Le rôle central de la médecine interne dans l’évolution des systèmes de santé...
Embolie pulmonaire
1. Dr. KERFAH S.
Médecin résidente en pneumo-
phtisiologie EHUOran
Plan de la question
I. Introduction:
II. Définition:
III. Intérêt de la question:
IV. Epidémiologie :
A)Incidence :
B) Facteurs de risque :
C) Mortalité :
V. Physiopathologie :
A)Genèse :
B) Retentissement hémodynamique de l’EP :
C) Retentissement respiratoire de l’EP :
VI. Diagnostic positif :
A)Suspicion d’EP :
1- Clinique :
2- Présence de FDR :
3- Examens complémentaires de 1ère
intention :
a/ Radiographie thoracique :
b/ ECG :
c/ GDS :
B) Probabilité clinique :
1- Score implicite :
2- Scores explicites : Scores de Wells et de Genève simplifiés :
C) Examens complémentaires :
1- D-dimères :
2- Examens morphologiques :
a/ Angioscanner thoracique:
b/ Scintigraphie pulmonaire:
c/ Echodoppler des MI :
d/ ETT :
D)Stratégie diagnostique :
1- TVP :
2- EP non massive :
3- EP massive :
E) Terrains particuliers :
1- Grossesse :
2- Sujets âgés :
3- EP non thrombotique :
Embolie pulmonaire
Objectifs pédagogiques :
a) Connaitre la genèse de l’EP.
b) Connaitre la stratégie Dg de l’EP.
c) Connaitre la stratégie thérapeutique de l’EP
Diagnostiquer une TVP et/ou EP.
Identifier les situations d’urgence et
planifier leur PEC.
Argumenter l’attitude thérapeutique et
planifier le suivi du patient.
Connaitre les indications et les limites d’un
bilan de thrombophilie.
Prescrire et surveiller un TRT anti-
thrombotique à titre préventif et curatif, à
court et à long terme.
2. VII. Evaluation pronostique :
A) Paramètres cliniques:
1- TA :
2- Score de PESI simplifié :
B) Imagerie du VD par échographie ou par angioscanner :
C) Biologie :
D) Stratégie d’évaluation du pronostic :
VIII. Evolution et complications:
A)A la phase aigue:
B) A long terme :
1- Récidives :
2- Séquelles :
IX. Traitement :
A) Moyens :
1- Anticoagulants :
a/ Héparines avec relai précoce par AVK :
HBPM :
HNF :
AVK :
b/ AOD :
c/ Education thérapeutique d’un TRT anticoagulant :
2- Traitement fibrinolytique (thrombolyse) :
3- Filtre cave :
4- Embolectomie chirurgicale :
5- Contention veineuse :
6- Lever précoce :
B) Stratégie thérapeutique :
1- Traitement à la phase aigue :
a/ EP à haut risque de mortalité :
b/ EP à risque bas ou intermédiaire :
2- Traitement chronique et prévention des récidives :
X. Conclusion :
Objectifs pédagogiques :
1. Connaitre les facteurs de risque de la MTE.
2. Connaitre les principales présentations cliniques de l'EP.
3. Savoir déterminer la probabilité clinique d'un EP.
4. Savoir reconnaître une EP grave.
5. Savoir prescrire et hiérarchiser le bilan diagnostic d'une
MTE en fonction du terrain et des signes de gravité
(algorithmes décisionnels).
6. Connaitre les complications de la MTE à court, moyen et
long terme.
7. Connaitre les éléments du bilan étiologique d'une MTE.
8. Connaitre les traitements anticoagulants disponibles selon le
tableau clinique (EP ou TVP), la gravité (EP grave ou non) et
le contexte (insuffisance rénale, obésité, âge, antécédents de
thrombopénie héparino-induite) et savoir prescrire le traitement
de la MTE (choix des molécules, voies d'administration, durée
de traitement)
9. Connaitre les principes de la prise en charge d'une EP grave.
10. Connaitre les FDR de récidive de la MTE et les hiérarchiser
en fonction de leur caractère transitoire ou persistent.
3. I. Introduction :
L’embolie pulmonaire s’intègre dans le cadre de la maladie thrombo-embolique (MTE) dont elle représente
un pole, l’autre étant la thrombose veineuse des membres inférieurs. La première étape, en cas de suspicion
d’EP, est de distinguer grâce à la clinique (état de choc ou hypotension) les patients dits « à haut risque » (EP
anciennement appelée « embolie pulmonaire massive »), nécessitant une PEC diagnostique et thérapeutique
dans les plus brefs délais. Dans les autres cas, le diagnostic doit être fait selon les stratégies diagnostiques bien
validées, reposant sur l’évaluation de la probabilité clinique, le dosage des D-dimères et l’angioscanner
pulmonaire multibarrette.
