Juridique et fiscal Cas pratique
Assurance-vie :
pensez luxembourgeois
Plus sûrs et plus souples, les contrats
d’assurance-vie luxembourgeois
sont devenus des outils
incontournables en matière de
gestion de patrimoine. Illustration.
Le marché luxembourgeois de l’assurance-vie
se porte bien, en partie grâce à la collecte nette
de 5 milliards d’euros en 2013 (source : Com-missariat
aux assurances - CAA) en provenance
de la clientèle privée française. En effet, il est
aujourd’hui possible d’optimiser le rendement d’un pôle
financier par la mise en place de contrats d’assurance-vie
luxembourgeois, afin de bénéficier de l’ingénierie finan-cière
que procurent de tels contrats. Tour d’horizon de
l’offre de ces contrats et de leurs principaux avantages…
Les avantages des contrats
luxembourgeois
❚ Un excellent niveau de protection
Cette année encore, le Luxembourg se voit décerner la
note AAA par les agences de notation financières Stan-dard
& Poor’s, Moody, Fitch, etc. Il s’agit d’un des seuls
pays de la zone euro, avec la Finlande et l’Allemagne, à
obtenir les plus hauts niveaux de notations des différentes
agences spécialisées en 2014.
De plus, le Luxembourg offre un niveau de protection des
actifs unique en Europe, grâce au triangle de sécurité (cf.
figure ci-dessous Le triangle de sécurité) et au super-privi-lège.
En effet, tous les acteurs du secteur des assurances,
ainsi que leurs activités, sont supervisés par le Commis-sariat
aux assurances (CAA), établissement public luxem-bourgeois
sous autorité ministérielle.
Le triangle de sécurité garantit une séparation des avoirs
des clients de ceux des actionnaires et des créanciers de
la compagnie d’assurance.
Ainsi, au sein de la banque dépositaire, les investisse-ments
de la compagnie réalisés pour le compte de ses
clients sont séparés des autres actifs en dépôt au sein de
la banque. Cela est matérialisé par la signature conjointe
et obligatoire d’une convention entre la compagnie d’as-surance,
la banque dépositaire et le Commissariat aux
assurances. Enfin, le client bénéficie du super-privilège,
Le triangle de sécurité
Commissariat aux Assurances
Compagnie d'assurance Banque dépositaire
c’est-à-dire d’un privilège de premier rang en cas de
défaillance. Il prime sur tous les autres créanciers de l’as-sureur,
y compris l’Etat.
Outre la protection renforcée des souscripteurs et de leurs
avoirs, ce type d’assurance-vie possède un attrait juri-dique
non négligeable : il permet de bénéficier de contrats
internationaux conformes à la réglementation locale,
grâce à la neutralité fiscale.
❚ Une approche financière sur mesure
Au niveau financier, ces contrats jouissent d’une grande
souplesse de la réglementation en matière de supports
d’investissements comme les fonds internes dédiés ou
collectifs. En outre, il est également possible de réaliser
des souscriptions en devise, particulièrement intéressant
pour les patrimoines internationaux.
D’un point de vue financier, ces contrats permettent l’ac-cès
à une offre totalement personnalisée, via les fonds
internes dédiés (FID). Ils offrent également l’accès à une
offre multisupports classiques, des fonds internes collec-tifs
(FIC) et un fonds en euros. Les FID et les FIC méritent
que l’on s’y attarde.
Le fonds interne dédié est en général accessible à partir
de 250000 euros. Il permet d’avoir une offre sur mesure
par le biais d’un mandat de gestion personnalisé. En effet,
la gestion financière du fonds interne dédié va être confiée
à un ou plusieurs gestionnaires financiers ou banques. La
politique d’investissement signée par le client va définir
l’allocation d’actifs en fonction de son niveau de risque
Le marché
luxembourgeois
de l’assurance-vie
se porte bien, en
partie grâce à la
collecte nette de
5 milliards d’euros
en 2013 en
provenance de la
clientèle privée
française.
