Taxe apprentissage 2015 AMFE pour la formation et la recherche sur les maladi...
Canada : maladies du foie, une crise en devenir
1. Les maladies du foie au Canada
UNE CRISE EN DEVENIR
ÉVALUATION DES MALADIES DU FOIE AU CANADA
MARS 2013
2. TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ 2
INTRODUCTION 6
MÉTHODES 6
MALADIES DU FOIE 7
CHAPITRE 1 8
L’hépatite B
CHAPITRE 2 26
L’hépatite C
CHAPITRE 3 41
L’hépatopathie alcoolique
CHAPITRE 4 45
La stéatose hépatique non alcoolique
CHAPITRE 5 49
La cirrhose et ses complications
CHAPITRE 6 52
Le carcinome hépatocellulaire
CHAPITRE 7 59
Les ressources pour la prise en charge des maladies du foie au Canada
CHAPITRE 8 63
Les coûts des maladies du foie
CHAPITRE 9 67
Résumé
CHAPITRE 10 70
Recommandations
CONCLUSION 73
EXPLICATION DES SIGLES 74
1
3. RÉSUMÉ
Le foie, notre plus gros organe interne, participe à presque tous les processus essentiels de l’organisme. En dépit de son
rôle vital, la majorité des Canadiens font comme s’il n’existait pas. Malheureusement, cette négligence a des
conséquences dangereuses pour la qualité et l’espérance de vie et peu de gens comprennent la gravité des enjeux.
Au cours d’une période de seulement huit ans, le taux de mortalité lié aux maladies du foie a augmenté de presque
30 %. Ceux qui participent directement aux soins des patients souffrant d’une maladie du foie ont été trop souvent
témoins de cette tragédie dans des hôpitaux partout au pays. Pourtant, il n’y a aucun sentiment d’urgence en ce qui
concerne la collecte ou l’évaluation des données visant à mesurer la vraie portée du fardeau de ces maladies, ou de leur
traitement. Même s’il est indéniable que l’abus d’alcool provoque certaines maladies du foie, la fausse impression que
toutes les maladies du foie sont causées par l’alcool n’aide pas à surmonter l’indifférence du public et du
gouvernement dans ce domaine.
Selon les estimations, un Canadien sur dix, ou plus de trois millions de personnes, est atteint d’une forme ou l’autre
de maladie du foie. Les maladies du foie les plus fréquentes, soit l’hépatite virale, la stéatose hépatique et le cancer du
foie, sont toutes en hausse, ce qui signifie que les taux de mortalité liés à ces maladies et à leurs complications
continueront de s’élever en l’absence d’une intervention efficace.
Être diagnostiqué d’une maladie du foie ne devrait pas être une sentence de mort. Même s’il existe des solutions
efficaces de dépistage, de diagnostic et de traitement pour bon nombre de patients, en l’absence de stratégies
coordonnées, de politiques gouvernementales de soutien et d’investissements financiers dans la recherche et le soin
des patients, les maladies du foie continueront d’être la cause de nombreux décès qui imposeront un lourd fardeau
aux systèmes de santé du pays. Les résultats clés de cette étude mettent en lumière les occasions manquées de
prévention, les lacunes en matière de soins, et l’effet de ces maladies sur la vie des patients.
HÉPATITE VIRALE
L’hépatite virale est une infection fréquente au Canada. Même si sa prévalence exacte est inconnue, il est probable que
plus de 500 000 personnes sont infectées par le virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C. L’hépatite virale est beaucoup
plus fréquente que l’infection par le VIH, qui arrive au troisième rang des infections transmissibles par le sang. Ceux
qui sont infectés par le virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C sont exposés à un risque accru de développer une
cirrhose, une insuffisance hépatique ou un cancer du foie. Le taux de mortalité liée à l’hépatite virale dépasse celui
attribuable au VIH, et la tendance risque de se maintenir.
Surveillance : La prévalence des hépatites chroniques B ou C et le taux de mortalité liée à ces maladies sont
inconnus. Les données recueillies par l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) sur l’hépatite B sont
axées sur l’infection aiguë et non sur l’infection chronique. Cependant, la maladie est surtout transmise par
des personnes atteintes d’une infection chronique et la mortalité est principalement attribuable à l’hépatite
virale chronique. En outre, les données recueillies par l’ASPC sur l’hépatite C ne font pas la distinction
entre les infections aiguës guéries et les infections chroniques. L’absence de données précises masque
l’ampleur du problème.
Les études de modélisation indiquent une augmentation du nombre de décès liés aux hépatites B et C,
contribuant ainsi à la hausse générale de la mortalité attribuable aux maladies du foie.
Dépistage : Il est recommandé de procéder à un test de dépistage de l’hépatite B chez toutes les femmes
enceintes. Contrairement aux pratiques d’autres pays, il n’existe aucune recommandation gouvernementale
officielle concernant le dépistage de l’hépatite B ou de l’hépatite C chez d’autres populations. Des occasions
d’intervenir sont donc manquées.
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4. Recherche : Le Canada a investi dans la recherche sur le VIH dix fois plus que sur l’hépatite B et cinq fois sur
l’hépatite C, en dépit du plus grand nombre de décès attribuables chaque année à l’hépatite B ou à
l’hépatite C qu’au VIH.
Soutien : L’Agence de la santé publique du Canada investit environ 10 M$ par année dans les programmes
sur l’hépatite C, mais très peu pour l’hépatite B. Certaines provinces possèdent des programmes de soutien
pour les hépatites B et C, mais ceux-ci sont incomplets.
Le traitement de l’hépatite B et de l’hépatite C est insatisfaisant au Canada. Moins de 10 % des patients atteints
d’hépatite B et moins de 25 % de ceux qui sont atteints d’hépatite C ont été traités efficacement. Il y a plusieurs
obstacles au traitement :
Politiques de remboursement limitées : Dans la foulée des recommandations en matière de remboursement
du Comité canadien d’expertise sur les médicaments (CCEM) et de la plupart des provinces, de nombreux
patients n’ont pas accès au traitement. Ces restrictions ne sont pas fondées sur des données scientifiques et
ne respectent pas non plus les recommandations cliniques. Elles semblent basées uniquement sur les coûts.
Sensibilisation à l’hépatite : Les patients et les collectivités où ces maladies sont prévalentes ne sont pas
sensibilisés à la gravité de ces infections et à leurs conséquences. Cette situation s’explique en partie par un
manque d’éducation au sein des communautés d’immigrants, ainsi que par une honte injustifiée et des
notions médicales culturelles propres à ces communautés. Il est nécessaire de sensibiliser davantage les
médecins de famille à la signification des anomalies du bilan hépatique chez les patients atteints d’une
hépatite virale chronique, et il est souhaitable qu’ils comprennent mieux l’évolution naturelle de ces
infections.
Personnel insuffisant : Très peu d’hôpitaux au Canada offrent des lits réservés aux patients atteints d’une
maladie chronique du foie. Le nombre de médecins formés pour traiter les patients atteints d’une maladie
du foie, particulièrement l’hépatite C et le carcinome hépatocellulaire, est limité. Le traitement de
l’hépatite C est complexe et exige beaucoup de travail ainsi que des soins infirmiers spécialisés. Au Canada,
la majorité des infirmières et infirmiers qui s’occupent de patients atteints d’hépatite C sont rémunérés par
l’industrie pharmaceutique plutôt que par les ministères de la santé provinciaux, comme c’est le cas
habituellement pour les autres maladies.
Coûts : Le traitement des hépatites B et C est dispendieux, mais les coûts à vie sont inférieurs à ceux du
traitement du VIH. Une économie de coûts serait possible si les personnes infectées étaient traitées avant de
développer un stade avancé de leur maladie du foie.
Compte tenu de toutes les restrictions imposées aux soins adéquats des individus atteints d’hépatite virale, le Canada
fait face à une augmentation massive imminente de la mortalité liée à ces maladies. Les données de Statistique Canada
indiquent déjà une augmentation de la mortalité liée aux maladies chroniques du foie ainsi que des décès imputables
au cancer du foie. Selon les prévisions, la mortalité associée à l’hépatite virale continuera de s’élever jusqu’en 2020 et
au-delà. Le seul taux de mortalité pour le cancer du foie lié à l’hépatite B augmentera de 50 %. Des hausses de la
mortalité liée à l’hépatite C sont également prévues. Des centaines de milliers de Canadiens sont exposés à ce risque,
même si cette situation est en grande partie évitable. Il existe d’excellents traitements pour l’hépatite B qui permettent
de contrôler adéquatement cette infection et de diminuer ou même d’éliminer le risque de cirrhose et de cancer du
foie. Le traitement de l’hépatite C s’améliore, certaines formes de la maladie pouvant être guéries dans environ 70 %
des cas, et de meilleurs traitements seront bientôt disponibles. Pour ceux qui ont reçu un diagnostic de cirrhose et qui
présentent un risque plus élevé de contracter un cancer du foie, il existe des méthodes de dépistage de ce cancer, et des
traitements curatifs pour la plupart des petits cancers décelés par le dépistage.