II. Définition :
L’Embolie pulmonaire (EP) est la conséquence de l’obstruction brutale, totale ou partielle, du tronc ou d’une
ou plusieurs branches de l’artère pulmonaire par un thrombus, le plus souvent de nature fibrino-cruorique.
III. Intérêt de la question :
Urgence grave et potentiellement mortelle.
EP et TVP sont 2 manifestations d'une même maladie : MTE.
3ème
place des maladies cardio-respiratoires : incidence 100 à 200 cas/100.000 habitants/an.
Deux présentations cliniques très différentes d’EP: une forme rare (5% des cas) l’EP à haut risque de décès
définie par la présence d’un état de choc (mortalité 25-50%) et les EP sans états de choc (95% de cas) dont la
présentation clinique est très polymorphe et dont la difficulté de prise en charge repose sur l’évocation du
diagnostic et le respect de l’algorithme diagnostique.
Le diagnostic de MTE est difficile car les signes cliniques sont inconstants et non spécifiques. Mais il est
indispensable, vu le risque potentiel du traitement anticoagulant.
Le traitement de la MTE est l’anticoagulation efficace qui a pour but de prévenir une récidive.
IV. Epidémiologie :
A) Incidence :
La MTE est une maladie fréquente dont l’incidence annuelle est de à 1 à 2 cas pour 1000 habitants (dans
1/3 EP, 2/3 TVP).
L’incidence annuelle de la MTE augmente avec l’âge (1/100 après 75 ans contre 1/10 000 avant 40 ans).
B) Facteurs de risque :
La maladie veineuse thromboembolique (MVTE) est la conséquence d’une interaction entre facteurs de
risque liés au patient habituellement permanents, et facteurs de risque liés à l’environnement habituellement
temporaires.
La MVTE est considérée comme ‘provoquée’ s’il y a des facteurs de risque temporaires ou réversibles (tels
qu’une intervention chirurgicale, un traumatisme, une immobilisation, une grossesse, une contraception orale
ou un traitement hormonal substitutif) dans les 6 semaines à 3 mois précédant le diagnostic, et ‘non
provoquée’ en l’absence de ces facteurs.
Une embolie pulmonaire peut également survenir en l’absence de facteurs de risque connus. Dans 50% des
cas, aucun facteur n’est identifié.
La présence de facteurs de risque persistants ou majeurs temporaires peut influencer la décision quant à la
durée de l’anticoagulation après un premier épisode d’EP.
4. On peut aussi les classer selon l’odds ratio (OR) en :
Facteurs de risque élevé : (OR>10)
Fracture du membre inferieur
Hospitalisation pour insuffisance cardiaque ou FA/flutter (dans les 3 mois précédents)
Pose de prothèse de hanche ou de genou
Traumatisme majeur
Infarctus du myocarde (dans les 3 mois précédents)
Antécédents thromboembolique veineux
Lésion médullaire
Facteurs de risque intermédiaire : (OR 2-9)
Chirurgie orthoscopique du genou
Maladies auto-immune, Thrombophilie
Cancer (plus haut risque au stade de métastases)
AVC paralytique
TRT : Chimiothérapie, agents stimulants l’érythropoïèse, traitement hormonal substitutif,
contraception orale
Infections (spécifiquement pneumonie, infection du tractus urinaire, VIH)
Insuffisance cardiaque congestive ou respiratoire
Transfusion sanguine, cathéters veineux centraux
Fécondation in vitro, post partum
Thrombose veineuse superficielle
Facteurs de risque faible (OR<2)
Alitement > 3 jours
Position assise immobile (ex : voyages aériens ou en voiture prolongés > 6h )
Age avancé > 65 ans
Chirurgie cœlioscopique (ex : cholécystectomie)
Obésité
Grossesse
Varices
Le tabac, le diabète, la dyslipidémie et l’HTA ne sont pas des facteurs de risque de MTEV.
5. C) Mortalité :
La mortalité de l’EP non traitée est d’environ 30 %. Malgré le traitement, le risque de mortalité rapporté dans
différents registres est de 10 % environ à 30 jours, et de 9 à 17 % à trois mois. Cette mortalité est rapportée
soit directement à l’EP (retentissement hémodynamique), mais le plus souvent au terrain sur lequel survient
l’EP (cancer, âge, insuffisance cardiorespiratoire).
V. Physiopathologie :
A) Genèse :
L’embolie pulmonaire est la complication d’une TVP le plus souvent des MI : ce sont les deux pôles
d’une même maladie, la maladie thromboembolique veineuse.