38 - Octobre-Novembre-Décembre 2014 - Profession CGP
Juridique et fiscal Cas pratique
PHILIPPE CURNILLON, fondateur et président
de BC Finances.
et de ses attentes, avec une très large gamme
de sous-jacents puisqu’il est possible de loger
au sein de ce FID des actions, des obligations,
des produits structurés ou encore des OPCVM.
De plus, dans un même contrat, il est possible
d’avoir plusieurs FID gérés par des gestion-naires
différents et au sein de différentes
banques. Enfin, il est également possible de transférer la
gestion du FID vers un autre établissement bancaire, sans
que cela entraîne la clôture du contrat.
Les fonds internes collectifs disposent des mêmes atouts
en termes de gestion et de répartition du risque. L’inté-rêt
majeur d’un FIC par rapport à un FID est de pouvoir
le proposer à un groupe d’investisseurs ou une même
famille, administré selon un profil de gestion déterminé.
La collectivité des souscripteurs permet alors une mutua-lisation
des gains et des risques. Cela sera particulière-ment
opportun dans une approche familiale comme dans
En interprofessionnalité
Fondé par Philippe Curnillon et basé à Lyon et Bourg-en-Bresse, le cabinet BC Finances
fêtera ses vingt ans en 2015. Aujourd’hui, la société compte huit collaborateurs (dont
cinq consultants tous diplômés de troisième cycle), pour un chiffre d’affaires annuel
supérieur à 1,5 million d’euros et des encours gérés de l’ordre de 180 millions d’eu-ros.
BC Finances conseille une clientèle de particuliers et d’entreprises souhaitant
optimiser leurs situations juridique, financière et fiscale. Le cabinet travaille en étroite
collaboration avec des professionnels, tels que les avocats, les notaires et les experts-comptables
à Bourg-en-Bresse, Lyon, Mâcon, Oyonnax…
notre exemple, permettant ainsi de pouvoir utiliser le
même fonds mais sur des contrats différents. La taille du
fonds interne collectif sera alors plus importante, per-mettant
d’aller chercher des parts institutionnelles
d’OPCVM par exemple, moins chargées en frais, dans le
but d’obtenir un meilleur rendement.
Enfin, le dernier attrait d’une assurance-vie de droit
luxembourgeois est de pouvoir lui adosser un crédit lom-bard,
c’est-à-dire, une ligne de crédit garantie par un nan-tissement
du contrat. Il est nécessaire de mettre en place
au préalable un FID ou un FIC, géré par le même établis-sement
que le préteur. Ce dernier déterminera alors le
montant maximum du crédit en fonction de la solvabilité
de l'emprunteur et du risque des titres remis en nantis-sement.
Grâce à cette technique, il est possible de géné-rer
des revenus complémentaires à moindre coût pour le
client.
En effet, cela est particulièrement intéressant dans la
période actuelle de taux bas, puisque le taux d’emprunt
est basé sur le taux de l’Euribor 3 mois : avec une marge
de l’ordre de 1 %, le taux pour le client revient à 1,20 %
environ.
❚ Une approche successorale neutre
Le contrat d’assurance-vie luxembourgeois repose sur le
principe de neutralité fiscale. En effet, la France et le
Grand-Duché ont signé une convention fiscale dans ce
sens. Ainsi, il est prévu, pour les souscripteurs comme
pour les bénéficiaires, que seule l’imposition de leur pays
de résidence s’applique. Dès lors, un résident fiscal fran-çais
bénéficie de la même fiscalité en cas de décès que
pour un contrat français. Pour mémoire, les sommes ver-sées
avant le soixante-dixième anniversaire du souscrip-teur
bénéficieront d’un abattement de 152500 euros par
bénéficiaire, puis d’une taxation de 20 % jusqu’à
700 000 euros (31,25 % au-delà de 700 000 euros par
bénéficiaire, selon article 990 I du CGI).
