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L’avènement de la validation des acquis de formation
en France et en Europe :
Les fonctions dévolues au portefeuille de compétences et d’expériences,
Enjeux pour l’Université et la société.
Daniel Dufourt
GREPH
Janvier 2011
2
AVERTISSEMENT
Enseignant-chercheur au Groupe de recherche en
épistémologie politique et historique, rattaché à l’équipe d’accueil LEPS dans le
cadre du quadriennal 2007-2010, j’ai été amené à prendre part aux activités
de l’école doctorale EPIC. Les échanges nourris avec mes collègues des
sciences de l’éducation et la qualité de l’accueil de son directeur, André
Robert, m’ont incité à chercher à identifier les logiques sous-jacentes au
processus de Bologne, d’une part, et, d’autre part, à la politique européenne
de formation tout au long de la vie, laquelle revêt dans la « stratégie de
Lisbonne » un caractère essentiel.
Gilles Pollet, directeur de Sciences-Po Lyon, m’ayant fort
opportunément proposé de donner une dimension opérationnelle à ces
analyses et à en tirer des enseignements au bénéfice de la communauté
éducative de l’établissement, les résultats du travail entrepris sont présentés
sous forme d’un rapport et de deux annexes.
Pour finir, il me faut remercier encore l’UMR Education,
Culture et politiques et les organisateurs du récent colloque des 6 et 7
janvier 2011 qui ont su intégrer dans les projets scientifiques en discussion,
les questions relatives à la pédagogie numérique et à ses rétroactions sur les
conceptions et pratiques éducatives.
Daniel Dufourt
Professeur de Sciences économiques
à
l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon
3
Le portefeuille
d’expériences et de compétences.
Instrument de repérage et de
mise en valeur des acquis de la formation
et des recherches accomplies à Sciences-Po Lyon
Rapport de Mission
Daniel Dufourt
Professeur de Sciences Economiques
Octobre 2010
4
Avant Propos
Par arrêté en date du 15 avril 2010, le professeur Gilles Pollet, Directeur de
SciencesPo-Lyon a bien voulu me confier une mission visant « la réalisation d’un rapport
portant sur les applications possibles, au sein de l’IEP de Lyon, des outils destinés à favoriser
la transparence et la reconnaissance des compétences et des qualifications de nos étudiants et
diplômés (passeport formation et portfolio numérique notamment) »
Le rapport présenté ci-après s’inscrit dans le prolongement de deux types
d’interrogations : celles exprimées dans le rapport Hetzel quant à l’insertion professionnelle
des étudiants et celles évoquées par Patrick Chevalier quant au succès et enjeux du recours à
cette fin, dans l’enseignement supérieur, au portefeuille numérique d’expériences et de
compétences.
Le 24 octobre 2006, Patrick Hetzel, recteur de l’académie de Limoges présentait
en Sorbonne le résultat des travaux de la Commission du débat national Université-Emploi.
Le rapport remis aux pouvoirs publics précise dès la page 9 qu’«il s’agit de tout mettre en oeuvre
pour que la situation actuelle où bon nombre d’étudiants se retrouvent seuls face à la fois à l’université et au
monde du travail, seuls pour faire le pont entre ces deux mondes, se modifie. Il convient de proposer aux
étudiants un passage progressif de l’université vers le monde du travail en passant d’une vision où le diplôme
est considéré comme un couperet à une vision où le monde de l’emploi est progressivement intégré dans les
différents cursus. Ou pour le formuler encore autrement, plutôt que d’avoir une vision dichotomique où
l’étudiant acquiert d’abord un diplôme et va ensuite vers le monde du travail, notre commission préconise une
évolution paradigmatique où la question de l’insertion professionnelle serait prise en charge plus en amont
dans les cursus universitaires permettant ainsi une démarche moins brutale, nettement plus progressive vers
l’emploi. » Quelque temps auparavant, P. Chevalier1
présentait ainsi, à l’occasion d’un
séminaire de l’AMUE, les enjeux du portfolio numérique :
« - prise en compte du projet personnel dans l'activité pédagogique (l'existence de ce projet et la réflexion
sur les acquisitions en lien avec lui sont moteurs au plan pédagogique) ;
- respect de la personne (elle détient les informations sur elle-même et peut décider de l'image qu'elle
présente à l'extérieur) ;
- globalité de l'approche compétences et connaissances (les diplômes sont complétés par les réalisations et
l'expérience et l'activité sociale peut avoir un très grand intérêt pour l'activité académique ou
professionnelle)
1
Directeur R & D, EifEL European Institute for E-Learning et professeur associé à l’Université Lille 1.
5
- continuité du développement personnel dans les différents secteurs, depuis l'école jusqu'à la fin d'activité
(la formation tout au long de la vie, la validation des acquis de l'expérience deviennent davantage que des
slogans)… » 2
Le rapport présenté ci-après s’inscrit dans le prolongement des préoccupations
exprimées dans le rapport HETZEL et des innovations de toute nature qu’introduit dans
les cursus universitaires la prise en compte des potentialités offertes par le portefeuille
numérique au regard de la future insertion professionnelle des étudiants. Dans toute la
mesure du possible, il s’est efforcé de tirer parti des expériences étrangères (en Europe et
dans le reste du monde) et du bilan synthétique des expériences françaises en cours.
Lyon, Le 28 octobre 2010
Daniel Dufourt
Professeur de sciences économiques
à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon
2
Patrick CHEVALIER « Le portefolio numérique » Conférence de l'AMUE (Agence de Mutualisation
des Universités) : Mettre les TIC au service du LMD, 30 mars 2004. Production : Université Louis
Pasteur, Strasbourg : http://canalc2.u-strasbg.fr/video.asp?idvideo=2726
6
INTRODUCTION
Le portefeuille d’expériences et de compétences (PEC), est un dispositif développé
en juillet 2004 par un consortium d’Universités alors composé de Grenoble 1, Poitiers,
Toulouse 1, et Toulouse 3
3
. Toutefois l’introduction officielle du portefeuille d’expériences et
de compétences dans l’enseignement supérieur en France s’effectue à l’occasion de la
présentation en Sorbonne du Rapport HETZEL
4
le 24 octobre 2006.
Intitulé « De l’Université à l’Emploi. 2006-2009 : Premier bilan de mise en œuvre
des propositions et orientations », ce rapport 5
précise en rubrique « B.4. Accompagner vers
l’insertion professionnelle les étudiants diplômés » :
Quelques universités ont envisagé d’autres actions plus spécifiques comme la
traduction des diplômes en compétences pour une meilleure lisibilité par les
entreprises ; la mise en place du dispositif « Portefeuille d’expériences et de
compétences » (PEC) qui est un outil numérique permettant à tous les étudiants
de s’engager dans une démarche de description de ses acquis (formation,
expériences personnelles et professionnelles) et de définition de ses
compétences. (…)
Passant d’initiatives annoncées à la mise en œuvre effective, trois
Universités -autonomes depuis le 1er
janvier 2009- sont distinguées par les auteurs du Rapport
final AERES de la vague 3 : l’université Cergy- Pontoise, l’Université Montpellier 1 et
l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne
6
.
Dans le cadre de l’appel à projets lancé en 2009 par le Haut commissariat à la
jeunesse, une expérimentation du PEC à l’échelle nationale a été proposée, impliquant cette
fois 13 Universités, dont deux Universités membres du PRES ULNF : Lille 1 et UVHC.
L’UVHC et Lille 1 se proposent d’expérimenter pour le PRES ULNF, le PEC sur une
centaine d’étudiants chacune
7
.
3
http://www.pec.ups-tlse.fr/
4
Commission du débat national Université-Emploi « De l’Université à l’Emploi » 2006-2009 : Premier
bilan de mise en œuvre des propositions et orientations » disponible à http://www.generation-
europe.eu/activities/paris-conference/rapport_hetzel.pdf
5
destiné à rendre compte des travaux de la Commission du débat national Université Emploi.
6
http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2010/21/8/autonomie_des_universites_-
_retour_d_experience_149218.pdf. Les sites créés par ces Universités sont évoqués infra.
7
PRES Université Lille-Nord, France, Commission Formation Tout au Long de la Vie ANNEXE 2
disponible à :
http://www.univ-lille-nord-de-france.fr/telechargement/FTLV/Programme_FTLV_ULNF.pdf
7
Parallèlement, un nombre important d’Universités ont mis en place le PEC
le plus souvent sous la responsabilité du SCUIO : parmi les réalisations effectives ou en cours
se distinguent les projets et les réalisations respectives des Universités de Pau et des Pays de
l’Adour
8
, de Paris V
9
, de Versailles –Saint Quentin en Yvelines
10
et l’UCO
11
.
Il y a lieu de remarquer dès maintenant que l’ampleur des moyens financiers
mis en œuvre est très variable en fonction des modes de financement retenus et de l’existence
ou non de partenaires. Ainsi le projet pilote Leonardo de Vinci impliquant le CNAM et 5
autres partenaires appartenant à 5 pays (DE, IT, F, SK, ES) intitulé « Juvenes Mobiles » de 38
mois (novembre 01- décembre 04) a été soumis avec un budget de 544.483 €. Ce projet visait
« la création d’un portefeuille électronique de compétences transversales d’accès à l’emploi»
qui permettra à 150 jeunes de mieux identifier leurs compétences et de les améliorer. Les
partenaires ont obtenu la coopération de 100 entreprises dans les 5 pays et pouvaient
escompter une subvention de l’UE de 408.362 €
12
.
De son côté le financement du projet national impliquant les 13 Universités
s’élève à 1,5 millions d’euros sur 3 ans dont 60.000 euros à chacune des Universités.
S’agissant du PRES Lille-Nord France le nombre d’étudiants concernés -
mises à part les 2 universités citées (100 étudiants chacune)- est de 50 étudiants par
établissements. Il ressort de cette estimation que le financement minimal pour un
établissement -lui-même fonction du nombre d’étudiants concernés et des modalités
pratiques de la mise en œuvre du PEC ( recours ou non à des outils open-source gratuits)-
peut être évalué à 20.000 € par an13
, tout en soulignant qu’une mise en œuvre dans un cadre
de coopération inter-établissements (réseau des 6 IEP) est susceptible d’apporter des sources
de financement supplémentaires conséquentes et que des économies substantielles sont
possibles liées à l’expérience acquise sur des plateformes telles que Moodle 2.0 en les
8
http://www.univ-pau.fr/live/digitalAssets/91/91190_dossier_presse_rentree_mercredi_9_sept.pdf
9
http://www.scuio.univ-paris5.fr/IMG/pdf/RAPPORT_2007-2008.pdf
10
http://www.e-portfolio.uvsq.fr/
11
http://www.uco.fr/divers/je20080307/docs/GauthierUCOePortfolioV1.pdf
12
http://www.europe-education-formation.fr/docs/Leonardo/Compendium-GP-01.pdf
13
« Le budget annuel sur 4 ans de ce projet s’élèverait pour chacune, et pour une mise en œuvre pour
50 étudiants, à 20 000 euros correspondant à un mi-temps IGE + 10.000 euros correspondant aux
heures passées à l’accompagnement ».
8
associant à Mahara14
, plateforme de type CMS résultat d'une collaboration entre différents
établissements de formation et universités de Nouvelle- Zélande. Cette plateforme ePortfolio
« met divers outils (blogs, CV, fonctions de travail en réseau, Social Networking, etc.) à la
disposition de l'utilisateur en vue de concevoir et d'organiser une plateforme de
développement et de présentation. Mahara offre ainsi à l'utilisateur la possibilité de décider
quels contenus il permet de consulter librement à d'autres étudiants, à des enseignants ou à
des groupes entiers d'apprenants
15
».
Certaines Universités françaises (UVSQ, Lille1, Paris V) ont fait le choix
de rejoindre la communauté francophone ELGG16
et de recourir à cette plateforme
eportfolio pour se connecter à Moodle. Dans un cadre plus international, l’Université
Technologique de Compiègne, les régions Centre et Poitou-Charentes ainsi que Rennes-
Métropole sont membres et partenaires du réseau « EIfEL et Europortfolio17
»
D’autres Universités ont préféré mettre l’accent, en amont du PEC, sur
l’élaboration d’un livret de compétences : c’est le cas de l’Université Paris‐Est Créteil
Val‐de‐Marne dont le SCUIO a été distingué en 2010 en se voyant décerner le Grand Prix
de la catégorie « rencontres entreprises ‐ diplômés » du trophée RUE 2010 – SYNERGIE
campus entreprises, et à Saint Etienne, de l’Université Jean Monnet18
qui est à ce jour la
seule Université française à avoir publié un « guide de compétences », disponible en ligne.
Afin de situer l’examen des expérimentations en cours dans une
perspective historique pertinente, et avant d’en dresser le bilan nous procéderons à l’analyse
des facteurs à l’origine des transformations économiques et sociales des sociétés dites
industrialisées qui ont conduit de l’accès à l’emploi par des qualifications sanctionnées par un
diplôme, à un régime d’employabilité fondée sur la mobilisation de compétences (1ère
partie).
14
Il est en effet possible d’associer Mahara (http://mahara.org) qui est « an open source e-portfolio
system », distinguée en 2008 par le New Zeland Open Source Award 2008, avec Moodle 2.0. Cf. :
http://moodlemoot.org/mod/resource/view.php?id=325
http://slides.liip.ch/img/documents/20090320_Penny_Leach_MoodleMoot-DE_Mahara.pdf
L’INSA de Lyon dispose de l’expertise adéquate à cette fin.
15
Source : Thomas Longeon – Thierry Jean-Baptiste –Pierre Bénech Le ePortfolio « Mahara » Ecole
d’architecture de Nancy. http://longeon.fr/wp-content/uploads/2010/02/Analyse-TICE-Portfolio.pdf
16
Cf. http://www.elgg.org/ et http://www.elgg.elgg.fr/ pour la communauté francophone
17
Cf. http://www.eife-l.org/publications/eportfolio/index_html
18
Université Jean Monnet SCUIO Guide de compétences. Les Licences. Plateforme Insertion
Professionnelle, juin 2010, 56 pages. Téléchargeable à l’adresse :
http://portail.univ-st-etienne.fr/bienvenue/presentation/les-relations-universite-entreprises-
224230.kjsp
9
Puis, nous situerons le rôle exact -aux côtés des politiques nationales-
joué par le processus de Bologne dans la mise en place d’une politique d’éducation et de
formation tout au long de la vie. Cette politique vise à garantir l’employabilité par une
politique de sécurisation des parcours professionnels s’appuyant sur un programme ambitieux
de certification des compétences et de transformation des Universités en lieux d’expertise de
validation des acquis de l’expérience et de l’apprentissage (« Learning outcomes »). Cette
nouvelle mission dévolue aux Universités s’inscrit dans un processus qui bouscule tout le
système de formation professionnelle et qui nécessite, au regard de la commission européenne
et des gouvernements des Etats membres, la mise en œuvre simultanée d’une harmonisation
des parcours de formation fondée sur des modalités diverses d’évaluation comparative des
performances (« benchmarking ») et d’institutionnalisation de la concurrence entre
universités autonomes (qualifiées d’universités entrepreneuriales dans les publications de
l’OCDE). En effet, la concurrence entre centres d’excellence notamment, semble au regard
des dispositifs d’évaluation mis en place (agences d’accréditation de la qualité etc..) la
meilleure garantie d’une incitation à la performance. C’est dans ce cadre général, dynamisé
par une politique ambitieuse de mobilité tant des enseignants que des étudiants que sont mis
en place le portefeuille européen des langues et le cadre de certification européen qui
suscitent parallèlement aux mesures nationales de sécurisation des parcours professionnels
l’apparition et le développement de portefeuilles numériques d’expériences et de
compétences (2ème
partie).
Nous aborderons ensuite l’examen des expériences des Universités
françaises ayant mis en place le PEC afin d’en tirer des enseignements, qui précèderont les
préconisations que nous soumettons à la communauté éducative de SciencesPo-Lyon. Dans
l’hypothèse, en effet, où l’établissement considèrerait, à juste titre, que le temps est venu de
se doter d’ outils exigeants et performants comme les référentiels de compétences et le PEC,
il y a lieu de rappeler que ceux-ci ne sont pas destinés à remplacer l’évaluation académique
traditionnelle mais à créer un climat propice à l’émergence d’une prise de conscience par
tous que les apprenants peuvent devenir acteurs de leur propre formation en maîtrisant par
des voies diverses (dont les stages et les travaux de recherche) les applications, dans des
contextes variés, des connaissances acquises. (3ème
partie).
10
Ière Partie - DE L’ACCÈS A L’EMPLOI PAR LE
DIPLÔME AU RÉGIME D’EMPLOYABILITÉ
PAR LES COMPÉTENCES.
Bien avant que le processus de Bologne ne s’empare de la question de
l’employabilité et se propose de relier le parcours de formation au projet professionnel, à la
faveur d’une logique de compétences19
, économistes et sociologues avaient dès le début des
années 1990 rendu compte des transformations économiques et sociales conduisant les DRH
des entreprises à substituer la notion d’employabilité à celle de qualification.
Après avoir rappelé les principaux résultats des analyses alors proposées
(section1), nous montrerons comment l’émergence et le développement de thématiques
centrées sur les caractéristiques de l’économie de la connaissance, sur la redéfinition des
missions de l’Etat à la faveur de l’émergence du nouveau management public, et sur
l’avènement de l’Université entrepreneuriale, préparent l’introduction de référentiels de
compétences dans l’enseignement supérieur et suscitent le débat sur des formes nouvelles
d’adéquation du système de formation aux transformations de l’emploi dues aux NTIC et à la
tertiarisation de l’économie (section2).
SECTION 1 – SURMONTER LA VOLATILITÉ DES QUALIFICATIONS
Dès la prise de conscience, advenue après le 2nd
choc pétrolier, de la crise du rapport
salarial qualifié de fordiste et caractérisé par une stabilité des types d’emploi dans des
industries aux structures productives rigides, économistes et sociologues ont remis en cause la
pérennité d’une relation d’emploi20
fondée sur l’accès à l’emploi en fonction d’une
correspondance supposée pérenne entre les caractéristiques du poste de travail et les
19
Official Bologna Seminar 6-7 November 2008 Employability: The Employers’ Perspective and its
Implications. Voir notamment la communication de Marie-Pierre MAIRESSE « L’employabilité: un
nouvel enjeu pour les Universités ».
20
Anne-Marie DAUNE-RICHARD, Madeleine LEMAIRE [1993] « Regards croisés sur les
employabilités » Document LEST, 93/1, 12 pages.
11
qualifications21
requises pour l’exercer. Comme l’offre de qualifications semblait assurée par
l’obtention de diplômes appropriés, qualifications et diplômes fournissaient ainsi l’ossature
des grilles de salaires dans un contexte de forte croissance de la productivité apparente du
travail davantage associée à l’augmentation des quantités produites (allongement des séries)
qu’à l’innovation de produits et/ou de procédés.
En 1990, Bernard Gazier s’interroge sur l’employabilité et propose une radiographie
d’un concept en mutation. Dès 1994, Françoise Ropé et Lucie Tanguy publient un ouvrage
collectif « Savoirs et compétences. De l’usage de ces notions dans l’école et l’entreprise ».
Poursuivant la démarche entreprise ces auteurs parviennent dans un article ultérieur22
aux
conclusions suivantes :
D'un côté, on souhaite passer d’un système d'enseignement centré sur les
savoirs au sein de filières scolaires à un système d'apprentissage centré sur l'élève,
acteur de son parcours scolaire au moment où, de l'autre, on passe d'une organisation
productive au sein de laquelle pouvait ou non se mener une carrière, à une organisation
valorisante créatrice de compétences pour l'individu salarié au cours de son parcours
professionnel; dans l'un et l'autre cas, on observe une recherche poussée
d'individualisation. En miroir, une configuration de notions se dessine en termes de 1)
contrat d'apprentissage et contrat de partenariat; 2) pédagogie par objectifs et
management par objectifs; 3) évaluation des savoirs dans une situation donnée et
évaluation des savoirs opérationnels, l'ensemble se modélisant au sein de l'institution
scolaire dans les objectifs de référence et les référentiels et dans les référentiels
d'activités au sein des entreprises.
23
»
Ainsi, les changements alors en cours dans le système des relations professionnelles
et dans le système de formation étaient bien identifiés. Mais les sources de ces changements
demeuraient assez obscures. En fait, les recherches ultérieures conduiront à mettre en avant
trois catégories de facteurs explicatifs des changements observés :
21
Entendues conventionnellement comme « ensemble de savoir-faire et de techniques reconnu dans
une formation et sanctionné par un diplôme ».
22
Françoise ROPÉ et Lucie TANGUY « La codification de la formation et du travail en termes de
compétences en France », Revue des sciences de l'éducation, vol. 21, n° 4, 1995, p. 731-754.
23
Ropé et Tanguy, article cité p. 748.
12
- l’interaction entre la diffusion des NTIC et l’introduction d’une flexibilité accrue de
l’appareil de production24
en réponse à une demande beaucoup plus versatile liée à
l’accélération des innovations de produits et de procédés25
,
- l’impossibilité pratique à un niveau macroéconomique de déduire des
caractéristiques de l’évolution économique attendue la nature des postes de travail à pourvoir
et des qualifications qu’ils requièrent pour les occuper. Ce constat est manifeste dès la fin des
années 80 où les prévisions du Bureau d’Informations et de Prévisions Economiques (BIPE)
ou de la CEGOS26
et le recours massif à l’expertise de cabinets-conseils se substituent, en
matière d’anticipation des besoins en compétences à satisfaire27
, au rôle éminent jusque là
dévolu au CGP et au CEREQ28
en matière de prévision de la structure des emplois et des
qualifications,
24
Au milieu des années 1980 les débats en matière d’organisation de la production s’organisent
autour de l’automatisation flexible Cf. D.DUFOURT« Système d'observation de l'automation intégrée
de production ». Rapport final, Convention 85. P. 1218 E.C.T. avec le Ministère de la Recherche et de
la Technologie, Programme AMES, juillet 1987, E.C.T., 123 pages.
25
D’où l’apparition d’une profonde mutation, tant paradigmatique qu’organisationnelle dont la
source est l’invention de l’ingéniérie concourante. Cf. Christel DARTIGUES, État de l’art sur
l’Ingénierie Concourante, Rapport de Recherche RR 01-02 UFR d’Informatique, Université Claude
Bernard Lyon 1, 40 pages.