Trois facteurs interviennent dans la genèse des TVP (triade de Virchow) :
Stase veineuse : anesthésie, immobilisation, varices…
Lésions vasculaires : traumatisme, chirurgie, cathétérisme…
Hypercoagulabilité : cancer, thrombophilie biologique, hyperviscosité sanguine...
B) Retentissement hémodynamique de l’EP :
L’obstruction brutale de la circulation pulmonaire par des thrombi provoque une:
↑ de la pression artérielle pulmonaire (PAP), de la post-charge du VD qui entraîne une dilatation du VD,
du travail du VD et de la consommation en oxygène du VD ;
Ischémie du VD par écrasement des vaisseaux coronaires sous-épicardiques, et ↓ de la contractilité du VD;
Compression du VG par le VD avec diminution de la précharge du VG ;
Bas débit cardiaque, hypotension artérielle et état de choc.
La réponse hémodynamique dépend de l'importance de l'embolie et de l'état cardiovasculaire préexistant. Le
retentissement hémodynamique n'est patent chez le sujet sain que pour une obstruction de 50-60% du lit
vasculaire pulmonaire ou lorsque surviennent des emboles répétés.
6. C) Retentissement respiratoire de l’EP :
Initialement un Effet espace mort : territoires ventilés mais non perfusés,
Puis un effet shunt : diminution de la ventilation dans les territoires embolisés et redistribution de la
perfusion vers les artères perméables, ou ils s'oxygènent mal (↑ du débit, ventilation insuffisante) ⇒ hypoxie,
hypocapnie (Pa O2 + Pa CO2 < 120 mmHg).
Autres causes d’hypoxie :
Shunt droit-gauche par réouverture du foramen ovale.
Altération de la diffusion alvéolo-capillaire en raison d’une ↓ régionale du temps de transit capillaire.
Possibles atélectasies à cause de la broncho-constriction des territoires embolisés due aux produits de
dégranulation plaquettaire (PDF, histamine, sérotonine, prostaglandines vaso-actives) + thrombine du caillot.
Un infarctus pulmonaire peut se voir quand les 3 voies d'oxygénation sont interrompues (circulation
artérielle pulmonaire, bronchique et voies aériennes) ⇒ hémoptysie noirâtre.
VI. Diagnostic positif :
Les 3 grandes étapes du diagnostic d’EP reposent sur les éléments suivants, incontournables :
1. SUSPECTER LE DIAGNOSTIC D’EP.
2. ETABLIR UNE PROBABILITE CLINIQUE D’EP.
3. PRESCRIRE UN EXAMEN PARACLINIQUE.
Le diagnostic d’EP doit être établi :
Dans les 24 heures.
Avec certitude.
Sur les résultats combinés de la probabilité clinique et des examens paracliniques (aucun examen isolé
ne permet de confirmer ou d’exclure le diagnostic).
A) Suspicion d’EP : aucun score disponible ; repose sur un faisceau d’arguments :
1- Clinique :
En cas de suspicion d’EP, les signes cliniques n’ont aucune valeur de certitude pour affirmer ou éliminer
l’EP (pas de spécificité).
a/ EP non massive :
Douleur thoracique de type « pleural » : brutale, basithoracique, augmentée à l'inspiration profonde.
Dyspnée et/ou polypnée de survenue brutale, sans anomalie à l'examen physique pulmonaire.
D’autres signes peuvent être présents : Hémoptysie en général de petite abondance (témoin d'un infarctus
pulmonaire, tachycardie, fièvre, toux
L’auscultation pulmonaire est souvent normale. L’examen clinique peut être normal.
Des signes de phlébite ne sont présents que dans 50 % des cas d’EP confirmée : œdème d’un membre
inférieur, douleur du mollet, diminution du ballotement du mollet et une ↑ de la chaleur locale.
7. b/ EP massive :
D'emblée, en cas de suspicion d'EP, il faut rechercher des signes cliniques de gravité, témoins d'une EP
massive nécessitant une prise en charge urgente diagnostique et thérapeutique en unité de réanimation.
Ce sont des signes cliniques de cœur pulmonaire aigu, qu’il faut savoir reconnaître avant que l’état de choc
se manifeste: tachycardie, reflux hépato jugulaire, turgescence jugulaire, hypotension artérielle, signes de choc
périphériques, troubles de la repolarisation à l’ECG, signes traduisant un bas débit cardiaque : syncope,
lipothymie, et somnolence.
Instabilité hémodynamique qui définit l’EP aigue a haut risque :
2- Présence de facteurs de risque : (voir supra).
3- Examens complémentaires de 1ere intention : ni sensibles ni spécifiques pour le diagnostic d’EP.
a/ Radiographie thoracique :
Peut être normale, surtout intérêt pour le Dg différentiel (pneumonie, pneumothorax, fracture de côte).
