analgé- sie au repos est ainsi satisfaisante. Cela est souvent objectivé par les scores de douleur inférieurs à 3/10 avec la PCA dans les études sur la chirurgie de l’aorte [114,115]. En consé- quence, cette technique est souvent bien acceptée par les patients avec des taux de satisfaction voisins de 90 % [117,118]. Cependant, la PCA souffre de plusieurs limita- tions. Son efficacité, évaluée par l’EVA, est inférieure aux techniques d’analgésie périmédullaire [119]. Elle s’accom- pagne fréquemment d’effets indésirables à type de nausées– vomissements, de sédation, de dépression respiratoire, de pru- rit, d’iléus et de rétention d’urine. Ces complications peuvent alors interférer avec les suites postopératoires. Les nausées– vomissements associés à une sédation, tout comme la pré- sence prolongée d’une sonde d’aspiration nasogastrique en raison d’un iléus postopératoire, peuvent augmenter l’inci- 166 E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
  • 10. dence des complications postopératoires [120]. De plus, l’administration de morphine par voie systémique après une chirurgie sus-mésocolique peut être associée à une altération de la fonction respiratoire en postopératoire plus importante qu’une analgésie péridurale. La PCA reste une technique sim- ple, efficace mais comportant rapidement des limites lors d’une chirurgie majeure ou se compliquant dans la période postopératoire. Les antalgiques non morphiniques sont souvent utilisés après la chirurgie de l’aorte abdominale dans le but de dimi- nuer la consommation de morphine et leurs effets secondai- res, supposés dose dépendante. De plus, l’analgésie est poten- tiellement renforcée grâce à l’action sur les différentes voies et composantes de la douleur [121]. L’association paracéta- mol–morphinique, fréquemment utilisée en pratique clini- que, ne permet qu’une réduction modeste de la consomma- tion des morphiniques (25 à 46 %) sans amélioration des scores de douleur, ni de l’incidence des effets secondaires des morphiniques [122–125]. De plus, l’intéressante syner- gie de l’association AINS–morphine [126,127] notamment pour améliorer l’analgésie au mouvement, présente quelques limites chez les patients opérés pour AAA. Les AINS restent classiquement à utiliser avec précaution chez les patients aux antécédents de lésion gastroduodénale–pathologie que l’on rencontre fréquemment chez les patients opérés de l’aorte. De plus, les facteurs de risque favorisant l’altération de la fonction rénale sousAINS, comme l’insuffisance rénale chro- nique, l’insuffisance cardiaque, l’athérome rénal, sont fré- quemment retrouvés chez les malades opérés d’un AAA. D’autres molécules comme le néfopam, le tramadol ou la kéta- mine peuvent aussi être utilisées dans ce concept d’analgésie balancée. Les données sur ces molécules prescrites avec une PCA, après une chirurgie majeure, sont actuellement peu importantes. Leur effet d’épargne morphinique ne semble pas s’accompagner d’une diminution des effets secondaires des morphiniques. De plus, ils présentent des effets indésirables similaires à type de nausées–vomissements accompagnés, pour le néfopam, de sueurs et de tachycardie. Enfin, la cloni- dine administrée en intraveineux peut présenter un intérêt dans le cadre d’une analgésie balancée après la chirurgie de l’aorte, notamment chez les patients ayant une contre-indication aux bêtabloquants. En plus de son effet épargne morphinique [128], la clonidine pourrait diminuer les complications car- diaques périopératoires [55,56]. 4.2. Analgésie péridurale en chirurgie aortique L’utilisation combinée d’une anesthésie générale asso- ciée à une analgésie péridurale pour la chirurgie aortique a reposé sur un ensemble de travaux démontrant que l’anesthé- sie péridurale thoracique peut bloquer la réponse neuroendo- crinienne au stress chirurgical. Ces travaux ont été ensuite étayés par plusieurs études ayant montré le bénéfice potentiel de l’anesthésie péridurale thoracique en présence d’une car- diopathie ischémique, qu’il s’agisse de modèles expérimen- taux ou d’études cliniques. En effet, de nombreuses études ont montré que l’anesthésie péridurale thoracique exerce un effet protecteur sur l’ischémie myocardique liée au blocage sympathique [129–132]. Cette technique s’est ainsi présen- tée comme l’une des techniques de choix pour assurer l’anal- gésie après chirurgie de l’aorte à la fin des années 1980. Par ailleurs, l’injection d’anesthésiques locaux dans l’espace épi- dural en peropératoire avait l’avantage de réduire la consom- mation d’agents anesthésiques hypnotiques et analgésiques et de ce fait de raccourcir la durée d’anesthésie et de ventila- tion postopératoire. Enfin, plusieurs études se sont attachées à démontrer que l’anesthésie péridurale thoracique pouvait diminuer la survenue de complications postopératoires après chirurgie majeure chez les patients à risque, notamment ceux opérés d’une chirurgie aortique. Malgré un certain nombre de données positives, l’utilisation combinée d’une anesthésie générale et d’une anesthésie péridurale est quelque peu tom- bée en désuétude au cours des années 1990. