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Ecole des hautes études en sciences de l’information et de la communication
Université de Paris- Sorbonne (Paris IV)

MASTER PROFESSIONNEL

Magistère de Communication
Management et Communications Interculturelles

« DU BLOG AU PODIUM DE MODE
L’influence des blogueurs et du web 2.0
dans l’univers de la Mode aujourd’hui »

préparé sous la direction du Professeur Véronique Richard

Aline Geffroy
Promotion : 2007- 2008
Soutenu le : 2/ 12/ 2009
Note au mémoire :
REMERCIEMENTS

"Mes remerciements les plus sincères à toutes les personnes qui auront contribué
de près ou de loin à l'élaboration de ce mémoire ainsi qu'à la réussite de ces trois
belles années universitaires au CELSA !"

Remerciements à l’équipe enseignante :
-

Monsieur Francis Yaiche, Responsable de Formation du Magistère de
Communication du CELSA

-

Madame Emmanuelle Ruette- Guyot, mon rapporteur professionnel, pour
son aide précieuse à la rédaction de ce travail.

-

Madame Monique Beuvin, Assistante de formation, pour sa patience à toute
épreuve.

Remerciements particuliers :
-

Mes camarades de promotion avec lesquels j’aurai passé trois années
mémorables, et partagé l’intensité des périodes de soutenances d’études
de cas.

-

Julie pour avoir accepté de procéder à la relecture de ce mémoire

Remerciements à ma famille :
-

Merci à mes parents et mon frère et mes sœurs pour leur soutien moral !

2
REMERCIEMENTS

2

INTRODUCTION

5

I. LES BLOGS DE MODE : UNE COMMUNAUTE AUX CARACTERISTIQUES
BIEN SPECIFIQUES
11
1)
a.
b.
c.

Les blogueurs de mode : portrait (s)
12
Les blogueurs de mode : un groupe loin d’être homogène................................................. 12
Les blogueurs de mode : des amateurs de mode très professionnels ............................... 14
Les blogueurs de mode : typologie ..................................................................................... 16

a.
b.
c.

Le blog réinterprète la mode
19
Le blog de mode comme espace d’expression artistique ................................................... 19
Les blogs : une nouvelle vision de la mode, éloignée des magazines ............................... 21
Quand les blogueurs se réapproprient la mode .................................................................. 23

2)

3)

Le blog de mode : un lieu d’interactions
26
a.
L’interactivité blogueur/ lecteur au cœur même du dynamisme du blog ............................ 26
b.
La place du lecteur dans un blog de mode ......................................................................... 29
c.
La mesure des interactions avec les lecteurs, un indicateur majeur pour les blogueurs de
mode … et les marques ! ............................................................................................................. 30

II. LES MARQUES ET ENSEIGNES DE MODE FACE AUX BLOGUEURS DE
MODE
33
1)
a.
b.
c.

Le blogueur de mode, une nouvelle source d’inspiration pour les marques de mode 34
Quand la mode passe à l’ère du 2.0 ................................................................................... 34
Le blogueur, une nouvelle muse pour les créateurs ........................................................... 36
Les blogs : nouveaux laboratoires de tendances pour la mode.......................................... 38

a.
b.
c.

Les marques de mode et les blogueurs : focus sur les « chasseurs de style »
40
Le « blogueur roi » : le chasseur de style ........................................................................... 41
Des blogueurs convoités et copiés ..................................................................................... 42
Les blogueurs de streetstyle : vers une professionnalisation ............................................. 44

2)

3)

Les blogs de mode et les marques : une relation en mutation
46
a.
Les marques face à des blogs en mutation ........................................................................ 47
b.
Les marques face à des blogueurs devenus professionnels .............................................. 49
c.
Face à une blogosphère mode qui ne cesse de croître : identifier les futurs tendances
d’internet ...................................................................................................................................... 50

III.
L’APPARITION DE NOUVEAUX USAGES SUR INTERNET : LA REMISE
EN CAUSE DE LA SUPREMATIE DES BLOGS DE MODE
53
1)
La part grandissante des sites communautaires dans les stratégies web des marques
et enseignes de mode
54
a.
Les réseaux sociaux : replacer le consommateur au cœur de la stratégie internet des
marques de mode ........................................................................................................................ 55
b.
Facebook : un réseau grand public qui doit être optimisé par les marques et enseignes de
mode ............................................................................................................................................ 56
c.
L’émergence de réseaux communautaires « brandés » : l’exemple de Burberry............... 58

3
2)

Les blogs de mode : incubateurs d’idées pour les internautes
61
a.
Des internautes désinhibés ................................................................................................. 61
b.
Quand l’internaute/ consommateur se fait lui aussi créateur : ............................................ 62
L’émergence sur internet de la tendance du do- it yourself (DIY) .............................................. 62
c.
Le succès des sites de D.I.Y : Esty.com, site pionnier et novateur .................................... 63

3)

Vers la mode 3.0 et l’apparition de sites de mode « nouvelle génération »
67
a.
La mode 3. 0 : Créer, partager, acheter sur un même site ................................................. 68
b.
L’émergence de nouveaux modèles de site de mode : ...................................................... 70
2 exemples de sites à suivre........................................................................................................ 70
• lookbook.nu : Le succès des sites communautaires de stylisme........................................ 71
• Polyvore.com.com : une nouvelle révolution pour les marques et enseignes de mode ..... 72

CONCLUSION

77

BIBLIOGRAPHIE

82

SITOGRAPHIE

85

ANNEXES

89

Annexe 1 : Classement Style99

90

Annexe 2 : Captures d’écran des principaux blogs de mode étudiés
93
Les accessoiristes........................................................................................................................ 93
Les chasseurs de style ................................................................................................................ 96
Les blogueuses “ Bons Plans” ................................................................................................... 105
Les blogueuses stylistes ............................................................................................................ 107
Annexe 3 : Captures d’écran des principaux sites évoqués

113

RÉSUMÉ DUTRAVAIL D’ETUDES ET DE RECHERCHE

123

MOTS- CLEFS

124

4
INTRODUCTION

La mode est un univers constitué, comme tant d’autres, de certaines traditions, à
commencer par la composition du « prestigieux » premier rang des défilés de
haute- couture. La tradition dans la mode, veut que siègent sur ces fauteuils tant
convoités, les célébrités les plus en vue, les puissantes rédactrices en chef de la
presse féminine, les clientes fidèles du couturier, les starlettes et autres jet setters.
Plus le premier rang, appelé dans le jargon de la mode Front Row est composé
de personnalités populaires, plus cela assure aux grandes maisons de couture de
s’assurer un maximum de retombées dans les médias ainsi qu’une publicité
supplémentaire pour leurs vêtements. Cependant, lors du

défilé

Dolce &

Gabbana à la Fashion Week de Milan, le 29 septembre 2009, on pouvait voir assis
à ce très select premier rang, quatre personnes, dont le profil détonait parmi leurs
voisins et voisines.

Ces quatre personnes ont pour nom Garance Doré, Scott Schuman, Brian
Yambao, Tommy Ton, mais ils sont plus connus sur internet sous les noms de
BrianBoy, The Sartorialist ou Jak&Jill. Leur particularité ? Ils tiennent, depuis
quelques années maintenant, des blogs lus chaque jour par des milliers de
personnes dans le monde, et ayant pour thématique principale … la mode ! Grâce
à ces espaces d’expression, ils sont devenus en quelques années, des figures
incontournables dans l’univers d’habitude si fermé de la mode, et leur présence à
ce défilé Dolce & Gabbana, illustre combien aujourd’hui, les grandes maisons de
couture, mais aussi les marques et enseignes de prêt-à-porter, ne peuvent plus
ignorer ces individus, tout droit issus du web 2.0. Qu’il s’agisse de Chanel, Sonia
Rykiel, Dior ou même de grands magasins de luxe multimarques tels que Holt
Renfrew1 au Canada,

les marques de mode doivent apprendre à composer

aujourd’hui avec ces nouveaux influenceurs, qui, via leurs blogs, entrent en prise
directe avec les clients des créateurs.
Ces observations sur la nouvelle place occupée par les blogueurs dans la sphère
de la mode, ont soulevé un certain nombre de questions, à l’origine de
l’élaboration de la problématique de ce mémoire.
1

Holt Renfrew est l’équivalent canadien des Galeries Lafayette en France.

5
En effet, les interrogations qui sont survenues en premier lieu étaient les
suivantes :
Comment une personne, qui écrit au départ semble-t-il par passion pour son
domaine de prédilection, en l’occurrence la mode, parvient-elle, en l’espace de
peu de temps, à se hisser parmi les personnalités les plus influentes ?
Quand et pourquoi les marques ont-elles commencé à s’intéresser aux blogs et
plus récemment encore, aux réseaux sociaux ?
Comment les maisons de haute- couture et les marques de prêt- à – porter
travaillent-elles avec les blogueurs ?
Comment la professionnalisation de certains blogueurs « mode » est-elle perçue
par leur lectorat ?

Autant d’interrogations diverses et variées qui ont permis de formuler la
problématique principale de ce mémoire :
En quoi les blogs de mode sont-ils aujourd’hui devenus à la fois source
d’inspiration et source de « business » pour les marques dans la mode, et
de quelle manière leur influence se manifeste-t-elle ?

Plusieurs hypothèses surviennent à l’énoncé de cette problématique.
Tout d’abord, il semble que le client des marques et enseignes de mode, qu’il
s’agisse de prêt-à-porter ou de luxe, arrivait à saturation des médias classiques de
la presse mode, et que toutes les parties prenantes, qu’il s’agisse des
consommateurs ou des créateurs, étaient dans l’attente de nouveauté et
d’innovation, que les blogueurs mode ont su apporter. Ce désir d’un vent nouveau,
véhiculant des valeurs plus proches des passionnés de mode que les mannequins
des parutions de mode ou de la presse féminine, peuvent expliquer le succès de
ces blogueurs.
D’autre part, il semble également que ces internautes, si amateurs fussent-ils lors
de la création de leurs blogs, se sont très vite professionnalisés et organisés, face
aux marques et enseignes de mode qui s’interrogent parfois encore sur leur
stratégie à adopter sur internet.
Enfin, si les blogs de mode sont bien plus qu’une tendance, à la vitesse à laquelle
internet évolue, on voit déjà apparaître de nouvelles formes de communication
vers lesquelles les marques et enseignes de mode devront très rapidement se
tourner si elles ne veulent pas manquer la tendance. Dans ces nouveaux espaces
6
de communication, le consommateur est placé au cœur du dispositif internet,
notamment grâce aux réseaux sociaux, et à l’émergence de nouveaux modèles de
sites dédiés à la mode.

Cependant, avant d’aller plus loin dans l’introduction de ce mémoire, et d’aborder
les questions de méthodologie et le plan de ce travail, revenons d’abord sur ce
qu’est un blog sur internet aujourd’hui.

C’est aux Etats- Unis, il y a 12 ans, qu’est apparu le mot « blog » pour la première
fois. C’est l’Américain Jorn Barger, un pionnier en matière de bloging avec son
weblog « Robot Wisdom », qui a d’abord utilisé l’expression « weblog » pour
« désigner son journal personnel, destiné à la communauté naissante des
internautes2 ».
Les weblogs étaient alors des pages personnelles en ligne, avec des articles
diffusés dans un ordre chronologique, accessibles à tous les internautes. Alors
que le weblogueur y laissait ses pensées quotidiennes, les internautes étaient
invités à les commenter. Une première forme d’interactivité commençait donc à
voir le jour.
Le mot « blog », tel que nous le connaissons aujourd’hui, a été établi par
l’américain Peter Merholz, peu de temps après Jorn Barger, aux environs de 1999.
La légende veut qu’il ait décidé de ne plus dire weblog, mais « we- log », pour ne
finalement garder que le mot blog. De là ont découlé les différentes déclinaisons
telles que « bloguer/ blogueur » pour désigner l’auteur d’un blog, et « blogging »
pour l’action d’écriture et de publication.
Si au départ, les blogs ne concernaient qu’une minorité d’internautes (on en
dénombrait 23 en 19993), ils ont rapidement pris de l’ampleur au- fur et à mesure
que l’internet s’est démocratisé. Aujourd’hui, on en dénombre plus de 24 millions
aux Etats- Unis4. La France est la quatrième nation « blogueuse » au Monde, se
classant derrière les Etats-Unis, la Chine et le Japon, avec plus de 9 millions de
blogs5 !

2 NUNES E., Etymologie du mot BLOG, Le Monde, Paris, 4 avril 2007 avril 2007
3 TREDAN O., Les Weblogs dans la Cité : entre quête de l’entre-soi et affirmation identitaire, IUT de
Lannion – Université de Rennes1, Marsouin
4 EMARKETER.COM, Bloggers and (Personal) Brand-Building [ en ligne ] Disponible sur
http://bit.ly/44CZSM
5 RAULINE N., France, terre de blogs [ en ligne ] Disponible sur http://bit.ly/5DXTHZ

7
Même s’il n’existe pas de mesure officielle des blogs, on estime néanmoins à près
de 150 millions, le nombre de blogs dans le Monde, parmi lesquels, quelques 40
millions seraient mis à jour régulièrement.
Aujourd’hui, définir ce qu’est un blog reste une chose peu aisée, et les blogueurs
eux- même ont du mal à en donner une définition unique, comme le montre
l’article que consacre Libération aux 10 ans du mot blog. Sur les 23 blogueurs
interrogés, chacun offre sa propre définition. Ainsi peut- on citer « Kek », du blog
KEK, qui décrit le blog comme Un espace de liberté qui permet de souffler et
d’apprendre des choses ou Guillaume Frat, du blog de GuiM, c’est Un blog est
une fenêtre de liberté, un espace personnel mais public pour faire découvrir,
informer, donner la parole, écouter : un lieu d’échange et de partage.
Il existe plusieurs types de blogs :
•

Les blogs personnels, sont des journaux intimes en ligne

•

Les blogs « corporate » ou « institutionnels » , sont tenus par des
entreprises, afin de mettre en avant leur image sur internet.

•

Les blogs « portfolio », comportent peu ou pas de textes, mais
mettent en avant des photos, des vidéos ou des illustrations.

•

Les blogs thématiques : c’est la catégorie qui nous intéressera ici,
puisqu’il s’agit de blogs axant leur ligne éditoriale sur un thème en
particulier, et en l’occurrence ici, la mode.

Les blogs, et plus précisément les blogs de mode, s’inscrivent dans la mouvance
du web 2.0, ou plus simplement de l’internet dit « participatif et communautaire »,
qui voit notamment l’avènement des médias et des réseaux sociaux. Le web 2.0
redéfinit complètement la relation qu’entretenaient auparavant les marques avec
les consommateurs. .Plus que jamais, le consommateur est un consom’acteur, et
via les blogs, et autres outils du web participatif, il force la marque à se mettre à
son écoute, sortant de sa position de « passivité ».
Si jusqu’ici peu de marques de mode de haute- couture ou de prêt-à-porter
n’avaient élaborées de vraies stratégies marketing et commerciales à destination
des blogueurs et du web 2.0 en général. Cependant, lors de la Fashion Week
2009, de nombreuses initiatives de grandes maisons telles Louis Vuitton et la
retransmission de son défilé en live sur Facebook, ont montré que la mode se
mettait peu à peu au participatif, à tel point que sur certains sites spécialisés dans
8
la mode, on parle désormais de Fashion 2.0. Dès lors, on peut dire que 2009
marque un tournant pour la mode et la blogosphère mode internationale.

Pour

répondre

à

la

problématique

énoncée

précédemment,

plusieurs

méthodologies ont été établies, afin de faire de ce travail à la fois un mémoire
professionnel et un travail de recherche.
•

En premier lieu, l’analyse sémiologique des blogs évoqués dans ce
mémoire. Dans la mesure où la blogosphère mode mondiale est immense,
ce travail s’est focalisé sur 100 blogs, tirés du classement Style 99 publié
par le site Signature9, et qui est, à ce jour la seule liste officielle des blogs
de mode influents. Ce classement a été établi après l’étude de plusieurs
centaines de blogs dédiés à la mode, et après calcul de

la moyenne

effectuée entre les statistiques de ces blogs sur les différents moteurs de
recherche et sites de classements de blogs ( ex : Technorati6 ), mais
également selon leur contenu et le nombre de retombées internet les
mentionnant.
•

Dans un second temps, et parce que les blogs sont d’abord des espaces
d’expression écrite, procéder à une analyse de contenu a également été
jugé nécessaire pour la bonne réalisation de ce mémoire. Une fois de plus,
cette analyse s’est ciblée sur les 100 blogs identifiés par Style9.

•

L’observation participante liée à la rédaction de deux blogs, et à une
fonction professionnelle de chargée de RP en ligne, dans une agence de
communication, sur des problématiques de mise en relation entre des
annonceurs grand public, des blogueurs et des sites internet., par le biais
d’actions variées.

•

Une veille des dernières innovations et nouveautés de la mode sur
internet.

6

Technorati est le moteur de recherche de référence spécialisé dans les blogs. Il fournit également tous les
ans, un rapport sur l’état de la blogosphère mondiale, ainsi qu’un classement des blogs seront leur influence.

9
•

La constitution et la lecture d’un ensemble bibliographique constitué
d’ouvrages de communication et de marketing sur internet, mais également
de nombreux articles tirés de la presse nationale et internationale, abordant
la thématique des blogs de mode.

Trois axes seront développés dans ce mémoire, visant à répondre de la meilleure
façon possible à la problématique énoncée précédemment :
En quoi les blogs de mode sont-ils aujourd’hui devenus à la fois source
d’inspiration et source de « business » pour les marques dans la mode, et
de quelle manière leur influence se manifeste-t-elle ?

Dans un premier temps, l’étude du sujet se concentrera sur l’établissement d’un
portrait des blogueurs de mode.
Qui se cache derrière ces influenceurs d’un nouveau genre ? Que représente le
blog de mode pour eux, comment l’alimentent- ils ?
La seconde partie de ce mémoire, se concentrera sur le cœur de la
problématique, à savoir la relation entre les marques et enseignes de mode.
Comment peuvent- être décrits les liens unissant les parties prenantes de ce
travail ? Comment sont-ils amenés à évoluer dans le temps ?
Enfin, la dernière partie de ce travail se concentrera sur les tendances à venir
pour les enseignes et marques de mode sur internet, tandis que le modèle du
« blogueur et du blog influent » semble déjà être en pleine mutation. Vers quels
outils internet les marques et enseignes de mode vont-elles devoir se tourner pour
ne pas prendre de retard dans leurs stratégies internet, sachant que la part des
achats en ligne des internautes ne va aller qu’en augmentant ?

10
I. Les blogs de mode : une communauté
aux caractéristiques bien spécifiques

Etudier l’influence des blogs de mode sur les marques implique en premier lieu, de
se pencher en détails sur ces espaces de communication et leurs auteurs. En
effet, le blog est d’abord un espace d’expression personnelle et de ce fait, il est
intéressant de savoir qui se cache derrière le simple pseudonyme du blogueur.
D’autre part, si tous ces auteurs partagent une même passion, la mode, il n’en
reste pas moins qu’ils la traitent chacun à leur façon, selon leur « vision ». On peut
même dire qu’ils la mettent en scène (et parfois en se mettant en scène), chacun
à leur façon, dans leur blog,

faisant

de ce dernier un véritable espace

d’expression artistique. Trois points seront donc abordés dans cette première
partie. Dans un premier temps, on s’attachera à dresser un portrait des blogueurs.
Quels sont leurs profils ? D’où viennent- ils ? Peut-on dresser une typologie des
blogueurs de mode ?
Ensuite, il s’agira de se pencher sur le point suivant : en quoi le blog de mode
offre-t-il aux internautes une vision alternative de la mode aux internautes ?
Finalement, et parce que c’est un élément crucial dans le concept même de blog,
qu’il s’agisse d’un blog de mode ou de sport, le plus important est l’interactivité qui
existe sur le blog, et la réactivité des lecteurs aux « billets » du blogueur.
C’est donc l’ensemble de ces points qui sera développé dans cette première
partie.

11
1) Les blogueurs de mode : portrait (s)
Travailler avec les blogueurs nécessite en premier lieu de savoir quelles sont ces
personnes qui se cachent derrière tous ses pseudonymes et noms étranges tels
que Shoewawa, Childhood Flames, The Sartorialist. Si certains blogueurs
conservent jalousement leur anonymat (ex : la/ le britannique de Fifi Lapin ou
l’auteur de Shoeblog) pour une majorité d’entre eux, des recherches un peu
poussées permettent d’établir leur profil, et d’en dresser un portrait. Il apparaît
ainsi que les blogueurs de mode sont une mosaïque de personnalités très
différentes (au premier abord), les unes des autres. Que d’autre part, les
blogueurs peuvent être apparentés à des amateurs, mais qu’en réalité ; c’est une
idée reçue et le blogueur mode de 2009 est d’abord un véritable professionnel de
la mode. Enfin, il s’agira de dresser une typologie de ces blogueurs. Comme cela
a été dit dans l’introduction de ce mémoire, l’étude portera sur un panel de 100
blogueurs, jugés comme étant les plus influents par les classements conjugués de
Style 99 et Technorati.

a. Les blogueurs de mode : un groupe loin d’être homogène

Chercher à définir le profil type du blogueur de mode n’est pas chose aisée, et on
pourrait s’aventurer à dire que c’est même chose impossible ! La blogosphère
mode, c'est-à-dire l’ensemble des blogs ayant pour sujet principal la mode, est
composée d’auteurs aux profils extrêmement variés.
Si l’on pioche de façon aléatoire dans les 99 blogs figurant dans le classement de
référence des blogs « mode » édité par le site de veille de tendances Signature
97, et rassemblant les blogs supposés être les plus influents, on peut ainsi
observer que le blogueur de mode peut- être une lycéenne du Texas ( Jane
Aldridge du blog Sea of Shoes ), une collégienne de tout juste 13 ans ( Tavi
Gavinson, de The Style Rookie ), un ancien programmateur en informatique (
Brian Yambao de Brian Boi ), un ancien responsable marketing et ventes devenu
photographe de renom ( Scott Schumann de The Sartorialist) . On recense
également beaucoup de journalistes freelance (ex : Caroline de Surany du blog
7

STYLE 99, 99 most influential fashion and beauty blog [en ligne] Disponible sur :
http://www.signature9.com/style-99/
L’intégralité du classement est disponible en Annexe.

12
Caroline Daily, ou Géraldine Dormoy de Café Mode), de même que des
illustratrices (Garance Doré pour Garance Doré, Fifi- Lapin) et des graphistes.
Hormis les exceptions que sont les jeunes

Jane Aldridge, Tavi Gavinson ou

Camille R. (respectivement 17 ans, 13 ans et 16 ans), la majorité des blogueurs
mode ont entre 25 ans et 41 ans, une majorité gravitant autour de la trentaine.
Dans la mesure où aucune étude n’a été faite sur le profil démographique des
blogueurs « mode », on peut se référer à la dernière étude de Technorati8, The
State of the Blogosphere 2009, menée sur plus de 2900 blogueurs identifiés
comme étant « influents ». Cette étude montre que plus de 60 % ont entre 18 et
44 ans.
Le blogueur « type » est généralement diplômé, avec au minimum un bac + 2 pour
75 % des interrogés, et un bac + 4 et plus pour 40% d’entre eux. Toujours en se
basant sur cette même étude que l’on peut également appliquer à la blogosphère
mode, deux blogueurs sur trois bloguent depuis au moins deux ans. À titre
d’exemple, Scott Schuman, « roi » de la blogosphère mode, tient son blog depuis
2005. Garance Doré a ouvert le sien en juin 2006, Betty Autier (Le blog de Betty)
présente ses tenues aux internautes depuis 2007.
Le succès d’un blog de mode est donc d’abord une affaire de durée, car attirer
près de 26 000 personnes par jour (comme c’est le cas sur le blog de Garance
Doré), ne se fait du jour au lendemain, et il faut du temps pour recruter et fidéliser
son lectorat.