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5. Toutefois, afin d’atteindre ces objectifs, le Canada doit améliorer la surveillance, la collecte de données, les
programmes de sensibilisation, d’accès au traitement et accroître le financement de la recherche sur ces maladies. En
l’absence de ces améliorations, le taux de mortalité des maladies du foie restera inchangé.
Ailleurs dans le monde, les gouvernements ont reconnu la menace posée par les hépatites virales et ont élaboré des
programmes complets pour y faire face. Le Canada n’a aucun programme similaire.
STÉATOSE HÉPATIQUE NON ALCOOLIQUE
La stéatose hépatique non alcoolique (SHNA) est le résultat de l’accumulation de graisses dans le foie, conséquence de
plusieurs problèmes de santé dont l’obésité et le diabète. Cette maladie s’appelle la stéatose hépatique non alcoolique
parce que le foie, observé au microscope, a la même apparence que dans le cas de la maladie alcoolique, malgré le fait
que cette pathologie survient chez des personnes sans problème de consommation excessive d’alcool. La SHNA est la
maladie du foie dont la prévalence est la plus élevée au Canada, touchant jusqu’à 25 % de la population. Comme
pour l’hépatite virale, la SHNA est une maladie du foie qui évolue au fil des ans, pouvant mener à une cirrhose et au
cancer du foie. Étant donné la prévalence croissante de l’obésité et du diabète, une augmentation du nombre de cas
de SHNA ainsi que de son impact sur la mortalité liée aux maladies du foie sont à prévoir. Le plein impact de cette
forme de maladie du foie ne sera probablement connu que dans plusieurs années lorsque la génération actuelle de
personnes atteintes d’embonpoint aura vieilli. Ainsi, on s’attend à ce que la stéatose hépatique non alcoolique
devienne vraisemblablement le principal facteur responsable de la prévalence élevée des maladies chroniques du foie.
MALADIE ALCOOLIQUE DU FOIE
La maladie alcoolique du foie est le résultat d’une consommation excessive d’alcool, et elle existe dans tous les groupes
sociaux, y compris ceux qui consomment régulièrement de l’alcool sans être alcooliques. La maladie alcoolique du
foie peut se présenter sous deux formes : l’hépatite alcoolique aiguë et la cirrhose alcoolique. Les deux maladies
peuvent parfois coexister et sont souvent mortelles.
La consommation d’alcool augmente au Canada. Il existe une relation directe entre la consommation globale d’alcool
dans un pays ou une région, et l’incidence des maladies du foie liées à l’alcool. La maladie alcoolique du foie
contribuera donc probablement aussi à l’augmentation du taux de mortalité lié aux maladies du foie.
CIRRHOSE
La cirrhose est l’aboutissement final de la plupart des formes de maladie du foie. Le terme désigne un état
pathologique caractérisé par une forte cicatrisation du foie associée à la diminution de la masse des cellules hépatiques,
à une réduction de la circulation sanguine dans le foie et à une capacité réduite de régénération. Au début, il est
possible que la cirrhose ne donne aucun symptôme, ou même aucune anomalie dans les analyses sanguines ou sur les
examens radiologiques. Avec le temps, une perte de la fonction hépatique et d’autres complications, telles que
l’accumulation de liquide dans la cavité abdominale, des épisodes de confusion mentale et des hémorragies internes
peuvent se développer.
L’incidence et la prévalence de la cirrhose et de la mortalité liée au foie ont augmenté, et la tendance risque de se
maintenir. Les principales causes des maladies du foie précitées ont également connu une augmentation de leur
incidence. Les établissements qui peuvent prendre en charge les maladies du foie à leur stade avancé sont à peine
capables de le faire actuellement, et il y a lieu de penser qu’ils seront bientôt complètement débordés. Le seul
traitement d’une maladie du foie à un stade avancé est la transplantation hépatique, et l’ampleur du problème
apparaît clairement lorsqu’on note qu’il y a plus de 5 000 décès liés aux maladies du foie par année, et environ
400 transplantations hépatiques seulement. Il est donc évident que la transplantation hépatique n’est pas la solution
aux maladies chroniques du foie.
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6. CARCINOME HÉPATOCELLULAIRE (CHC)
Les lésions chroniques infligées au foie, peu importe la cause, endommagent le foie de deux façons, soit en générant
des tissus cicatriciels menant à la cirrhose, soit en provoquant le développement d’un cancer du foie. Les deux types
principaux de cancer qui se développent à partir du foie sont le carcinome hépatocellulaire (CHC) et le
cholangiocarcinome intrahépatique (CCIH). Le cancer du foie est l’un des rares cancers dont l’incidence et la
mortalité sont en hausse. Cette situation est attribuable à l’augmentation de la prévalence des maladies du foie sous-
jacentes et au vieillissement de la population atteinte de ces maladies.
Cependant, contrairement à bien d’autres cancers, il existe des méthodes reconnues permettant de réduire la mortalité
liée au cancer du foie, nommément la prévention et le traitement de la maladie hépatique sous-jacente. Il existe aussi
d’autres méthodes pour réduire la mortalité chez les personnes atteintes d’un CHC, en particulier le dépistage chez les
patients présentant un risque accru. Cependant, ces mesures ne sont pas mises en œuvre à une grande échelle.
RESSOURCES
Au Canada, les installations et les ressources permettant de traiter les maladies du foie à un stade avancé ne suffisent
pas aux besoins. Il n’y a pas suffisamment d’hôpitaux, ainsi que de médecins et de personnel infirmier ayant reçu une
formation pour traiter les maladies du foie en phase avancée. Les maladies du foie sont devenues des causes
d’hospitalisation très fréquentes, et leurs coûts sont élevés. Cette situation mettra une pression supplémentaire sur le
nombre déjà restreint de lits d’hôpitaux dans l’ensemble du pays. Les coûts du traitement des maladies du foie sont
élevés. Un traitement complet de l’hépatite C coûte entre 20 000 et 70 000 $ selon le sous-type du virus (génotype).
Le traitement de l’hépatite B coûte entre 7 000 $ et 9 000 $ par année pendant une période de 10 à 20 ans ou plus.
La pharmacothérapie du carcinome hépatocellulaire coûte 6 000 $ par mois. La transplantation hépatique coûte plus
de 100 000 $ par cas, compte tenu des frais pour les soins médicaux et les médicaments immunodépresseurs. Les
gouvernements devront mieux organiser les soins des patients souffrant de ces maladies, tant pour améliorer le
pronostic que pour réduire les coûts associés. Le présent document propose un certain nombre de recommandations
qui permettront d’améliorer la prise en charge globale de ces maladies, et de réduire peut-être les coûts qui s’y
rattachent.
5
7. INTRODUCTION
Même si le foie est un organe vital, trop de gens jouent à l’autruche et ne se soucient pas de son existence. Cette
indifférence, combinée à une croyance populaire selon laquelle seuls les alcooliques et les toxicomanes sont à risque de
contracter une maladie du foie, a conduit la population à ne pas s’intéresser au grave problème de santé national que
constituent les maladies du foie. Cependant, étant donné l’augmentation nette des taux de mortalité et le coût
grandissant des soins de santé associés aux hépatites te virales et aux autres maladies du foie, il est temps d’examiner
globalement le problème de ces pathologies au Canada avant qu’il ne soit trop tard.
La Fondation canadienne du foie a commandé le présent rapport afin de révéler, pour la première fois, toute l’étendue
du problème des maladies du foie au pays. À l’aide de renseignements provenant de diverses sources, y compris des
bases de données gouvernementales, universitaires et d’établissements de santé, ainsi que de médecins traitants, nos
spécialistes ont recueilli des faits et des chiffres, et ont extrapolé les données sur les formes les plus prévalentes des
maladies du foie. Ce ne fut pas une tâche facile. Les maladies du foie sont souvent classées parmi les troubles digestifs,
les maladies infectieuses ou les cancers, ou elles ne font l’objet d’aucun suivi. Ce que nous avons découvert est
alarmant, mais ce qui reste dans l’ombre à cause du manque de données l’est bien davantage.
Nos connaissances sur la prévalence et la mortalité associées aux hépatites virales et à d’autres formes de maladies du
foie au Canada comportent de nombreuses lacunes. Les bases de données gouvernementales ciblent le suivi des
infections aiguës plutôt que des infections chroniques, et la collecte de données dans l’ensemble des organismes de
surveillance n’est ni systématique ni complète. Cependant, les conséquences dévastatrices des maladies du foie pour les
victimes et leur famille ainsi que leur fardeau croissant sur notre système de soins de santé sont parfaitement visibles.
Les Canadiens souffrent et meurent à cause de maladies du foie qui sont traitables et, dans certains cas, évitables. Les
raisons qui expliquent cette situation sont complexes, mais les solutions possibles ne sont pas inatteignables. Même si
nous possédons déjà les connaissances et les outils pour prévenir ou traiter les maladies du foie, l’égalité d’accès, la
coordination et un sentiment d’urgence nous font encore défaut. Et lorsque nous ne possédons pas les connaissances
ou les ressources, il n’y a pas de stratégie pour le changement ou de volonté politique pour investir dans ce type de
stratégie.
