Similaire à Elections présidentielles : Les principaux enseignements de l'étude sur le nouveau rapport à la politique du citoyen connecté à l’heure du numérique
Médias traditionnels, nouveaux médias et médias sociauxClara Delcroix
Similaire à Elections présidentielles : Les principaux enseignements de l'étude sur le nouveau rapport à la politique du citoyen connecté à l’heure du numérique (20)
Étude économique 2020 | Les Télécoms : premiers acteurs du numérique
Elections présidentielles : Les principaux enseignements de l'étude sur le nouveau rapport à la politique du citoyen connecté à l’heure du numérique
1. Etre un citoyen connecté pendant la campagne présidentielle
Une enquête ethnographique
2. La question de notre enquête :
Comment les citoyens vivent-ils leur campagne électorale entre
tv, radio, internet, ordinateurs, tablettes et téléphones
mobiles ?
2
4. Notre terrain d’enquête
2
enquêteurs :
Laurence Allard, maîtresse de conférences en Sciences de l’Information et de la
Communication à l’Université de Lille 3, chercheuse Paris 3/IRCAV
Joëlle Menrath, directrice de Discours & Pratiques
En temps réel pendant la durée de la campagne
Ethnographie digitale : •
•
•
•
Observations sur les réseaux sociaux, forums, blogs, sites de
presse
Analyses de SMS, MMS et photos mobiles
Analyse d’une centaine de mails (associés à des diaporamas)
transférés quotidiennement par nos interviewés
Aspiration de tweets pendant l’émission "Des Paroles et des
Actes" et le débat entre Nicolas Sarkozy et François Hollande.
Observations ethnographiques dans les meetings, les bureaux de vote, les espaces
publics
30
Une 30aine
entretiens de longue durée auprès de personnes de milieux sociaux contrastés
3
d’ entretiens à la volée
secteurs géographiques investigués :
Paris et région parisienne, Lisieux et villages alentours, Strasbourg et villages alentours
4
5. 1.
Les citoyens ont tous leur manière propre de
pratiquer activement l’information politique, et de
refuser d’être de simples spectateurs.
5
6. (1) En bref …
•
Aujourd’hui les citoyens connectés ont à leur disposition une panoplie d’outils et de médias,
qu’ils utilisent tous activement et qui leur permet, selon leur bon vouloir, de rompre avec une
position spectatorielle qui les assigne à un format, à un lieu et à une temporalité. Cette
combinaison transmédiatique leur permet de devenir des protagonistes de la campagne
présidentielle. (p.7-11)
•
Ils peuvent ainsi ne plus se contenter de « recevoir » l’information politique, et se l’approprier
à leur manière propre. C’est le cas notamment de René, chauffeur de taxi, qui fait le choix de
ne pas se rendre « au rendez-vous » de l’annonce télévisuelle de la candidature d’un des
prétendants à l’élection, et d’accéder à son discours, décrypté, sur Internet, le lendemain. (p.12-
13)
•
•
•
La prédilection pour le « deuxième temps de l’information », le temps du décryptage, permet de
bénéficier de la perspective offerte par les regards d’experts mais aussi « d’autres soi-même »,
des internautes « ordinaires ». Ceci explique le goût du off et des décodages où la
communication politique se trouve mise à nu. (p.14) Recouper les informations, et mener son
enquête, la souris à la main, en recourant à des sites de fact checking, aux comparateurs et
autres « véritomètres » sont les pratiques numériques que la campagne 2012 a mises à
l’honneur. Les usages de Twitter ont, eux, initié une dynamique inédite de décryptage collectif
entre anonymes, sur un mode ludique, qui connecte vision et lecture en double écrans (double
screening). (p. 15-19)
Mais l’enquête a révélé de façon plus transversale que, même lorsqu’ils ne sont pas des
contributeurs créatifs ou actifs sur Internet, les citoyens connectés se donnent aujourd’hui les
moyens d’être de véritables praticiens de l’information, en choisissant à la fois la temporalité
de leur calendrier électoral, les outils et les formats d’accès qui leur conviennent. Voire de
révéler avant l’heure, les résultats.