Ainsi, entre les résultats de l’étude Technorati et l’étude de 99 profils des
blogueurs

considérés

comme « influents », on peut donc en déduire que le

blogueur de mode est majoritairement une femme âgée entre 25 et 35 ans
(exception faite de Scott Schuman, âgé de 41 ans, et des « jeunes » blogueuses
citées précédemment), diplômée, et souvent issue des classes moyennes/
supérieures de son pays d’origine. On pourrait également ajouter, toujours en
prenant le classement de Style 99 comme référence, que la majorité des blogs
sont nord- américains, britanniques et français. Viennent ensuite l’Australie,
l’Allemagne,

avec deux blogs classés, et enfin l’Espagne, le Brésil et les

Philippines (un blog pour chacun).

8

TECHNORATI, State of the blogosphere 2009[ en line ] Disponible sur :
http://technorati.com/blogging/feature/state-of-the-blogosphere-2009/

13
Il n’est pas étonnant de retrouver les Etats- Unis, la Grande- Bretagne et la France
dans le peloton de tête des nationalités des blogueurs de mode. En effet, ces pays
ont une « culture mode » très forte, partie intégrante de leurs traditions (ex : La
Haute- Couture française), et où la mode occupe une place qu’elle n’a peut- être
pas encore dans des continents tels que l’Amérique Latine. Le fait que la Fashion
Week de New- York, Londres et Paris comptent parmi les rendez- vous à ne
manquer en aucun cas du monde de la mode n’est donc pas un hasard !
En conséquence, la communauté des blogueurs « mode » est constituée, en
apparence, d’individus aux profils extrêmement variés, allant de l’ancien
programmateur en informatique, à la collégienne, en passant par la journaliste
freelance ou la graphiste, mais qui partagent une passion commune pour la mode,
et c’est ce point qui fait d’eux une vraie communauté d’internautes.
Cependant, si ces internautes sont des passionnés, il n’en reste pas moins qu’ils
prennent leur blog très au sérieux, au point de reprendre de vraies techniques de
professionnels pour lui donner du contenu.

b. Les blogueurs de mode : des amateurs de mode très
professionnels

Les blogueurs de mode sont des amateurs pour la plupart, dans la mesure où, à la
première approche, le blogging n’est pas leur principale activité rémunératrice.

Si, comme cela a été vu précédemment, les blogueurs de mode ont des profils
sociaux et démographiques très variés, lorsque l’on se penche plus en détails sur
leurs profils, on note que beaucoup de ces auteurs ont déjà, en réalité, un pied
dans le monde de la mode.
Scott Schuman (The Sartorialist) a en effet été responsable marketing et ventes
dans de grandes maisons de coutures telles que Valentino, ou chez des
distributeurs de marques de luxe comme Onward Kashiyama (Jean- Paul
Gautier). On retrouve également beaucoup de stylistes, telles que Alix Bancourt
(The Cherry Blossom Girl) et sa consoeur de Punky B, Géraldine Grisey. De la
même façon, Jane Aldridge, la jeune blogueuse de Sea of Shoes, reproduit le
parcours de sa mère, un ancien mannequin américain, qui a lancé sa marque de
vêtements, et qui a ouvert un blog avant sa fille.
14
On retrouve également des journalistes … de mode, telles que Géraldine Dormoy
(du Nouvel Observateur), ou Caroline de Surany, journaliste pour la presse
féminine. Nathalie Zee Dieu, de Coquette, est éditrice d’un magazine de travaux
manuels en ligne, Craft Magazine.
Enfin, on trouve parmi les blogueurs de nombreuses attachées de presse évoluant
dans la mode, à l’image de Danielle de Bored and Beautiful, qui travaille dans une
agence de RP berlinoise.
De fait, de près ou de loin, tous les blogueurs de mode dits « influents », sont liés
professionnellement à la mode, ce qui leur confère, aux yeux des lecteurs, une
certaine légitimité à parler de ces sujets.
D’autre part, on peut également dire que ces amateurs de mode sont très
professionnels, de par la méthodologie qu’ils emploient pour rédiger leurs billets.
En effet, les blogueurs de mode sont d’abord des maîtres dans l’art de la veille,
afin de dénicher le plus rapidement les dernières tendances. Si aujourd’hui, et
comme cela sera développé par la suite, les marques contactent directement les
blogueurs pour leur transmettre des exclusivités, la veille occupe une part
importante du blogueur de mode, comme l’illustre ce témoignage du suisse David
Fisher, fondateur du blog de streetwear « High Snobiety9 » : « Tenir un blog
demande beaucoup de travail, beaucoup de recherche, et de nombreuses
personnes sous-estiment cet aspect. Alors, à peine arrivés sur la blogosphère, ils
sont déjà fermés. Tenir un blog, cela demande de la rigueur et nécessite de se
battre chaque jour pour offrir aux lecteurs le meilleur contenu possible. » Ce travail
de veille se manifeste le plus couramment via les nombreuses photos postées en
ligne, mais aussi par le recours aux planches de tendances (ou mood board ),
auxquelles certains blogueurs ont recours. Les planches de tendances ou,
littéralement, « planches d’humeur », sont le regroupement d’un ensemble
d’éléments sélectionnés (images, couleurs, textures, typographies, textes, objets
…) juxtaposés les uns à côté des autres comme on le ferait pour un collage.
L’objectif du mood board dans la mode est d’établir une atmosphère, un ton, un
style, sans avoir besoin de réaliser une création graphique aboutie et organisée.
Jane Aldridge et Tavi Gevison sont deux blogueuses10 qui ont énormément
recours à ces planches, très appréciées par leurs lecteurs.
En plus de cette veille, certains blogueurs de mode procèdent également à un vrai
travail d’archiviste- documentaliste, en mettant en avant des articles originaux,
9

Interview réalisée le 11 Mars 2009[en ligne] Disponible sur : STATUSMAGONLINE.com
Des exemples sont présentés dans l’ annexe 2.

10

15
tirés de numéros de Vogue, ou Elle, datant parfois des années 70, plus
fréquemment des années 80 et 90.

En conséquence, si les blogueurs de mode peuvent être considérés comme des
amateurs, dans la mesure où ils ne sont, a priori, pas rémunérés pour écrire leurs
billets, on note cependant qu’ils ont une connaissance quasi professionnelle de
leur sujet. Beaucoup d’entre eux gravitaient déjà dans l’univers de la mode avant
d’ouvrir leur blog.
Ils sont bien plus que des amateurs, également dans leur façon de rédiger leur
blog. Leur travail de veille pointu sur les tendances de la mode, les dernières
nouveautés produits, les actualités des maisons de couture et de prêt-à-porter,
couplé à leur travail de documentaliste- archiviste, fait que l’on pourrait presque
les comparer à des « planneurs stratégiques » dans leur travail de prospection
des tendances.

De ce fait, il a donc été vu que les blogueurs de mode sont des personnalités aux
profils et aux parcours variés qui, s’ils sont « amateurs », dans la mesure où ils ne
perçoivent pas directement de rémunération pour ce qu’ils écrivent, restent
néanmoins des professionnels de la mode dans la mesure où une majorité d’entre
eux travaillent ou ont travaillé dans cet univers. Professionnels également, par les
techniques de veille et de recherche qu’ils utilisent pour alimenter le contenu de
leur blog.
Cette étude du blogueur de mode ne serait finalement pas complète sans
l’établissement d’une typologie des différents blogueurs que l’on peut trouver sur
la blogosphère.

c. Les blogueurs de mode : typologie

Lorsque l’on observe la blogosphère « mode », on remarque assez rapidement
que les blogueurs n’ont pas une seule et même façon de parler de la mode.
Certes, de nombreux blogs parlent de façon généraliste de la mode, présentant
dans leurs billets les nouveautés produits, les dernières images des défilés, le
prochain mannequin à la mode, mais on remarque également que se sont
développés au fil du temps, des blogs que l’on pourrait qualifier de « blogs » de

16
niche, et pour lesquels on peut établir une typologie permettant d’y voir plus clair
dans la blogosphère de la mode.

Les blogueurs de mode, comme n’importe quels blogueurs en général, ont chacun
une thématique de prédilection, thématiques qui peuvent être regroupées en souscatégories. Ainsi, si l’on se base toujours sur le classement de référence
international des blogs mode Style 99, on observe une première catégorie, que
l’on pourrait appeler les «accessoiristes ».
Cette première catégorie regroupe les blogueurs qui traitent, dans leur ligne
éditoriale, essentiellement d’accessoires. Les chaussures et les sacs sont les
sujets les plus traités, et on ne verra rien d’étonnant à cela lorsque l’on sait que les
sacs, les lunettes de soleil et les chaussures représentent à eux trois la part de
marché la plus importante sur le marché mondial de la mode11.
Parmi les blogueurs phares en termes de chaussures, on pourrait citer Manolo,
de Shoeblog, qui, comme son nom l’indique, traite essentiellement de chaussures
et Jane Aldridge et Sea of Shoes. Côté sacs, Meaghan Mahoney, de The Purse
Blog, ne traite que de sacs à main, tout comme Abi Silvester de The Bag Lady.

Deuxième thématique abordée, et qui remporte un franc- succès en cette période
de crise, les blogueuses « bons plans ». Elles ont pour particularité d’être des
professionnelles des sites de vente en ligne, des coupons de réductions et autres
promotions. Dans cette catégorie, on peut citer sans hésitation Kathryn Finney, de
The budget fashionista, qui depuis 2003, renseigne les internautes sur tous les
« bons plans mode » des enseignes américaines.
Alix Bancourt de The Cherry Blossom Girl est une experte des sites de vente en
ligne, en particulier les sites américains et britanniques, tout comme sa consœur
Betty Autier, du Blog de Betty.

Autre catégorie très influente et très représentée sur la toile, il s’agit des styles
hunters, que l’on pourrait qualifier de « chasseurs de styles ». Catégorie
certainement la plus représentée médiatiquement, elle compte ses stars telles que
Garance Doré, Scott Schuman, le suisse Yvan Rodic (Facehunter) ou Mark
Hunter (Cobrasnake). Leur particularité ? Mettre en avant sur leur blog, des
inconnus « croisés » dans la rue et repérés pour leur style vestimentaire, leur
11

VERGNIOL K., La chaussure, nouvelle reine de la mode, BFM, 4 juin 2009

17
physique, leur charisme. De simples photos amateurs, ces images sont devenues
au fil du temps de véritables œuvres d’art, comme cela sera vu dans la partie
suivante. Si ce sont les plus connus, ces blogueurs sont également considérés
comme étant les plus influents aujourd’hui sur la scène mode internationale.
Apparus pour la première fois en 2005, ils ont véritablement été mis sous les feux
de la rampe en 2008, année à laquelle les médias « off-line » se sont intéressés à
ceux qui ont très vite été désignés comme étant un vrai phénomène. Un thème qui
est loin d’être échaudé lorsque l’on voit la façon dont ils sont courtisés par les
marques aujourd’hui.

Finalement, dernier type de blogueur, et pas des moindres, il s’agit des blogueurs
mode que l’on pourrait qualifier comme étant les « stylistes ».
Leur particularité ? Ils se mettent en scène dans leurs blogs afin de présenter à
leurs lecteurs internautes, des tenues. Parmi les plus connus, citons Géraldine
Grisey, alias Punky B, Alix Bancourt, The Cherry Blossom Girl, Jessica Shroeder
de What I Wore et la sensation de ces derniers mois, Tavi Gevinson de The Style
Rookie (elle est seulement âgée de 13 ans …). Ces dernières (car il n’y a pas
encore de blogueur homme se prêtant à ce jeu) se prennent en photo,
accompagnant leur série mode d’un texte sur elles, leur état d’esprit, ce qui les a
inspirées …
Ces blogueurs sont au cœur d’un véritable enjeu pour les marques, car ils ne
manquent pas de les citer dans le descriptif de leur tenue, ce qui peut avoir un
véritable impact sur les ventes d’un produit, en particulier sur les sites de vente en
ligne …

En conséquence, les blogs de mode forment certes une blogosphère homogène
parce qu’ils traitent tous d’un seul et même sujet : la mode, mais qui est
néanmoins abordé sous des prismes très différents, faisant de cet univers un sujet
d’étude à la fois vaste et riche. Etablir une typologie des blogueurs de mode,
permet ainsi de se rendre compte de la complexité de ce milieu, et de la nécessité
pour les marques de mode (prêt- à – porter et luxe), de prendre en compte ces
spécificités, pour pouvoir travailler avec ces blogueurs.
Après avoir étudié le profil des blogueurs de mode, il s’agit désormais de se
pencher sur les blogs de mode, leur forme et leur contenu…

18
2) Le blog réinterprète la mode
Les blogs de mode sont bien plus que de simples espaces d’expression pour
beaucoup de leurs auteurs. Comme nous l’avons vu dans les portraits de
blogueurs de mode, beaucoup d’entre eux sont des créatifs : illustratrices,
graphistes, photographes amateurs, stylistes … et cela se ressent dans le contenu
et l’apparence de leur blog. Ainsi, cette partie va s’attacher ici à l’étude du blog
comme lieu d’expression artistique : comme cela se manifeste-t-il ? Puis nous
nous attacherons à étudier comment, dans ces blogs, la mode est mise en scène.
Enfin ; sera développé un aspect important de cette esthétisation des blogs, à
savoir que le blog, de part cette dimension artistique, véhicule à travers l’œil du
blogueur, une forme de réalité fantasmée.

a. Le blog de mode comme espace d’expression artistique
Par bien des aspects, le blog de mode s’éloigne du schéma classique d’un
contenu constitué d’une succession d’articles et de visuels dans un ordre
chronologique. Certains ont, en réalité, une vraie dimension artistique, faisant du
blogueur un artiste/ créateur, à sa façon. Plusieurs éléments, issus de l’analyse
sémiologique de blogs, nous permettent d’illustrer ce point.
La forme la plus évidente d’expression artistique qui apparaît dans ces blogs est la
photo, et en particulier les clichés pris par les « chasseurs de style » évoqués
dans la partie précédente. Si l’on compare les photos de Mark Hunter (The
Cobrasnake ), Garance Doré, Scott Schuman ( The Sartorialist ), ou les photos de
Copenhagen Street Style, on note que les clichés ne se ressemblent pas., dans le
style ni dans le type de sujets.
Mark Hunter prend des photos de jeunes filles et jeunes garçons, dans des
ambiances de fêtes ou la nuit le plus souvent. Son style est très reconnaissable
des autres, dans la mesure où il photographie en plan serré ses modèles, et use
(et parfois abuse) du flash sur leurs visages, pour un résultat qui oscille entre
photo « entre amis » et photo amateur.
A l’opposé, Scott Schuman et Garance Doré proposent à leurs lecteurs respectifs,
des photos très raffinées et travaillées, où les modèles sont des femmes et des
hommes qui incarnent un idéal de raffinement qui tranche avec les « oiseaux de
nuit » de Mark Hunter. Scott Schuman prend ses modèles en pied, de jour, et le
19
plus souvent en extérieur. Il accorde également un grand intérêt aux matières des
vêtements portés par ses modèles. Garance Doré publie quand à elle des photos
avec une mise en scène recherchée, et qui sont le plus souvent des portraits.
Une autre forme évidente d’expression artistique qui se dégage des blogs, c’est le
mood board. La « planche d’humeur » a déjà été évoquée dans la partie
précédente car elle illustrait le professionnalisme des blogueurs de mode qui vont
jusqu’à utiliser des techniques dignes des plus grands cabinets de tendance.
Cependant, certains blogs tels que Sea of Shoes et The Style Rookie, ont fait de
ces mood boards, de véritables supports d’expression artistique, qui, par la suite,
servent également de source d’inspiration aux rédactrices en chef des magasines
de mode.
Jane Aldridge (Sea of Shoes ) fait des mood boards numériques, c’est à dire
qu’elle scanne les images et dessins qui forment la planche de tendance, puis
colle les différents éléments à l’aide d’un logiciel tel que Photoshop. Tavi Gevinson
(The Style Rookie), en fait quant à elle, des fanzines en éditions très limitées,
qu’elle vend sur le site le plus connu de travaux manuels : ETSY. La planche de
tendances devient ainsi un livre, que Tavi photographie pour le montrer à ses
lecteurs.
Enfin, on peut dire que les blogs de mode sont des espaces d’expression
artistique car certaines blogueuses choisissent de s’exprimer à travers le dessin.
On retrouve deux types de dessins : les illustrations enfantines telles celles de
FIFI LAPIN, et les illustrations proches du stylisme, telles celles de Garance Doré.
Pour la plupart, ces illustrations s’accompagnent des photos de modèles ou de
défilés, « réelles ». Dans les deux cas, les illustrations sont clairement destinées
à des lectrices. Teintes pastels, traits naïfs, ces dessins évoquent, ou
représentent, l’image de jeunes filles en fleur, incarnation d’une représentation
d’une mode légère et pétillante, à l’opposé d’une mode parfois un peu austère et
rigide, telle qu’on pourrait la trouver dans certaines maisons de haute- couture, ou
à travers l’image véhiculée par quelques rédactrices de mode ( ex : Anna Wintour,
sévère rédactrice en chef de l’édition américaine de Vogue).
Ainsi, les blogs de mode offrent aux internautes une nouvelle vision de la mode,
bien éloignée des magazines, comme cela va être étudié maintenant.

20
b. Les blogs : une nouvelle vision de la mode, éloignée des
magazines
Dans les blogs de mode, et plus généralement dans la blogosphère, ce qui frappe
avant tout le lecteur c’est l’utilisation permanente de la première personne du
singulier, qu’il s’agisse d’un blog en anglais, en français ou en espagnol. L’étude
du contenu de quatre blogs identifiés comme ‘influents » montre une
omniprésence du « Je », du « I ». Ainsi, prenons pour exemple le billet en date
du 9 novembre 2009 de Garance Doré :
« Voici les Pirates Boots, un classique de Vivienne Westwood. J’aime leur tombé
qui fait une jolie jambe, j’aime qu’elles s’écroulent et se patinent divinement en
vieillissant, et j’aime qu’elles soient les chaussures officielles des filles les plus
cool que je connaisse … Pourraient peut- être devenir mes chaussures plates
idéales … Et vous, qu’en pensez- vous ? »
Prenons également un exemple plus masculin, tiré d’un billet de Scott Schuman,
du blog « The Sartorialist » :
“I don't know why I think it is so funny, but whenever I wear a terrycloth robe in a
hotel I have to put a wash cloth in the chestpocket - like a little matching terrycloth
pocket square. I know it's just plain silly, but I can't help it. At least the waiters
who deliver room service in Milan always seem to get a chuckle out of it12.”
Et enfin, citons Jane Aldridge de « Sea of shoes » :
“I've been snapping webcam & phone pics the past couple of weeks to put
together for this collage. I like how by looking at a picture of a previous outfit, I can
remember exactly what I did that day....it's a nice trick for someone with a
terrible memory like: me. xo Jane “13

Que nous révèlent ces différents verbatims ? Tout d’abord que le blogueur de
mode en 2009 pourrait presque paraître narcissique si l’on s’arrêtait à cette
omniprésence de la première personne. Ici, on peut dire que le blogueur de mode
12

SCHUMAN S., « Je ne sais pas pourquoi je trouve ça vraiment trop drôle, mais à chaque fois que je mets
une robe de chambre dans un hôtel, je ne peux pas m’empêcher de glisser dans la poche située sur la
poitrine, une petite serviette de toilette, tel un petit mouchoir de poche assorti. J’ai parfaitement conscience
que cette manie est un peu idiote, mais je ne peux juste pas m’en empêcher, et au moins, ça fait toujours
glousser les grooms en charge du service de chambre à Milan. » [En ligne] Disponible sur
http://thesartorialist.blogspot.com/2008_12_01_archive.html

13

ALDRIDGE J. [en ligne] Disponible sur :
http://seaofshoes.typepad.com/sea_of_shoes/2009/09/selfportrait-en-iphonepart-two-ps-im-not-adropout.html

21
se met en scène dans son blog, dans la mesure où c’est son expérience
personnelle qu’il fait partager aux lecteurs, des tranches de vie quotidienne dans
lesquelles, nous lecteurs, nous pouvons tous s’identifier, mais qui prennent très
souvent une allure romancée dans ses écrits.
Philippe Amen, chercheur sur le journal intime et l’autobiographie au XIXe, et
spécialiste du philosophe suisse Henri- Frédéric Amiel14, auteur d’un journal intime
de plus de 17 000 pages, livre dans l’un de ses articles15 une analyse comparative
extrêmement intéressante entre celui qu’il appelle « le blogueur posteur
moderne », et « le diariste de type ancestral », comme Amiel. Ainsi, si au XIXe
siècle le diariste pratique dans ses écrits « l’auto-destination », se parlant d’abord
à sa conscience, le blogueur de 2009 fait voler cette perspective en éclats. Son
objectif est d’abord de s’exposer au plus grand nombre. Il est très loin d’une
écriture dite « intime ». D’ autre part, même si le blogueur de mode emploie la
première personne dans ses écrits, on ne peut qualifier son blog de journal intime,
dans la mesure où, stylistiquement parlant, il n’est pas en quête d’écriture de
billets destinés à rester dans les annales de la littérature. Les extraits cités
précédemment en sont la preuve, puisque Garance Doré emploie des noms très
communs tels que « cool », Jane Aldridge de Sea of Shoes écrit comme elle
pourrait parler avec ses amies au lycée.
Le langage utilisé par ces auteurs relève beaucoup plus du langage courant que
du langage soutenu. Le blogueur se met ainsi dans une posture où il se fait « le
bon copain » de l’internaute. Le langage n’est pas ici une barrière à la
compréhension des internautes.
Ainsi, qu’est-ce que tous ces éléments nous apportent sur l’art de la mise en
scène du blogueur de mode ?
Les analyses de Philippe Amen, couplées à l’analyse du discours de ces
blogueurs, nous montrent que le blogueur de mode cherche avant tout à être
proche des ses internautes, en employant le « Je » et en donnant l’illusion à son
lecteur de rentrer dans sa vie par la fenêtre que sont les billets postés. Le
blogueur semble ainsi se poser en « bon ami » des internautes, « la bonne
copine » pour le lectorat féminin, celle qui livrerait ses confidences autour d’un
café, et avec laquelle il se possible de parler « chiffons ». En adoptant via ses
14

Frédéric- Henri Amiel est un philosophe suisse (Genève : 1821- 1881). C’est un intellectuel suisse qui a
laissé à sa mort un journal intime de plus de 17 000 pages écrit sur 42 années et considéré aujourd’hui
comme un monument de la pensée suisse.
15
AMEN P., Le blog, une mise en scène journalistique du soi [en ligne] Disponible sur :
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/le-blog-une-mise-en-scene-5931

22
écrits cette posture, le blogueur arrive donc à mettre en place une relation de
confiance avec ses lecteurs, relation dont par la suite, les marques de mode
auront tout intérêt à tirer profit.
Il a donc été vu ici que le blog est un espace de mise en scène en ce que les
blogueurs ont recours à différentes formes artistiques pour s’exprimer, mais aussi
parce qu’ils se mettent eux- même en scène à travers leurs écrits. Pour que cette
partie soit complète, il faut également se pencher sur la manière qu’a le blogueur
de mode de mettre en scène la mode sur internet, un point extrêmement important
à traiter si l’on veut comprendre l’intérêt qu’ont les marques de mode aujourd’hui à
se pencher sur ceux que l’on appelle les « nouveaux influenceurs ».

