nature et fonctions des ig

Session de renforcement de capacités des membres
du Comité National de Promotion et de Coordination
des Indications Géographiques au Cameroun
(CONAPIG)
16-17 MAI 2017– Yaoundé, Cameroun
NATURE ET FONCTIONS DES
INDICATIONS GEOGRAPHIQUES
Stéphane FOURNIER
FAO / Montpellier SupAgro
16 mai 2017

Objectifs
 Comprendre ce qu’est une « Indication Géographique »
 Voir les différentes fonctions et utilisations possibles de
l’outil IG
 Analyser les facteurs de succès et d’échec
Session de renforcement des capacités des membres du CONAPIG, Yaoundé, 16-17 mai 2017
2

Plan
I. La construction (collective) des produits de terroir
II. L’enregistrement des IG, un outil pour lutter contre les
pratiques d’usurpation du nom
III. Le cercle vertueux de qualité lié à l’origine
IV.Fonctions possibles des IG
V. Quels facteurs de succès ?
3

I/ La construction (collective) des
produits de terroir
4

Les produits de terroir
 Des produits différents, « typiques », du fait de leur origine
géographique
 Facteurs naturels
 Facteurs humains
 Une construction collective, sur un temps plus ou moins
long
5

6 Un « terroir » est…
(définition Inra / Inao – Casabianca et al., 2011)
 un espace géographique délimité
 où une communauté humaine a construit au cours de
l’histoire un savoir intellectuel collectif de production,
 fondé sur un système d’interactions entre un milieu
physique et biologique, et un ensemble de facteurs
humains,
 dans lequel les itinéraires socio-techniques mis en jeu,
 révèlent une originalité, confèrent une typicité, et
engendrent une réputation, pour un bien originaire de
cet espace géographique.

Construction possible d’une réputation
 Universalité des produits de terroir
 Certains acquièrent une réputation
Internationale : poivre de Penja, (vin de) Champagne, riz
Basmati, thé Darjeeling…
Nationale: gari de Savalou, huile de palme de Man,
oignon doux des Cévennes, vin du Pic St Loup…
7

L’usurpation du nom et ses dangers
 De tous temps, forte tentation pour les producteurs des
zones non réputées d’utiliser des noms géographiques
prestigieux.
 Une pratique pouvant mettre en danger les productions
« de qualité » :
Capacité historique des consommateurs avertis de
distinguer les produits d’origine ( ?), mais
distanciations entre producteurs et consommateurs
Les « mauvais produits » peuvent chasser les « bons »
8

Exemples
 Vin jaune de Shaoxing (alcool de riz).
Sa spécificité vient de l’utilisation de l’eau pure du lac Jianhu
Avant l’IG: importante contrefaçon en Chine et a Taiwan,
Enregistrement de l’IG en 2002: réduction des produits de
contrefaçon, développement important du marché intérieur, hausse
des prix de 20%, augmentation des exportations vers le Japon de 14%.
9
 Café Antigua (Guatemala)
Production de café depuis le XVIIIème S., terre volcanique, forte altitude.
Forte réputation depuis le début du XXème S.
7 000 ha, 3 000 producteurs, 1% à 2% de l’ensemble de la production
guatémaltèque (environ 87 000 sacs/an)
Par rapport à ce qui est réellement produit dans l’aire d’origine :
- 2 fois plus de sacs de café sont étiquetés et exportés en tant qu’“Antigua”
- 4 à 8 fois plus de sacs vendus dans le monde en tant qu’“Antigua”

II/ L’enregistrement des IG, un outil
pour lutter contre l’usurpation des
noms
10

Enregistrement de l’IG
 Possible dès lors que le produit a une particularité, une
qualité ou une réputation spécifiques
 Règlemente l’usage du nom, permet de s’opposer aux
utilisations frauduleuses. Définition du collectif ayant le
droit d’usage du nom
 Une IG demande donc :
 La définition d’un cahier des charges
 La constitution d’un collectif pour porter la demande et gérer
l’IG ensuite
 L’existence d’un cadre réglementaire
11