Si, dans les sondages réalisés pendant la campagne, la télévision semble rester la pièce
maîtresse de ces agencements transmédiatiques, c’est qu’elle est une toile de fond à laquelle
se reporter, et une matière première à laquelle on accède par de multiples médiamorphoses.
Ainsi Sabine, 35 ans, met-elle « le JT sur pause » sur sa box, si les titres l’intéressent, pour y
revenir une fois ses enfants couchés, tandis que Yasmine, 19 ans, visionne les extraits de
débats sur Dailymotion en rentrant par mots clé. (p.20-23)
6
8. Au moyen de leur panoplie d’outils et de médias, les citoyens
connectés sont les protagonistes de la campagne électorale.
« Si le JT m’intéresse, je mets sur pause sur la box et je
couche les enfants »,
Sabine, en recherche d’emploi, 35 ans, Paris, j-18 1er tour
8
9. Une journée transmédia de Yves,
cadre supérieur de santé dans un hôpital
psychiatrique, Hoerdt (67)
7h
8h
9h
12 h
17 h
19 h
20 h
9
10. Les combinaisons transmédiatiques des citoyens connectés
« Je lis les articles que je
n’ai pas pu lire dans la
journée »
7h
8h
9h
12 h
17 h
19 h
20 h
10
11. Quelle que soit leur panoplie propre d’outils et de média, nos interviewés
opèrent tous un partage entre
pratiquer l’information politique
et
en être le simple spectateur
« Dans les matinales sur France Inter ou sur Europe 1, j’ai tout ce
qu’il y a à la télé la veille en mieux : les commentaires des
candidats sur leur prestations télévisuelle, les analyses des
journalistes et des experts. J’ai une variété de points de vue, ça me
fait réfléchir. La télé, non.
C’est comme pour le sport : j’adore faire du sport, mais c’est pas
pour autant que j’aime regarder un match à la télé. »
Pierre, 43 ans, commercial, Strasbourg.
« Pour savoir qui voter, je regarde les commentaires de la télé dans
l’Eveil. Là ils expliquent, ils critiquent : on a le point de vue du
journaliste. Quand je regarde un discours en entier à la télé, pour
moi, c’est comme regarder un film, c’est du spectacle, j’y crois pas
une seconde. C’est pas avec ça que je vais me décider. » ,
Jacqueline, 58 ans, chauffeure routier retraitée, Bailleul la Vallée
(27)
« Je préfère les extraits de débats télévisés sur Internet car je sais
de quoi ça va parler. Il y a le titre dans le thème. Ça résume en gros
ce qu’a dit le candidat. Les débats à la télévision, j’arrive pas à
regarder, faut rester devant. »
Adèle, étudiante, 20 ans, Paris, j-32 1er tour.
11
12. Cette campagne a été marquée par une rupture avec la position
spectatorielle comme assignation à un format, à un temps, à un lieu,
et à une attitude.
Quand refuser d’être spectateur est
une prise de position politique
« Eh bien moi, je n’ai pas regardé Sarko à la télé
dimanche soir : j’ai regardé toutes les chaînes sauf
lui. Je ne veux pas me laisser dicter un horaire par
lui. Je préfère regarder après sur Internet , des
petits extraits vidéos, avec des commentaires. Je
ne veux pas juste écouter du blabla, et on sait que
Sarko, il est fort pour nous entourlouper »
Chauffeur de taxi, Paris, j-35 1er tour.
« The Spectator» (1711-1712), origine historique du statut
spectatoriel du citoyen, qui consistait à commenter à voix
haute avec d’autres ses lectures dans un café.
12
13. La prédilection pour les deuxièmes temps de l’information
Le goût du off
« Une séquence avec une faute de
langage comme la « méprisance », je vais
sur Internet quand j’ en ai entendu parler
sur France inter et je vais le réécouter en
extrait sur DailyMotion, Youtube. »
Samuel, 39 ans, Paris, j-18 1er tour.