c. Quand les blogueurs se réapproprient la mode
Cette partie sera essentiellement fondée sur l’analyse sémiologique du corpus des
100 blogs identifié via Style 99 et Technorati, croisée avec la typologie des blogs
énoncées dans la partie consacrée aux portraits de blogueurs. En effet, comme
cela a été énoncé précédemment, les blogs de mode sont des espaces
d’expression artistique, au service de la mode. Cependant, chaque blogueur de
mode offre, à sa façon, une vision de la mode aux internautes. Nous avons déjà
pu avoir un aperçu via les photographes de streetstyle, qui, à travers la lentille de
leur appareil offre une certaine vision de la mode.
Garance Doré offre aux internautes, une vision très idéalisée de Paris et de la
femme. La journaliste Virginia Heffernan, dans son article POP COUTURE, publié
dans le New York Times Magazine16 , écrit que les photos et dessins de Garance
Doré « donnent à l’internaute la sensation d’entrer dans un univers où la ville et
ses piétons ne sont que splendeurs […]. Avec leurs écharpes et leurs foulards aux
tons pastels, leurs bouches telles des boutons de roses, il y a presque quelque
chose de divin dans les modèles que choisi Garance Doré. »
De la même façon, son acolyte masculin Scott Schuman, véhicule dans ses
photos de piétons, l’image d’un monde où style et raffinement sont les maîtres
mots, et peuplé de femmes à la beauté quasi- irréelle, perchées sur des talons
aiguilles de douze centimètres et d’hommes incarnation de l’idéal du gentleman,
portant de nuit comme de jour, des costumes trois-pièces et des chaussures en
cuir anglaises.
16

HEFFEMAN V., “Pop Couture” in New York Times Magazine, 19 décembre 2008

23
L’internaute doit donc faire attention à ne pas se laisser biaiser par ces « clichés »
( dans les deux sens du terme ) ; puisqu’une étude plus approfondie des modèles
de ces « chasseurs de style », nous révèlent que, si ce sont beaucoup d’inconnus
qui sont mis en avant, on dénombre aussi de nombreuses rédactrices de mode et
de célébrités, mannequins, dans ces photos.
Une phrase de la « chasseuse de style »australienne Hayley Hughues, qui officie
pour le compte du site melbournestreetfashion.com, résume assez bien l’écueil
dans lequel tombent (volontairement ou pas), ces photographes. Ainsi, dans un
article du The Sydney Morning Herald17 elle déclare « je dois constamment me
rappeler que c’est la mode de la rue de Melbourne que je dois documenter et
photographier, et non pas le point de vue sur la mode de Hayley Hughues. »
On peut également parler de mise en scène de la mode, à travers les photos des
blogueuses identifiées précédemment comme « stylistes ». Ici, en posant pour
leur blog, elles mettent en scène les vêtements et les marques de mode, d’une
façon différente de celle que l’on trouve dans les magazines de mode et les
féminins. Ces blogueuses représentent un énorme enjeu pour les acteurs de la
mode, puisque la plupart citent (contrairement aux photographes de streetstyle)
les marques qu’elles portent. Ainsi, elles font la promotion de leurs coups de cœur
vestimentaires auprès des internautes, d’une façon qui semble dénuée de tout
aspect commercial.
Qui plus est, à travers leurs photos, elles réinterprètent les pièces qu’elles portent,
donnant vie aux vêtements et les mettant en avant sur des filles « normales » ce
que les photos issues des défilés ne permettent pas, puisque les mannequins sont
formatées pour coller aux mensurations très étroites de la haute-couture. Leur
s« séquences » modes sont un moyen de redonner vie à des vêtements ou des
accessoires de grandes marques, des collections précédentes ou plus anciens
(dits « vintage »). Référence est faite ici à Jane Aldridge de Sea of Shoes, qui
s’est fait une spécialité de présenter à ses lecteurs, des modèles de chaussures
exubérants, datés des saisons et collections passées.
Ces blogueuses « stylistes » mettent en scène une mode mixant à la fois pièces
« bon marché » issues des friperies, des grandes chaînes de prêt-à-porter et des
sites de vente en ligne, et pièces de créateurs, en particulier dès qu’il s’agit
d’accessoires (sacs, chaussures, bijoux)… Cependant, ici aussi le lecteur se doit
de prendre du recul vis-à-vis du contenu des billets de la blogueuse. En effet, la
17

Mel Campbell, “Eats, shoots and blogs” in The Sydney Morning Herald, 7 janvier 2009

24
première impression qui peut se dégager, est que ces jeunes femmes ont un
budget illimité pour leur garde- robe. Si dans certains cas cela est vrai (Jane
Aldridge vient d’une famille très aisée), pour beaucoup d’autres blogueuses
comme Géraldine Grisey de Punky B ou Betty Autier du Blog de Betty, le système
D prévaut encore, même si les marques s’intéressent désormais à elles et leurs
envoient des vêtements gratuitement. Elles vont dans les friperies, les grandes
chaînes de prêt-à-porter, et n’hésitent pas à vendre leurs vêtements via la création
de blogs « vide-dressings », associés à leurs blogs de stylisme. Qui plus est ; pour
beaucoup d’entre elles, les fins de mois sont également difficiles, une réalité qui
est donc bien moins glamour que les clichés qu’elles postent sur internet !

Cette partie aura donc permis d’observer sous quels aspects le blog de mode est
un espace de mise en scène. Dans ces espaces de communication, on retrouve à
travers le contenu que diffusent leurs auteurs ; une vraie dimension artistique,
mise au service de la mode. Dans les blogs de mode, les blogueurs se mettent en
scène et par là même offrent une nouvelle vision de la mode, en proposant des
mises en avant des vêtements, accessoires, différentes de ce que les magazines
de mode et les créateurs proposent lors des défilés de mode. Tout cela représente
un véritable enjeu pour les marques de mode, dans la mesure où tout ces blogs
drainent de très fortes audiences, qui sont également très réactives aux articles
mis en ligne par ces auteurs. Ainsi, peut-on dire que certains blogueurs font des
certaines pièces des « must-have », que dès lors, leurs lecteurs vont s’empresser
d’acheter. Cette relation entre le blogueur et le lecteur est ce qui fait du lieu un lieu
d’échange, et place cet espace de communication au-delà du simple journal
intime. C’est donc la place du blog de mode comme lieu d’interaction qui va être
évoquée en dernier point de cette première partie.

25
3) Le blog de mode : un lieu d’interactions
Les interactions sont dans les fondements même du blog. Le blogueur écrit
d’abord pour les internautes, avant d’écrire pour lui-même, comme le font les
personnes qui rédigent un journal intime. Sans lecteurs ni commentaires, le blog
n’a pas vraiment lieu d’exister, et si cette conversation n’existait pas entre l’auteur
et les internautes, les marques ne s’intéresseraient pas aux blogs, et encore
moins aux réseaux sociaux, et le marketing conversationnel n’occuperait pas la
place qu’il occupe actuellement. En conséquence, la question des interactions qui
existent sur un blog ne pouvait être éludée dans ce travail, et elle sera abordée à
travers trois points. Tout d’abord l’interactivité au cœur des fondements même du
blog de mode, puis, il sera abordé la question de la place du lecteur dans le blog,
et enfin, il sera étudié l’importance des échanges sur un blog comme un des
critères de mesurabilité de son influence.

a. L’interactivité blogueur/ lecteur au cœur même du dynamisme
du blog

Ce sont les échanges entre le blogueur et ses lecteurs, et plus
particulièrement leur intensité, qui font passer un blog du simple rang de
« banal » à influent. En effet, à travers son blog, le blogueur de mode bâtit
une communauté autour de sa personne virtuelle. Il a des fans, des gens
qui le lisent religieusement à chaque post, et n’hésitent pas à répondre à
ses questions. L’analyse des blogs identifiés comme « influents », révèle
que les blogueurs s’adressent régulièrement, et de façon directe à leurs
blogueurs. Voici quelques verbatims glanés au gré de ces analyses de
discours :
« Un bon week-end tout le monde ? », « Les Fringues qui disparaissent ça
vous arrive ? », « Au fait merci pour tout vos bons plans ! » (Le Blog de
Betty)
« Vous souvenez- vous de cette fois où je vous ai parlé de ces chaussures
Chloé qui sont désormais greffées à mes pieds ? », « Peut être devrais-je

26
me teindre en blonde d’ailleurs … et porter d’énooormes boucles d’oreilles,
qu’en pensez vous ? »(The Cherry Blossom Girl)
«Les tendances 2009/2010, vous les maîtrisez déjà sur le bout des doigts? »

« Je me suis dit que quelques clous que je n'aurais pas plantés moi-même
(n'ayez pas peur!) pourraient peut être vous botter! » (Punky B)
On relèvera une fois de plus les styles de langage très familier qu’emploient
les blogueuses pour s’adresser à leurs lecteurs, faisant fi d’adopter une
écriture littéraire, le principal étant que les articles soient compris par le plus
grand monde, et surtout, fassent réagir !
De la même façon, les lecteurs sont également très réactifs à ces
« apostrophes » virtuelles de la part du blogueur, et ils ne sont
généralement pas avares en commentaires (entre 100 et 300 en moyenne
sur ces blogs de mode influents), même si on ne leur a pas posé de
question où s’il n’y a pas de débat. Aussi, cela semble-t-il intéressant de
s’interroger sur le contenu des commentaires des internautes laissés sur
ces blogs.
Après une analyse détaillée des commentaires, sur plusieurs blogs de
mode francophones et anglophones, on peut, afin d’en avoir une vision plus
nette, détailler ces commentaires par typologies.

« Les observateurs » : ils scrutent en détails les tenues mises en ligne par
les blogueuses « stylistes » ou mises en scène à travers les clichés des
« chasseurs de style ». Ils s’improvisent par le biais des photos, stylistes de
mode, par le biais de la critique des tenues d’autrui, que cela soit positif ou
négatif.
« J’adore son look, si simple mais avec plein de détails qui tuent (d’où le
titre héhé). » (Garance Doré)
« J’adore ces chaussures, mais les pieds du mannequin, me font, dans un
sens, très peurs ! » (Jak and Jill Blog)
« J’adore son t-shirt noir et ses chaînes, ça apporte une touche de
fraîcheur à sa tenue. » (The Sartorialist).

27
« Les fans » : il s’agit ici des internautes qui, comme le nom de ce type de
lecteur l’indique, apprécient les billets du blogueur.
« Ta robe est très jolie, et j’adore tes cheveux, même en roux ! » (Sea of
Shoes)
« Un style génial, un blog génial, et pour moi tu es déjà une véritable icône
de la mode malgré ton jeune âge ! » (The Style Rookie)
« Tu es la personnification même de l’audace dans la mode, et pour ça, je
t’admire complètement ! » (The Style Bubble)

Enfin, il y a les lecteurs que l’on pourrait qualifier de « dialoguistes »,
puisqu’ils tentent d’entamer un dialogue avec le blogueur, parmi le flot de
commentaires dans lesquels ils se trouvent. On retrouve parfois le même
dialoguiste dans plusieurs blogs de mode différents (ex : l’internaute se
faisant appeler MAISON CHAPLIN, laisse des commentaires de la sorte sur
les blogs de Style Rookie et The Sartorialist). Ils nomment le blogueur par
son prénom et répondent à ses questions telles que « j’espère que vous
avez passé un bon week-end».
« Merci de prendre de nos nouvelles, je vais bien, et ma mère aussi. »
(The Style Rookie ).
« Bonjour Garance!! Ca me fait trop plaisir de pouvoir à nouveau te lire dès
le matin (merci la reprise des cours) ! Les petits détails de la vie… tout ce
que je préfère ! La jeune femme est tellement belle ! Au fait, sans vouloir
être pressante, tu avais dit que tu ferais un post sur les femmes enceintes
qui ont croisé ta route pendant la fashion week… Suis-je trop pressée ou ce
post est toujours d’actualité ? Gros bisous Garance ! ». (Garance Doré)
«Te bile pas, Punky, ce look du jour est ta seconde peau, me semble t-il,
.celui d'hier était plus habillé, so what? Ainsi vont les zumeurs des filles... »
(Punky B)
Quelles conclusions peut-on tirer de ces analyses de contenu blogueur/
lecteur et lecteur/ blogueur ?

28
Tout d’abord que blogueurs et lecteurs adoptent la même rhétorique pour
converser. On voit bien que si les blogueurs utilisent un langage familier
pour s’exprimer, il en va de même de leurs lecteurs. D’autre part, la
typologie des internautes laissant des commentaires sur les blogs nous
permet de se rendre compte que pour beaucoup, le blogueur apparaît
comme un ami, même s’ils ne l’ont jamais vu. Ainsi, et comme cela a déjà
été évoqué précédemment, les blogueur est un confident avec lequel on
pourrait s’installer autour d’un café pour discuter des dernières tendances
de la mode. Une fois de plus, le blogueur de mode est d’abord quelqu’un
qui suscite chez les internautes la confiance, et c’est confiance quasi
aveugle des internautes dans les conseils mode de leurs blogueurs favoris,
qui intéresse d’abord les marques de mode.
Cela nous amène nous donc à aborder le dernier point de cette partie entre
le blogueur et les marques de mode, quelle place occupe finalement le
lecteur dans un blog de mode ? N’est-il que simple « spectateur », ou bien
ses commentaires sont-ils lus par le blogueur, et si oui, ce dernier les prendt-il en compte ?
b. La place du lecteur dans un blog de mode

Face au blogueur de mode qui se met en scène à travers son blog, on peut
s’interroger sur la place, et le rôle de son lecteur et plus largement, de son
lectorat
Ce que l’on dire en premier lieu, c’est que, finalement, sans lecteurs qui lisent, ou
commentent les articles du blogueur, le blog n’a finalement pas lieu d’être. Car, et
cela a été abordé à plusieurs reprises, le blog, à la différence d’un journal intime,
et d’abord ouvert sur l’extérieur, et c’est l’avis de ce monde extérieur que
recherche d’abord le blogueur de mode. En effet, on imagine bien le désarroi
qu’éprouverait une blogueuse « styliste » comme Punky B/ Géraldine Grisey, si
elle postait une photo d’elle, et qu’aucun internaute ne prenait la peine de la
commenter. Le blogueur, et en particulier le blogueur de mode se doit d’être à la
fois un minimum extraverti et narcissique, pour se mettre scène de la sorte sur son
blog, que ce soit à travers ses mots, photos ou dessins. Les commentaires des

29
lecteurs sont ainsi une forme de récompense aux efforts qu’il déploie pour plaire à
son audience.
Si, comme on l’a vu précédemment, le blogueur dispose de tout un panel d’outils
pour mesurer de manière qualitative son audience, il ne s’agira toujours que de
chiffres sans expression, et de ce fait, d’un lectorat en quelques sortes invisible.
Le lecteur, parce qu’il va prendre de rédiger un commentaire sur une photo ou un
dessin, de donner son avis (le plus souvent positif), permet au blogueur d’avoir
une matérialisation de son « public ». Le mot « public » correspond d’ailleurs
parfaitement à l’audience d’un blog de mode, dans la mesure où le blog de mode
est d’abord un espace de mise en scène (voir partie 2).
Le lecteur apparaît donc comme la raison d’être du blogueur de mode. C’est
grâce à lui, et au bouche-à-oreille qu’il va faire auprès de ses autres amis
internautes, que le lecteur va permettre au blog d’accroître sa notoriété.

Cependant, et cela d’un point de vue commercial (et beaucoup plus trivial) le
lecteur d’un blog de mode, est aussi un client potentiel pour toute marque citée
par une blogueuse (ou un blogueur) de mode, et c’est tout là que se trouve l’enjeu
pour les marques de mode. Notamment parce que le lecteur a confiance en la
blogueuse, il sera beaucoup plus enclin à se laisser séduire par l’achat de tel ou
tel sac ou paire de chaussures qu’il aura aperçu sur plusieurs blogs de mode
influents, que s’il l’a vu dans les pages de ELLE ou de Vogue, porté par des
mannequins au physique bien loin des mensurations « normales », et dans une
mise en scène dans laquelle il aura certainement un peu plus de difficultés à se
projeter.

c. La mesure des interactions avec les lecteurs, un indicateur
majeur pour les blogueurs de mode … et les marques !

Contrairement aux diaristes tels qu’Amiel, évoqué précédemment, ou même le
Journal de Gide, considéré comme premier véritable journal intime à vocation
littéraire, les blogueurs de mode ne cherchent pas la reconnaissance des lecteurs
via leur style littéraire. Bien au contraire, leur utilisation d’un langage très familier,
comme les verbatims de la partie précédente l’ont illustré, montrent bien que
écrire

de façon stylisée est la dernière de leur préoccupation. Le blogueur

d’aujourd’hui, vit, et éprouve une reconnaissance des internautes, à travers un
30
moyen beaucoup moins poétique : les statistiques. Philippe Amen, dont a déjà
abordé le travail sur les journaux intimes et les biographies ici, parle de
« narcissisme comptable ».
En effet, techniquement parlant, tous les blogs sont dotés d’outils permettant de
mesurer, de façon plus ou moins précise, l’audience du site, les pays d’origine des
lecteurs, si ces derniers sont revenus sur le blog, tout ça au moyen d’une donnée
très simple fournie par l’internaute-lecteur lui- même : l’adresse IP des ordinateurs.
Elle permet ainsi de tracer le parcours des internautes sur la toile, et au blogueur,
de se faire une idée plus précise de qui vient lire ou admirer ses photos et dessins
de mode. Le blog calcule toutes ces données et les met en forme dans des
tableaux bien connus des blogueurs. Mais ce dernier n’est pas le seul à avoir
accès à ces chiffres, puisque Google propose également un service appelé
« Google AdPlanner », qui, lorsque l’on rentre l’url (l’adresse internet) d’un blog,
nous

dresse

une

fiche

d’identité

du

blog.

Le

test

a

été

fait

avec

http://www.garancedore.fr/, et on apprend donc que le blog draine en moyenne
260 000 visiteurs par mois, dont 57 000 venus de France, qu’ils regardent deux
millions deux cent milles pages par mois, avec une moyenne de 8, 5 pages par
personne, et que chaque visiteur reste en moyenne 4.30 sur ce blog. Google
AdPlanner nous apprend aussi que 59% des lectrices de Garance Doré sont des
femmes, et qu’elles sont âgées entre 25 et 34 ans, pour 37 % d’entre elles. Elles
sont également, pour 40 % ; dotées d’un diplôme universitaire.
Google Adplanner, du point de vue d’un annonceur, est une vraie mine de
renseignements pour mesurer l’audience d’un blog et recueillir des informations
sur les lecteurs. Plus un blogueur « fait du chiffre », plus il devient intéressant pour
les marques, qui pensent plus en termes quantitatifs que qualitatifs (ex : contenu
des commentaires). Si ce qui va suivre est une hérésie pour les gourous du
marketing tels que Seth Godin ou Chris Brogan, dont la pensée sera développée
ultérieurement, pour les marques de mode et plus largement les annonceurs, un
blogueur influent c’est celui qui a d’excellentes statistiques, à savoir un très fort
trafic, des internautes qui reviennent plusieurs fois par semaine ( voir par jour ), et
des billets qui suscitent un nombre élevé de commentaires. Ces chiffres
permettent d’avoir une estimation du nombre de personnes qui seront touchées
par les informations relayées par le blogueur.
Mais, les interactions sur les blogs ne sont pas que questions de chiffres, et
derrière le blogueur virtuel, posté derrière son clavier, il y a un être humain, tout
31
comme le lecteur devant son écran, et les échanges entre les blogueurs de mode
et leurs lecteurs, sont au cœur même du dynamisme d’un blog de mode.

*
**
En conséquence, cette partie aura permis de dresser un portrait complet de la
figure du blogueur de mode et des spécificités du blog de mode. Ainsi, si la
blogosphère « mode » est une communauté qui rassemble des férus de mode,
c’est aussi une mosaïque d’individus, répartis en micro-niches thématiques. Pour
les marques de mode, il est aujourd’hui nécessaire de comprendre comment
dialoguer avec ces nouveaux influenceurs, dont certains ont des audiences
pouvant concurrencer certains supports de la presse mode et féminine. D’autre
part, et parce que le blog est d’abord un lien d’interaction, le lecteur occupe une
place centrale dans le blog de mode, puisqu’il est à la fois la raison de « publier »
du blogueur, mais également un enjeu crucial à séduire pour les marques de
mode, dans la mesure où cet internaute est aussi un futur client.
Désormais, après avoir abordé en détails la question des blogs de mode et des
blogueurs, il s’agit désormais de s’intéresser à cette relation qui unit les marques
aux blogueurs de mode.

32
II. Les marques et enseignes de mode face
aux blogueurs de mode

Après une première partie dédiée aux blogs et blogueurs de mode, étape
nécessaire puisqu’il s’agit du cœur du sujet, il s’agit désormais de se placer du
point de vue des marques. Comment gèrent-elles cette montée en puissances des
blogueurs dans la mode ? Comment s’adaptent-elles à cette nouvelle génération
d’influenceurs qui côtoient désormais les plus grandes rédactrices de mode ?
Quelles sont les stratégies qu’elles déploient pour optimiser la force de frappe de
ces espaces de communication, qui sont en contact direct avec leurs clients ?
Qu’il s’agisse de prêt-à-porter ou Fast Fashion comme chez H&M, ou de maison
de haute- couture comme Sonia Rykiel ou Louis Vuitton, c’est tout l’univers de la
mode qui a été chamboulé par la montée en puissance d’internet et du web
participatif et conversationnel ( ou web 2.0). La montée en puissance des blogs et
des réseaux sociaux a vu l’émergence de nouveaux influenceurs, dont les
messages se révèlent être parfois plus impactants auprès des consommateurs,
qu’une parution dans la presse ou de l’affichage dans les transports en commun
ou sur des panneaux en 4x3.
Les blogueurs ont changé la donne pour les enseignes de mode qui doivent
désormais composer avec ces nouveaux acteurs, même si certaines, en
particulier dans le luxe, affichaient jusqu’alors une certaine réticence à mettre en
place de vraies stratégies web en dehors de leurs sites de marques, internet
paraissant à leurs yeux, pas assez haut-de-gamme pour leur clientèle.
Aujourd’hui, certains blogueurs sont devenus de vraies figures bien installées
dans le microcosme des influenceurs de la mode, entre les rédacteurs en chef de
la presse mode et les stylistes.

