Résultats de la seconde vague du baromètre de la santé connectée 2024
Tech
1. L’éco-conception
des actes et des soins
Olivier Toma
Fondateur de l’agence Primum non nocere, filiale d’expertise
du Comité pour le développement durable en santé (C2DS)
L
’éco-conception est l’expression désignant la volonté de
concevoir des produits ou des services en respectant
les principes de développement durable.
L’éco-conception est une démarche valorisante qui consiste
à prendre en compte les questions environnementales dans
L’essentiel Eco-concevoir un soin ou un acte suppose
d’entreprendre une démarche globale qui
pousse à s’intéresser à la fois à sa conception,
sa fabrication, sa distribution, son utilisation,
et sa valorisation en fin de vie. Mais comment
mettre en œuvre concrètement l’éco-concep
tion dans les établissements de santé? L’enjeu
pour ces derniers est majeur. La jurisprudence
environnementale nous alerte sur les risques
financiers et d’image relatifs aux préjudices
environnementaux que les activités de santé
peuvent générer. Plus profondément, s’enga
ger dans une démarche responsable est une
façon pour les organisations d’éviter la perte
de sens au travail et le burn-out, nouveau mal
du siècle. La RSE est aussi un formidable vec-
teurde communication, de motivation etd ’in-
novation.
Mots-clés: empreinte écologique
et énergétique, bilan carbone,
environnement, RSE, burn-out,
développement durable.
toutes les étapes du cycle de vie d'un produit ou d’un service :
la conception, la fabrication, la distribution, l’utilisation, la
valorisation en fin de vie.
Eco concevoir un soin, c’est maîtriser l’empreinte écologique
et énergétique d’un soin. C’est une clef pour décarboner le
secteur de la santé. Ce principe n’est pas encore appliqué dans
les services de santé, mais représente à notre sens, une voie
d’innovation et de progrès incontestable. Nous sommes dans
la période de gestation de cette vision nouvelle de la concep
tion et de la réalisation des soins en France. 11 faudra certaine
ment 3 à 4 ans, pour la rendre implicite, mais l’enjeu est tel en
termes de santé publique que nous nous devons d’y réfléchir.
Eco concevoir un soin, c’est avant tout connaître précisément
toutes les ressources utilisées pour sa réalisation, identifier, les
impacts environnementaux et sanitaires qu’il génère, analyser
toutes les alternatives et enfin, imaginer à chaque étape la pré
vention à mettre en œuvre pour éviter la maladie, par toutes
les actions possibles de promotion de la santé. Cette démarche
assure une utilisation efficace des ressources naturelles et la
minimisation des impacts environnementaux ainsi qu’une
mise en place harmonieuse de la politique environnementale
de l'organisation. Elle s’accompagne inéluctablement d’une
veille juridique active pour anticiper les évolutions nécessaires
mais agit aussi en proposant des adaptations législatives qui
permettrait des avancées significatives sur la diminution de
ces impacts. Les produits d’entretien, les produits et tech
niques de stérilisation, le nettoyage « vapeur », sont autant de
sujets qui méritent études et évaluations, car leur utilisation
peut participer ou non à l’émergence de nouvelles maladies.
Les bactéries multirésistantes (BMR) sont un fléau aux Etats-
Unis, et très certainement chez nous aussi très vite, si l’on
ne prend pas garde aux quantités astronomiques de produits
chimiques que l’on utilise tous les jours et parfois de manière
inutile.
Tous droits de reproduction réservés
PAYS :France
PAGE(S) :25-26
SURFACE :172 %
PERIODICITE :Bimestriel
JOURNALISTE :Olivier Toma
1 novembre 2020 - N°785
2. Prenons un exemple précis sur la réalisation d’un acte chirur
gical.
Eco concevoir les soins relatifs à cet acte, c’est connaître le
cycle de vie des « consommables » utilisés et réaliser le bilan
des ressources en énergie, en matière première et en eau.
C’est aussi identifier tous les déchets que ce geste impose,
les cartons d’emballage, les films plastiques, les palettes, les
flacons, les dispositifs médicaux à usages uniques, etc. C’est,
sans aucun doute, travailler avec les industriels, les centrales
d’achat pour référencer des produits moins impactants. C’est
également assurer le bilan carbone de ces produits, connaître
les émissions de gaz à effet de serre générées par le transport
de ces diverses marchandises et travailler avec les industriels
et les transporteurs à la diminution de ces impacts. C’est aussi
analyser la quantité de médicaments utilisés, tant pour l’acte,
lui-même, les soins, l’anesthésie et les soins postopératoires.
