5. Introduction
Le Français sur Objectifs Spécifiques (FOS) s’adresse à des publics devant acquérir, de plus
en plus rapidement, dans un but utilitaire présent ou futur, un capital culturel et langagier : des
savoirs, des savoir-faire et des comportements qui leur permettent de faire face aux situations
auxquelles ils seront confrontés dans leur vie universitaire ou professionnelle.
Il constitue un domaine ouvert, varié, complexe, qui se caractérise par la grande diversité de
ses contextes, situations d’enseignement, méthodes, objectifs, pratiques et dispositifs. À une
époque où la mobilité devient incontournable (effectuer un semestre d’études à l’étranger est
de nos jours quasiment un « passage obligé » de tout parcours universitaire, et tout
professionnel peut être amené à réaliser une tâche impliquant une langue étrangère), il convient
de faire le point sur la place qu’occupe ce type d’enseignement dans le champ du Français
Langue Étrangère, ainsi que sur ses spécificités.
Les publics dits « spécialisés » ne sont certes pas une nouveauté sur le terrain de la
didactique des langues, et plusieurs auteurs se sont déjà interrogés sur les implications
multiples de ce type de formation. Tout en nous appuyant sur les recherches et écrits existants,
nous nous efforcerons d’illustrer, par des exemples concrets et récents, l’évolution suivie par
ces publics.
Les demandes de formation qui relèvent d’une problématique FOS sont de plus en plus
nombreuses, en raison de l’expansion de la mobilité professionnelle et étudiante.
L’intérêt de ces demandes réside dans le fait qu’elles sont un reflet et une information fidèles
de ce qui se passe sur le terrain. Il est donc fondamental de prendre en considération cette
réalité et de répondre au mieux à ces demandes, afin de ne pas se couper de l’évolution du
public. Si le français se maintient comme langue de communication sur la scène internationale,
c’est en grande partie parce qu’il est langue de communication dans les échanges
professionnels, scientifiques, universitaires, etc.
Les formations en Français Langue Étrangère (FLE), qui s’inscrivent dans une optique large
de formation de la personne, continuent certes à occuper une place significative (en particulier
dans les pays où le français est enseigné dans les établissements secondaires et dans les
sections bilingues), mais les demandes de formations pour un public défini et avec des objectifs
précis, qu’ils soient professionnels ou universitaires, constituent aujourd’hui une part importante
de l’activité des établissements de formation des publics adultes (Centres Universitaires
d’Études Françaises, Alliances Françaises en France ou à l’étranger, Centres Culturels,
organismes privés de formation en langue, Chambres de Commerce et d’Industrie, etc.). C’est
d’ailleurs grâce à ces demandes que la diffusion et l’enseignement de la langue française
connaissent un nouvel élan.
Ces publics, apparus depuis les années 60, avec une demande en communication
professionnelle spécifique et fonctionnelle, ont été définis, dès 1971 dans Un niveau seuil 1 . La
typologie établie par les auteurs fait apparaître trois sous-groupes :
6. – « ceux qui voyagent à l’étranger pour des raisons professionnelles et qui sont amenés à
avoir des échanges réguliers dans un pays ou dans un autre avec des partenaires d’autres
langues » ;
– « les étudiants ou stagiaires de longue durée qui viennent résider dans un pays étranger
pour y poursuivre des études, des travaux, des recherches » ;
– « spécialistes ou professionnels ne quittant pas leur pays d’origine ».
Si cette classification ne semble plus complètement adaptée aux publics actuels, il est
intéressant de constater que le traitement de ces demandes a été, très tôt, un point clé dans
l’évolution de la didactique des langues étrangères, en particulier pour ce qui touche à la prise
en compte des besoins spécifiques des publics d’apprenants.
De multiples dénominations ont été utilisées depuis une quarantaine d’années pour décrire
l’enseignement à ces publics : français de spécialité, français fonctionnel, français instrumental,
français spécialisé, français pour non spécialistes, français du droit, du tourisme, des sciences,
langue des métiers, français à visée professionnelle. On appelle encore ces apprenants des
non spécialistes en français, ou encore des publics spécifiques. Ces dénominations
correspondent à différents types de réponses (émanant aussi bien d’individus, d’institutions, de
ministères, d’entreprises, etc.), conditionnées par les publics visés. Elles se sont inscrites ou
ont influencé les courants méthodologiques successifs de la didactique du FLE.
Ces publics de professionnels, actifs sur le terrain, se caractérisent par une extrême variété,
tant au niveau des secteurs d’activités que des professions et postes de travail : professionnels
du tourisme et de l’hôtellerie recevant, dans leur pays, des touristes français ; responsables de
production qui, dans leur pays, négocient avec des acheteurs français la vente de produits
manufacturés, de matières premières ou d’activités de sous-traitance ; personnels locaux
recrutés, sur place, par des entreprises françaises s’implantant en pays étranger ; cadres
étrangers mutés en France, etc. On peut penser que l’ouverture à la concurrence des activités
de service, l’assouplissement des lois régissant le travail au niveau communautaire, conjugués à
l’élargissement européen et à la pénurie de main d’œuvre, en France, dans certains secteurs,
vont entraîner l’apparition de nouveaux publics et de nouveaux besoins.
Ces publics peuvent également provenir du monde académique au sens large. La France
accueille de nombreux étudiants étrangers (environ 10 % de la population estudiantine) ; parmi
ceux-ci, les étudiants dits scientifiques sont particulièrement ciblés par les services culturels qui
doivent les orienter vers des formations appropriées offertes par les universités françaises.
Les programmes d’échanges universitaires ou de coopération scientifique ont eu pour
conséquence la mise en place de formations en langue française à destination de ces publics
spécifiques. Ainsi, les filières universitaires recevant de façon régulière, le plus souvent dans le
cadre de programmes d’échanges, des étudiants étrangers « passent commande » de
formations en français visant spécifiquement l’intégration (du point de vue scolaire / universitaire
mais aussi culturel) de ces étudiants. Certains programmes internationaux de coopération
scientifique impliquent le séjour en France d’équipes de chercheurs étrangers, et par
conséquent une formation en français leur permettant de s’intégrer le plus efficacement
possible dans la structure française d’accueil.
Le recrutement de personnels de santé étrangers (infirmières ou médecins Faisant Fonction
d’Internes) a également conduit à une demande de formations émanant d’institutions
7. (établissements hospitaliers ou ministères). Ces demandes « institutionnelles » sont
généralement reçues par les centres universitaires de FLE.
Plusieurs exemples concrets de demandes de formation s’inscrivant dans une démarche FOS
seront donnés et traités dans cet ouvrage.
Les demandes de formation en FOS qui remontent du « terrain » sont donc très
nombreuses. Même si tous les Masters de FLE offrent une option « Français sur Objectifs
Spécifiques », et s’il y a d’autres formations professionnalisantes, les futurs enseignants de
FLE n’ont pas toujours les outils de travail correspondant à des demandes aussi variées.
Certains enseignants, déjà en exercice mais n’ayant jamais eu à répondre à des demandes de
formation très ciblées, peuvent aussi se sentir relativement démunis face à ce type de
demandes, qui pourtant, comme le constatent les acteurs du domaine, constituent aujourd’hui
une part substantielle du marché de la formation en FLE. Il convient donc de proposer à ce
public une série d’outils, tant théoriques que pratiques, lui permettant de faire face à des
demandes de formation en FOS.
Le présent ouvrage a pour objectif, d’une part, de rappeler les points clés de la didactique du
FOS, points qui président à l’élaboration de ce type de programme. D’autre part, il vise à
fournir à des enseignants peu familiarisés avec la mise en place de formations en FOS des
exemples d’activités didactiques directement utilisables en classe ; ces activités ont été
élaborées à partir de documents authentiques et pour des publics FOS. Les différentes
spécialités et disciplines proposées fournissent un éventail des domaines concernés, soit de
façon récurrente, cas des domaines Économie-Affaires ou Droit, soit de façon plus nouvelle
mais totalement représentative de l’évolution du champ, cas du domaine médical, par exemple.
Les demandes en FOS ne sont pas toujours prévisibles, et les publics, leurs besoins et
objectifs spécifiques, ne sont maîtrisés ni par les institutions ni par les enseignants. Les fiches
pédagogiques proposées ont donc été élaborées dans le souci de fournir une matrice
d’élaboration d’activités transférables à d’autres situations d’enseignement. Les auteures se
sont efforcées de proposer des activités visant des compétences suffisamment transversales
pour être utilisables avec des publics ayant des profils divers.
Le terrain étant fondamental dans ce type de formations, il nous servira de point de départ,
et nous guidera tout au long de la réflexion. Ainsi, le chapitre 1 est consacré à la présentation
de cas concrets et réels de demandes de formation, dans différents domaines. L’observation
pratique de cas très divers nous amènera à faire le point, dans le chapitre 2, sur les
différentes dénominations en cours dans le champ de la didactique du FLE et leur lien avec les
différents publics et contextes de formation.
Nous nous arrêterons ensuite, dans le chapitre 3, sur chaque étape de l’élaboration d’un
programme FOS : identification de la demande et analyse du public, analyse des besoins,
recueil et analyse des données authentiques, apport du multimédia, recours à l’analyse du
discours, et élaboration des activités didactiques.
Le chapitre 4 proposera une réflexion sur les cadres d’exercices que constituent, d’une part,
les aspects juridiques, déontologiques, disciplinaires et interculturels des professions et
spécialités concernées, et, d’autre part, les référentiels institutionnels tels que le CECR.
Enfin, le chapitre 5 sera consacré à l’évaluation et à ses différentes modalités, en fonction
du public, du contexte et des objectifs de la formation.