26
La CEGOS (association loi de 1901 au départ) publie en 1984 un rapport cosigné par Cegos et Yves
Cannac : «La bataille de la compétence. L’éducation professionnelle permanente au cœur des
stratégies de l’entreprise».
27
S’agissant de la période actuelle, on observera qu’il revient au syndicat professionnel des SSII
d’effectuer l’anticipation des compétences nécessaires pour pouvoir exercer les nouveaux métiers,
ce que ne parviennent à faire, ni les pouvoirs publics, ni le système de formation trop éloigné des
évolutions des structures d’activité, ni les entreprises clientes des SSII qui définissent les métiers
mais sont incapables d’expliciter les compétences qui leurs sont associées. L’exemple de
l’informatique embarquée principale source actuelle et future de créations d’emplois dans
l’ingéniérie informatique est éclairant. On se reportera utilement à l’étude réalisée par l’observatoire
paritaire OPIIEC, structure lié à SYNTEC : « Étude sur l’offre de formation métiers de l’informatique
embarquée » Synthèse de la mission, mai 2009, 32 pages.
28
« Un peu plus tard, le Centre d'Études et de Recherches sur les Qualifications (CEREQ) propose la
notion d'"emploi-type étudié dans sa dynamique" (ETED) pour "anticiper la production des
compétences" et reprend la classique distinction entre savoirs, savoir-faire et savoir-être qui se trouve
ainsi confirmée (Mandon, 1990). La gestion prévisionnelle des ressources humaines s'éloigne de la
visée quantitative et collective, pour entreprendre une approche qualitative et individuelle ». Patrick
GILBERT « La notion de compétences et ses usages en gestion des ressources humaines » Actes du
séminaire - Management et gestion des ressources humaines : stratégies, acteurs et pratiques, Août
2005, publié par EDUSCOL, Les actes de la DGESCO, juin 2006, disponible à :
http://media.eduscol.education.fr/file/Formation_continue_enseignants/35/3/GRH_actes_110353.pdf
13
- l’impact massif sur la polarisation salariale, (entendue comme la manifestation
d’une aggravation des écarts par rapport au salaire médian entre salaires les plus faibles et
salaires les plus élevés) des innovations technologiques et des délocalisations liées aux effets
de la mondialisation laisse à nu des sociétés qui découvrent avec les emplois précaires et
intérimaires et la fin des marchés internes du travail29
, les attributs du nouveau rapport
salarial30
advenu dans une société tertiaire dans laquelle domine la relation de service31
.
§1 – La sécurisation des parcours professionnels et l’avènement de la
logique des compétences.
A quels besoins répond la logique des compétences ? Les points de vue sont assez
dissemblables selon les acteurs et les disciplines mobilisées.
La sécurisation des parcours professionnels
32
met sur le devant de la scène quatre
catégories d’acteurs : les travailleurs à la recherche d’un emploi ou d’une formation dans le
cadre d’une évolution professionnelle, les entreprises astreintes à une gestion prévisionnelle
des compétences, souvent très approximative en raison du défaut de coordination qui affecte
le fonctionnement du marché du travail, la puissance publique qui voit dans la sécurisation
des parcours professionnels la voie royale pour concilier flexibilité et sécurité, et enfin le
29
Marchés internes que la Gestion Prévisionnelle des Compétences conduira à liquider comme
l’observe fort justement Laurent Duclos :
« L’ironie veut que les grandes entreprises françaises –anticipant peut-être la
fin d’un modèle d’intervention des pouvoirs publics permettant de fait l’externalisation de la
gestion sociale des restructurations – se soient appuyées sur la GPEC pour liquider le
reliquat de marché interne ».
Il précise d’ailleurs que :
« Le sous-emploi chronique a non seulement encouragé le développement de
l’outsourcing en matière productive mais aussi les comportements de « chasseur-cueilleur»
en matière de qualification (poaching). Les entreprises ont pu voir, en contrepartie, leur
capacité à orienter directement les «flux » de main-d’œuvre diminuer. Celles qui connaissent
alors des difficultés de recrutement ou qui proposent des métiers peu valorisants sont ainsi
confrontées à de nouveaux enjeux d’arbitrage entre redéploiement d’un «marché interne» et
simple recours au marché externe du travail pour rester attractives. Il reste que la notion de
marché interne débordait, dans les années 1970, les seuls enjeux de gestion des ressources
humaines pour intéresser le modèle de l’entreprise (fordiste) en son ensemble ».
Laurent DUCLOS « Le droit de la bonne pratique. Enquête sur une norme de gestion prévisionnelle
de l’emploi et des compétences » Dossier Nouvelles Pratiques Juridiques, Cahiers Philosophiques, n°
116, décembre 2008, p. 51
30
Cf. OIRY Ewan, d’IRIBARNE Alain [2001] La notion de compétence : continuités et changements par
rapport à la notion de qualification, Sociologie du Travail, Volume 43, n°1, pages 49-66.
31
Cf le numéro spécial [ n°306, janv-fev. 2006] de la revue « Travail et Changement » de l’ANACT
intitulé « Organiser la relation de service » dans lequel les auteurs évoquent la nécessité pour les
salariés de disposer certes de compétences techniques pour produire le service mais aussi de
compétences organisationnelles nécessaires pour faire face aux demandes des clients et faire preuve
ainsi d’une compétence relationnelle.
32
Édith ARNOULT-BRILL La sécurisation des parcours professionnels, AVIS ET RAPPORTS DU CONSEIL
ÉCONOMIQUE ET SOCIAL, n°12, 6 juin 2007, 190 pages.
14
système de formation avec notamment des structures privées comme les SSII appeler à
former dans des périodes d’intercontrats des personnes dont les compétences ne sont pas
disponibles sur le marché du travail et que le système de formation « classique » ne peut offrir
qu’au terme d’un temps de latence plus ou moins long.
La dimension cognitive des compétences est fortement soulignée dans les sciences
de l’éducation en réponse aux changements qui affectent le système de formation33
.
En revanche, les entreprises mettent l’accent sur des savoirs expérientiels34
, qui
mettent en jeu la capacité des travailleurs à être immédiatement performants dans leurs
activités tout en reconnaissant que l’adéquation entre savoirs procéduraux et situation de
travail nécessite une mise en relation adéquate entre ressources individuelles et ressources de
la firme ainsi qu’en témoigne le schéma ci-dessous dû à Didier Retour 35
qui met l’accent sur
les éléments stratégiques d’une gestion dynamique tout autant que prévisionnelle des
compétences à savoir :
- identification des compétences effectivement mobilisées qui peuvent déborder
les compétences requises,
- prise de conscience des compétences détenues et non mobilisées,
- évaluation des compétences potentielles susceptibles d’être acquises dans le
cadre de l’évolution de la vie professionnelle.
La puissance publique voit dans les compétences le levier de l’ajustement des
demandeurs d’emploi aux besoins des entreprises et l’outil de la sécurisation des parcours
professionnels. Elle entend de ce fait, en anticipant sur les travaux issus du processus de
Bologne, déléguer au système de formation professionnelle la mission d’assurer l’entretien
des acquis d’apprentissage et de faire face aux besoins de la formation tout au long de la vie.
Les organismes de formation affrontent une difficulté à laquelle les entreprises seules
ne peuvent faire face et que l’université elle-même n’est pas préparée -en dépit des travaux
précurseurs des sciences de l’éducation sur la transposition didactique des savoirs36
- à prendre
en compte centralement, à savoir comment transmettre, - et identifier en termes d’expériences
33
Voir les contributions majeures de Philippe PERRENOUD [2001] et [2004 a]. Cf. Annexe 1
« Ressources ».
34
LE BOTERF Guy.- De la compétence: essai sur un attracteur étrange.- Paris : Ed. d’organisation,
1994.- 176 p.
35
Didier RETOUR Les différents niveaux d’analyse de la gestion des compétences, Actes du séminaire
- Management et gestion des ressources humaines : stratégies, acteurs et pratiques, Août 2005,
publié par EDUSCOL, Les actes de la DGESCO, juin 2006 pp. 87-100.
36
L’expression est due au sociologue Verret [1975].
15
cognitives-, ce qui conditionne et rend possible la mobilisation des savoirs adaptés face à des
situations intervenant dans des contextes variés.
Si l’on procède- non pas à une transposition didactique- mais à une projection dans
le champ d’une communauté éducative du schéma ci-dessous, nous découvrons les bases
mêmes d’une articulation nécessaire et pertinente entre l’évaluation académique classique
qui porte sur les savoirs acquis et sanctionnés par un diplôme, l’évaluation par les
compétences qui conduit à mettre en évidence les capacités à mobiliser les connaissances
acquises dans un contexte particulier (travail de recherche, d’enquête, stages et rapports de
stage), et la nécessité d’encourager et d’accompagner le travail réflexif nécessaire pour que
chaque étudiant(e) prenne conscience des compétences qu’il (elle) détient et qu’il (elle)
mobilise tant dans le cadre de ses études que dans la vie courante (vie associative dans
l’établissement, mandat exercé au niveau des conseils universitaires, initiatives diverses tant
en France à l’étranger pour initier un projet professionnel).
Représentation des quatre niveaux de compétences à considérer
Source : Didier RETOUR [2006] Les différents niveaux d’analyse de la gestion des compétences, article cité, p.89.
16
Au cœur de cette articulation entre savoirs et compétences émergent deux notions
clefs : celle de référentiels et celle d’individualisation dans l’usage de ces référentiels.
§2 – L’introduction des compétences dans le système éducatif.
Parallèlement aux transformations économiques et sociales évoquées plus haut et
sans que l’on puisse discerner, antérieurement aux lancements des processus de Bologne et de
Bruges37
une relation de dépendance au regard des évolutions affectant tant l’organisation de
la production que le marché du travail et le système de formation professionnelle, ce qu’il est
convenu d’appeler « l’approche par les compétences »38
fait son entrée dans le système
éducatif.
A juste titre O. Rey39
observe que c’est
« à la fin des années 90 que le concept acquiert une visibilité internationale et une dimension
plus normative dans tous les pays (dont la France), à travers la multiplication de références aux compétences
comme élément central pour le pilotage des programmes ou des curriculums.
À ce titre, le projet DeSeCo (définition et sélection de compétences clés) de l’OCDE (1997-
2003) a joué un rôle important, en fixant et systématisant un cadre de discussion international de référence
pour les politiques publiques. Piloté par le bureau fédéral suisse des statistiques, le projet a réuni de façon
permanente ou ponctuelle divers experts pour dresser des « états de l’art » du concept, confronter les
définitions, établir des convergences et finalement lister une série de compétences clés pour le développement
des sociétés et des individus. Lesquelles compétences clés auraient bien évidemment vocation à constituer des
objectifs majeurs de l’éducation.
Cette entreprise est légitimée par le fait que les savoirs traditionnels de base (« basic skills » ou
apprentissages fondamentaux) sont importants mais pas suffisants pour répondre aux exigences et à la
complexité des demandes sociales actuelles, ce qui justifie l’identification de compétences clés associées à un
degré plus élevé de complexité et d’approche réflexive ».
37
Le processus de Bruges renvoie au dispositif mis en place suite à une réunion tenue dans cette ville
en juin 2002 en Belgique, dont l’objectif consistait à renforcer la coopération entre les pays de
l’Union européenne dans le domaine de la formation professionnelle. Cf. Jean-Paul de Gaudemar,
directeur de l’enseignement scolaire, Ouverture de la conférence-débat « « La formation
professionnelle en Europe : regards croisés » Rencontres de la DESCO - 6 décembre 2002.
38
Selon Romainville[2007], « cette expression floue engobe des pratiques assez diverses qui vont de
l’élaboration collective de référentiels de compétences jusqu’à la mise en place de dispositifs
pédagogiques visant à développer spécifiquement des compétences ».
39
REY Olivier (2008). « De la transmission des savoirs à l'approche par compétences ». Dossier
d'actualité de la VST, n° 34, avril. INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE PÉDAGOGIQUE Cellule de veille
scientifique et technologique.
En ligne : <http://www.inrp.fr/vst/LettreVST/34-avril-2008.php>.
17
Pour autant l’introduction effective des compétences dans le système éducatif a
été longue, difficile et reste controversée.
Longue, car l’approche par compétences s’inscrit en rupture avec la pédagogie
par objectifs, « méthode traditionnelle dominante dans le monde scolaire du XXe siècle, qui découpe les
savoirs à transmettre au sein des disciplines en autant d’objectifs à atteindre à chaque niveau de la scolarité »,
et exige un changement fondamental de paradigme en matière d’évaluation puisque la
compétence, acquise par apprentissage c’est-à-dire au terme d’un processus à la fois support
de l’acquisition et objet de l’évaluation, est fondamentalement contextualisée et finalisée. Il
faudra ainsi attendre la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’École du 23 avril
2005, pour que soit mis en place le socle commun de connaissances et de compétences et
juillet 2010 pour que soit mis en œuvre dans l’enseignement primaire et secondaire le livret
de compétences.
Difficile, puisque l’individualisation tant au niveau de la démarche réflexive que
l’apprenant est convié à mettre en œuvre qu’au niveau de l’enseignant en charge de
l’accompagnement de cette démarche réflexive, suppose la capacité à discerner dans la mise
en œuvre de compétences et de savoirs pertinents au regard d’une situation celles et ceux qui
pourront être réinvestis dans un autre contexte.
Controversée, enfin du fait de dissonances cognitives entre spécialistes anglo-
saxons des sciences de l’éducation et spécialistes continentaux. Ces dissonances cognitives
qui portent sur le statut épistémologique du concept de compétences, renvoient au cadre
d’analyse mobilisé : chez les anglo-saxons40
la mesure de la compétence est référée aux
performances qu’elle autorise dans l’exercice de l’activité qui les mobilise, alors que chez les
auteurs continentaux la réalité de la compétence se situe davantage au niveau d’une
conception piagétienne des relations entre structures de l’entendement et opérations
mentales41
engagées dans l’effectuation42
.
40
Marcel CRAHAY [2006] propose de substituer le concept d’apprentissage à celui de compétences en raison
de la non pertinence des références utilitaristes qui subordonnent dans la littérature anglo-saxonne la
connaissance à l’action. Cf. Crahay Marcel (2006). « Dangers, incertitudes et incomplétude de la logique de la
compétence en éducation ». Revue française de pédagogie, n° 154, mars.
41
Joël BRADMETZ [2001] « Une conception piagétienne de la construction d’une théorie de l’esprit et des
figures de l’intentionnalité » Archives de Psychologie, 2001, 69, 177-220 .
42
Nous songeons ici au phénomène que REUCHLIN [1978] appelle vicariance des processus, à savoir le fait de
pouvoir atteindre une même performance par des stratégies différentes. Cf. REUCHLIN, M. (1978). Processus
vicariants et différences individuelles. Journal de Psychologie Normale et Pathologique, 2, 133-145.
18
S’agissant de « la joyeuse entrée des compétences dans l’enseignement
supérieur » Marc Romainville [2007]43
s’interroge précisément sur la nature et la pertinence
des sources qui en ont précipité l’avènement. A ses yeux, il y aurait deux sources majeures,
l’une liée à des insatisfactions internes et l’autre à des demandes externes émanant de la
société du savoir et de l’économie de la connaissance. Nous traiterons de ces demandes
externes dans la section suivante et aborderons ici la question des insatisfactions internes.
Romainville évoque trois types d’insatisfaction ayant pu concourir à la
promotion de l’approche par compétences dans l’enseignement supérieur : la superficialité de
certains apprentissages, le manque d’intégration des savoirs et le déficit d’installation de
certaines compétences soit au niveau de savoirs disciplinaires soit au niveau de parcours de
formation.
SECTION 2 – ATTENTES SOCIETALES ET RECONFIGURATIONS
INSTITUTIONNELLES : DE LA SOCIETE DU SAVOIR AUX UNIVERSITES
ENTREPRENEURIALES.
Les processus de Bologne et de Bruges ont conduit à l’introduction de
référentiels de compétences et à la mise en œuvre du Portefeuille d’Expériences et de
Compétences dans l’enseignement supérieur et dans le dispositif d’orientation et d’insertion
professionnelle, à la faveur de l’adoption du décret du 8 avril 2002 portant application au
système français d'enseignement supérieur de la construction de l'Espace européen de
l'Enseignement supérieur et de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et
responsabilités des universités.
En effet, en son article 2 alinéa 4 le susdit décret stipule la délivrance d' "une
annexe descriptive aux diplômes dite " supplément au diplôme " afin d'assurer, dans le cadre
de la mobilité internationale, la lisibilité des connaissances et aptitudes acquises" 44
. De son
43
ROMAINVILLE Marc (2007) "La "joyeuse entrée" des compétences dans l’enseignement
supérieur". Revue de l’inspection générale, n° 4, pp. 48-54.
44
A la conférence de Berlin des 18 et 19 septembre 2003 les ministres européens de l’enseignement
supérieur ont, en outre, fixé « l'objectif selon lequel à partir de 2005, chaque étudiant qui termine
ses études devrait recevoir automatiquement et sans frais le Supplément au diplôme. Ils
recommandent aux institutions et aux employeurs de faire pleinement usage du Supplément au
diplôme, afin de profiter de la transparence accrue et de la flexibilité améliorée des systèmes de
diplômes d'enseignement supérieur pour stimuler l'employabilité et faciliter la reconnaissance
académique en vue de la poursuite des études. Le Supplément au diplôme devrait être délivré dans
une langue répandue en Europe ".
19
côté, la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 a ajouté aux missions traditionnelles du service
public de l’enseignement supérieur celle de « l’orientation et de l’insertion professionnelle ».
Le législateur a entendu à cette fin que soit institué dans chaque Université un « Bureau
d’aide à l’insertion professionnelle des étudiants », chargé entre autres de diffuser aux
étudiants une offre de stages et d’emplois variée en lien avec les formations proposées par
l’université et d’assister les étudiants dans leur recherche de stage et d’un premier emploi.
Ces mesures s’enracinent dans une prospective des relations entre
l’enseignement supérieur, l’économie et la société dominée par des références aux
caractéristiques de l’économie de la connaissance, aux nouvelles fonctions dévolues à l’Etat
dans la société du savoir et dans la volonté de promouvoir dans un contexte d’autonomie et
de concurrence « l’Université entrepreneuriale ».
§1 – La valorisation des compétences dans l’économie de la
connaissance.
L’économie de la connaissance est une sous-discipline de l’économie, apparue
dans les années 90 à la conjonction de trois problématiques, qui ont trait respectivement au
rôle du capital humain dans la croissance endogène, aux propriétés sui generis de la
connaissance comme bien non-rival, sources d’externalités positives et inappropriable dès
lors qu’elle embrasse des savoirs tacites aux côtés des connaissances codifiables, et enfin aux
effets tant microéconomiques sur la stratégie des entreprises45
que macroéconomiques sur la
conception des politiques d’innovation46
de la croissance du capital intangible devenue telle
que dès 1990 le stock de capital intangible dépasse le stock de capital tangible (évaluation
aux prix de 1987)47
Un des problèmes majeurs mis en évidence par l’analyse des économies de la
connaissance est la contradiction entre le rôle désormais stratégique que jouent les actifs
immatériels ( savoirs codifiables ou non, connaissances brevetables ou non, compétences et
45
SESSI, L’immatériel, au coeur de la stratégie des entreprises, Le 4 pages n°217, mai 2006.
http://www.industrie.gouv.fr/biblioth/docu/4pages/pdf/4p217.pdf
46
LEVY Maurice, JOUYET Jean-Pierre [2006] L’économie de l’immatériel: la croissance de demain,
MINEFI, Rapport de la commission sur l’économie de l’immatériel, 184 pages. Voir notamment le
chapitre 1 de la 2ème
partie du rapport, intitulé « L’économie de l’immatériel accélère l’obsolescence
de nos institutions de la connaissance et de la création » pp. 39-63.
47
Cf. J. Kendrick [1994] Total capital and economic growth, Atlantic Economic Journal, 22:1-18.
20
savoirs faire acquis et difficilement transmissibles etc..) et l’impossibilité de les évaluer
convenablement parce qu’il n’est possible de le faire qu’en bourse à travers le « goodwill »
c’est-à-dire l’écart entre la valeur boursière de la firme et celle de la somme des actifs qu’elle
contient au moment de son acquisition. Or la plupart des actifs immatériels insusceptibles
d’être évalués faute d’un marché sur lequel puissent s’échanger des droits de propriété sur ces
actifs, ne sont évaluables que par l’intermédiaire du « goodwill ».
L’introduction sur le marché du travail d’un e-portfolio a ainsi un enjeu qui
dépasse la seule sécurisation des parcours professionnels. Il s’agit aussi d’évaluer des
compétences à travers l’expérience professionnelle acquise, pour lesquelles il n’y a pas de
marché qui puisse en fournir une estimation directe ou indirecte :
« Alors que jusqu’à présent, les comptes de l’entreprise devaient
pouvoir informer des utilisateurs multiples et variés (ses gestionnaires, les
tiers, les autorités judiciaires et fiscales, ses créanciers et actionnaires), ils
doivent désormais prioritairement répondre aux besoins spécifiques des
détenteurs de capitaux. Or l’évaluation au coût historique intéresse peu ces
derniers, qui sont beaucoup plus sensibles à ce qu’un investissement matériel
ou immatériel est susceptible de rapporter (fair value). Plus directement d’
ailleurs, la comptabilité doit présenter tous les éléments qui seraient
susceptibles de faire monter le cours du titre, et tous ceux qui seraient
susceptibles de le faire baisser (d’où la prise en compte des risques dans les
évaluations par exemple). C’est dans cette dimension que l’évaluation des
actifs immatériels devient cruciale. La méthode de la juste valeur est censée
fournir une information qui intègre, par construction, les tendances de marché
et rejoint en cela les méthodes utilisées par les investisseurs.
En dernière analyse, on veut pouvoir évaluer les actifs incorporels de
l’entreprise parce que les ressources immatérielles engendrent désormais une
part considérable des richesses créées et que l’on veut pouvoir s’approprier
cette richesse à travers la liquidité du marché financier. Les décisions des
investisseurs que la comptabilité doit orienter sont celles de l’achat et revente
de titres, les fusions-acquisitions, les réactions des investisseurs face aux
introduction en bourse de start-ups ou de segments d’entreprises
scissionnées...Or si la majeure partie de la valeur créée provient désormais des
ressources immatérielles, c’est cela que l’on vend ou que l’on achète à travers
ces opérations et il faut pouvoir l’évaluer. L’impossibilité de le faire ne
révèlerait-elle pas toutefois un problème de légitimité ? » 48
§2 – Les missions de l’Etat stratège dans l’économie du savoir.