Il sera également opportun de travailler la rédaction
des clauses bénéficiaires selon les mêmes usages et >>>
39 - Octobre-Novembre-Décembre 2014 - Profession CGP
Agé de 47 ans et titulaire du Dess Gestion
de patrimoine de l’université de Lyon,
Philippe Curnillon a fondé le cabinet BC
Finances après une expérience de deux
années au sein du CIC Banque privée, à Paris.
Dès l’origine, sa conviction était de
développer une approche de conseil en
stratégie patrimoniale rémunéré sous forme
d’honoraires.
Depuis septembre dernier, Fabrice
Haehl est consultant associé au sein
du cabinet BC Finances. De 2006 à
2011, il a construit son expérience
en assurant successivement les
fonctions d’ingénieur patrimonial,
puis de responsable de l’ingénierie
patrimoniale et de la gamme
financière au sein de FIP
Patrimoine. Depuis 2012, il a
occupé le même poste au sein de
Patrimmofi (groupe Primonial).
Fabrice Haehl est spécialisé dans
les problématiques de
transmission d’entreprises et
diplômé du master 2 en Gestion
de patrimoine de l’IAE de Lyon 3
et du master 2 Evaluation et
transmission d’entreprises de
l’université Lyon 2.
FABRICE HAEHL, consultant-associé de BC Finances.
“L’assurance-vie
de droit luxem-bourgeois
repose
sur le principe de
neutralité fiscale,
la France et le
Grand-Duché ayant
une convention
fiscale… ”
Juridique et fiscal Cas pratique
>>> coutumes que sur un contrat français. Il sera particu-lièrement
intéressant de prévoir des clauses bénéficiaires
démembrées afin d’optimiser les droits de succession au
second décès, par le jeu de la créance de restitution.
Mise en pratique
Monsieur et Madame Client sont mariés sous le régime
de la communauté légale réduite aux acquêts, assorti
de clauses matrimoniales, notamment un préciput et
une stipulation de parts inégales. Ils ont respectivement
63 et 62 ans. De leur union sont nés deux enfants, Mar-gaux
et Auguste. Ils ont également quatre petits-enfants.
Actuellement, leur patrimoine global est de l’ordre de
8,7 millions d’euros, dont 5,3 millions en assurance-vie
(hors capitaux reçus ci-dessous).
Monsieur vient d’hériter d’un important patrimoine
immobilier à Paris, provenant de sa mère. Elle avait
rédigé un testament en faveur de son fils unique et de
ses deux petits-enfants. Ils n’ont pas souhaité conserver
ces immeubles, car l’équilibre était précaire en raison
de la fiscalité sur les revenus fonciers, l’ISF (plafonné),
les droits de succession à payer et les aléas des revenus
fonciers. Ainsi, ils ont vendu les biens afin de bénéficier
des valorisations actuelles. Au total, les capitaux reçus
pour l’ensemble de la famille s’élèvent à 16 millions
d’euros après paiement des droits, taxes et frais divers,
selon la répartition suivante :
- Monsieur Client : 2,4 millions d’euros (il avait déjà reçu,
par donation en avancement de part, plusieurs biens
immobiliers sur Lyon) ;
- Margaux et Auguste : 6,8 millions d’euros chacun.
Les clients souhaitent disposer de revenus complémen-taires
et diversifier leurs investissements pour plus de
sécurité, tout en optimisant la transmission de leur patri-moine
à leurs petits-enfants.
❚ Stratégies proposées au père
Etant donné l’importance du patrimoine actuel et des stra-tégies
déjà mises en place précédemment (à savoir la mise
en place d’un contrat à participation aux bénéfices diffé-rés
pour générer des revenus complémentaires faible-ment
fiscalisés, l’aménagement du contrat de mariage et
la mise en place d’une donation-partage), les capitaux
disponibles seront alloués sur un contrat d’assurance-vie
luxembourgeois pour la moitié des capitaux disponibles
(1,2 million d’euros) et le solde sur quatre contrats de
capitalisation luxembourgeois (4,3 millions d’euros) afin
d’optimiser l’ISF et la transmission de patrimoine à chaque
petit-enfant (tout en réservant un usufruit successif à
Madame).