Plusieurs points seront développés dans cette partie, afin de démontrer de la
meilleure façon qu’il soit, la relation complexe qui unit les blogs et les marques de
mode. En premier lieu, il sera ainsi abordé la question du blogueur de mode en
tant que nouvelle source d’inspiration pour les marques de mode, puis comment
les marques de mode, et plus généralement la « modosphère » ont fait des
blogueurs les nouvelles icônes du « milieu », et finalement, comment entre les
blogs et les marques de mode, la relation les unissant est déjà en pleine mutation.
33
1) Le blogueur de mode, une nouvelle source d’inspiration
pour les marques de mode
En février 2008, dans son supplément consacré à la Fashion Week parisienne, Le
Figaro titrait l’un de ses articles « Les blogs dictent leur mode18 ». Un titre
révélateur de la place prise par les blogs et les blogueurs dans la mode
aujourd’hui. A tel point que si, il y a encore peu, la mannequin ou l’actrice étaient
les muses de référence des créateurs, aujourd’hui la tendance change et c’est
désormais le blogueur qui inspire, de plusieurs façons, le créateur. En tant que
personne d’abord, mais aussi source d’inspiration grâce à un contenu original, qui
fait du blog un incubateur à la fois de nouvelles idées, de tendances, mais aussi
de nouveaux mannequins !
Il sera donc abordé ici les thématiques suivantes : « Quand la mode passe à l’ère
du 2.0 », puis le « Blogueur comme nouvelle muse », et enfin « Les blogs de
mode : des laboratoires de tendance pour les marques et enseignes de mode ».

a. Quand la mode passe à l’ère du 2.0
L’expression « mode 2.0 » désigne le passage de la mode à l’ère des réseaux et
médias sociaux, et des blogs. Les marques de mode s’approprient peu à peu ces
outils, pour elles aussi rentrer en « conversation » avec leurs clients, mais aussi
leurs fans. En effet, pour certaines maisons de haute- couture tels que Louis
Vuitton ou Chanel, au vu de leurs prix pratiqués, on dénombre beaucoup de fans
de leurs styles, de leurs produits, de leurs valeurs, mais qui n’ont pas forcément
les moyens de s’acheter une de leurs pièces. Ce passage entraîne de profond
changements chez les marques, qui ne peuvent désormais plus passer outre cette
tendance, qui au fil du temps, s’inscrit comme une réalité pérenne. Désormais un
simple site internet avec un e-shop ne suffit plus, il faut aller à la rencontre des
fans de la marque sur internet, à travers les blogs, et les réseaux sociaux tels que
Facebook, Twitter, ou myspace, même si sa fréquentation est sur le déclin.
D’autre part, dans la haute-couture, les marques françaises affichent un retard sur
leurs voisins en matière de e-commerce. Une étude menée par le groupe XERFI
sur le sujet « Distribuer des produits de luxe sur internet19 » révèle que d’ici la fin
18

Guide Le Figaro, Les blogs dictent leur mode, Caroline Rousseau, mardi 26 février 2009
Etude Percepta, groupe XERFI, « Distribuer les produits de luxe sur internet : quelles stratégies pour
vendre, valoriser, le capital des marques ? », 2 janvier 20008
19

34
2010, l’achat de produits de luxe en ligne représentera 10% du chiffre d’affaire
final des marques françaises, mais que ces dernières n’ont toujours pas bâti de
véritable stratégie. Pourquoi ? Parce que beaucoup ont encore des a priori sur la
nécessité d’être présent de manière stratégique sur internet. Ainsi, pour certains,
vente en ligne rime avec low- cost, l’incrédulité règne sur l’acte d’achat de produits
chers en ligne, et certaines marques ont peur de perdre leur territoire de marque
sur internet. Un verbatim de Marc Lolivier, président de la FEVAD20, résume bien
l’état d’esprit dans lequel étaient les marques de luxe jusqu’à il y a peu : « Les
réticences des acteurs du luxe tenaient au côté “cheap” associé à la vente sur
Internet, qu’ils jugeaient incompatible avec leur image haut de gamme ».
Or, du côté des consommateurs de luxe, une étude21 révèle que 44% d’entre eux
se disent plus influencés par internet dans leur acte d’achat, que par la presse (42
%), rendant internet incontournable pour les marques de mode. Par ailleurs, les
études et les articles se multiplient, tendant à prouver l’influence certaine qu’ont
les blogueurs de mode dans l’acte d’achat des consommateurs, qui sont aussi
leurs lecteurs. Ainsi, dans un article tiré de Libération et consacré à la blogueuse
Garance Doré peut-on lire « C’est lorsqu’une vendeuse lui avoue, en 2007, qu’une
photo publiée sur son blog a fait exploser les ventes d’un pull, que Garance Doré
réalise l’impact de son succès. ». La force du bouche-à-oreille des blogs de mode
serait-elle plus forte qu’une parution dans Elle ou Vogue ? C’et peut-être ce que
les marques et grandes enseignes de mode commencent peu-à- peu à réaliser,
en entrant en contact directement avec ces nouveaux influenceurs de la mode.

Ainsi, comme cela a pu être observé, certains marques rechignent à adopter une
stratégie sur internet, d’autres marques se sont fortement investies en 2009,
notamment

vis-à-vis

des

blogueurs,

voyant

leurs

créateurs

s’engouffrer

directement dans la brèche du 2.0, en érigeant parfois au rang de muse, des
blogueurs de mode.
C’est ce point qui va désormais être développé dans la partie qui suit : comment le
blogueur de mode est passé de simple observateur et passionné de mode, à une
muse pour les marques ?

20

Marc Lolivier, président de la Fédération des Entreprises de Ventes à Distance, in CONSTANS Frédéric,
« Etalage de luxe sur la toile » in Dynamique Commerciale n° 109, Mai- juin 2007
21
Etude Unity Marketing 2006

35
b. Le blogueur, une nouvelle muse pour les créateurs
Comme l’ont évoqué les exemples des Fashion Week de Milan et Paris cités dans
l’introduction de ce mémoire, 2009 a été un tournant pour les blogueurs de mode,
qui se sont vus propulsés aux premiers rangs de l’univers de la mode.
Alors que les créateurs de haute- couture aimaient s’afficher avec des actrices,
des chanteurs, des starlettes, très vite il est devenu de bon ton d’avoir son
blogueur « muse ». Avant d’en venir aux exemples concrets, il semble intéressant
ici, de se pencher sur le concept même de « muse ».
Si l’on se fie à la définition donnée par le dictionnaire TLF, « muse » désigne à
l’origine les neuf filles de Zeus et Mnémosyne (déesse de la mémoire), et déesses
présidant aux arts libéraux22. Néanmoins, ce sera plus la définition telle qu’elle est
connue au XXe siècle, qui nous intéressera ici. Ainsi, la muse est désignée
comme étant la « femme inspiratrice » d’un artiste (écrivain, peintre, musicien …).
Certes, au sein de la blogosphère « mode », on notera que la muse peut aussi
être un homme. Le Wall Street Journal, dans un article intitulé « Fashion’s Secret
Helpers23 », met parfaitement en exergue ce nouveau phénomène. Ainsi, Kate et
Laura Mulleavy, créatrices et fondatrices de la marque de prêt-à-porter Rodarte,
affirment-elles avoir fait de la jeune Tavi Gevinson (The Style Rookie), leur muse
car « Tavi vous fait réfléchir, à travers son blog, de manière différente, et par
extension, elle vous fait voir les choses sous un autre angle. » D’autre part, et
toujours pour reprendre cet article du Wall Street Journal, il apparaît qu’avec la
crise, les gens pensent autrement leur façon de s’habiller, cherchant des moyens
plus économiques. Les blogueurs, en mixant pièces de luxe, de prêt-à-porter et
issues de friperie s’intègrent parfaitement à cette nouvelle tendance, que
désormais les marques de mode ne peuvent ignorer.
C’est ainsi que les blogueurs prennent peu à peu la place des rédactrices en chef,
et même des mannequins, au poste de muse. Ainsi, il existe de nombreux
exemples de « blogueur- muse ».
Brian Yambao (Brian Boy), que l’on a déjà évoqué dans ce mémoire, a un sac que
le créateur Marc Jacobs a nommé aux initiales de son blog : B.B. Mais si le
blogueur inspire le créateur, il nourrit également l’égo de ce dernier, dans la
mesure où Brian Yambao alimente les articles sur son blog, avec des informations
22

Les neuf Muses : Clio, muse de l'histoire; Euterpe, muse de la musique; Thalie, muse de la comédie;
Melpomène, muse de la tragédie; Terpsichore, muse de la danse; Érato, muse de l'élégie; Polymnie, muse de
la poésie lyrique; Uranie, muse de l'astronomie; Calliope, muse de l'éloquence:
23
Rosman Katerine, Fashion’s Secret Helpers, The Wall Street Journal, 11 septembre 2009

36
quasi-exclusivement consacrées à Marc Jacobs et son travail pour sa marque et
Louis Vuitton. On pourrait donc dire que ces deux individus se voue une forme
d’admiration réciproque. Marc Jacobs a par ailleurs été l’un des premiers
créateurs à s’exposer dans les médias avec un blogueur.
De la même façon, les deux blogueuses « stylistes » Betty Autier (Le Blog de
Betty) et Alix Bancourt ont posée pour la marque très tendance American Apparel,
et elles ont été faites plus récemment encore « web- ambassadrice » par Chanel,
pour leur ligne de sacs destinée à une clientèle plutôt jeune : la ligne CocoCocoon, dont l’égérie est Lily Allen. Elles ont ainsi posté sur leurs blogs, des
photos d’elles, se mettant en scène avec le sac « phare » de la collection.
Jane Aldridge de Sea of Shoes , a posé pour la collection Simone printemps- été
2010 de la créatrice Katie Nehra, et le témoignage de cette dernière est assez
révélateur de la puissance qu’on désormais entre leurs mains les blogueurs de
mode. Ainsi, il semble ici opportun de rappeler que Jane Aldridge est une jeune
blogueuse de 17 ans, vivant à Trophy Club, au Texas. Ainsi, Katie Nehra, après
envoyé un mail à Jane pour lui proposer d’être son égérie pour sa collection à
venir, affirme se souvenir « être restée allongée et désemparée sur son lit », car
elle pensait qu’elle n’aurait jamais de retour de la part de Jane Aldridge. Cette
même blogueuse franchit désormais allègrement la frontière qui sépare internet de
la presse papier puisqu’elle pose désormais régulièrement pour TeenVogue et
d’autres publications nord-américaines destinées à un public d’adolescentes. Un
exemple encore trop peu repris en France, où malgré tout, les blogueuses en tant
que modèles restent cantonnées à la toile.
Cependant, les exemples se multiplient sur la blogosphère, où les blogueurs, se
font à la fois stylistes et modèles pour les marques de mode, de prêt-à-porter ou
de luxe. Les marques commencent donc à comprendre l’impact que ces nouvelles
muses peuvent avoir sur leurs clients, qui s’identifient plus dans une personne
telle que Géraldine Grisey (Punky B), dont la mode est la passion, mais qui,
parallèlement à ça, fera des références à son mari et à son petit garçon (comme
toute « fille normale), que dans un top- model sur du papier glacé, qui reste avant
tout une personne presque irréelle.

Ainsi, si le passage à l’ère du 2.0, du communautaire et du participatif reste
encore assez difficile pour certaines enseignes et marques de mode, pour celles
qui ont entrepris une vraie démarche stratégique sur le web, le blogueur occupe
37
désormais une place centrale dans leur communication. Modèle, styliste, le
blogueur peut tout faire et fait souffler un vrai vent de nouveauté et d’innovation
dans l’univers de la mode, au point de devenir une muse, une source d’inspiration
pour les créateurs.
Mais, il n’y a pas que sa personne qui inspire les marques, le contenu l’est
également, et en particulier celui des blogs de streetstyle, ou « chasseurs de
styles », tels que The Sartorialist, Facehunter ou Copenhagen Streetstyle. Avec
des blogs comme ceux précédemment cités et mettant en scène, à la même
enseigne, piétons inconnus, mannequins et parfois célébrités, ces blogs sont les
nouveaux observatoires de tendances pour les marques et enseignes de mode, et
c’est cet aspect qui va être développé dans la partie suivante.

c. Les blogs : nouveaux laboratoires de tendances pour la mode
Certes, la mode, et plus particulièrement la haute- couture, est d’abord une
discipline artistique … Mais ce sont aussi des financiers, des commerciaux, et de
manière plus triviale, du business, et l’un des objectifs des enseignes, qu’il
s’agisse de Chanel ou Zara, et d’abord de faire du chiffre et donc de vendre. En
conséquence, et encore plus dans un contexte économique de crise, le challenge
pour les marques de mode est de créer des collections qui arriveront à toucher et
séduire le plus grand nombre de clientes. C’est ainsi que l’on a vu de nombreuses
maisons de haute- couture créer des lignes parallèles aux prix plus « doux », les
derniers exemples en date étant Yves- Saint- Laurent et sa collection (en édition
limitée tout de même) New Vintage, et Givenchy et Redux. Pour Jean- Jacques
Picart, consultant en luxe et interviewé récemment dans L’Express24, "Depuis trois
saisons déjà, on sentait que les collections avaient du mal à se vendre. Le public
en avait assez de cette débauche d'effets spectaculaires, de mannequins,
d'accessoires... La crise a précipité tout cela et a forcé les marques à changer
leurs valeurs". Les blogueurs arrivent donc à point nommé dans un univers de la
mode, où les créateurs semblent désormais en quête de simplicité, de
« normalité », bien loin des top- models et de la mode « bling- bling ». En ce sens,
leurs blogs sont des fenêtres d’observation sur les tendances qui « accrochent »
les acheteurs potentiels. Ainsi, pouvait-on voir il y a peu, fleurir sur les blogs de
mode, des manteaux de fourrure aux imprimés léopard, ainsi que des mitaines
24

BRUNEL C ., « Quelle mode pour l’après-crise »in L’Express, 12 novembre 2009

38
cloutées, deux tendances qui n’apparaissait pas forcément sur les podiums des
maisons de haute- couture, mais qui ont rapidement fleurit dans les grandes
enseignes de prêt-à-porter telles que Zara, H&M ou Uniqlo.
D’autre part, les blogs de mode sont également des laboratoires de tendances
pour les marques de mode, car leurs auteurs ont souvent un regard très critique
sur les dernières collections des créateurs, n’hésitant pas à afficher soit leur coup
de cœur pour certaines pièces (la dernière en date semblant être les chaussures
de la marque Chloé, de la dernière collection automne- hier, présentes sur tous
les blogs de mode ), soit leurs critiques ( ainsi peut- on lire sur le blog de Tavi
Gevinson, à propose de Burberry, qu’elle n’a jamais vraiment adhéré au style bien
trop classique de la maison, et que leur dernier défilé n’est pas fait pour arranger
les choses … ).
Le blog de mode est un laboratoire de tendances, car ses auteurs, par leur travail
de veille évoqué dans la partie une de ce travail, mettent parfois en avant des
labels peu connus du grand public, mais parce qu’ils emploient aussi des outils
comme les planches d’humeur, qui permettent d’avoir un aperçu de ce qui
inspirent ces passionnés de la mode, avant tout dénicheurs de tendances.
Enfin, les blogs de mode sont des laboratoires de tendances pour les marques et
les créateurs, car ils mettent également en scène le « piéton », l’anonyme, qui
peut parfois sembler bien loin de l’univers de la mode (même si au final cela est
rarement le cas, comme cela a été observé en partie une de ce travail).
Chaque modèle pris en photo dégage son propre style, et tous forment une vaste
base de données du style de la rue, que ce soit à Melbourne, Paris ou Rio de
Janeiro. C’est une grande source d’inspiration pour tous les créateurs, qui voient à
travers ces blogs, des individus qui s’habillent avec goût sans pour autant faire
attention aux marques, et qui découvrent que les podiums peuvent aussi être les
trottoirs en macadam des grandes métropoles aux quatre coins du monde. Les
blogs de streetstyle prouvent que l’allure et l’élégance se trouvent partout.

Si les marques et enseignes de mode ont mis du temps à se mettre à internet et à
développer de vraies stratégies sur ce média, aujourd’hui, beaucoup d’entre elles
se sont engouffrées dans la brèche. Face à la montée en puissance des
blogueurs, les marques de mode ont dû trouver de nouvelles manières de
travailler avec ces internautes influents, allant parfois même jusqu’à en faire des
muses. Mais ce n’est pas uniquement le blogueur qui suscite l’intérêt des
39
marques, mais aussi son contenu, puisque ces tendanceurs proposent à travers
leurs billets une vraie vision des tendances de la « rue », et ce parfois au sens
premier du terme, comme en témoigne le succès des blogs de streetstyle.
Parce qu’ils occupent une place prépondérante dans les médias, et parce qu’ils
sont aujourd’hui les figures de proue de la blogosphère mode, il semblait
nécessaire dans ce mémoire, de traiter plus en détails des liens qui unissent
marques et enseignes de mode, et les blogueurs identifiés comme « chasseurs de
styles ». C’est le sujet qui va être abordé dans la partie qui suit.

2) Les marques de mode et les blogueurs : focus sur les
« chasseurs de style »
« Streetstyle » voilà un mot que l’on retrouve aujourd’hui sur tous les sites de
mode et dans les pages des magazines. Lors de la Fashion Week parisienne du
mois d’octobre, Elle titrait « de la femme streetstyle aux défilés de mode ». De la
même façon, Kirsty Munro, dans The Sydney Morning Herald le 14 août 2008,
consacrait une double page aux blogueurs « chasseurs de style » (ou « The style
hunters » dans le texte), et Mel Campbell, en janvier 2009 et dans le même
support, publiait « Eat, shoots and blogs. » et Le Figaro titrait il y a peu encore
« Le streetstyle, esperanto de la blogosphère ». Avec près de 150 000 visiteurs
par jour, Scott Schuman est sans conteste le roi des blogs de streetstyle et plus
généralement, des blogs de mode.
Parce que ces blogueurs et leurs photos, sont désormais partout, et qu’ils sont les
cœurs de cible des marques et enseignes de mode,

il paraissait nécessaire

d’étudier plus en détails leur place dans la blogosphère mode, ainsi que leur
relation avec les marques, et enfin de quelle façon ils arrivent (ou pas ) à
conserver leurs indépendance, une des clefs du succès de la réussite de leurs
blogs. C’est donc ces trois points qui seront abordés dans cette partie.

40
a. Le « blogueur roi » : le chasseur de style
Garance Doré, The Sartorialist, Jak and Jill, The Cobrasnake, The Facehunter …
Autant de noms qui, s’ils ne disent rien à l’internaute « lambda », font frémir de
plaisir les férus de mode aux quatre coins du globe. Ces blogueurs, apparus entre
2005 et 2006 pour les précurseurs (Scott Schuman The Sartorialist, et Yvan
Rodic, Facehunter ) se sont fait connaître par leurs clichés de piétons qui, à leurs
yeux ont « quelque chose » en plus. Ces photographes de mode, qui jusqu’il y a
peu, prenaient leurs photos avec des appareils photos numériques « classiques »,
transforment les trottoirs de capitales en podium. Cela semble important de le
préciser, mais si ces blogueurs photographes traversent le globe de part en part à
la recherche du « style », et de la meilleure mise en scène par la rue des
tendances les plus pointues de la mode, il n’en reste pas moins que leurs
domaines de chasse de prédilection restent les quatre capitales de la mode :
Londres, New- York, Paris, Milan. D’autre part, aucun de ces blogueurs n’a été
formé professionnellement à la photographie, et c’est peut- être parce qu’ils ont
proposé un regard original sur la mode, qu’ils ont rapidement séduit les
internautes, sûrement des séries modes parfois trop conceptuelles de certains
magazines.
D’autre part, si ces chasseurs de style recherchent d’abord de la spontanéité dans
leurs clichés, s’ils cherchent à humaniser les photos de mode, il n’empêche
qu’une analyse sémiologique de leurs photos révèle qu’ils font poser ces piétons
« anonymes » comme des mannequins. Comme cela a été évoqué en partie une
de ce mémoire, ces blogueurs photographes mettent en scène à la fois leur sujet
et l’univers qui l’entoure. Ainsi, si l’on regarde les clichés de The Sartorialist ou de
Garance Doré pris à Paris, l’internaute pourrait avoir le sentiment que la capitale
française ne se résume qu’à St- Germain-des-Prés et le Canal St Martin, tout
comme Londres ne serait que Notting Hill.
La lecture d’articles consacrés au streetstyle25 (et ils sont nombreux), révèle,
également que même si l’objectif est de mettre en scène une variété de
personnalités, de profils, quand on se penche plus en détails sur ces
« mannequins d’un jour », on s’aperçoit que bien souvent, les personnes repérées
par ces chasseurs de style, on souvent de près ou de loin, un pied dans la mode.
L’intervention de Garance Doré dans Le Guide du Figaro dédié à la Fashion Week
25

ROUSSEAU C., Les blogs dictent leur mode, Guide Le Figaro, mardi 26 février 2009, Paris

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Automne Hiver 2009, résumé assez bien ce phénomène : « Quand je tombe sur
quelqu’un que j’ai envie de photographier, j’échange d’abord quelques mots pour
expliquer ma démarche, et demander si il ou elle accepte de se prêter au jeu. La
plupart du temps, je m’aperçois que le plus souvent, il s’agit d’une personne qui
travaille de près ou de loin dans la mode … ».
De la même façon, on note parmi tous les modèles photographiés par Scott
Schuman ou Mark Hunter, des célébrités, qu’il s’agisse de mannequins, actrices
ou rédactrices de mode. Ces personnalités passent inaperçues dans le flot des
inconnus repérés et immortalisés par ces blogueurs, et aussi connues ces
personnes soient- elles, il n’y a pas de différence de traitement. Les blogueurs de
mode ne donnent pas l’identité des gens sur leurs photos, ou bien uniquement
leur prénom, les rendant peu identifiables, sauf pour un œil averti et connaisseur
des personnalités du microcosme de la mode

Au fil du temps, les chasseurs de style sont devenus les figures de proue de la
blogosphère mode, leur travail ayant rapidement été relayé par la presse et les
sites internet féminins, dédiés à la mode, mais également généralistes. En
parallèle, ce regain d’intérêt et les statistiques vertigineuses que ces blogueurs ont
rapidement affiché, ont également très vite attiré les marques et enseignes de
mode, faisant de ces blogueurs, des personnalités convoités… et copiées !

Ce sont ces deux aspects qui vont être développés dans la partie qui va suivre

b. Des blogueurs convoités et copiés
Très rapidement, les blogs de streetstyle ont rassemblé une très forte audience
venue du monde entier, et aujourd’hui, The Sartorialist peut compter jusqu’à
200 000 visiteurs par jour sur son blog, tout comme The Face Hunter et Garance
Doré et leurs quelques 6 000 internautes quotidiens. Cette façon qu’ont ces
blogueurs- photographes de mettre en scène la rue, est très vite devenu un
succès auprès du grand public, mais également auprès des professionnels de la
mode, qui , comme cela a été évoqué précédemment, ont trouvé dans ces sites
une véritable source d’inspiration tant au niveau des tenues portés par ces
mannequins d’un nouveau genre, que dans la forme même de ces photos, basées

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sur une apparente spontanéité ( le blogueur arrête quelqu’un dans la rue, et le
prend en photo sur place).
Très exposés médiatiquement, ces blogueurs ont très vite attiré les enseignes et
marques de mode, qui leur ont rapidement proposé de travailler avec elles. Scott
Schuman est l’exemple type de cette voie vers la professionnalisation. Les
marques, plutôt que de copier ou singer la spontanéité des clichés de ces
blogueurs, ont donc directement fait appel à eux, et c’est ainsi qu’en février 2009,
Scott Schuman a signé la campagne de publicité pour la marque de jeans
américaine DKNY, qu’il a également crée un microsite pour la marque newyorkaise de chemises haut-de-gamme GANT, mettant en scène à la façon de son
blog, dix new- yorkais à la pointe de la mode, et fans de ces chemises.
Mais il n’est pas le seul à être approché par les enseignes de mode pour
collaborer avec elles. Ainsi, Garance Doré a-t-elle imaginé une collection pour
GAP, en créant des t-shirts reprenant ses illustrations de jeunes femmes. Elle a
aussi signé une campagne de publicité pour la maison Céline et sa collection de
vêtements de sport pour femmes, intitulée « Bicyclette », toujours basée sur ses
illustrations.
De la même façon, si aujourd’hui on retrouve dans de nombreux médias féminins
des pages de streetstyle signées par des journalistes « internes » au journal,
d’autres supports choisissent une fois de plus de faire directement appel à un
blogueur, à l’exemple de Vogue.com, qui a nommé Garance Doré responsable de
la rubrique « Une fille, un style ». Enfin, et même s’il ne s’agit pas de blogueurs de
streetstyle à proprement parler, mais de blogueuses « stylistes », l’hebdomadaire
ELLE fait régulièrement appel à la caution « blogueuse de mode » dans ses
articles.
A ce propos, le numéro « spécial mode » de la semaine du 28 août 2009 est
particulièrement éloquent, avec pas moins de six citations de blogueuses, parmi
lesquelles Tavi Gevinson (The Style Rookie), Géraldine Grisey (Punky B), et un
best-of des « fashion blogueuses », qui présentent leurs pièces modes favorites
de la rentrée.
Ces exemples illustrent donc parfaitement, à la fois l’influence qu’ont désormais
les blogueurs de mode spécialisés dans le streetstyle dans l’univers de la mode,
mais pas uniquement auprès des marques mais aussi des grands médias
féminins et de la presse spécialisée « mode ».