48
HALARY Isabelle, CERAS-LAME, Université de Reims, « Ressources immatérielles et finance de
marché : le sens d’ une liaison » Jeudi 27 septembre 2007
21
Nous évoquerons en premier lieu le nouveau régime de production des
connaissances à l’origine des conceptions contemporaines des missions imparties à l’Etat
dans ce domaine, et, dans un second temps, les nouveaux modes de gouvernance impliqués
par ces nouvelles conceptions en ce qui concerne les relations entre enseignement et
recherche dans l’enseignement supérieur. Ce qui nous conduira à retrouver la place centrale
dévolue aux compétences.
2.1 – Evolution des modes de gouvernance de la science.
Deux constats peuvent être dressés quant aux raisons qui ont présidé à l’évolution de ces
modes de gouvernance :
a) les modalités de l’institutionnalisation des disciplines scientifiques et la
genèse de l’émergence d’une activité professionnelle consacrée à la recherche font apparaître
de grandes différences entre les pays, liées principalement à des formes d’organisation des
institutions scientifiques reposant sur des objectifs politiques et sociaux très différents.
Comme le disent respectivement Bertram SCHEFOLD (Université de Francfort) et Marion
FOURCADE-GOURINCHAS, il y a des «sociostyles » nationaux qui impriment des priorités et
des orientations différentes aux programmes scientifiques, très éloignées des nécessités
internes du développement de chaque discipline et donc à terme sources d’hybridations
spécifiques.
b) l’avènement de la production de masse, puis la montée de la stratégie de
différenciation à l’origine d’une très grande variété des produits et d’une exigence de
réactivité et de flexibilité des entreprises suscitent la mise en place de modes de gouvernance
de la science qui exercent par les modalités de pilotage qu’ils requièrent, des formes de
structuration spécifiques des relations entre science, technologie et société. Se succèdent ainsi
depuis 1945 l’ère des grandes agences gouvernementales en charge des orientations de la
recherche fondamentale et intervenant par le biais des subventions, puis celle des partenariats
publics-privés reposant sur une logique contractuelle intégrant des exigences de rentabilité et
instituant une concurrence-coopération entre acteurs le long du processus linéaire allant de la
recherche fondamentale à la recherche appliquée puis au développement industriel.
L’émergence des NBIC49
(nanotechnologie, biotechnologies, sciences de l’information et
sciences cognitives) et leur convergence postulée
50
introduisent une rupture frontale par
49
Bernadette BENSAUDE-VINCENT Se libérer de la matière ? Fantasmes autour des nouvelles technologies, INRA Editions,
Collection Sciences en questions.
50
NSF Report Converging Technologies for Human Performance, Mihail C. Roco and William S. Bainbridge (eds.), June 2002
22
rapport à l’ordre ancien : l’ampleur des financements public nécessaires et en même temps
l’énormité des profits privés susceptibles d’être accaparés par les entreprises, les risques
industriels, sanitaires, sociaux (sans commune mesure avec les risques auxquels les
populations étaient exposées dans le passé) encourus au niveau des applications dans la vie
quotidienne de ces technosciences
51
requièrent un mode de gouvernance totalement
différent.
C’est en impliquant les différentes communautés concernées (chercheurs,
usagers, experts gouvernementaux, industriels) dans la décision d’engager tel ou tel
programme que la légitimité de ceux-ci se construit tout en diluant les responsabilités. Il est
dès lors essentiel que les savoirs professionnels tant des sciences dures que des sciences
humaines et sociales produisent des discours de légitimation eux-mêmes socialement validés
au travers d’expertises procédurales
52
.
2.2. - Les compétences, au cœur des nouvelles articulations entre enseignements
et recherches universitaires, induites par les nouveaux modes de
gouvernance de la science.
A partir d’un triple constat, relatif à la crise
de l’Etat – Nation, à l’érosion de l’Etat-Providence53
et à la montée de l’idéologie et des
51
Cf par exemple: The Royal Society and the National Academy of Engineering, Nanosciences and nanotechnologies:
opportunities and uncertainties, RS Policy document 19/04, July 2004, 127 pages.
http://www.nanotec.org.uk/report/Nano%20report%202004%20fin.pdf
52
European Commission Research “Converging Technologies- Shaping the Future of European Societies” by Alfred
Nordmann, Rapporteur, Report 2004, 68 pages.
http://ec.europa.eu/research/conferences/2004/ntw/pdf/final_report_en.pdf
53
Analysée en ces termes: « Une autre conséquence des changements ci-dessus mentionnés est la réduction relative du rôle
de l’État dans la régulation du marché qui va de pair avec une tendance à la baisse du financement public dans de
nombreux secteurs, y compris l’enseignement supérieur et la recherche.(…) Elle peut déjà être observée dans la
privatisation (totale ou partielle) croissante de secteurs qui relevaient traditionnellement des prérogatives de l’État, y
compris l’éducation. Dans l’enseignement supérieur et la recherche, ce phénomène se traduit par la participation croissante
d’agents privés extérieurs (comme les entreprises) au financement, à la gestion, à l’exploitation et/ou à l’évaluation de la
production de la recherche et de l’offre éducative et dans le déclin du soutien (financier) public au système d’enseignement
supérieur/recherche dans de nombreux pays européens (budget national/étudiant). Il est évidemment difficile de
déterminer si la participation d’agents privés a augmenté parce que la participation de l’État a diminué ou vice-versa. De
toute façon, les deux phénomènes coexistent et sont interdépendants. La tendance à une certaine dérégulation du marché
de l’enseignement supérieur et de la recherche se manifeste également par une concurrence accrue entre les institutions
d’enseignement supérieur/recherche et par une plus grande autonomie de gestion que l’État leur a concédée. Elle se
manifeste aussi dans la tendance à la « marchandisation » de la connaissance, la recherche et l’enseignement étant
considérés alors comme des « biens » privés qui peuvent être achetés et vendus par et pour des intérêts particuliers. » in
Développer la prospective en vue de faire évoluer les relations entre l’enseignement supérieur et la recherche dans la
perspective de l’Espace Européen de la Recherche (EER) par le professeur Etienne Bourgeois, Rapporteur. Commission
européenne - Direction générale de la Recherche - Unité RTD-K2 – «Prospective scientifique et technologique, liens avec
l’IPTS », Octobre2002. 83 pages. Luxembourg: Office des publications officielles des Communautés européennes, 2003.
p.22. Rapport disponible à l’adresse :
http://ec.europa.eu/research/social-sciences/pdf/higher-education-research-for-era_fr.pdf
23
pratiques néolibérales54
, les experts du groupe STRATA-ETAN s’interrogent sur la capacité
de la nouvelle figure de l’Etat, l’Etat stratège, à concilier des exigences aussi contradictoires
que celles consistant « à former des professionnels compétents et « employables » avec ce qui est
considéré comme une autre mission essentielle de l’enseignement supérieur, à savoir éduquer des
citoyens critiques et actifs »
55
.
Relativement optimistes quant à la possibilité effective de parvenir, sous
conditions, à une telle conciliation56
, les experts s’inquiètent en revanche quant aux
conséquences du processus d’industrialisation de la recherche et évoquent deux stratégies
alternatives :
« - il se pourrait que les universités ou d'autres institutions faisant de la recherche « fondamentale » adoptent une position défensive et
s’efforcent de « protéger » la recherche fondamentale contre la pression exercée en faveur de plus de recherche appliquée. Le problème est
que, dans ces conditions, les institutions sont confrontées à une diminution des fonds publics alloués pour la recherche fondamentale et
qu’elles ne peuvent pas vraiment demander des fonds privés (sauf dans une optique de « patronage »).
- L’option inverse consiste à suivre aveuglément la tendance et à renoncer à toute recherche fondamentale. Le problème dans ces
conditions est que, bien que cette attitude puisse être payante dans un premier temps, elle pourrait déboucher sur un cul-de-sac au point
que la recherche appliquée, le développement et l’innovation ne puissent plus progresser s’ils ne sont pas alimentés par la recherche
fondamentale, s’ils ne s’articulent pas avec elle et s’ils ne se s'appuient pas sur elle. Rapport Bourgeois cité pp.30-31»
Au final, ce sont bien sur des logiques d’apprentissage et d’acquisition de
compétences-clé, à l’exemple de ce qu’exige l’activité de recherche, que les experts
européens fondent un consensus sur les modalités d’articulation entre enseignement supérieur
et recherche universitaire :
« Au vu de la concurrence accrue entre institutions d'enseignement supérieur-recherche, la qualité de la
recherche pourrait devenir un élément central incitant certaines institutions à promouvoir des unités spécifiques de
préparation à la recherche, séparées des unités d'enseignements de premier cycle et de formation professionnelle. Il est
donc nécessaire de partir de l'idée de similarité des compétences-clé pour appliquer aussi à la formation des chercheurs le
cadre utilisé dans la formation professionnelle, à savoir le stage avec multiples superviseurs dans le travail réel du
laboratoire. Mais les compétences spécifiques au métier de chercheur ont aussi changé : il doit être capable de travailler
dans des projets plus grands, plus collaboratifs et multi-partenaires, plus orientés vers la solution de problèmes, plus
interdisciplinaires et souvent en dehors du milieu académique d'origine. Le professionnel qui retourne à l'université pour
mettre à jour ses connaissances scientifiques en relation avec son travail doit pouvoir aussi trouver un environnement de
recherche adapté à ses besoins.» in Les messages-clés du rapport « Godelier-Bourgeois » Session 4: A NEW PARADIGM
FOR RELATIONS BETWEEN HIGHER EDUCATION AND RESEARCH The Europe of Knowledge 2020: a vision for university-based
research and innovation Liège, Belgium, 25-28 April 2004, p.14
§3 – L’ « Université entrepreneuriale », creuset de la mise en oeuvre
du « New Public Management » et du « benchmarking » des
compétences.
54
« L’essor de l’économie de marché a été associé à l’idéologie et aux pratiques organisationnelles libérales qui ont pénétré plus ou moins
profondément de nombreux secteurs de la société, y compris l’éducation et la recherche. Les pratiques de gestion commerciales (comme,
par exemple, le développement de procédures de responsabilisation et de réglementations déterminant l'allocation de ressources ou le
processus d'accréditation, l'importance croissante des pratiques et de la culture d'évaluation), les valeurs et le vocabulaire du monde des
affaires affectent les institutions d’enseignement supérieur/recherche. La progression de l’individualisation des parcours d’apprentissage
que l’on observe dans l’enseignement supérieur (voir ci-dessous la partie 2, section 1.4) peut aussi être interprétée à la lumière de cette
tendance. » Ibidem, p.22.
55
Rapport Bourgeois cité page 28.
56
« Il n'y a pas de contradiction insurmontable entre les compétences-clé requises dans la vie professionnelle et celles valorisées par
l'idéal de Humboldt, bien au contraire. Qu'il s'agisse de la pensée critique, des capacités d'analyse et d'argumentation, de l'aptitude à
travailler de façon indépendante, à apprendre à apprendre, à résoudre des problèmes, à prendre des décisions, à planifier, coordonner et
gérer, à travailler en groupe, ces compétences-clé pour la vie professionnelle sont aussi celles requises pour le travail de recherche ». The
Europe of Knowledge 2020: a vision for university-based research and innovation Liège, Belgium, 25-28 April 2004, p.14
24
A rebours du sens commun, mais en matière de Nouvelle Gestion Publique,
cette bévue ne surprendra plus personne, les gouvernements de l’Union Européenne se sont
entendus pour introduire les principes du nouveau management public dans les Universités,
avant de définir le modèle d’Université entrepreneuriale qu’ils souhaitaient faire prévaloir57
.
Ceci s’explique par l’inféodation du processus de Bologne à la stratégie de Lisbonne (cf. infra
2ème
partie) et sans doute, surtout, par la pression exercée au sein du système des Nations
Unies et dans le cadre d’institutions multilatérales par de puissants bailleurs de fonds en vue
d’une reconsidération des missions dévolues à l’Etat dans la société du savoir. Après avoir
rappelé quelles sont ces missions nous rendrons compte du modèle d’Université
entrepreneuriale qui établit, en parfaite cohérence avec les normes en vigueur dans le
management des organisations, un lien étroit entre compétences (de toutes les parties
prenantes et pas seulement de celles des shareholders) et performances.
3.1 –Nouvelles modalités d’intervention publique dans la société du savoir.
Dans son ouvrage « Construire les sociétés du savoir. Nouveaux défis pour
l’enseignement supérieur » la Banque Mondiale a parfaitement énoncé le cadre analytique
présidant à la mise en œuvre des réformes dans l’enseignement supérieur intervenues dans la
décennie 2000-2009 :
« En raison, d’une part, des graves contraintes fiscales et budgétaires qui affectent la capacité des
pouvoirs publics à maintenir les niveaux antérieurs d’offre et de financement directs de l’enseignement
supérieur et, d’autre part, de l’émergence des forces du marché tant au niveau national qu’international, le but,
la portée et les modalités de l’intervention publique changent radicalement. Ainsi, au lieu de compter sur le
modèle traditionnel de contrôle de l’État pour imposer des réformes, un nombre croissant de pays choisissent
d’induire le changement en orientant et en encourageant les établissements d’enseignement supérieur publics
ou privés de manière non directive et souple. Cet objectif peut être atteint en suivant trois approches
complémentaires:
• la mise en place d’un cadre stratégique cohérent ;
• la création d’un environnement réglementaire propice ;
• l’instauration d’incitations financières appropriées. »
58
57
Comme le rappelle Olivier Rey, Marginson et van der Wende [2007] auteurs d’un document de travail de
l’OCDE « la globalisation remet en cause la gouvernance traditionnelle dans le cadre des États-nations, à
travers deux processus à l’oeuvre : d’une part le « New Public Management » (qui a notamment partie liée avec
un pilotage plus proche du marché, une diversification des financements et une professionnalisation
d’établissements universitaires plus autonomes), d’autre part la croissance des communications trans-
frontalières et des activités dans lesquelles les établissements traitent directement avec des partenaires
extérieurs à leur cadre national » Olivier REY « Les petits mondes universitaires dans la globalisation »INRP,
Dossier d’actualité n°29, septembre 2007.
58
BANQUE MONDIALE [2003] «Construire les sociétés du savoir. Nouveaux défis pour l’enseignement
supérieur » RAPPORT DE LA BANQUE MONDIALE Les Presses de l’Université Laval, 295 pages.
25
Le schéma ci-dessous59
, qui résume les forces à l’origine des changements et
les cibles sur lesquelles doivent porter les mesures incitatrices, constitue une parfaite
illustration de l’agenda des réformes à mettre en œuvre et de leur encadrement doctrinal :
3.2 – Le modèle de l’Université entrepreneuriale
Néanmoins, l’approche par les compétences est étrangement absente de ce
schéma alors que le thème de l’Université autonome et concurrentielle grâce aux compétences
qu’elle rassemble est au cœur de travaux publiés notamment dans les revues de l’OCDE
60
ou
59
Cf. Banque Mondiale [2003] op.cit.
60
De nombreux articles sur le thème paraissent dans la revue de l’OCDE intitulée « Politiques et
gestion de l'enseignement supérieur ». On se réfèrera notamment à Allan N. Gjerding et al. [2006]
L'université entrepreneuriale : vingt pratiques distinctives, Politiques et gestion de l'enseignement
supérieur 2006/3 (n° 18) pages 95-124. Voir en annexe 1 « Ressources » d’autres références
significatives.
26
dans de nombreuses revues anglo-saxonnes appartenant aux sciences de l’éducation. Il
revenait à la Saïd Business School, école de management de l’Université d’Oxford (GB)
fondée en 1996 d’établir le modèle de l’université entrepreneuriale, à savoir celui d’une
« organisation entrepreneuriale » apte à faire face au changement de paradigme entraîné par
l’avènement de la société du savoir.
Les figures suivantes permettent de repérer l’accent mis sur les compétences
qui ne dépendent pas seulement des caractéristiques individuelles, mais aussi des ressources
qu’offre l’organisation. Ces ressources sont celles qui manifestent la capacité de l’organisation
à se prévaloir des normes d’excellence applicables aux établissements d’enseignement
supérieur, au terme d’un benchmarking réalisé par des agences d’évaluation ad hoc et de
procédures d’assurance qualité dont la légitimité procède des gouvernements qui les ont d’un
commun accord instituées.
27
L’Université Entrepreneuriale selon la Saïd Business School de l’Université
d’Oxford
National Council for Graduate Entrepreneurship (NCGE) LEADING THE
ENTREPRENEURIAL UNIVERSITY Meeting the entrepreneurial development needs of
higher education institutions October 2009, 44 pages
CONCLUSION
Le passage à l’approche en termes de compétences, quelles que soient par
ailleurs les appréciations61
qui puissent être portées sur ses modalités, est le fruit de la
61
Les commentaires critiques ne manquent pas en effet. Voir notamment :
Jean-Louis DEROUET , Romuald NORMAND [2008] “French universites at a crossroads between crisis
and radical reform. Towards a new academic regime?” Journal of Issues and Studies, Volume 40,
2008.
VINOKUR, Annie [2005] Mesure de la qualité des services d’enseignement et restructuration des
secteurs éducatifs. Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, 2005, special edition No 1, p.
88-108.
VINOKUR, Annie [2010] Savoirs et pouvoirs : le "grand basculement"? in L'Enseignement Supérieur
entre Nouvelle Gestion Publique et Dépression Economique. Economies et Sociétés, Cahiers de
l'ISMEA, Série "HS", Hors-Série, 43, n° 4.
28
conjonction de trois mouvements, au départ indépendants mais que les initiatives de l’Union
Européenne ont conduit à articuler dans un projet justement désigné comme la « stratégie » de
Lisbonne.
Ces trois mouvements, relatifs respectivement aux transformations du statut du
travail salarié dans un ordre productif devenu plus flexible et surtout sujet à la mobilité
transfrontières des facteurs de production, au statut de la connaissance dans la dynamique du
capitalisme contemporain et enfin aux conceptions nouvelles qui en résultent quant à la nature
des missions essentielles de l’Etat stratège, placent au centre de la problématique des divers
acteurs sociaux les exigences d’individualisation des parcours professionnels et des
rémunérations susceptibles de leur être associées, et la nécessité de préserver, sous peine de
délitement du lien social, une exigence de sécurisation de ces parcours qui met en cause
fondamentalement la nature et le rôle du système d’éducation et de formation requis à la fois
d’être le garant de l’évolution des compétences et d’en assurer la disponibilité et l’accès au
plus grand nombre.
C’est dans ce contexte que vont être progressivement affirmées d’abord, et
appliquées ensuite, l’autonomie des Universités et leur implication dans la vie économique
au travers de relations d’une nature nouvelle visant à assurer l’adaptation du système de
formation aux nécessités d’un développement économique62
, dont les caractéristiques restent
souvent imprécises puisque référées à un régime de coproduction de la science et de l’ordre
social.
62
“At the same time, a role has been identified for HEIs in the upgrading of skills in the workforces required to
power the new knowledge economies, presenting opportunities to engage far greater numbers of students in
tertiary education, and to support and resource the lifelong learning activity which can afford not only personal
fulfilment but also the continuous updating of skills to meet rapidly changing requirements in the economy.
Globally, universities are expected to meet a variety of challenges:
– To contribute to the economic welfare of a region and/or country
– To respond to academic competitive forces
– To engage in the drive for prestige
– To respond to increasing enrolments
– To respond to globalisation of education
In a February 2007 speech at London’s Brunel University, the then UK Prime Minister Tony Blair said ‘Colleges
as sites of disinterested learning are one of the great parts of our civilisation. But we have grafted onto them a
very modern phenomenon - that the knowledge that was once the preserve of an elite is now the
indispensable requirement for economic advance. To that extent the democratisation of university entrance is
a matter both of social justice and of economic efficiency.’
COMMISSION OF THE EUROPEAN COMMUNITIES [2009] COMMISSION STAFF WORKING DOCUMENT
accompanying the COMMUNICATION FROM THE COMMISSION TO THE EUROPEAN PARLIAMENT, THE
COUNCIL, THE EUROPEAN ECONOMIC AND SOCIAL COMMITTEE AND THE COMMITTEE OF THE REGIONS “A
new partnership for the modernisation of universities: the EU Forum for University Business Dialogue »
Bruxelles SEC (2009) 425, p.6.
29
IIème Partie – DES COMPÉTENCES AU CADRE
EUROPÉEN DE CERTIFICATION :
L’Eportfolio instrument intégrateur de la politique
d’éducation et de formation tout au long de la vie.
L’objectif désormais clairement affiché de sécurisation des parcours
professionnels qui est la contrepartie de la mobilité géographique et de la flexibilité
professionnelle des salariés constitue un des piliers de la stratégie de Lisbonne. Pour
parvenir à cet objectif, la commission de l’UE va mettre l’accent sur une réforme des
systèmes de formation professionnelle dans le cadre de sa politique de formation tout au
long de la vie. La réforme engagée bouscule la relation entre école et emploi63
en
substituant, dans le cadre européen des certifications, aux aptitudes acquises l’exigence de
compétences à acquérir en recourant précisément à l’offre du système de formation
réformé. Nous montrerons successivement quel changement de paradigme accompagne la
mise en œuvre du cadre européen de certification (section 1), quelles adaptations des
systèmes nationaux de formation professionnelle sont requis via la VAE notamment (section
2) et comment ces adaptations rétroagissent sur les établissements d’enseignements
supérieurs appelés à devenir sous forme d’établissements autonomes et concurrentiels « à
terme de véritables universités de formation tout au long de la vie »64
(section 3)
SECTION 1 – DE L’EMPLOYABILITE A LA SECURISATION DES PARCOURS
PROFESSIONNELS
La mise en œuvre de référentiels dans l’enseignement supérieur et de manière
liée l’introduction en France, entre autres, à l’initiative des bureaux d’aide à l’insertion
professionnelle des étudiants, des portefeuille d’expériences et de compétences n’auraient pu
63
Cf. INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE PÉDAGOGIQUE Cellule de veille scientifique et
technologique, « La relation école-emploi bousculée par l’orientation » par Laure Endrizzi Dossier
d’actualité n° 47 – septembre 2009 26 pages.
64
SGAE, Stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi. Programme national de réforme français
2008-2010, octobre 2008, p.40
30
voir le jour sans l’élan donné, à l’initiative de la Commission, aux réformes des systèmes de
formation dans le cadre de la politique de formation tout au long de la vie, élément essentiel
de la stratégie de Lisbonne.