10. Comme nous l’avons dit, le FOS se caractérise par des demandes variées, qui peuvent
toucher tous – ou presque – les domaines de spécialité et postes de travail. Nous allons
détailler ci-dessous un certain nombre de demandes, qui correspondent toutes à des cas réels,
afin de souligner, d’une part, l’extrême variété des formations, en ce qui concerne le niveau de
départ des apprenants, les objectifs, les tâches à accomplir, mais aussi le contexte d’exercice
de la profession ou du déroulement de la formation et afin d’établir, d’autre part, des points
communs, points qui guideront notre réflexion à propos de la démarche d’élaboration des
programmes.
Domaine médical et des professions de santé
La pénurie de personnel de santé, en particulier dans le secteur hospitalier, a conduit la
France à recruter des personnels étrangers, médecins, FFI (Faisant Fonction d’Internes),
infirmières 1 . Le recrutement de personnels de santé non francophones pose évidemment la
question de leur formation, en langue française bien sûr, mais aussi de l’exercice de leur
profession dans un contexte francophone.
Les pratiques professionnelles varient d’un pays à l’autre, la notion de la hiérarchie à
l’intérieur de l’hôpital aussi, comme tout ce qui touche à l’organisation du système de santé
dans le pays. La profession de médecin comporte un volet administratif qu’il convient de ne pas
négliger. Voici quelques demandes récentes dans ce domaine :
– Un Centre Hospitalier Psychiatrique demande des cours de français pour des psychiatres
étrangers auprès d’un centre universitaire de FLE. Les cours auront lieu sur le lieu de travail.
Voici le profil de deux médecins concernés par cette demande :
• Un gynécologue/obstétricien syrien, en France depuis 4 ans, statut d’interne en psychiatrie,
en charge d’un service. Il veut se former en psychiatrie pour traiter des femmes de son pays
psychologiquement fragiles mais généralement sans prise en charge. Il a un niveau B2 en
français. Son objectif prioritaire est d’améliorer sa phonétique, puis d’enrichir son vocabulaire (il
ne maîtrise pas tous les registres de langue, et a tendance à utiliser un langage trop familier en
contexte professionnel).
• Une jeune femme russe, en France depuis 3 semaines au moment de la demande, interne
dans son pays et chargée de cours à l’université de médecine d’Irkoutsk, en stage à l’hôpital
pour un an pour se former aux techniques psychanalytiques françaises. Elle observe des
entretiens de psychiatrie mais sans y participer. Elle a un niveau A1 en français. Très motivée,
elle veut pouvoir travailler en psychiatrie, lire les grands thèmes de son domaine en français
mais aussi converser sur tous les sujets avec ses collègues.
– Un projet de coopération entre la Région Rhône-Alpes et l’Université médicale de Shangai
2 se traduit par l’envoi en Chine de médecins français qui dispensent des cours à la fois
théoriques et pratiques aux étudiants chinois de la filière francophone, et l’accueil dans les CHU
français de nouveaux médecins chinois comme Faisant fonction d’Internes pour une durée d’un
an. Les médecins français en mission à Shanghai ainsi que les chefs de service des CHU
s’étant plaint du faible niveau des étudiants chinois en français et de leur grande difficulté à
communiquer efficacement, que ce soit avec les patients ou avec leurs collègues francophones,
la région Rhône-Alpes a demandé la mise en place d’un programme de formation pour ce
public.
11. Affaires et entreprise
Certains organismes de formation en langues ont pour uniques clients des entreprises. Ces
organismes proposent généralement des formations à la carte : les horaires, lieux de formation
(dans les locaux de l’institution ou dans les locaux de l’entreprise, etc.) sont à définir selon les
cas. Les objectifs, le temps à accorder à la formation, les profils des apprenants varient en
fonction des cas. Il s’agit là de véritables cas de FOS, dans la mesure où c’est la commande
effectuée par une entreprise qui va influencer tout le déroulement de la formation. Voici
quelques demandes de formations :
– Un directeur commercial américain vient d’être nommé à la tête du service commercial de
la filiale française d’un fabricant américain de piscines. Il sera chargé de mettre en place et de
diriger la politique commerciale, en France, de cette filiale. Ses contacts avec l’équipe de
commerciaux qu’il dirige ont lieu essentiellement en anglais, de même que ses contacts avec
son assistante, qui est bilingue. Il vient suivre des cours extensifs de français ; les jours et
horaires ne sont jamais fixés à l’avance, son emploi du temps étant très chargé. Les cours ont
lieu soit tôt le matin (à partir de 7 heures), soit en soirée. Il est débutant complet et est venu en
France avec son épouse qui, elle, suit des cours à l’Alliance Française.
– Une grande entreprise de transport routier hollandaise a racheté une entreprise de
transport routier dans la région lyonnaise. Les résultats de cette entreprise ne sont pas à la
hauteur de ce qui était escompté. Des dirigeants hollandais ainsi que des chargés de
logistiques sont donc envoyés sur place. Ils seront chargés de mettre en place une nouvelle
organisation du travail, l’organisation actuelle étant jugée peu performante. Un responsable
logistique hollandais (spécialiste des transports routiers – il a lui-même été chauffeur au début
de sa vie professionnelle) vient suivre des cours extensifs de français à raison de 3 heures par
semaine. Il est débutant en français, parle assez bien anglais. Les cours auront lieu le samedi
matin, seul moment où il est disponible. Les cours se dérouleront dans les locaux de
l’organisme de formation, mais l’apprenant doit rester joignable à tout moment sur son portable.
Droit
Un grand cabinet d’avocats d’une grande ville espagnole spécialisé dans le droit des affaires
(fiscalité, droit commercial, droit administratif, droit du travail) a demandé une formation en
français pour six de ses employés (cinq avocats et une secrétaire). Ces employés ont de
fréquents contacts, par téléphone ou mail, avec des clients français ; ils sont également
amenés à consulter de la documentation rédigée en français. Quatre d’entre eux sont
débutants, deux ont un niveau B1. Ils bénéficieront de 2 heures de cours par semaine, pendant
leur pause déjeuner.
Hôtellerie et restauration
Une école hôtelière de la région Rhône-Alpes reçoit régulièrement des stagiaires de toutes
nationalités pour y suivre des cours d’hôtellerie / restauration / œnologie ; pour optimiser le
stage professionnel, les apprenants bénéficient parallèlement d’un perfectionnement en langue
française orientée vers leur domaine. Les cours de français ont lieu dans les locaux de l’école
12. hôtelière, ce qui permet un lien étroit entre apprentissage des tâches professionnelles et
langagières ; de plus, l’école possède un restaurant d’application, ce qui renforce encore ce
lien.
Tourisme : guides
L’Alliance Française de Gaborone, capitale du Botswana, pays anglophone, a reçu une
demande émanant d’opérateurs locaux de safaris, souhaitant augmenter la part de leur
clientèle francophone, ils demandent la mise en place d’une formation pour leurs guides de
safaris. Les cours auront lieu dans la réserve, au nord du pays, où se déroulent les safaris.
Tous débutants, les guides devront être en mesure d’accompagner des touristes francophones
pendant des excursions d’une journée, mais également de plusieurs jours, ce qui implique la
présentation de la réserve, de sa faune et de sa flore, mais aussi des règles à respecter, la
gestion du bivouac, etc.
Filières universitaires francophones et bilingues
Les étudiants des filières universitaires bilingues de l’Agence Universitaire de la Francophonie
de pays comme le Vietnam, le Laos ou le Cambodge suivent des cours de leur spécialité
(Sciences, Économie, Médecine, etc.) en français. Une programmation en français a été mise
en place, comportant des cours de français général et de français en lien avec la spécialité.
Après quelques années d’expérimentation, ces filières ont finalement décidé de proposer un
tronc commun, plus orienté vers l’apprentissage des techniques universitaires, et des
enseignements de Sciences en étroite liaison avec le français général d’une part, et le FOS
d’autre part. Les différents enseignants travaillent en étroite collaboration, en abordant les
différentes compétences, en même temps, dans les différents cours, par exemple.
L’Université de Fribourg, en Suisse, offre la possibilité d’effectuer des études bilingues et
d’obtenir un Bachelor et un Master bilingues français/allemand en faculté de droit. Il leur est
possible d’obtenir un deuxième diplôme (Bilingue plus) garantissant l’acquisition des
compétences linguistiques nécessaires aux futurs juristes d’un pays plurilingue. Ceci s’inscrit
dans une politique de formation renforcée dans la deuxième langue d’études, étroitement liée à
la culture correspondante, afin de répondre aux attentes du marché de l’emploi d’un pays
comme la Suisse. Les étudiants sélectionnés suivent un module de 4 heures hebdomadaires en
langue et communication interculturelle.
Intégration d’étudiants étrangers dans les filières universitaires
Un groupe d’étudiants étrangers (boursiers du MAE) de diverses nationalités doit intégrer
l’École Polytechnique. Ils bénéficient d’un pré-stage linguistique. Leur niveau varie de A2 à B2.
Leurs parcours antérieurs sont différents. Le stage consiste en une première formation en
français général (où ils sont répartis avec d’autres étudiants par groupes de niveaux), qui est
ensuite complétée par une formation en lien avec leur future spécialisation ; les enseignements
de ces deux formations étant étroitement liés.
14. Au-delà de leurs divergences, ces demandes de formations s’articulent autour d’un certain
nombre de points communs, qui constituent les particularités du FOS :
– une demande (plus ou moins précise selon les cas) en lien étroit avec le terrain d’exercice
de l’activité ; cette demande émane d’une institution, d’un organisme, d’une entreprise. Cette
demande implique des besoins, en ce qui concerne les apprenants, et des attentes, en ce qui
concerne le demandeur, auxquels la formation va devoir s’efforcer de répondre ;
– un public spécialisé, homogène ou non ;
– un lien étroit avec un objectif de sortie ;
– une demande qui peut être évolutive ;
– de fortes contraintes de temps : le temps à consacrer à la formation est défini dès le
départ, et il est souvent court (certaines formations intensives s’effectuent même dans
l’urgence).