Décrypter avec d’autres soi-mêmes
« Les journalistes ils sont tous formatés, il y a pas
d’autodidactes. Voilà pourquoi sur Internet, il y a des
trucs sympas. Internet, cela peut être bon ou
mauvais , c’est le discours de chacun. », Valérie,
coiffeuse, 51 ans, Paris, j-6 1er tour.
« Les vidéos off, on voit le fond de la
personne, sans langage policé, sans
discours qui se répète. »
Laurence, commerciale, Strasbourg, j – 5
1er tour
13
14. Parler politique en 140 caractères : l’exemple des débats
télévisuels mis en observation collective
•
Re-scénariser le débat
14
15. Parler politique en 140 caractères : l’exemple des débats
télévisuels mis en observation collective
•
Re-scénariser le débat
•
Focaliser le regard sur des détails
15
16. Parler politique en 140 caractères : l’exemple des débats
télévisuels mis en observation collective
•
Re-scénariser le débat
•
Focaliser le regard sur des détails
•
Faire voir les coulisses
16
17. Parler politique en 140 caractères : l’exemple des débats
télévisuels mis en observation collective
•
Re-scénariser le débat
•
Focaliser le regard sur des détails
•
Faire voir les coulisses
•
Déconstruire la matière formelle du
discours politique : gestes,
apparences, physionomie
corporelle et langagière …
17
18. Parler politique en 140 caractères : l’exemple des débats
télévisuels mis en observation collective
•
Re-scénariser le débat
•
Focaliser le regard sur des détails
•
Faire voir les coulisses
•
Déconstruire la matière formelle du
discours politique : gestes,
apparences, physionomie
corporelle et langagière …
•
Fédérer autour d’un canal
sémantique
18
19. Dans le cadre de ces pratiques transmédia, comment comprendre
que la télévision reste le premier média dans les sondages ?
Dans les pratiques observées
Dans les sondages
La télévision reste la première source
d’information.
Par delà le calendrier institutionnel, le
temps électoral de la campagne
s’incarne dans un genre : l’information
politique en continu.
La télévision est le premier vecteur
d’information, pour 74% des sondés, avant
Internet (40%) et la radio (34%).
La télévision apparaît comme la toile de
fond de ce flux continu d’informations.
(Sondage CSA, le 11 avril 2012)
Avec les possibilités offertes par le
numérique, les contenus télévisuels
deviennent une matière première
malléable.
Les citoyens connectés choisissent à la
fois :
•
le rythme de leur temporalité électorale
à travers leurs combinaisons d’outils et
de médias
•
leur média d’accès et leur format
d’accès
19
20. La télévision se trouve aujourd’hui deux fois redéfinie :
•
…dans son rôle de productrice de
programmes : une matière audiovisuelle
fournie en partie clés en main par les
équipes de campagne.
•
…dans ses usages : regarder en direct sur
l’écran de télé, en différé, user des fonctions pause,
regarder sur un écran d’ordinateur, de mobile ou de
tablette, en live ou rattrapage ou regarder des
extraits compilés ou décryptés.
« Il faudrait deux, trois, quatre téléviseurs et
deux fois plus d’yeux. Sur chacune des
chaînes d’info et la parlementaire LCP, des
meetings, des meetings et encore des
meetings. Samedi, c’était simple. Un même
Jean-Luc Mélenchon en direct du Prado sur
LCI, i-Télé et BFM TV. Dimanche, c’est la
fête du split-screen.»
Meetings : La fête du split sur les chaînes
d’info, Isabelle Roberts, Raphaël Garrigos,
Libération, 17 avril 2012.