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La mode et le social media

  • 1. Ecole des hautes études en sciences de l’information et de la communication Université de Paris- Sorbonne (Paris IV) MASTER PROFESSIONNEL Magistère de Communication Management et Communications Interculturelles « DU BLOG AU PODIUM DE MODE L’influence des blogueurs et du web 2.0 dans l’univers de la Mode aujourd’hui » préparé sous la direction du Professeur Véronique Richard Aline Geffroy Promotion : 2007- 2008 Soutenu le : 2/ 12/ 2009 Note au mémoire :
  • 2. REMERCIEMENTS "Mes remerciements les plus sincères à toutes les personnes qui auront contribué de près ou de loin à l'élaboration de ce mémoire ainsi qu'à la réussite de ces trois belles années universitaires au CELSA !" Remerciements à l’équipe enseignante : - Monsieur Francis Yaiche, Responsable de Formation du Magistère de Communication du CELSA - Madame Emmanuelle Ruette- Guyot, mon rapporteur professionnel, pour son aide précieuse à la rédaction de ce travail. - Madame Monique Beuvin, Assistante de formation, pour sa patience à toute épreuve. Remerciements particuliers : - Mes camarades de promotion avec lesquels j’aurai passé trois années mémorables, et partagé l’intensité des périodes de soutenances d’études de cas. - Julie pour avoir accepté de procéder à la relecture de ce mémoire Remerciements à ma famille : - Merci à mes parents et mon frère et mes sœurs pour leur soutien moral ! 2
  • 3. REMERCIEMENTS 2 INTRODUCTION 5 I. LES BLOGS DE MODE : UNE COMMUNAUTE AUX CARACTERISTIQUES BIEN SPECIFIQUES 11 1) a. b. c. Les blogueurs de mode : portrait (s) 12 Les blogueurs de mode : un groupe loin d’être homogène................................................. 12 Les blogueurs de mode : des amateurs de mode très professionnels ............................... 14 Les blogueurs de mode : typologie ..................................................................................... 16 a. b. c. Le blog réinterprète la mode 19 Le blog de mode comme espace d’expression artistique ................................................... 19 Les blogs : une nouvelle vision de la mode, éloignée des magazines ............................... 21 Quand les blogueurs se réapproprient la mode .................................................................. 23 2) 3) Le blog de mode : un lieu d’interactions 26 a. L’interactivité blogueur/ lecteur au cœur même du dynamisme du blog ............................ 26 b. La place du lecteur dans un blog de mode ......................................................................... 29 c. La mesure des interactions avec les lecteurs, un indicateur majeur pour les blogueurs de mode … et les marques ! ............................................................................................................. 30 II. LES MARQUES ET ENSEIGNES DE MODE FACE AUX BLOGUEURS DE MODE 33 1) a. b. c. Le blogueur de mode, une nouvelle source d’inspiration pour les marques de mode 34 Quand la mode passe à l’ère du 2.0 ................................................................................... 34 Le blogueur, une nouvelle muse pour les créateurs ........................................................... 36 Les blogs : nouveaux laboratoires de tendances pour la mode.......................................... 38 a. b. c. Les marques de mode et les blogueurs : focus sur les « chasseurs de style » 40 Le « blogueur roi » : le chasseur de style ........................................................................... 41 Des blogueurs convoités et copiés ..................................................................................... 42 Les blogueurs de streetstyle : vers une professionnalisation ............................................. 44 2) 3) Les blogs de mode et les marques : une relation en mutation 46 a. Les marques face à des blogs en mutation ........................................................................ 47 b. Les marques face à des blogueurs devenus professionnels .............................................. 49 c. Face à une blogosphère mode qui ne cesse de croître : identifier les futurs tendances d’internet ...................................................................................................................................... 50 III. L’APPARITION DE NOUVEAUX USAGES SUR INTERNET : LA REMISE EN CAUSE DE LA SUPREMATIE DES BLOGS DE MODE 53 1) La part grandissante des sites communautaires dans les stratégies web des marques et enseignes de mode 54 a. Les réseaux sociaux : replacer le consommateur au cœur de la stratégie internet des marques de mode ........................................................................................................................ 55 b. Facebook : un réseau grand public qui doit être optimisé par les marques et enseignes de mode ............................................................................................................................................ 56 c. L’émergence de réseaux communautaires « brandés » : l’exemple de Burberry............... 58 3
  • 4. 2) Les blogs de mode : incubateurs d’idées pour les internautes 61 a. Des internautes désinhibés ................................................................................................. 61 b. Quand l’internaute/ consommateur se fait lui aussi créateur : ............................................ 62 L’émergence sur internet de la tendance du do- it yourself (DIY) .............................................. 62 c. Le succès des sites de D.I.Y : Esty.com, site pionnier et novateur .................................... 63 3) Vers la mode 3.0 et l’apparition de sites de mode « nouvelle génération » 67 a. La mode 3. 0 : Créer, partager, acheter sur un même site ................................................. 68 b. L’émergence de nouveaux modèles de site de mode : ...................................................... 70 2 exemples de sites à suivre........................................................................................................ 70 • lookbook.nu : Le succès des sites communautaires de stylisme........................................ 71 • Polyvore.com.com : une nouvelle révolution pour les marques et enseignes de mode ..... 72 CONCLUSION 77 BIBLIOGRAPHIE 82 SITOGRAPHIE 85 ANNEXES 89 Annexe 1 : Classement Style99 90 Annexe 2 : Captures d’écran des principaux blogs de mode étudiés 93 Les accessoiristes........................................................................................................................ 93 Les chasseurs de style ................................................................................................................ 96 Les blogueuses “ Bons Plans” ................................................................................................... 105 Les blogueuses stylistes ............................................................................................................ 107 Annexe 3 : Captures d’écran des principaux sites évoqués 113 RÉSUMÉ DUTRAVAIL D’ETUDES ET DE RECHERCHE 123 MOTS- CLEFS 124 4
  • 5. INTRODUCTION La mode est un univers constitué, comme tant d’autres, de certaines traditions, à commencer par la composition du « prestigieux » premier rang des défilés de haute- couture. La tradition dans la mode, veut que siègent sur ces fauteuils tant convoités, les célébrités les plus en vue, les puissantes rédactrices en chef de la presse féminine, les clientes fidèles du couturier, les starlettes et autres jet setters. Plus le premier rang, appelé dans le jargon de la mode Front Row est composé de personnalités populaires, plus cela assure aux grandes maisons de couture de s’assurer un maximum de retombées dans les médias ainsi qu’une publicité supplémentaire pour leurs vêtements. Cependant, lors du défilé Dolce & Gabbana à la Fashion Week de Milan, le 29 septembre 2009, on pouvait voir assis à ce très select premier rang, quatre personnes, dont le profil détonait parmi leurs voisins et voisines. Ces quatre personnes ont pour nom Garance Doré, Scott Schuman, Brian Yambao, Tommy Ton, mais ils sont plus connus sur internet sous les noms de BrianBoy, The Sartorialist ou Jak&Jill. Leur particularité ? Ils tiennent, depuis quelques années maintenant, des blogs lus chaque jour par des milliers de personnes dans le monde, et ayant pour thématique principale … la mode ! Grâce à ces espaces d’expression, ils sont devenus en quelques années, des figures incontournables dans l’univers d’habitude si fermé de la mode, et leur présence à ce défilé Dolce & Gabbana, illustre combien aujourd’hui, les grandes maisons de couture, mais aussi les marques et enseignes de prêt-à-porter, ne peuvent plus ignorer ces individus, tout droit issus du web 2.0. Qu’il s’agisse de Chanel, Sonia Rykiel, Dior ou même de grands magasins de luxe multimarques tels que Holt Renfrew1 au Canada, les marques de mode doivent apprendre à composer aujourd’hui avec ces nouveaux influenceurs, qui, via leurs blogs, entrent en prise directe avec les clients des créateurs. Ces observations sur la nouvelle place occupée par les blogueurs dans la sphère de la mode, ont soulevé un certain nombre de questions, à l’origine de l’élaboration de la problématique de ce mémoire. 1 Holt Renfrew est l’équivalent canadien des Galeries Lafayette en France. 5
  • 6. En effet, les interrogations qui sont survenues en premier lieu étaient les suivantes : Comment une personne, qui écrit au départ semble-t-il par passion pour son domaine de prédilection, en l’occurrence la mode, parvient-elle, en l’espace de peu de temps, à se hisser parmi les personnalités les plus influentes ? Quand et pourquoi les marques ont-elles commencé à s’intéresser aux blogs et plus récemment encore, aux réseaux sociaux ? Comment les maisons de haute- couture et les marques de prêt- à – porter travaillent-elles avec les blogueurs ? Comment la professionnalisation de certains blogueurs « mode » est-elle perçue par leur lectorat ? Autant d’interrogations diverses et variées qui ont permis de formuler la problématique principale de ce mémoire : En quoi les blogs de mode sont-ils aujourd’hui devenus à la fois source d’inspiration et source de « business » pour les marques dans la mode, et de quelle manière leur influence se manifeste-t-elle ? Plusieurs hypothèses surviennent à l’énoncé de cette problématique. Tout d’abord, il semble que le client des marques et enseignes de mode, qu’il s’agisse de prêt-à-porter ou de luxe, arrivait à saturation des médias classiques de la presse mode, et que toutes les parties prenantes, qu’il s’agisse des consommateurs ou des créateurs, étaient dans l’attente de nouveauté et d’innovation, que les blogueurs mode ont su apporter. Ce désir d’un vent nouveau, véhiculant des valeurs plus proches des passionnés de mode que les mannequins des parutions de mode ou de la presse féminine, peuvent expliquer le succès de ces blogueurs. D’autre part, il semble également que ces internautes, si amateurs fussent-ils lors de la création de leurs blogs, se sont très vite professionnalisés et organisés, face aux marques et enseignes de mode qui s’interrogent parfois encore sur leur stratégie à adopter sur internet. Enfin, si les blogs de mode sont bien plus qu’une tendance, à la vitesse à laquelle internet évolue, on voit déjà apparaître de nouvelles formes de communication vers lesquelles les marques et enseignes de mode devront très rapidement se tourner si elles ne veulent pas manquer la tendance. Dans ces nouveaux espaces 6
  • 7. de communication, le consommateur est placé au cœur du dispositif internet, notamment grâce aux réseaux sociaux, et à l’émergence de nouveaux modèles de sites dédiés à la mode. Cependant, avant d’aller plus loin dans l’introduction de ce mémoire, et d’aborder les questions de méthodologie et le plan de ce travail, revenons d’abord sur ce qu’est un blog sur internet aujourd’hui. C’est aux Etats- Unis, il y a 12 ans, qu’est apparu le mot « blog » pour la première fois. C’est l’Américain Jorn Barger, un pionnier en matière de bloging avec son weblog « Robot Wisdom », qui a d’abord utilisé l’expression « weblog » pour « désigner son journal personnel, destiné à la communauté naissante des internautes2 ». Les weblogs étaient alors des pages personnelles en ligne, avec des articles diffusés dans un ordre chronologique, accessibles à tous les internautes. Alors que le weblogueur y laissait ses pensées quotidiennes, les internautes étaient invités à les commenter. Une première forme d’interactivité commençait donc à voir le jour. Le mot « blog », tel que nous le connaissons aujourd’hui, a été établi par l’américain Peter Merholz, peu de temps après Jorn Barger, aux environs de 1999. La légende veut qu’il ait décidé de ne plus dire weblog, mais « we- log », pour ne finalement garder que le mot blog. De là ont découlé les différentes déclinaisons telles que « bloguer/ blogueur » pour désigner l’auteur d’un blog, et « blogging » pour l’action d’écriture et de publication. Si au départ, les blogs ne concernaient qu’une minorité d’internautes (on en dénombrait 23 en 19993), ils ont rapidement pris de l’ampleur au- fur et à mesure que l’internet s’est démocratisé. Aujourd’hui, on en dénombre plus de 24 millions aux Etats- Unis4. La France est la quatrième nation « blogueuse » au Monde, se classant derrière les Etats-Unis, la Chine et le Japon, avec plus de 9 millions de blogs5 ! 2 NUNES E., Etymologie du mot BLOG, Le Monde, Paris, 4 avril 2007 avril 2007 3 TREDAN O., Les Weblogs dans la Cité : entre quête de l’entre-soi et affirmation identitaire, IUT de Lannion – Université de Rennes1, Marsouin 4 EMARKETER.COM, Bloggers and (Personal) Brand-Building [ en ligne ] Disponible sur http://bit.ly/44CZSM 5 RAULINE N., France, terre de blogs [ en ligne ] Disponible sur http://bit.ly/5DXTHZ 7
  • 8. Même s’il n’existe pas de mesure officielle des blogs, on estime néanmoins à près de 150 millions, le nombre de blogs dans le Monde, parmi lesquels, quelques 40 millions seraient mis à jour régulièrement. Aujourd’hui, définir ce qu’est un blog reste une chose peu aisée, et les blogueurs eux- même ont du mal à en donner une définition unique, comme le montre l’article que consacre Libération aux 10 ans du mot blog. Sur les 23 blogueurs interrogés, chacun offre sa propre définition. Ainsi peut- on citer « Kek », du blog KEK, qui décrit le blog comme Un espace de liberté qui permet de souffler et d’apprendre des choses ou Guillaume Frat, du blog de GuiM, c’est Un blog est une fenêtre de liberté, un espace personnel mais public pour faire découvrir, informer, donner la parole, écouter : un lieu d’échange et de partage. Il existe plusieurs types de blogs : • Les blogs personnels, sont des journaux intimes en ligne • Les blogs « corporate » ou « institutionnels » , sont tenus par des entreprises, afin de mettre en avant leur image sur internet. • Les blogs « portfolio », comportent peu ou pas de textes, mais mettent en avant des photos, des vidéos ou des illustrations. • Les blogs thématiques : c’est la catégorie qui nous intéressera ici, puisqu’il s’agit de blogs axant leur ligne éditoriale sur un thème en particulier, et en l’occurrence ici, la mode. Les blogs, et plus précisément les blogs de mode, s’inscrivent dans la mouvance du web 2.0, ou plus simplement de l’internet dit « participatif et communautaire », qui voit notamment l’avènement des médias et des réseaux sociaux. Le web 2.0 redéfinit complètement la relation qu’entretenaient auparavant les marques avec les consommateurs. .Plus que jamais, le consommateur est un consom’acteur, et via les blogs, et autres outils du web participatif, il force la marque à se mettre à son écoute, sortant de sa position de « passivité ». Si jusqu’ici peu de marques de mode de haute- couture ou de prêt-à-porter n’avaient élaborées de vraies stratégies marketing et commerciales à destination des blogueurs et du web 2.0 en général. Cependant, lors de la Fashion Week 2009, de nombreuses initiatives de grandes maisons telles Louis Vuitton et la retransmission de son défilé en live sur Facebook, ont montré que la mode se mettait peu à peu au participatif, à tel point que sur certains sites spécialisés dans 8
  • 9. la mode, on parle désormais de Fashion 2.0. Dès lors, on peut dire que 2009 marque un tournant pour la mode et la blogosphère mode internationale. Pour répondre à la problématique énoncée précédemment, plusieurs méthodologies ont été établies, afin de faire de ce travail à la fois un mémoire professionnel et un travail de recherche. • En premier lieu, l’analyse sémiologique des blogs évoqués dans ce mémoire. Dans la mesure où la blogosphère mode mondiale est immense, ce travail s’est focalisé sur 100 blogs, tirés du classement Style 99 publié par le site Signature9, et qui est, à ce jour la seule liste officielle des blogs de mode influents. Ce classement a été établi après l’étude de plusieurs centaines de blogs dédiés à la mode, et après calcul de la moyenne effectuée entre les statistiques de ces blogs sur les différents moteurs de recherche et sites de classements de blogs ( ex : Technorati6 ), mais également selon leur contenu et le nombre de retombées internet les mentionnant. • Dans un second temps, et parce que les blogs sont d’abord des espaces d’expression écrite, procéder à une analyse de contenu a également été jugé nécessaire pour la bonne réalisation de ce mémoire. Une fois de plus, cette analyse s’est ciblée sur les 100 blogs identifiés par Style9. • L’observation participante liée à la rédaction de deux blogs, et à une fonction professionnelle de chargée de RP en ligne, dans une agence de communication, sur des problématiques de mise en relation entre des annonceurs grand public, des blogueurs et des sites internet., par le biais d’actions variées. • Une veille des dernières innovations et nouveautés de la mode sur internet. 6 Technorati est le moteur de recherche de référence spécialisé dans les blogs. Il fournit également tous les ans, un rapport sur l’état de la blogosphère mondiale, ainsi qu’un classement des blogs seront leur influence. 9
  • 10. • La constitution et la lecture d’un ensemble bibliographique constitué d’ouvrages de communication et de marketing sur internet, mais également de nombreux articles tirés de la presse nationale et internationale, abordant la thématique des blogs de mode. Trois axes seront développés dans ce mémoire, visant à répondre de la meilleure façon possible à la problématique énoncée précédemment : En quoi les blogs de mode sont-ils aujourd’hui devenus à la fois source d’inspiration et source de « business » pour les marques dans la mode, et de quelle manière leur influence se manifeste-t-elle ? Dans un premier temps, l’étude du sujet se concentrera sur l’établissement d’un portrait des blogueurs de mode. Qui se cache derrière ces influenceurs d’un nouveau genre ? Que représente le blog de mode pour eux, comment l’alimentent- ils ? La seconde partie de ce mémoire, se concentrera sur le cœur de la problématique, à savoir la relation entre les marques et enseignes de mode. Comment peuvent- être décrits les liens unissant les parties prenantes de ce travail ? Comment sont-ils amenés à évoluer dans le temps ? Enfin, la dernière partie de ce travail se concentrera sur les tendances à venir pour les enseignes et marques de mode sur internet, tandis que le modèle du « blogueur et du blog influent » semble déjà être en pleine mutation. Vers quels outils internet les marques et enseignes de mode vont-elles devoir se tourner pour ne pas prendre de retard dans leurs stratégies internet, sachant que la part des achats en ligne des internautes ne va aller qu’en augmentant ? 10
  • 11. I. Les blogs de mode : une communauté aux caractéristiques bien spécifiques Etudier l’influence des blogs de mode sur les marques implique en premier lieu, de se pencher en détails sur ces espaces de communication et leurs auteurs. En effet, le blog est d’abord un espace d’expression personnelle et de ce fait, il est intéressant de savoir qui se cache derrière le simple pseudonyme du blogueur. D’autre part, si tous ces auteurs partagent une même passion, la mode, il n’en reste pas moins qu’ils la traitent chacun à leur façon, selon leur « vision ». On peut même dire qu’ils la mettent en scène (et parfois en se mettant en scène), chacun à leur façon, dans leur blog, faisant de ce dernier un véritable espace d’expression artistique. Trois points seront donc abordés dans cette première partie. Dans un premier temps, on s’attachera à dresser un portrait des blogueurs. Quels sont leurs profils ? D’où viennent- ils ? Peut-on dresser une typologie des blogueurs de mode ? Ensuite, il s’agira de se pencher sur le point suivant : en quoi le blog de mode offre-t-il aux internautes une vision alternative de la mode aux internautes ? Finalement, et parce que c’est un élément crucial dans le concept même de blog, qu’il s’agisse d’un blog de mode ou de sport, le plus important est l’interactivité qui existe sur le blog, et la réactivité des lecteurs aux « billets » du blogueur. C’est donc l’ensemble de ces points qui sera développé dans cette première partie. 11
  • 12. 1) Les blogueurs de mode : portrait (s) Travailler avec les blogueurs nécessite en premier lieu de savoir quelles sont ces personnes qui se cachent derrière tous ses pseudonymes et noms étranges tels que Shoewawa, Childhood Flames, The Sartorialist. Si certains blogueurs conservent jalousement leur anonymat (ex : la/ le britannique de Fifi Lapin ou l’auteur de Shoeblog) pour une majorité d’entre eux, des recherches un peu poussées permettent d’établir leur profil, et d’en dresser un portrait. Il apparaît ainsi que les blogueurs de mode sont une mosaïque de personnalités très différentes (au premier abord), les unes des autres. Que d’autre part, les blogueurs peuvent être apparentés à des amateurs, mais qu’en réalité ; c’est une idée reçue et le blogueur mode de 2009 est d’abord un véritable professionnel de la mode. Enfin, il s’agira de dresser une typologie de ces blogueurs. Comme cela a été dit dans l’introduction de ce mémoire, l’étude portera sur un panel de 100 blogueurs, jugés comme étant les plus influents par les classements conjugués de Style 99 et Technorati. a. Les blogueurs de mode : un groupe loin d’être homogène Chercher à définir le profil type du blogueur de mode n’est pas chose aisée, et on pourrait s’aventurer à dire que c’est même chose impossible ! La blogosphère mode, c'est-à-dire l’ensemble des blogs ayant pour sujet principal la mode, est composée d’auteurs aux profils extrêmement variés. Si l’on pioche de façon aléatoire dans les 99 blogs figurant dans le classement de référence des blogs « mode » édité par le site de veille de tendances Signature 97, et rassemblant les blogs supposés être les plus influents, on peut ainsi observer que le blogueur de mode peut- être une lycéenne du Texas ( Jane Aldridge du blog Sea of Shoes ), une collégienne de tout juste 13 ans ( Tavi Gavinson, de The Style Rookie ), un ancien programmateur en informatique ( Brian Yambao de Brian Boi ), un ancien responsable marketing et ventes devenu photographe de renom ( Scott Schumann de The Sartorialist) . On recense également beaucoup de journalistes freelance (ex : Caroline de Surany du blog 7 STYLE 99, 99 most influential fashion and beauty blog [en ligne] Disponible sur : http://www.signature9.com/style-99/ L’intégralité du classement est disponible en Annexe. 12