La prise en compte de ces paramètres va déterminer la démarche d’élaboration d’un
programme de formation en FOS : analyse de la demande, analyse du public, analyse des
besoins, analyse des discours à produire et des tâches à réaliser à l’issue de la formation
(cette étape peut impliquer une collecte de données sur le terrain, nous y reviendrons) afin de
déterminer les contenus à enseigner en priorité. Le programme de formation s’élabore donc à
partir de l’analyse de ces différents éléments, et à l’intérieur du cadre défini par les
contraintes :
– de niveau : niveau de départ des apprenants et niveau à atteindre à l’issue de la
formation ;
– de temps : le temps à consacrer à la formation, souvent court comme nous l’avons vu,
oblige à cibler des contenus très précis et à définir des priorités. Les objectifs à atteindre,
notamment lorsque le niveau de départ des apprenants est faible, peuvent sembler peu
réalistes au regard des heures de formation allouées. Enfin, lorsque les apprenants sont des
professionnels en exercice, le temps de la formation linguistique peut être fortement contraint
par l’activité professionnelle (manque de disponibilité, déplacements fréquents, etc.) ;
– matérielles : lieu où va se dérouler la formation (sur le lieu d’exercice de l’activité ou dans
les locaux de l’organisme de formation), disponibilité de matériel audiovisuel, mais surtout degré
d’éloignement du milieu cible par rapport au lieu où se déroule la formation.
Nous détaillerons les différentes étapes de l’élaboration d’un programme FOS dans le
chapitre 3.
1 Si pendant longtemps ces personnels provenaient de pays francophones ou de pays où le français est
langue d’enseignement (pays du Maghreb, d’Afrique), leurs origines géographiques sont aujourd’hui
beaucoup plus variées. Le recrutement d’infirmières espagnoles en est un exemple.
16. C’est au niveau linguistique qu’on définit le plus souvent le discours spécialisé. On parle alors
de « langue de spécialité ». Remarquons d’ailleurs que ce regard linguistique est plus insistant
sur les caractéristiques lexicales de ces discours, avec un lien bi-univoque entre vocabulaire et
discipline sous-jacente. Ce courant lexicologique et terminologique a été particulièrement illustré
par les travaux du CREDIF. C’est ainsi que l’on a vu le Français Fondamental (1952-1954) être
complété par le VGOS, Vocabulaire Général d’orientation Scientifique1 , sélection lexicale qui
visait à satisfaire les besoins des étudiants de filières scientifiques étrangers désireux de
poursuivre des études en France. Cette cible lexicale a par la suite été réinterprétée dans le
cadre de « dictionnaires contextuels » (par exemple, Descamps 1976 pour la géologie) qui
précisent le fonctionnement syntagmatique local de ces unités lexicales en insistant sur leurs
combinaisons au sein des énoncés.
Par contre, les particularités grammaticales de ces discours spécialisés ont été plus
tardivement étudiées. C’est d’abord une perspective énonciative qui a renouvelé l’approche
linguistique des écrits scientifiques en examinant les procédés de neutralisation de
l’énonciation : présent atemporel, utilisation du « nous » ou du « on » à la place du « je » de
l’énonciateur, fréquence de l’impersonnel ou du passif, etc. On pourrait qualifier cette
orientation de pragmalinguistique dans la mesure où elle ne se contente pas d’étudier les
énoncés scientifiques hors contexte, mais où elle montre comment c’est l’institution scientifique,
une instance extralinguistique, qui conditionne ces usages linguistiques.
L’étape suivante, visant à rendre compte, de manière plus globale, des discours spécialisés
écrits, a été rendue possible par la linguistique textuelle (ou « grammaire de texte » dans une
première formulation) qui a abordé, à l’intérieur de ces écrits, les relations entre les unités
minimales de ces textes, les phrases. Ce sont alors les connecteurs interphrastiques, que l’on
trouve en tête de phrase, mais aussi les phénomènes de substitution, qui construisent des
chaînes coréférentielles, qui sont pris en compte, dans le même temps où la question des
genres et des types de textes est éclairée2 .
Les discours spécialisés oraux exigent le recours à une autre discipline, l’analyse de
discours, au sens anglo-saxon du terme. Ces travaux se sont intéressés surtout aux discours
dialogaux : interactions de travail, interactions thérapeutiques 3 . De plus en plus, on suit un
« tournant actionnel » en essayant de prendre en compte les phénomènes actionnels, c’est-à-
dire les actes non langagiers qui s’associent aux actes de langage, dans la mesure où l’on parle
pour agir et où l’on parle en agissant 4 .
Cette évolution des travaux de sciences du langage, d’études du seul lexique à des études
portant sur l’ensemble praxéologique que constituent les actions discursives et non discursives,
permet de serrer de plus en plus près l’activité globale des sujets participant à une activité
sociale conjointe. Remarquons qu’elle est relativement parallèle à l’évolution didactique qui va
du « français de spécialité » au « français sur objectifs spécifiques », des méthodes SGAV aux
méthodes actionnelles.
L’évolution des dénominations peut être résumée, de façon très schématique, par le tableau
suivant 5 :
Période Dénomination Public Orientations méthodologiques
19. Nous avons vu que la distinction entre les différentes appellations de l’enseignement du
français à des publics spécialisés ou professionnels tenait en partie à leur date d’apparition
dans le champ du français langue étrangère. Or il peut être utile d’aborder les différentes
appellations en usage aujourd’hui de façon plus systémique, et en se focalisant non pas sur les
contenus d’enseignement, mais sur la relation entre la formation et les besoins des apprenants.
Français sur Objectif Spécifique, Français de Spécialité : logique de
l’offre ou de la demande
Pour Jean-Marc Mangiante et Chantal Parpette, la distinction entre Français de Spécialité et
Français sur Objectifs Spécifiques tient essentiellement au fait que ces types de formations
s’inscrivent dans une logique différente : demande dans le cas du FOS, offre dans le cas du
Français de Spécialité9 . Le terme demande recouvre le cas où un besoin extérieur précis, pour
un public dûment identifié, est à l’origine du programme de formation. Celui d’offre recouvre les
cas où une institution propose une formation à des publics potentiels. Ainsi, les cas cités ci-
dessus dans les domaines de la santé ou de l’entreprise s’inscrivent clairement dans une
démarche de Français sur Objectifs Spécifiques (FOS). Mais, lorsqu’un centre de formation
en FLE propose, en plus de ses cours généraux, des cours de « Français des affaires »,
« Français juridique », « Français du tourisme » ou de « Français scientifique », dans le but de
diversifier son offre de formation, c’est le terme de Français de Spécialité qui s’applique.
C’est dans cette optique que se situe le présent ouvrage : on parle de Français sur Objectifs
Spécifiques lorsqu’on est face à une demande de formation, qui émane du terrain (institution,
université, entreprise), qui est destinée à un public précis, clairement identifié, et qui a un lien
direct avec un objectif de sortie. Le lien étroit avec les besoins futurs des apprenants, dans le
cas du FOS, a bien sûr des incidences sur la construction du programme d’enseignement, la
contrainte exercée par le milieu cible étant déterminante.
Dans le cas de formations en Français de Spécialité, qui ne répondent pas à une demande
précise mais anticipent, en quelque sorte, les besoins futurs et éventuels des apprenants, le
lien avec un objectif de sortie est très flou, voire hypothétique. Ainsi, des apprenants peuvent
choisir de suivre des cours de « Français de l’entreprise » ou de « Français du tourisme » dans
le but d’enrichir leur CV, mais rien ne garantit qu’ils travailleront un jour dans ces domaines-là.
Dans ce cas, le contenu du programme, les documents qui serviront de support, le type
d’évaluation, etc. ne sont pas contraints par une demande extérieure, ils sont déterminés par
l’institution et l’enseignant, dans les limites du domaine de spécialité concerné. Dans un cours
de « Français du tourisme », par exemple, l’enseignant sera relativement libre de cibler des
compétences et des postes de travail (travailler à la réception d’un hôtel, accompagner et
guider des touristes sur des sites historiques, travailler en agence de voyage, etc.) ; on peut
même penser qu’il s’efforcera d’élargir au maximum les contenus étudiés, afin d’atteindre un
public potentiel le plus large possible. Par contre, si un enseignant est chargé, suite à une
commande explicite, de former en langue française des guides de safari d’un pays d’Afrique
anglophone, pour répondre à une augmentation de la clientèle française, le contenu de la
formation sera entièrement déterminé par les tâches effectives que ces guides auront à réaliser
dans l’exercice de leurs fonctions.
20. Le Français Langue professionnelle : la communication dans le
monde du travail
Les appellations Français à visée professionnelle et Français Langue Professionnelle
sont plus récentes, et ne s’opposent pas aux appellations précédentes, elles les complètent
plutôt. Le « Français à visée professionnelle » s’inscrit dans une perspective transversale aux
différents champs de spécialité et secteurs d’activité : d’un point de vue didactique, cet
enseignement vise à faire acquérir des compétences décloisonnées (communes à différents
secteurs d’activités, à différents postes de travail), liées à la communication dans le monde
professionnel. Parmi ces besoins de communication professionnelle, on recense des
compétences telles que « rédiger un compte rendu », « mener une conversation
téléphonique », « participer à une réunion », « avoir un entretien d’embauche », « rédiger un
CV », etc. L’enseignement de ces diverses compétences peut se faire auprès de publics ayant
un niveau très basique non seulement en langue française mais aussi dans leur (future)
spécialité. Des ouvrages tels que Objectif express (A.-L. Dubois, B. Tauzin, Hachette, 2005) ou
Français.com (J.-L. Penfornis, CLE International, 2003), qui abordent tous les aspects
linguistiques et culturels de la vie professionnelle à travers des situations de communication
liées au monde du travail, ne sont, volontairement, liés à aucun secteur d’activité particulier ; de
même, un ouvrage tel que Objectif express est utilisable dès le niveau A1.