20
21. La télévision et ses médiamorphoses :
« pour regarder la télé, je passe par ça … »
Les programmes télé
« Je regarde la télé avec mon ordinateur à côté pour aller voir les chiffres des
sondages », Henri, 35 ans, technicien, Bailleul la Vallée (27)
La télé connectée : le
double screening
Titres des fils
d’information ou
des portails mails
« Je retrouve les titres du JT sur mon portail Orange », Marie, 38 ans,
institutrice, Cormeilles (27)
Emission de radio
« Je suis les programmes télé sur les élections à travers la radio le
lendemain matin », Pierre, 43 ans, commercial, Strasbourg
Extraits vidéos sur
Internet
Commentaires des
émissions sur
Twitter /Facebook
« Je regarde des extraits de débats à partir des gens qui les
partagent sur Youtube. Je regarde en fonction du titre si ça
va m’intéresser », Amina, 19 ans, étudiante en design
commercial, Paris
« Je n’étais pas chez moi : j’ai suivi le débat DPDA sur
Twitter », Florence, 42 ans, architecte, Paris
Applications pour
tablette tactile
« La télévision n me sert que d’écran, je regarde
la télé en rattrapage sur l’iPad avec l’appli
France 2 », Luc, 51 ans, diplomate, Paris, j – 4.
21
22. 2.
Le tabou du « parler politique » n’est pas levé par
Internet.
22
23. (2) En bref …
•
La politique reste un domaine privé à la ville comme sur les écrans. Les réseaux sociaux ne
sont pas devenus l’espace privilégié du débat public, mais ils favorisent des formes
d’échanges autour des contenus politiques où ne se révèlent pas explicitement les opinions et
qui évitent la confrontation d’idées. (p.24-25)
•
Poster des images d’affiches détournées, parler par diaporamas et par articles de presse
interposés, commenter la forme d’une blague politique et ne rien dire du fond, utiliser la
procédure automatisée du like pour ne pas avoir à en dire plus, dire son choix de vote par un
message codé, retweeter un message… sont des exemples d’expressions multimodales,
iconiques et audiovisuelles indirectes par lesquelles on s’exprime sur la politique sans se
dévoiler et sans entrer en débat plus avant. (p.26-29)
•
La réalité des pratiques ne va donc pas dans le sens de la représentation idéalisée d’un
Internet où s’épanouirait le débat public. Au contraire, tout le travail expressif des internautes
est au service de la certitude partagée selon laquelle, dans toutes les situations, « l’opinion
politique est personnelle ». « L’évitement civique » semble constituer la norme sociale qui régit
les échanges politiques sur les réseaux sociaux. Cette notion se réfère à celle d’« inattention
civile » forgée par le sociologue Erving Goffman pour désigner les comportements par
lesquels on reconnaît l’autre comme un interlocuteur possible, tout en ne s’engageant pas
dans l’interaction. (p.30-31)
•
Même quand le choix de vote donne lieu, le jour J, à ce qui s’apparente à un ‘coming out’, ce
qui se montre du secret de l’isoloir ne se dévoile pas sans élaboration sur les réseaux
sociaux : prendre l’avatar de son candidat, poster la photo de son bulletin de vote, écrire son
soulagement ou sa déception le lundi matin et « nettoyer » son profil le lendemain sont des
mises en scènes réfléchies, et souvent momentanées. (p. 32-36)
23
24. Parler politique par image …pour ne pas parler politique :
nouvelles images édifiantes
Les …
Mail envoyé par C., retraité, ancien électronicien, à 10 de ses contacts, Souffelweyersheim (67)
24
25. Parler politique par image … pour ne pas parler politique
Posts d’images détournées et commentaires sur
la forme :
Quand la conversation politique porte sur
la matière formelle du débat
25
27. Quelques stratégies d’énonciation politique pour
dire sans dire
Liker : une fonctionnalité polysémique
Exprimer son vote par un avatar, ou par
un message codé.
27
28. Quelques stratégies d’énonciation politique pour
dire sans dire
Liker : une fonctionnalité polysémique
Exprimer son vote par un avatar, ou par
un message codé.
Parler politique par articles de presse
interposés
28
29. Quelques stratégies d’énonciation politique pour
dire sans dire
Liker : une fonctionnalité polysémique
Exprimer son vote par un avatar, ou par
un message codé.