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet état de fait : la complexité relative de la procédure, les modifications de la pratique de l’anesthésie générale, les interférences avec les traitements anticoagu- lants et AAP utilisés en périopératoire, l’utilisation concur- rentielle d’autres agents thérapeutiques ayant les mêmes objectifs (ex : prévention de l’ischémie myocardique) tels que la clonidine [55] ou surtout les bêtabloquants [48] et l’absence de preuve formelle de l’efficacité de l’anesthésie et de l’anal- gésie péridurale dans la prévention des complications cardia- ques postopératoires [119,133,134]. Cependant, l’analgésie péridurale semble avoir une place particulière après chirur- gie de l’aorte [133,135]. 4.2.1. Prévention de l’ischémie myocardique et des complications cardiovasculaires per- et postopératoires par l’analgésie péridurale Plusieurs équipes ont tenté d’évaluer si l’anesthésie péri- durale thoracique combinée à l’anesthésie générale pouvait réduire l’incidence de l’ischémie myocardique. Les résultats sont contradictoires mais la majorité des études conclue à l’absence d’effet significatif de l’anesthésie péridurale [114,136–138]. Une méta-analyse incluant des études allant des années 1980 à 2000 note cependant que la pose du cathé- ter à l’étage thoracique diminue le risque de complications cardiaques [134]. En ce qui concerne la morbidité postopé- ratoire et plus spécifiquement la morbidité cardiovasculaire, le travail le plus cité est aussi celui qui a fait l’objet des plus vives critiques [139] Par la suite, plusieurs groupes d’inves- tigateurs ont repris le même objectif après chirurgie aortique sans parvenir au même résultat (Tableau 3) [115,140–143]. Finalement, deux larges études multicentriques ont comparé de manière randomisée une analgésie postopératoire par péri- durale ou par morphine administrée en PCA [119,133]. L’inclusion concernait les patients considérés comme à ris- que de complications postopératoires et devant être opérés d’une chirurgie majeure (chirurgie abdominale ou vasculaire pour la majorité des patients). Chez les patients opérés de l’aorte, une seule a mis en évidence une diminution des com- plications cardiaques (Tableau 3). Les patients soumis à une 167E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
  • 11. chirurgie de l’aorte abdominale ont constitué souvent un modèle privilégié pour ce type d’étude, du fait de la forte prévalence de la maladie coronaire et du type de chirurgie à la fois stéréotypée et relativement « lourde ». En outre, des traitements plus simples à manier, comme les bêtabloquants, ont fait la preuve de leur efficacité de façon très convain- cante, tandis que le doute persistait quant à celle de l’anes- thésie péridurale [47,48,144]. 4.2.2. L’analgésie péridurale permet de prévenir les complications pulmonaires La chirurgie sus-ombilicale et sous-costale altère la fonc- tion respiratoire en postopératoire. Elle est essentiellement responsable d’une baisse de la capacité résiduelle fonction- nelle et d’une altération de la dynamique diaphragmatique responsables d’atélectasies [145–147]. L’analgésie péridu- rale n’a que peu d’effets directs sur l’altération postopéra- toire de la fonction pulmonaire [148,149]. Cependant, plu- sieurs études suggèrent que l’analgésie postopératoire à l’aide d’un cathéter péridural permette de diminuer l’incidence des complications respiratoires postopératoires probablement grâce à l’excellente analgésie qu’elle procure lors des mou- vements [119,150]. Une méta-analyse a confirmé que l’anal- gésie péridurale diminue de plus de 50 % les atélectasies et les infections pulmonaires postopératoires [150]. En chirur- gie de l’aorte, la plupart des études randomisées ne montrent pas de différence. Cependant, les deux études les plus récen- tes incluant des patients ayant à la fois des facteurs de comor- bidité sévère en préopératoire et opérés d’une chirurgie aor- tique montrent une diminution significative des complications respiratoires dans le groupe péridural (Tableau 3) [133,135]. L’analgésie péridurale thoracique a ainsi toute sa place dans la chirurgie aortique chez des patients à haut risque de com- plications respiratoires. 4.2.3. Obstacles à l’utilisation des techniques d’analgésie périmédullaire en périopératoire d’une chirurgie de l’aorte Un des éléments qui conduit de plus en plus à l’abandon de l’anesthésie péridurale thoracique est la crainte de la sur- venue d’hématome périmédullaire lié à l’administration conjointe d’un anticoagulant. Bien que cette complication soit extrêmement rare (moins de 1/100 000), les conséquences en sont suffisamment sérieuses pour inviter à la prudence. Parmi les facteurs de risque de survenue d’un hématome épidural, l’analyse des cas publiés permet de retenir, en plus de l’utili- sation des anticoagulants : une ponction répétée et/ou trau- matique et la présence d’un cathéter [151]. Ces éléments peu- vent être réunis lors de la réalisation d’une technique péridurale thoracique qui est plus difficile à réaliser (notam- ment dans la région thoracique basse) qu’au niveau lom- baire. Le risque estimé à partir des données de pharmacovi- gilance est cependant variable. Il se situe aux environs 1/40 000 avec une rachianesthésie