La vérité est que le système de soins de santé du Canada ne s’occupe pas des Canadiens atteints d’une maladie du foie.
Afin de prévenir des milliers de décès évitables, les gouvernements fédéral et provinciaux doivent reconnaître
l’ampleur du problème et prendre les mesures nécessaires pour améliorer la surveillance, le dépistage, l’accès au
traitement, les ressources en matière de soins des patients et la recherche. Les maladies du foie sont devenues trop
fréquentes et mortelles pour qu’il soit encore possible d’en faire abstraction.
MÉTHODES
La documentation médicale a été examinée afin de trouver des données pertinentes sur les maladies du foie au
Canada. Les auteurs ont invité les gouvernements fédéral et provinciaux à fournir des renseignements sur leurs
politiques concernant les hépatites virales et les autres maladies du foie, ainsi que sur le financement de programmes
visant à traiter ces maladies. Les sites Web gouvernementaux ont été consultés afin de trouver de l’information sur les
approbations de médicaments, la prévalence, l’incidence et la mortalité des maladies, les conditions de remboursement
et les mesures de santé publique en cas d’épidémies d’hépatite virale (voir plus loin). Des données supplémentaires
ont été obtenues auprès de l’industrie pharmaceutique. Un chercheur a été embauché afin de rassembler tous les
résultats, et le présent rapport propose une synthèse de ces renseignements.
6
8. LES MALADIES DU FOIE
Les principales maladies du foie responsables des niveaux les plus élevés de morbidité et de mortalité sont les hépatites
virales (hépatites chroniques B et C), la maladie alcoolique du foie, la stéatose hépatique non alcoolique, la cirrhose et
le carcinome hépatocellulaire. Ces maladies représentent plus de 95 % de tous les décès liés aux maladies du foie. Les
données démontrent l’incidence croissante de ces maladies. Chaque maladie sera traitée séparément. Lorsqu’il est
pertinent de le faire, le mode de prise en charge de l’hépatite B et de l’hépatite C sera comparé à celui du VIH. En
effet, le VIH est transmis par les mêmes voies que les hépatites B et C, et cause aussi une infection chronique pouvant
entraîner la mort. De plus, comme dans le cas des hépatites B et C, il est possible de le traiter.
7
9. CHAPITRE 1
L’HÉPATITE B
L’hépatite virale est une infection causée par un virus qui entraîne une inflammation du foie et l’endommage.
Lorsqu’il s’agit d’une hépatite aiguë, les dommages sont généralement légers et de courte durée et sont suivis d’un
rétablissement complet. Dans certains cas cependant, les dommages sont suffisamment graves pour causer une
insuffisance hépatique qui peut entraîner la mort ou requérir une transplantation hépatique. Il s’agit heureusement
d’une situation assez rare. Dans le cas d’une hépatite virale chronique, l’infection ne cause pas initialement beaucoup
de dommages, mais elle persiste indéfiniment et pourrait, sur une période de plusieurs années, mener à la cirrhose, au
cancer du foie, à l’insuffisante hépatique et à la mort. Même si plusieurs virus ciblent le foie, les plus fréquents et
potentiellement les plus mortels sont ceux des hépatites B et C. Le présent rapport ne traitera donc que de ces deux
formes d’hépatite virale.
TRANSMISSION DE L’HÉPATITE B
L’hépatite B est une infection transmissible par le sang. Cela signifie que la maladie est transmise par un contact des
liquides corporels d’une personne avec des liquides corporels infectés. Tous les liquides corporels d’une personne
infectée, y compris le sang, la salive, le sperme et les sécrétions vaginales, peuvent contenir le virus de l’hépatite B, et
sont en conséquence potentiellement infectieux. Le virus se transmet par un contact intime. Même si le mécanisme de
transmission exact dans ces circonstances n’est pas toujours clair, les études supposent qu’il est associé à l’exposition
aux liquides corporels infectés. Les principales voies de transmission sont les suivantes : au sein d’une famille
immédiate, surtout entre une mère infectée et ses très jeunes enfants; à l’occasion de relations sexuelles; l’exposition au
sang infecté lors de la consommation de drogues administrées par injection; lors d’un tatouage, d’un perçage ou d’une
intervention médicale avec de l’équipement contaminé; ou parmi les professionnels de la santé. L’allaitement ne
transmet pas l’infection. L’hépatite B est considérablement plus contagieuse que le VIH.
ÉVOLUTION NATURELLE DE L’HÉPATITE B
Il existe deux formes d’hépatite B. Toute nouvelle infection d’hépatite B comporte une phase aiguë. Par définition,
l’hépatite B aiguë disparaît dans les six mois, ce résultat étant accompagné d’une élimination du virus dans
l’organisme, de l’acquisition d’une immunité à une infection future, et de l’absence de dommages hépatiques à long
terme. Cependant, la persistance de l’infection au-delà de six mois signifie généralement une infection à vie ou la
présence de la forme chronique de l’hépatite B. Chez l’enfant, l’infection initiale est généralement asymptomatique,
tandis que chez l’adulte, l’infection risque davantage de provoquer des symptômes. Lorsque des symptômes se
manifestent, ils prennent le plus souvent la forme de fatigue, de fièvre, de douleurs articulaires et abdominales et de
jaunisse. La plupart des enfants infectés ne sont pas diagnostiqués à cause de l’absence de symptômes. Les très jeunes
enfants (de moins de cinq ans) infectés ne réussissent pas à éliminer le virus et conservent l’infection pendant le reste
de leur vie. Chez les enfants plus vieux et les adultes, la maladie est plus souvent de courte durée et éliminée
complètement.
L’hépatite chronique B est définie comme une infection qui est présente pendant plus de six mois. La plupart des
infections chroniques sont acquises dans la petite enfance. La probabilité de chronicité après cette période décline
jusqu’à l’âge adulte, où le taux de chronicité est inférieur à 1 %.
L’issue de l’hépatite chronique B est variable. Plus de 50 % des infections deviennent plus ou moins dormantes sans
conséquences nuisibles à long terme pour le foie. Cependant, vers l’âge de 40 ans environ, l’incidence du cancer du
foie est d’à peu près 0,2 à 0,6 % par année dans cette population. La cirrhose apparaît dans environ 15 à 20 % des cas
et, avec la cirrhose, le risque de cancer est de 5 à 8 % par année approximativement. Les complications de la cirrhose
8
10. peuvent aussi entraîner la mort. Globalement, environ 25 % des hommes et de 8 à 10 % des femmes souffrant
d’hépatite chronique B non traitée décèdent de complications de la maladie.
ÉPIDÉMIOLOGIE DE L’HÉPATITE B AU CANADA
PRÉVALENCE ET INCIDENCE
L’hépatite B est une maladie à déclaration obligatoire. Toutes les administrations de santé publique consignent toutes
les analyses sanguines positives pour l’hépatite B (analyse positive à l’égard de l’AgHBs qui est le marqueur pour une
infection active), et déclarent les données sur les cas aigus et « indéterminés » au Système canadien de surveillance des
maladies à déclaration obligatoire (SSMDO). En plus du SSMDO, le Système de surveillance accrue des souches de
l’hépatite (SSASH) (1) a recueilli jusqu’à tout récemment des données supplémentaires dans des régions sanitaires qui
représentent environ 41 % de la population canadienne. Le SSASH n’a publié aucune donnée sur
l’hépatite chronique B, et ce système n’existe plus à cause de contraintes budgétaires. Les données du SSMDO et du
SSASH confirment que l’incidence de l’hépatite B aiguë présente une tendance à la baisse (figure 1). Cependant, en
raison de la nature asymptomatique des nouvelles infections, seuls les cas d’hépatite aiguë diagnostiqués sont indiqués
à la figure 2 (1). Selon la figure 2, l’incidence d’hépatite B aiguë ayant connu la plus grande baisse est observée chez le
groupe d’âge qui aurait profité d’une vaccination universelle (de 20 à 39 ans). Cela confirme les avantages de la
vaccination pour ce qui est de la réduction de l’incidence de l’hépatite B aiguë symptomatique. (Cependant, il ne s’agit
pas d’une preuve de la prévalence réduite de l’hépatite chronique B, c’est-à-dire le principal objectif de la vaccination
contre l’hépatite B.)
FIGURE 1 : TAUX D’HÉPATITE B AIGUË ET INDÉTERMINÉE* POUR UNE POPULATION DE
100 000 PERSONNES (1)
12
10.8
10
9.4
TAUX/1000 000 PERSONNES
8
6.9
6.1
6
4.8
5.8
4
3.1
4.1
2.4
2.7
3.4
1.9
1.8
1.7
2
2.6
1.9
1.8
2.2
1.8
0
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
ANNÉE
* Les cas indéterminés sont des cas où il n’a pas été possible de déterminer avec certitude s’il s’agissait d’une hépatite B
aiguë ou chronique. Ces cas pourraient découler d’analyses sérologiques portant à confusion, ou d’un suivi incomplet.