Mais, d’un autre côté, il est possible de conjecturer que cette politique a été
elle-même précipitée par la décision prise - en dehors des instances communautaires et sans
référence à elles - par les Ministres de l’enseignement supérieur de promouvoir
successivement, dans un premier temps un Espace européen de l’Enseignement Supérieur,
puis dans un second temps, un Espace européen de la Recherche.
La déclaration conjointe de la Sorbonne des quatre ministres français, allemand,
italien et anglais de l’enseignement supérieur du 25 mai 1998 mettait l’accent sur l’objectif
d’employabilité des étudiant(e)s, mais cette caractéristique qui désigne un état, suppose
évidemment sous peine d’incohérence grave, qu’elle ne puisse concerner que des personnes
déjà entrées sur le marché du travail
65
. En effet, l’employabilité est le résultat de la
certification par l’embauche d’une correspondance entre une expérience professionnelle et les
besoins de l’entreprise qui recrute. Indirectement, l’employeur valide l’intervention du système
de formation tout au long de la vie, par l’embauche d’un salarié qui a bénéficié du concours de
ce système dans la démarche qu’il a engagée pour retrouver un emploi.
Dès lors il est inconséquent de parler d’employabilité pour des candidats à une
première embauche. La différence est cruciale, en effet entre un jeune à la recherche d’un
premier emploi et un salarié bénéficiant d’une expérience professionnelle : dans le second cas
l’employeur s’intéresse au profil en termes de carrière professionnelle de la personne recrutée,
alors que dans le cas de l’embauche d’un salarié ne pouvant exhiber d’une expérience
professionnelle il appartient à l’entreprise de valoriser les compétences du salarié recruté à
l’aide d’une formation professionnelle délivrée sous sa responsabilité. C’est d’ailleurs la
raison pour laquelle dans la politique de formation tout au long de la vie les entreprises sont
considérées comme des acteurs à part entière du système de formation.
De surcroît lorsque l’on passe du niveau national au niveau européen, une
difficulté supplémentaire peut entraver le recrutement d’un salarié, lié au problème épineux de
65
La faculté d’être employable ne peut se prouver que si elle a été exercée. Ainsi l’employabilité a un
sens au regard de chômeurs ayant exercé un emploi et à la recherche d’un nouvel emploi, mais n’en
a aucun au regard de jeunes à la recherche d’un premier emploi. Le chômage des jeunes n’est pas
ainsi un défaut d’employabilité mais une pratique d’exclusion du marché du travail comme
l’observent P.Cahuc et F. Kramarz [2004].
31
la reconnaissance professionnelle
66
des diplômes. En effet, « lorsque la profession n'est pas
soumise à une réglementation dans l'Etat d'accueil, l'appréciation du diplôme et du
niveau professionnel appartient à l'employeur. Le travailleur peut cependant avoir des
difficultés à faire reconnaître à sa juste valeur sa qualification professionnelle et à obtenir un
emploi à un niveau correspondant »67
. D’où l’inéluctable rétroaction de la stratégie de
Lisbonne sur le processus de Bologne puisque :
1) Il n'existe pas, sauf exception, d'équivalence réglementaire entre diplômes
français et diplômes étrangers, même à l'intérieur de l'Union européenne.
2) La directive 2005/36 du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des
qualifications professionnelles n'a pas encore été transposée en France !( cf
note 67)
§1 – Du processus de Bologne à la stratégie de Lisbonne.
Lorsque Claude Allègre prend l’initiative de lancer en Sorbonne les 24 et 25 mai
1998 avec le soutien de quelques homologues européens ce que l’on appellera plus tard le
processus de Bologne, il entend recourir à une des modalités de la construction européenne
quelque peu négligée : la coopération intergouvernementale. Celle-ci présente un triple
avantage :
- n’engager que les pays qui sont disposés à s’inscrire dans un projet commun
indépendamment de toute contrainte institutionnelle liée aux modes de fonctionnement des
institutions existantes (l’Union Européenne et les prérogatives de la Commission, le Conseil de
l’Europe et ses équilibres géopolitiques complexes, etc..),
- s’affranchir précisément des obligations associées ordinairement au
fonctionnement des institutions européennes telles que la transposition en droit interne des
directives communautaires,
66
Distincte de la reconnaissance académique des diplômes, la reconnaissance professionnelle des
diplômes fait l’objet de la directive 2005/36 du 7 septembre 2005 de l’UE relative à la
reconnaissance des qualifications professionnelles.
67
Commission Nationale de la Certification Professionnelle. Transparence et Qualifications.
http://www.cncp.gouv.fr/grand-public/transparenceQualification#ancre3b
32
- préserver la capacité à traduire la poursuite des objectifs communs sous des
formes adaptées à chaque pays en fonction de sa culture, et de son histoire tant politique
qu’institutionnelle.
Tirant parti du fait que les questions d’éducation et de formation ne sont pas de la
compétence de l’UE, les gouvernements des pays européens entament donc un processus
d’harmonisation suis generis des cursus universitaires, en l’absence des organes de l’UE,
puisque aux termes de l’article 149 TCE devenu article 165 du traité de Lisbonne, « le
Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire
et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, adoptent des
actions d'encouragement, à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et
réglementaires des États membres ».
Cette stratégie, dont l’ambition est d’harmoniser (en organisant la convergence
vers un standard commun sur la base des seules initiatives nationales des gouvernements
des pays signataires) les cycles de l’enseignement supérieur afin de favoriser la
reconnaissance réciproque des diplômes et surtout la mobilité étudiante68
, bien que rappelée
encore en 2005, tourne court pour plusieurs raisons.
La première est liée à l’héritage historique : tant l’Unesco que le Conseil de
l’Europe ont mis en place des dispositifs69
et donné naissance à des lieux d’expertise qu’il est
peu opportun de négliger, d’autant plus que les Universités européennes se dotent d’instances
de représentation70
qui redoublent à l’égard des ministres engagés dans le processus de
Bologne la revendication d’autonomie que ceux-ci affichent à l’égard des instances de l’UE.
68
“We hereby commit ourselves to encouraging a common frame of reference, aimed at improving external recognition
and facilitating student mobility as well as employability”. Joint declaration on harmonisation of the architecture of the
European higher education system by the four Ministers in charge for France, Germany, Italy and the United Kingdom Paris,
the Sorbonne, May 25 1998: http://www.bologna-berlin2003.de/pdf/Sorbonne_declaration.pdf
69
Léa Maulet [2010] rappelle ainsi que « La Convention culturelle européenne, signée en 1954 par 14 Etats dans le cadre du
Conseil de l’Europe, aujourd’hui par 48, fixe le cadre des activités du Conseil Européen dans le domaine de l’Enseignement
Supérieur et de la Recherche. La mobilité étudiante en Europe, qui est l’un des principaux objectifs de la Déclaration de la
Sorbonne, avait déjà été facilitée par la Convention européenne sur l’équivalence des périodes universitaires de 1957. Cette
Convention, signée sous l’égide du Conseil de l’Europe, a installé le mécanisme de reconnaissance par l’université d’origine
des périodes d’études effectuées à l’étranger. Cette avancée a rendu techniquement possible l’objectif de mobilité ».
70
La déclaration de Bologne s’inspire ainsi des dispositions évoquées dans La Magna Charta Universitatum élaborée sous
l’égide de la Conférence des recteurs européens en 1988. Fondée en 1959, la CRE bénéficiait du soutien de la
Commission européenne, du Conseil de l’Europe, de l’UNESCO, de l’OCDE, de la Table ronde des industriels (ERT). Les
auteurs de cette Charte ont fusionné en mars 2001 avec la Confédération des Conférences des recteurs de l’Union
Européenne pour former l’European University Association. L’EUA a été associée de très près au processus de Bologne et
pour cette raison, les textes fondateurs du processus portent clairement sa marque. Lors du Sommet de Prague de 2001,
elle est incluse dans les groupes de pilotage du processus en tant qu’acteur consultatif. Cf. L. Maulet [2010] L'Espace
Européen de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche: Histoire d'un projet dénaturé, Mémoire de séminaire de 4
ème
année, IEP de Lyon.
33
La seconde raison tient au fait que la commission de l’UE va user avec beaucoup
d’efficacité d’une sorte de soft power ce qui l’amènera d’abord à être invitée en tant
qu’observateur aux conférences ministérielles, puis ayant pris soin de financer quelques unes
des réunions ou des initiatives qui en résultent, elle sera appelée à faire partie du comité de
pilotage du processus de Bologne et enfin, à partir de 2005, elle bénéficiera du droit de vote,
illustrant ainsi sa capacité à reprendre en main un processus qui lui était étranger.
La troisième raison à trait à l’inscription du processus de Bologne, symbole
d’une coopération intergouvernementale non limitée en son principe aux frontières de l’UE,
dans la stratégie de Lisbonne71
. Cette stratégie qui vise à faire advenir dans le cadre de l’UE
« l’économie de la connaissance la plus compétitive du monde » s’appuie sur une série de
mandats donnés par le Conseil 72
à la Commission visant la réalisation d’une « croissance
économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi
et d'une plus grande cohésion sociale ».
Ces objectifs requièrent la mise en œuvre d’une méthode adéquate. Précisément
les ingrédients de cette méthode vont fournir en termes de « soft power » d’immenses
pouvoir à la commission au travers de la « méthode ouverte de coordination » et de son
pendant « les plans nationaux de réforme »
Les extraits ci-dessous tirés de la page de présentation des objectifs de la
Stratégie de Lisbonne sur le site du Ministère de l’Industrie73
sont éloquents :
71
Cf. COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES [2003] Communication de la commission. Le rôle des universités
dans l'Europe de la Connaissance. Bruxelles, le 05.02.2003; COM(2003) 58 final, 25 pages.
72
Voir notamment : CONSEIL DE L’UNION EUROPEENNE [2007] Résolution du conseil du 23 novembre 2007 concernant la
modernisation des universités pour favoriser la compétitivité européenne dans une économie mondiale fondée sur la
connaissance. (2007/C XXX/YY) ; 16096/1/07 REV 1; 9 pages. CONCLUSIONS DU CONSEIL et des représentants des
gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil le 26 novembre 2009, sur le renforcement du rôle de
l'éducation en vue d'assurer le bon fonctionnement du triangle de la connaissance (2009/C 302/03) Journal officiel de
l’Union européenne, 12.12.2009, C 302/3.
73
http://www.industrie.gouv.fr/enjeux/europe/lisbonne.html
34
Étant donné que les politiques concernées relèvent presque exclusivement des compétences
attribuées aux États membres, une méthode ouverte de coordination (MOC)* incluant l'élaboration de plans
d'action nationaux (les plans nationaux de réforme - PNR)* a été mise en place.
*La méthode ouverte de coordination (MOC) :
La MOC est instituée dans des domaines qui relèvent de la compétence des États membres (politique
industrielle, innovation, emploi, protection sociale, formation, etc).
En vue de faire converger leurs politiques nationales pour réaliser certains objectifs communs les Etats
membres sont évalués par d'autres États membres et le rôle de la Commission est limité à de la surveillance.
Elle se base principalement sur:
- l'identification et la définition en commun d'objectifs à remplir (adoptés par le Conseil);
- des instruments de mesure définis en commun (statistiques, indicateurs, lignes directrices)
- le « benchmarking », c'est-à-dire la comparaison des performances des États membres et l'échange des
meilleures pratiques (surveillance effectuée par la Commission);
Dans le cadre de la stratégie de Lisbonne la MOC impose aux États membres d'élaborer des plans de réformes
nationaux (PNR) et les transmet à la Commission.
*Les plans nationaux de réforme (PNR) :
Conçus et mis en œuvre par chacun des 27 états membres selon un ensemble de lignes directrices intégrées
(LDI) réparties en trois parties (macroéconomie, microéconomie et emploi), ce programme décrit la façon dont
les Etats membres entendent atteindre les objectifs de Lisbonne.
Chaque année, les Etats membres adressent à la Commission un rapport de suivi distinguant clairement entre les
différents domaines d'action et faisant état des mesures prises au cours des douze mois antérieurs pour mettre en
œuvre les PNR.
§2 – Une clarification politique : la stratégie de Lisbonne et la priorité
à l’emploi.
Il est hautement significatif d’observer que si la réalisation d’une Europe fondée
sur la connaissance est devenue, depuis le Conseil européen de Lisbonne, en mars 2000, un
objectif central de l'Union européenne, dès novembre 2001 la Commission74
va recentrer son
action sur la mise en œuvre d’un espace européen de formation tout au long de la vie au motif
suivant: « l'éducation et la formation tout au long de la vie ont un rôle clé à jouer à travers la mise en
œuvre d'une stratégie coordonnée pour l'emploi, en particulier afin de promouvoir une main d’œuvre
74
COMMUNICATION DE LA COMMISSION « Réaliser un espace européen de l'éducation et de formation
tout au long de la vie », Bruxelles, le 21.11.2001COM(2001) 678 final
35
qualifiée, formée et susceptible de s'adapter »75
. Mais la réalisation de cet espace n’est pas
commandée par le seul respect d’impératifs économiques puisque : « L'éducation et la formation
tout au long de la vie tiennent compte de l'ensemble de l'offre et de la demande en matière d'éducation
et de formation. Elles prennent en compte les connaissances et les compétences acquises dans toutes
les sphères de la vie, qui s'avèrent donc utiles pour faire face à la société moderne. »
76
Contournant le
processus de Bologne, la commission affirme notamment la nécessaire articulation entre
« espace européen de l’éducation et de la formation » et « espace européen de la recherche »77
.
Toutefois la commission ne se borne pas à esquisser un nouveau programme, elle
en spécifie les modalités de mise en œuvre. Ayant constaté la réussite en matière de mobilité
étudiante du système de crédits ECTS, elle propose de mettre en place un dispositif analogue,
tenant compte des critiques des employeurs qui le trouvent trop orienté sur la charge de
travail. Dès novembre 2001 la Commission énonce le contenu du dispositif qu’elle appelle de
ses vœux en ces termes :
« · La Commission propose l'instauration, avant la fin 2001, d'un régime de reconnaissance professionnelle
plus uniforme, transparent et flexible dans le domaine des professions réglementées. Les Etats membres
devraient, en collaboration avec la Commission, s'assurer que les citoyens ont accès à des informations
récentes et pertinentes concernant ces directives et les questions plus générales liées à la reconnaissance.
Les réseaux européens possédant des points de contact nationaux en matière de reconnaissance
professionnelle, tels que NARIC* les CNROP** devraient jouer un rôle central à cet égard.
· En collaboration avec les Etats membres et les établissements d'enseignement supérieur, la Commission
soutiendra activement le "processus de Bologne" dans le domaine de l'enseignement supérieur.
L'expérience acquise dans le cadre de ce processus servira de base afin de promouvoir une coopération
plus étroite dans d'autres domaines, notamment celui de l'enseignement et de la formation
professionnels.
· En collaboration avec les Etats membres, les établissements d'enseignement supérieur, les associations
professionnelles et les partenaires sociaux, la Commission soutiendra la création et la mise en oeuvre
volontaire de diplômes et certificats européens, ainsi que la définition des critères auxquels ces derniers
devront satisfaire. Ceci s'applique aux initiatives prises tant dans l'enseignement supérieur que par l es
entreprises/secteurs. »
78
* NARIC: Centres nationaux d'information sur la reconnaissance académique.
** CNROP: Centres nationaux de ressources pour l'orientation professionnelle
75
COMMUNICATION DE LA COMMISSION « Réaliser un espace européen de l'éducation et de formation
tout au long de la vie », Bruxelles, le 21.11.2001 COM(2001) 678 final p.8
76
Ibidem, p.8
77
« Afin d'atteindre l'objectif fixé par Lisbonne d'une société fondée sur la connaissance, des liens
étroits seront établis entre l'espace européen de l'éducation et de la formation tout au long de la vie
et l'espace européen de la recherche, notamment dans l'objectif d'accroître l'intérêt des jeunes pour
les carrières scientifiques et technologiques. » Ibidem, p.10
78
COMMUNICATION DE LA COMMISSION « Réaliser un espace européen de l'éducation et de
formation tout au long de la vie », Bruxelles, le 21.11.2001COM(2001) 678 final, p.19
36
Il est vrai que ces initiatives sont précédées par la réunion du Conseil européen de
Stockholm au printemps 2001, au cours duquel le "Rapport sur les Objectifs Futurs Concrets
des Systèmes d’Éducation et de Formation" fut approuvé. Comme le rappellent Isabelle Le
Mouillour, Gabriele Fiez et Thomas Reglin « Les questions essentielles du rapport concernent
l’amélioration de la qualité de l’enseignement général et de l’enseignement et de la formation
professionnels dans l’UE, l’accès à l’apprentissage tout au long de la vie pour tous les citoyens et
l’ouverture des systèmes européens d’éducation et de formation à l’échelle mondiale. Dans le respect
des principes de subsidiarité et de proportionnalité, la méthode ouverte de coordination fut jugée
appropriée pour parvenir rapidement et efficacement à des améliorations dans les sphères de
l’enseignement général et de l’enseignement et de la formation professionnels. En outre, le Conseil
insista sur l’urgence des mesures à prendre en matière de promotion de la mobilité, en demandant le
développement d’un plan d’action qui répondrait à cette exigence. »79
§3 - Une clarification sémantique : des compétences aux acquis de
l’apprentissage et de la formation.
Comme l’avaient relevé Anne Marie DAUNE-RICHARD et Emmanuelle
LEMAIRE le premier paradigme relatif aux compétences conduisait à les considérer comme le
substrat d’une sorte de « qualification sociale ». En revenant dans le champ de l’enseignement
et de la formation professionnels le concept de compétences s’insère dans un autre référentiel
qui conduit à mettre l’accent sur les acquis de l’apprentissage.
Procédant à une relecture de la littérature académique relative respectivement
aux conceptions successives de la qualification et aux problématiques plus ou moins en rupture
qui leur ont succédé, caractérisées, on l’a vu, par l’expression « approche par les compétences,
Ewan Oiry [2005] entend montrer que 3 conceptions distinctes de la qualification ont vu le
jour se différenciant au regard de trois critères : la référence ou non au poste de travail, le fait
de procéder ou non d’un savoir réputé scientifique et donc objectif, le fait de faire l’objet ou
non de négociation(s) entre employeurs et syndicats80
. Sur cette base, il considère que
79
Isabelle Le Mouillour, Gabriele Fiez et Thomas Reglin [2007] Etude sur la mise en oeuvre et le
développement d’un système ECVET pour la formation professionnelle initiale, Effectuée par le
Forschungsinstitut Betriebliche Bildung f-bb et le Bundesinstitut für Berufsbildung BIBB pour la
Commission européenne – DG EAC. Rapport final Octobre 2007, p. 16.
80
OIRY E., Qualification et compétence : deux soeurs jumelles ?, Revue française de gestion 2005/5,
n°158, p. 13-34.
37
l’approche par les compétences la plus récente qui rejoint la troisième conception (dans l’ordre
chronologique) de la qualification ne se situe pas en rupture avec elle mais dans la continuité
avec celle-ci puisqu’elle partage avec elle deux critères à savoir la rupture avec la référence au
poste de travail (rupture non essentielle à ses yeux) et le fait de faire l’objet de négociations. Il
s’agit là d’une des contributions majeures des sciences de gestion sur la question. Elle semble,
en apparence, coïncider avec les thèses soutenues par Alain d’Iribarne qui voit « dans la
logique de rupture, un jeu d’acteurs ˈsociétalementˈ construit, propre à la France. ». En fait, et
cela est essentiel tant au regard de cette deuxième partie, qu’au regard de la compréhension des
enjeux de l’approche par compétences dans l’enseignement supérieur, la différence
fondamentale tient à ce que la littérature sur les qualifications ne présuppose aucune relation
clairement explicitée entre la qualification et les caractéristiques de l’organisation dans le
cadre de laquelle le salarié exerce son activité alors que l’approche par compétences fonde sa
pertinence sur la nature des relations entre les compétences individuelles et les ressources de
l’organisation de toute nature, non réductibles à d’hypothétiques compétences collectives.
Ce débat est stratégique : il est au cœur des différences entre conceptions anglo-
saxonnes et continentales qui seront au centre de la problématique de la formation tout au long
de la vie et qui verra le triomphe du pragmatisme anglo-saxon avec l’adoption généralisée du
« vocational training ».
Ainsi l’extrait suivant de la brochure publiée par la Commission européenne sous
le titre « le cadre européen des certifications pour l’éducation et la formation tout au long
de la vie (CEC) » fournit une illustration saisissante du changement de paradigme et de ses
effets à venir :
« Par acquis de l'éducation et de la formation, le CEC entend ce qu’un apprenant
connait, comprend et peut faire a l’issue d’un processus d’éducation et de formation. Le CEC se
concentre donc sur les résultats de l’apprentissage plutôt que sur les parcours, par exemple la durée
des études. Les acquis de l'éducation et de la formation se repartissent en trois catégories: les savoirs,
les aptitudes et les compétences. Cela signifie que les certifications, dans différentes combinaisons,
regroupent un large éventail d’acquis de l'éducation et de la formation, notamment en termes de
savoirs théoriques, d’aptitudes pratiques et techniques et de compétences sociales pour lesquelles la
capacité à travailler avec les autres sera essentielle »81
Pour la Commission une des missions essentielles du cadre européen de
certification est de créer une culture de l'apprentissage ce qui exige de « déterminer d'une
81
COMMISSION EUROPÉENNE DG Education et culture Le cadre européen des certifications pour l’éducation et la
formation tout au long de la vie (cec) Luxembourg: Office des publications officielles des Communautés
européennes, 2008, page 3.
38
manière cohérente une méthode de valorisation de l'apprentissage formel, non formel et informel. Pour
que les citoyens aient la possibilité de développer et de combiner les connaissances acquises dans les
écoles, les universités et les organismes de formation, au travail, pendant leurs loisirs et leurs activités
familiales, il faut que toutes les formes d'apprentissage puissent être identifiées, évaluées et reconnues.