❚ Stratégies proposées aux enfants
Afin de remployer les capitaux disponibles en fonction
des objectifs de chaque enfant, nous leur avons proposé
la répartition suivante :
- 25 % sur des contrats d’assurance-vie luxembourgeois,
assorti d’un crédit lombard pour l’acquisition de biens
immobiliers d’usage ou de rapport en France (dans des
structures à l’IS) ;
- 35 % sur un contrat français à participation aux béné-fices
différés pour disposer de revenus complémentaires
peu ou pas fiscalisés ;
- 35 % sur une assurance-vie classique française, avec une
allocation d’actifs diversifiée (produits structurés sur
mesure, OPCVM);
- 5 % sur des contrats de capitalisation français, afin d’op-timiser
l’ISF et préparer la transmission de leur patrimoine
à leurs enfants respectifs.
Cette famille a pu bénéficier d’un fonds interne collectif
spécifique à leurs objectifs et degré de risque.
Conclusion
La mise en place d’un pôle de contrats d’assurance-vie
luxembourgeois au sein d’une stratégie globale permet
d’optimiser la gestion financière, grâce aux fonds internes
dédiés ou collectifs, tout en donnant l’accès au crédit lom-bard,
stratégie pour disposer de revenus complémentaires
à moindre coût (actuellement) ou afin de bénéficier de
l’effet de levier du crédit pour réaliser de nouvelles acqui-sitions.
Mais cela nécessite de disposer d’un patrimoine
global important, en raison des montants minimums
nécessaires aux fonds internes et aux garanties à appor-ter
pour la mise en oeuvre d’un crédit lombard. ●
Philippe Curnillon, fondateur et président du cabinet BC Finances, et
Fabrice Haehl, consultant-associé au sein du cabinet BC Finances
La mise en place
d’un pôle de
contrats
d’assurance-vie
luxembourgeois
nécessite de
disposer d’un
patrimoine global
important, en
raison des
montants
minimums
nécessaires aux
fonds internes et
aux garanties à
apporter pour la
mise en oeuvre
d’un crédit
lombard.
Focus sur les nouveautés en matière
d’assurance-vie en France
En 2014, l’assurance-vie a vu son traitement fiscal et finan-cier
modifié. Tout d’abord, au niveau fiscal, l’article 990 I a
été modifié pour les décès survenus depuis le 1er juillet. En
effet, le barème a été changé pour le rapprocher de celui
afférent aux droits de mutation à titre gratuit. Au-delà
de 700000 euros par bénéficiaire, le taux est désormais de
31,25 %, ce qui laisse encore un avantage fiscal en compa-raison
des tranches de droits de succession les plus élevés
(40 et 45 %). En dessous du seuil de 700000 euros, le taux
de prélèvement reste fixé à 20 %.
2014 aura également été marquée par la création de nou-veaux
contrats : l’eurocroissance et le vie-génération. En effet,
les décrets précisant les conditions de gestion et d’éligibi-lité
des actifs de ces contrats ont été publiés au Journal offi-ciel
40 - Octobre-Novembre-Décembre 2014 - Profession CGP
début septembre.
L’eurocroissance est un contrat assorti d’une garantie en capi-tal,
mais acquise au terme du contrat (huit ans minimum), les
fonds étant bloqués durant cette même période. Les trans-ferts
des contrats existants seront possibles sans perte d’an-tériorité
fiscale.
Quant au vie-génération, ils auront un avantage fiscal sup-plémentaire
: l’assiette d’imposition en cas de décès sera
diminuée de 20 %. Cet abattement sera applicable avant
celui de 152500 euros (art. 990 I du CGI). Cet avantage fis-cal
sera conditionné à un investissement d’au moins 33 %
investis dans l’épargne sociale et solidaire, l’immobilier social
ou le non-coté. Les transferts de contrats actuels vers le vie-génération
seront possibles sans perte de l’antériorité fis-cale
jusqu’au 31 décembre 2015. Mais il faudra faire atten-tion
à l’augmentation du risque pour pouvoir bénéficier de
ces avantages fiscaux…