Atélectasie en bande, épanchement pleural, ascension d’une coupole diaphragmatique, infarctus pulmonaire
(opacité alvéolaire triangulaire à base pleurale) et signe de Westermark (hyperclarté segmentaire ou lobaire
due à une hypovascularisation évoquant une EP grave).
b/ ECG :
Peut être normal, mais souvent une tachycardie.
Signes de sévérité (signes droits) : déviation axiale droite, onde S en D1 et onde Q en D3 « S1Q3 », BBD.
Rarement une fibrillation ou flutter auriculaire.
Diagnostics différentiels : infarctus du myocarde, péricardite aiguë.
c/ Gaz du sang :
Examen non systématique, voir inutile.
Il retrouve classiquement une hypoxie, une hypocapnie et une alcalose respiratoire (effet shunt : Pa O2 +
Pa CO2 < 120 mmHg).
L’hypercapnie est exceptionnelle, et l’acidose métabolique est un élément d’extrême gravité.
8. B) Probabilité clinique (PC) :
Etape la plus importante qui conditionne la valeur diagnostique des examens paracliniques et donc la
conclusion posée à l’issue de la stratégie diagnostique.
La PC est évaluée au moyen de 2 types de scores, tous aussi performants :
1- Score implicite (probabilité empirique):
Signes cliniques évocateurs d’EP (+ 1 point)
Un ou des facteurs de risque de MTEV (+ 1 point)
Absence de diagnostic alternatif (+ 1 point)
1 point = probabilité faible ; 2 points = probabilité intermédiaire ; 3 points = probabilité forte.
2- Scores explicites (Scores dérivés): Scores de Wells et Genève simplifiés :
On définit 3 classes de probabilité clinique:
PC faible prévalence de l’EP < 10%.
PC intermédiaire prévalence de l’EP 30 à 40%.
PC forte prévalence de l’EP > 70%.
Au terme de cette évaluation, quand la probabilité clinique est intermédiaire ou élevée, une anticoagulation
efficace doit être instituée sans attendre la confirmation du diagnostic, qui peut prendre quelques heures, quitte
à l’interrompre si l’embolie pulmonaire est éliminée par les examens complémentaires.
9. C) Examens para-cliniques :
Dosage des D-dimères Directement d’un examen morphologique
Pas de dosage des D-dimères (faux positifs)
1- Dosage plasmatique des D-dimères :
Les D-dimères sont des produits spécifiques de la dégradation de la fibrine dont la présence à des taux
élevés signifie que de la fibrine a été produite et lysée.
Le taux plasmatique des D-dimères est presque toujours élevé dans la MTEV, mais aussi dans de
nombreuses situations (cancer, infection, inflammation, chirurgie, sujets âgés, grossesse, ACFA …).
Très sensible (≥ 96%) : un test négatif exclut le diagnostic d’EP si la PC est non forte VPN.
Non spécifique : un test positif n’a aucune valeur.
Un test de D-dimères négatif est défini par :
< 50 ans : concentration plasmatique < 500 μg/L.
≥ 50 ans : < à un seuil ajusté à l’âge: âge x 10 (exemple : âge 78 ans, seuil 780 μg/L).
Non interprétable chez les patients sous anticoagulants curatifs.
2- Examens morphologiques :
a/ Angioscanner thoracique :
Critère diagnostique : présence de lacunes endo-vasculaires ou absence d’opacification d’une section
artérielle pulmonaire sur une artère segmentaire ou plus proximale.
Très spécifique : confirme le diagnostic quel que soit la PC.
Modérément sensible: un angioscanner (-) exclut l’EP sauf en cas de PC forte (poursuivre les explorations).
3 % des scanners ne permettent pas de conclure vis-à-vis du Dg d’EP (mauvaise apnée, contraste insuffisant)
Inconvénients : irradiant et nécessite l’injection de produit de contraste iodé.
Contre-indications : allergie aux produits de contraste ; insuffisance rénale sévère.
b/ Scintigraphie pulmonaire de ventilation/perfusion:
Réalisée en cas de contre-indication à l’angioscanner ou en fonction de la disponibilité dans les centres
hospitaliers.
Technique : injectant par voie veineuse périphérique des macroagrégats d’albumine marqués par le
technétium 99m (99mTc) et inhalation de gaz radioactif, le krypton 81m ou 99mTc. 6 incidences doivent être
réalisées : faces antérieure et postérieure, deux profils et deux obliques.
Résultats: des critères d’interprétation ont été validés dans l’étude « Prospective Investigation Of Pulmonary
Embolism Diagnosis » (PIOPED) :
Normale : pas de défect en perfusion: EP exclue quelle que soit la PC (sensibilité 100%).