L’appellation Français Langue Professionnelle concerne, quant à elle, la formation des
publics en voie de spécialisation, en voie de professionnalisation, et témoigne donc d’une
double exigence de formation, en français et dans le domaine professionnel (voir à ce sujet
l’article de F. Mourlhon-Dallies 10 ). L’un des exemples cités par cet auteur concerne l’École
Boulle qui, associée à trois autres écoles d’arts appliqués de la ville de Paris, a constitué une
classe internationale composée d’étudiants étrangers, provenant de spécialités différentes, et
présentant une forte hétérogénéité dans la maîtrise du français. Ce type de public apprend
donc son métier en même temps que la langue française. L’enseignement de la langue
étrangère s’inscrit ici dans une logique professionnalisante et implique de s’efforcer de faire
cohabiter les outils linguistiques nécessaires à la communication professionnelle et les activités
propres au domaine de spécialité. L’originalité du Français Langue Professionnelle, dans le
champ de la didactique, serait « d’être apprécié de tous les publics en cours de
professionnalisation, dans la mesure où il constitue une tentative d’appréhender, par la réflexion
sur les discours tenus au travail, la logique même des activités professionnelles »11 .
Soulignons que la politique éditoriale a influencé ces dénominations : les ouvrages publiés
s’adressent nécessairement à un public large (pour des questions évidentes de rentabilité) et
donc peu ou pas identifié. La mise en place d’un programme très précis pour un public ciblé
peut difficilement faire l’objet d’une publication : cette demande ne se répètera peut-être pas,
les besoins de ce public sont peut-être trop spécifiques pour être appliqués à un autre public,
etc. Les ouvrages et manuels de Français Langue Étrangère destinés à des publics spécifiques
constituent une offre et correspondent plus à des formations de Français de Spécialité telles
qu’elles ont été définies ci-dessus.
Dans quelle catégorie se placent les publics spécialisés aujourd’hui, en France et à
l’étranger ? On peut affirmer que tous les types de demandes sont présents sur le terrain
actuellement. Si l’on reprend les exemples de formations cités ci-dessus, on remarque que le
21. futur formateur de FLE doit être préparé à traiter les formations les plus diverses, qu’elles
s’inscrivent dans une démarche FOS, Français de Spécialité ou Français Langue
Professionnelle.
Le Français de Spécialité peut être considéré comme une institutionnalisation des demandes
en Français sur Objectifs Spécifiques : c’est parce que des demandes de formation ont été
faites pour des publics professionnels précis que l’offre de formation pour ces publics s’est
développée et diversifiée. Un formateur qui aura eu à répondre à plusieurs demandes de
formation en français, émanant d’hôtels ou d’agences de voyages dans une ville touristique d’un
pays étranger, pourra être amené à proposer un cours de « Français du tourisme » pour
répondre aux besoins de ce public dont il sait déjà qu’il existe.
QUELLES IMPLICATIONS DIDACTIQUES ?
22. L’enseignement-apprentissage pour ces publics à objectifs spécifiques n’est plus tourné vers
la langue mais vers la réalisation d’actes de paroles, vers l’accomplissement de tâches ou de
projets. Cette approche actionnelle, qui n’est pas particulière au FOS, prend tout son sens
avec un public professionnel. En effet, l’approche actionnelle considère les apprenants comme
des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches dans un environnement donné, et dans un
domaine d’action particulier. Dans cette approche, une tâche est définie comme « toute visée
actionnelle que l’acteur se représente comme devant parvenir à un résultat donné en fonction
d’un problème à résoudre, d’une obligation à remplir, d’un but qu’on s’est fixé »12 . Comme le
souligne F. Goullier, « il n’y a tâche que si l’action est motivée par un objectif ou un
besoin »13 . Pour ce type de public, les tâches, en lien direct avec des objectifs et donc des
besoins, sont bien réelles et sont au cœur de la formation.
La maîtrise et le respect des codes propres à un milieu professionnel sont fondamentaux et
déterminent l’efficacité des tâches réalisées. Un courrier commercial peut être parfaitement
bien écrit du point de vue de la correction linguistique, mais peu convaincant si on ne connaît
pas les codes sociaux de l’argumentation en entreprise française. Un juriste étranger,
connaissant parfaitement la terminologie en français de son domaine mais ne maîtrisant pas les
techniques de construction cohérente d’un texte de droit, sera incapable de rédiger des écrits
professionnels acceptables par ses pairs. Un étudiant étranger qui maîtrise la langue française
mais méconnaît totalement les techniques universitaires de la dissertation ou de la synthèse de
documents, telles qu’elles sont pratiquées en France, éprouvera de grandes difficultés à
produire ce type de textes, alors même que ce sont les productions attendues.
Il convient alors de s’interroger sur ce que l’on attend de l’apprenant à l’issue de sa
formation, sur les utilisations concrètes qu’il devra faire de la langue française.
L’apprentissage de la langue est donc, fondamentalement, défini par son utilité présente et
future. Dans le cas d’une formation destinée à des étudiants de médecine chinois suivant une
partie de leurs cours en français, dans le but précis de venir exercer en hôpital en France, le
besoin de formation sera évolutif : la langue française sera un instrument d’accès à la formation
universitaire dans un premier temps, et un outil de travail nécessaire à l’exercice d’une
profession dans un deuxième temps.
Dans le cas cité ci-dessus du responsable logistique hollandais d’une entreprise de transport
routier, la langue française sera un outil de travail, et les contenus enseignés devront
correspondre aux tâches à accomplir afin de pouvoir être immédiatement appliqués sur le
terrain.
C’est donc la finalité de cet « enseignement fonctionnel » du français qui déterminera la
méthodologie à suivre au plan linguistique.
La didactique du FOS implique la conception de programmes d’enseignement « sur mesure »
au cas par cas, métier par métier, à partir de documents authentiques issus de situations de
communications spécialisées (monde des affaires, du tourisme, de la santé, universitaire…). Il
s’agit d’une véritable ingénierie de la formation.
1 Phal A. (dir) Vocabulaire Général d’Orientation Scientifique, Didier, 1972.
2 Adam, Les textes, types et prototypes, Nathan, 2001.
3 Grosjean M. et Lacoste M., Communication et intelligence collective. Le travail à l’hôpital, PUF, 1999.
23. 4 Bronckart J.-P. (éd.), « Agir et discours en situation de travail ». Cahiers de la section des sciences de
l’éducation, n° 103, U, Genève, 2004 ; Filliettaz, « La parole en action ». Éléments de pragmatique psycho-
sociale. Nota bene, Québec, 2002.
5 Un panorama très complet de la question, jusqu’aux années 90, peut être trouvé chez D. Lehmann,
Objectifs spécifiques en langue étrangère, Hachette, 1998, p. 82 et suivantes.
6 Vocabulaire Général d’Orientation scientifique, op. cit.
7 Vocabulaire Général d’Orientation Médicale.
8 Vocabulaire d’Initiation aux Études Agronomiques.
9 Mangiante J.-M. et Parpette C., Le Français sur Objectif Spécifique. De l’analyse des besoins à l’élaboration
d’un cours, Hachette, 2004, pp. 10-19.
10 Voir l’article de F. Mourlhon-Dallies, « Penser le français langue professionnelle », Le Français dans le
Monde, n° 3446, juillet-août 2006.
11 Idem, ibidem.
12 Définition donnée par le CECR, Cadre Européen Commun de Référence pour les langues, Didier, 2001,
pp. 15-16.
13 F. Goullier, Les outils du Conseil de l’Europe en classe de langue, Didier, 2006, p. 21.
24. Chapitre 3 L’élaboration des programmes
FOS
L’identification des besoins de formation des apprenants doit se traduire en objectifs, en
contenus, en actions, en programmes.
La démarche de conception de programmes de FOS comporte certaines étapes et principes
méthodologiques, désormais classiques.
Ces étapes sont les suivantes :
• Identification de la demande de formation
• Analyse du public
• Analyse des besoins
• Recueil de données authentiques sur le terrain
• Analyse des données en collaboration avec les acteurs du terrain professionnel ou les
enseignants de la spécialité
• Mise en place d’une méthodologie
• Autonomisation des apprenants
• Évaluation
La plupart des étapes ci-dessus, en particulier celles du recueil des données, de leur analyse
et de l’élaboration d’activités didactiques à partir de ce matériau authentique, seront illustrées
car mises en application dans les fiches pédagogiques de la deuxième partie de cet ouvrage.
Un renvoi à la (aux) fiche(s) correspondante(s) sera alors fait.
L’IDENTIFICATION DE LA DEMANDE DE FORMATION
25. Un organisme, une entreprise, une institution demande d’assurer un stage précis, en France
ou à l’étranger, avec un objectif précis à atteindre, généralement sur une période courte, pour
un public homogène ou non.
L’identification de la demande, articulée avec l’analyse du public et des besoins, conduit le
formateur à orienter le programme vers une démarche FOS, vers le Français de Spécialité,
voire vers du français général. Il arrive en effet que l’imprécision de la demande ou
l’hétérogénéité du public amènent l’enseignant à cibler des compétences transversales et donc
à s’orienter plus vers un enseignement généraliste que spécialisé.