Puis, c’est d’analyser la consommation de molécules médica
menteuses et d’élaborer un plan de réduction des consomma
tions ou choisir un indice PBT plus faible (cet indice utilisé
en Norvège classe les médicaments de 0 à 9, en fonction de
leur toxicité, leur bio accumulation et leur persistance dans
l’environnement). Ce peut être aussi de travailler avec les pra
ticiens pour analyser les gestes et limiter au maximum l’expo
sition aux risques en termes d’infection nosocomiale, tout en
réduisant l’usage unique.
L’éco-conception des soins en pratique
La dialyse génère près de 4 kg de Dasri et 400 litres d’eau par
séance, de multiples transports... La chirurgie de la cataracte,
avec 650 000 interventions par an en France représente autant
d’émissions de CO2 qu’un avion qui ferait 400 fois le tour de la
Terre. Il y a dix ans déjà, un chirurgien décidait de faire réaliser
un diagnostic « déchets et émissions de CO2 » sur l’activité de
chirurgie de la cataracte. Les résultats de l’étude sont très inté
ressants, à deux titres. Ils permettent de prendre conscience
de nos impacts en tant que professionnels de santé et de trou
ver les solutions réduisant nos impacts, pour donner plus de
sens à nos actions. Au final de cette étude sur une année, ce
sont pour chaque patient opéré et pour une seule opération. :
♦ 1,5 kg de déchets d’activité de soins qui doivent être trans
portés et incinérés,
• 830 grammes d'ordures ménagères
• 340 grammes de cartons
• 63 kWh d’électricité
♦ 124 litres d’eau consommée
♦ 17,45 kg de CO2
Cette analyse permet de prendre conscience des enjeux et
permet grâce à un travail en équipe, d’exercer la créativité de
chacun pour diminuer de 20 % nos impacts. C’est un défi pour
les professionnels et les établissements de santé.
Eco concevoir les soins, c’est assurer aujourd’hui une méde
cine de qualité à moindre impact mais aussi garantir une santé
préservée pour les générations futures.
LA RSE dernier rempart face au burn-out
La crise Covid remet en question individuellement et collec
tivement nos organisations. Ce ne fut pas un court épisode
voyant rejaillir en quelques jours les mauvaises habitudes. Au
contraire dans cette crise qui s’installe, la remise en question
est profonde.
Tous nos anciens modèles explosent, ce qui semblait impos
sible devient réalisable, et nous inventons tous des solutions
nouvelles, partout. Certaines font déjà des émules (télétra
vail, réunion en mode « phygital », suppression de quantité de
réunions chronophages et souvent inutiles, cohésion entre les
équipes, innovations technologiques, recentrage sur l’essen
tiel. ..), d’autres seront des paliers vers d’autres modes d’orga
nisation (déplacements en avion, grands évènements publics,
relocalisations des productions, large prise en considération
de la sécurité sanitaire et environnementale...).
La RSE redonne du sens, elle permet de se recentrer sur la rai
son d’être d’un individu ou d’une organisation pour prendre
le recul nécessaire à sa mise en œuvre effective. La planète
entière étant au même moment dans cette reconsidération
générale c’est le moment de s’allier, de partager, d’inventer
et de vivre une gouvernance partagée et collective, source
de responsabilité et d’autonomie accrue de tous les acteurs...
Le mal-être généralisé qui devrait nous inciter à booster la
qualité de vie au travail ou plus simplement la qualité de vie
devient l’objectif pour les organisations les plus visionnaires.
Le burn-out, nouveau mal du siècle dont on ne parlait pas il
y a 20 ans est dû, certes, à une trop grande quantité de tra
vail de plus en plus rapide, avec l’explosion actuelle et à venir
de l’information, d’internet et des réseaux sociaux. Mais c’est
aussi et surtout, une perte de repères, et une volonté farouche
de retrouver des valeurs et des organisations qui les portent.
D’une part la RSE est le dernier rempart au burn-out, mais
c’est aussi le meilleur vecteur de communication, de moti
vation et d’innovation pour les organisations quelle que soit
leur nature, entreprises, associations administrations et col
lectivités publiques.
Le temps de la disruption est là, emparons-nous de cette crise,
ne la subissons pas, rêvons et mettons en œuvre notre lende
main et celui des générations à venir.
Cette crise sera une chance, à nous de savoir la saisir pour
participer à créer un monde plus noble. ■
Tous droits de reproduction réservés
PAYS :France
PAGE(S) :25-26
SURFACE :172 %
PERIODICITE :Bimestriel
JOURNALISTE :Olivier Toma
1 novembre 2020 - N°785