et de 1/3100 avec main- tien du cathéter péridural postopératoire et anticoagulation postopératoire. L’association d’AAP et d’anticoagulant majore le risque d’hématome périmédullaire. La conférence d’experts sur « agents antiplaquettaires et période périopéra- toire » organisée par la Sfar en 2001 a conclu que l’aspirine ne contre-indique pas une ALR-rachidienne au cas par cas Tableau 3 Effet du type d’analgésie (péridurale vs systémique) sur la morbidité et la mortalité après chirurgie aortique Auteurs Technique analgésique Décès Complications cardiaques Complications respiratoires Yeager et al. [139] AG (n = 25) 16 %* 52 %* 32 % AET AL et/ou M (n = 28) 0 % 14 % 11 % RR (IC 95 %) 0,1 (0,0–2,9) 0,3 (0,1–0,7) 0,3 (0,1–1,1) Garnett et al. [136] PCA (n = 51) 3,9 % 21,5 % 19,6 % AET AL + M (n = 48) 0 % 14,6 % 14,6 % RR (IC 95 %) 0,1 (0,0–7,2) 0,6 (0,2–2,5) 0,7 (0,2–1,9) Bois et al. [114] PCA (n = 59) 1,7 % 16,9 % NR AET AL+M (n = 55) 1,8 % 18,1 % NR RR (IC 95 %) 1,1 (0,1–12,5) 1,4 (0,7–2,9) Boylan et al. [138] PCA (n = 21) NR 9,5 % 0 % AEL (n = 19) NR 15,8 % 10,5 % RR (IC 95 %) 1,7 (0,3–8,9) 2,2 (0,2–22,5) Norris et al. [115] PCA (n = 80) 6,6 % 3,9 %† 2,7 %‡ AET AL + M (n = 88) 4,8 % 3,6 %† 1,2 %‡ RR (IC 95 %) 0,7 (0,2–2,5) 0,9 (0,2–4,3) 0,5 (0,1–4,9) Park et al. [133] PCA (n = 190) 2,6 % 17,9 %* 28,9 %* AE M seul(n = 184) 2,2 % 9,7 % 12,0 % RR (IC 95 %) 0,8 (0,2–2,9) 0,5 (0,3–0,9) 0,5 (0,3–0,8) Peyton et al. [135] PCA (n = 78) 5,1 % 18,0 % 52 %* AE AL + M(n = 86) 10,5 % 16,3 % 44 % RR (IC 95 %) 2,0 (0,7–6,0) 1,0 (0,7–1,3) 0,8 (0,6–0,99) Un tiers des patients de l’étude deYeager et al. sont opérés d’une chirurgie vasculaire majeure.AG = anesthésie générale;AE = anesthésie péridurale thoracique (T) ou lombaire (L); NR = données non rapportées ; AL= anesthésique local ; M = morphinique ; RR = risque relatif ; IC 95 % = Intervalle de confiance à 95 %. *p < 0,05 ; † infarctus du myocarde ; ‡ pneumopathie. 168 E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
  • 12. si l’on considère que le bénéfice de l’ALR-rachidienne est supérieur au très faible risque d’hématome médullaire, à la condition que le patient n’ait reçu aucun traitement anti- coagulant avant la ponction. 4.3. Rachianalgésie La découverte de récepteurs aux opioïdes au niveau de la corne postérieure de la moelle dans les années 1960 a permis de développer une nouvelle voie d’administration de la mor- phine [152]. Cependant, cette technique qui permettait d’obte- nir une analgésie postopératoire extrêmement efficace ne s’est pas répandue rapidement à cause de ses effets indésirables [153,154]. L’intérêt de la rachianalgésie a été récemment remis au goût du jour par une diminution du risque de dépres- sion respiratoire de cette technique (diminution des doses de morphiniques) et un délai d’action court avec une durée d’action prolongée grâce à l’administration conjuguée en intrathécal d’un morphinique liposoluble (sufentanil par exemple) et d’un morphinique hydrosoluble (morphine). Cette double association permet, après une chirurgie majeure, une analgésie efficace dès les premières minutes postopératoires grâce au délai d’action rapide que procure le sufentanil admi- nistré en intrathécal et prolongée sur environ une vingtaine d’heures grâce à la longue durée d’action de la morphine ; le LCR servant de réservoir à morphine. Des doses de 20 à 50 µg de sufentanil et de 0,2 à 0,5 mg de morphine ont montré leur efficacité dans les 24 premières heures après une thoracoto- mie [155,156]. La rachianalgésie avec 1 µg/kg de sufentanil plus 8 µg/kg de morphine s’est aussi montrée supérieure à la PCA morphine pour diminuer les scores EVA pour la dou- leur après chirurgie de l’aorte [157]. Les besoins en morphi- niques et les scores de douleur sont diminués d’environ 50 à 70 % selon les doses utilisées en intrathécal [155,156]. Elle peut présenter un intérêt chez les patients atteints de patho- logie cardiaque dès lors qu’il a été montré qu’une analgésie puissante peut limiter le risque d’ischémie myocardique [158]. Cependant, l’efficacité de la rachianalgésie–morphine ne dure le plus souvent qu’au maximum 24 heures et aucune étude n’a montré son efficacité pour diminuer la morbidité ou la mortalité postopératoire [157]. Le relais de l’analgésie doit être pris avec une PCA. Enfin, le risque de dépression respi- ratoire impose une surveillance pendant les 24 premières heu- res en unité de soins intensifs ou en salle de réveil. En résumé, cette technique simple et efficace impose une surveillance postopératoire en milieu de soins intensifs et sa durée d’action est inférieure à celle de la douleur postopératoire. Elle pour- rait s’avérer extrêmement intéressante après une chirurgie de l’aorte réalisée par minilaparotomie ou par laparoscopie. 