  • 13. Caroline Daily, ou Géraldine Dormoy de Café Mode), de même que des illustratrices (Garance Doré pour Garance Doré, Fifi- Lapin) et des graphistes. Hormis les exceptions que sont les jeunes Jane Aldridge, Tavi Gavinson ou Camille R. (respectivement 17 ans, 13 ans et 16 ans), la majorité des blogueurs mode ont entre 25 ans et 41 ans, une majorité gravitant autour de la trentaine. Dans la mesure où aucune étude n’a été faite sur le profil démographique des blogueurs « mode », on peut se référer à la dernière étude de Technorati8, The State of the Blogosphere 2009, menée sur plus de 2900 blogueurs identifiés comme étant « influents ». Cette étude montre que plus de 60 % ont entre 18 et 44 ans. Le blogueur « type » est généralement diplômé, avec au minimum un bac + 2 pour 75 % des interrogés, et un bac + 4 et plus pour 40% d’entre eux. Toujours en se basant sur cette même étude que l’on peut également appliquer à la blogosphère mode, deux blogueurs sur trois bloguent depuis au moins deux ans. À titre d’exemple, Scott Schuman, « roi » de la blogosphère mode, tient son blog depuis 2005. Garance Doré a ouvert le sien en juin 2006, Betty Autier (Le blog de Betty) présente ses tenues aux internautes depuis 2007. Le succès d’un blog de mode est donc d’abord une affaire de durée, car attirer près de 26 000 personnes par jour (comme c’est le cas sur le blog de Garance Doré), ne se fait du jour au lendemain, et il faut du temps pour recruter et fidéliser son lectorat. Ainsi, entre les résultats de l’étude Technorati et l’étude de 99 profils des blogueurs considérés comme « influents », on peut donc en déduire que le blogueur de mode est majoritairement une femme âgée entre 25 et 35 ans (exception faite de Scott Schuman, âgé de 41 ans, et des « jeunes » blogueuses citées précédemment), diplômée, et souvent issue des classes moyennes/ supérieures de son pays d’origine. On pourrait également ajouter, toujours en prenant le classement de Style 99 comme référence, que la majorité des blogs sont nord- américains, britanniques et français. Viennent ensuite l’Australie, l’Allemagne, avec deux blogs classés, et enfin l’Espagne, le Brésil et les Philippines (un blog pour chacun). 8 TECHNORATI, State of the blogosphere 2009[ en line ] Disponible sur : http://technorati.com/blogging/feature/state-of-the-blogosphere-2009/ 13
  • 14. Il n’est pas étonnant de retrouver les Etats- Unis, la Grande- Bretagne et la France dans le peloton de tête des nationalités des blogueurs de mode. En effet, ces pays ont une « culture mode » très forte, partie intégrante de leurs traditions (ex : La Haute- Couture française), et où la mode occupe une place qu’elle n’a peut- être pas encore dans des continents tels que l’Amérique Latine. Le fait que la Fashion Week de New- York, Londres et Paris comptent parmi les rendez- vous à ne manquer en aucun cas du monde de la mode n’est donc pas un hasard ! En conséquence, la communauté des blogueurs « mode » est constituée, en apparence, d’individus aux profils extrêmement variés, allant de l’ancien programmateur en informatique, à la collégienne, en passant par la journaliste freelance ou la graphiste, mais qui partagent une passion commune pour la mode, et c’est ce point qui fait d’eux une vraie communauté d’internautes. Cependant, si ces internautes sont des passionnés, il n’en reste pas moins qu’ils prennent leur blog très au sérieux, au point de reprendre de vraies techniques de professionnels pour lui donner du contenu. b. Les blogueurs de mode : des amateurs de mode très professionnels Les blogueurs de mode sont des amateurs pour la plupart, dans la mesure où, à la première approche, le blogging n’est pas leur principale activité rémunératrice. Si, comme cela a été vu précédemment, les blogueurs de mode ont des profils sociaux et démographiques très variés, lorsque l’on se penche plus en détails sur leurs profils, on note que beaucoup de ces auteurs ont déjà, en réalité, un pied dans le monde de la mode. Scott Schuman (The Sartorialist) a en effet été responsable marketing et ventes dans de grandes maisons de coutures telles que Valentino, ou chez des distributeurs de marques de luxe comme Onward Kashiyama (Jean- Paul Gautier). On retrouve également beaucoup de stylistes, telles que Alix Bancourt (The Cherry Blossom Girl) et sa consoeur de Punky B, Géraldine Grisey. De la même façon, Jane Aldridge, la jeune blogueuse de Sea of Shoes, reproduit le parcours de sa mère, un ancien mannequin américain, qui a lancé sa marque de vêtements, et qui a ouvert un blog avant sa fille. 14
  • 15. On retrouve également des journalistes … de mode, telles que Géraldine Dormoy (du Nouvel Observateur), ou Caroline de Surany, journaliste pour la presse féminine. Nathalie Zee Dieu, de Coquette, est éditrice d’un magazine de travaux manuels en ligne, Craft Magazine. Enfin, on trouve parmi les blogueurs de nombreuses attachées de presse évoluant dans la mode, à l’image de Danielle de Bored and Beautiful, qui travaille dans une agence de RP berlinoise. De fait, de près ou de loin, tous les blogueurs de mode dits « influents », sont liés professionnellement à la mode, ce qui leur confère, aux yeux des lecteurs, une certaine légitimité à parler de ces sujets. D’autre part, on peut également dire que ces amateurs de mode sont très professionnels, de par la méthodologie qu’ils emploient pour rédiger leurs billets. En effet, les blogueurs de mode sont d’abord des maîtres dans l’art de la veille, afin de dénicher le plus rapidement les dernières tendances. Si aujourd’hui, et comme cela sera développé par la suite, les marques contactent directement les blogueurs pour leur transmettre des exclusivités, la veille occupe une part importante du blogueur de mode, comme l’illustre ce témoignage du suisse David Fisher, fondateur du blog de streetwear « High Snobiety9 » : « Tenir un blog demande beaucoup de travail, beaucoup de recherche, et de nombreuses personnes sous-estiment cet aspect. Alors, à peine arrivés sur la blogosphère, ils sont déjà fermés. Tenir un blog, cela demande de la rigueur et nécessite de se battre chaque jour pour offrir aux lecteurs le meilleur contenu possible. » Ce travail de veille se manifeste le plus couramment via les nombreuses photos postées en ligne, mais aussi par le recours aux planches de tendances (ou mood board ), auxquelles certains blogueurs ont recours. Les planches de tendances ou, littéralement, « planches d’humeur », sont le regroupement d’un ensemble d’éléments sélectionnés (images, couleurs, textures, typographies, textes, objets …) juxtaposés les uns à côté des autres comme on le ferait pour un collage. L’objectif du mood board dans la mode est d’établir une atmosphère, un ton, un style, sans avoir besoin de réaliser une création graphique aboutie et organisée. Jane Aldridge et Tavi Gevison sont deux blogueuses10 qui ont énormément recours à ces planches, très appréciées par leurs lecteurs. En plus de cette veille, certains blogueurs de mode procèdent également à un vrai travail d’archiviste- documentaliste, en mettant en avant des articles originaux, 9 Interview réalisée le 11 Mars 2009[en ligne] Disponible sur : STATUSMAGONLINE.com Des exemples sont présentés dans l’ annexe 2. 10 15
  • 16. tirés de numéros de Vogue, ou Elle, datant parfois des années 70, plus fréquemment des années 80 et 90. En conséquence, si les blogueurs de mode peuvent être considérés comme des amateurs, dans la mesure où ils ne sont, a priori, pas rémunérés pour écrire leurs billets, on note cependant qu’ils ont une connaissance quasi professionnelle de leur sujet. Beaucoup d’entre eux gravitaient déjà dans l’univers de la mode avant d’ouvrir leur blog. Ils sont bien plus que des amateurs, également dans leur façon de rédiger leur blog. Leur travail de veille pointu sur les tendances de la mode, les dernières nouveautés produits, les actualités des maisons de couture et de prêt-à-porter, couplé à leur travail de documentaliste- archiviste, fait que l’on pourrait presque les comparer à des « planneurs stratégiques » dans leur travail de prospection des tendances. De ce fait, il a donc été vu que les blogueurs de mode sont des personnalités aux profils et aux parcours variés qui, s’ils sont « amateurs », dans la mesure où ils ne perçoivent pas directement de rémunération pour ce qu’ils écrivent, restent néanmoins des professionnels de la mode dans la mesure où une majorité d’entre eux travaillent ou ont travaillé dans cet univers. Professionnels également, par les techniques de veille et de recherche qu’ils utilisent pour alimenter le contenu de leur blog. Cette étude du blogueur de mode ne serait finalement pas complète sans l’établissement d’une typologie des différents blogueurs que l’on peut trouver sur la blogosphère. c. Les blogueurs de mode : typologie Lorsque l’on observe la blogosphère « mode », on remarque assez rapidement que les blogueurs n’ont pas une seule et même façon de parler de la mode. Certes, de nombreux blogs parlent de façon généraliste de la mode, présentant dans leurs billets les nouveautés produits, les dernières images des défilés, le prochain mannequin à la mode, mais on remarque également que se sont développés au fil du temps, des blogs que l’on pourrait qualifier de « blogs » de 16
  • 17. niche, et pour lesquels on peut établir une typologie permettant d’y voir plus clair dans la blogosphère de la mode. Les blogueurs de mode, comme n’importe quels blogueurs en général, ont chacun une thématique de prédilection, thématiques qui peuvent être regroupées en souscatégories. Ainsi, si l’on se base toujours sur le classement de référence international des blogs mode Style 99, on observe une première catégorie, que l’on pourrait appeler les «accessoiristes ». Cette première catégorie regroupe les blogueurs qui traitent, dans leur ligne éditoriale, essentiellement d’accessoires. Les chaussures et les sacs sont les sujets les plus traités, et on ne verra rien d’étonnant à cela lorsque l’on sait que les sacs, les lunettes de soleil et les chaussures représentent à eux trois la part de marché la plus importante sur le marché mondial de la mode11. Parmi les blogueurs phares en termes de chaussures, on pourrait citer Manolo, de Shoeblog, qui, comme son nom l’indique, traite essentiellement de chaussures et Jane Aldridge et Sea of Shoes. Côté sacs, Meaghan Mahoney, de The Purse Blog, ne traite que de sacs à main, tout comme Abi Silvester de The Bag Lady. Deuxième thématique abordée, et qui remporte un franc- succès en cette période de crise, les blogueuses « bons plans ». Elles ont pour particularité d’être des professionnelles des sites de vente en ligne, des coupons de réductions et autres promotions. Dans cette catégorie, on peut citer sans hésitation Kathryn Finney, de The budget fashionista, qui depuis 2003, renseigne les internautes sur tous les « bons plans mode » des enseignes américaines. Alix Bancourt de The Cherry Blossom Girl est une experte des sites de vente en ligne, en particulier les sites américains et britanniques, tout comme sa consœur Betty Autier, du Blog de Betty. Autre catégorie très influente et très représentée sur la toile, il s’agit des styles hunters, que l’on pourrait qualifier de « chasseurs de styles ». Catégorie certainement la plus représentée médiatiquement, elle compte ses stars telles que Garance Doré, Scott Schuman, le suisse Yvan Rodic (Facehunter) ou Mark Hunter (Cobrasnake). Leur particularité ? Mettre en avant sur leur blog, des inconnus « croisés » dans la rue et repérés pour leur style vestimentaire, leur 11 VERGNIOL K., La chaussure, nouvelle reine de la mode, BFM, 4 juin 2009 17
  • 18. physique, leur charisme. De simples photos amateurs, ces images sont devenues au fil du temps de véritables œuvres d’art, comme cela sera vu dans la partie suivante. Si ce sont les plus connus, ces blogueurs sont également considérés comme étant les plus influents aujourd’hui sur la scène mode internationale. Apparus pour la première fois en 2005, ils ont véritablement été mis sous les feux de la rampe en 2008, année à laquelle les médias « off-line » se sont intéressés à ceux qui ont très vite été désignés comme étant un vrai phénomène. Un thème qui est loin d’être échaudé lorsque l’on voit la façon dont ils sont courtisés par les marques aujourd’hui. Finalement, dernier type de blogueur, et pas des moindres, il s’agit des blogueurs mode que l’on pourrait qualifier comme étant les « stylistes ». Leur particularité ? Ils se mettent en scène dans leurs blogs afin de présenter à leurs lecteurs internautes, des tenues. Parmi les plus connus, citons Géraldine Grisey, alias Punky B, Alix Bancourt, The Cherry Blossom Girl, Jessica Shroeder de What I Wore et la sensation de ces derniers mois, Tavi Gevinson de The Style Rookie (elle est seulement âgée de 13 ans …). Ces dernières (car il n’y a pas encore de blogueur homme se prêtant à ce jeu) se prennent en photo, accompagnant leur série mode d’un texte sur elles, leur état d’esprit, ce qui les a inspirées … Ces blogueurs sont au cœur d’un véritable enjeu pour les marques, car ils ne manquent pas de les citer dans le descriptif de leur tenue, ce qui peut avoir un véritable impact sur les ventes d’un produit, en particulier sur les sites de vente en ligne … En conséquence, les blogs de mode forment certes une blogosphère homogène parce qu’ils traitent tous d’un seul et même sujet : la mode, mais qui est néanmoins abordé sous des prismes très différents, faisant de cet univers un sujet d’étude à la fois vaste et riche. Etablir une typologie des blogueurs de mode, permet ainsi de se rendre compte de la complexité de ce milieu, et de la nécessité pour les marques de mode (prêt- à – porter et luxe), de prendre en compte ces spécificités, pour pouvoir travailler avec ces blogueurs. Après avoir étudié le profil des blogueurs de mode, il s’agit désormais de se pencher sur les blogs de mode, leur forme et leur contenu… 18
  • 19. 2) Le blog réinterprète la mode Les blogs de mode sont bien plus que de simples espaces d’expression pour beaucoup de leurs auteurs. Comme nous l’avons vu dans les portraits de blogueurs de mode, beaucoup d’entre eux sont des créatifs : illustratrices, graphistes, photographes amateurs, stylistes … et cela se ressent dans le contenu et l’apparence de leur blog. Ainsi, cette partie va s’attacher ici à l’étude du blog comme lieu d’expression artistique : comme cela se manifeste-t-il ? Puis nous nous attacherons à étudier comment, dans ces blogs, la mode est mise en scène. Enfin ; sera développé un aspect important de cette esthétisation des blogs, à savoir que le blog, de part cette dimension artistique, véhicule à travers l’œil du blogueur, une forme de réalité fantasmée. a. Le blog de mode comme espace d’expression artistique Par bien des aspects, le blog de mode s’éloigne du schéma classique d’un contenu constitué d’une succession d’articles et de visuels dans un ordre chronologique. Certains ont, en réalité, une vraie dimension artistique, faisant du blogueur un artiste/ créateur, à sa façon. Plusieurs éléments, issus de l’analyse sémiologique de blogs, nous permettent d’illustrer ce point. La forme la plus évidente d’expression artistique qui apparaît dans ces blogs est la photo, et en particulier les clichés pris par les « chasseurs de style » évoqués dans la partie précédente. Si l’on compare les photos de Mark Hunter (The Cobrasnake ), Garance Doré, Scott Schuman ( The Sartorialist ), ou les photos de Copenhagen Street Style, on note que les clichés ne se ressemblent pas., dans le style ni dans le type de sujets. Mark Hunter prend des photos de jeunes filles et jeunes garçons, dans des ambiances de fêtes ou la nuit le plus souvent. Son style est très reconnaissable des autres, dans la mesure où il photographie en plan serré ses modèles, et use (et parfois abuse) du flash sur leurs visages, pour un résultat qui oscille entre photo « entre amis » et photo amateur. A l’opposé, Scott Schuman et Garance Doré proposent à leurs lecteurs respectifs, des photos très raffinées et travaillées, où les modèles sont des femmes et des hommes qui incarnent un idéal de raffinement qui tranche avec les « oiseaux de nuit » de Mark Hunter. Scott Schuman prend ses modèles en pied, de jour, et le 19
  • 20. plus souvent en extérieur. Il accorde également un grand intérêt aux matières des vêtements portés par ses modèles. Garance Doré publie quand à elle des photos avec une mise en scène recherchée, et qui sont le plus souvent des portraits. Une autre forme évidente d’expression artistique qui se dégage des blogs, c’est le mood board. La « planche d’humeur » a déjà été évoquée dans la partie précédente car elle illustrait le professionnalisme des blogueurs de mode qui vont jusqu’à utiliser des techniques dignes des plus grands cabinets de tendance. Cependant, certains blogs tels que Sea of Shoes et The Style Rookie, ont fait de ces mood boards, de véritables supports d’expression artistique, qui, par la suite, servent également de source d’inspiration aux rédactrices en chef des magasines de mode. Jane Aldridge (Sea of Shoes ) fait des mood boards numériques, c’est à dire qu’elle scanne les images et dessins qui forment la planche de tendance, puis colle les différents éléments à l’aide d’un logiciel tel que Photoshop. Tavi Gevinson (The Style Rookie), en fait quant à elle, des fanzines en éditions très limitées, qu’elle vend sur le site le plus connu de travaux manuels : ETSY. La planche de tendances devient ainsi un livre, que Tavi photographie pour le montrer à ses lecteurs. Enfin, on peut dire que les blogs de mode sont des espaces d’expression artistique car certaines blogueuses choisissent de s’exprimer à travers le dessin. On retrouve deux types de dessins : les illustrations enfantines telles celles de FIFI LAPIN, et les illustrations proches du stylisme, telles celles de Garance Doré. Pour la plupart, ces illustrations s’accompagnent des photos de modèles ou de défilés, « réelles ». Dans les deux cas, les illustrations sont clairement destinées à des lectrices. Teintes pastels, traits naïfs, ces dessins évoquent, ou représentent, l’image de jeunes filles en fleur, incarnation d’une représentation d’une mode légère et pétillante, à l’opposé d’une mode parfois un peu austère et rigide, telle qu’on pourrait la trouver dans certaines maisons de haute- couture, ou à travers l’image véhiculée par quelques rédactrices de mode ( ex : Anna Wintour, sévère rédactrice en chef de l’édition américaine de Vogue). Ainsi, les blogs de mode offrent aux internautes une nouvelle vision de la mode, bien éloignée des magazines, comme cela va être étudié maintenant. 20
  • 21. b. Les blogs : une nouvelle vision de la mode, éloignée des magazines Dans les blogs de mode, et plus généralement dans la blogosphère, ce qui frappe avant tout le lecteur c’est l’utilisation permanente de la première personne du singulier, qu’il s’agisse d’un blog en anglais, en français ou en espagnol. L’étude du contenu de quatre blogs identifiés comme ‘influents » montre une omniprésence du « Je », du « I ». Ainsi, prenons pour exemple le billet en date du 9 novembre 2009 de Garance Doré : « Voici les Pirates Boots, un classique de Vivienne Westwood. J’aime leur tombé qui fait une jolie jambe, j’aime qu’elles s’écroulent et se patinent divinement en vieillissant, et j’aime qu’elles soient les chaussures officielles des filles les plus cool que je connaisse … Pourraient peut- être devenir mes chaussures plates idéales … Et vous, qu’en pensez- vous ? » Prenons également un exemple plus masculin, tiré d’un billet de Scott Schuman, du blog « The Sartorialist » : “I don't know why I think it is so funny, but whenever I wear a terrycloth robe in a hotel I have to put a wash cloth in the chestpocket - like a little matching terrycloth pocket square. I know it's just plain silly, but I can't help it. At least the waiters who deliver room service in Milan always seem to get a chuckle out of it12.” Et enfin, citons Jane Aldridge de « Sea of shoes » : “I've been snapping webcam & phone pics the past couple of weeks to put together for this collage. I like how by looking at a picture of a previous outfit, I can remember exactly what I did that day....it's a nice trick for someone with a terrible memory like: me. xo Jane “13 Que nous révèlent ces différents verbatims ? Tout d’abord que le blogueur de mode en 2009 pourrait presque paraître narcissique si l’on s’arrêtait à cette omniprésence de la première personne. Ici, on peut dire que le blogueur de mode 12 SCHUMAN S., « Je ne sais pas pourquoi je trouve ça vraiment trop drôle, mais à chaque fois que je mets une robe de chambre dans un hôtel, je ne peux pas m’empêcher de glisser dans la poche située sur la poitrine, une petite serviette de toilette, tel un petit mouchoir de poche assorti. J’ai parfaitement conscience que cette manie est un peu idiote, mais je ne peux juste pas m’en empêcher, et au moins, ça fait toujours glousser les grooms en charge du service de chambre à Milan. » [En ligne] Disponible sur http://thesartorialist.blogspot.com/2008_12_01_archive.html 13 ALDRIDGE J. [en ligne] Disponible sur : http://seaofshoes.typepad.com/sea_of_shoes/2009/09/selfportrait-en-iphonepart-two-ps-im-not-adropout.html 21
  • 22. se met en scène dans son blog, dans la mesure où c’est son expérience personnelle qu’il fait partager aux lecteurs, des tranches de vie quotidienne dans lesquelles, nous lecteurs, nous pouvons tous s’identifier, mais qui prennent très souvent une allure romancée dans ses écrits. Philippe Amen, chercheur sur le journal intime et l’autobiographie au XIXe, et spécialiste du philosophe suisse Henri- Frédéric Amiel14, auteur d’un journal intime de plus de 17 000 pages, livre dans l’un de ses articles15 une analyse comparative extrêmement intéressante entre celui qu’il appelle « le blogueur posteur moderne », et « le diariste de type ancestral », comme Amiel. Ainsi, si au XIXe siècle le diariste pratique dans ses écrits « l’auto-destination », se parlant d’abord à sa conscience, le blogueur de 2009 fait voler cette perspective en éclats. Son objectif est d’abord de s’exposer au plus grand nombre. Il est très loin d’une écriture dite « intime ». D’ autre part, même si le blogueur de mode emploie la première personne dans ses écrits, on ne peut qualifier son blog de journal intime, dans la mesure où, stylistiquement parlant, il n’est pas en quête d’écriture de billets destinés à rester dans les annales de la littérature. Les extraits cités précédemment en sont la preuve, puisque Garance Doré emploie des noms très communs tels que « cool », Jane Aldridge de Sea of Shoes écrit comme elle pourrait parler avec ses amies au lycée. Le langage utilisé par ces auteurs relève beaucoup plus du langage courant que du langage soutenu. Le blogueur se met ainsi dans une posture où il se fait « le bon copain » de l’internaute. Le langage n’est pas ici une barrière à la compréhension des internautes. Ainsi, qu’est-ce que tous ces éléments nous apportent sur l’art de la mise en scène du blogueur de mode ? Les analyses de Philippe Amen, couplées à l’analyse du discours de ces blogueurs, nous montrent que le blogueur de mode cherche avant tout à être proche des ses internautes, en employant le « Je » et en donnant l’illusion à son lecteur de rentrer dans sa vie par la fenêtre que sont les billets postés. Le blogueur semble ainsi se poser en « bon ami » des internautes, « la bonne copine » pour le lectorat féminin, celle qui livrerait ses confidences autour d’un café, et avec laquelle il se possible de parler « chiffons ». En adoptant via ses 14 Frédéric- Henri Amiel est un philosophe suisse (Genève : 1821- 1881). C’est un intellectuel suisse qui a laissé à sa mort un journal intime de plus de 17 000 pages écrit sur 42 années et considéré aujourd’hui comme un monument de la pensée suisse. 15 AMEN P., Le blog, une mise en scène journalistique du soi [en ligne] Disponible sur : http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/le-blog-une-mise-en-scene-5931 22