Haute probabilité PIOPED: ≥ 2 défects segmentaires de perfusion (zone froide) sans défect ventilatoire :
Si PC forte : confirme le diagnostic d’EP.
Si PC non forte : non conclusif.
Probabilité PIOPED non haute : non conclusif (50% des cas).
Probabilité clinique
Non forte Forte
10. La scintigraphie est difficilement interprétable en cas de : EPL abondant, emphysème ou BPCO évoluée.
Absence de contre-indication. En revanche, elle ne doit pas être utilisée lorsqu’il existe des anomalies
pulmonaires à la radiographie thoracique.
c/ Echodoppler veineux des membres inférieurs:
C’est l’examen le moins invasif et le moins coûteux, il permet de retrouver l'origine du foyer embolique.
Très spécifique pour les veines proximales : en cas de suspicion d’EP (quelle que soit la PC), la présence
d’une TVP proximale (poplitée ou plus proximale) confirme le diagnostic d’EP donc pas besoin d’imagerie
complémentaire.
Peu spécifique pour les veines distales : la présence d’une TVP distale en cas de suspicion d’EP ne suffit pas
à confirmer le diagnostic d’EP donc il faut compléter par d’autres examens.
Un échodoppler veineux normal n’exclut pas le diagnostic d’EP.
Critères diagnostics Probabilité clinique de l’EP
Faible Moyenne Forte
EP peu -
probable
EP
Probable
Exclusion de l’EP
D-dimère (-) + + - + -
Angioscanner multi-barette normal + + +/- + +/-
Scintigraphie V/Q normale + + + + +
Scintigraphie V/Q Non conclusive et
CUS proximal Négatif
+ +/- - + -
Confirmation de l’EP
Angioscanner montrant au moins une EP
segmentaire
+ + + + +
Scintigraphie V/Q haute probabilité + + + + +
CUS objectivant une TVP proximale + + + + +
d/ Echocardiographie transthoracique (ETT) :
Examen simple, non invasif et facilement réalisable.
Indiquée seulement en cas de suspicion d’EP à haut risque, elle n’est pas recommandée dans la stratégie
diagnostique d’une suspicion d’EP hémodynamiquement stable. En effet, elle est surtout utile en cas de
suspicion d’EP grave, afin de confirmer l’insuffisance cardiaque droite aiguë.
Une échocardiographie normale n'élimine pas le diagnostic d'EP sans retentissement cardiaque.
Confirme le diagnostic d’EP (PC d’EP toujours forte dans cette situation) si :
Signes directs : thrombus dans les cavités cardiaques droites ou dans le tronc de l’artère pulmonaire
(exceptionnel).
Signes indirects : signes de CPA (dilatation du VD, dysfonction du VD et septum paradoxal) et HTAP.
L’échographie permet également d’éliminer une cardiopathie gauche, une tamponnade péricardique, une
dissection aortique, et un infarctus du VD.
12. 3- Embolie pulmonaire massive (avec hypotension / état de choc): Selon ESC 2019
E) Terrains particuliers :
1- Grossesse :
La sensibilité des D-dimères est inchangée et ils doivent être réalisés en cas de PC non forte.
S’ils sont positifs ou si la PC est forte, il faut réaliser un échodoppler veineux ; si négatif, on réalise une
scintigraphie pulmonaire planaire de perfusion en première intention (si disponible) ou un angioscanner
thoracique. L’irradiation fœtale est très nettement inférieure au seuil fœto-toxique.
Si un scanner est réalisé, faire un dosage des hormones thyroïdiennes à la naissance (risque de surcharge
thyroïdienne fœtale, exceptionnel).
2- Sujets âgés :
La sensibilité des D-dimères est inchangée et doivent être réalisés en cas de PC non forte.
Même à un âge avancé, un taux plasmatique inférieur à âge x 10 ng/L par une méthode ELISA permet
d’éliminer le diagnostic sans autre examen.
3- Embolie pulmonaire non thrombotique :
Tumorale, amniotique, graisseuse, gazeuse et septique.
Le diagnostic est difficile à faire.
13. VII. Evaluation pronostique : l’évaluation du pronostic de l’EP repose sur :
A) Paramètres cliniques :
1- Tension artérielle : état de choc (PAS < 90 mmHg ou chute de la PAS > 40 mmHg par rapport à l’état de
base pendant plus de 15 minutes).
2- Index de sévérité de l’EP simplifié (score de PESI simplifié): classe les patients en 2 catégories de risque
de décès à 30 jours :
Score de PESI simplifié
Age > 80 ans 1
Cancer 1
Insuffisance cardiaque ou respiratoire chronique 1
Fréquence cardiaque ≥110bpm 1
Pression artérielle systolique <100 mmHg 1
Saturation artérielle en oxygène <90% 1
0 point = risque de mortalité à 30 jours 1,0%.