4.4. Conclusion Aucune technique n’est aussi efficace que l’analgésie péri- durale [119]. L’utilisation de l’analgésie péridurale thoraci- que ou thoracoabdominale reste donc une proposition théra- peutique valable lorsque l’on veut assurer une analgésie de qualité afin de faciliter la réhabilitation après une chirurgie de l’aorte abdominale [121] ou chez les patients ayant un ris- que de complications respiratoires élevées. Le débat reste ouvert pour savoir si, au-delà de l’analgésie, d’autres bénéfi- ces de la péridurale peuvent être escomptés en termes de durée d’hospitalisation, de morbidité cardiovasculaire, voire de mor- talité. La prise en charge efficace de la douleur postopéra- toire n’est qu’un des éléments de la réhabilitation postopéra- toire parmi tant d’autres (réalimentation précoce, mobilisation active précoce, diminution du stress périopératoire avec main- tien d’une normothermie, d’une normoglycémie et d’une hémodynamique stable) dont le but final est de diminuer la durée d’hospitalisation et de permettre une récupération rapide [159,160]. 5. Réanimation postopératoire 5.1. Prévention et traitement des complications cardiovasculaires Les complications cardiaques représentent la première cause de morbidité et de mortalité postopératoire de l’AAA. L’ischémie myocardique et les événements cardiovasculai- res surviennent essentiellement pendant la période postopé- ratoire [37]. La survenue d’une tachycardie ou d’une hyper- tension secondaire au stress chirurgical, à la douleur, à l’interruption des agents antihypertenseurs ou l’utilisation de substances sympathomimétiques en postopératoire, sont autant de facteurs qui augmentent la demande en oxygène pendant la période postopératoire. Les patients opérés d’une chirurgie pour AAA doivent donc être surveillés afin de rechercher les signes et les symptômes d’une ischémie myo- cardique tout en sachant que plus de 90 % des épisodes d’ischémie demeurent asymptomatiques [37]. La surveillance électrocardiographique et biologique par le dosage biologi- que de la troponine plasmatique Ic présente un intérêt majeur pendant la période postopératoire. En effet, la plupart des étu- des montrent que l’infarctus du myocarde est précédé par des épisodes d’ischémie myocardique [37,46] ou une élévation faible de la troponine Ic [161,162]. La survenue d’un infarctus du myocarde ou d’une isché- mie en postopératoire d’une chirurgie majeure, représente un facteur de mauvais pronostic de survie à court et à moyen terme, voire à long terme. De plus, la surveillance de 115 pa- tients opérés (38 % de chirurgie pour AAA) en chirurgie vas- culaire a montré que la survenue d’un IdM en postopératoire était un facteur de risque indépendant de surmortalité à un an [163]. De même, il a été montré que l’augmentation de la troponine (> 1,5 ng/ml) en période postopératoire d’une chi- rurgie vasculaire était associée à une diminution de la survie à six mois [164]. Finalement, des auteurs ont récemment mon- tré qu’une augmentation de la troponine, même faible (tro- ponine Ic > 0,6 ng/ml), était un facteur associé à une augmen- tation de la mortalité à cinq ans [165]. Ces résultats sur la valeur péjorative à moyen et à long terme d’une augmenta- 169E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
  • 13. tion minime de la troponine en période périopératoire ont été confirmés par d’autres auteurs [166,167]. La période postopératoire est caractérisée par un état d’hypercoagulabilité. L’acte chirurgical crée ainsi une sus- ceptibilité accrue à la thrombose. Les facteurs de la coagula- tion sont augmentés et, plus particulièrement le fibrinogène [168]. À cela, s’associe une diminution de la fibrinolyse due à l’augmentation plasmatique des inhibiteurs physiologiques de la fibrinolyse (PAI-1) [168]. La fonction plaquettaire est aussi perturbée pendant la phase périopératoire. En chirurgie aortique, il a ainsi été observé une augmentation significative de l’agrégabilité plaquettaire à l’ADP au cours des 48 pre- mières heures postopératoires associées une augmentation du nombre absolu de plaquettes, maximale au septième jour [168]. L’expression des glycoprotéines membranaires pla- quettaires (CD 62 ou P-Sélectine, marqueur d’activation pla- quettaire ou CD-63) n’est cependant pas augmentée. Pendant la période postopératoire, les plaquettes paraissent donc être dans un état d’« instabilité » où le moindre stimulus ou stress (comme l’ADP ou la mise à nu du sous-endothélium lors d’une rupture de plaque) peut conduire à une hyperagrégabi- lité plaquettaire responsable de thrombose. La présence d’une « instabilité » plaquettaire dès les premières heures postopé- ratoires est un argument physiopathologique pour maintenir ou réintroduire précocement les AAP en postopératoire chez les patients à risque de thrombose artérielle [169]. Cet état d’hypercoagulabilité postopératoire joue un rôle dans la genèse des complications myocardiques postopératoires. Plu- sieurs études autopsiques ont retrouvé la présence d’une rup- ture de plaque d’athérosclérose ou d’un thrombus intracoro- naire chez les patients décédés d’un infarctus du myocarde pendant la période postopératoire [170,171]. De plus, cer- tains auteurs ont noté que les infarctus postopératoires ne sur- viennent pas toujours sur des sténoses très serrées, supérieu- res à 90 % [172,173]. Après chirurgie vasculaire, des IdM périopératoires peuvent ainsi se localiser dans des zones consi- dérées comme non ischémiques lors d’un test d’effort [174]. Ces constatations laissent ainsi supposer qu’il existe un ou plusieurs facteurs périopératoires dynamiques