  • 23. écrits cette posture, le blogueur arrive donc à mettre en place une relation de confiance avec ses lecteurs, relation dont par la suite, les marques de mode auront tout intérêt à tirer profit. Il a donc été vu ici que le blog est un espace de mise en scène en ce que les blogueurs ont recours à différentes formes artistiques pour s’exprimer, mais aussi parce qu’ils se mettent eux- même en scène à travers leurs écrits. Pour que cette partie soit complète, il faut également se pencher sur la manière qu’a le blogueur de mode de mettre en scène la mode sur internet, un point extrêmement important à traiter si l’on veut comprendre l’intérêt qu’ont les marques de mode aujourd’hui à se pencher sur ceux que l’on appelle les « nouveaux influenceurs ». c. Quand les blogueurs se réapproprient la mode Cette partie sera essentiellement fondée sur l’analyse sémiologique du corpus des 100 blogs identifié via Style 99 et Technorati, croisée avec la typologie des blogs énoncées dans la partie consacrée aux portraits de blogueurs. En effet, comme cela a été énoncé précédemment, les blogs de mode sont des espaces d’expression artistique, au service de la mode. Cependant, chaque blogueur de mode offre, à sa façon, une vision de la mode aux internautes. Nous avons déjà pu avoir un aperçu via les photographes de streetstyle, qui, à travers la lentille de leur appareil offre une certaine vision de la mode. Garance Doré offre aux internautes, une vision très idéalisée de Paris et de la femme. La journaliste Virginia Heffernan, dans son article POP COUTURE, publié dans le New York Times Magazine16 , écrit que les photos et dessins de Garance Doré « donnent à l’internaute la sensation d’entrer dans un univers où la ville et ses piétons ne sont que splendeurs […]. Avec leurs écharpes et leurs foulards aux tons pastels, leurs bouches telles des boutons de roses, il y a presque quelque chose de divin dans les modèles que choisi Garance Doré. » De la même façon, son acolyte masculin Scott Schuman, véhicule dans ses photos de piétons, l’image d’un monde où style et raffinement sont les maîtres mots, et peuplé de femmes à la beauté quasi- irréelle, perchées sur des talons aiguilles de douze centimètres et d’hommes incarnation de l’idéal du gentleman, portant de nuit comme de jour, des costumes trois-pièces et des chaussures en cuir anglaises. 16 HEFFEMAN V., “Pop Couture” in New York Times Magazine, 19 décembre 2008 23
  • 24. L’internaute doit donc faire attention à ne pas se laisser biaiser par ces « clichés » ( dans les deux sens du terme ) ; puisqu’une étude plus approfondie des modèles de ces « chasseurs de style », nous révèlent que, si ce sont beaucoup d’inconnus qui sont mis en avant, on dénombre aussi de nombreuses rédactrices de mode et de célébrités, mannequins, dans ces photos. Une phrase de la « chasseuse de style »australienne Hayley Hughues, qui officie pour le compte du site melbournestreetfashion.com, résume assez bien l’écueil dans lequel tombent (volontairement ou pas), ces photographes. Ainsi, dans un article du The Sydney Morning Herald17 elle déclare « je dois constamment me rappeler que c’est la mode de la rue de Melbourne que je dois documenter et photographier, et non pas le point de vue sur la mode de Hayley Hughues. » On peut également parler de mise en scène de la mode, à travers les photos des blogueuses identifiées précédemment comme « stylistes ». Ici, en posant pour leur blog, elles mettent en scène les vêtements et les marques de mode, d’une façon différente de celle que l’on trouve dans les magazines de mode et les féminins. Ces blogueuses représentent un énorme enjeu pour les acteurs de la mode, puisque la plupart citent (contrairement aux photographes de streetstyle) les marques qu’elles portent. Ainsi, elles font la promotion de leurs coups de cœur vestimentaires auprès des internautes, d’une façon qui semble dénuée de tout aspect commercial. Qui plus est, à travers leurs photos, elles réinterprètent les pièces qu’elles portent, donnant vie aux vêtements et les mettant en avant sur des filles « normales » ce que les photos issues des défilés ne permettent pas, puisque les mannequins sont formatées pour coller aux mensurations très étroites de la haute-couture. Leur s« séquences » modes sont un moyen de redonner vie à des vêtements ou des accessoires de grandes marques, des collections précédentes ou plus anciens (dits « vintage »). Référence est faite ici à Jane Aldridge de Sea of Shoes, qui s’est fait une spécialité de présenter à ses lecteurs, des modèles de chaussures exubérants, datés des saisons et collections passées. Ces blogueuses « stylistes » mettent en scène une mode mixant à la fois pièces « bon marché » issues des friperies, des grandes chaînes de prêt-à-porter et des sites de vente en ligne, et pièces de créateurs, en particulier dès qu’il s’agit d’accessoires (sacs, chaussures, bijoux)… Cependant, ici aussi le lecteur se doit de prendre du recul vis-à-vis du contenu des billets de la blogueuse. En effet, la 17 Mel Campbell, “Eats, shoots and blogs” in The Sydney Morning Herald, 7 janvier 2009 24
  • 25. première impression qui peut se dégager, est que ces jeunes femmes ont un budget illimité pour leur garde- robe. Si dans certains cas cela est vrai (Jane Aldridge vient d’une famille très aisée), pour beaucoup d’autres blogueuses comme Géraldine Grisey de Punky B ou Betty Autier du Blog de Betty, le système D prévaut encore, même si les marques s’intéressent désormais à elles et leurs envoient des vêtements gratuitement. Elles vont dans les friperies, les grandes chaînes de prêt-à-porter, et n’hésitent pas à vendre leurs vêtements via la création de blogs « vide-dressings », associés à leurs blogs de stylisme. Qui plus est ; pour beaucoup d’entre elles, les fins de mois sont également difficiles, une réalité qui est donc bien moins glamour que les clichés qu’elles postent sur internet ! Cette partie aura donc permis d’observer sous quels aspects le blog de mode est un espace de mise en scène. Dans ces espaces de communication, on retrouve à travers le contenu que diffusent leurs auteurs ; une vraie dimension artistique, mise au service de la mode. Dans les blogs de mode, les blogueurs se mettent en scène et par là même offrent une nouvelle vision de la mode, en proposant des mises en avant des vêtements, accessoires, différentes de ce que les magazines de mode et les créateurs proposent lors des défilés de mode. Tout cela représente un véritable enjeu pour les marques de mode, dans la mesure où tout ces blogs drainent de très fortes audiences, qui sont également très réactives aux articles mis en ligne par ces auteurs. Ainsi, peut-on dire que certains blogueurs font des certaines pièces des « must-have », que dès lors, leurs lecteurs vont s’empresser d’acheter. Cette relation entre le blogueur et le lecteur est ce qui fait du lieu un lieu d’échange, et place cet espace de communication au-delà du simple journal intime. C’est donc la place du blog de mode comme lieu d’interaction qui va être évoquée en dernier point de cette première partie. 25
  • 26. 3) Le blog de mode : un lieu d’interactions Les interactions sont dans les fondements même du blog. Le blogueur écrit d’abord pour les internautes, avant d’écrire pour lui-même, comme le font les personnes qui rédigent un journal intime. Sans lecteurs ni commentaires, le blog n’a pas vraiment lieu d’exister, et si cette conversation n’existait pas entre l’auteur et les internautes, les marques ne s’intéresseraient pas aux blogs, et encore moins aux réseaux sociaux, et le marketing conversationnel n’occuperait pas la place qu’il occupe actuellement. En conséquence, la question des interactions qui existent sur un blog ne pouvait être éludée dans ce travail, et elle sera abordée à travers trois points. Tout d’abord l’interactivité au cœur des fondements même du blog de mode, puis, il sera abordé la question de la place du lecteur dans le blog, et enfin, il sera étudié l’importance des échanges sur un blog comme un des critères de mesurabilité de son influence. a. L’interactivité blogueur/ lecteur au cœur même du dynamisme du blog Ce sont les échanges entre le blogueur et ses lecteurs, et plus particulièrement leur intensité, qui font passer un blog du simple rang de « banal » à influent. En effet, à travers son blog, le blogueur de mode bâtit une communauté autour de sa personne virtuelle. Il a des fans, des gens qui le lisent religieusement à chaque post, et n’hésitent pas à répondre à ses questions. L’analyse des blogs identifiés comme « influents », révèle que les blogueurs s’adressent régulièrement, et de façon directe à leurs blogueurs. Voici quelques verbatims glanés au gré de ces analyses de discours : « Un bon week-end tout le monde ? », « Les Fringues qui disparaissent ça vous arrive ? », « Au fait merci pour tout vos bons plans ! » (Le Blog de Betty) « Vous souvenez- vous de cette fois où je vous ai parlé de ces chaussures Chloé qui sont désormais greffées à mes pieds ? », « Peut être devrais-je 26
  • 27. me teindre en blonde d’ailleurs … et porter d’énooormes boucles d’oreilles, qu’en pensez vous ? »(The Cherry Blossom Girl) «Les tendances 2009/2010, vous les maîtrisez déjà sur le bout des doigts? » « Je me suis dit que quelques clous que je n'aurais pas plantés moi-même (n'ayez pas peur!) pourraient peut être vous botter! » (Punky B) On relèvera une fois de plus les styles de langage très familier qu’emploient les blogueuses pour s’adresser à leurs lecteurs, faisant fi d’adopter une écriture littéraire, le principal étant que les articles soient compris par le plus grand monde, et surtout, fassent réagir ! De la même façon, les lecteurs sont également très réactifs à ces « apostrophes » virtuelles de la part du blogueur, et ils ne sont généralement pas avares en commentaires (entre 100 et 300 en moyenne sur ces blogs de mode influents), même si on ne leur a pas posé de question où s’il n’y a pas de débat. Aussi, cela semble-t-il intéressant de s’interroger sur le contenu des commentaires des internautes laissés sur ces blogs. Après une analyse détaillée des commentaires, sur plusieurs blogs de mode francophones et anglophones, on peut, afin d’en avoir une vision plus nette, détailler ces commentaires par typologies. « Les observateurs » : ils scrutent en détails les tenues mises en ligne par les blogueuses « stylistes » ou mises en scène à travers les clichés des « chasseurs de style ». Ils s’improvisent par le biais des photos, stylistes de mode, par le biais de la critique des tenues d’autrui, que cela soit positif ou négatif. « J’adore son look, si simple mais avec plein de détails qui tuent (d’où le titre héhé). » (Garance Doré) « J’adore ces chaussures, mais les pieds du mannequin, me font, dans un sens, très peurs ! » (Jak and Jill Blog) « J’adore son t-shirt noir et ses chaînes, ça apporte une touche de fraîcheur à sa tenue. » (The Sartorialist). 27
  • 28. « Les fans » : il s’agit ici des internautes qui, comme le nom de ce type de lecteur l’indique, apprécient les billets du blogueur. « Ta robe est très jolie, et j’adore tes cheveux, même en roux ! » (Sea of Shoes) « Un style génial, un blog génial, et pour moi tu es déjà une véritable icône de la mode malgré ton jeune âge ! » (The Style Rookie) « Tu es la personnification même de l’audace dans la mode, et pour ça, je t’admire complètement ! » (The Style Bubble) Enfin, il y a les lecteurs que l’on pourrait qualifier de « dialoguistes », puisqu’ils tentent d’entamer un dialogue avec le blogueur, parmi le flot de commentaires dans lesquels ils se trouvent. On retrouve parfois le même dialoguiste dans plusieurs blogs de mode différents (ex : l’internaute se faisant appeler MAISON CHAPLIN, laisse des commentaires de la sorte sur les blogs de Style Rookie et The Sartorialist). Ils nomment le blogueur par son prénom et répondent à ses questions telles que « j’espère que vous avez passé un bon week-end». « Merci de prendre de nos nouvelles, je vais bien, et ma mère aussi. » (The Style Rookie ). « Bonjour Garance!! Ca me fait trop plaisir de pouvoir à nouveau te lire dès le matin (merci la reprise des cours) ! Les petits détails de la vie… tout ce que je préfère ! La jeune femme est tellement belle ! Au fait, sans vouloir être pressante, tu avais dit que tu ferais un post sur les femmes enceintes qui ont croisé ta route pendant la fashion week… Suis-je trop pressée ou ce post est toujours d’actualité ? Gros bisous Garance ! ». (Garance Doré) «Te bile pas, Punky, ce look du jour est ta seconde peau, me semble t-il, .celui d'hier était plus habillé, so what? Ainsi vont les zumeurs des filles... » (Punky B) Quelles conclusions peut-on tirer de ces analyses de contenu blogueur/ lecteur et lecteur/ blogueur ? 28
  • 29. Tout d’abord que blogueurs et lecteurs adoptent la même rhétorique pour converser. On voit bien que si les blogueurs utilisent un langage familier pour s’exprimer, il en va de même de leurs lecteurs. D’autre part, la typologie des internautes laissant des commentaires sur les blogs nous permet de se rendre compte que pour beaucoup, le blogueur apparaît comme un ami, même s’ils ne l’ont jamais vu. Ainsi, et comme cela a déjà été évoqué précédemment, les blogueur est un confident avec lequel on pourrait s’installer autour d’un café pour discuter des dernières tendances de la mode. Une fois de plus, le blogueur de mode est d’abord quelqu’un qui suscite chez les internautes la confiance, et c’est confiance quasi aveugle des internautes dans les conseils mode de leurs blogueurs favoris, qui intéresse d’abord les marques de mode. Cela nous amène nous donc à aborder le dernier point de cette partie entre le blogueur et les marques de mode, quelle place occupe finalement le lecteur dans un blog de mode ? N’est-il que simple « spectateur », ou bien ses commentaires sont-ils lus par le blogueur, et si oui, ce dernier les prendt-il en compte ? b. La place du lecteur dans un blog de mode Face au blogueur de mode qui se met en scène à travers son blog, on peut s’interroger sur la place, et le rôle de son lecteur et plus largement, de son lectorat Ce que l’on dire en premier lieu, c’est que, finalement, sans lecteurs qui lisent, ou commentent les articles du blogueur, le blog n’a finalement pas lieu d’être. Car, et cela a été abordé à plusieurs reprises, le blog, à la différence d’un journal intime, et d’abord ouvert sur l’extérieur, et c’est l’avis de ce monde extérieur que recherche d’abord le blogueur de mode. En effet, on imagine bien le désarroi qu’éprouverait une blogueuse « styliste » comme Punky B/ Géraldine Grisey, si elle postait une photo d’elle, et qu’aucun internaute ne prenait la peine de la commenter. Le blogueur, et en particulier le blogueur de mode se doit d’être à la fois un minimum extraverti et narcissique, pour se mettre scène de la sorte sur son blog, que ce soit à travers ses mots, photos ou dessins. Les commentaires des 29
  • 30. lecteurs sont ainsi une forme de récompense aux efforts qu’il déploie pour plaire à son audience. Si, comme on l’a vu précédemment, le blogueur dispose de tout un panel d’outils pour mesurer de manière qualitative son audience, il ne s’agira toujours que de chiffres sans expression, et de ce fait, d’un lectorat en quelques sortes invisible. Le lecteur, parce qu’il va prendre de rédiger un commentaire sur une photo ou un dessin, de donner son avis (le plus souvent positif), permet au blogueur d’avoir une matérialisation de son « public ». Le mot « public » correspond d’ailleurs parfaitement à l’audience d’un blog de mode, dans la mesure où le blog de mode est d’abord un espace de mise en scène (voir partie 2). Le lecteur apparaît donc comme la raison d’être du blogueur de mode. C’est grâce à lui, et au bouche-à-oreille qu’il va faire auprès de ses autres amis internautes, que le lecteur va permettre au blog d’accroître sa notoriété. Cependant, et cela d’un point de vue commercial (et beaucoup plus trivial) le lecteur d’un blog de mode, est aussi un client potentiel pour toute marque citée par une blogueuse (ou un blogueur) de mode, et c’est tout là que se trouve l’enjeu pour les marques de mode. Notamment parce que le lecteur a confiance en la blogueuse, il sera beaucoup plus enclin à se laisser séduire par l’achat de tel ou tel sac ou paire de chaussures qu’il aura aperçu sur plusieurs blogs de mode influents, que s’il l’a vu dans les pages de ELLE ou de Vogue, porté par des mannequins au physique bien loin des mensurations « normales », et dans une mise en scène dans laquelle il aura certainement un peu plus de difficultés à se projeter. c. La mesure des interactions avec les lecteurs, un indicateur majeur pour les blogueurs de mode … et les marques ! Contrairement aux diaristes tels qu’Amiel, évoqué précédemment, ou même le Journal de Gide, considéré comme premier véritable journal intime à vocation littéraire, les blogueurs de mode ne cherchent pas la reconnaissance des lecteurs via leur style littéraire. Bien au contraire, leur utilisation d’un langage très familier, comme les verbatims de la partie précédente l’ont illustré, montrent bien que écrire de façon stylisée est la dernière de leur préoccupation. Le blogueur d’aujourd’hui, vit, et éprouve une reconnaissance des internautes, à travers un 30
  • 31. moyen beaucoup moins poétique : les statistiques. Philippe Amen, dont a déjà abordé le travail sur les journaux intimes et les biographies ici, parle de « narcissisme comptable ». En effet, techniquement parlant, tous les blogs sont dotés d’outils permettant de mesurer, de façon plus ou moins précise, l’audience du site, les pays d’origine des lecteurs, si ces derniers sont revenus sur le blog, tout ça au moyen d’une donnée très simple fournie par l’internaute-lecteur lui- même : l’adresse IP des ordinateurs. Elle permet ainsi de tracer le parcours des internautes sur la toile, et au blogueur, de se faire une idée plus précise de qui vient lire ou admirer ses photos et dessins de mode. Le blog calcule toutes ces données et les met en forme dans des tableaux bien connus des blogueurs. Mais ce dernier n’est pas le seul à avoir accès à ces chiffres, puisque Google propose également un service appelé « Google AdPlanner », qui, lorsque l’on rentre l’url (l’adresse internet) d’un blog, nous dresse une fiche d’identité du blog. Le test a été fait avec http://www.garancedore.fr/, et on apprend donc que le blog draine en moyenne 260 000 visiteurs par mois, dont 57 000 venus de France, qu’ils regardent deux millions deux cent milles pages par mois, avec une moyenne de 8, 5 pages par personne, et que chaque visiteur reste en moyenne 4.30 sur ce blog. Google AdPlanner nous apprend aussi que 59% des lectrices de Garance Doré sont des femmes, et qu’elles sont âgées entre 25 et 34 ans, pour 37 % d’entre elles. Elles sont également, pour 40 % ; dotées d’un diplôme universitaire. Google Adplanner, du point de vue d’un annonceur, est une vraie mine de renseignements pour mesurer l’audience d’un blog et recueillir des informations sur les lecteurs. Plus un blogueur « fait du chiffre », plus il devient intéressant pour les marques, qui pensent plus en termes quantitatifs que qualitatifs (ex : contenu des commentaires). Si ce qui va suivre est une hérésie pour les gourous du marketing tels que Seth Godin ou Chris Brogan, dont la pensée sera développée ultérieurement, pour les marques de mode et plus largement les annonceurs, un blogueur influent c’est celui qui a d’excellentes statistiques, à savoir un très fort trafic, des internautes qui reviennent plusieurs fois par semaine ( voir par jour ), et des billets qui suscitent un nombre élevé de commentaires. Ces chiffres permettent d’avoir une estimation du nombre de personnes qui seront touchées par les informations relayées par le blogueur. Mais, les interactions sur les blogs ne sont pas que questions de chiffres, et derrière le blogueur virtuel, posté derrière son clavier, il y a un être humain, tout 31
  • 32. comme le lecteur devant son écran, et les échanges entre les blogueurs de mode et leurs lecteurs, sont au cœur même du dynamisme d’un blog de mode. * ** En conséquence, cette partie aura permis de dresser un portrait complet de la figure du blogueur de mode et des spécificités du blog de mode. Ainsi, si la blogosphère « mode » est une communauté qui rassemble des férus de mode, c’est aussi une mosaïque d’individus, répartis en micro-niches thématiques. Pour les marques de mode, il est aujourd’hui nécessaire de comprendre comment dialoguer avec ces nouveaux influenceurs, dont certains ont des audiences pouvant concurrencer certains supports de la presse mode et féminine. D’autre part, et parce que le blog est d’abord un lien d’interaction, le lecteur occupe une place centrale dans le blog de mode, puisqu’il est à la fois la raison de « publier » du blogueur, mais également un enjeu crucial à séduire pour les marques de mode, dans la mesure où cet internaute est aussi un futur client. Désormais, après avoir abordé en détails la question des blogs de mode et des blogueurs, il s’agit désormais de s’intéresser à cette relation qui unit les marques aux blogueurs de mode. 32
  • 33. II. Les marques et enseignes de mode face aux blogueurs de mode Après une première partie dédiée aux blogs et blogueurs de mode, étape nécessaire puisqu’il s’agit du cœur du sujet, il s’agit désormais de se placer du point de vue des marques. Comment gèrent-elles cette montée en puissances des blogueurs dans la mode ? Comment s’adaptent-elles à cette nouvelle génération d’influenceurs qui côtoient désormais les plus grandes rédactrices de mode ? Quelles sont les stratégies qu’elles déploient pour optimiser la force de frappe de ces espaces de communication, qui sont en contact direct avec leurs clients ? Qu’il s’agisse de prêt-à-porter ou Fast Fashion comme chez H&M, ou de maison de haute- couture comme Sonia Rykiel ou Louis Vuitton, c’est tout l’univers de la mode qui a été chamboulé par la montée en puissance d’internet et du web participatif et conversationnel ( ou web 2.0). La montée en puissance des blogs et des réseaux sociaux a vu l’émergence de nouveaux influenceurs, dont les messages se révèlent être parfois plus impactants auprès des consommateurs, qu’une parution dans la presse ou de l’affichage dans les transports en commun ou sur des panneaux en 4x3. Les blogueurs ont changé la donne pour les enseignes de mode qui doivent désormais composer avec ces nouveaux acteurs, même si certaines, en particulier dans le luxe, affichaient jusqu’alors une certaine réticence à mettre en place de vraies stratégies web en dehors de leurs sites de marques, internet paraissant à leurs yeux, pas assez haut-de-gamme pour leur clientèle. Aujourd’hui, certains blogueurs sont devenus de vraies figures bien installées dans le microcosme des influenceurs de la mode, entre les rédacteurs en chef de la presse mode et les stylistes. Plusieurs points seront développés dans cette partie, afin de démontrer de la meilleure façon qu’il soit, la relation complexe qui unit les blogs et les marques de mode. En premier lieu, il sera ainsi abordé la question du blogueur de mode en tant que nouvelle source d’inspiration pour les marques de mode, puis comment les marques de mode, et plus généralement la « modosphère » ont fait des blogueurs les nouvelles icônes du « milieu », et finalement, comment entre les blogs et les marques de mode, la relation les unissant est déjà en pleine mutation. 33