Une nouvelle approche globale est requise afin de relier entre eux différents contextes et différentes
formes d'apprentissage, ainsi que pour faciliter l'accès à des parcours individuels d'éducation et de
formation »82
Afin précisément d’homogénéiser la mise en œuvre de cette méthode et d’en
conforter la cohérence, il revint à la Commission de prendre l’initiative de deux instruments
appelés à jouer un rôle stratégique dans le dispositif mis en place à l’appui de la politique
d’éducation et de formation tout au long de la vie :
De nouveaux instruments au niveau européen pour soutenir la
valorisation de toutes les formes d'apprentissage 83
La Commission développera, d'ici à la fin de 2002, un système de
"portefeuille" qui permettra aux citoyens, à tous les stades de l'éducation et de la
formation, de rassembler et de présenter leurs qualifications et leurs compétences à
tous les stades de l'éducation et de la formation. Ce modèle se fondera sur
l'expérience déjà acquise, y compris sur le CV européen - qui consiste en un résumé
des qualifications et des compétences - requis par le Conseil européen de Lisbonne.
En collaboration avec les Etats membres, la Commission mettra au
point, d'ici à 2003, un système "modulaire" d'accumulation des qualifications, qui
permettra aux citoyens de combiner l'éducation et la formation acquises dans des
établissements ou des pays différents. Ce système sera développé à partir du système
européen de transfert d'unités de cours capitalisables (ECTS) et de l'Europass.
82
COMMUNICATION DE LA COMMISSION « Réaliser un espace européen de l'éducation et de formation tout au
long de la vie », Bruxelles, le 21.11.2001COM(2001) 678 final, p.18
83
Ibidem, p.20
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L' avènement de la validation des acquis de formation en France et en Europe

  • 1. L’avènement de la validation des acquis de formation en France et en Europe : Les fonctions dévolues au portefeuille de compétences et d’expériences, Enjeux pour l’Université et la société. Daniel Dufourt GREPH Janvier 2011
  • 2. 2 AVERTISSEMENT Enseignant-chercheur au Groupe de recherche en épistémologie politique et historique, rattaché à l’équipe d’accueil LEPS dans le cadre du quadriennal 2007-2010, j’ai été amené à prendre part aux activités de l’école doctorale EPIC. Les échanges nourris avec mes collègues des sciences de l’éducation et la qualité de l’accueil de son directeur, André Robert, m’ont incité à chercher à identifier les logiques sous-jacentes au processus de Bologne, d’une part, et, d’autre part, à la politique européenne de formation tout au long de la vie, laquelle revêt dans la « stratégie de Lisbonne » un caractère essentiel. Gilles Pollet, directeur de Sciences-Po Lyon, m’ayant fort opportunément proposé de donner une dimension opérationnelle à ces analyses et à en tirer des enseignements au bénéfice de la communauté éducative de l’établissement, les résultats du travail entrepris sont présentés sous forme d’un rapport et de deux annexes. Pour finir, il me faut remercier encore l’UMR Education, Culture et politiques et les organisateurs du récent colloque des 6 et 7 janvier 2011 qui ont su intégrer dans les projets scientifiques en discussion, les questions relatives à la pédagogie numérique et à ses rétroactions sur les conceptions et pratiques éducatives. Daniel Dufourt Professeur de Sciences économiques à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon
  • 3. 3 Le portefeuille d’expériences et de compétences. Instrument de repérage et de mise en valeur des acquis de la formation et des recherches accomplies à Sciences-Po Lyon Rapport de Mission Daniel Dufourt Professeur de Sciences Economiques Octobre 2010
  • 4. 4 Avant Propos Par arrêté en date du 15 avril 2010, le professeur Gilles Pollet, Directeur de SciencesPo-Lyon a bien voulu me confier une mission visant « la réalisation d’un rapport portant sur les applications possibles, au sein de l’IEP de Lyon, des outils destinés à favoriser la transparence et la reconnaissance des compétences et des qualifications de nos étudiants et diplômés (passeport formation et portfolio numérique notamment) » Le rapport présenté ci-après s’inscrit dans le prolongement de deux types d’interrogations : celles exprimées dans le rapport Hetzel quant à l’insertion professionnelle des étudiants et celles évoquées par Patrick Chevalier quant au succès et enjeux du recours à cette fin, dans l’enseignement supérieur, au portefeuille numérique d’expériences et de compétences. Le 24 octobre 2006, Patrick Hetzel, recteur de l’académie de Limoges présentait en Sorbonne le résultat des travaux de la Commission du débat national Université-Emploi. Le rapport remis aux pouvoirs publics précise dès la page 9 qu’«il s’agit de tout mettre en oeuvre pour que la situation actuelle où bon nombre d’étudiants se retrouvent seuls face à la fois à l’université et au monde du travail, seuls pour faire le pont entre ces deux mondes, se modifie. Il convient de proposer aux étudiants un passage progressif de l’université vers le monde du travail en passant d’une vision où le diplôme est considéré comme un couperet à une vision où le monde de l’emploi est progressivement intégré dans les différents cursus. Ou pour le formuler encore autrement, plutôt que d’avoir une vision dichotomique où l’étudiant acquiert d’abord un diplôme et va ensuite vers le monde du travail, notre commission préconise une évolution paradigmatique où la question de l’insertion professionnelle serait prise en charge plus en amont dans les cursus universitaires permettant ainsi une démarche moins brutale, nettement plus progressive vers l’emploi. » Quelque temps auparavant, P. Chevalier1 présentait ainsi, à l’occasion d’un séminaire de l’AMUE, les enjeux du portfolio numérique : « - prise en compte du projet personnel dans l'activité pédagogique (l'existence de ce projet et la réflexion sur les acquisitions en lien avec lui sont moteurs au plan pédagogique) ; - respect de la personne (elle détient les informations sur elle-même et peut décider de l'image qu'elle présente à l'extérieur) ; - globalité de l'approche compétences et connaissances (les diplômes sont complétés par les réalisations et l'expérience et l'activité sociale peut avoir un très grand intérêt pour l'activité académique ou professionnelle) 1 Directeur R & D, EifEL European Institute for E-Learning et professeur associé à l’Université Lille 1.
  • 5. 5 - continuité du développement personnel dans les différents secteurs, depuis l'école jusqu'à la fin d'activité (la formation tout au long de la vie, la validation des acquis de l'expérience deviennent davantage que des slogans)… » 2 Le rapport présenté ci-après s’inscrit dans le prolongement des préoccupations exprimées dans le rapport HETZEL et des innovations de toute nature qu’introduit dans les cursus universitaires la prise en compte des potentialités offertes par le portefeuille numérique au regard de la future insertion professionnelle des étudiants. Dans toute la mesure du possible, il s’est efforcé de tirer parti des expériences étrangères (en Europe et dans le reste du monde) et du bilan synthétique des expériences françaises en cours. Lyon, Le 28 octobre 2010 Daniel Dufourt Professeur de sciences économiques à l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon 2 Patrick CHEVALIER « Le portefolio numérique » Conférence de l'AMUE (Agence de Mutualisation des Universités) : Mettre les TIC au service du LMD, 30 mars 2004. Production : Université Louis Pasteur, Strasbourg : http://canalc2.u-strasbg.fr/video.asp?idvideo=2726
  • 6. 6 INTRODUCTION Le portefeuille d’expériences et de compétences (PEC), est un dispositif développé en juillet 2004 par un consortium d’Universités alors composé de Grenoble 1, Poitiers, Toulouse 1, et Toulouse 3 3 . Toutefois l’introduction officielle du portefeuille d’expériences et de compétences dans l’enseignement supérieur en France s’effectue à l’occasion de la présentation en Sorbonne du Rapport HETZEL 4 le 24 octobre 2006. Intitulé « De l’Université à l’Emploi. 2006-2009 : Premier bilan de mise en œuvre des propositions et orientations », ce rapport 5 précise en rubrique « B.4. Accompagner vers l’insertion professionnelle les étudiants diplômés » : Quelques universités ont envisagé d’autres actions plus spécifiques comme la traduction des diplômes en compétences pour une meilleure lisibilité par les entreprises ; la mise en place du dispositif « Portefeuille d’expériences et de compétences » (PEC) qui est un outil numérique permettant à tous les étudiants de s’engager dans une démarche de description de ses acquis (formation, expériences personnelles et professionnelles) et de définition de ses compétences. (…) Passant d’initiatives annoncées à la mise en œuvre effective, trois Universités -autonomes depuis le 1er janvier 2009- sont distinguées par les auteurs du Rapport final AERES de la vague 3 : l’université Cergy- Pontoise, l’Université Montpellier 1 et l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne 6 . Dans le cadre de l’appel à projets lancé en 2009 par le Haut commissariat à la jeunesse, une expérimentation du PEC à l’échelle nationale a été proposée, impliquant cette fois 13 Universités, dont deux Universités membres du PRES ULNF : Lille 1 et UVHC. L’UVHC et Lille 1 se proposent d’expérimenter pour le PRES ULNF, le PEC sur une centaine d’étudiants chacune 7 . 3 http://www.pec.ups-tlse.fr/ 4 Commission du débat national Université-Emploi « De l’Université à l’Emploi » 2006-2009 : Premier bilan de mise en œuvre des propositions et orientations » disponible à http://www.generation- europe.eu/activities/paris-conference/rapport_hetzel.pdf 5 destiné à rendre compte des travaux de la Commission du débat national Université Emploi. 6 http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2010/21/8/autonomie_des_universites_- _retour_d_experience_149218.pdf. Les sites créés par ces Universités sont évoqués infra. 7 PRES Université Lille-Nord, France, Commission Formation Tout au Long de la Vie ANNEXE 2 disponible à : http://www.univ-lille-nord-de-france.fr/telechargement/FTLV/Programme_FTLV_ULNF.pdf
  • 7. 7 Parallèlement, un nombre important d’Universités ont mis en place le PEC le plus souvent sous la responsabilité du SCUIO : parmi les réalisations effectives ou en cours se distinguent les projets et les réalisations respectives des Universités de Pau et des Pays de l’Adour 8 , de Paris V 9 , de Versailles –Saint Quentin en Yvelines 10 et l’UCO 11 . Il y a lieu de remarquer dès maintenant que l’ampleur des moyens financiers mis en œuvre est très variable en fonction des modes de financement retenus et de l’existence ou non de partenaires. Ainsi le projet pilote Leonardo de Vinci impliquant le CNAM et 5 autres partenaires appartenant à 5 pays (DE, IT, F, SK, ES) intitulé « Juvenes Mobiles » de 38 mois (novembre 01- décembre 04) a été soumis avec un budget de 544.483 €. Ce projet visait « la création d’un portefeuille électronique de compétences transversales d’accès à l’emploi» qui permettra à 150 jeunes de mieux identifier leurs compétences et de les améliorer. Les partenaires ont obtenu la coopération de 100 entreprises dans les 5 pays et pouvaient escompter une subvention de l’UE de 408.362 € 12 . De son côté le financement du projet national impliquant les 13 Universités s’élève à 1,5 millions d’euros sur 3 ans dont 60.000 euros à chacune des Universités. S’agissant du PRES Lille-Nord France le nombre d’étudiants concernés - mises à part les 2 universités citées (100 étudiants chacune)- est de 50 étudiants par établissements. Il ressort de cette estimation que le financement minimal pour un établissement -lui-même fonction du nombre d’étudiants concernés et des modalités pratiques de la mise en œuvre du PEC ( recours ou non à des outils open-source gratuits)- peut être évalué à 20.000 € par an13 , tout en soulignant qu’une mise en œuvre dans un cadre de coopération inter-établissements (réseau des 6 IEP) est susceptible d’apporter des sources de financement supplémentaires conséquentes et que des économies substantielles sont possibles liées à l’expérience acquise sur des plateformes telles que Moodle 2.0 en les 8 http://www.univ-pau.fr/live/digitalAssets/91/91190_dossier_presse_rentree_mercredi_9_sept.pdf 9 http://www.scuio.univ-paris5.fr/IMG/pdf/RAPPORT_2007-2008.pdf 10 http://www.e-portfolio.uvsq.fr/ 11 http://www.uco.fr/divers/je20080307/docs/GauthierUCOePortfolioV1.pdf 12 http://www.europe-education-formation.fr/docs/Leonardo/Compendium-GP-01.pdf 13 « Le budget annuel sur 4 ans de ce projet s’élèverait pour chacune, et pour une mise en œuvre pour 50 étudiants, à 20 000 euros correspondant à un mi-temps IGE + 10.000 euros correspondant aux heures passées à l’accompagnement ».
  • 8. 8 associant à Mahara14 , plateforme de type CMS résultat d'une collaboration entre différents établissements de formation et universités de Nouvelle- Zélande. Cette plateforme ePortfolio « met divers outils (blogs, CV, fonctions de travail en réseau, Social Networking, etc.) à la disposition de l'utilisateur en vue de concevoir et d'organiser une plateforme de développement et de présentation. Mahara offre ainsi à l'utilisateur la possibilité de décider quels contenus il permet de consulter librement à d'autres étudiants, à des enseignants ou à des groupes entiers d'apprenants 15 ». Certaines Universités françaises (UVSQ, Lille1, Paris V) ont fait le choix de rejoindre la communauté francophone ELGG16 et de recourir à cette plateforme eportfolio pour se connecter à Moodle. Dans un cadre plus international, l’Université Technologique de Compiègne, les régions Centre et Poitou-Charentes ainsi que Rennes- Métropole sont membres et partenaires du réseau « EIfEL et Europortfolio17 » D’autres Universités ont préféré mettre l’accent, en amont du PEC, sur l’élaboration d’un livret de compétences : c’est le cas de l’Université Paris‐Est Créteil Val‐de‐Marne dont le SCUIO a été distingué en 2010 en se voyant décerner le Grand Prix de la catégorie « rencontres entreprises ‐ diplômés » du trophée RUE 2010 – SYNERGIE campus entreprises, et à Saint Etienne, de l’Université Jean Monnet18 qui est à ce jour la seule Université française à avoir publié un « guide de compétences », disponible en ligne. Afin de situer l’examen des expérimentations en cours dans une perspective historique pertinente, et avant d’en dresser le bilan nous procéderons à l’analyse des facteurs à l’origine des transformations économiques et sociales des sociétés dites industrialisées qui ont conduit de l’accès à l’emploi par des qualifications sanctionnées par un diplôme, à un régime d’employabilité fondée sur la mobilisation de compétences (1ère partie). 14 Il est en effet possible d’associer Mahara (http://mahara.org) qui est « an open source e-portfolio system », distinguée en 2008 par le New Zeland Open Source Award 2008, avec Moodle 2.0. Cf. : http://moodlemoot.org/mod/resource/view.php?id=325 http://slides.liip.ch/img/documents/20090320_Penny_Leach_MoodleMoot-DE_Mahara.pdf L’INSA de Lyon dispose de l’expertise adéquate à cette fin. 15 Source : Thomas Longeon – Thierry Jean-Baptiste –Pierre Bénech Le ePortfolio « Mahara » Ecole d’architecture de Nancy. http://longeon.fr/wp-content/uploads/2010/02/Analyse-TICE-Portfolio.pdf 16 Cf. http://www.elgg.org/ et http://www.elgg.elgg.fr/ pour la communauté francophone 17 Cf. http://www.eife-l.org/publications/eportfolio/index_html 18 Université Jean Monnet SCUIO Guide de compétences. Les Licences. Plateforme Insertion Professionnelle, juin 2010, 56 pages. Téléchargeable à l’adresse : http://portail.univ-st-etienne.fr/bienvenue/presentation/les-relations-universite-entreprises- 224230.kjsp
  • 9. 9 Puis, nous situerons le rôle exact -aux côtés des politiques nationales- joué par le processus de Bologne dans la mise en place d’une politique d’éducation et de formation tout au long de la vie. Cette politique vise à garantir l’employabilité par une politique de sécurisation des parcours professionnels s’appuyant sur un programme ambitieux de certification des compétences et de transformation des Universités en lieux d’expertise de validation des acquis de l’expérience et de l’apprentissage (« Learning outcomes »). Cette nouvelle mission dévolue aux Universités s’inscrit dans un processus qui bouscule tout le système de formation professionnelle et qui nécessite, au regard de la commission européenne et des gouvernements des Etats membres, la mise en œuvre simultanée d’une harmonisation des parcours de formation fondée sur des modalités diverses d’évaluation comparative des performances (« benchmarking ») et d’institutionnalisation de la concurrence entre universités autonomes (qualifiées d’universités entrepreneuriales dans les publications de l’OCDE). En effet, la concurrence entre centres d’excellence notamment, semble au regard des dispositifs d’évaluation mis en place (agences d’accréditation de la qualité etc..) la meilleure garantie d’une incitation à la performance. C’est dans ce cadre général, dynamisé par une politique ambitieuse de mobilité tant des enseignants que des étudiants que sont mis en place le portefeuille européen des langues et le cadre de certification européen qui suscitent parallèlement aux mesures nationales de sécurisation des parcours professionnels l’apparition et le développement de portefeuilles numériques d’expériences et de compétences (2ème partie). Nous aborderons ensuite l’examen des expériences des Universités françaises ayant mis en place le PEC afin d’en tirer des enseignements, qui précèderont les préconisations que nous soumettons à la communauté éducative de SciencesPo-Lyon. Dans l’hypothèse, en effet, où l’établissement considèrerait, à juste titre, que le temps est venu de se doter d’ outils exigeants et performants comme les référentiels de compétences et le PEC, il y a lieu de rappeler que ceux-ci ne sont pas destinés à remplacer l’évaluation académique traditionnelle mais à créer un climat propice à l’émergence d’une prise de conscience par tous que les apprenants peuvent devenir acteurs de leur propre formation en maîtrisant par des voies diverses (dont les stages et les travaux de recherche) les applications, dans des contextes variés, des connaissances acquises. (3ème partie).
  • 10. 10 Ière Partie - DE L’ACCÈS A L’EMPLOI PAR LE DIPLÔME AU RÉGIME D’EMPLOYABILITÉ PAR LES COMPÉTENCES. Bien avant que le processus de Bologne ne s’empare de la question de l’employabilité et se propose de relier le parcours de formation au projet professionnel, à la faveur d’une logique de compétences19 , économistes et sociologues avaient dès le début des années 1990 rendu compte des transformations économiques et sociales conduisant les DRH des entreprises à substituer la notion d’employabilité à celle de qualification. Après avoir rappelé les principaux résultats des analyses alors proposées (section1), nous montrerons comment l’émergence et le développement de thématiques centrées sur les caractéristiques de l’économie de la connaissance, sur la redéfinition des missions de l’Etat à la faveur de l’émergence du nouveau management public, et sur l’avènement de l’Université entrepreneuriale, préparent l’introduction de référentiels de compétences dans l’enseignement supérieur et suscitent le débat sur des formes nouvelles d’adéquation du système de formation aux transformations de l’emploi dues aux NTIC et à la tertiarisation de l’économie (section2). SECTION 1 – SURMONTER LA VOLATILITÉ DES QUALIFICATIONS Dès la prise de conscience, advenue après le 2nd choc pétrolier, de la crise du rapport salarial qualifié de fordiste et caractérisé par une stabilité des types d’emploi dans des industries aux structures productives rigides, économistes et sociologues ont remis en cause la pérennité d’une relation d’emploi20 fondée sur l’accès à l’emploi en fonction d’une correspondance supposée pérenne entre les caractéristiques du poste de travail et les 19 Official Bologna Seminar 6-7 November 2008 Employability: The Employers’ Perspective and its Implications. Voir notamment la communication de Marie-Pierre MAIRESSE « L’employabilité: un nouvel enjeu pour les Universités ». 20 Anne-Marie DAUNE-RICHARD, Madeleine LEMAIRE [1993] « Regards croisés sur les employabilités » Document LEST, 93/1, 12 pages.
  • 11. 11 qualifications21 requises pour l’exercer. Comme l’offre de qualifications semblait assurée par l’obtention de diplômes appropriés, qualifications et diplômes fournissaient ainsi l’ossature des grilles de salaires dans un contexte de forte croissance de la productivité apparente du travail davantage associée à l’augmentation des quantités produites (allongement des séries) qu’à l’innovation de produits et/ou de procédés. En 1990, Bernard Gazier s’interroge sur l’employabilité et propose une radiographie d’un concept en mutation. Dès 1994, Françoise Ropé et Lucie Tanguy publient un ouvrage collectif « Savoirs et compétences. De l’usage de ces notions dans l’école et l’entreprise ». Poursuivant la démarche entreprise ces auteurs parviennent dans un article ultérieur22 aux conclusions suivantes : D'un côté, on souhaite passer d’un système d'enseignement centré sur les savoirs au sein de filières scolaires à un système d'apprentissage centré sur l'élève, acteur de son parcours scolaire au moment où, de l'autre, on passe d'une organisation productive au sein de laquelle pouvait ou non se mener une carrière, à une organisation valorisante créatrice de compétences pour l'individu salarié au cours de son parcours professionnel; dans l'un et l'autre cas, on observe une recherche poussée d'individualisation. En miroir, une configuration de notions se dessine en termes de 1) contrat d'apprentissage et contrat de partenariat; 2) pédagogie par objectifs et management par objectifs; 3) évaluation des savoirs dans une situation donnée et évaluation des savoirs opérationnels, l'ensemble se modélisant au sein de l'institution scolaire dans les objectifs de référence et les référentiels et dans les référentiels d'activités au sein des entreprises. 23 » Ainsi, les changements alors en cours dans le système des relations professionnelles et dans le système de formation étaient bien identifiés. Mais les sources de ces changements demeuraient assez obscures. En fait, les recherches ultérieures conduiront à mettre en avant trois catégories de facteurs explicatifs des changements observés : 21 Entendues conventionnellement comme « ensemble de savoir-faire et de techniques reconnu dans une formation et sanctionné par un diplôme ». 22 Françoise ROPÉ et Lucie TANGUY « La codification de la formation et du travail en termes de compétences en France », Revue des sciences de l'éducation, vol. 21, n° 4, 1995, p. 731-754. 23 Ropé et Tanguy, article cité p. 748.