On le constate fréquemment lorsque la demande provient d’une université recevant de
nombreux étudiants étrangers et souhaitant leur proposer des cours de français. Le cas le plus
fréquent est celui où les étudiants de différentes filières sont regroupés dans un même groupe :
on peut ainsi se retrouver face à des étudiants dont les spécialités sont aussi diverses que les
mathématiques, la médecine, la biologie, la physique et la géographie. Dans un tel cas de
figure, il est quasiment impossible de cibler des compétences propres à une spécialité (les
travaux écrits demandés en mathématiques et en géographie sont totalement différents). En
outre, même quand la demande concerne un public d’une même spécialité, les étudiants se
spécialisent dans des sous-domaines extrêmement pointus. Ainsi l’enseignant doit parfois non
seulement cibler des compétences transversales et assez générales pour correspondre aux
besoins de tous les étudiants, mais aussi utiliser des supports (écrits et oraux) qui ne se
rattachent à aucune spécialité, et qui se rapprocheront beaucoup des supports utilisés dans les
formations généralistes (articles de presse grand public, documents vidéo traitant de faits de
société, etc.).
Il arrive également qu’il y ait non-adéquation entre la demande de l’institution et les besoins
réels du public. Reprenons l’exemple du directeur commercial américain : la majorité des
échanges professionnels auxquels cette personne avait à faire face se passaient en anglais ;
en ce qui concerne la vie quotidienne, il s’en remettait totalement à son épouse, sans activité
professionnelle et donc très disponible. L’absence de besoins professionnels ou personnels
urgents impliquant la maîtrise du français, à quoi s’ajoutait un emploi du temps très chargé, de
fréquents voyages aux États-Unis, et une perspective de séjour en France n’excédant pas deux
ans, faisaient que l’apprenant n’était ni très disponible ni très motivé pour suivre ses cours de
français. Mais, en même temps, son entreprise tenait beaucoup à lui proposer cette formation,
et en attendait des résultats.
On peut également se trouver confronté à une demande qui n’est pas assez précise, soit
parce qu’elle n’est pas formulée assez clairement, soit parce que le public n’est pas clairement
identifié. Prenons l’exemple suivant : un grand cabinet d’avocats d’affaires londonien va ouvrir
une filiale à Bruxelles. On demande une formation en français pour les avocats candidats à
l’expatriation. Ils ont tous fait du français dans le secondaire mais leur niveau est hétérogène. Si
dans ce cas le public est clairement identifié, la demande n’est pas assez précise : tous les
avocats concernés par la formation iront-ils à Bruxelles ? Qui seront les clients de la filiale
belge, des entreprises à majorité francophone ? des entreprises internationales ? Dans ce
dernier cas, les échanges professionnels se feront-ils en français ou en anglais ? Les réponses
à ces différentes questions conduiront à orienter la formation, soit vers une démarche FOS,
dans le cas où les échanges professionnels se feraient majoritairement en français, soit vers
une formation plus généraliste, dans le cas où, les échanges professionnels se faisant
26. majoritairement en anglais, les apprenants auraient surtout besoin du français pour la vie
quotidienne.
Les premières questions à se poser face à une demande de formation sont donc des
questions du type :
– La demande est-elle précise ?
– Le public est-il clairement identifié ?
– Est-il homogène ?
– Ses objectifs correspondent-ils à ceux de l’employeur/demandeur ?
– L’objectif fixé par le demandeur paraît-il réalisable compte tenu du temps accordé à la
formation ?
Ces questions préalables seront complétées par une analyse plus précise du public et de ses
besoins.
L’ANALYSE DU PUBLIC
27. La mise en place d’un programme d’enseignement de FOS suppose l’étude des conditions
dans lesquelles il s’effectue, le contexte géographique, institutionnel, la proximité des langues
en présence, etc.
L’analyse du public comprend : la formation de ces publics, leurs acquis, leurs besoins, leurs
attentes, leurs priorités, leur manière d’apprendre le français, leur(s) culture(s), leur
environnement, dans une approche interculturelle.
L’analyse du public est une étape fondamentale et complexe. Les paramètres peuvent en
effet être aussi variés que les demandes. Il convient donc d’établir une grille d’analyse du public
qui soit évolutive (les priorités changent souvent en cours d’apprentissage) et adaptable à des
cas différents. Nous proposons ci-dessous un ensemble de questions que le concepteur d’une
formation FOS pourra se poser et poser au(x) demandeur(s) et/ou aux apprenants. Si cette
grille ne prétend pas être exhaustive, elle est volontairement détaillée, afin de fournir des pistes
utiles pour l’élaboration de questionnaires adaptables à toute demande de formation ; il
convient ainsi aux utilisateurs de sélectionner les éléments pertinents pour leur cas.
QUI ?
Âge / Sexe / Nationalité
Quels diplômes avez-vous obtenus ?
Quel a été votre parcours professionnel ?
Quelle est votre fonction actuelle ?
Parlez-vous d’autres langues ?
Êtes-vous en reprise d’études ?
POURQUOI ?
Pourquoi suivez-vous cette formation en français ?
Pour vos études.
Par nécessité professionnelle.
Parce que vous devez obtenir une certification / un diplôme.
Cette formation aura-t-elle une incidence sur votre statut professionnel ?
30. L’analyse des besoins consiste à recenser les situations de communication dans lesquelles
les apprenants auront à utiliser le français dans le cadre de leur activité, ainsi que les
connaissances et savoir-faire langagiers et professionnels que ces apprenants devront acquérir
durant la formation. D’une façon concrète et très simplifiée, cela revient à répondre à des
questions du type : Avec qui l’apprenant parlera-t-il français ? dans quel contexte ? Qu’aura-t-il
à dire ? à écouter ? à comprendre ? Qu’aura-t-il à lire ? à écrire ? Quelles tâches devra-t-il
accomplir qui impliquent l’utilisation de la langue française ? Etc.
Dans un premier temps, cette analyse peut être faite par le biais d’une réflexion personnelle
de l’enseignant, qui pourra s’appuyer sur un vécu personnel (il est, par exemple, relativement
aisé de recenser les situations de communication entre une hôtesse de l’air et des passagers,
ou entre un réceptionniste et un client d’hôtel) ou sur une expérience antérieure du même type
de public. Toutefois, l’enseignant peut être confronté à des demandes de formation qui touchent
des domaines d’activités qui lui sont peu familiers voire totalement étrangers. Dans ce cas, la
solution passe par un contact avec le milieu où se déroule l’activité, soit en questionnant les
apprenants directement, soit en s’informant auprès de l’organisme demandeur.
Ainsi, l’enseignant devra (s’)interroger sur :
– le contexte général de la communication : De quel milieu s’agit-il ? De quel secteur
d’activité (par exemple, commerces, banques, compagnies d’assurances, industries, monde de
l’informatique, etc.) ? À quelle catégorie d’activité a-t-on affaire (par exemple, gestion des
ressources humaines, publicité, marketing, relations publiques, vente, etc.) ?
– le rôle et le statut de la communication : S’agit-il d’une communication d’égal à égal ? de
supérieur à inférieur ? de médecin à patient ? de vendeur à acheteur ? Etc.
– les modalités des contacts : Les apprenants auront-ils à communiquer en face à face ?
Auront-ils à s’exprimer seuls face à un public ? Participeront-ils ou animeront-ils des réunions ?
Auront-ils à assister à des conférences ? Communiqueront-ils plutôt en petits groupes ? en
grands groupes ? Seront-ils dans une situation didactique (écoute de cours) ? Etc.
– les réseaux de communication utilisés : face à face, téléphone, courrier, Internet, etc.
– à quels registres de langue seront-ils confrontés en priorité ? familier ? soutenu ?
académique ? Etc.
– à quel code seront-ils confrontés en priorité ? écrit ? oral ?
Comment recenser les besoins ?
Le meilleur moyen de recenser les situations de communication où les apprenants auront à
utiliser le français est d’établir un questionnaire d’analyse des besoins. Ce questionnaire doit
bien entendu être adapté au milieu cible ; il est en effet impossible d’établir un questionnaire
type compte tenu de la diversité des demandes. Les référentiels de compétence dans les
différents domaines professionnels 1 peuvent être des outils pour l’élaboration de ces
questionnaires. Toutefois, ces référentiels professionnels, longs et très détaillés, ne peuvent
pas être appliqués tels quels à un public d’apprenants : il convient de ne cibler que les
compétences qui exigent l’utilisation de la langue française, et d’établir un questionnaire assez
31. clair pour que l’apprenant, ou le demandeur, puissent y répondre (on peut bien sûr envisager
d’élaborer ce type de questionnaire dans la langue du demandeur ou de l’apprenant).
Si nous reprenons l’exemple de l’une des demandes de formation décrites au chapitre 1,
concernant la psychiatre russe en stage dans un hôpital de la région Rhône-Alpes, ce que nous
savons de ses activités et de ses besoins exprimés peut nous permettre d’établir un
questionnaire de ce type :
• Vous assistez à des entretiens médecin-patient ?
très régulièrement occasionnellement
• Intervenez-vous pendant ces entretiens ?
parfois jamais
• Avez-vous des contacts individuels avec les patients ?
oui non
• Avez-vous des contacts avec les familles des patients ?
oui non
• Avez-vous besoin de prendre des notes pendant les entretiens ?
oui non
•Assistez-vous à des réunions de l’équipe soignante ?
très régulièrement occasionnellement
• Est-ce que vous devez intervenir pendant ces réunions ?
toujours parfois jamais
• Qu’avez-vous besoin d’écrire en français ?
des rapports sur les patients des comptes rendus un rapport de
stage
•Que lisez-vous en français ?
des rapports des documents internes des textes de votre
spécialité
Ce questionnaire n’est pas exhaustif et mérite d’être affiné, en particulier lors du contact avec
le demandeur et l’apprenante, qui permettra de mieux cerner les tâches qu’elle doit effectuer.