Une ORGANISATION de
PRODUCTEURS
- Porte la demande d’enregistrement
- Gère l’IG
- Représentative, gestion
démocratique et non-exclusion
IG
Les bases d’une Indication Géographique12
Un PRODUIT
- qualité spécifique et / ou réputation
- défini dans un cahier des charges
Une
RECONNAISSANCE
OFFICIELLE
- loi + décret

Contenu d’un Cahier des Charges
1) Le demandeur
2) Le nom du produit
3) Le type de produit
4) La description du produit
5) La délimitation de l’aire géographique
6) La méthode de production
7) Le lien avec l’origine
8) Le contrôle
9) L’étiquetage
13
Quelle(s) partie(s) du
nom sont protégée(s) ?
Produit fini ? Semi-fini ?
Justification ?
Quelle spécificité ?
Quelles règles au niveau de la
production / transformation pour
garantir la typicité du produit ?
Démonstration ?
Quel type ?
Logo ? Règles de composition
du produit ?
Une organisation représentative,
ouverte et démocratique

III/ Le cercle vertueux de qualité lié
à l’origine
14

Le cercle vertueux de qualité lié à
l’origine
15
 A travers les IG, les
acteurs peuvent faire de
leurs ressources locales
(produits de terroir) des
richesses :
 Reconnaissance par la
société
 Meilleure valorisation
 Nécessaire préservation
des ressources

1 : Identification : prise de conscience et
évaluation du potentiel du produit à l’échelle
locale.
 Identification précise du produit de terroir et des ressources locales
nécessaires à sa production.
 prise de conscience par les producteurs locaux du potentiel associé aux
ressources locales spécifiques
 action collective visant à faire reconnaître la valeur du produit.
 Etudes et analyses scientifiques :
 ressources (ex : analyse de sol, histoire du produit…)
 produit et sa réputation (dégustation, enquêtes auprès des
consommateurs…).
 A ce stade, l’appui externe peut être important en termes d’apports
techniques et scientifiques particuliers.
16

2 : Qualification du produit: mise en place de
règles présidant à la création de valeur et à la
préservation des ressources locales.
 Objectif : que la société (consommateurs, citoyens, instances
publiques, autres acteurs de la chaîne de valeur, etc.) soit en
mesure de reconnaître la valeur associée au produit de terroir :
 Rédaction d’un cahier des charges : description précise, faisant
l’unanimité au sein des producteurs, des caractéristiques du territoire,
du processus de production et des attributs de qualité du produit.
 Règles de contrôle de ce cahier des charges
 Attribution d’une IG : signale, valide le lien entre le produit, son territoire
et sa qualité spécifique.
 Les règles construites collectivement peuvent donner une valeur
patrimoniale, environnementale, éthique… au produit.
17

3 : Rémunération du produit en lien avec sa
commercialisation et la gestion du système local.
 Mécanismes par lesquels la société rétribue les producteurs pour la
qualité spécifique du produit, la préservation et promotion des
ressources naturelles ou culturelles, etc.
 Doit couvrir les coûts de production, souvent plus élevés, et
éventuellement de contrôle.
 Rémunération
 Par le marché : accès ou prix plus élevé. Nécessaire gestion collective
de la réputation.
 Hors marché : si le prix ne compense pas intégralement les services
rendus (préservation de race traditionnelle ou variété locale, gestion
des terres, préservation d’un paysage…), possibilité d’une intervention
publique (aide financière, assistance technique…)
18

4 : Reproduction des ressources locales renforçant
la durabilité du système.
 Nécessaire préservation et renouvellement des ressources.
 Evaluation de la mise en œuvre des étapes précédentes
(identification, qualification et rémunération) et de leur impact sur
les trois dimensions du territoire: économique, sociale et
environnementale :
 Rémunération des producteurs et répartition de la valeur tout au long
de la filière ?
 Impact sur l’environnement, les sols, le paysage, la culture, les traditions
et le tissu social ?
19

