3. Le syndrome métabolique : son épidémiologie et ses risques S251
de l’obésité dans les différents groupes ethniques. Les présents chez une personne est important, plus le risque
Indiens d’Asie, par exemple, requièrent beaucoup moins est élevé [15]. C’est une étude réalisée en Finlande qui,
d’excès de graisse pour développer un diabète de type 2 la première, a pu établir la démonstration d’un surcroit
par rapport à la population caucasienne moyenne [9]. substantiel (risque relatif 3,55) de décès cardiovasculai-
res chez les hommes porteurs d’un SM [16]. Récemment,
une étude prospective Française [17] a été réalisée sur
Épidémiologie une cohorte de 40 000 hommes et 20 000 femmes ayant
eu un examen de santé entre 1999 et 2002. Au terme
d’un suivi moyen de 3,5 années, l’existence d’un SM
La prévalence du SM dépend de la définition retenue était associée à un sur-risque de mortalité totale de 30 à
[10], mais aussi des caractéristiques de la population 79 p. cent (selon la définition du SM utilisée). La triade
considérée, que ce soit l’ethnie, le sexe, l’âge et l’in- la plus péjorative était l’association chez un individu
dice de masse corporelle. En particulier, la prévalence
d’un tour de taille supérieur à la normale, d’une glycé-
augmente considérablement avec l’âge (de moins de
mie élevée et d’une pression artérielle élevée ou d’une
10 p. cent avant 30 ans à plus de 40 p. cent après 60 ans)
hypertriglycéridémie.
et avec l’excès de poids (de moins de 10 p. cent chez les
sujets avec poids normal à plus de 50 p. cent chez les
sujets obèses). Force est cependant de reconnaître que
le SM touche de plus en plus de sujets jeunes, y compris
Impact péjoratif dans la population générale
des enfants et des adolescents, précisément en raison
De nombreuses études [14] ont montré que les sujets
de l’augmentation de la prévalence de l’obésité dans
cette population [11]. Au-delà des données globales de atteints du syndrome métabolique présentent un risque
prévalence du SM au sein de différentes populations, accru de développer une maladie cardiovasculaire. Le
c’est l’analyse détaillée des différentes composantes de degré de risque varie, selon la population étudiée et la
ce syndrome qui permet de mieux appréhender certains définition utilisée. Si l’on utilise les critères du NCEP
particularismes. Ainsi, aux États-Unis, c’est l’obésité ATP III, le risque accru de morbidité et de mortalité car-
abdominale qui est le principal contributeur du SM, diovasculaire se situe dans un éventail de 1,5 à 4,6. Par
alors qu’en France et en Europe, c’est l’hypertension exemple, dans l’analyse du NHANES III, il est apparu que
artérielle (HTA) qui est le paramètre le plus fréquem- le syndrome métabolique est associé à un risque deux fois
ment retrouvé [12]. Ces nuances sont importantes car plus élevé d’infarctus du myocarde (IM) et d’accident vas-
elles sous-entendent des profils de populations incons- culaire cérébral (AVC) [18]. Cette constatation ne devrait
tamment comparables, pouvant conduire à des axes pas susciter une grande surprise, étant donné que de
d’intervention différents selon les pays. nombreuses composantes du syndrome sont des facteurs
Étant donné l’absence de définition universellement du risque cardiovasculaire indépendants bien connus.
acceptée du syndrome métabolique, les estimations de Des travaux ont tenté de déterminer, en les comparant,
sa prévalence varient. Une revue détaillée a rapporté dans quelle mesure le syndrome métabolique et le score
que la prévalence pour les hommes était aussi faible de risque de Framingham permettaient de prédire la
que 8 p. cent en Inde et aussi élevée que 24 p. cent aux survenue de maladies cardiovasculaires en les comparant.
États-Unis [13]. Pour les femmes, on a également noté Bien que le syndrome métabolique puisse être un meilleur
une variation marquée de la prévalence, allant d’un prédicteur de la survenue ultérieure d’un diabète, dans
taux aussi faible que 7 p. cent en France à un taux aussi la plupart des études publiées, il n’était pas un aussi bon
élevé que 43 p. cent en Iran. Les données du registre prédicteur des événements coronariens futurs que le score
NHANES III démontrent une prévalence du SM plus forte de Framingham [19-21]. Lorsque le SM est ajouté au score
chez les Mexicains-Américains par rapport à la moyenne
de risque de Framingham, il n’a pas fourni une valeur
nationale (32 p. cent vs 22 p. cent respectivement)
prédictive additionnelle [19]. De plus, l’analyse effectuée
[1]. De plus, cette enquête illustre que cette maladie
dans la San Antonio Heart Study a permis de constater
est associée au vieillissement, plus de 40 p. cent des
qu’il était associé à un taux de 34 p. cent de prédiction
sujets âgés de plus de 60 ans répondant aux critères du
faussement positive de maladie cardiovasculaire [20].
syndrome métabolique.
L’infériorité du SM en termes de prédiction de la morbidité
cardiovasculaire peut s’expliquer aisément : première-
ment, le SM n’intègre pas plusieurs facteurs majeurs du
Risque cardiovasculaire du syndrome risque cardiovasculaire tels que l’âge, le sexe et le statut
métabolique tabagique. De plus, le caractère continu de l’association
entre le risque cardiovasculaire et certains paramètres
Un certain nombre d’études confirment le lien existant comme la pression artérielle et le taux de LDL n’est pas
entre le syndrome métabolique et les troubles cardio- pris en compte par la caractérisation dichotomique de ces
vasculaires. Les conclusions sont identiques qu’il s’agisse critères dans les définitions du SM. Enfin, le rôle péjoratif
d’études transversales, ou d’études longitudinales. Le SM indépendant des triglycérides, mis en valeur par le SM, n’a
double le risque de développer des maladies cardiovascu- pas toujours été prouvé dans les études épidémiologiques
laires [14] ; plus le nombre de composants du syndrome prospectives.