  • 34. 1) Le blogueur de mode, une nouvelle source d’inspiration pour les marques de mode En février 2008, dans son supplément consacré à la Fashion Week parisienne, Le Figaro titrait l’un de ses articles « Les blogs dictent leur mode18 ». Un titre révélateur de la place prise par les blogs et les blogueurs dans la mode aujourd’hui. A tel point que si, il y a encore peu, la mannequin ou l’actrice étaient les muses de référence des créateurs, aujourd’hui la tendance change et c’est désormais le blogueur qui inspire, de plusieurs façons, le créateur. En tant que personne d’abord, mais aussi source d’inspiration grâce à un contenu original, qui fait du blog un incubateur à la fois de nouvelles idées, de tendances, mais aussi de nouveaux mannequins ! Il sera donc abordé ici les thématiques suivantes : « Quand la mode passe à l’ère du 2.0 », puis le « Blogueur comme nouvelle muse », et enfin « Les blogs de mode : des laboratoires de tendance pour les marques et enseignes de mode ». a. Quand la mode passe à l’ère du 2.0 L’expression « mode 2.0 » désigne le passage de la mode à l’ère des réseaux et médias sociaux, et des blogs. Les marques de mode s’approprient peu à peu ces outils, pour elles aussi rentrer en « conversation » avec leurs clients, mais aussi leurs fans. En effet, pour certaines maisons de haute- couture tels que Louis Vuitton ou Chanel, au vu de leurs prix pratiqués, on dénombre beaucoup de fans de leurs styles, de leurs produits, de leurs valeurs, mais qui n’ont pas forcément les moyens de s’acheter une de leurs pièces. Ce passage entraîne de profond changements chez les marques, qui ne peuvent désormais plus passer outre cette tendance, qui au fil du temps, s’inscrit comme une réalité pérenne. Désormais un simple site internet avec un e-shop ne suffit plus, il faut aller à la rencontre des fans de la marque sur internet, à travers les blogs, et les réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter, ou myspace, même si sa fréquentation est sur le déclin. D’autre part, dans la haute-couture, les marques françaises affichent un retard sur leurs voisins en matière de e-commerce. Une étude menée par le groupe XERFI sur le sujet « Distribuer des produits de luxe sur internet19 » révèle que d’ici la fin 18 Guide Le Figaro, Les blogs dictent leur mode, Caroline Rousseau, mardi 26 février 2009 Etude Percepta, groupe XERFI, « Distribuer les produits de luxe sur internet : quelles stratégies pour vendre, valoriser, le capital des marques ? », 2 janvier 20008 19 34
  • 35. 2010, l’achat de produits de luxe en ligne représentera 10% du chiffre d’affaire final des marques françaises, mais que ces dernières n’ont toujours pas bâti de véritable stratégie. Pourquoi ? Parce que beaucoup ont encore des a priori sur la nécessité d’être présent de manière stratégique sur internet. Ainsi, pour certains, vente en ligne rime avec low- cost, l’incrédulité règne sur l’acte d’achat de produits chers en ligne, et certaines marques ont peur de perdre leur territoire de marque sur internet. Un verbatim de Marc Lolivier, président de la FEVAD20, résume bien l’état d’esprit dans lequel étaient les marques de luxe jusqu’à il y a peu : « Les réticences des acteurs du luxe tenaient au côté “cheap” associé à la vente sur Internet, qu’ils jugeaient incompatible avec leur image haut de gamme ». Or, du côté des consommateurs de luxe, une étude21 révèle que 44% d’entre eux se disent plus influencés par internet dans leur acte d’achat, que par la presse (42 %), rendant internet incontournable pour les marques de mode. Par ailleurs, les études et les articles se multiplient, tendant à prouver l’influence certaine qu’ont les blogueurs de mode dans l’acte d’achat des consommateurs, qui sont aussi leurs lecteurs. Ainsi, dans un article tiré de Libération et consacré à la blogueuse Garance Doré peut-on lire « C’est lorsqu’une vendeuse lui avoue, en 2007, qu’une photo publiée sur son blog a fait exploser les ventes d’un pull, que Garance Doré réalise l’impact de son succès. ». La force du bouche-à-oreille des blogs de mode serait-elle plus forte qu’une parution dans Elle ou Vogue ? C’et peut-être ce que les marques et grandes enseignes de mode commencent peu-à- peu à réaliser, en entrant en contact directement avec ces nouveaux influenceurs de la mode. Ainsi, comme cela a pu être observé, certains marques rechignent à adopter une stratégie sur internet, d’autres marques se sont fortement investies en 2009, notamment vis-à-vis des blogueurs, voyant leurs créateurs s’engouffrer directement dans la brèche du 2.0, en érigeant parfois au rang de muse, des blogueurs de mode. C’est ce point qui va désormais être développé dans la partie qui suit : comment le blogueur de mode est passé de simple observateur et passionné de mode, à une muse pour les marques ? 20 Marc Lolivier, président de la Fédération des Entreprises de Ventes à Distance, in CONSTANS Frédéric, « Etalage de luxe sur la toile » in Dynamique Commerciale n° 109, Mai- juin 2007 21 Etude Unity Marketing 2006 35
  • 36. b. Le blogueur, une nouvelle muse pour les créateurs Comme l’ont évoqué les exemples des Fashion Week de Milan et Paris cités dans l’introduction de ce mémoire, 2009 a été un tournant pour les blogueurs de mode, qui se sont vus propulsés aux premiers rangs de l’univers de la mode. Alors que les créateurs de haute- couture aimaient s’afficher avec des actrices, des chanteurs, des starlettes, très vite il est devenu de bon ton d’avoir son blogueur « muse ». Avant d’en venir aux exemples concrets, il semble intéressant ici, de se pencher sur le concept même de « muse ». Si l’on se fie à la définition donnée par le dictionnaire TLF, « muse » désigne à l’origine les neuf filles de Zeus et Mnémosyne (déesse de la mémoire), et déesses présidant aux arts libéraux22. Néanmoins, ce sera plus la définition telle qu’elle est connue au XXe siècle, qui nous intéressera ici. Ainsi, la muse est désignée comme étant la « femme inspiratrice » d’un artiste (écrivain, peintre, musicien …). Certes, au sein de la blogosphère « mode », on notera que la muse peut aussi être un homme. Le Wall Street Journal, dans un article intitulé « Fashion’s Secret Helpers23 », met parfaitement en exergue ce nouveau phénomène. Ainsi, Kate et Laura Mulleavy, créatrices et fondatrices de la marque de prêt-à-porter Rodarte, affirment-elles avoir fait de la jeune Tavi Gevinson (The Style Rookie), leur muse car « Tavi vous fait réfléchir, à travers son blog, de manière différente, et par extension, elle vous fait voir les choses sous un autre angle. » D’autre part, et toujours pour reprendre cet article du Wall Street Journal, il apparaît qu’avec la crise, les gens pensent autrement leur façon de s’habiller, cherchant des moyens plus économiques. Les blogueurs, en mixant pièces de luxe, de prêt-à-porter et issues de friperie s’intègrent parfaitement à cette nouvelle tendance, que désormais les marques de mode ne peuvent ignorer. C’est ainsi que les blogueurs prennent peu à peu la place des rédactrices en chef, et même des mannequins, au poste de muse. Ainsi, il existe de nombreux exemples de « blogueur- muse ». Brian Yambao (Brian Boy), que l’on a déjà évoqué dans ce mémoire, a un sac que le créateur Marc Jacobs a nommé aux initiales de son blog : B.B. Mais si le blogueur inspire le créateur, il nourrit également l’égo de ce dernier, dans la mesure où Brian Yambao alimente les articles sur son blog, avec des informations 22 Les neuf Muses : Clio, muse de l'histoire; Euterpe, muse de la musique; Thalie, muse de la comédie; Melpomène, muse de la tragédie; Terpsichore, muse de la danse; Érato, muse de l'élégie; Polymnie, muse de la poésie lyrique; Uranie, muse de l'astronomie; Calliope, muse de l'éloquence: 23 Rosman Katerine, Fashion’s Secret Helpers, The Wall Street Journal, 11 septembre 2009 36
  • 37. quasi-exclusivement consacrées à Marc Jacobs et son travail pour sa marque et Louis Vuitton. On pourrait donc dire que ces deux individus se voue une forme d’admiration réciproque. Marc Jacobs a par ailleurs été l’un des premiers créateurs à s’exposer dans les médias avec un blogueur. De la même façon, les deux blogueuses « stylistes » Betty Autier (Le Blog de Betty) et Alix Bancourt ont posée pour la marque très tendance American Apparel, et elles ont été faites plus récemment encore « web- ambassadrice » par Chanel, pour leur ligne de sacs destinée à une clientèle plutôt jeune : la ligne CocoCocoon, dont l’égérie est Lily Allen. Elles ont ainsi posté sur leurs blogs, des photos d’elles, se mettant en scène avec le sac « phare » de la collection. Jane Aldridge de Sea of Shoes , a posé pour la collection Simone printemps- été 2010 de la créatrice Katie Nehra, et le témoignage de cette dernière est assez révélateur de la puissance qu’on désormais entre leurs mains les blogueurs de mode. Ainsi, il semble ici opportun de rappeler que Jane Aldridge est une jeune blogueuse de 17 ans, vivant à Trophy Club, au Texas. Ainsi, Katie Nehra, après envoyé un mail à Jane pour lui proposer d’être son égérie pour sa collection à venir, affirme se souvenir « être restée allongée et désemparée sur son lit », car elle pensait qu’elle n’aurait jamais de retour de la part de Jane Aldridge. Cette même blogueuse franchit désormais allègrement la frontière qui sépare internet de la presse papier puisqu’elle pose désormais régulièrement pour TeenVogue et d’autres publications nord-américaines destinées à un public d’adolescentes. Un exemple encore trop peu repris en France, où malgré tout, les blogueuses en tant que modèles restent cantonnées à la toile. Cependant, les exemples se multiplient sur la blogosphère, où les blogueurs, se font à la fois stylistes et modèles pour les marques de mode, de prêt-à-porter ou de luxe. Les marques commencent donc à comprendre l’impact que ces nouvelles muses peuvent avoir sur leurs clients, qui s’identifient plus dans une personne telle que Géraldine Grisey (Punky B), dont la mode est la passion, mais qui, parallèlement à ça, fera des références à son mari et à son petit garçon (comme toute « fille normale), que dans un top- model sur du papier glacé, qui reste avant tout une personne presque irréelle. Ainsi, si le passage à l’ère du 2.0, du communautaire et du participatif reste encore assez difficile pour certaines enseignes et marques de mode, pour celles qui ont entrepris une vraie démarche stratégique sur le web, le blogueur occupe 37
  • 38. désormais une place centrale dans leur communication. Modèle, styliste, le blogueur peut tout faire et fait souffler un vrai vent de nouveauté et d’innovation dans l’univers de la mode, au point de devenir une muse, une source d’inspiration pour les créateurs. Mais, il n’y a pas que sa personne qui inspire les marques, le contenu l’est également, et en particulier celui des blogs de streetstyle, ou « chasseurs de styles », tels que The Sartorialist, Facehunter ou Copenhagen Streetstyle. Avec des blogs comme ceux précédemment cités et mettant en scène, à la même enseigne, piétons inconnus, mannequins et parfois célébrités, ces blogs sont les nouveaux observatoires de tendances pour les marques et enseignes de mode, et c’est cet aspect qui va être développé dans la partie suivante. c. Les blogs : nouveaux laboratoires de tendances pour la mode Certes, la mode, et plus particulièrement la haute- couture, est d’abord une discipline artistique … Mais ce sont aussi des financiers, des commerciaux, et de manière plus triviale, du business, et l’un des objectifs des enseignes, qu’il s’agisse de Chanel ou Zara, et d’abord de faire du chiffre et donc de vendre. En conséquence, et encore plus dans un contexte économique de crise, le challenge pour les marques de mode est de créer des collections qui arriveront à toucher et séduire le plus grand nombre de clientes. C’est ainsi que l’on a vu de nombreuses maisons de haute- couture créer des lignes parallèles aux prix plus « doux », les derniers exemples en date étant Yves- Saint- Laurent et sa collection (en édition limitée tout de même) New Vintage, et Givenchy et Redux. Pour Jean- Jacques Picart, consultant en luxe et interviewé récemment dans L’Express24, "Depuis trois saisons déjà, on sentait que les collections avaient du mal à se vendre. Le public en avait assez de cette débauche d'effets spectaculaires, de mannequins, d'accessoires... La crise a précipité tout cela et a forcé les marques à changer leurs valeurs". Les blogueurs arrivent donc à point nommé dans un univers de la mode, où les créateurs semblent désormais en quête de simplicité, de « normalité », bien loin des top- models et de la mode « bling- bling ». En ce sens, leurs blogs sont des fenêtres d’observation sur les tendances qui « accrochent » les acheteurs potentiels. Ainsi, pouvait-on voir il y a peu, fleurir sur les blogs de mode, des manteaux de fourrure aux imprimés léopard, ainsi que des mitaines 24 BRUNEL C ., « Quelle mode pour l’après-crise »in L’Express, 12 novembre 2009 38
  • 39. cloutées, deux tendances qui n’apparaissait pas forcément sur les podiums des maisons de haute- couture, mais qui ont rapidement fleurit dans les grandes enseignes de prêt-à-porter telles que Zara, H&M ou Uniqlo. D’autre part, les blogs de mode sont également des laboratoires de tendances pour les marques de mode, car leurs auteurs ont souvent un regard très critique sur les dernières collections des créateurs, n’hésitant pas à afficher soit leur coup de cœur pour certaines pièces (la dernière en date semblant être les chaussures de la marque Chloé, de la dernière collection automne- hier, présentes sur tous les blogs de mode ), soit leurs critiques ( ainsi peut- on lire sur le blog de Tavi Gevinson, à propose de Burberry, qu’elle n’a jamais vraiment adhéré au style bien trop classique de la maison, et que leur dernier défilé n’est pas fait pour arranger les choses … ). Le blog de mode est un laboratoire de tendances, car ses auteurs, par leur travail de veille évoqué dans la partie une de ce travail, mettent parfois en avant des labels peu connus du grand public, mais parce qu’ils emploient aussi des outils comme les planches d’humeur, qui permettent d’avoir un aperçu de ce qui inspirent ces passionnés de la mode, avant tout dénicheurs de tendances. Enfin, les blogs de mode sont des laboratoires de tendances pour les marques et les créateurs, car ils mettent également en scène le « piéton », l’anonyme, qui peut parfois sembler bien loin de l’univers de la mode (même si au final cela est rarement le cas, comme cela a été observé en partie une de ce travail). Chaque modèle pris en photo dégage son propre style, et tous forment une vaste base de données du style de la rue, que ce soit à Melbourne, Paris ou Rio de Janeiro. C’est une grande source d’inspiration pour tous les créateurs, qui voient à travers ces blogs, des individus qui s’habillent avec goût sans pour autant faire attention aux marques, et qui découvrent que les podiums peuvent aussi être les trottoirs en macadam des grandes métropoles aux quatre coins du monde. Les blogs de streetstyle prouvent que l’allure et l’élégance se trouvent partout. Si les marques et enseignes de mode ont mis du temps à se mettre à internet et à développer de vraies stratégies sur ce média, aujourd’hui, beaucoup d’entre elles se sont engouffrées dans la brèche. Face à la montée en puissance des blogueurs, les marques de mode ont dû trouver de nouvelles manières de travailler avec ces internautes influents, allant parfois même jusqu’à en faire des muses. Mais ce n’est pas uniquement le blogueur qui suscite l’intérêt des 39
  • 40. marques, mais aussi son contenu, puisque ces tendanceurs proposent à travers leurs billets une vraie vision des tendances de la « rue », et ce parfois au sens premier du terme, comme en témoigne le succès des blogs de streetstyle. Parce qu’ils occupent une place prépondérante dans les médias, et parce qu’ils sont aujourd’hui les figures de proue de la blogosphère mode, il semblait nécessaire dans ce mémoire, de traiter plus en détails des liens qui unissent marques et enseignes de mode, et les blogueurs identifiés comme « chasseurs de styles ». C’est le sujet qui va être abordé dans la partie qui suit. 2) Les marques de mode et les blogueurs : focus sur les « chasseurs de style » « Streetstyle » voilà un mot que l’on retrouve aujourd’hui sur tous les sites de mode et dans les pages des magazines. Lors de la Fashion Week parisienne du mois d’octobre, Elle titrait « de la femme streetstyle aux défilés de mode ». De la même façon, Kirsty Munro, dans The Sydney Morning Herald le 14 août 2008, consacrait une double page aux blogueurs « chasseurs de style » (ou « The style hunters » dans le texte), et Mel Campbell, en janvier 2009 et dans le même support, publiait « Eat, shoots and blogs. » et Le Figaro titrait il y a peu encore « Le streetstyle, esperanto de la blogosphère ». Avec près de 150 000 visiteurs par jour, Scott Schuman est sans conteste le roi des blogs de streetstyle et plus généralement, des blogs de mode. Parce que ces blogueurs et leurs photos, sont désormais partout, et qu’ils sont les cœurs de cible des marques et enseignes de mode, il paraissait nécessaire d’étudier plus en détails leur place dans la blogosphère mode, ainsi que leur relation avec les marques, et enfin de quelle façon ils arrivent (ou pas ) à conserver leurs indépendance, une des clefs du succès de la réussite de leurs blogs. C’est donc ces trois points qui seront abordés dans cette partie. 40
  • 41. a. Le « blogueur roi » : le chasseur de style Garance Doré, The Sartorialist, Jak and Jill, The Cobrasnake, The Facehunter … Autant de noms qui, s’ils ne disent rien à l’internaute « lambda », font frémir de plaisir les férus de mode aux quatre coins du globe. Ces blogueurs, apparus entre 2005 et 2006 pour les précurseurs (Scott Schuman The Sartorialist, et Yvan Rodic, Facehunter ) se sont fait connaître par leurs clichés de piétons qui, à leurs yeux ont « quelque chose » en plus. Ces photographes de mode, qui jusqu’il y a peu, prenaient leurs photos avec des appareils photos numériques « classiques », transforment les trottoirs de capitales en podium. Cela semble important de le préciser, mais si ces blogueurs photographes traversent le globe de part en part à la recherche du « style », et de la meilleure mise en scène par la rue des tendances les plus pointues de la mode, il n’en reste pas moins que leurs domaines de chasse de prédilection restent les quatre capitales de la mode : Londres, New- York, Paris, Milan. D’autre part, aucun de ces blogueurs n’a été formé professionnellement à la photographie, et c’est peut- être parce qu’ils ont proposé un regard original sur la mode, qu’ils ont rapidement séduit les internautes, sûrement des séries modes parfois trop conceptuelles de certains magazines. D’autre part, si ces chasseurs de style recherchent d’abord de la spontanéité dans leurs clichés, s’ils cherchent à humaniser les photos de mode, il n’empêche qu’une analyse sémiologique de leurs photos révèle qu’ils font poser ces piétons « anonymes » comme des mannequins. Comme cela a été évoqué en partie une de ce mémoire, ces blogueurs photographes mettent en scène à la fois leur sujet et l’univers qui l’entoure. Ainsi, si l’on regarde les clichés de The Sartorialist ou de Garance Doré pris à Paris, l’internaute pourrait avoir le sentiment que la capitale française ne se résume qu’à St- Germain-des-Prés et le Canal St Martin, tout comme Londres ne serait que Notting Hill. La lecture d’articles consacrés au streetstyle25 (et ils sont nombreux), révèle, également que même si l’objectif est de mettre en scène une variété de personnalités, de profils, quand on se penche plus en détails sur ces « mannequins d’un jour », on s’aperçoit que bien souvent, les personnes repérées par ces chasseurs de style, on souvent de près ou de loin, un pied dans la mode. L’intervention de Garance Doré dans Le Guide du Figaro dédié à la Fashion Week 25 ROUSSEAU C., Les blogs dictent leur mode, Guide Le Figaro, mardi 26 février 2009, Paris 41
  • 42. Automne Hiver 2009, résumé assez bien ce phénomène : « Quand je tombe sur quelqu’un que j’ai envie de photographier, j’échange d’abord quelques mots pour expliquer ma démarche, et demander si il ou elle accepte de se prêter au jeu. La plupart du temps, je m’aperçois que le plus souvent, il s’agit d’une personne qui travaille de près ou de loin dans la mode … ». De la même façon, on note parmi tous les modèles photographiés par Scott Schuman ou Mark Hunter, des célébrités, qu’il s’agisse de mannequins, actrices ou rédactrices de mode. Ces personnalités passent inaperçues dans le flot des inconnus repérés et immortalisés par ces blogueurs, et aussi connues ces personnes soient- elles, il n’y a pas de différence de traitement. Les blogueurs de mode ne donnent pas l’identité des gens sur leurs photos, ou bien uniquement leur prénom, les rendant peu identifiables, sauf pour un œil averti et connaisseur des personnalités du microcosme de la mode Au fil du temps, les chasseurs de style sont devenus les figures de proue de la blogosphère mode, leur travail ayant rapidement été relayé par la presse et les sites internet féminins, dédiés à la mode, mais également généralistes. En parallèle, ce regain d’intérêt et les statistiques vertigineuses que ces blogueurs ont rapidement affiché, ont également très vite attiré les marques et enseignes de mode, faisant de ces blogueurs, des personnalités convoités… et copiées ! Ce sont ces deux aspects qui vont être développés dans la partie qui va suivre b. Des blogueurs convoités et copiés Très rapidement, les blogs de streetstyle ont rassemblé une très forte audience venue du monde entier, et aujourd’hui, The Sartorialist peut compter jusqu’à 200 000 visiteurs par jour sur son blog, tout comme The Face Hunter et Garance Doré et leurs quelques 6 000 internautes quotidiens. Cette façon qu’ont ces blogueurs- photographes de mettre en scène la rue, est très vite devenu un succès auprès du grand public, mais également auprès des professionnels de la mode, qui , comme cela a été évoqué précédemment, ont trouvé dans ces sites une véritable source d’inspiration tant au niveau des tenues portés par ces mannequins d’un nouveau genre, que dans la forme même de ces photos, basées 42
  • 43. sur une apparente spontanéité ( le blogueur arrête quelqu’un dans la rue, et le prend en photo sur place). Très exposés médiatiquement, ces blogueurs ont très vite attiré les enseignes et marques de mode, qui leur ont rapidement proposé de travailler avec elles. Scott Schuman est l’exemple type de cette voie vers la professionnalisation. Les marques, plutôt que de copier ou singer la spontanéité des clichés de ces blogueurs, ont donc directement fait appel à eux, et c’est ainsi qu’en février 2009, Scott Schuman a signé la campagne de publicité pour la marque de jeans américaine DKNY, qu’il a également crée un microsite pour la marque newyorkaise de chemises haut-de-gamme GANT, mettant en scène à la façon de son blog, dix new- yorkais à la pointe de la mode, et fans de ces chemises. Mais il n’est pas le seul à être approché par les enseignes de mode pour collaborer avec elles. Ainsi, Garance Doré a-t-elle imaginé une collection pour GAP, en créant des t-shirts reprenant ses illustrations de jeunes femmes. Elle a aussi signé une campagne de publicité pour la maison Céline et sa collection de vêtements de sport pour femmes, intitulée « Bicyclette », toujours basée sur ses illustrations. De la même façon, si aujourd’hui on retrouve dans de nombreux médias féminins des pages de streetstyle signées par des journalistes « internes » au journal, d’autres supports choisissent une fois de plus de faire directement appel à un blogueur, à l’exemple de Vogue.com, qui a nommé Garance Doré responsable de la rubrique « Une fille, un style ». Enfin, et même s’il ne s’agit pas de blogueurs de streetstyle à proprement parler, mais de blogueuses « stylistes », l’hebdomadaire ELLE fait régulièrement appel à la caution « blogueuse de mode » dans ses articles. A ce propos, le numéro « spécial mode » de la semaine du 28 août 2009 est particulièrement éloquent, avec pas moins de six citations de blogueuses, parmi lesquelles Tavi Gevinson (The Style Rookie), Géraldine Grisey (Punky B), et un best-of des « fashion blogueuses », qui présentent leurs pièces modes favorites de la rentrée. Ces exemples illustrent donc parfaitement, à la fois l’influence qu’ont désormais les blogueurs de mode spécialisés dans le streetstyle dans l’univers de la mode, mais pas uniquement auprès des marques mais aussi des grands médias féminins et de la presse spécialisée « mode ». 43