5 : Les politiques publiques fournissent le cadre
institutionnel et une éventuelle assistance au fil des
étapes du cercle
 Rôles possibles des acteurs de la sphère publique (autorités
nationale, régionale et locale) dans la valorisation des produits de
terroir afin de renforcer leur contribution positive au
développement rural et durable.
 Établissement d’un cadre juridique et institutionnel permettant la
reconnaissance, la réglementation et la protection des droits de
propriété collective sur les IG
 Aide technique, appui au développement de filières…
 Subventions éventuelles pour services environnementaux
20

IV/ Fonctions possibles des IG
21

22 Fonctions possibles des IG
IG
Développement rural :
- Promotion des produits locaux,
création de marchés de niche
- Amélioration des revenus des
producteurs et de la répartition de la VA
- Partenariats avec collectivités locales
Instruments de politique publique :
- Favorise la diversification
- Prévention de l’exode rural
Préservation du patrimoine
culturel :
- Maintien des savoir-faire
traditionnels
- droits préservés collectivement et
indéfiniment
Impact environnemental :
-Protection de l’environnement et
du paysage
- Maintien de la biodiversité
- Prévention de la désertification

Fonctions possibles des IG
A/ Des IG pour protéger une réputation
B/ Des IG pour construire une réputation
C/ Des IG pour le développement territorial
D/ Des IG pour la conservation des ressources
23
Filière
Territoire

A/ Des IG pour protéger une
réputation
 Fonction première des IG, lutte contre les
usurpations
 Des possibilités d’entente des producteurs, et de
contrôle des prix
24

25 Modèle « historique » : des IG pour protéger
un produit de terroir
Produit réputé,
victime de
contrefaçons
Enregistrement de
l’IG
Suppression des
contrefaçons
Moyens pour le contrôle,
le marketing, la
communication
Renforcement de la
réputation
Intérêt de l’IG,
hausse du prix du
produit IGMaitrise de l’offre
Adhésion des
producteurs

26 B/ Des IG pour affirmer la
différenciation des produits ?
L’IG, un outil de différenciation au même titre que
d’autres certifications ?
Des IG pour créer une distinction, et non pour la reconnaître
De fait :
L’IG peut être perçue comme un signe de qualité, et
permettre une hausse du prix (cf. cafés)
La mise en place d’un cahier des charges, de contrôle
qualité, d’un processus de patrimonialisation… peut
renforcer la qualité du produit, et construire à terme sa
réputation.

Le café de Kintamani Bali
(Indonésie)
27
 Arabica lavé, 1ère IG indonésienne
 Spécificités
 Profil organoleptique
 Un café produit par des Subak Abian,
suivant le Tri Hita Karana

28
Produit d’Origine
avec faible
différenciation /
réputation
Différenciation
Renforcement de la
réputation
Ouverture de nouveaux
marchés, hausse des revenus
locaux
Moyens pour le contrôle, le
marketing, la communication
Intérêt de l’IG, adhésion des
producteurs
Modèle « innovant » : des IG pour créer
une différenciation
Enregistrement de
l’IG

Innovations possibles dans les cahiers
des charges
 La définition des IG de l’OMC ne se réfère pas une
« tradition ».
 Il est possible d’introduire de nouvelles pratiques dans les
cahiers des charges, afin de renforcer la durabilité du
produit (y compris sa rentabilité) :
 Minimiser les impacts environnementaux
 Améliorer la qualité du produit (surtout la qualité sanitaire)
 Accéder à de plus larges marchés, en mettant le produit en
conformité avec les normes internationales
 Sans remettre en cause sa typicité ?
29

C/ Des IG pour le développement
territorial
 Dans un espace délimité, les IG renforcent les relations
entre acteurs, limitent leur concurrence (en ouvrant de
nouveaux marchés), harmonisent leurs pratiques (grâce
au cahier des charges)…
 Renforcement du capital social et de la capacité d’action
collective
 Renforcement des capacités des organisations de
producteurs
 De possibles effets d’entrainement et de
développement de paniers de biens et services
Agrotourisme / valorisation des produits locaux
30

31
D/ Des IG pour défendre un patrimoine
local?
 Améliorer la valorisation de produits permettant le
maintien de ressources naturelles ou culturelles (savoir-
faire…)
 Une défense du patrimoine allant à l’encontre d’intérêts
stratégiques, de la « loi du marché »
 Demande souvent une volonté politique forte.