Parler politique par articles de presse
interposés
Prendre position indirectement
par un « RT »
29
30. Dans les échanges de mails comme sur les réseaux sociaux,
la norme sociale est celle de l’évitement civique (1/2)
Certes, l’élection présidentielle est
devenue un sujet de conversation sur les
réseaux sociaux et dans les échanges par
mails.
Mais, en dépit des divergences, ces
contenus ne donnent que très rarement
lieu à un débat.
D’après une enquête américaine de Pew
Internet, si 75% des usagers de fb postent
des contenus politiques, 66% les ignorent
(mars 2012)
D’après une enquête Publicis Consultants
/ Net Intelligenz, les pages des candidats
ont peu de fans actifs communs, preuve
qu’on ne peut pas parler de « débat
politique » sur le réseau social, Avril 2012
30
31. Dans les échanges de mails comme sur les réseaux sociaux,
la norme sociale est celle de l’évitement civique (2/2)
Facebook : Editer le débat
Cette norme sociale peut être transgressée : elle
donne lieu alors à des réparations
Twitter : Occuper le terrain d’une guérilla
«Il y a eu une esclandre avec une « amie
Facebook » J’ai découvert qu’elle était
Chevènementiste quand elle a réagi à un
article que j’ai posté autour de Chevènement et
son ralliement à Hollande. Elle a commenté en
disant : « Je ne supporte pas que tu insultes
Chevènement.» J’étais géné, je me suis
excusé par commentaire.»
Laurent, 51 ans, employé de banque, Paris, j-4
1er tour.
sémantique
Dans le Tweet-Clash se manifeste une
agonistique des énoncés à l’œuvre aussi sur les
réseaux sociaux.
31
32. Twitter comme espace de ressources oppositionnelles
•
•
•
Corpus de Des paroles et des actes de Nicolas Sarkozy du 6 mars:
1467 tweets sur 3 minutes entre 22h19 et 22h22
dont 1430 tweets uniques, 791 RT et 87 liens : articles anti-sarkozy pour les 2/3
A savoir que pour #ledébat 500 000 tweets émis par 90 000 internautes
32
34. Dans le secret de l’isoloir ? Ce qui se montre de l’intimité civique
34
35. « La politique, c’est privé » : un domaine emblématique de ce
qu’est l’expression de l’intimité sur les réseaux.
Les signes de la confidentialité
Comme tout ce qui relève de l’intimité, l’opinion
politique ne s’expose pas de façon débridée et
sans élaboration sur Facebook.
« Sur mes 200 amis « facebook », il y a une
personne seulement avec qui je pourrais
parler politique. Sinon je ne pourrai pas
parler politique sur les réseaux sociaux »
Sonia, étudiant, 20 ans, Châtenay Malabry,
j-32 1er tour.
« Sur Facebook, c’est plus personnel . Mes
contacts sont mes amis. Je discute des
élections de visu avec eux. Sur Facebook,
ça ne discute pas vraiment. », étudiant,
Sciences Po, Meeting François Hollande,
Vincennes, j-6, 1er tour.
35
36. En dehors des réseaux sociaux, jouer son rôle conversationnel
reste la finalité majoritaire des usages des outils et des médias
numériques
La conversation en face à face demeure la
matrice de l’opinion publique.
Selon les milieux sociaux et culturels, les
exigences associées à ce rôle varient
fortement.
Nous avons rencontré deux configurations :
1. La double exigence conversationnelle :
entre « devoir de savoir » et « devoir de
réserve » : ne pas ignorer et ne pas
s’exprimer
2. La valeur ajoutée par Internet à la
conversation
« J’essaie de suivre le fil continu de l’information,
histoire de ne pas tomber dans une conversation, et
de ne pas savoir de quoi on parle », Pierre, 43 ans,
commercial, Strasbourg.
« Cela me semble important de pas avoir l’air
complètement idiote sur des sujets politiques
d’actualité, de pouvoir alimenter une conversation »
Nadine, 45 ans, esthéticienne, Strasbourg.