Mais on voit que le but de ce questionnaire est d’aider le formateur à cibler des situations de
communication. Les formations étant généralement courtes, et l’enjeu professionnel important, il
convient de privilégier certaines compétences. Ainsi, si la psychiatre n’intervient pas pendant les
entretiens médecin-patient et peu ou pas au cours des réunions de l’équipe soignante, il faudra
privilégier la compréhension orale. De même, si les notes qu’elle prend pendant les entretiens
sont à son seul usage et qu’elle ne doit pas rédiger de rapports à partir de ces notes, elle les
prendra probablement en russe, et l’apprentissage de la prise de notes en français sera
superflu.
32. Composantes lexicale, morphosyntaxique, phonologique. Question
des registres de langue
Il conviendra également de recenser les composantes linguistiques des discours auxquels
les apprenants seront confrontés :
– le lexique : terminologie du domaine, part du lexique courant, collocations relevant de divers
champs sémantiques (le monde du travail, les syndicats, le courrier d’entreprise, les
fluctuations de prix, etc.)
– les structures morphosyntaxiques récurrentes : numéraux, expression de la quantité,
comparaison, connecteurs, verbes modalisateurs, expression de la probabilité, etc.
– la composante phonologique : prononciation correcte et sans hésitation de données
chiffrées, intonation correcte, utilisation adéquate des pauses, etc.
– la composante paralinguistique : intonation, langage du corps, postures, gestes, mimiques.
Le recensement des caractéristiques linguistiques des discours d’un domaine spécialisé ou
professionnel suppose une analyse de ces discours, sur laquelle nous nous attarderons plus
avant dans ce chapitre. L’observation de ces caractéristiques permet de cibler certains
contenus linguistiques (lexicaux, syntaxiques et morphologiques), contrairement à une formation
plus générale. Ainsi, certains discours spécialisés présentent des structures syntaxiques
récurrentes (constructions passives, pronoms relatifs, etc. dans le discours juridique, par
exemple), d’autres ont une composante grammaticale très restreinte par rapport aux discours
non spécialisés (cas du discours mathématique, où le nombre de temps utilisés est réduit et où
la notion d’aspect n’existe pas).
La composante lexicale des discours spécialisés doit bien entendu être recensée. Il faut
cependant veiller à ne pas se focaliser sur cette composante. La présence dans un discours
d’unités lexicales spécialisées permet de rattacher ce discours à un certain domaine : un texte
contenant de nombreux termes juridiques pourra être identifié comme un texte traitant de droit ;
un médecin résumant le cas d’un patient à un confrère utilisera des termes médicaux
probablement opaques pour un non-spécialiste. Mais si ce lexique spécialisé est très visible, le
lexique « courant » est toujours présent, et même majoritaire, quel que soit le degré de
spécialité des discours. De plus, il ne faut pas oublier que le lexique spécialisé n’est pas
nécessairement celui qui pose le plus de problème aux apprenants étrangers lorsque ceux-ci
sont eux-mêmes spécialistes du domaine en question. Comme le souligne très justement Odile
Challe2 , « les mots les plus étranges pour un étudiant [étranger] ne sont pas forcément les
termes les plus techniques ». Ainsi, le lexique courant peut bloquer la compréhension pour un
apprenant de faible niveau. De même, certains mots issus du lexique courant mais ayant une
signification très précise dans un domaine de spécialité peuvent être moins « transparents »
pour un apprenant étranger qu’un terme très pointu mais qui peut se rapprocher de son
équivalent en anglais, par exemple.
Il est également important de recenser les différents registres de discours présents dans le
milieu professionnel où les apprenants vont évoluer. Ainsi, les discours de certaines disciplines
peuvent présenter une imbrication de différents niveaux de discours : un échange médecin /
patient peut, suivant les moments de l’entretien, s’inscrire dans le discours de vulgarisation, le
33. discours familier, voire le discours vulgaire suivant le contexte (consultation en psychiatrie, par
exemple). Cette cohabitation de différents registres de discours peut être un facteur de
difficulté pour un apprenant étranger. Elle peut également dérouter le formateur pour qui
« domaine de spécialité » signifie « discours d’un niveau de spécialité élevé ». L’observation et
le recensement des registres de discours constituent donc une étape tout aussi importante que
celle du recensement du lexique ou des structures syntaxiques.
Composantes extralinguistiques
On s’interrogera aussi sur :
– la composante sociolinguistique : Comment s’adresser à un collègue, à son patron, à un
étranger ? Comment maîtriser les termes d’adresse en français ?
– la composante stratégique : Comment refuser sans dire « non » ? Comment dire de faire
quelque chose en questionnant poliment ? Comment relancer une facture impayée de manière
ferme mais polie ? Comment annoncer un diagnostic grave sans inquiéter le patient ? Comment
le chirurgien peut-il informer le patient des risques opératoires afin de l’aider à prendre sa
décision, et de se protéger lui-même d’éventuelles complications ?
– la composante socioculturelle et interculturelle des discours en vigueur dans le
domaine où les apprenants exerceront leur activité.
Ces composantes non linguistiques des discours spécialisés sont plus difficiles à recenser
que les autres composantes, car elles se situent au niveau de l’implicite. Elles impliquent une
connaissance du milieu cible et de ses enjeux que le formateur ne possède peut-être pas. Là
encore, le contact avec le terrain, avec ses acteurs, s’avère indispensable. Nous reviendrons
sur la compétence interculturelle et ses stratégies d’apprentissage dans le chapitre 4.
Cette analyse des besoins se veut évolutive et réaliste.
LE RECUEIL DES DONNÉES AUTHENTIQUESET LEUR
ANALYSE
35. documents de travail vierges ou rendus anonymes (dossiers de patients dont on a effacé le
nom, par exemple), et autoriser le formateur à effectuer des entretiens avec le personnel.
Mais lorsque l’accès aux données s’avère trop difficile, le formateur a un certain nombre
d’alternatives. L’une des possibilités consiste à recueillir des données accessibles qui se
rapprochent le plus possible des données réelles. Ainsi, si l’on reprend l’exemple du milieu
hospitalier ou des entretiens à caractère juridique, il existe aujourd’hui des documentaires ou
émissions, réalisés pour la télévision ou le cinéma, qui montrent l’activité professionnelle de ces
domaines. La plupart des chaînes de télévision proposent des émissions médicales dans
lesquelles on peut voir des consultations, des équipes de médecins en activité à l’hôpital, etc.
Le magazine de la santé au quotidien, sur France 5, la série Immersion à l’hôpital, de France
2, pour ne citer que ces deux exemples, peuvent constituer de précieuses sources
d’informations. En ce qui concerne le domaine juridique, des documentaires montrant le
quotidien des tribunaux ont également été produits récemment, et l’on peut aussi citer le
documentaire 10e chambre instants d’audience de Raymond Depardon (2003).
Les œuvres de fiction peuvent également fournir un matériel utilisable pédagogiquement :
dans le domaine du monde du travail, des films tels que Ressources humaines (Laurent
Cantet, 1999), Violence des échanges en milieu tempéré (Jean-Marc Moutout, 2004)
comportent de nombreuses scènes suffisamment proches de la réalité pour permettre une
exploitation didactique ; dans le domaine du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration, citons
des films tels que Garçon (Claude Sautet, 1983), Décalage horaire (Danielle Thompson,
2002).
Il convient bien sûr d’être prudent avec ce genre de documents, qui sont des productions
audiovisuelles pour le grand public, et ne sont donc pas des documents bruts. Toutefois, en
l’absence de véritables données professionnelles, ils ne sont pas à négliger.
Là encore, les ressources multimédia peuvent être précieuses. Dans le domaine médical, par
exemple, il existe de nombreuses ressources disponibles, soit à destination du grand public
(sites tels que http://www.doctissimo.fr/ ou http://www.vulgaris-medical.com/), soit à
destination des étudiants de médecine. On trouve ainsi sur le site http://www.chups.jussieu.fr/
(site de la Faculté de médecine de Paris VI) des vidéos de consultations médicales (pour ne
citer que cet exemple, mais ce site est une mine !) tout à fait utilisables en tant qu’apport
d’information mais aussi en tant que supports d’activités didactiques.
Les données authentiques : supports d’activités didactiques
Les données authentiques peuvent donc aussi servir de supports à l’élaboration
d’activités didactiques. Les données recueillies peuvent soit être utilisées en l’état (vidéo de
consultation médicale, feuilles de route de chauffeurs routiers, fiches de réservation d’un hôtel,
etc.), soit servir de base à l’élaboration d’un document fabriqué qui sera le support de l’activité.
Les fiches pédagogiques de la deuxième partie de cet ouvrage illustrent bien, dans leur
diversité, les différentes données qu’il est possible de recueillir et le traitement que l’on peut
leur donner.
La fiche n° 10 du domaine économie/entreprise a pour support des documents fabriqués à
partir d’un entretien enregistré. Cet entretien dirigé a été fait avec des professionnels du
secteur des achats (acheteur, approvisionneur). La transcription de cet enregistrement a
36. ensuite servi de base à l’élaboration de documents à partir desquels les activités didactiques
ont été réalisées. Cet entretien n’était pas utilisable en l’état pour plusieurs raisons : la qualité
sonore n’était pas optimale, mais surtout, cela ne constituait pas vraiment un discours « de
terrain », mais un discours sollicité. Ce type de données représente une précieuse source
d’informations (au niveau des tâches effectuées par un professionnel, de la terminologie d’un
domaine, des aspects interculturels, etc.), mais elles doivent être retravaillées.
Dans le domaine juridique, les fiches nº 14 et nº 15 ont été faites à partir de documents
authentiques (documents d’une procédure de divorce).