9
11. FIGURE 2 : TAUX DE CAS D’HÉPATITE B AIGUË ET INDÉTERMINÉE* PAR ANNÉE ET GROUPE D’ÂGE(1)
25
0-9 ANS
TAUX/D'INCIDENCE/100 000
20
10-19 ANS
15
20-39 ANS
40+ ANS ET PLUS
10
5
0
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
ANNÉE DU DIAGNOSTIC
* Les cas indéterminés sont des cas où il n’a pas été possible de déterminer avec certitude s’il s’agissait d’une hépatite B
aiguë ou chronique. Ces cas pourraient découler d’analyses sérologiques portant à confusion, ou d’un suivi incomplet.
Les données précitées représentent des cas d’hépatite B aiguë signalés. Cependant, le signalement de cas
d’hépatite chronique B laisse à désirer. L’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) constate ainsi (1) :
« Les données agrégées sur l’infection par le VHB provenant de toutes les provinces et tous les territoires sont
envoyées à l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) de manière régulière. Cependant, les pratiques de
déclaration ne sont pas uniformes d’une administration à l’autre en raison du fait que certaines administrations
ne déclarent que les cas aigus d’infection par le VHB, tandis que d’autres rapportent aussi bien les cas aigus
qu’indéterminés d’infection par le VHB. Depuis 2004, les cas d’infection chronique par le VHB sont également
signalés par quelques provinces et territoires. Les efforts consentis pour rechercher et éliminer les déclarations en
double des cas d’infection par le VHB varient d’une administration à l’autre (1). »
En l’absence d’une collecte officielle de données, les études de séroprévalence pourraient fournir de l’information.
Malheureusement, il n’existe que quelques études sur la prévalence de l’hépatite B au Canada, et celles-ci ont été
entreprises il y a bon nombre d’années. Une étude effectuée dans le Nord de l’Ontario indiquait une prévalence de
0,24 à 0,47 % (2). Cependant, une étude portant sur les immigrants a montré que la prévalence variait entre 5 et 10 %
(3). Une étude effectuée chez les réfugiés vietnamiens arrivant au Canada a constaté que 11,7 % d’entre eux étaient
infectés par le VHB (4). Un dépistage au moment de la grossesse en Nouvelle-Écosse a montré un taux de prévalence
de 0,87 % (5).
Étant donné qu’aucune de ces études n’était représentative de la population générale, nous pouvons conclure que la
prévalence de l’hépatite chronique B au Canada est inconnue. Cependant, ces études laissent penser qu’au Canada,
l’hépatite B est très prévalente chez les populations d’immigrants (5 à 12 %, comparativement à <1 % dans la
population générale). Cette hypothèse est renforcée par l’expérience clinique. Dans l’ensemble du pays, toutes les
cliniques qui traitent un nombre important de patients atteints d’hépatite B signalent que les immigrants constituent
la majorité de ces patients. Cette information est examinée ci-dessous.
La majeure partie de la mortalité et de la morbidité liées à l’hépatite B survient chez les personnes atteintes d’une
infection chronique, dont 25 % décèderont des suites de leur maladie en l’absence de traitement. L’hépatite B aiguë
est généralement asymptomatique et disparaît spontanément (surtout chez les adultes), et le taux de mortalité est
extrêmement faible (32 à 47 cas par année au Canada) (7). En outre, étant donné la courte durée (trois ou quatre mois
au plus) de la période au cours de laquelle une personne atteinte d’une infection aiguë peut transmettre la maladie, la
source de l’infection pour la plupart des nouveaux cas d’hépatite B est une personne atteinte d’une infection
chronique. Du point de vue de la santé publique, la découverte et la documentation des cas d’hépatite chronique B
seraient mieux à même d’avoir un effet sur les taux d’infection globaux que le suivi des cas d’hépatite B aiguë.
10
12. RÔLE DE L’IMMIGRATION
Une portion importante des immigrants qui arrivent au Canada proviennent de régions du monde où l’hépatite B est
très prévalente, y compris la Chine, les Philippines, et d’autres zones d’Asie du Sud-Est, du Moyen-Orient et d’Afrique.
D’après le recensement de 2006, les études fondées sur la taille et l’origine de la population immigrante laissent
conclure que le nombre de personnes infectées par le virus de l’hépatite B au pays serait entre 242 749 et 444 500, ce
qui correspond à 0,81 % à 1,44 % de la population canadienne (6). Entre 71 % et 89 % de ces personnes sont des
immigrants (voir le tableau 1). Étant donné la variation des estimations dans les pays d’origine, l’étude a produit trois
estimations, représentant des possibilités de niveau élevé, moyen et faible.
TABLEAU 1 : PRÉVALENCE DE L’HÉPATITE CHRONIQUE B CHEZ LES IMMIGRANTS CANADIENS(6)
Immigrants Taux de porteurs du VHB (%) Cas de porteurs du VHB
Pays/région
vivants en 2006 Faible Moyen Élevé Faible Moyen Élevé
Amérique du Nord 250 540 0,19 0,25 0,32 477 626 802
Amérique centrale 130 460 0,44 0,88 1,40 577 1 154 1 820
Caraïbes 317 765 1,51 3,25 5,00 4,793 10 339 15 887
Amérique du Sud 250 710 0,59 1,16 1,74 1 477 2 916 4 366
Europe de l’Ouest 424 645 0,32 0,56 0,83 1 356 2 374 3 525
Europe de l’Est 511 095 2,12 2,76 3,39 10 838 14 086 17 318
Europe du Sud 698 085 1,8 2,52 3,24 12 573 17 587 22 634
Europe du Nord 644 530 0,30 0,53 0,59 1 925 3 438 3 827
Afrique de l’Ouest 48 645 10,78 13,46 16,14 5 242 6 545 7 850
Afrique de l’Est 129 920 6,58 9,22 11,87 8 548 11 983 15 420
Afrique du Nord 134 505 3,15 6,12 9,09 4 242 8 234 12 225
Afrique centrale 22 405 8,46 11,44 14,43 1 895 2 563 3 233
Afrique du Sud 39 090 4,68 6,20 7,71 1 829 2 424 3 014
Asie centrale occidentale
370 520 2,65 3,86 5,08 9 826 14 290 18 835
et Moyen-Orient
Chine et
682 375 11,70 12,25 12,80 79 837 83 590 87 343
Hong Kong
Autres régions de l’Asie
191 995 10,63 11,17 11,71 13 121 14 083 15 055
orientale
Philippines 303 190 6,32 7,36 8,39 19 162 22 315 25 438
Autres régions de l’Asie
257 800 7,80 8,94 10,09 24 583 27 862 31 138
du Sud-Est
Inde 443 690 2,92 3,23 3,55 12 956 14 331 15 751
Autres régions de l’Asie
275 590 2,66 3,35 4,16 6 179 9 790 14 151
méridionale
Océanie 59 410 1,96 3,13 4,30 1 034 1 652 2 270
Effet de la vaccination
-5 493 -5 876 -6 262
jusqu’en 2006
Nombre total
d’immigrants provenant 6 186 950 3,65 4,38 5,13 216 977 266 306 315 640
de toutes les régions
Personnes nées au
24 788 720 0,1 % 0,35 % 0,5 % 25 772 90 201 128 860
Canada
Total global 30 975 670 0,81 1,17 1,44 242 749 356 507 444 500
11
13. La répartition provinciale des personnes infectées par le virus de l’hépatite B est indiquée à la figure 3 (6). Peu importe
l’estimation de la prévalence du VHB utilisée, l’Ontario possède 50 % de tous les cas d’hépatite chronique B, c’est-à-
dire plus que les trois provinces suivantes combinées. Comme le Canada continue d’accueillir des immigrants
provenant de pays où l’hépatite B a une prévalence élevée, les pays d’origine et le nombre d’immigrants de ces pays
demeurant constants, la prévalence de l’hépatite B devrait continuer d’augmenter ainsi que l’illustre le tableau 2.
L’accroissement du nombre de personnes infectées par le virus de l’hépatite B jusqu’en 2020 représente de 23 000 à
30 000 cas supplémentaires au pays. Ces chiffres tiennent compte de l’effet de la vaccination contre l’hépatite B dans
les pays d’origine. Ces données indiquent une augmentation de la prévalence de l’hépatite chronique B, et la tendance
risque de se maintenir aussi longtemps que les tendances démographiques en matière d’immigration demeureront
semblables à ce qu’elles sont aujourd’hui, et ce, en dépit de l’introduction de la vaccination contre l’hépatite B.
FIGURE 3 : RÉPARTITION DE L’HÉPATITE CHRONIQUE B DANS LES 7 PREMIÈRES PROVINCES (CHIFFRES
ARRONDIS) (6)
100%
ONT.