  • 12. 12 - l’interaction entre la diffusion des NTIC et l’introduction d’une flexibilité accrue de l’appareil de production24 en réponse à une demande beaucoup plus versatile liée à l’accélération des innovations de produits et de procédés25 , - l’impossibilité pratique à un niveau macroéconomique de déduire des caractéristiques de l’évolution économique attendue la nature des postes de travail à pourvoir et des qualifications qu’ils requièrent pour les occuper. Ce constat est manifeste dès la fin des années 80 où les prévisions du Bureau d’Informations et de Prévisions Economiques (BIPE) ou de la CEGOS26 et le recours massif à l’expertise de cabinets-conseils se substituent, en matière d’anticipation des besoins en compétences à satisfaire27 , au rôle éminent jusque là dévolu au CGP et au CEREQ28 en matière de prévision de la structure des emplois et des qualifications, 24 Au milieu des années 1980 les débats en matière d’organisation de la production s’organisent autour de l’automatisation flexible Cf. D.DUFOURT« Système d'observation de l'automation intégrée de production ». Rapport final, Convention 85. P. 1218 E.C.T. avec le Ministère de la Recherche et de la Technologie, Programme AMES, juillet 1987, E.C.T., 123 pages. 25 D’où l’apparition d’une profonde mutation, tant paradigmatique qu’organisationnelle dont la source est l’invention de l’ingéniérie concourante. Cf. Christel DARTIGUES, État de l’art sur l’Ingénierie Concourante, Rapport de Recherche RR 01-02 UFR d’Informatique, Université Claude Bernard Lyon 1, 40 pages. 26 La CEGOS (association loi de 1901 au départ) publie en 1984 un rapport cosigné par Cegos et Yves Cannac : «La bataille de la compétence. L’éducation professionnelle permanente au cœur des stratégies de l’entreprise». 27 S’agissant de la période actuelle, on observera qu’il revient au syndicat professionnel des SSII d’effectuer l’anticipation des compétences nécessaires pour pouvoir exercer les nouveaux métiers, ce que ne parviennent à faire, ni les pouvoirs publics, ni le système de formation trop éloigné des évolutions des structures d’activité, ni les entreprises clientes des SSII qui définissent les métiers mais sont incapables d’expliciter les compétences qui leurs sont associées. L’exemple de l’informatique embarquée principale source actuelle et future de créations d’emplois dans l’ingéniérie informatique est éclairant. On se reportera utilement à l’étude réalisée par l’observatoire paritaire OPIIEC, structure lié à SYNTEC : « Étude sur l’offre de formation métiers de l’informatique embarquée » Synthèse de la mission, mai 2009, 32 pages. 28 « Un peu plus tard, le Centre d'Études et de Recherches sur les Qualifications (CEREQ) propose la notion d'"emploi-type étudié dans sa dynamique" (ETED) pour "anticiper la production des compétences" et reprend la classique distinction entre savoirs, savoir-faire et savoir-être qui se trouve ainsi confirmée (Mandon, 1990). La gestion prévisionnelle des ressources humaines s'éloigne de la visée quantitative et collective, pour entreprendre une approche qualitative et individuelle ». Patrick GILBERT « La notion de compétences et ses usages en gestion des ressources humaines » Actes du séminaire - Management et gestion des ressources humaines : stratégies, acteurs et pratiques, Août 2005, publié par EDUSCOL, Les actes de la DGESCO, juin 2006, disponible à : http://media.eduscol.education.fr/file/Formation_continue_enseignants/35/3/GRH_actes_110353.pdf
  • 13. 13 - l’impact massif sur la polarisation salariale, (entendue comme la manifestation d’une aggravation des écarts par rapport au salaire médian entre salaires les plus faibles et salaires les plus élevés) des innovations technologiques et des délocalisations liées aux effets de la mondialisation laisse à nu des sociétés qui découvrent avec les emplois précaires et intérimaires et la fin des marchés internes du travail29 , les attributs du nouveau rapport salarial30 advenu dans une société tertiaire dans laquelle domine la relation de service31 . §1 – La sécurisation des parcours professionnels et l’avènement de la logique des compétences. A quels besoins répond la logique des compétences ? Les points de vue sont assez dissemblables selon les acteurs et les disciplines mobilisées. La sécurisation des parcours professionnels 32 met sur le devant de la scène quatre catégories d’acteurs : les travailleurs à la recherche d’un emploi ou d’une formation dans le cadre d’une évolution professionnelle, les entreprises astreintes à une gestion prévisionnelle des compétences, souvent très approximative en raison du défaut de coordination qui affecte le fonctionnement du marché du travail, la puissance publique qui voit dans la sécurisation des parcours professionnels la voie royale pour concilier flexibilité et sécurité, et enfin le 29 Marchés internes que la Gestion Prévisionnelle des Compétences conduira à liquider comme l’observe fort justement Laurent Duclos : « L’ironie veut que les grandes entreprises françaises –anticipant peut-être la fin d’un modèle d’intervention des pouvoirs publics permettant de fait l’externalisation de la gestion sociale des restructurations – se soient appuyées sur la GPEC pour liquider le reliquat de marché interne ». Il précise d’ailleurs que : « Le sous-emploi chronique a non seulement encouragé le développement de l’outsourcing en matière productive mais aussi les comportements de « chasseur-cueilleur» en matière de qualification (poaching). Les entreprises ont pu voir, en contrepartie, leur capacité à orienter directement les «flux » de main-d’œuvre diminuer. Celles qui connaissent alors des difficultés de recrutement ou qui proposent des métiers peu valorisants sont ainsi confrontées à de nouveaux enjeux d’arbitrage entre redéploiement d’un «marché interne» et simple recours au marché externe du travail pour rester attractives. Il reste que la notion de marché interne débordait, dans les années 1970, les seuls enjeux de gestion des ressources humaines pour intéresser le modèle de l’entreprise (fordiste) en son ensemble ». Laurent DUCLOS « Le droit de la bonne pratique. Enquête sur une norme de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences » Dossier Nouvelles Pratiques Juridiques, Cahiers Philosophiques, n° 116, décembre 2008, p. 51 30 Cf. OIRY Ewan, d’IRIBARNE Alain [2001] La notion de compétence : continuités et changements par rapport à la notion de qualification, Sociologie du Travail, Volume 43, n°1, pages 49-66. 31 Cf le numéro spécial [ n°306, janv-fev. 2006] de la revue « Travail et Changement » de l’ANACT intitulé « Organiser la relation de service » dans lequel les auteurs évoquent la nécessité pour les salariés de disposer certes de compétences techniques pour produire le service mais aussi de compétences organisationnelles nécessaires pour faire face aux demandes des clients et faire preuve ainsi d’une compétence relationnelle. 32 Édith ARNOULT-BRILL La sécurisation des parcours professionnels, AVIS ET RAPPORTS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL, n°12, 6 juin 2007, 190 pages.
  • 14. 14 système de formation avec notamment des structures privées comme les SSII appeler à former dans des périodes d’intercontrats des personnes dont les compétences ne sont pas disponibles sur le marché du travail et que le système de formation « classique » ne peut offrir qu’au terme d’un temps de latence plus ou moins long. La dimension cognitive des compétences est fortement soulignée dans les sciences de l’éducation en réponse aux changements qui affectent le système de formation33 . En revanche, les entreprises mettent l’accent sur des savoirs expérientiels34 , qui mettent en jeu la capacité des travailleurs à être immédiatement performants dans leurs activités tout en reconnaissant que l’adéquation entre savoirs procéduraux et situation de travail nécessite une mise en relation adéquate entre ressources individuelles et ressources de la firme ainsi qu’en témoigne le schéma ci-dessous dû à Didier Retour 35 qui met l’accent sur les éléments stratégiques d’une gestion dynamique tout autant que prévisionnelle des compétences à savoir : - identification des compétences effectivement mobilisées qui peuvent déborder les compétences requises, - prise de conscience des compétences détenues et non mobilisées, - évaluation des compétences potentielles susceptibles d’être acquises dans le cadre de l’évolution de la vie professionnelle. La puissance publique voit dans les compétences le levier de l’ajustement des demandeurs d’emploi aux besoins des entreprises et l’outil de la sécurisation des parcours professionnels. Elle entend de ce fait, en anticipant sur les travaux issus du processus de Bologne, déléguer au système de formation professionnelle la mission d’assurer l’entretien des acquis d’apprentissage et de faire face aux besoins de la formation tout au long de la vie. Les organismes de formation affrontent une difficulté à laquelle les entreprises seules ne peuvent faire face et que l’université elle-même n’est pas préparée -en dépit des travaux précurseurs des sciences de l’éducation sur la transposition didactique des savoirs36 - à prendre en compte centralement, à savoir comment transmettre, - et identifier en termes d’expériences 33 Voir les contributions majeures de Philippe PERRENOUD [2001] et [2004 a]. Cf. Annexe 1 « Ressources ». 34 LE BOTERF Guy.- De la compétence: essai sur un attracteur étrange.- Paris : Ed. d’organisation, 1994.- 176 p. 35 Didier RETOUR Les différents niveaux d’analyse de la gestion des compétences, Actes du séminaire - Management et gestion des ressources humaines : stratégies, acteurs et pratiques, Août 2005, publié par EDUSCOL, Les actes de la DGESCO, juin 2006 pp. 87-100. 36 L’expression est due au sociologue Verret [1975].
  • 15. 15 cognitives-, ce qui conditionne et rend possible la mobilisation des savoirs adaptés face à des situations intervenant dans des contextes variés. Si l’on procède- non pas à une transposition didactique- mais à une projection dans le champ d’une communauté éducative du schéma ci-dessous, nous découvrons les bases mêmes d’une articulation nécessaire et pertinente entre l’évaluation académique classique qui porte sur les savoirs acquis et sanctionnés par un diplôme, l’évaluation par les compétences qui conduit à mettre en évidence les capacités à mobiliser les connaissances acquises dans un contexte particulier (travail de recherche, d’enquête, stages et rapports de stage), et la nécessité d’encourager et d’accompagner le travail réflexif nécessaire pour que chaque étudiant(e) prenne conscience des compétences qu’il (elle) détient et qu’il (elle) mobilise tant dans le cadre de ses études que dans la vie courante (vie associative dans l’établissement, mandat exercé au niveau des conseils universitaires, initiatives diverses tant en France à l’étranger pour initier un projet professionnel). Représentation des quatre niveaux de compétences à considérer Source : Didier RETOUR [2006] Les différents niveaux d’analyse de la gestion des compétences, article cité, p.89.
  • 16. 16 Au cœur de cette articulation entre savoirs et compétences émergent deux notions clefs : celle de référentiels et celle d’individualisation dans l’usage de ces référentiels. §2 – L’introduction des compétences dans le système éducatif. Parallèlement aux transformations économiques et sociales évoquées plus haut et sans que l’on puisse discerner, antérieurement aux lancements des processus de Bologne et de Bruges37 une relation de dépendance au regard des évolutions affectant tant l’organisation de la production que le marché du travail et le système de formation professionnelle, ce qu’il est convenu d’appeler « l’approche par les compétences »38 fait son entrée dans le système éducatif. A juste titre O. Rey39 observe que c’est « à la fin des années 90 que le concept acquiert une visibilité internationale et une dimension plus normative dans tous les pays (dont la France), à travers la multiplication de références aux compétences comme élément central pour le pilotage des programmes ou des curriculums. À ce titre, le projet DeSeCo (définition et sélection de compétences clés) de l’OCDE (1997- 2003) a joué un rôle important, en fixant et systématisant un cadre de discussion international de référence pour les politiques publiques. Piloté par le bureau fédéral suisse des statistiques, le projet a réuni de façon permanente ou ponctuelle divers experts pour dresser des « états de l’art » du concept, confronter les définitions, établir des convergences et finalement lister une série de compétences clés pour le développement des sociétés et des individus. Lesquelles compétences clés auraient bien évidemment vocation à constituer des objectifs majeurs de l’éducation. Cette entreprise est légitimée par le fait que les savoirs traditionnels de base (« basic skills » ou apprentissages fondamentaux) sont importants mais pas suffisants pour répondre aux exigences et à la complexité des demandes sociales actuelles, ce qui justifie l’identification de compétences clés associées à un degré plus élevé de complexité et d’approche réflexive ». 37 Le processus de Bruges renvoie au dispositif mis en place suite à une réunion tenue dans cette ville en juin 2002 en Belgique, dont l’objectif consistait à renforcer la coopération entre les pays de l’Union européenne dans le domaine de la formation professionnelle. Cf. Jean-Paul de Gaudemar, directeur de l’enseignement scolaire, Ouverture de la conférence-débat « « La formation professionnelle en Europe : regards croisés » Rencontres de la DESCO - 6 décembre 2002. 38 Selon Romainville[2007], « cette expression floue engobe des pratiques assez diverses qui vont de l’élaboration collective de référentiels de compétences jusqu’à la mise en place de dispositifs pédagogiques visant à développer spécifiquement des compétences ». 39 REY Olivier (2008). « De la transmission des savoirs à l'approche par compétences ». Dossier d'actualité de la VST, n° 34, avril. INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE PÉDAGOGIQUE Cellule de veille scientifique et technologique. En ligne : <http://www.inrp.fr/vst/LettreVST/34-avril-2008.php>.
  • 17. 17 Pour autant l’introduction effective des compétences dans le système éducatif a été longue, difficile et reste controversée. Longue, car l’approche par compétences s’inscrit en rupture avec la pédagogie par objectifs, « méthode traditionnelle dominante dans le monde scolaire du XXe siècle, qui découpe les savoirs à transmettre au sein des disciplines en autant d’objectifs à atteindre à chaque niveau de la scolarité », et exige un changement fondamental de paradigme en matière d’évaluation puisque la compétence, acquise par apprentissage c’est-à-dire au terme d’un processus à la fois support de l’acquisition et objet de l’évaluation, est fondamentalement contextualisée et finalisée. Il faudra ainsi attendre la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’École du 23 avril 2005, pour que soit mis en place le socle commun de connaissances et de compétences et juillet 2010 pour que soit mis en œuvre dans l’enseignement primaire et secondaire le livret de compétences. Difficile, puisque l’individualisation tant au niveau de la démarche réflexive que l’apprenant est convié à mettre en œuvre qu’au niveau de l’enseignant en charge de l’accompagnement de cette démarche réflexive, suppose la capacité à discerner dans la mise en œuvre de compétences et de savoirs pertinents au regard d’une situation celles et ceux qui pourront être réinvestis dans un autre contexte. Controversée, enfin du fait de dissonances cognitives entre spécialistes anglo- saxons des sciences de l’éducation et spécialistes continentaux. Ces dissonances cognitives qui portent sur le statut épistémologique du concept de compétences, renvoient au cadre d’analyse mobilisé : chez les anglo-saxons40 la mesure de la compétence est référée aux performances qu’elle autorise dans l’exercice de l’activité qui les mobilise, alors que chez les auteurs continentaux la réalité de la compétence se situe davantage au niveau d’une conception piagétienne des relations entre structures de l’entendement et opérations mentales41 engagées dans l’effectuation42 . 40 Marcel CRAHAY [2006] propose de substituer le concept d’apprentissage à celui de compétences en raison de la non pertinence des références utilitaristes qui subordonnent dans la littérature anglo-saxonne la connaissance à l’action. Cf. Crahay Marcel (2006). « Dangers, incertitudes et incomplétude de la logique de la compétence en éducation ». Revue française de pédagogie, n° 154, mars. 41 Joël BRADMETZ [2001] « Une conception piagétienne de la construction d’une théorie de l’esprit et des figures de l’intentionnalité » Archives de Psychologie, 2001, 69, 177-220 . 42 Nous songeons ici au phénomène que REUCHLIN [1978] appelle vicariance des processus, à savoir le fait de pouvoir atteindre une même performance par des stratégies différentes. Cf. REUCHLIN, M. (1978). Processus vicariants et différences individuelles. Journal de Psychologie Normale et Pathologique, 2, 133-145.
  • 18. 18 S’agissant de « la joyeuse entrée des compétences dans l’enseignement supérieur » Marc Romainville [2007]43 s’interroge précisément sur la nature et la pertinence des sources qui en ont précipité l’avènement. A ses yeux, il y aurait deux sources majeures, l’une liée à des insatisfactions internes et l’autre à des demandes externes émanant de la société du savoir et de l’économie de la connaissance. Nous traiterons de ces demandes externes dans la section suivante et aborderons ici la question des insatisfactions internes. Romainville évoque trois types d’insatisfaction ayant pu concourir à la promotion de l’approche par compétences dans l’enseignement supérieur : la superficialité de certains apprentissages, le manque d’intégration des savoirs et le déficit d’installation de certaines compétences soit au niveau de savoirs disciplinaires soit au niveau de parcours de formation. SECTION 2 – ATTENTES SOCIETALES ET RECONFIGURATIONS INSTITUTIONNELLES : DE LA SOCIETE DU SAVOIR AUX UNIVERSITES ENTREPRENEURIALES. Les processus de Bologne et de Bruges ont conduit à l’introduction de référentiels de compétences et à la mise en œuvre du Portefeuille d’Expériences et de Compétences dans l’enseignement supérieur et dans le dispositif d’orientation et d’insertion professionnelle, à la faveur de l’adoption du décret du 8 avril 2002 portant application au système français d'enseignement supérieur de la construction de l'Espace européen de l'Enseignement supérieur et de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités. En effet, en son article 2 alinéa 4 le susdit décret stipule la délivrance d' "une annexe descriptive aux diplômes dite " supplément au diplôme " afin d'assurer, dans le cadre de la mobilité internationale, la lisibilité des connaissances et aptitudes acquises" 44 . De son 43 ROMAINVILLE Marc (2007) "La "joyeuse entrée" des compétences dans l’enseignement supérieur". Revue de l’inspection générale, n° 4, pp. 48-54. 44 A la conférence de Berlin des 18 et 19 septembre 2003 les ministres européens de l’enseignement supérieur ont, en outre, fixé « l'objectif selon lequel à partir de 2005, chaque étudiant qui termine ses études devrait recevoir automatiquement et sans frais le Supplément au diplôme. Ils recommandent aux institutions et aux employeurs de faire pleinement usage du Supplément au diplôme, afin de profiter de la transparence accrue et de la flexibilité améliorée des systèmes de diplômes d'enseignement supérieur pour stimuler l'employabilité et faciliter la reconnaissance académique en vue de la poursuite des études. Le Supplément au diplôme devrait être délivré dans une langue répandue en Europe ".
  • 19. 19 côté, la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 a ajouté aux missions traditionnelles du service public de l’enseignement supérieur celle de « l’orientation et de l’insertion professionnelle ». Le législateur a entendu à cette fin que soit institué dans chaque Université un « Bureau d’aide à l’insertion professionnelle des étudiants », chargé entre autres de diffuser aux étudiants une offre de stages et d’emplois variée en lien avec les formations proposées par l’université et d’assister les étudiants dans leur recherche de stage et d’un premier emploi. Ces mesures s’enracinent dans une prospective des relations entre l’enseignement supérieur, l’économie et la société dominée par des références aux caractéristiques de l’économie de la connaissance, aux nouvelles fonctions dévolues à l’Etat dans la société du savoir et dans la volonté de promouvoir dans un contexte d’autonomie et de concurrence « l’Université entrepreneuriale ». §1 – La valorisation des compétences dans l’économie de la connaissance. L’économie de la connaissance est une sous-discipline de l’économie, apparue dans les années 90 à la conjonction de trois problématiques, qui ont trait respectivement au rôle du capital humain dans la croissance endogène, aux propriétés sui generis de la connaissance comme bien non-rival, sources d’externalités positives et inappropriable dès lors qu’elle embrasse des savoirs tacites aux côtés des connaissances codifiables, et enfin aux effets tant microéconomiques sur la stratégie des entreprises45 que macroéconomiques sur la conception des politiques d’innovation46 de la croissance du capital intangible devenue telle que dès 1990 le stock de capital intangible dépasse le stock de capital tangible (évaluation aux prix de 1987)47 Un des problèmes majeurs mis en évidence par l’analyse des économies de la connaissance est la contradiction entre le rôle désormais stratégique que jouent les actifs immatériels ( savoirs codifiables ou non, connaissances brevetables ou non, compétences et 45 SESSI, L’immatériel, au coeur de la stratégie des entreprises, Le 4 pages n°217, mai 2006. http://www.industrie.gouv.fr/biblioth/docu/4pages/pdf/4p217.pdf 46 LEVY Maurice, JOUYET Jean-Pierre [2006] L’économie de l’immatériel: la croissance de demain, MINEFI, Rapport de la commission sur l’économie de l’immatériel, 184 pages. Voir notamment le chapitre 1 de la 2ème partie du rapport, intitulé « L’économie de l’immatériel accélère l’obsolescence de nos institutions de la connaissance et de la création » pp. 39-63. 47 Cf. J. Kendrick [1994] Total capital and economic growth, Atlantic Economic Journal, 22:1-18.