≥1 points = risque de mortalité à 30 jours 10,9%.
B) Imagerie du ventricule droit par échocardiographie ou par angioscanner :
À l’échocardiographie, il y aurait une dysfonction du VD chez plus de 25 % des patients ayant une EP.
Les critères sont la dilatation du VD, rapport VD/VG , une hypokinésie de la paroi libre du VD, une
augmentation de la vitesse du jet et de l’insuffisance tricuspide, une diminution de l’écartement (excursion)
systolique de l’anneau tricuspide (TAPSE), ou une combinaison des critères ci-dessus.
L’échocardiographie peut aussi identifier un shunt droit-gauche à travers un foramen ovale perméable, et la
présence de thrombus dans le cœur droit, deux éléments qui sont associés à une mortalité accrue chez les
patients ayant une EP.
L’angioscanner peut détecter une dilatation du VD.
C) Biologie :
Le taux de BNP reflète la sévérité de la dysfonction du VD.
La troponinémie peut être , du fait d’un infarctus VD transmural malgré des artères coronaires perméables.
D) Stratégie d’évaluation du pronostic :
La stratification initiale du risque en cas d’EP suspectée ou confirmée, basée sur la présence d’un choc ou
d’une hypotension persistante, est recommandée afin d’identifier les patients à haut risque de décès précoce.
Chez les patients non à haut risque, l’utilisation d’un score prédictif validé (de préférence l’ISEP ou l’ISEP
simplifié) doit être envisagée afin de distinguer un risque bas ou intermédiaire.
En cas de risque intermédiaire, l’évaluation du VD par échocardiographie ou scanner et celle de l’atteinte
myocardique par la biologie, doivent être envisagée pour une évaluation complémentaire du risque.
14. VIII. Evolution et complications :
A) A la phase aiguë:
Mortalité de EP non traitée = 25 %.
HTAP peut créer une réouverture du foramen ovale qui provoque :
Des hypoxies sévères réfractaires.
Des embolies paradoxales dans la grande circulation en particulier cérébrale.
B) A long terme :
1-Récidives thromboemboliques :
Liés aux caractéristiques des facteurs de risque :
Si facteur transitoire majeur risque faible de récidive.
Si facteur persistant majeur risque élevé de récidive.
Les facteurs mineurs influencent peu ou pas le risque de récidive.
2- Séquelles :
Syndrome post-thrombotique après TVP (1/3 des patients): douleurs, varices, varicosités, oedème, dermite
ocre et ulcères variqueux.
CPC et HTAP thrombo-embolique chronique : rare, à évoquer devant une dyspnée persistante à distance
d’une EP ayant été traitée au moins 3 mois.
IX. Traitement :
L’EP et TVP proximale sont une urgence thérapeutique.
• Le traitement repose sur une anti-coagulation à dose efficace, instituée dès que le diagnostic est suspecté,
sans attendre les résultats des examens complémentaires.
A) Moyens :
1- Anticoagulants : Il existe 2 options de traitements :
Héparine avec relai Anticoagulant oral direct
précoce (J1) par AVK. (AOD) d’emblée.
a/ Option 1 : Héparines avec relai précoce par AVK :
i. Traitement héparinique:
Les héparines sont des anticoagulants d’action rapide (pic à 1 H après l’injection): héparine non fractionnée
(HNF), héparines de bas poids moléculaires (HBPM) ou fondaparinux. Ces 3 traitements ont une efficacité
équivalente mais les HBPM et le fondaparinux sont préférés aux HNF.
HBPM :
Dose adaptée au poids
Pas de surveillance biologique (pas de TCA ni anti-Xa, ni plaquette).
Risque diminué de thrombopénie induite par l'héparine (TIH).
Mais CI en cas d’IR sévère (clairance créatinine <30 ml/mn selon la formule de Cockcroft et Gault).
Pas d’antidote.
HBPM Préventif Curatif
Lovenox® (Enoxaparine) 0.2 à 0.4 ml 1x/jr 0.6 à 1 ml 2x/jr
Fraxiparine® (Nadroparine) 2850 UI/j à 57 UI/kg/j 85 UI 2x/jr
Fragmine® (Daltéparine) 2500 à 5000 UI/j 100 UI/Kg 2x/jr
Innohep® (Tinzaparine) 2500 à 5000 UI/j 175 UI/Kg en inj/j
Arixtra® (Fondaparinux) < 50 kg : 5 mg
50-100 kg : 7,5 mg 1x/jr
> 100 kg : 10 mg
15. HNF :
Administrée par voie IV continue ou en sous-cutanée en 2 ou 3 fois par jour:
Voie IV continue : un bolus de 80U/kg puis une perfusion de 18UI/kg/h (soit 400-500 UI/kg/j).