responsables de la nécrose myocardique. La formation d’un thrombus coro- naire sur une sténose coronaire d’origine athéromateuse puis son augmentation de taille jusqu’à devenir sub- voire occlu- sif peut participer à la constitution de l’ischémie périopéra- toire [170,171]. Tous ces éléments concourent à souligner l’importance du traitement médical pour prévenir les complications cardia- ques postopératoires. Des auteurs ont ainsi montré que la pres- cription d’un bêtabloquant dans le cadre d’études randomi- sées en double insu améliorait le pronostic des patients [48,50]. Un traitement par bêtabloquant institué en préopéra- toire pour diminuer le risque cardiaque doit être continué pen- dant toute la période postopératoire. L’absorption orale de l’aténolol est diminuée après une chirurgie abdominale [175]. Son efficacité peut ainsi être diminuée et une prescription intraveineuse à la place de la prise orale doit être envisagée si les objectifs de fréquence cardiaque (FC ≤ 80 b/min) ne sont pas atteints pendant la période postopératoire. En cas d’arrêt préopératoire des AAP, leur reprise doit être la plus précoce. En cas de constitution d’un infarctus du myocarde après une chirurgie pour AAA, la réalisation d’une coronarographie voire d’une angioplastie dépendra essentiellement du risque hémorragique du patient. En effet, les gestes de revasculari- sation myocardique par voie transcutanée nécessitent l’asso- ciation de deux voire trois AAP (aspirine, thiénopyridines, anti-GPIIbIIIa) [176]. 5.2. Complications respiratoires postopératoires La chirurgie de l’AAA est une des chirurgies qui s’accom- pagnent le plus de complications respiratoires en postopéra- toire. En effet, l’incidence des complications respiratoires majeures (bronchopneumopathie postopératoire, réintuba- tion, ventilation prolongée) s’élève jusqu’à 30 % dans certai- nes séries [133,177,178]. Les pneumopathies postopératoi- res ont une mortalité entre 30 et 40 % [78]. La localisation du site chirurgical est, avec l’âge supérieur à 80 ans, un des fac- teurs de risque ayant le poids le plus important dans la genèse des complications pulmonaires postopératoires [76]. L’inci- dence des complications respiratoires semble différente lors d’un traitement d’unAAA par endoprothèse même si aucune étude prospective et randomisée n’est actuellement publiée sur le risque respiratoire [179]. L’utilisation de curares de durée d’action prolongée associée à la présence d’une cura- risation résiduelle sont, en revanche, des facteurs de risque identifiés comme associés aux complications pulmonaires postopératoires [180]. L’analgésie est un des facteurs sur lequel il est possible d’agir dans le but de prévenir les com- plications respiratoires (Tableau 3). La réalisation d’une anal- gésie péridurale doit s’intégrer dans un véritable programme de réhabilitation postopératoire d’autant plus que la kinési- thérapie respiratoire (spirométrie incitative, ventilations dis- continues en pression positive) permet de diminuer l’inci- dence des complications respiratoires par deux comme le suggère une méta-analyse de dix études [181]. 5.3. Insuffısance rénale postopératoire La survenue d’une IRA reste un événement rare avec une incidence estimée aux environs de 3 % [104,105]. La diurèse et le chiffre de créatininémie pris individuellement ne per- mettent pas d’évaluer la fonction rénale en postopératoire. En effet, pendant la période postopératoire, le chiffre de la créatininémie n’augmente que lorsque la filtration gloméru- laire est réduite de plus 75 % [182]. Plusieurs traitements médicamenteux (diurétiques, dopamine, mannitol) ont été tes- tés pour prévenir l’IRA postopératoire. Aucun traitement n’a montré une efficacité réelle. Le maintien d’une normovolé- mie et d’une normotension reste donc actuellement les mesu- res les plus importantes en per- et postopératoire pour préve- nir la survenue d’une IRA. 5.4. Ischémie colique postopératoire L’ischémie colique est une complication rare mais grave après une chirurgie pourAAA. En effet, l’incidence de l’isché- 170 E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
  • 14. mie colique clinique et de 0,5 à 1 % [183]. Cependant, celle-ci est plus fréquente lors de la réalisation postopératoire de colos- copie systématique dans des séries prospectives (7 à 35 %) [184,185]. L’ischémie colique se situe essentiellement au niveau du côlon gauche. La vascularisation artérielle du côlon gauche est assurée par l’artère mésentérique inférieure. Le réseau artériel de l’artère mésentérique est en rapport avec deux systèmes anastomotiques : • l’un avec l’artère mésentérique supérieure (arcade de Rio- lan) ; • et l’autre avec l’artère rectale supérieure et moyenne qui naissent des artères iliaques internes (hypogastriques). L’artère mésentérique inférieure est occluse chez un patient sur deux, opéré d’un AAA. La vascularisation du côlon gau- che est alors reprise essentiellement par le système anasto- motique en rapport avec l’artère mésentérique supérieure. Le tableau clinique d’une ischémie colique est différent selon son importance. Les signes cliniques sont peu spécifiques dans un contexte postopératoire. Les patients présentent une