« Dans mon métier de commercial, il ne faut pas que
je me trouve en défaut pendant une discussion avec
un client. Je dois être d’aller dans le sens de
convictions qui ne sont pas du tout les miennes »
« Sur un site comme le véritomêtre, je cherche le
chiffre, ou l’info qui va clouer le bec à mon
interlocuteur… », Cécile, 25 ans, consultante, Paris.
« Un site comme le véritomêtre, j’y vais souvent, ça
me permet d’avoir des chiffres ou des raisonnements
à sortir de mon chapeau dans les discussions avec
mes amis, ou mes collègues, ou ma chef qui a priori
n’a pas les mêmes opinions politiques que moi ».
36
37. 3.
Les outils connectés permettent de transformer le
devoir civique en bon plaisir numérique.
37
38. (3) En bref …
•
Les citoyens choisissent leurs combinaisons transmédiatiques en fonction de leurs
contraintes quotidiennes, mais aussi de leur bon plaisir. Ainsi Hubert, 56 ans, se dit-il qu’il
retrouvera « tout sur Internet » le lendemain dès qu’il sent poindre l’ennui devant une émission
politique à la télévision ; Jean-Marie, 75 ans, télécharge sur son lecteur MP3 son émission de
radio politique favorite pour accompagner sa promenade quotidienne ; Carole, 35 ans, « passe
par » ses amis Facebook pour voir les vidéos et lire les articles « qui comptent » ; Vincent, 30
ans, ne supporte pas de regarder un débat télévisé sans le suivre en parallèle sur Twitter qui
réenchante ce moment qu’il considère comme ennuyeux. (p.39)
•
En outre, au travers de la gamme large des traitements du politique qu’il offre, Internet donne
de la saveur au devoir civique. Pour Véronique, 39 ans, qui se contraint chaque matin à «
entretenir sa culture générale » politique, faire défiler les actualités de la campagne électorale
sur son application mobile est une façon d’agrémenter son effort, tout comme Luc, électeur de
d’un parti de gauche, podcaste avec plaisir les imitations de Laurent Gerra qu’il considère
pourtant à droite. (p.40-41)
•
Mais, si le « LOL » ou le second degré est une autre clé d’entrée dans la campagne politique,
surtout pour les plus jeunes, détourner la politique n’équivaut pas à s’en détourner. S’amuser
avec le podcast d’un humoriste, regarder des vidéos farcesques, poster des caricatures qui
déconstruisent la communication politique ou remixer les phrases d’un débat n’implique pas
une perte d’exigence vis-à-vis du politique. Les plus jeunes de nos interviewés attendent du
président idéal qu’il soit doté d’une nouvelle compétence de communication politique, qui
consiste à pouvoir s’échapper de ces détournements humoristiques : « savoir se débrouiller
pour ne pas être caricaturé », comme le dit Samira, une étudiante de 20 ans. (p.42)
38
39. A l’heure du numérique, vivre sa campagne présidentielle est une
expérience polyphonique et sensorielle, qui déjoue les
spécialisations attribuées aux différents médias.
« Je regarde la télé à travers la radio »
« Les titres de mon portail d’accueil Orange, je clique dessus quand je ne les
ai pas encore entendu dans la journée »
« La télé, je l’ai lendemain sur Internet »
« Je regarde pas la télé, je l’écoute »
«Tu vois avec la TV si tu as des images à voir en plus de l’info radio »
« Sur internet, c’est un autre regard, ce n’est pas comme la TV. Avec la radio et
les articles Yahoo, c’est suffisant. »
39
40. Comment transformer son devoir civique en plaisir numérique (1/2)
Un plaisir qui tient à l’adaptabilité
propre aux outils numériques
•
•
•
aux contraintes des situations de vie
aux capacités sensorielles
aux dispositions corporelles
« J’aime pas être assis trop longtemps devant la
télé pour les discours parce qu’au bout d’un
moment j’ai mal au dos. Donc j’arrête quand j’en
ai marre de rester assis, et je passe sur
l’ordinateur, où je vais tout trouver, à mon
rythme »
« Dans le bus, avec mon iPhone je profite des 20
minutes de trajets pour écouter France Inter, et
selon les sujets qui m’intéressent, je vais lire plus
à fond les articles. »
« Je me suis assez ennuyé devant les débats
télévisés, j’en ai vu des campagnes : maintenant ,
dès que je sens que cela m’ennuie, je change de
chaîne, et le lendemain, je vois ce qui s’est passé
sur Internet. ».