  • 20. 20 savoirs faire acquis et difficilement transmissibles etc..) et l’impossibilité de les évaluer convenablement parce qu’il n’est possible de le faire qu’en bourse à travers le « goodwill » c’est-à-dire l’écart entre la valeur boursière de la firme et celle de la somme des actifs qu’elle contient au moment de son acquisition. Or la plupart des actifs immatériels insusceptibles d’être évalués faute d’un marché sur lequel puissent s’échanger des droits de propriété sur ces actifs, ne sont évaluables que par l’intermédiaire du « goodwill ». L’introduction sur le marché du travail d’un e-portfolio a ainsi un enjeu qui dépasse la seule sécurisation des parcours professionnels. Il s’agit aussi d’évaluer des compétences à travers l’expérience professionnelle acquise, pour lesquelles il n’y a pas de marché qui puisse en fournir une estimation directe ou indirecte : « Alors que jusqu’à présent, les comptes de l’entreprise devaient pouvoir informer des utilisateurs multiples et variés (ses gestionnaires, les tiers, les autorités judiciaires et fiscales, ses créanciers et actionnaires), ils doivent désormais prioritairement répondre aux besoins spécifiques des détenteurs de capitaux. Or l’évaluation au coût historique intéresse peu ces derniers, qui sont beaucoup plus sensibles à ce qu’un investissement matériel ou immatériel est susceptible de rapporter (fair value). Plus directement d’ ailleurs, la comptabilité doit présenter tous les éléments qui seraient susceptibles de faire monter le cours du titre, et tous ceux qui seraient susceptibles de le faire baisser (d’où la prise en compte des risques dans les évaluations par exemple). C’est dans cette dimension que l’évaluation des actifs immatériels devient cruciale. La méthode de la juste valeur est censée fournir une information qui intègre, par construction, les tendances de marché et rejoint en cela les méthodes utilisées par les investisseurs. En dernière analyse, on veut pouvoir évaluer les actifs incorporels de l’entreprise parce que les ressources immatérielles engendrent désormais une part considérable des richesses créées et que l’on veut pouvoir s’approprier cette richesse à travers la liquidité du marché financier. Les décisions des investisseurs que la comptabilité doit orienter sont celles de l’achat et revente de titres, les fusions-acquisitions, les réactions des investisseurs face aux introduction en bourse de start-ups ou de segments d’entreprises scissionnées...Or si la majeure partie de la valeur créée provient désormais des ressources immatérielles, c’est cela que l’on vend ou que l’on achète à travers ces opérations et il faut pouvoir l’évaluer. L’impossibilité de le faire ne révèlerait-elle pas toutefois un problème de légitimité ? » 48 §2 – Les missions de l’Etat stratège dans l’économie du savoir. 48 HALARY Isabelle, CERAS-LAME, Université de Reims, « Ressources immatérielles et finance de marché : le sens d’ une liaison » Jeudi 27 septembre 2007
  • 21. 21 Nous évoquerons en premier lieu le nouveau régime de production des connaissances à l’origine des conceptions contemporaines des missions imparties à l’Etat dans ce domaine, et, dans un second temps, les nouveaux modes de gouvernance impliqués par ces nouvelles conceptions en ce qui concerne les relations entre enseignement et recherche dans l’enseignement supérieur. Ce qui nous conduira à retrouver la place centrale dévolue aux compétences. 2.1 – Evolution des modes de gouvernance de la science. Deux constats peuvent être dressés quant aux raisons qui ont présidé à l’évolution de ces modes de gouvernance : a) les modalités de l’institutionnalisation des disciplines scientifiques et la genèse de l’émergence d’une activité professionnelle consacrée à la recherche font apparaître de grandes différences entre les pays, liées principalement à des formes d’organisation des institutions scientifiques reposant sur des objectifs politiques et sociaux très différents. Comme le disent respectivement Bertram SCHEFOLD (Université de Francfort) et Marion FOURCADE-GOURINCHAS, il y a des «sociostyles » nationaux qui impriment des priorités et des orientations différentes aux programmes scientifiques, très éloignées des nécessités internes du développement de chaque discipline et donc à terme sources d’hybridations spécifiques. b) l’avènement de la production de masse, puis la montée de la stratégie de différenciation à l’origine d’une très grande variété des produits et d’une exigence de réactivité et de flexibilité des entreprises suscitent la mise en place de modes de gouvernance de la science qui exercent par les modalités de pilotage qu’ils requièrent, des formes de structuration spécifiques des relations entre science, technologie et société. Se succèdent ainsi depuis 1945 l’ère des grandes agences gouvernementales en charge des orientations de la recherche fondamentale et intervenant par le biais des subventions, puis celle des partenariats publics-privés reposant sur une logique contractuelle intégrant des exigences de rentabilité et instituant une concurrence-coopération entre acteurs le long du processus linéaire allant de la recherche fondamentale à la recherche appliquée puis au développement industriel. L’émergence des NBIC49 (nanotechnologie, biotechnologies, sciences de l’information et sciences cognitives) et leur convergence postulée 50 introduisent une rupture frontale par 49 Bernadette BENSAUDE-VINCENT Se libérer de la matière ? Fantasmes autour des nouvelles technologies, INRA Editions, Collection Sciences en questions. 50 NSF Report Converging Technologies for Human Performance, Mihail C. Roco and William S. Bainbridge (eds.), June 2002
  • 22. 22 rapport à l’ordre ancien : l’ampleur des financements public nécessaires et en même temps l’énormité des profits privés susceptibles d’être accaparés par les entreprises, les risques industriels, sanitaires, sociaux (sans commune mesure avec les risques auxquels les populations étaient exposées dans le passé) encourus au niveau des applications dans la vie quotidienne de ces technosciences 51 requièrent un mode de gouvernance totalement différent. C’est en impliquant les différentes communautés concernées (chercheurs, usagers, experts gouvernementaux, industriels) dans la décision d’engager tel ou tel programme que la légitimité de ceux-ci se construit tout en diluant les responsabilités. Il est dès lors essentiel que les savoirs professionnels tant des sciences dures que des sciences humaines et sociales produisent des discours de légitimation eux-mêmes socialement validés au travers d’expertises procédurales 52 . 2.2. - Les compétences, au cœur des nouvelles articulations entre enseignements et recherches universitaires, induites par les nouveaux modes de gouvernance de la science. A partir d’un triple constat, relatif à la crise de l’Etat – Nation, à l’érosion de l’Etat-Providence53 et à la montée de l’idéologie et des 51 Cf par exemple: The Royal Society and the National Academy of Engineering, Nanosciences and nanotechnologies: opportunities and uncertainties, RS Policy document 19/04, July 2004, 127 pages. http://www.nanotec.org.uk/report/Nano%20report%202004%20fin.pdf 52 European Commission Research “Converging Technologies- Shaping the Future of European Societies” by Alfred Nordmann, Rapporteur, Report 2004, 68 pages. http://ec.europa.eu/research/conferences/2004/ntw/pdf/final_report_en.pdf 53 Analysée en ces termes: « Une autre conséquence des changements ci-dessus mentionnés est la réduction relative du rôle de l’État dans la régulation du marché qui va de pair avec une tendance à la baisse du financement public dans de nombreux secteurs, y compris l’enseignement supérieur et la recherche.(…) Elle peut déjà être observée dans la privatisation (totale ou partielle) croissante de secteurs qui relevaient traditionnellement des prérogatives de l’État, y compris l’éducation. Dans l’enseignement supérieur et la recherche, ce phénomène se traduit par la participation croissante d’agents privés extérieurs (comme les entreprises) au financement, à la gestion, à l’exploitation et/ou à l’évaluation de la production de la recherche et de l’offre éducative et dans le déclin du soutien (financier) public au système d’enseignement supérieur/recherche dans de nombreux pays européens (budget national/étudiant). Il est évidemment difficile de déterminer si la participation d’agents privés a augmenté parce que la participation de l’État a diminué ou vice-versa. De toute façon, les deux phénomènes coexistent et sont interdépendants. La tendance à une certaine dérégulation du marché de l’enseignement supérieur et de la recherche se manifeste également par une concurrence accrue entre les institutions d’enseignement supérieur/recherche et par une plus grande autonomie de gestion que l’État leur a concédée. Elle se manifeste aussi dans la tendance à la « marchandisation » de la connaissance, la recherche et l’enseignement étant considérés alors comme des « biens » privés qui peuvent être achetés et vendus par et pour des intérêts particuliers. » in Développer la prospective en vue de faire évoluer les relations entre l’enseignement supérieur et la recherche dans la perspective de l’Espace Européen de la Recherche (EER) par le professeur Etienne Bourgeois, Rapporteur. Commission européenne - Direction générale de la Recherche - Unité RTD-K2 – «Prospective scientifique et technologique, liens avec l’IPTS », Octobre2002. 83 pages. Luxembourg: Office des publications officielles des Communautés européennes, 2003. p.22. Rapport disponible à l’adresse : http://ec.europa.eu/research/social-sciences/pdf/higher-education-research-for-era_fr.pdf
  • 23. 23 pratiques néolibérales54 , les experts du groupe STRATA-ETAN s’interrogent sur la capacité de la nouvelle figure de l’Etat, l’Etat stratège, à concilier des exigences aussi contradictoires que celles consistant « à former des professionnels compétents et « employables » avec ce qui est considéré comme une autre mission essentielle de l’enseignement supérieur, à savoir éduquer des citoyens critiques et actifs » 55 . Relativement optimistes quant à la possibilité effective de parvenir, sous conditions, à une telle conciliation56 , les experts s’inquiètent en revanche quant aux conséquences du processus d’industrialisation de la recherche et évoquent deux stratégies alternatives : « - il se pourrait que les universités ou d'autres institutions faisant de la recherche « fondamentale » adoptent une position défensive et s’efforcent de « protéger » la recherche fondamentale contre la pression exercée en faveur de plus de recherche appliquée. Le problème est que, dans ces conditions, les institutions sont confrontées à une diminution des fonds publics alloués pour la recherche fondamentale et qu’elles ne peuvent pas vraiment demander des fonds privés (sauf dans une optique de « patronage »). - L’option inverse consiste à suivre aveuglément la tendance et à renoncer à toute recherche fondamentale. Le problème dans ces conditions est que, bien que cette attitude puisse être payante dans un premier temps, elle pourrait déboucher sur un cul-de-sac au point que la recherche appliquée, le développement et l’innovation ne puissent plus progresser s’ils ne sont pas alimentés par la recherche fondamentale, s’ils ne s’articulent pas avec elle et s’ils ne se s'appuient pas sur elle. Rapport Bourgeois cité pp.30-31» Au final, ce sont bien sur des logiques d’apprentissage et d’acquisition de compétences-clé, à l’exemple de ce qu’exige l’activité de recherche, que les experts européens fondent un consensus sur les modalités d’articulation entre enseignement supérieur et recherche universitaire : « Au vu de la concurrence accrue entre institutions d'enseignement supérieur-recherche, la qualité de la recherche pourrait devenir un élément central incitant certaines institutions à promouvoir des unités spécifiques de préparation à la recherche, séparées des unités d'enseignements de premier cycle et de formation professionnelle. Il est donc nécessaire de partir de l'idée de similarité des compétences-clé pour appliquer aussi à la formation des chercheurs le cadre utilisé dans la formation professionnelle, à savoir le stage avec multiples superviseurs dans le travail réel du laboratoire. Mais les compétences spécifiques au métier de chercheur ont aussi changé : il doit être capable de travailler dans des projets plus grands, plus collaboratifs et multi-partenaires, plus orientés vers la solution de problèmes, plus interdisciplinaires et souvent en dehors du milieu académique d'origine. Le professionnel qui retourne à l'université pour mettre à jour ses connaissances scientifiques en relation avec son travail doit pouvoir aussi trouver un environnement de recherche adapté à ses besoins.» in Les messages-clés du rapport « Godelier-Bourgeois » Session 4: A NEW PARADIGM FOR RELATIONS BETWEEN HIGHER EDUCATION AND RESEARCH The Europe of Knowledge 2020: a vision for university-based research and innovation Liège, Belgium, 25-28 April 2004, p.14 §3 – L’ « Université entrepreneuriale », creuset de la mise en oeuvre du « New Public Management » et du « benchmarking » des compétences. 54 « L’essor de l’économie de marché a été associé à l’idéologie et aux pratiques organisationnelles libérales qui ont pénétré plus ou moins profondément de nombreux secteurs de la société, y compris l’éducation et la recherche. Les pratiques de gestion commerciales (comme, par exemple, le développement de procédures de responsabilisation et de réglementations déterminant l'allocation de ressources ou le processus d'accréditation, l'importance croissante des pratiques et de la culture d'évaluation), les valeurs et le vocabulaire du monde des affaires affectent les institutions d’enseignement supérieur/recherche. La progression de l’individualisation des parcours d’apprentissage que l’on observe dans l’enseignement supérieur (voir ci-dessous la partie 2, section 1.4) peut aussi être interprétée à la lumière de cette tendance. » Ibidem, p.22. 55 Rapport Bourgeois cité page 28. 56 « Il n'y a pas de contradiction insurmontable entre les compétences-clé requises dans la vie professionnelle et celles valorisées par l'idéal de Humboldt, bien au contraire. Qu'il s'agisse de la pensée critique, des capacités d'analyse et d'argumentation, de l'aptitude à travailler de façon indépendante, à apprendre à apprendre, à résoudre des problèmes, à prendre des décisions, à planifier, coordonner et gérer, à travailler en groupe, ces compétences-clé pour la vie professionnelle sont aussi celles requises pour le travail de recherche ». The Europe of Knowledge 2020: a vision for university-based research and innovation Liège, Belgium, 25-28 April 2004, p.14
  • 24. 24 A rebours du sens commun, mais en matière de Nouvelle Gestion Publique, cette bévue ne surprendra plus personne, les gouvernements de l’Union Européenne se sont entendus pour introduire les principes du nouveau management public dans les Universités, avant de définir le modèle d’Université entrepreneuriale qu’ils souhaitaient faire prévaloir57 . Ceci s’explique par l’inféodation du processus de Bologne à la stratégie de Lisbonne (cf. infra 2ème partie) et sans doute, surtout, par la pression exercée au sein du système des Nations Unies et dans le cadre d’institutions multilatérales par de puissants bailleurs de fonds en vue d’une reconsidération des missions dévolues à l’Etat dans la société du savoir. Après avoir rappelé quelles sont ces missions nous rendrons compte du modèle d’Université entrepreneuriale qui établit, en parfaite cohérence avec les normes en vigueur dans le management des organisations, un lien étroit entre compétences (de toutes les parties prenantes et pas seulement de celles des shareholders) et performances. 3.1 –Nouvelles modalités d’intervention publique dans la société du savoir. Dans son ouvrage « Construire les sociétés du savoir. Nouveaux défis pour l’enseignement supérieur » la Banque Mondiale a parfaitement énoncé le cadre analytique présidant à la mise en œuvre des réformes dans l’enseignement supérieur intervenues dans la décennie 2000-2009 : « En raison, d’une part, des graves contraintes fiscales et budgétaires qui affectent la capacité des pouvoirs publics à maintenir les niveaux antérieurs d’offre et de financement directs de l’enseignement supérieur et, d’autre part, de l’émergence des forces du marché tant au niveau national qu’international, le but, la portée et les modalités de l’intervention publique changent radicalement. Ainsi, au lieu de compter sur le modèle traditionnel de contrôle de l’État pour imposer des réformes, un nombre croissant de pays choisissent d’induire le changement en orientant et en encourageant les établissements d’enseignement supérieur publics ou privés de manière non directive et souple. Cet objectif peut être atteint en suivant trois approches complémentaires: • la mise en place d’un cadre stratégique cohérent ; • la création d’un environnement réglementaire propice ; • l’instauration d’incitations financières appropriées. » 58 57 Comme le rappelle Olivier Rey, Marginson et van der Wende [2007] auteurs d’un document de travail de l’OCDE « la globalisation remet en cause la gouvernance traditionnelle dans le cadre des États-nations, à travers deux processus à l’oeuvre : d’une part le « New Public Management » (qui a notamment partie liée avec un pilotage plus proche du marché, une diversification des financements et une professionnalisation d’établissements universitaires plus autonomes), d’autre part la croissance des communications trans- frontalières et des activités dans lesquelles les établissements traitent directement avec des partenaires extérieurs à leur cadre national » Olivier REY « Les petits mondes universitaires dans la globalisation »INRP, Dossier d’actualité n°29, septembre 2007. 58 BANQUE MONDIALE [2003] «Construire les sociétés du savoir. Nouveaux défis pour l’enseignement supérieur » RAPPORT DE LA BANQUE MONDIALE Les Presses de l’Université Laval, 295 pages.
  • 25. 25 Le schéma ci-dessous59 , qui résume les forces à l’origine des changements et les cibles sur lesquelles doivent porter les mesures incitatrices, constitue une parfaite illustration de l’agenda des réformes à mettre en œuvre et de leur encadrement doctrinal : 3.2 – Le modèle de l’Université entrepreneuriale Néanmoins, l’approche par les compétences est étrangement absente de ce schéma alors que le thème de l’Université autonome et concurrentielle grâce aux compétences qu’elle rassemble est au cœur de travaux publiés notamment dans les revues de l’OCDE 60 ou 59 Cf. Banque Mondiale [2003] op.cit. 60 De nombreux articles sur le thème paraissent dans la revue de l’OCDE intitulée « Politiques et gestion de l'enseignement supérieur ». On se réfèrera notamment à Allan N. Gjerding et al. [2006] L'université entrepreneuriale : vingt pratiques distinctives, Politiques et gestion de l'enseignement supérieur 2006/3 (n° 18) pages 95-124. Voir en annexe 1 « Ressources » d’autres références significatives.
  • 26. 26 dans de nombreuses revues anglo-saxonnes appartenant aux sciences de l’éducation. Il revenait à la Saïd Business School, école de management de l’Université d’Oxford (GB) fondée en 1996 d’établir le modèle de l’université entrepreneuriale, à savoir celui d’une « organisation entrepreneuriale » apte à faire face au changement de paradigme entraîné par l’avènement de la société du savoir. Les figures suivantes permettent de repérer l’accent mis sur les compétences qui ne dépendent pas seulement des caractéristiques individuelles, mais aussi des ressources qu’offre l’organisation. Ces ressources sont celles qui manifestent la capacité de l’organisation à se prévaloir des normes d’excellence applicables aux établissements d’enseignement supérieur, au terme d’un benchmarking réalisé par des agences d’évaluation ad hoc et de procédures d’assurance qualité dont la légitimité procède des gouvernements qui les ont d’un commun accord instituées.
  • 27. 27 L’Université Entrepreneuriale selon la Saïd Business School de l’Université d’Oxford National Council for Graduate Entrepreneurship (NCGE) LEADING THE ENTREPRENEURIAL UNIVERSITY Meeting the entrepreneurial development needs of higher education institutions October 2009, 44 pages CONCLUSION Le passage à l’approche en termes de compétences, quelles que soient par ailleurs les appréciations61 qui puissent être portées sur ses modalités, est le fruit de la 61 Les commentaires critiques ne manquent pas en effet. Voir notamment : Jean-Louis DEROUET , Romuald NORMAND [2008] “French universites at a crossroads between crisis and radical reform. Towards a new academic regime?” Journal of Issues and Studies, Volume 40, 2008. VINOKUR, Annie [2005] Mesure de la qualité des services d’enseignement et restructuration des secteurs éducatifs. Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, 2005, special edition No 1, p. 88-108. VINOKUR, Annie [2010] Savoirs et pouvoirs : le "grand basculement"? in L'Enseignement Supérieur entre Nouvelle Gestion Publique et Dépression Economique. Economies et Sociétés, Cahiers de l'ISMEA, Série "HS", Hors-Série, 43, n° 4.
  • 28. 28 conjonction de trois mouvements, au départ indépendants mais que les initiatives de l’Union Européenne ont conduit à articuler dans un projet justement désigné comme la « stratégie » de Lisbonne. Ces trois mouvements, relatifs respectivement aux transformations du statut du travail salarié dans un ordre productif devenu plus flexible et surtout sujet à la mobilité transfrontières des facteurs de production, au statut de la connaissance dans la dynamique du capitalisme contemporain et enfin aux conceptions nouvelles qui en résultent quant à la nature des missions essentielles de l’Etat stratège, placent au centre de la problématique des divers acteurs sociaux les exigences d’individualisation des parcours professionnels et des rémunérations susceptibles de leur être associées, et la nécessité de préserver, sous peine de délitement du lien social, une exigence de sécurisation de ces parcours qui met en cause fondamentalement la nature et le rôle du système d’éducation et de formation requis à la fois d’être le garant de l’évolution des compétences et d’en assurer la disponibilité et l’accès au plus grand nombre. C’est dans ce contexte que vont être progressivement affirmées d’abord, et appliquées ensuite, l’autonomie des Universités et leur implication dans la vie économique au travers de relations d’une nature nouvelle visant à assurer l’adaptation du système de formation aux nécessités d’un développement économique62 , dont les caractéristiques restent souvent imprécises puisque référées à un régime de coproduction de la science et de l’ordre social. 62 “At the same time, a role has been identified for HEIs in the upgrading of skills in the workforces required to power the new knowledge economies, presenting opportunities to engage far greater numbers of students in tertiary education, and to support and resource the lifelong learning activity which can afford not only personal fulfilment but also the continuous updating of skills to meet rapidly changing requirements in the economy. Globally, universities are expected to meet a variety of challenges: – To contribute to the economic welfare of a region and/or country – To respond to academic competitive forces – To engage in the drive for prestige – To respond to increasing enrolments – To respond to globalisation of education In a February 2007 speech at London’s Brunel University, the then UK Prime Minister Tony Blair said ‘Colleges as sites of disinterested learning are one of the great parts of our civilisation. But we have grafted onto them a very modern phenomenon - that the knowledge that was once the preserve of an elite is now the indispensable requirement for economic advance. To that extent the democratisation of university entrance is a matter both of social justice and of economic efficiency.’ COMMISSION OF THE EUROPEAN COMMUNITIES [2009] COMMISSION STAFF WORKING DOCUMENT accompanying the COMMUNICATION FROM THE COMMISSION TO THE EUROPEAN PARLIAMENT, THE COUNCIL, THE EUROPEAN ECONOMIC AND SOCIAL COMMITTEE AND THE COMMITTEE OF THE REGIONS “A new partnership for the modernisation of universities: the EU Forum for University Business Dialogue » Bruxelles SEC (2009) 425, p.6.
  • 29. 29 IIème Partie – DES COMPÉTENCES AU CADRE EUROPÉEN DE CERTIFICATION : L’Eportfolio instrument intégrateur de la politique d’éducation et de formation tout au long de la vie. L’objectif désormais clairement affiché de sécurisation des parcours professionnels qui est la contrepartie de la mobilité géographique et de la flexibilité professionnelle des salariés constitue un des piliers de la stratégie de Lisbonne. Pour parvenir à cet objectif, la commission de l’UE va mettre l’accent sur une réforme des systèmes de formation professionnelle dans le cadre de sa politique de formation tout au long de la vie. La réforme engagée bouscule la relation entre école et emploi63 en substituant, dans le cadre européen des certifications, aux aptitudes acquises l’exigence de compétences à acquérir en recourant précisément à l’offre du système de formation réformé. Nous montrerons successivement quel changement de paradigme accompagne la mise en œuvre du cadre européen de certification (section 1), quelles adaptations des systèmes nationaux de formation professionnelle sont requis via la VAE notamment (section 2) et comment ces adaptations rétroagissent sur les établissements d’enseignements supérieurs appelés à devenir sous forme d’établissements autonomes et concurrentiels « à terme de véritables universités de formation tout au long de la vie »64 (section 3) SECTION 1 – DE L’EMPLOYABILITE A LA SECURISATION DES PARCOURS PROFESSIONNELS La mise en œuvre de référentiels dans l’enseignement supérieur et de manière liée l’introduction en France, entre autres, à l’initiative des bureaux d’aide à l’insertion professionnelle des étudiants, des portefeuille d’expériences et de compétences n’auraient pu 63 Cf. INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE PÉDAGOGIQUE Cellule de veille scientifique et technologique, « La relation école-emploi bousculée par l’orientation » par Laure Endrizzi Dossier d’actualité n° 47 – septembre 2009 26 pages. 64 SGAE, Stratégie de Lisbonne pour la croissance et l’emploi. Programme national de réforme français 2008-2010, octobre 2008, p.40
  • 30. 30 voir le jour sans l’élan donné, à l’initiative de la Commission, aux réformes des systèmes de formation dans le cadre de la politique de formation tout au long de la vie, élément essentiel de la stratégie de Lisbonne. Mais, d’un autre côté, il est possible de conjecturer que cette politique a été elle-même précipitée par la décision prise - en dehors des instances communautaires et sans référence à elles - par les Ministres de l’enseignement supérieur de promouvoir successivement, dans un premier temps un Espace européen de l’Enseignement Supérieur, puis dans un second temps, un Espace européen de la Recherche. La déclaration conjointe de la Sorbonne des quatre ministres français, allemand, italien et anglais de l’enseignement supérieur du 25 mai 1998 mettait l’accent sur l’objectif d’employabilité des étudiant(e)s, mais cette caractéristique qui désigne un état, suppose évidemment sous peine d’incohérence grave, qu’elle ne puisse concerner que des personnes déjà entrées sur le marché du travail 65 . En effet, l’employabilité est le résultat de la certification par l’embauche d’une correspondance entre une expérience professionnelle et les besoins de l’entreprise qui recrute. Indirectement, l’employeur valide l’intervention du système de formation tout au long de la vie, par l’embauche d’un salarié qui a bénéficié du concours de ce système dans la démarche qu’il a engagée pour retrouver un emploi. Dès lors il est inconséquent de parler d’employabilité pour des candidats à une première embauche. La différence est cruciale, en effet entre un jeune à la recherche d’un premier emploi et un salarié bénéficiant d’une expérience professionnelle : dans le second cas l’employeur s’intéresse au profil en termes de carrière professionnelle de la personne recrutée, alors que dans le cas de l’embauche d’un salarié ne pouvant exhiber d’une expérience professionnelle il appartient à l’entreprise de valoriser les compétences du salarié recruté à l’aide d’une formation professionnelle délivrée sous sa responsabilité. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle dans la politique de formation tout au long de la vie les entreprises sont considérées comme des acteurs à part entière du système de formation. De surcroît lorsque l’on passe du niveau national au niveau européen, une difficulté supplémentaire peut entraver le recrutement d’un salarié, lié au problème épineux de 65 La faculté d’être employable ne peut se prouver que si elle a été exercée. Ainsi l’employabilité a un sens au regard de chômeurs ayant exercé un emploi et à la recherche d’un nouvel emploi, mais n’en a aucun au regard de jeunes à la recherche d’un premier emploi. Le chômage des jeunes n’est pas ainsi un défaut d’employabilité mais une pratique d’exclusion du marché du travail comme l’observent P.Cahuc et F. Kramarz [2004].