ins- tabilité hémodynamique, une sensibilité de la fosse iliaque gauche ou une reprise trop précoce du transit (classique diar- rhée sanglante « sur table »). On note une acidose métaboli- que avec hyperlactatémie, une élévation des lacticodéshydro- génases, des créatines kinases ou de la phosphorémie. Le moindre doute sur une ischémie colique doit faire réaliser une colonoscopie. D’autres tableaux cliniques sont décrits avec présence d’un météorisme abdominal, d’une défense de la fosse iliaque gauche d’une diarrhée sanglante ou d’un syn- drome de défaillance multiviscérale. La colonoscopie doit alors être réalisée en urgence sauf en cas de perforation coli- que (présence d’un pneumopéritoine). Le diagnostic est le plus souvent fait dès le début de la colonoscopie car l’isché- mie touche surtout le côlon sigmoïde et le côlon gauche. On décrit trois stades endoscopiques [186] : • stade I : œdème et érythème de la muqueuse ; • stade II : ulcération de la muqueuse ; • stade III : nécrose extensive de la muqueuse colique. La résection colique s’impose lors de la mise en évidence d’un stade III. Un traitement conservateur est réalisé au stade I. En cas de stade II, la décision d’une colectomie en urgence dépend essentiellement de l’état clinique du patient. D’autres moyens de détection comme la mesure du pH intramuqueux colique ou du dosage du D-lactacte (isomère dextrogyre du lactate produit par la fermentation bactérienne) ont été pro- posés mais restent peu utilisés en pratique [187,188]. La pré- vention de l’ischémie colique passe par une bonne stabilité hémodynamique per- et postopératoire, un temps de clam- page court. La préservation de la vascularisation du côlon gauche reste la stratégie essentielle pour prévenir l’ischémie colique postopératoire. La revascularisation peropératoire de l’artère mésentérique inférieure ne fait pas actuellement l’objet d’un consensus en sachant que les patients ayant une artère mésentérique restant perméable sont à plus grand ris- que d’ischémie colique et sont donc ceux qui pourraient béné- ficier d’une réimplantation. 6. Traitement endovasculaire des anévrismes de l’aorte abdominale Bien que la chirurgie de mise à plat–greffe reste le traite- ment de référence, l’implantation d’une endoprothèse aorti- que (EA) abdominale est une technique maintenant établie, représentant une alternative à la cure chirurgicale des AAA. Le principe du traitement endovasculaire desAAA consiste à déployer une prothèse qui s’ancre hermétiquement au-dessus et en dessous l’anévrisme, excluant le sac anévrismal du flux sanguin et donc prévenant sa rupture. Pour des raisons ana- tomiques, moins de 60 % des patients peuvent bénéficier du traitement endovasculaire ; les anévrismes devant présenter des caractéristiques particulières et un siège sous-rénal, même si maintenant la majorité des prothèses sont faites sur mesu- res. L’Afssaps a redéfini les recommandations d’utilisation des EA en 2003 (Tableau 4) [189]. 6.1. Comparaison avec la chirurgie ouverte Les données de la littérature se fondent essentiellement sur des cohortes de patients dans le cadre d’étude rétrospec- tive ou prospective. L’étude du groupe EUROSTAR, après suivi de 1554 patients traités par voie endoluminale a permis de démontrer un taux de mortalité à 30 jours et un taux de complications systémiques inférieurs à ceux des patients trai- tés par voie classique [190]. Cependant, la mortalité et la mor- bidité postopératoire des patients opérés d’un anévrisme de l’aorte sans facteurs de risque tendent, au fil des années, à devenir de plus en plus faible proche des 2–3 % [191]. De plus, le débat reste ouvert quant au devenir à moyen et à long terme des patients traités par voie endoluminale. Plusieurs Tableau 4 Recommandations de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé pour l’utilisation des endoprothèses aortiques lors du traitement endovasculaire des anévrismes de l’aorte abdominale sous-rénale. L’implan- tation d’une endoprothèse aortique peut être retenue chez les patients ayant un risque chirurgical élevé défini par la présence d’un des facteurs [189] Facteurs de risque • Aˆ ge supérieur ou égal à 80 ans • Coronaropathie (antécédent(s) d’infarctus du myocarde ou angor) avec test fonctionnel positif et lésions coronariennes pour lesquelles un geste de revascularisation est impossible ou non indiqué • Insuffisance cardiaque avec manifestations cliniques patentes • Rétrécissement aortique serré non opérable • FEVG < 40 % • Insuffisance respiratoire chronique objectivée par un des critères sui- vants C VEMS < 1200 ml/s C CV < 50 % de la valeur prédite en fonction de l’âge, du sexe et du poids C Gazométrie artérielle en l’absence d’oxygène : PaCO2 > 45 mmHg ou PaO2 < 60 mmHg C Oxygénothérapie à domicile • Créatininémie ≥ 200 µmol/l avant l’injection du produit de contraste • Abdomen « hostile », y compris présence d’une ascite ou autre signe d’hypertension portale. 171E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