Voie SC : Calciparine® en 2x/jr: une dose de 333 U/kg puis une injection de 250UI/kg toutes les 12 H.
Adaptation de la dose en fonction du TCA (objectif entre 1,5 et 2,5).
Surveillance des plaquettes 2 fois/semaine (risque TIH).
Indiquée chez les insuffisants rénaux sévères et l’EP à haut risque.
L’antidote est le sulfate de protamine en IV, actif immédiatement.
ii. Relai AVK précoce : (Coumadine®, Préviscan®, Sintrom®)
L’AVK de référence recommandé en 1ère intention est la warfarine (Coumadine®).
L’AVK est débuté en même temps que le traitement injectable.
L’effet anticoagulant est mesuré par l’INR qui doit être compris entre 2 et 3.
L’effet des AVK étant progressif, il faut poursuivre les traitements injectables tant que l’INR n’est pas dans
la cible thérapeutique.
Inconvénients des AVK : nécessité de réaliser des dosages de l’INR, et interactions médicamenteuses.
Risque hémorragique sous AVK : Facteurs majeurs :
- Âge > 75 ans.
- ATCD d’hémorragie digestive ou d’AVC.
- Alcoolisme chronique.
- Diabète.
- Prise concomitante d’antiagrégants.
- Insuffisance rénale.
- AVK mal équilibré.
- Polymorphismes sur le cytochrome P450.
b/ Option 2 : Anticoagulants oraux directs (AOD) :
Le Rivaroxaban (Xarelto®) et l’Apixaban sont les plus utilisés, tous les 2 des inhibiteurs directs du facteur X
activé. Ils représentent désormais le traitement de 1ère intention.
Voie orale, à dose fixe, sans contrôle biologique.
Action rapide à utilisation d’emblée (pas de pré-traitement par héparine).
Demi-vie courte.
Aussi efficace que les AVK et plus sûrs : réduction du risque d’hémorragie grave.
Pas d’antidote.
Contre-indications :
- insuffisance rénale sévère,
- grossesse et allaitement,
- Syndrome des antiphospholipides.
- interactions médicamenteuses majeures liées au cytochrome 3A4 ou la P-glycoprotéine (rifampicine,
phénobarbital, quinine, azolés, antiprotéases utilisées dans le VIH, antiépileptiques, et macrolides sauf
l’azithromycine).
c/ Education thérapeutique d’un TRT anticoagulant : toujours obligatoire sur :
Les signes de récidive de MTEV et les signes hémorragiques sous anticoagulants.
L’observance.
Les interactions médicamenteuses
De contre-indiquer l’automédication (aspirine et AINS)
De remettre une carte précisant le type et l’indication du traitement anticoagulant
D’informer tout autre professionnel de santé impliqué du traitement anticoagulant prescrit.
Si AVK : éduquer le patient sur la surveillance de l’INR (INR cible, périodicité des contrôles…).
Les interactions médicamenteuses sont plus fréquentes qu’avec les AOD.
Les patients sous AVK ne doivent pas faire de régime alimentaire particulier (alimentation équilibrée).
Le traitement injectable est stoppé si et seulement si 2 conditions sont obtenues :
5 jours minimum de chevauchement entre AVK et traitement anticoagulant injectable, et
2 INR entre 2 et 3 à 24h d’intervalle.
16. 2- Traitement fibrinolytique (thrombolyse) :
Action : permet une désobstruction vasculaire pulmonaire rapide (3 H), et permet ainsi une chute des
résistances vasculaires pulmonaires et une amélioration de la fonction du VD.
Indication : en 1ère intention dans l’EP à haut risque et en 2ème intention dans l’EP à risque intermédiaire
élevé (si aggravation).
Risque majeur : hémorragie grave, notamment hémorragies intracrâniennes (2%).
Contre-indications : elles sont relatives, excepté une hémorragie intracérébrale.
Molécules et posologie :
Streptokinase
Dose de charge de 250000 UI sur 30 min, puis 100000 UI/h pendant 12-24 H.
Thrombolyse accélérée : 1,5 million UI sur 2 H.
Urokinase
Dose de charge de 4400 UI/kg sur 10 min puis 4400 UI/kg/h pendant 12-24 H
Thrombolyse accélérée : 3 millions UI sur 2 H.
rt-PA
100 mg sur 2 H ; ou
0,6 mg/kg sur 15 min (dose maximale : 50mg).