40
41. Comment transformer son devoir civique en plaisir numérique (2/2)
Se distraire du politique … avec le
politique
Pour certains électeurs, le numérique vient
agrémenter l’ennui de la politique.
« Je regarde les débats avec le livetweet de Libé ou je
regarde sur Twitter sans avoir de comptes. Twitter ça a un
petit côté match, second degré.», Attaché Territorial, 35 ans,
Meeting Hollande, Vincennes, j-7 1er tour.
« Je n’accède à la politique qu’à partir de Facebook, et de ce
que postent mes amis. Sinon, ça m’ennuie. », Carole, 43
ans, esthéticienne, Strasbourg, J – 2, 1er tour.
41
42. Mais détourner le politique n’équivaut pas à
s’en détourner
Démonter la communication politique
n’implique pas une perte d’exigence vis-àvis du politique
« Le président devient le joujou de tout le monde. A force, il est désacralisé. On a le
sentiment qu’on peut aller lui parler au bistrot du coin. Dans un blog, j’ai même lu une
comparaison du président avec du Lactimel. », Yacine, 20 ans, étudiant, Paris, J - 20
« C’est au président de se débrouiller pour qu’il ne soit pas caricaturé »
Sofia, étudiante, 20 ans, Châtenay Malabry, j-32 , 1er tour
42
43. 4.
Internet joue le rôle d’un observatoire pluraliste
favorisant la curiosité politique.
43
44. (4) En bref …
•
Internet est décrit dans la panoplie transmédiatique par nos interviewés comme un outil de
stimulation intellectuelle et de fluidification des clivages idéologiques. La navigation dans des
programmes politiques qui peut s’effectuer par ouvertures de plusieurs onglets simultanés
permet par exemple de s’intéresser à des idées opposées aux siennes, en citoyen qui veut
s’éclairer, de jeter un œil sur plusieurs propositions ou de visiter le site d’un parti en simple
curieux. Luc, 51 ans, qui vote à gauche, nous dit « oser » aller sur le site du parti d’extrêmedroite alors « qu’autrefois », il jugeait trop engageant d’acheter Minute chez son marchand de
journaux.
•
En fonction de la combinaison d’outils et de médias pratiquée pour se former une opinion
durant la campagne, des choix de vote peuvent être recombinés. Quand il regarde la télévision,
Patrick, 38 ans, ancien militant communiste, pense voter pour le candidat de son parti. Mais,
sur Twitter, confronté à la succession des tweets sur les comptes d’autres candidats, il ne sait
plus « qui dit quoi sur l’écologie », et son opinion vacille.
•
Cette qualité pluraliste d’Internet rend possible des pratiques militantes stéréophoniques,
comme celles de Julien, 37 ans, qui regarde les débats de « Des Paroles et des Actes » sur son
ordinateur tout en suivant le compte Twitter d’une personnalité politique sur son mobile pour
« voir comment les mecs de droite réagissent.» Il est donc vain de chercher à déduire le profil
politique d’un citoyen à partir de ses pratiques numériques.
44
45. Des combinatoires transmédiatiques qui mettent l’opinion
dans tous ses états
De l’opinion imperméable …
« Moi je vote à droite depuis que je peux voter. Je regarde TF1, ça me
suffit. Oui, j’ai les applis ‘Le Figaro’ et tout ça dans mon mobile, et je
les regarde, mais bon, je sais pour qui voter.»
Louis, Forain, 65 ans, Paris, j-30 1er tour.