90%
CANADA ATLANTIQUE
80%
QC
53
50
49
70%
MAN.
SASK.
60%
ALB.
50%
3
4
2
C.-B.
40%
17
17
15
30%
3
3
3
1
2
2
20%
9
9
9
10%
17
16
16
0%
ESTIMATION PRUDENTE
ESTIMATION MOYENNE
ESTIMATION ÉLEVÉE
12
14. TABLEAU 2 : PRÉVISION DU NOMBRE DE PERSONNES INFECTÉES PAR LE VIRUS DE L’HÉPATITE B AU
CANADA JUSQU’EN 2020 (6)
Année Estimations faibles Estimations moyennes Estimations élevées
2006 242 749 356 507 444 500
2007 248 826 360 841 446 874
2008 251 556 363 575 449 907
2009 254 131 366 096 452 680
2010 256 550 368 403 455 190
2011 258 820 370 509 457 457
2012 260 952 373 355 459 497
2013 262 943 375 114 461 310
2014 264 802 376 697 462 911
2015 266 542 378 119 464 325
2016 268 144 379 366 465 512
2017 269 511 380 314 466 326
2018 270 718 381 038 468 882
2019 271 756 381 540 467 169
2020 272 640 380 710 467 222
MORTALITÉ ET MORBIDITÉ ASSOCIÉES À L’HÉPATITE B
Il n’existe pas de données sur le taux de mortalité et de morbidité liées à l’infection par l’hépatite B au Canada.
Statistique Canada consigne les décès imputables aux hépatites virales, mais ne fait pas de distinction entre
l’hépatite B et l’hépatite C (ou D). En outre, les décès liés aux hépatites virales sont enregistrés séparément des décès
imputables à la cirrhose et au cancer du foie qui surviennent comme conséquence de l’hépatite B. Pour cette raison, le
nombre consigné de décès liés à l’hépatite B (11 à 35 cas par année) représente un nombre de cas signalés très en deçà
des conséquences réelles de l’infection (7). Même s’il n’existe aucune donnée précise, il est possible de consulter
certaines estimations fondées sur des études de modélisation. L’Ontario Burden of Infectious Disease Study
(ONBOIDS) (une évaluation de la mortalité et de la morbidité associées aux maladies infectieuses en Ontario) est la
seule étude canadienne qui a modélisé les conséquences de l’infection par le virus de l’hépatite B (8). Cette analyse
révèle qu’en Ontario, l’hépatite B vient au cinquième rang parmi les causes de mortalité et de morbidité pour toutes
les maladies infectieuses (Figure 4). Près de 7 000 années de vie ont été perdues dans la population totale, et la cohorte
compte également des données supplémentaires sur les années de vie avec fonctionnement réduit. Étant donné que
l’Ontario représente environ 50 % de toutes les personnes infectées par le virus de l’hépatite B, on peut donc supposer
que les années de vie perdues (AVP) au Canada atteignent le double de la valeur citée.
13
15. FIGURE 4 : MORTALITÉ ET MORBIDITÉ DE L’HÉPATITE B COMPARATIVEMENT AU VIH/SIDA EN ANNÉES
DE VIE PERDUES (AVP) ET EN ANNÉES DE VIE PERDUES AJUSTÉES SUR LA SANTÉ (AVPAS)(8)
8,000
6,785
HÉPATITE B
6,698
7,000
6,242
VIH/SIDA
6,000
4,929
NOMBRE DE CAS
5,000
4,000
3,000
2,000
1,000
0
AVP
AVPAS
MORBIDITÉ ET MORTALITÉ FUTURES
Les données de modélisation indiquent que le nombre absolu de personnes infectées par le virus de l’hépatite B
continuera d’augmenter à cause de l’immigration, même en tenant compte des décès liés à l’hépatite B et aux autres
causes (tableau 2) (6). Avec le vieillissement de la population infectée, l’incidence des complications associées aux
maladies du foie continuera de s’élever parce qu’elle est directement associée à la durée de l’infection. Leber et coll. (6)
calculent que le taux de mortalité attribuable au carcinome hépatocellulaire (CHC) lié à l’hépatite B en 2008 était
d’environ 5,5/100 000, et estiment que l’incidence et la mortalité du CHC lié à l’hépatite B continueront de s’élever
au cours des huit prochaines années ou plus (voir le chapitre 6 :Carcinome hépatocellulaire). Le modèle n’incluait pas
les effets du traitement de l’hépatite B.
En utilisant les données de Statistique Canada, la Société canadienne du cancer a aussi démontré que l’incidence du
CHC est en hausse. Cependant, comme ces données n’indiquent pas la cause de la maladie sous-jacente, il est difficile
de déterminer la contribution de l’hépatite B à ces chiffres (9).
D’autres études de modélisation indépendantes de la population d’immigrants ont abouti aux mêmes conclusions
(10). Cette étude a révélé que la mortalité liée aux maladies du foie causées par l’hépatite B chez les immigrants
augmentera considérablement au cours des cinquante prochaines années et plus.
PRISE EN CHARGE DE L’HÉPATITE B (SOINS PRIMAIRES)
Il n’existe pas de données qui indiquent si les personnes atteintes de l’hépatite B sont bien soignées par leur médecin
de famille. Le fait qu’il semble y avoir une tendance à la hausse du carcinome hépatocellulaire (CHC) lié à l’hépatite B
et que la plupart des patients reçoivent un diagnostic lorsque le cancer a atteint un stade avancé laisse penser que les
médecins de famille manquent des occasions de traiter les patients et d’effectuer des dépistages pour cette pathologie.
Un sondage effectué auprès d’étudiants en médecine qui font un stage de pratique générale a révélé une très mauvaise
compréhension de la prise en charge de l’hépatite (11). Les lacunes incluaient le fait de ne pas être en mesure de
reconnaître une cirrhose, de demander des consultations inopportunes, et la compréhension moins qu’optimale des
marqueurs sérologiques de l’hépatite B. Les auteurs ont conclu que des occasions d’offrir un traitement qui peut
sauver une vie étaient manquées.
14
16. Les médecins de famille ont un rôle clé à jouer dans le diagnostic précoce de l’hépatite B. Étant donné que l’hépatite B
est très prévalente dans les communautés d’immigrants, la plupart des patients atteints de cette maladie sont traités par
des médecins de leur collectivité. Si, comme le montre l’étude précitée, les résidents en médecine familiale manquent
de connaissances nécessaires pour bien reconnaître et prendre en charge l’hépatite B, il devient plus difficile de
s’assurer que les patients reçoivent les soins nécessaires en temps opportun et les consultations dont ils ont besoin.
Comme il n’y a pas suffisamment de spécialistes pour traiter la population de patients atteints d’hépatite B, il est
essentiel que les médecins de famille et les spécialistes travaillent ensemble pour répondre aux besoins de santé de ces
patients.
SENSIBILISATION DU PATIENT À L’HÉPATITE B
Les patients ne sont pas sensibilisés à l’hépatite B et à ses conséquences. Un sondage effectué auprès de femmes
chinoises à Vancouver a confirmé que la plupart connaissaient l’existence de l’hépatite B, mais peu savaient quel était
le mode de transmission, ou étaient au courant des conséquences, y compris la cirrhose et le CHC. Le niveau d’études
et la maîtrise de l’anglais ont un impact sur la sensibilisation à l’hépatite B (12). Il existe des données semblables aux
États-Unis (13). Il est probable que les immigrants chinois ailleurs au Canada, et d’autres communautés d’immigrants
pour qui l’anglais ou le français ne sont pas leur langue d’usage, éprouvent la même difficulté à comprendre la gravité
de l’hépatite B. Cela représente une difficulté à surmonter en matière d’éducation.
PHARMACOTHÉRAPIE DE L’HÉPATITE B
Le traitement de l’hépatite B vise à contrôler l’activité du virus : il est donc rare de pouvoir guérir cette infection à
l’aide de médicaments mais il est toutefois possible de stopper efficacement la réplication du virus et l’inflammation
du foie de façon à ce que le foie ne soit plus endommagé. Comme pour l’infection par le VIH, bon nombre de
patients atteints de l’hépatite B devront suivre une thérapie pendant toute leur vie. Les études montrent que le
traitement de l’hépatite chronique B bloque l’évolution de la maladie, ce qui conduit à une amélioration de la
fonction hépatique, à la régression de la fibrose et même de la cirrhose, et à un risque plus faible d’apparition du
CHC. Même s’il existe beaucoup de données probantes qui soutiennent cette conclusion, une seule étude aléatoire
contrôlée a comparé les résultats chez des patients atteints d’une hépatite B au stade de cirrhose, qui ont été traités
avec des antiviraux (lamivudine), à ceux de témoins non traités. L’étude a montré qu’une aggravation de la maladie
était observée plus fréquemment chez les individus du groupe non traité. En outre, lorsque le groupe traité a acquis
une résistance à la lamivudine, le pronostic de ces patients s’est aggravé. Il n’existe pas d’études aléatoires contrôlées
qui comparent la survie dans un groupe traité à celle dans un groupe non traité de patients non cirrhotiques.