3- Filtre cave :
Il s’agit désormais de filtres caves temporaires. Ses indications sont:
CI aux anticoagulants :
Absolue : hématome intracrânien, …
Temporaire: hémorragie active grave traitable (ex : ulcère hémorragique…).
Récidive d’EP prouvée sous traitement bien conduit
4- Embolectomie chirurgicale :
L’embolectomie sous circulation extra-corporelle est une technique d’exception indiquée dans l’EP à haut
risque en échec de la thrombolyse ou en cas de contre-indication absolue à la thrombolyse.
5- Contention veineuse :
Indiquée uniquement si TVP isolée ou EP avec TVP, pendant 6 mois minimum.
6- Lever précoce :
Lever précoce 1 heure après l’initiation d’un traitement anticoagulant à dose efficace (héparine ou AOD
d’emblée) si l’état clinique le permet. Alitement en cas de choc ou hypoxie.
B) Stratégie thérapeutique : Selon ESC 2019
1- Traitement à la phase aigue :
a/ EP à haut risque de mortalité :
Urgence thérapeutique.
Hospitalisation en service de réanimation.
Anticoagulation curative: HNF IVSE.
Thrombolyse d’emblée.
Embolectomie en cas d’échec ou de contre-indication à la thrombolyse.
Un traitement percutané doit être envisagé lorsque la thrombolyse est contre-indiquée ou a échoué.
Noradrénaline et/ou dobutamine doivent être envisagées.
Une ECMO peut être envisagée, en association avec une embolectomie chirurgicale ou percutanée, lorsqu’il
y a un collapsus circulatoire réfractaire ou un arrêt cardiaque.
Mesures symptomatiques (oxygénothérapie nasale voire ventilation mécanique, correction du choc).
Repos strict au lit.
17. b/ EP à risque bas ou intermédiaire :
Hospitalisation selon l’évolution.
Anticoagulation : recommandée sans délai, pendant que le processus diagnostique est en cours.
Si par voie parentérale : une HBPM ou le fondaparinux est recommandé plutôt que l’HNF.
Si par voie orale : un AOD (apixaban, dabigatran, édoxaban ou rivaroxaban) est recommandé de préférence
à un AVK. Lorsque les patients sont traités par un AVK, un chevauchement avec l’anticoagulation parentérale
est recommandé jusqu’à ce qu’un INR à 2,5 (2,0-3,0) soit atteint.
Traitement de reperfusion : une thrombolyse de sauvetage est recommandée en cas de détérioration
hémodynamique pendant le traitement anticoagulant, une embolectomie chirurgicale ou percutanée comme
une alternative.
Une thrombolyse systématique primaire en routine n’est pas recommandée.
Prise en charge, ajustée sur le risque, d’une embolie pulmonaire aigue.
18. 2- Traitement chronique et prévention des récidives :
Une anticoagulation thérapeutique pendant au moins 3 mois est recommandée chez tous les patients qui ont
une EP.
La discontinuation d’une anticoagulation orale thérapeutique est recommandée après 3 mois en cas de
première EP/ MTEV secondaire à un facteur de risque transitoire/réversible majeur.
Une anticoagulation orale à vie est recommandée en cas de :
Récidive de MTEV non liée à un FDR transitoire/réversible majeur.
Syndrome des antiphospholipides (par un AVK).
Premier épisode d’EP sans facteur de risque identifiable.
Premier épisode d’EP associé à un facteur de risque persistant autre qu’un syndrome des
antiphospholipides.
Si une anticoagulation orale prolongée par un AOD est décidée, une dose réduite d’apixaban (2,5 mg 2 fois
par jour) ou de rivaroxaban (10 mg par jour) doit être envisagée après 6 mois d’anticoagulation thérapeutique.
Chez le patient qui refuse de prendre ou qui ne tolère pas toute forme d’anticoagulant oral, de l’aspirine ou
du sulodexide peut être envisagé pour la poursuite d’une prophylaxie de la MTEV.
En cas d’anticoagulation prolongée, il est recommandé de réévaluer la tolérance et l’adhésion au traitement,
les fonctions hépatique et rénale et le risque hémorragique à intervalles réguliers.
X. Conclusion :
L’embolie pulmonaire est une maladie fréquente et grave. Son diagnostic repose sur des stratégies bien
validées associant le plus souvent l’évaluation de la probabilité clinique, le dosage des DD et l’angioscanner
thoracique.
Afin d’améliorer le pronostic de l’EP, il est recommandé d’évaluer sa gravité, afin de choisir au mieux le type
de traitement et le lieu de prise en charge adapté. Le plus souvent, le traitement repose sur les anticoagulants.
De nouveaux anticoagulants oraux (anti-II et anti-X), plus simples d’utilisation que les AVK, peuvent être
utilisés.