  • 15. auteurs ont démontré que le traitement endovasculaire est une thérapie avec un taux de mortalité à 900 jours acceptable chez les patients octogénaires [192] et/ou ASA IV [193]. Les conséquences hémodynamiques lors de la pose d’une EA sont bien moins importantes que celles consécutives au clampage aortique. Chez les patients traités par voie endolu- minale, il existe un stress myocardique moins important avec une incidence d’ischémie myocardique plus faible que chez les patients traités par chirurgie conventionnelle, même si la morbidité cardiaque globale est comparable dans les deux groupes [179,194]. De même, les variations endocriniennes et métaboliques observées lors du stress et les modifications du profil inflammatoire sont moins importantes lors d’un trai- tement endovasculaire que lors d’une chirurgie ouverte de l’AAA [195]. Les complications respiratoires (détresse res- piratoire, pneumopathie postopératoire) et l’insuffisance rénale aiguë semblent moins fréquentes lors d’un traitement chirurgical par EA [179,194]. Les pertes sanguines sont moins importantes que lors de la chirurgie à ciel ouvert [179,196]. Finalement, la durée du séjour intrahospitalier est moins lon- gue et le recours aux soins intensifs moins fréquent pour les patients traités par EA [179,196] ; en revanche, le coût hos- pitalier est plus important [197], cela étant principalement lié au coût du dispositif prothétique [198]. Deux essais randomisés et prospectifs ont comparé la mor- bidité et la mortalité périopératoire (jusqu’au 30e jour) chez les patients ASA I à III après chirurgie ouverte ou par voie EA [199,200]. À partir de ces études ayant inclus plus de 1400 patients au total, il ressort que la chirurgie par voie endo- vasculaire diminue de plus de 50 % la mortalité périopéra- toire et les complications respiratoires. La mise en place d’une endoprothèse permet aussi de diminuer le temps opératoire, les besoins transfusionnels, le nombre de patients transfusés et la durée d’hospitalisation (six vs sept jours) [200]. Il fau- dra cependant attendre les résultats à long terme des études randomisées (évaluation du risque de rupture avec le traite- ment endovasculaire, réintervention pour endofuite) pour fina- lement savoir si le traitement endovasculaire de l’AAA peut réellement remplacer la chirurgie conventionnelle [195]. 6.2. Complications aiguës Bien que le traitement endovasculaire soit une technique moins invasive que la chirurgie conventionnelle, il existe tou- tefois des complications aiguës, notamment au niveau de la région abordée, pouvant menacer le pronostic vital : • migration ou mauvais positionnement de la prothèse avec comme conséquences potentielles une occlusion d’un vais- seau ou d’une exclusion incomplète de l’anévrisme ; • embolie distale d’une plaque athéromateuse ou d’un throm- bus ; • lésions des vaisseaux iliofémoraux (dissection, isché- mie) ; • réaction indésirable au produit de contraste ; • et rupture de l’aorte. Une conversion pour une chirurgie ouverte survient dans 2,9 % des cas ; après la « période d’apprentissage » (les 30 pre- mières procédures), les causes sont essentiellement la rup- ture anévrismale et les endofuites. Les facteurs de risques sont l’âge avancé du patient, un poids corporel bas, une bron- chopneumopathie chronique obstructive et les collets anévris- maux trop larges ou trop étroits [201]. Le taux de mortalité est élevé après conversion (supérieur à 20 %). Cependant, les patients les plus âgés et les patients atteints d’une BPCO sem- blent ceux qui bénéficient le plus du traitement d’un AAA par EA [194]. 6.3. Complications tardives Les complications tardives sont principalement représen- tées par les endofuites qui correspondent à la persistance ou à la réapparition d’un flux sanguin anévrismal, exposant de nou- veau le patient à un risque de rupture. Leur incidence est de plus de 15 % à la fin de l’intervention et environ de 9 % à six mois comparativement à 0 % après chirurgie ouverte [202]. Elles imposent un suivi régulier, rigoureux et prolongé par TDM injecté. Un syndrome « post-implantation » a égale- ment été décrit chez plus de la moitié des patients ; il s’agit d’un syndrome inflammatoire survenant dans les suites immé- diates de la cure anévrismale. Il associe une fièvre, une hyperleucocytose et une élévation du taux de la protéine C-réactive pendant quatre à dix jours. 6.4. Prise en charge anesthésique Du fait de l’existence de toutes ces complications, l’équipe anesthésique doit être rapidement capable de pouvoir réali- ser un remplissage massif pour traiter une hémorragie aiguë ; la prise en charge anesthésique nécessite la pose d’une voie veineuse de bon calibre, un accès facile aux systèmes de rem- plissage rapide et d’autotransfusion peropératoire voire une mesure invasive de la pression artérielle et un monitorage de la pression veineuse centrale afin de détecter précocement les modifications de précharge. Cependant, l’expérience gran- dissante, à la fois des équipes anesthésiques et chirurgicales, conduit à un monitorage de moins en moins invasif des patients. La pose d’une sonde urinaire permet de recueillir la diurèse et d’éviter la constitution d’un globe vésical. Des agents inotropes et vasoactifs doivent être disponibles rapi- dement ainsi que des culots globulaires. La mise en place d’un cathéter artériel pulmonaire ou d’un autre monitorage