Néanmoins, suffisamment de données indiquent que le traitement réduit la mortalité, même chez les patients non
cirrhotiques, et ces résultats sont généralement acceptés, avec plusieurs méta-analyses et examens systématiques à
l’appui. La profession médicale reconnaît que la suppression de la réplication virale chez les patients atteints
d’hépatite chronique B contribue à réduire la mortalité chez les populations de patients tant cirrhotiques que non
cirrhotiques. Plus récemment, des études démographiques à grande échelle réalisées à Taiwan ont montré que le
traitement de l’hépatite B chez les patients tant cirrhotiques que non cirrhotiques réduit le taux d’apparition du CHC
ainsi que le taux de la mortalité (PJ Chen, communication personnelle).
Malheureusement, les organismes de remboursement des médicaments au Canada ne reconnaissent pas que le
traitement de l’hépatite B permet de réduire la mortalité chez les patients non cirrhotiques en raison de l’absence
d’essais cliniques aléatoires contrôlés. Pourtant, il serait contraire à l’éthique de ne pas traiter un groupe de patients
souffrant d’une forme active de l’hépatite B pendant plus qu’une très courte période. Il existe une quantité
considérable de données provenant d’autres types d’études, qui confirment que le traitement de l’hépatite B à
n’importe quel stade réduit l’incidence du CHC. Des lignes directrices de pratique clinique pour le traitement de
l’hépatite B ont été établies par toutes les associations professionnelles des maladies du foie, ainsi que par l’Association
canadienne pour l’étude du foie, l’association professionnelle d’hépatologie canadienne (14-19). Toutes ces lignes
directrices précisent que les indications pour amorcer un traitement sont la réplication virale active et les dommages
hépatiques continus, peu importe l’absence ou la présence de cirrhose. Ainsi, les critères de remboursement pour le
15
17. traitement de l’hépatite B dans la plupart des provinces ne respectent pas les données probantes scientifiques et la
pratique médicale reconnue.
Environ deux tiers des patients ont besoin d’aide pour payer leur traitement de l’hépatite B. Les restrictions en
matière de remboursement limitent donc considérablement la capacité de traiter ces patients comme il le faudrait.
Actuellement, la plupart des assureurs privés continuent de rembourser tous les traitements de l’hépatite B. Cette
situation crée une certaine injustice pour ceux qui ne possèdent pas de régime d’assurance privé. Malheureusement,
les assureurs commencent à appliquer les restrictions provinciales à leurs politiques de remboursement. Si elles sont
mises en œuvre complètement, il n’y aura plus d’inégalité, mais alors les patients qui ont une assurance privée seront
défavorisés. Cela correspondrait à un nivelage vers le bas dans l’accès à ce type de médicament.
MÉDICAMENTS DISPONIBLES
Les médicaments disponibles pour traiter l’hépatite B incluent l’interféron alpha standard et l’interféron pégylé ainsi
que les médicaments qui bloquent la réplication virale, dont la lamivudine, l’adéfovir, la telbivudine, l’entécavir et le
ténofovir. Les interférons agissent principalement sur le système immunitaire de l’hôte, même s’il y a aussi
probablement un effet antiviral. Ces substances sont utilisées pendant une période allant de six à douze mois, la
thérapie permettant de supprimer dans une certaine mesure la réplication virale. Cependant, la majorité des patients
font une rechute après la fin de la thérapie. Les inhibiteurs de la réplication virale sont parfois utilisés pendant une
période limitée, mais la plupart du temps, ces agents doivent être utilisés indéfiniment.
HOMOLOGATION ET REMBOURSEMENT
Le processus d’approbation des médicaments au Canada comporte souvent de longues périodes d’attente qui
empêchent les patients d’avoir accès à des médicaments importants en temps opportun. Les retards d’homologation
par Santé Canada sont indiqués au tableau 3. Ces différences sont liées en partie aux soumissions plus tardives par
l’entreprise pharmaceutique au Canada par rapport aux États-Unis, mais aussi à des retards dans le processus
d’approbation.
16
18. TABLEAU 3 : DIFFÉRENCES DANS LES DÉLAIS D’HOMOLOGATION DES MÉDICAMENTS POUR TRAITER
L’HÉPATITE B, ENTRE LE CANADA, LES ÉTATS-UNIS ET L’UNION EUROPÉENNE*
Différence
Lamivudine Adéfovir Entécavir Telbivudine Ténofovir PEG-Int alpha
totale
341 jours 444 jours 34 jours 508 jours 301 jours
vs les É.-U. 21 jours après
après après après après après
174 jours 406 jours
vs l’UE 244 jours avant 10 jours avant 147 jours avant 433 jours après
après après
* Information fournie par Gilead Sciences Canada Inc.
En moyenne, ces agents ont été homologués au Canada de 12 à 18 mois après leur approbation aux É.-U. Après
l’homologation, des approbations supplémentaires à des fins de remboursement sont requises par le Comité canadien
d’expertise sur les médicaments (CCEM), ainsi que par des conseils d’examen des médicaments provinciaux. Le
tableau 4 indique la durée du processus d’approbation au CCEM pour chaque médicament (20)
TABLEAU 4 : DURÉE DU PROCESSUS D’EXAMEN
Agent thérapeutique Durée du processus d’examen (mois)
Adéfovir 18
Entécavir 11
Telbivudine 6 (non approuvée)
Ténofovir 6
Il pourrait donc s’écouler entre un et deux ans ou plus après l’homologation aux États-Unis avant qu’un
remboursement soit offert pour ces médicaments au Canada, et ce sans oublier qu’il est possible que le
remboursement ne soit pas accordé.
Le traitement de l’hépatite B est relativement coûteux, mais moins dispendieux que le traitement d’autres maladies
infectieuses telles que le VIH. Plusieurs provinces limitent le remboursement du traitement de l’hépatite B, certaines
restrictions étant fondées sur les recommandations du CCEM, et certaines sur d’autres facteurs. Les critères de
remboursement varient selon les provinces. Ce n’est qu’au Québec que la politique de remboursement respecte les
lignes directrices de pratique clinique. La section qui suit décrit les restrictions actuellement en vigueur. Il est à noter
que les lignes directrices en matière de remboursement formulées par le CCEM sont les plus restrictives de tous les
payeurs publics du monde occidental. Les lignes directrices en matière de remboursement en Ontario sont les plus
restrictives au Canada. Les lignes directrices des différentes provinces sont présentées au tableau 5. Il est assez
étonnant de constater qu’il n’y a aucune uniformité entre les provinces concernant l’accès au traitement de
l’hépatite B.
17
19. TABLEAU 5 : POLITIQUES DE REMBOURSEMENT PAR LE CCEM ET LES PROVINCES (20-29)
Médicaments disponibles pour traiter l’hépatite B
Province
Lamivudine Adéfovir Entécavir Telbivudine Ténofovir Interféron PEG-Interféron
(LAM) (ADE) (ETV) (TEL) (TDV) standard (interféron pégylé)
À administrer
en
Recommandé
combinaison
Recommandé pour des
avec LAM Ne pas
Aucune pour la patients Aucune Aucune
CCEM après le inscrire sur la
recommandation* cirrhose souffrant de recommandation* recommandation*
développeme liste
seulement cirrhose
nt d’une
seulement
résistance à
LAM
* Homologation avant la création du CCEM
ALT élevée et
24 semaines, avec
exigence en En cas
Conformém Ne figure Conformém un
matière de charge d’échec de Ne figure pas sur la
C.-B. ent au pas sur la ent au renouvellement si
virale, mais LAM liste
CCEM liste CCEM le patient répond
aucune autre seulement
au traitement
restriction
Réservé aux Réservé aux Réservé aux Réservé aux
Réservé aux spécialistes spécialistes spécialistes spécialistes
Réservé aux
spécialistes en en en en en
spécialistes en
médecine interne médecine médecine médecine médecine Ne figure pas sur
Alb. médecine interne et
et aux interne et interne et interne et interne et la liste
aux prescripteurs
prescripteurs aux aux aux aux
désignés
désignés prescripteur prescripteur prescripteur prescripteur
s désignés s désignés s désignés s désignés
Application 6 mois
Conformém Conformém Ne figure Conformém 48 semaines
spéciale, mais seulement, mais
Sask. ent au ent au pas sur la ent au seulement. Aucune
aucune aucune autre
CCEM CCEM liste CCEM autre restriction
restriction restriction
Conformém Conformém Conformém
Ne figure
Aucune ent au ent au ent au Ne figure pas sur Ne figure pas sur la
Man. pas sur la
restriction CCEM avec CCEM avec CCEM avec la liste liste
liste
exceptions exceptions exceptions
D’autres provinces sont indiquées à la page suivante.
