Revue SNIA, n° 205, Août 2016
Seuil transfusionnel et pathologie cardiaque : l’incertitude persiste
Le seuil d’hémoglobine pour lequel une transfusion est préconisée est, dans la plupart des guidelines, celui de 7 g/dl pour la majorité des patients. De récentes recommandations plaident en effet pour cette utilisation restrictive des transfusions sanguines. Ces travaux ont toutefois mis en lumière le manque de preuves et l’incertitude qui règne concernant le seuil idéal pour les patients présentant une pathologie cardio-vasculaire aiguë ou chronique. Une revue Cochrane, publiée en 2012, montrait à cet égard qu’une attitude plus « libérale » améliorait le pronostic de malades hospitalisés en chirurgie cardiaque et atteints d’une pathologie cardio-vasculaire chronique. (...)
Les diabétiques insulinodépendants ont des suites opératoires plus compliquées que ceux sous traitement oral
On sait que les suites chirurgicales des diabétiques sont plus perturbées que celles des non-diabétiques, quel que soit le timing de l’intervention et le type de chirurgie. On a aussi pu montrer que, par exemple pour les reconstructions mammaires, les diabétiques insulinodépendants (DID) avaient plus de complications que ceux sous traitement oral (DNID). Les auteurs californiens se sont attachés à comparer les suites des interventions abdominales pratiquées en urgence chez les DID et les DNID. (...)
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1. 5
ANESTHÉSIE
Dans l’attente de grands essais
randomisés
Les données obtenues ne sont toujours pas suffisantes
pour établir avec une absolue certitude le seuil idéal
pour décider d’une transfusion, mais suggèrent toutefois
que le seuil de 8 g/dl serait plus adapté pour les patients
atteints de pathologie cardio-vasculaire, qu’elle soit aiguë
ou chronique.
Les auteurs estiment qu’il serait nécessaire que de
larges essais randomisés apportent enfin une conclusion
incontestable quant au seuil idéal d’hémoglobinémie
pour décider d’une transfusion chez un patient atteint de
pathologie cardio-vasculaire, aiguë ou chronique.
Une mise au point de la Haute autorité de santé préconisait,
en 2014, « de privilégier un seuil transfusionnel de
8-9 g/dl chez les personnes ayant des antécédents cardio-
vasculaires », recommandation s’appuyant sur un « avis
d’expert ».
Dr
Roseline Péluchon
Publié dans JIM le 13/05/2016
Référence : Docherty A.B. et coll. : Effect of restrictive versus liberal
transfusion strategies on outcomes in patients with cardiovascular disease
in a non-cardiac surgery setting: systematic review and meta-analysis.
BMJ, 2016 ;352 :i1351.
Le seuil d’hémoglobine pour lequel une transfusion est
préconisée est, dans la plupart des guidelines, celui de 7 g/dl
pour la majorité des patients. De récentes recommandations
plaident en effet pour cette utilisation restrictive des
transfusions sanguines. Ces travaux ont toutefois mis en
lumière le manque de preuves et l’incertitude qui règne
concernant le seuil idéal pour les patients présentant
une pathologie cardio-vasculaire aiguë ou chronique. Une
revue Cochrane, publiée en 2012, montrait à cet égard
qu’une attitude plus « libérale » améliorait le pronostic
de malades hospitalisés en chirurgie cardiaque et atteints
d’une pathologie cardio-vasculaire chronique.
Ne se satisfaisant pas de ce manque de preuves, une
équipe internationale a réalisé une nouvelle revue
systématique des essais randomisés concernant le seuil
d’hémoglobinémie utilisé pour les transfusions faites chez
des patients atteints de pathologie cardio-vasculaire. Onze
essais ont été retenus, impliquant 3 033 patients, certains
ayant été pris en charge selon le mode restrictif (n=1 514),
les autres selon un mode plus libéral (n=1 519).
Si la mortalité à 30 jours n’est pas significativement
différente (RR : 1,15 ; IC95 % : 0,88 à 1,50), le respect du
seuil restrictif est associé à une augmentation du risque
d’infarctus myocardique (RR : 1,78 ; 1,18 à 2,70).
Seuil transfusionnel et pathologie cardiaque : l’incertitude persiste
2. 6
On sait que les suites chirurgicales des diabétiques sont
plus perturbées que celles des non-diabétiques, quel que
soit le timing de l’intervention et le type de chirurgie. On a
aussi pu montrer que, par exemple pour les reconstructions
mammaires, les diabétiques insulinodépendants (DID)
avaient plus de complications que ceux sous traitement oral
(DNID). Les auteurs californiens se sont attachés à comparer
les suites des interventions abdominales pratiquées en
urgence chez les DID et les DNID.
Leur étude rétrospective à partir d’un registre national
a embrassé les interventions abdominales d’urgence
pratiquées de 2005 à 2009. Les DID et les DNID ont
été comparés après les avoir appariés un par un par
âge (< et > 65 ans), sexe, score ASA (American Society of
Anaesthesiologists), indice de masse corporelle, 5 catégories
d’interventions (appendicites et péritonites appendiculaires,
vésicules, interventions hépatobiliaires et spléniques, tube
digestif supérieur [en amont du jéjunum], et tube digestif
inférieur), et défaillances viscérales préopératoires (rein,
cœur, choc septique) ou prise de corticoïdes.
Davantage de complications et un taux
de mortalité plus élevé à 30 jours
Sur les 7 401 opérés en urgence, il y avait 3 182 (43 %) DID
et 4 219 (57 %) DNID. Avant l’appariement, les DID se sont
avérés plus jeunes, plus minces, avec un score ASA plus élevé
que les DNID, et avec plus de défaillances préopératoires.
L’appariement a concerné 2 280 sujets de chaque groupe :
mêmes tranches d’âge, même score ASA, même indice
de masse corporelle, même type d’intervention, etc.
Par exemple, il y avait dans chaque groupe 1 148 femmes,
1 138 sujets de groupe ASA 3, 1 193 obèses, 1 221 opérés du
tube digestif inférieur, etc.
En préopératoire, l’intervention avait été plus souvent
différée (1 vs 0 j) chez les DID.
En postopératoire, les complications ont affecté plus souvent
les DID, qu’il s’agisse d’infection urinaire, d’arrêt cardiaque
ou les complications en général (35 vs 31 %), à l’exception
des abcès profonds, plus fréquents chez les DNID. Les
infections superficielles, éviscérations, phlébites, etc. ont
été également réparties dans les 2 groupes. L’hospitalisation
a été prolongée en moyenne d’un jour.
Les DID avaient 3 fois plus de chance d’être infectés lors
de l’admission, ont eu 1,2 fois plus de complications et
un taux de mortalité plus élevé que les DNID à 30 jours. Il
apparaît donc logique de les traiter plus intensivement que
les malades sous antidiabétiques oraux en prévision de
complications potentielles.
Dr
Jean-Fred Warlin
Publié dans JIM le 07/07/2016
Références : Haltmeier T et coll. : Insulin-treated patients with diabetes
mellitus undergoing emergency abdominal surgery have worse outcomes
than patients treated with oral agents. World J Surg., 2016; 40: 1575-1582
Les diabétiques insulinodépendants ont des suites opératoires plus
compliquées que ceux sous traitement oral