Pour ce qui touche au domaine médical, la fiche nº 17, consacrée à la psychiatrie (domaine
où il est particulièrement difficile d’avoir accès à des données authentiques), a été réalisée à
partir d’un documentaire télévisé consacré à l’hôpital Saint-Anne. La fiche nº 16 a été réalisée à
partir d’une consultation authentique, enregistrée puis transcrite.
Quelques points méritent d’être rappelés en ce qui concerne la collecte et l’utilisation comme
support didactique des données de terrain :
– la sélection : cela peut paraître une évidence, mais il faut tout d’abord opérer une
sélection dans tous les documents disponibles, en particulier si l’on recueille des données sur
Internet. Tout n’est pas utilisable, et tout ne présente pas d’intérêt pour la formation que l’on
doit mettre en place. Si cette sélection est nécessaire dans l’étape d’information sur les
discours qui circulent dans un domaine de spécialité (le formateur risque de se noyer dans un
flot d’informations sur un domaine qu’il ne maîtrise pas), elle l’est encore plus lors de l’étape de
didactisation des documents retenus.
– l’adaptation au niveau et aux objectifs des apprenants : les documents authentiques sont
très riches, mais toute l’information contenue n’est pas utilisable en classe de langue. Il faut tout
d’abord adapter les données recueillies au niveau des apprenants. Cela peut revenir à simplifier
un document, ou à choisir de ne travailler que certains points très précis. Il faut également
sélectionner les points à travailler en fonction des objectifs des apprenants.
– le traitement des données : il convient en effet, afin de les utiliser à des fins didactiques,
de rétablir une progression, nécessaire pour l’apprentissage, mais absente des documents
authentiques qui n’ont pas de caractère pédagogique. Les données authentiques nécessitent
donc très souvent d’être retravaillées.
– l’actualisation : le monde professionnel évolue vite, et les données recueillies sur le terrain
risquent de devenir rapidement déphasées avec la réalité du milieu. Il convient donc de
renouveler très régulièrement les documents utilisés, de se tenir informé, par un contact avec le
milieu concerné, de l’évolution du domaine.
L’APPORT DU MULTIMÉDIA. VERS UNE PLUS GRANDE
AUTONOMISATION
37. L’avènement du multimédia offre de nombreuses possibilités didactiques. Dans la mise en
place de programmes FOS, qui impliquent des réponses individuelles, chaque fois différentes,
et surtout la collecte de données authentiques, de documents à caractère professionnel, dans
des domaines qui ne sont pas toujours facilement accessibles au concepteur du programme, le
multimédia constitue un outil précieux.
L’enseignant de FOS, qui dispose généralement de peu de temps pour recueillir ses
données, doit saisir cette chance extrême qu’offre le multimédia pour compléter les données
recueillies sur le terrain professionnel. Il trouvera sur Internet une documentation variée,
souvent fiable (à condition de bien vérifier les sources), toujours actualisée.
Certains supports peuvent ainsi être obtenus avec moins de difficultés et moins de temps.
Quel que soit le domaine de spécialité concerné, l’Internet est une mine de documents
authentiques actuels, disponibles gratuitement ; les documents relèvent aussi bien de la
compréhension orale qu’écrite, les genres de textes sont encore plus variés que ceux
traditionnellement utilisés dans la classe : visites virtuelles de lieux touristiques, dictionnaires de
spécialités, salles d’opérations virtuelles, vidéos de cours universitaires, vidéos de conférences,
vidéos de consultations médicales (voir les références citées ci-dessus) pour ne citer que ces
quelques exemples.
Mais c’est probablement pour l’apprenant que le multimédia se révèle le plus productif. Dans
un contexte où les formations en présentiel sont généralement courtes, et où les groupes sont
souvent hétérogènes, le multimédia offre à la fois la possibilité d’une pédagogie différenciée et
d’une plus grande autonomisation de l’apprenant.
L’outil Internet offre en particulier de nombreuses et précieuses possibilités pour les publics
scientifiques et universitaires. On trouve ainsi des conférences en ligne sur Canal U,
http://www.canal-u.fr/canalu/index.php. Le public médical trouvera des matrices d’écrits
professionnels sur le site : http://www.courriermedical.com/, des dictionnaires, par exemple
médicaux comme « le Vidal en ligne » (http://www.vidal.fr/) à destination de tous les
professionnels de la santé ; les futurs professionnels de la santé peuvent également s’évaluer
en ligne (tests, quiz, QCM, diagnostics médicaux à partir de radios sur des sites tels que
http://www.chups.jussieu.fr/ ou http://www.med.univ-rennes1.fr/etud/index4.htm.
Grâce au multimédia, l’enseignant pourra proposer aux apprenants d’être les acteurs de leur
apprentissage, la centration sur l’apprenant prenant alors tout son sens. L’apprenant coopère
pleinement avec l’enseignant, il communique et collabore avec les différents partenaires de
sa spécialité, remplit des tâches pédagogiques en communiquant avec des spécialistes
français, se forme ainsi à la culture française et parle aussi de sa culture. Il peut également
dialoguer, communiquer avec ses homologues par le biais des forums, chats, blogs.
En résumé, l’outil multimédia, utilisé à des fins pédagogiques en langue, rend possible
une pédagogie active, interactive, différenciée.
LE RECOURS À L’ANALYSE DU DISCOURS
38. L’analyse des discours authentiques permet de faire apparaître les particularités des
discours spécialisés. L’analyse de ces discours ne doit pas seulement faire apparaître leurs
caractéristiques linguistiques, mais également les situer dans une pratique professionnelle. Ces
discours peuvent en effet être éclairants sur le fonctionnement de certains milieux, surtout
lorsque ceux-ci sont étrangers au formateur. Les échanges professionnels s’inscrivent en effet
dans une logique disciplinaire et dans des schémas de communication propres au contexte où
ils sont produits.
Observons un discours du domaine médical : une interaction patient-médecin en consultation
psychiatrique (cette consultation fait l’objet de la fiche nº 17).
Entretien d’un psychiatre avec un patient anorexique/extrait
M = médecin ; P = patient
[…]
P : Je me sens pas bien en fait, je me sens trop, trop, trop grosse ; je me sens
flasque…
M :Ça vous envahit toute la journée cette idée que vous êtes trop grosse, trop
flasque…
P : Oui, c’est assez envahissant, effectivement, donc c’est ridicule, c’est pénible de
ne devoir penser qu’à ça…
M :En fait vous n’arrivez pas à penser à autre chose, il n’y a pas d’autres choses qui
sont si importantes pour vous actuellement ?
P : Non c’est pas ça, à la limite j’ai pas le corps physiquement que j’ai dans la tête…
M :Et c’est quoi ce corps que vous avez dans la tête ?
P : Disons que dans
la tête je ne me sens pas femme du tout, donc tant que je ne me sentirai pas
femme, je ne pourrai pas accepter.
M :C’est quoi se sentir femme ?
P : Ouais, mais alors, ça c’est le genre de questions…
M :Mais non, mais c’est important, parce que vous avez beaucoup beaucoup de
pensées, de schémas comme ça, et c’est important de les clarifier, de voir sur
quoi ils sont fondés. Parce que si vous cherchez à atteindre quelque chose qui est
impossible à atteindre, vous serez forcément… Donc c’est quoi être femme pour
vous ?
P : C’est… accepter… d’être désirée.
M :Et ça… d’être désirée… c’est quelque chose dont vous avez envie ?
Dans cette interaction professionnelle, nous remarquons que la succession de prises de
paroles exige fréquemment des « ligateurs » en tête d’énoncés : donc, en fait, ainsi que des
marqueurs de reformulation : en fait, et.
La production orale au cours de l’interaction est un processus dynamique qui exige
quelquefois du locuteur des reformulations pour exprimer au mieux ce qu’il veut dire.
Ces phénomènes centraux de l’oralité se trouvent d’ailleurs aussi bien chez le médecin que
chez le patient.
39. Cette « grammaire » des interactions se spécialise suivant les types d’interaction (enseignant
/apprenant, employé des postes/usager, médecin /malade, etc.).
Ces interactions, différentes dans leur contexte, dans leur finalité, exigent des organisations
conversationnelles différentes.
Dans le cas qui nous intéresse, il s’agit d’une interaction de type psychiatrique qui met face à
face deux individus jouant des rôles complémentaires. L’un pose des questions et l’autre
répond. Mais le premier pose ces questions pour que le patient écoute lui-même ses réponses
et pour qu’il mette en voix des préoccupations qu’il ne parviendrait pas à verbaliser seul.
Le médecin d’une part a fait écrire au malade un livre de bord qu’il lit avec elle afin de la faire
réagir. Puis, à partir de ces premières réactions, il relance la malade afin de faciliter une
verbalisation plus longue et plus complète. Dans ce but, il procède à une chaîne d’échanges
binaires liés thématiquement et formellement. On peut remarquer ainsi que quatre des
échanges s’ouvrent avec une intervention du médecin : commençant par un « et », et
reformulant de manière interrogative la réponse précédente du patient.
Cet exemple permet aussi de mettre en lumière deux aspects fondamentaux pour le
formateur :
– les discours spécialisés ne ressemblent pas toujours à ce que l’on imagine ! En effet, avant
de se pencher sur ce type d’échanges, lorsqu’on ne les a pas soi-même pratiqués, on
surestime, probablement, la part du lexique spécifique et sous-estime la part des discours du
registre familier.
– ce type de discours, dans lequel entrent beaucoup d’expressions familières, où la
reformulation, la reprise (et donc la richesse lexicale) occupent une place importante, pose
certainement plus de problèmes à un médecin étranger qu’un discours très spécialisé, comme
un article scientifique, par exemple. Et pourtant, c’est ce type de discours, oral, familier, qu’il
doit maîtriser s’il veut exercer en France !