18
20. Médicaments disponibles pour traiter l’hépatite B
Province PEG-Interféron
Lamivudine Adéfovir Entécavir Telbivudine Ténofovir Interféron
(interféron
(LAM) (ADE) (ETV) (TEL) (TDV) standard
pégylé)
Traitement
Échec du d’un patient
F3 ou cirrhose, Cirrhose 24 semaines
traitement naïf - cirrhose
et seulement seulement (AgHBe pos.) ou
avec LAM et Ne figure pas seulement. Ne figure pas sur
Ont. chez les patients (inclut la 48 semaines
F3 ou sur la liste Résistance à la liste
âgés de plus de résistance à (anti-HBe pos.).
cirrhose LAM - F3 et
40 ans LAM)** Aucune cirrhose.
seulement cirrhose
seulement
Restrictions Restrictions Restrictions Restrictions Restrictions
Aucune cliniques cliniques Ne figure pas cliniques cliniques cliniques
QC
restriction habituelles habituelles sur la liste habituelles habituelles habituelles
seulement seulement seulement seulement seulement
Niveau élevé d’ En cas de
Conformém En cas de
ALT (aucune résistance à Ne figure pas Conforméme Ne figure pas sur
N.-B. ent au résistance à LAM
restriction pour LAM sur la liste nt au CCEM la liste
CCEM seulement
les spécialistes) seulement
Application par
Restrictions
un spécialiste, Conformém 24 semaines,
cliniques Ne figure pas Conforméme Application par
N.-É.23 restrictions ent au renouvellement
habituelles sur la liste nt au CCEM un spécialiste
cliniques CCEM x1
seulement
habituelles
Aucun Aucun Aucun Aucun Aucun Aucun Aucun
Î.-P.-É. renseignement renseigneme renseigneme renseigneme renseignement renseignement renseignement
disponible*** nt disponible nt disponible nt disponible disponible disponible disponible
Aucun Conformém Aucun Aucun
Conforméme Conforméme Conforméme
T.-N.-L.24 renseignement ent au renseignement renseignement
nt au CCEM nt au CCEM nt au CCEM
disponible CCEM disponible disponible
** L’Ontario et d’autres provinces autorisent l’emploi de l’entécavir pour les cas de résistance à la lamivudine en dépit
du fait que toutes les lignes directrices en matière de pratique indiquent que l’entécavir ne convient pas au traitement
des patients résistants à la lamivudine (13)
***Seulement 96 cas d’hépatite B ont été signalés à l’Î.-P.-É. L’état du traitement est inconnu.
Étant donné qu’elle abrite la proportion la plus élevée de porteurs de l’hépatite B au Canada (50 %), l’Ontario est la
seule province qui a tenté de déterminer l’effet de l’hépatite B sur la morbidité et la mortalité au sein de sa population.
L’infection par le virus de l’hépatite B est la cinquième cause de morbidité et de mortalité parmi toutes les maladies
infectieuses en Ontario. Pourtant, l’Ontario possède les critères les plus restrictifs en matière de remboursement des
médicaments pour traiter l’hépatite B.
19
21. Le formulaire de l’Ontario est aussi contradictoire. Tous les agents administrés par voie orale, à l’exception de la
lamivudine, sont limités aux patients présentant les signes d’une fibrose avancée (F3 ou cirrhose). Par contre, le
remboursement de l’interféron dans le traitement de l’hépatite B n’est disponible que pour ceux qui ne souffrent pas
de cirrhose. Les critères de remboursement reconnaissent donc d’une part que les patients dans les premiers stades de
la maladie ont besoin d’un traitement (avec l’interféron), mais ils refusent ce traitement à ceux qui pourraient être
traités avec des médicaments par voie orale.
Le CCEM et la plupart des gouvernements provinciaux (C.-B., Sask., Ont., N.-B., T.-N.-L., Î.-P.-É., N.-É.)
recommandent le remboursement pour les médicaments par voie orale seulement dans le cas de patients souffrant de
cirrhose. Cependant, retarder le traitement jusqu’à l’apparition de la cirrhose n’est pas sans conséquence.
L’augmentation du risque de contracter un cancer du foie passe de moins de 1 % à plus de 5 %. D’autres
complications des maladies chroniques du foie ont aussi une fréquence accrue lorsque la cirrhose apparaît. En outre,
le coût psychologique pour les patients qui n’ont pas accès au traitement et savent que leur maladie du foie évolue est
énorme.
Certaines provinces exigent la preuve d’un niveau élevé d’enzymes hépatiques telles l’alanine aminotransférase (ALT)
avant d’offrir un remboursement. Il s’agit d’une façon archaïque d’évaluer l’activité de l’hépatite B antérieure aux
mesures de l’ADN du VHB, alors que seule la mesure de l’ALT était disponible pour évaluer la réponse au traitement.
Aujourd’hui, il est bien établi que l’ALT n’est pas un facteur prédictif du résultat ni de la nécessité d’instituer un
traitement. L’ADN du VHB est reconnu comme un indicateur beaucoup plus important de l’efficacité du traitement
que l’ALT. Les patients peuvent développer une insuffisance hépatique ou un cancer du foie fatals même en présence
d’ALT normales.
Les divers règlements dans différentes provinces ont des conséquences étonnantes : ainsi, si la maladie est moins grave
que la cirrhose, elle ne sera traitée correctement qu’en Alberta et au Québec, mais nulle part ailleurs. En Ontario, si le
patient est âgé de moins de 40 ans, il n’a accès à aucune thérapie.
Une étude dans l’ensemble du Canada a révélé que les principaux obstacles aux soins pour l’hépatite B demeurent les
restrictions provinciales en matière de remboursement des médicaments (30). L’étude a constaté que 64 % des
patients soumis à un traitement de l’hépatite B avaient besoin de remboursement dans le cadre d’un programme de
médicaments public. La thérapie offerte variait selon la disponibilité du financement public comparativement à
l’assurance privée. En 2009, 58 % des patients couverts par un régime d’assurance public ont été traités avec la
lamivudine, tandis que seulement 10 % des patients couverts par un régime d’assurance privé ont été traités avec ce
médicament. La lamivudine est le médicament le moins coûteux disponible pour traiter l’hépatite B, mais il n’est plus
recommandé comme traitement de première ligne, étant donné qu’il existe des agents plus puissants présentant des
taux plus faibles de résistance antivirale.
Aucun autre organisme de remboursement dans les pays occidentaux où il existe une politique de remboursement des
médicaments ne possède de restrictions semblables à celles imposées par le CCEM et la plupart des provinces.
LE TRAITEMENT DE L’HÉPATITE B AU CANADA
Le nombre exact de patients atteints d’hépatite B au Canada qui sont actuellement traités est inconnu. Les seules
données disponibles proviennent d’IMS Brogan Inc., une entreprise qui achète des renseignements sur les
ordonnances auprès des pharmaciens. L’entreprise obtient des données d’environ 67 % des assureurs privés et presque
toutes les ordonnances pour des médicaments remboursés par le gouvernement. Les données sont classées selon qu’il
s’agit de nouvelles ordonnances (première fois) ou de renouvellements. Évaluer le nombre de personnes traitées est
rendu plus difficile par le fait que certains médicaments sont utilisés pour plus d’une maladie, et à des doses
semblables (c.-à-d. ténofovir). D’autres médicaments tels que la lamivudine sont administrés avec différentes posologies
pour diverses maladies. En tenant compte de ces conditions, seule une estimation approximative peut être faite du
nombre de patients traités. Selon ces données, environ 8 000 personnes sont traitées pour l’hépatite B chaque année.
20
22. Étant donné que le traitement dure souvent toute la vie, il est probable que la plupart des médicaments de ces patients
sont des ordonnances renouvelées. Cependant, les données du Programme public de médicaments de l’Ontario au
cours d’une seule année indiquent que, dans le cas des médicaments utilisés seulement pour l’hépatite B (lamivudine
dans la posologie pour l’hépatite B, et adéfovir), seulement 841 patients ont reçu un remboursement. Dans le cas des
médicaments utilisés pour les hépatites B et C (interféron standard, qui a probablement été administré presque
uniquement pour traiter l’hépatite B), 126 personnes supplémentaires ont reçu un remboursement. Dans le cas des
médicaments ayant servi à traiter l’hépatite B et le VIH (ténofovir), 1 755 autres patients ont reçu un
remboursement (31). La répartition entre l’hépatite B et le VIH est difficile, voire impossible, à déterminer, mais en
supposant que 50 % de ces remboursements étaient assignés au traitement de l’hépatite B, 877 personnes
supplémentaires auraient reçu un remboursement, pour un total de 1 844 patients remboursés. S’il s’agit de 64 % de
tous les patients (sans régime d’assurance privé) traités en Ontario, le nombre total de patients traités est d’environ
3 000. Étant donné que le nombre de personnes atteintes d’hépatite B varie en Ontario entre un minimum de
128 000 et un maximum d’environ 250 000, il est évident que le traitement de cette maladie est à un niveau très
inférieur à ce qui devrait être observé. Il n’est pas possible d’évaluer le nombre de patients traités dans d’autres
provinces, mais l’offre de traitement est aussi probablement très faible.