de la fonction cardiaque et de la volémie (doppler œsopha- gien, par exemple) se discute au cas par cas en fonction de la gravité de l’atteinte cardiopulmonaire. La technique anesthé- sique la plus souvent employée en Europe est l’anesthésie générale pour des raisons de facilité de stratégie lorsqu’une conversion chirurgicale est nécessaire. Toutefois, une méta- analyse récente démontre que l’anesthésie générale par rapport à l’anesthésie locorégionale (ALR) est un facteur de risque de complications périopératoires [203] et avec l’expérience croissante des intervenants, il est de plus en plus fréquent que la pose d’EA se fasse sous ALR, (anesthésie péridurale, péri- rachianesthésie combinée ou rachianesthésie continue dans 172 E. Marret et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 25 (2006) 158–179
  • 16. le but de titrer l’administration des substances anesthési- ques) voire sous anesthésie locale en cas d’abord unique- ment de l’artère fémorale [204]. Un niveau à T10 est suffi- sant pour réaliser une endoprothèse aortique sous anesthésie périmédullaire. Dans ce cas, le retentissement hémodynami- que de l’ALR est minime. De plus, il semble que l’emploi d’une technique d’ALR permette de diminuer la durée de l’hospitalisation [205] mais moins qu’une anesthésie locale. De plus, sous anesthésie locale, le recours aux substances vasoactives et aux soins intensifs après l’intervention est moins fréquent [206]. Cependant, il n’existe pas de preuve formelle qui permette de dire que l’ALR est différente de l’anesthésie générale en termes de morbimortalité [206,207]. Du fait de l’habituelle longueur de la procédure, la nécessité d’une anesthésie modulable conduit à éviter la réalisation d’une rachianesthésie seule et lorsqu’une anesthésie locale ou ALR est envisagée, l’adjonction d’une sédation permet d’augmenter la compliance du patient. Parfois, afin de per- mettre la mise en place minutieuse de l’EA, il est nécessaire de diminuer le flux sanguin intra-aortique en provoquant une hypotension (PAM ≤ 60 mmHg) ou une bradycardie majeure (esmolol ou adénosine). Dans le cas d’anévrismes sous- rénaux, cette hypotension est rarement nécessaire. Une courte hypotension contrôlée suffit dans la majorité des cas, obte- nue par un approfondissement de l’anesthésie (bolus intra- veineux de propofol, augmentation des doses d’agents anes- thésiques halogénés, injection d’un vasodilatateur de courte durée d’action ou injection péridurale d’un bolus de xylo- caïne). Le traitement endovasculaire implique la réalisation d’artériographies itératives avec injection de produit de contraste, attestant du positionnement exact de l’EA et de l’exclusion du sac anévrismal. Une hydratation optimale per- et postopératoire associée à l’administration de N-acétyl- cystéïne tendent à éviter la survenue des dysfonctions réna- les dues aux produits de contraste [208]. Cette stratégie peut être extrêmement importante car les patients ayant une dys- fonction rénale préopératoire semblent bénéficier spécifique- ment du traitement par EA [194]. 7. Conclusion L’anesthésie et la réanimation des patients opérés pour un AAA nécessitent une véritable approche multidisciplinaire du fait des nombreuses complications associées mais aussi des nombreuses pathologies touchant les futurs opérés. L’éva- luation cardiaque du patient préopératoire a récemment été clarifiée avec les recommandations nord-américaines en vue d’une chirurgie majeure voire même simplifiée avec l’intro- duction préopératoire des bêtabloquants et la démonstration de l’efficacité de l’approche médicamenteuse pour diminuer les complications cardiaques. Finalement, la technique chi- rurgicale de la cure d’AAA est elle-même en évolution : le traitement endovasculaire représente un acte chirurgical de plus en plus pratiqué pour la correction des AAA sous- rénaux. Cette approche a complètement révolutionné la prise en charge hospitalière des patients. Des études randomisées européennes et nord-américaines permettront de connaître la place véritable de ces nouvelles techniques dans les prochai- nes années chez les patients ayant un risque périopératoire faible et élevé. De plus, les abords chirurgicaux deviennent aussi de moins en moins invasifs avec l’introduction des tech- niques de minilaparotomie ou de cœlioscopie. Dans ce contexte, une politique de réhabilitation périopératoire peut y être associée dans l’espoir de diminuer la durée d’hospita- lisation et l’incidence des complications postopératoires. Références [1] Alcorn HG, Wolfson Jr. SK, Sutton-Tyrrell K, Kuller LH, O’Leary D. Risk factors for abdominal aortic aneurysms in older adults enrolled in the cardiovascular health study. Arterioscler Thromb Vasc Biol 1996; 16:963–70. [2] Naydeck BL, Sutton-Tyrrell K, Schiller KD, NewmanAB, Kuller LH. Prevalence and risk factors for abdominal aortic aneurysms in older adults with and without isolated systolic hypertension. Am J Cardiol 1999;83:759–64. [3] Pleumeekers HJ, HoesAW, van der Does E, van Urk H, HofmanA, De Jong PT, et al. Aneurysms of the abdominal aorta in older adults. The Rotterdam study. Am J Epidemiol 1995;142:1291–9. 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