En médecine, la circulation à l’intérieur de différents niveaux de discours est inhérente à la
pratique professionnelle. Ne pas maîtriser les différents niveaux de discours bloque la pratique
professionnelle.
Il faudra donc prévoir, au cours de la formation, des activités portant sur ces aspects mis en
évidence par l’analyse du discours (voir fiche nº 17).
Dans un autre domaine, celui du discours mathématique, l’analyse met en évidence le rôle
fondamental que joue le lexique courant dans la démonstration, en particulier les articulateurs,
ainsi que celui de l’argumentation.
L’étude des articulateurs équivaut à découvrir les schémas logiques d’articulation et de
construction. On va alors de la langue à la pensée.
Il s’ensuit donc que l’enchaînement des énoncés doit être envisagé dans une double
perspective linguistique et situationnelle.
Il faut procéder pour les articulateurs à une double analyse comparative :
– D’une part, il faut comparer la langue scientifique et la langue commune : par exemple, soit,
si et seulement si, nécessaire et suffisant prennent en mathématique un sens très spécifique ;
alors, aussitôt, immédiatement ont une valeur d’évidence en mathématique.
40. Un mathématicien non francophone devra donc maîtriser ces unités lexicales indispensables
à la structuration du discours mathématique3 .
– D’autre part, on peut étudier les modèles ou schémas logiques utilisés dans la langue
scientifique. Voici une suite logique reconstruite à partir d’opérations dans une démonstration :
– Peut-on trouver une solution… ?
– On remarque…
– Prenons…
– On vérifie aisément…
– Elle est donc…
– C’est en fait la seule solution…
Cette double étude permet de voir comment se reflète dans les discours la logique interne de
la pensée ; cette capacité se situe dans la perspective d’une grammaire de la communication.
Au niveau phrastique et transphrastique, nous remarquons que les connecteurs de phrase
introduisent des données résultant de démonstrations antérieures ou établies par convention :
il existe, on dit que, on sait que, on appelle, on note
Il s’agit d’une argumentation à posteriori, dont le but est de prouver et non de convaincre.
Elle est différente de la procédure de recherche (pas de tâtonnements !). Il n’y a pas de
temporalité, ni grammaticale, ni lexicale (présent atemporel).
Il y a neutralisation de l’énonciation : on, voix moyenne (s’écrit), première personne du pluriel
(prenons). On note également une personnalisation des objets mathématiques. L’équation
vérifie, satisfait. Ces verbes se construisent habituellement avec un sujet humain.
Ce type de description est utile dans la démarche didactique pour mettre en évidence :
– les éléments de la langue commune exclus du langage mathématique.
– les éléments qui sont employés dans les deux et qui ont un sens spécifique mais encore
polysémique en mathématique (remarquable, tangente, etc.).
Une formation en langue française destinée à des étudiants étrangers devant intégrer une
école d’ingénieurs, par exemple, devra donc inclure des activités visant à l’emploi correct de
ces procédés linguistiques et de ce lexique.
L’analyse des discours spécialisés permet donc de mettre en évidence leurs caractéristiques,
linguistiques, pragmatiques, etc. et de les situer dans une pratique professionnelle ou
disciplinaire, afin de cibler des compétences que les apprenants doivent acquérir pour maîtriser
ces discours. On montre ainsi que ce n’est pas la langue en elle-même qui est spécialisée,
mais ses usages ; cette « langue » ne constitue pas un système en soi, par rapport au
système de la langue générale. Il n’y a pas de « langue mathématique » par exemple, mais des
« discours mathématiques », où certains éléments syntaxiques ou lexicaux sont focalisés, leur
fréquence, leur combinaison ou leur absence faisant leur spécificité.
42. À partir des données recueillies et analysées, l’enseignant sélectionne les situations de
communication à traiter, les aspects culturels à étudier, les savoirs langagiers à développer en
priorité et construit les activités d’enseignement ; il élabore son propre matériel. Il n’existe a
priori qu’une méthodologie pour un public donné à un moment donné, même si certaines
démarches et approches sont transférables. Il s’agit donc de développer des outils
pédagogiques rapidement opérationnels permettant d’intégrer les aspects interculturels en
cernant le mieux possible les besoins des apprenants.
La plupart des activités didactiques présentes dans les formations en FLE général se
retrouvent également dans les formations pour des publics spécifiques : activités de
compréhension orale, écrite, exercices sur le lexique, etc.
La spécificité des activités élaborées dans les formations FOS se situe à plusieurs niveaux :
• les supports utilisés auront été collectés au plus près du terrain ; il s’agira de
documents authentiques à caractère professionnel ou spécialisé :
Comme nous l’avons commenté dans les pages précédentes, les étapes de collecte et
d’analyse des données sont fondamentales dans la démarche d’élaboration d’un programme
FOS.
• les activités choisies s’inscriront dans une pédagogie de la tâche :
Il convient de préparer les apprenants à intégrer un milieu professionnel dans lequel ils
devront être performants. Une pédagogie actionnelle, centrée sur la réalisation de tâches ou de
projets, permet de simuler cette réalité professionnelle. L’élaboration de scénarios didactiques
met au point un certain nombre de tâches professionnelles à remplir par les apprenants en
prise avec la réalité du terrain qui les attend à l’issue de la formation. Il devient ainsi possible
d’acquérir des savoir-faire mais aussi des « savoir-être » en contexte professionnel.
• l’enseignant s’efforcera d’autonomiser les apprenants, et de leur fournir des
stratégies d’apprentissage :
Les formations sont généralement courtes, il importe donc de donner aux apprenants des
stratégies d’apprentissage qui leur permettent de s’autoformer, d’être autonomes dans leur
apprentissage.
Cette notion va s’appliquer à toutes les compétences. Si l’on prend comme exemple la
compétence lexicale, le lexique étant un ensemble ouvert, il est indispensable que les
apprenants acquièrent des stratégies d’apprentissage leur permettant d’augmenter leur
compétence de façon autonome.
Prenons un exemple plus précis : dans le domaine du tourisme, en ce qui concerne la
formation des guides, l’hétérogénéité de certains publics ne permet pas toujours de cibler le
lexique de description d’un seul type de bâtiment à caractère religieux. Face à un public dont
les lieux d’activité sont divers, l’enseignant ne pourra pas non plus leur fournir la totalité du
lexique permettant ces descriptions (églises, mosquées, synagogues, temples, de quelles
époques ? de quels styles ?), d’où l’intérêt de leur donner des outils qui leur permettent de
transférer les compétences acquises au cours de la formation.
• les compétences feront l’objet d’approches différentes suivant les disciplines :
43. Si l’on continue sur l’exemple de la compétence lexicale, on notera des variantes importantes
bien sûr au niveau du contenu (chaque discipline possède sa terminologie), mais aussi sur la
façon dont ce lexique doit être maîtrisé et surtout utilisé en discours ; les activités didactiques
visant l’acquisition du lexique n’utiliseront donc pas les mêmes entrées suivant les domaines
concernés.
Ainsi, dans le domaine du droit, la précision, voire l’exactitude de la terminologie employée,
est indispensable et la synonymie est considérée comme dangereuse. Une activité lexicale
fondée sur la synonymie ne convient donc pas à cette discipline. Par contre, dans ce domaine,
on enseigne très rapidement aux apprenants à aborder le lexique par la définition, par la
différence. Le recours à l’étymologie latine s’avère aussi un outil précieux.
En tant que professionnels, les apprenants devront apprendre à circuler à l’intérieur de
différents niveaux de discours (l’analyse de l’échange entre médecin et patient en est un
excellent exemple). Mais cette compétence ne s’exercera pas suivant les mêmes paramètres.
Ainsi, dans le domaine du droit, où la précision est vitale, il faut partir du spécifique, du très
précis, pour aller vers le moins spécialisé (et non pas le contraire, au risque de ne jamais
obtenir la précision nécessaire). Il y aura également différentes façons de verbaliser la même
notion, suivant l’interlocuteur et le contexte dans lequel a lieu l’échange. Lors d’un échange
avocat / client, il y aura vulgarisation à l’oral de certaines notions ; dans un autre registre,
l’avocat devra maîtriser un discours lui permettant d’éviter de faire perdre la face à son client,
au risque de le perdre (des expressions du type « permettez-moi de vous souligner que… »
seront ainsi indispensables).
Types d’exercices et FOS
Tous les types d’exercices sont susceptibles d’être utilisés dans une formation FOS :
– exercices visant à la compréhension, écrite ou orale : textes ou transcriptions lacunaires,
exercices de mise en relation, questionnaires à choix multiples, tableaux à compléter, etc.
– exercices visant à l’expression, écrite ou orale : matrice de production de textes, jeux de
rôle, exercices de reformulation, etc.
Ce n’est donc pas la forme des exercices qui diffère dans ce type de formation, mais leur
objectif. Ainsi, on proposera un exercice portant sur l’utilisation du subjonctif, où l’on vise une
compétence communicative (« exprimer un ordre, une obligation », « exprimer une opinion ») 4 ,
parce que l’analyse des discours de la spécialité en question l’aura fait apparaître comme
nécessaire. Il ne faut pas perdre de vue que la compétence linguistique, dans ce type de
formation, n’est pas une fin en soi, mais un outil pour acquérir une compétence professionnelle.
Si dans les fiches consacrées au domaine du droit (deuxième partie de cet ouvrage) on
propose des exercices lexicaux où il est demandé aux apprenants de trouver et de donner des
précisions, mais pas d’exercices de reformulation, c’est parce qu’en droit la précision
terminologique, l’emploi de tel mot et pas d’un autre, est cruciale.
Au contraire, la fiche nº 17, domaine médical, propose des exercices de reformulation,
d’appariement entre des termes spécialisés et leurs équivalents en langage familier, car la
capacité à reformuler ce que dit le patient pour s’assurer de la bonne compréhension, et de