  • 31. 31 la reconnaissance professionnelle 66 des diplômes. En effet, « lorsque la profession n'est pas soumise à une réglementation dans l'Etat d'accueil, l'appréciation du diplôme et du niveau professionnel appartient à l'employeur. Le travailleur peut cependant avoir des difficultés à faire reconnaître à sa juste valeur sa qualification professionnelle et à obtenir un emploi à un niveau correspondant »67 . D’où l’inéluctable rétroaction de la stratégie de Lisbonne sur le processus de Bologne puisque : 1) Il n'existe pas, sauf exception, d'équivalence réglementaire entre diplômes français et diplômes étrangers, même à l'intérieur de l'Union européenne. 2) La directive 2005/36 du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles n'a pas encore été transposée en France !( cf note 67) §1 – Du processus de Bologne à la stratégie de Lisbonne. Lorsque Claude Allègre prend l’initiative de lancer en Sorbonne les 24 et 25 mai 1998 avec le soutien de quelques homologues européens ce que l’on appellera plus tard le processus de Bologne, il entend recourir à une des modalités de la construction européenne quelque peu négligée : la coopération intergouvernementale. Celle-ci présente un triple avantage : - n’engager que les pays qui sont disposés à s’inscrire dans un projet commun indépendamment de toute contrainte institutionnelle liée aux modes de fonctionnement des institutions existantes (l’Union Européenne et les prérogatives de la Commission, le Conseil de l’Europe et ses équilibres géopolitiques complexes, etc..), - s’affranchir précisément des obligations associées ordinairement au fonctionnement des institutions européennes telles que la transposition en droit interne des directives communautaires, 66 Distincte de la reconnaissance académique des diplômes, la reconnaissance professionnelle des diplômes fait l’objet de la directive 2005/36 du 7 septembre 2005 de l’UE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. 67 Commission Nationale de la Certification Professionnelle. Transparence et Qualifications. http://www.cncp.gouv.fr/grand-public/transparenceQualification#ancre3b
  • 32. 32 - préserver la capacité à traduire la poursuite des objectifs communs sous des formes adaptées à chaque pays en fonction de sa culture, et de son histoire tant politique qu’institutionnelle. Tirant parti du fait que les questions d’éducation et de formation ne sont pas de la compétence de l’UE, les gouvernements des pays européens entament donc un processus d’harmonisation suis generis des cursus universitaires, en l’absence des organes de l’UE, puisque aux termes de l’article 149 TCE devenu article 165 du traité de Lisbonne, « le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, adoptent des actions d'encouragement, à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres ». Cette stratégie, dont l’ambition est d’harmoniser (en organisant la convergence vers un standard commun sur la base des seules initiatives nationales des gouvernements des pays signataires) les cycles de l’enseignement supérieur afin de favoriser la reconnaissance réciproque des diplômes et surtout la mobilité étudiante68 , bien que rappelée encore en 2005, tourne court pour plusieurs raisons. La première est liée à l’héritage historique : tant l’Unesco que le Conseil de l’Europe ont mis en place des dispositifs69 et donné naissance à des lieux d’expertise qu’il est peu opportun de négliger, d’autant plus que les Universités européennes se dotent d’instances de représentation70 qui redoublent à l’égard des ministres engagés dans le processus de Bologne la revendication d’autonomie que ceux-ci affichent à l’égard des instances de l’UE. 68 “We hereby commit ourselves to encouraging a common frame of reference, aimed at improving external recognition and facilitating student mobility as well as employability”. Joint declaration on harmonisation of the architecture of the European higher education system by the four Ministers in charge for France, Germany, Italy and the United Kingdom Paris, the Sorbonne, May 25 1998: http://www.bologna-berlin2003.de/pdf/Sorbonne_declaration.pdf 69 Léa Maulet [2010] rappelle ainsi que « La Convention culturelle européenne, signée en 1954 par 14 Etats dans le cadre du Conseil de l’Europe, aujourd’hui par 48, fixe le cadre des activités du Conseil Européen dans le domaine de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. La mobilité étudiante en Europe, qui est l’un des principaux objectifs de la Déclaration de la Sorbonne, avait déjà été facilitée par la Convention européenne sur l’équivalence des périodes universitaires de 1957. Cette Convention, signée sous l’égide du Conseil de l’Europe, a installé le mécanisme de reconnaissance par l’université d’origine des périodes d’études effectuées à l’étranger. Cette avancée a rendu techniquement possible l’objectif de mobilité ». 70 La déclaration de Bologne s’inspire ainsi des dispositions évoquées dans La Magna Charta Universitatum élaborée sous l’égide de la Conférence des recteurs européens en 1988. Fondée en 1959, la CRE bénéficiait du soutien de la Commission européenne, du Conseil de l’Europe, de l’UNESCO, de l’OCDE, de la Table ronde des industriels (ERT). Les auteurs de cette Charte ont fusionné en mars 2001 avec la Confédération des Conférences des recteurs de l’Union Européenne pour former l’European University Association. L’EUA a été associée de très près au processus de Bologne et pour cette raison, les textes fondateurs du processus portent clairement sa marque. Lors du Sommet de Prague de 2001, elle est incluse dans les groupes de pilotage du processus en tant qu’acteur consultatif. Cf. L. Maulet [2010] L'Espace Européen de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche: Histoire d'un projet dénaturé, Mémoire de séminaire de 4 ème année, IEP de Lyon.
  • 33. 33 La seconde raison tient au fait que la commission de l’UE va user avec beaucoup d’efficacité d’une sorte de soft power ce qui l’amènera d’abord à être invitée en tant qu’observateur aux conférences ministérielles, puis ayant pris soin de financer quelques unes des réunions ou des initiatives qui en résultent, elle sera appelée à faire partie du comité de pilotage du processus de Bologne et enfin, à partir de 2005, elle bénéficiera du droit de vote, illustrant ainsi sa capacité à reprendre en main un processus qui lui était étranger. La troisième raison à trait à l’inscription du processus de Bologne, symbole d’une coopération intergouvernementale non limitée en son principe aux frontières de l’UE, dans la stratégie de Lisbonne71 . Cette stratégie qui vise à faire advenir dans le cadre de l’UE « l’économie de la connaissance la plus compétitive du monde » s’appuie sur une série de mandats donnés par le Conseil 72 à la Commission visant la réalisation d’une « croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale ». Ces objectifs requièrent la mise en œuvre d’une méthode adéquate. Précisément les ingrédients de cette méthode vont fournir en termes de « soft power » d’immenses pouvoir à la commission au travers de la « méthode ouverte de coordination » et de son pendant « les plans nationaux de réforme » Les extraits ci-dessous tirés de la page de présentation des objectifs de la Stratégie de Lisbonne sur le site du Ministère de l’Industrie73 sont éloquents : 71 Cf. COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES [2003] Communication de la commission. Le rôle des universités dans l'Europe de la Connaissance. Bruxelles, le 05.02.2003; COM(2003) 58 final, 25 pages. 72 Voir notamment : CONSEIL DE L’UNION EUROPEENNE [2007] Résolution du conseil du 23 novembre 2007 concernant la modernisation des universités pour favoriser la compétitivité européenne dans une économie mondiale fondée sur la connaissance. (2007/C XXX/YY) ; 16096/1/07 REV 1; 9 pages. CONCLUSIONS DU CONSEIL et des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil le 26 novembre 2009, sur le renforcement du rôle de l'éducation en vue d'assurer le bon fonctionnement du triangle de la connaissance (2009/C 302/03) Journal officiel de l’Union européenne, 12.12.2009, C 302/3. 73 http://www.industrie.gouv.fr/enjeux/europe/lisbonne.html
  • 34. 34 Étant donné que les politiques concernées relèvent presque exclusivement des compétences attribuées aux États membres, une méthode ouverte de coordination (MOC)* incluant l'élaboration de plans d'action nationaux (les plans nationaux de réforme - PNR)* a été mise en place. *La méthode ouverte de coordination (MOC) : La MOC est instituée dans des domaines qui relèvent de la compétence des États membres (politique industrielle, innovation, emploi, protection sociale, formation, etc). En vue de faire converger leurs politiques nationales pour réaliser certains objectifs communs les Etats membres sont évalués par d'autres États membres et le rôle de la Commission est limité à de la surveillance. Elle se base principalement sur: - l'identification et la définition en commun d'objectifs à remplir (adoptés par le Conseil); - des instruments de mesure définis en commun (statistiques, indicateurs, lignes directrices) - le « benchmarking », c'est-à-dire la comparaison des performances des États membres et l'échange des meilleures pratiques (surveillance effectuée par la Commission); Dans le cadre de la stratégie de Lisbonne la MOC impose aux États membres d'élaborer des plans de réformes nationaux (PNR) et les transmet à la Commission. *Les plans nationaux de réforme (PNR) : Conçus et mis en œuvre par chacun des 27 états membres selon un ensemble de lignes directrices intégrées (LDI) réparties en trois parties (macroéconomie, microéconomie et emploi), ce programme décrit la façon dont les Etats membres entendent atteindre les objectifs de Lisbonne. Chaque année, les Etats membres adressent à la Commission un rapport de suivi distinguant clairement entre les différents domaines d'action et faisant état des mesures prises au cours des douze mois antérieurs pour mettre en œuvre les PNR. §2 – Une clarification politique : la stratégie de Lisbonne et la priorité à l’emploi. Il est hautement significatif d’observer que si la réalisation d’une Europe fondée sur la connaissance est devenue, depuis le Conseil européen de Lisbonne, en mars 2000, un objectif central de l'Union européenne, dès novembre 2001 la Commission74 va recentrer son action sur la mise en œuvre d’un espace européen de formation tout au long de la vie au motif suivant: « l'éducation et la formation tout au long de la vie ont un rôle clé à jouer à travers la mise en œuvre d'une stratégie coordonnée pour l'emploi, en particulier afin de promouvoir une main d’œuvre 74 COMMUNICATION DE LA COMMISSION « Réaliser un espace européen de l'éducation et de formation tout au long de la vie », Bruxelles, le 21.11.2001COM(2001) 678 final
  • 35. 35 qualifiée, formée et susceptible de s'adapter »75 . Mais la réalisation de cet espace n’est pas commandée par le seul respect d’impératifs économiques puisque : « L'éducation et la formation tout au long de la vie tiennent compte de l'ensemble de l'offre et de la demande en matière d'éducation et de formation. Elles prennent en compte les connaissances et les compétences acquises dans toutes les sphères de la vie, qui s'avèrent donc utiles pour faire face à la société moderne. » 76 Contournant le processus de Bologne, la commission affirme notamment la nécessaire articulation entre « espace européen de l’éducation et de la formation » et « espace européen de la recherche »77 . Toutefois la commission ne se borne pas à esquisser un nouveau programme, elle en spécifie les modalités de mise en œuvre. Ayant constaté la réussite en matière de mobilité étudiante du système de crédits ECTS, elle propose de mettre en place un dispositif analogue, tenant compte des critiques des employeurs qui le trouvent trop orienté sur la charge de travail. Dès novembre 2001 la Commission énonce le contenu du dispositif qu’elle appelle de ses vœux en ces termes : « · La Commission propose l'instauration, avant la fin 2001, d'un régime de reconnaissance professionnelle plus uniforme, transparent et flexible dans le domaine des professions réglementées. Les Etats membres devraient, en collaboration avec la Commission, s'assurer que les citoyens ont accès à des informations récentes et pertinentes concernant ces directives et les questions plus générales liées à la reconnaissance. Les réseaux européens possédant des points de contact nationaux en matière de reconnaissance professionnelle, tels que NARIC* les CNROP** devraient jouer un rôle central à cet égard. · En collaboration avec les Etats membres et les établissements d'enseignement supérieur, la Commission soutiendra activement le "processus de Bologne" dans le domaine de l'enseignement supérieur. L'expérience acquise dans le cadre de ce processus servira de base afin de promouvoir une coopération plus étroite dans d'autres domaines, notamment celui de l'enseignement et de la formation professionnels. · En collaboration avec les Etats membres, les établissements d'enseignement supérieur, les associations professionnelles et les partenaires sociaux, la Commission soutiendra la création et la mise en oeuvre volontaire de diplômes et certificats européens, ainsi que la définition des critères auxquels ces derniers devront satisfaire. Ceci s'applique aux initiatives prises tant dans l'enseignement supérieur que par l es entreprises/secteurs. » 78 * NARIC: Centres nationaux d'information sur la reconnaissance académique. ** CNROP: Centres nationaux de ressources pour l'orientation professionnelle 75 COMMUNICATION DE LA COMMISSION « Réaliser un espace européen de l'éducation et de formation tout au long de la vie », Bruxelles, le 21.11.2001 COM(2001) 678 final p.8 76 Ibidem, p.8 77 « Afin d'atteindre l'objectif fixé par Lisbonne d'une société fondée sur la connaissance, des liens étroits seront établis entre l'espace européen de l'éducation et de la formation tout au long de la vie et l'espace européen de la recherche, notamment dans l'objectif d'accroître l'intérêt des jeunes pour les carrières scientifiques et technologiques. » Ibidem, p.10 78 COMMUNICATION DE LA COMMISSION « Réaliser un espace européen de l'éducation et de formation tout au long de la vie », Bruxelles, le 21.11.2001COM(2001) 678 final, p.19
  • 36. 36 Il est vrai que ces initiatives sont précédées par la réunion du Conseil européen de Stockholm au printemps 2001, au cours duquel le "Rapport sur les Objectifs Futurs Concrets des Systèmes d’Éducation et de Formation" fut approuvé. Comme le rappellent Isabelle Le Mouillour, Gabriele Fiez et Thomas Reglin « Les questions essentielles du rapport concernent l’amélioration de la qualité de l’enseignement général et de l’enseignement et de la formation professionnels dans l’UE, l’accès à l’apprentissage tout au long de la vie pour tous les citoyens et l’ouverture des systèmes européens d’éducation et de formation à l’échelle mondiale. Dans le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité, la méthode ouverte de coordination fut jugée appropriée pour parvenir rapidement et efficacement à des améliorations dans les sphères de l’enseignement général et de l’enseignement et de la formation professionnels. En outre, le Conseil insista sur l’urgence des mesures à prendre en matière de promotion de la mobilité, en demandant le développement d’un plan d’action qui répondrait à cette exigence. »79 §3 - Une clarification sémantique : des compétences aux acquis de l’apprentissage et de la formation. Comme l’avaient relevé Anne Marie DAUNE-RICHARD et Emmanuelle LEMAIRE le premier paradigme relatif aux compétences conduisait à les considérer comme le substrat d’une sorte de « qualification sociale ». En revenant dans le champ de l’enseignement et de la formation professionnels le concept de compétences s’insère dans un autre référentiel qui conduit à mettre l’accent sur les acquis de l’apprentissage. Procédant à une relecture de la littérature académique relative respectivement aux conceptions successives de la qualification et aux problématiques plus ou moins en rupture qui leur ont succédé, caractérisées, on l’a vu, par l’expression « approche par les compétences, Ewan Oiry [2005] entend montrer que 3 conceptions distinctes de la qualification ont vu le jour se différenciant au regard de trois critères : la référence ou non au poste de travail, le fait de procéder ou non d’un savoir réputé scientifique et donc objectif, le fait de faire l’objet ou non de négociation(s) entre employeurs et syndicats80 . Sur cette base, il considère que 79 Isabelle Le Mouillour, Gabriele Fiez et Thomas Reglin [2007] Etude sur la mise en oeuvre et le développement d’un système ECVET pour la formation professionnelle initiale, Effectuée par le Forschungsinstitut Betriebliche Bildung f-bb et le Bundesinstitut für Berufsbildung BIBB pour la Commission européenne – DG EAC. Rapport final Octobre 2007, p. 16. 80 OIRY E., Qualification et compétence : deux soeurs jumelles ?, Revue française de gestion 2005/5, n°158, p. 13-34.
  • 37. 37 l’approche par les compétences la plus récente qui rejoint la troisième conception (dans l’ordre chronologique) de la qualification ne se situe pas en rupture avec elle mais dans la continuité avec celle-ci puisqu’elle partage avec elle deux critères à savoir la rupture avec la référence au poste de travail (rupture non essentielle à ses yeux) et le fait de faire l’objet de négociations. Il s’agit là d’une des contributions majeures des sciences de gestion sur la question. Elle semble, en apparence, coïncider avec les thèses soutenues par Alain d’Iribarne qui voit « dans la logique de rupture, un jeu d’acteurs ˈsociétalementˈ construit, propre à la France. ». En fait, et cela est essentiel tant au regard de cette deuxième partie, qu’au regard de la compréhension des enjeux de l’approche par compétences dans l’enseignement supérieur, la différence fondamentale tient à ce que la littérature sur les qualifications ne présuppose aucune relation clairement explicitée entre la qualification et les caractéristiques de l’organisation dans le cadre de laquelle le salarié exerce son activité alors que l’approche par compétences fonde sa pertinence sur la nature des relations entre les compétences individuelles et les ressources de l’organisation de toute nature, non réductibles à d’hypothétiques compétences collectives. Ce débat est stratégique : il est au cœur des différences entre conceptions anglo- saxonnes et continentales qui seront au centre de la problématique de la formation tout au long de la vie et qui verra le triomphe du pragmatisme anglo-saxon avec l’adoption généralisée du « vocational training ». Ainsi l’extrait suivant de la brochure publiée par la Commission européenne sous le titre « le cadre européen des certifications pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (CEC) » fournit une illustration saisissante du changement de paradigme et de ses effets à venir : « Par acquis de l'éducation et de la formation, le CEC entend ce qu’un apprenant connait, comprend et peut faire a l’issue d’un processus d’éducation et de formation. Le CEC se concentre donc sur les résultats de l’apprentissage plutôt que sur les parcours, par exemple la durée des études. Les acquis de l'éducation et de la formation se repartissent en trois catégories: les savoirs, les aptitudes et les compétences. Cela signifie que les certifications, dans différentes combinaisons, regroupent un large éventail d’acquis de l'éducation et de la formation, notamment en termes de savoirs théoriques, d’aptitudes pratiques et techniques et de compétences sociales pour lesquelles la capacité à travailler avec les autres sera essentielle »81 Pour la Commission une des missions essentielles du cadre européen de certification est de créer une culture de l'apprentissage ce qui exige de « déterminer d'une 81 COMMISSION EUROPÉENNE DG Education et culture Le cadre européen des certifications pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (cec) Luxembourg: Office des publications officielles des Communautés européennes, 2008, page 3.
  • 38. 38 manière cohérente une méthode de valorisation de l'apprentissage formel, non formel et informel. Pour que les citoyens aient la possibilité de développer et de combiner les connaissances acquises dans les écoles, les universités et les organismes de formation, au travail, pendant leurs loisirs et leurs activités familiales, il faut que toutes les formes d'apprentissage puissent être identifiées, évaluées et reconnues. Une nouvelle approche globale est requise afin de relier entre eux différents contextes et différentes formes d'apprentissage, ainsi que pour faciliter l'accès à des parcours individuels d'éducation et de formation »82 Afin précisément d’homogénéiser la mise en œuvre de cette méthode et d’en conforter la cohérence, il revint à la Commission de prendre l’initiative de deux instruments appelés à jouer un rôle stratégique dans le dispositif mis en place à l’appui de la politique d’éducation et de formation tout au long de la vie : De nouveaux instruments au niveau européen pour soutenir la valorisation de toutes les formes d'apprentissage 83 La Commission développera, d'ici à la fin de 2002, un système de "portefeuille" qui permettra aux citoyens, à tous les stades de l'éducation et de la formation, de rassembler et de présenter leurs qualifications et leurs compétences à tous les stades de l'éducation et de la formation. Ce modèle se fondera sur l'expérience déjà acquise, y compris sur le CV européen - qui consiste en un résumé des qualifications et des compétences - requis par le Conseil européen de Lisbonne. En collaboration avec les Etats membres, la Commission mettra au point, d'ici à 2003, un système "modulaire" d'accumulation des qualifications, qui permettra aux citoyens de combiner l'éducation et la formation acquises dans des établissements ou des pays différents. Ce système sera développé à partir du système européen de transfert d'unités de cours capitalisables (ECTS) et de l'Europass. 82 COMMUNICATION DE LA COMMISSION « Réaliser un espace européen de l'éducation et de formation tout au long de la vie », Bruxelles, le 21.11.2001COM(2001) 678 final, p.18 83 Ibidem, p.20