4. S252 D. Lameira et al.
Impact péjoratif au sein de populations Les enjeux de santé publique
spécifiques
Plusieurs travaux se sont intéressés à l’impact péjoratif L’importance d’une maladie est déterminée non seulement
additionnel de l’existence d’un SM chez un individu por- par son risque associé, mais aussi par sa fréquence. Les
teur d’un facteur du risque cardiovasculaire authentifié, mesures récentes de la prévalence du syndrome métabo-
tel que l’HTA ou le diabète. La prévalence du SM est de lique ont varié considérablement selon sa définition et la
l’ordre de 30 p. cent au sein d’une population d’hyper- population étudiée. Néanmoins, la majorité des chiffres
tendus, et ce taux est relativement constant dans le situent sa prévalence entre 15 p. cent et 30 p. cent. Dans
cette fourchette, les taux semblent plus élevés pour les
Monde [22-24], à l’opposé de ce qui est contesté dans la
populations caucasiennes et les personnes plus âgées, mais
population générale. L’existence d’un SM confère à l’hy-
aucune communauté ne semble épargnée par le syndrome
pertendu un surcroit d’atteinte des organes cibles telles
métabolique. Il est certain que la hausse des taux d’obésité
que l’hypertrophie ventriculaire gauche [25-27], la rigidité accentuera encore la prévalence, et donc la charge, du
artérielle [28], et un excès de risque de morbi-mortalité syndrome métabolique.
cardiovasculaire [23,29]. La prise en charge de ce syndrome doit rester axée sur la
À l’inverse, et fort logiquement, le SM est très fré- prévention primaire, en encourageant de manière soutenue
quemment retrouvé chez les diabétiques de type 2, et la modification des habitudes de vie, avec pour objectif une
sa présence n’est pas informative en terme de sur-risque réduction modérée et maintenue dans le temps du surpoids
cardiovasculaire [30,31]. et du tour de taille, et le maintien d’une activité physique
régulière. À ce jour, aucune approche pharmacologique
n’a démontré une efficacité similaire ou un effet durable
Limites et controverses comparables à ceux observés chez les sujets ayant adopté
une hygiène de vie appropriée.
Certains investigateurs ne sont pas entièrement convaincus
que le syndrome métabolique, tel qu’il est défini, réponde
aux critères jugés nécessaires pour le qualifier de syndrome. Les auteurs de cet article n’ont déclaré aucun conflit
Dans une déclaration conjointe [32], l’American Diabetes d’intérêts.
Association et l’Association européenne pour l’étude du dia-
bète ont dénigré la valeur diagnostique de cette affection.
Ces groupes ont avancé que les critères actuels, n’imposant
pas la démonstration d’une authentique insulinorésistance, Références
privilégiaient un phénotype basé sur des seuils arbitraires.
De plus, ces groupes craignent un diagnostic de « maladie [1] Ford ES, Giles WH, Dietz WH. Prevalence of the metabolic syn-
présumée » chez des millions de sujets, avec la tentation drome among US adults. Finding from the third national health
d’une approche pharmacologique dont le rationnel médico- and nutrition examination survey. JAMA 2002;287:356-9.
[2] Bataille V, Perret B, Dallongeville J, Arveiler D, Yarnell J,
économique et l’efficacité à moyen terme restent encore Ducimetière P, et al. Metabolic syndrome and coronary
à démontrer. Enfin, il n’existe pas de consensus définitif heart disease risk in a population-based study of mid-
pour affirmer que le SM est un marqueur utile de risque dle-aged men from France and Northern Ireland. A nested
cardiovasculaire au-delà du risque associé à ses composan- case-control study from the PRIME cohort. Diabetes Metab
tes individuelles. Bien que ces critiques soient en partie 2006;32 (5Pt 1):475-9.
compréhensibles, l’objectif du diagnostic de SM est d’atti- [3] Dallongeville J, Cottel D, Arveiler D, Tauber JP, Bingham A,
Wagner A, et al. The association of metabolic disorders with
rer l’attention et de rappeler aux cliniciens la faisabilité et
the metabolic syndrome is different in men and women. Ann
l’intérêt majeur d’un dépistage, au sein d’une population Nutr Metab 2004;48:43-50.
apparemment bien portante, des sujets à haut risque de [4] Bauduceau B, Baigts F, Bordier L, Burnat P, Ceppa F, Dume-
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cardiovasculaires. De nombreuses personnes atteintes du [7] National Cholesterol Education Program (NCEP) expert panel
syndrome métabolique sont déjà atteintes de diabète de on detection, evaluation, and treatment of high blood cho-
type 2. Pour les personnes atteintes du SM, le risque de lesterol in adults (Adult Treatment Panel III). Third report of
the national cholesterol education program expert panel on
développer le diabète de type 2 est particulièrement élevé
detection evaluation and treatment of high blood cholesterol
(risque relatif de l’ordre de 3) [33,34], en particulier chez in adults (Adult Treatment Panel III) final report. Circulation
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