Le poivre timiz de Bonga
(Ethiopie)
32
 Cueilli par les Manjos ; élément d’un système
de mise en valeur forestière.
 Sa valorisation contribuerait à maintenir ce
système et la biodiversité, dans un contexte
de développement de grandes plantations
caféières.

33 Conclusion : une multifonctionnalité
des IG
 Les IG peuvent être appropriées par différents acteurs et orientées
dans différentes directions
 Développement des filières, nationales et d’exportation
Lutte contre les usurpations
Différentiation et renforcement de la compétitivité des produits,
éventuelle introduction d’innovations dans les pratiques (agricoles
et/ou post-récolte)
 Développement des territoires
Renforcement des capacités des organisations de producteurs
Paniers de biens et services
 Préservation des ressources (naturelles et culturelles)
 Ces orientations sont des choix politiques mais dépendent également
des relations de pouvoir dans les filières et les territoires.

V/ Quels facteurs de succès ?
34

Quels facteurs de succès ?
 On considère dans la littérature scientifique les facteurs de
succès suivants (Barjolle and Sylvander, 2002) :
 La qualité spécifique du produit,
 La pertinence du marché,
 La motivation des producteurs pour travailler ensemble
 La capacité de l’organisation de producteurs à assurer les fonctions
nécessaires
 Et la capacité de l’Etat à appuyer le développement du système IG
et à assurer sa régulation.
35

36 La « trappe de sous-utilisation »
 Les IG sont des normes volontaires, les producteurs ne sont
en rien tenus de les adopter.
 Potentielle apparition d’un “cercle vicieux” :
Produit d’Origine
Faible niveau
d’utilisation
Faibles moyens pour le marketing,
la communication…
Faible intérêt de
l’IG
Enregistrement de
l’IG

37 Pourquoi peut-il y avoir une faible utilisation ?
Facteurs internes : un problème d’action collective
L’absence de garanties sur la réciprocité des
engagements et l’anticipation de « free-riding » peuvent
bloquer le processus
Les objectifs de l’IG peuvent ne pas motiver les
producteurs
Facteurs externes :
Difficultés (impossibilité ?) pour les producteurs locaux
d’imposer aux acheteurs d’acheter des produits certifiés

Nécessaire construction de la
dimension sociale de l’IG
 Le succès d’une IG est conditionné à la capacité de
mobilisation / appropriation / gestion de cette ressource
par les acteurs locaux.
 Nécessité de confiance, de capacité d’action
collective :
Soit sur la base de « dynamiques territoriales » préexistantes
Soit en construisant des instances de rencontre, de
dialogue… permettant la construction de capital social.
38

39 Nécessaire négociation des objectifs
 Tentation des organismes de développement : utiliser les IG
comme des outils permettant de conforter des politiques en
place (promotion des filières, modernisation de l’agriculture,
développement des exportations…)
 Fort interventionnisme dans l’« orientation » des cahiers des charges et
la gestion de l’IG
 Une nécessaire « négociation »
que les instances décentralisées sont plus à même de mener ?

Conclusion
40

Conclusion
 Les IG, des outils nécessaires pour préserver ou
développer des produits de terroir.
 De multiples fonctions possibles.
 Des programmes d’appui adaptés peuvent permettre
aux IG de jouer un rôle important dans le
développement agricole et rural.
 L’engagement des producteurs est essentiel.
41

Merci pour votre attention !
stephane.fournier@supagro.fr

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