Jusqu’à 25 % des patients atteints d’hépatite B décèderont des suites de cette maladie s’ils ne sont pas traités. Bon
nombre d’études révèlent qu’il est possible de réduire la mortalité liée à l’hépatite B par un des traitements ci-haut
mentionnés. Afin de protéger les 25 % de patients qui sont à risque de mourir de cette maladie, nous devons traiter
plus que 25 % de toutes les personnes infectées. S’il y a bien entre 120 000 et 500 000 personnes infectées par le virus
de l’hépatite B au Canada, au moins 40 000 à 125 000 de ceux-ci doivent être traités.
VACCINATION CONTRE L’HÉPATITE B
La vaccination contre l’hépatite B existe depuis le milieu des années 1980 : elle est très efficace chez les enfants et les
adolescents. Elle protège une proportion moins importante de patients lorsqu’elle est administrée à des personnes plus
âgées. Étant donné que le vaccin est censé protéger une personne pendant toute sa vie, les injections de rappel ne sont
pas requises. La plupart des pays dans le monde ont adopté la vaccination néonatale, et la plupart des associations
professionnelles d’experts en maladies infectieuses et en pédiatrie la recommandent. Le Comité consultatif national de
l’immunisation (CCNI) du Canada recommande la vaccination universelle à la naissance ou à l’adolescence (32).
Toutes les provinces ont adopté la vaccination universelle, mais les politiques diffèrent. Certaines ont adopté la
vaccination néonatale universelle (C.-B., N.-B et Î.-P.-É.), tandis que d’autres offrent la vaccination à l’adolescence.
L’âge auquel la vaccination est offerte à l’adolescence varie selon les provinces (tableau 6).
TABLEAU 6 : POLITIQUES DE VACCINATION CONTRE L’HÉPATITE B DANS LES DIFFÉRENTES
PROVINCES(33-42)
Province Immunisation universelle Également payée par la province
C.-B. 2, 4 et 6 mois (néonatale) Groupes à risque élevé
Alb. 5e année Groupes à risque élevé
Sask. 6e année Groupes à risque élevé
Man. 4e année Groupes à risque élevé
Ont. 7e année Groupes à risque élevé
Qc 4e année Groupes à risque élevé
N.-B. Néonatale et moins de 10 ans Groupes à risque élevé
N.-É. 7e année Groupes à risque élevé
Î.-P.-É. 2, 4 et 15 mois (néonatale) Hépatite C et utilisateurs fréquents de produits sanguins
T.-N.-L. 6e année Groupes à risque élevé
21
23. Le calendrier de vaccination recommandé est l’immunisation néonatale à la naissance, à 4 semaines et à 6 mois. Seule
la Colombie-Britannique respecte complètement le calendrier recommandé.
La définition des groupes à risque élevé n’est pas uniforme dans l’ensemble des provinces.
L’Organisation mondiale de la santé a recommandé la vaccination néonatale universelle pour la première fois en
1997. La plupart des gouvernements dans le monde, y compris plusieurs dans les régions à faible prévalence, ont suivi
cette recommandation. Au Canada, une comparaison de la vaccination néonatale avec la vaccination à l’adolescence
indique que le nombre de cas d’hépatite B aiguë chez l’enfant semble augmenter (43). Ce n’est qu’en Colombie-
Britannique, où la vaccination néonatale et à l’adolescence est en vigueur, que l’incidence de l’hépatite B chez l’enfant
présente une tendance à la baisse. Ailleurs au Canada, les taux sont stables ou en hausse (5).
FIGURE 5 : INCIDENCE SIGNALÉE DE CAS D’HÉPATITE B AIGUË CHEZ LES NOURRISSONS AU CANADA
ENTRE 1992 ET 2007 (43)*
7
CANADA
L'immunisation universelle
des adolescents commence COLOMBIE_BRITANNIQUE
6
dans la plupart des provinces. QUÉBEC
ONTARIO
CASES PER 100,000 PEOPLE
5
L'immunisation universelle
4
des nourrissons commence
en Colombie-Britannique.
3
2
1
0
1992-1995
1996-1999
2000-2003
2004-2007+
ANNÉE
* Traduction autorisée. L’Association médicale canadienne détient le droit d’auteur et de reproduction de «Figure 2: incidence
rapportée d’infection d’hépatite B chez les nourrissons au Canada, 1992-2007», publiée à l’origine par le JAMC. L’autorisation
limitée de traduire en français ne peut être élargie pour inclure d’autres organisations ou personnes. L’Association médicale
canadienne et les auteurs de l’œuvre originale ne sont pas responsables de la traduction et n’endossent pas nécessairement
l’exactitude et la qualité de la traduction.
* Translated with permission. The Canadian Medical Association is the copyright owner of “Figure 2: reported incidence of
acute hepatitis B infections among infants in Canada, 1992-2007”, originally published in the CMAJ. The limited permission
granted to translate into the French language does not extend to any other organization or person. The Canadian Medical
Association and the authors of the original work are not responsible for the translation and do not necessarily endorse the
accuracy or quality of the translation.
22
24. Ces données confirment que la vaccination à l’adolescence n’est pas la meilleure stratégie pour prévenir la
transmission de l’hépatite B. Il y a plusieurs arguments en faveur de la vaccination néonatale en tant que solution
préférable à la vaccination à l’adolescence :
• Les adolescents qui contractent l’hépatite B développent rarement la forme chronique de l’hépatite B
(<1 %) (44). Presque tous éliminent spontanément le virus et sont immunisés.
• L’épidémiologie de l’hépatite B au Canada indique que l’exposition est plus fréquente chez les nouveau-nés
et les très jeunes enfants dans les familles d’immigrants qui présentent le risque le plus élevé de développer
une maladie chronique.
• Le dépistage maternel de l’hépatite B et la vaccination des nouveau-nés sont universels, mais si d’autres
membres de la famille sont infectés, comme le père, les frères et les sœurs, ou les grands-parents, il est
possible que le risque pour le bébé ne soit pas identifié.
• Des études ont révélé que dans des circonstances de prévalence élevée du VHB, le taux d’enfants de mères
non porteuses qui contractent l’hépatite chronique B est significatif (7 % à l’âge de 10 ans) (44).
• Toutes les associations médicales professionnelles, représentant la pédiatrie, les maladies infectieuses et
l’hépatologie, en Amérique du Nord, en Europe et en Asie, recommandent la vaccination néonatale contre
l’hépatite B, comme le moyen le plus efficace de prévenir la transmission de la maladie et le développement
d’une hépatite chronique B (46-49).
• Étant donné l’absence d’uniformité entre les provinces, les enfants qui déménagent dans une autre province
risquent de passer outre la vaccination dans leur province d’origine ainsi que dans la province de destination.
• Des données canadiennes démontrent clairement que la vaccination néonatale présente un avantage
supérieur comparativement à la vaccination à l’adolescence (43).
RECHERCHE ASSOCIÉE À L’HÉPATITE B AU CANADA
Depuis 1990, le financement de la recherche sur l’hépatite B, accordé par les organismes fédéraux, a totalisé
11 243 554 $ (50) (comparativement à 93 320 999 $ pour l’hépatite C, et 518 000 000 $ pour le VIH) (51,52). (Pour
connaître les mesures prises par d’autres pays en ce qui a trait aux épidémies d’hépatites B et C, veuillez consulter le
chapitre 2, « Mesures prises par d’autres gouvernements ».)
RÉFÉRENCES POUR L’HÉPATITE B
1. http://www.phac-aspc.gc.ca/id-mi/hepatitisBCan-hepatiteBCan-fra.php
2. Glasgow KW, Schabas R, Williams DC, Wallace E, Nalezyty LA. A population-based hepatitis B
seroprevalence and risk factor study in a northern Ontario town. Can J Public Health 1997;88:87-90.
3. Wong WW, Minuk GY. A cross-sectional seroepidemiologic survey of chronic hepatitis B virus infections in
Southeast Asian immigrants residing in a Canadian urban centre. Clin Invest Med 1994;17:443-447.
4. Chaudhary RK, Nicholls ES, Kennedy DA. Prevalence of hepatitis B markers in Indochinese refugees. Can
Med Assoc J. 1981;125:1243-6
5. Sweet LE, Brown MG, Lee SH, Liston RM, MacDonald MA, Forward KR. Hepatitis B prenatal screening
survey, Nova Scotia, 1990-1991. Can J Public Health. 1993 84:279-82
6. Leber A, Sherman M, Welch S and Brosgart C. The prevalence of hepatitis B in Canada. Soumis en 2012.
7. http://www5.statcan.gc.ca/cansim/pick-choisir;jsessionid=0AFFCB7A533E7B08FB1CE9DF012FF1B7
8. Kwong JC, Crowcroft NS, Campitelli MA, Ratnasingham S, Daneman N, Deeks SL, Manuel DG. Ontario
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(ONBOIDS): An OAHPP/ICES Report. Toronto: Ontario Agency for Health Protection and Promotion,
Institute for Clinical Evaluative Sciences;
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