… à l’opinion soluble dans le numérique
« Je ne sais plus du tout quoi penser après avoir vu les débats et être
allés le lendemain sur internet, les sites de vérification »
Etudiante, 25 ans, Paris, j-34 1er tour
.. en passant par l’opinion fluidifiée par les combinaisons d’outils et de médias
« Avec Internet, l’iPad, les applications, je me sens moins prisonnier d’un camp
politique pour lequel je votais par lien de famille politique. Ces outils donnent de
fluidité mais pas sur le fond car il y a un attachement aux fondamentaux. Mais la
couleur politique m’importe moins. Je vais plus à la pêche des idées qui me
ressemblent que cela soit à gauche ou à droite. »
Luc, 51 ans, diplomate, Paris, j-4 1er tour.
45
46. Au sein de ces combinatoires transmédiatiques,
Internet est pratiqué, selon les cas, comme …
1
un observatoire pluraliste
2
un espace idiosyncrasique
3
un laboratoire expressif
4
au service
• d’usages stéréophoniques
• de la découverte de curiosités politiques
• d’un regard transnational
une machine hypertextuelle
46
47. L’observatoire pluraliste au service d’un usage stéréophonique
de la politique
Suivre plusieurs comptes de candidats simultanément
« Je ne sais plus qui dit quoi entre mes différents comptes de
gauche. Si je regarde la télé, je vote Mélenchon. En suivant Twitter je
ne sais plus trop entre Mélenchon et Eva Joly qui a dit quoi. Je me
déciderai après les premiers sondages qui sortiront sur Twitter »,
Pierre, 40 ans, développeur, j-33 1er tour
Prendre connaissance d’idées politiques hors de la seule logique partisane
« Je suis allée voir aussi le site de Marine Le Pen. C’est une nouvelle
façon de s’informer. J’ose accéder à des choses comme ça.
Autrefois, cela signifiait aller acheter Minute chez mon marchand de
journaux. Le site de Le Pen est gratuit, l’anonymat ne nous engage
pas. », Lucien, 51 ans, enseignant, Paris, j-4, 1er tour.
Regarder un débat télévisé tout en lisant sur Twitter les réactions de l’autre camp
« Je regarde les débats avec Twitter pour me marrer et voir comment
les mecs de droite réagissent. Par exemple, je suis le compte de
Coppé pour voir ce qu’il dit sur Hollande. », Attaché Territorial, 35
ans, meeting Hollande à Vincennes, 15 avril 2012, j-7 1er tour.
S’observer entre militants
« Je vais aussi poster sur les forums du Figaro et de Libération. On
s’aperçoit en fait qu’il y a plus de gens à droite sur les forums de Libé
et plus de gauche sur celui du Figaro. », Madeleine, sans emploi, 36
ans, Strasbourg.
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48. Au sein de ces combinatoires transmédiatiques,
Internet est pratiqué, selon les cas, comme …
1
un observatoire pluraliste
2
un espace idiosyncrasique
3
un laboratoire expressif
4
au service
• d’usages stéréophoniques
• de la découverte de curiosités politiques
• d’un regard transnational
une machine hypertextuelle
48
49. Au spectacle de l’hybridité : Internet, cabinet des curiosités
politiques.
Internet est apprécié pour ses
qualités de fluidification voire de
recombinaison politique.
Il constitue pour certains une
réserve de curiosités
idéologiquement hydrides
échappant au clivage
droite/gauche, nées du réseau et
auxquelles seul il donne accès.
« Je vais sur certains sites directement comme ce
site ‘Causeur.fr ’. Ce sont des objets politiques
hybrides. Internet cela permet d’entrer dans des
clubs où on n’aurait pas accès. »
Laurent, 55 ans, médecin, Paris, j-4 1er tour
« Le soir avec mon neveu de 23 ans, on fait des
tas de choses sur Internet, on fouille, on parle
d’un thème et on clique de site en site, comme par
exemple la finance. Il y a de l’info sympa sur
Internet dont on ne parle pas sur les médias ou
juste des petits titres. Internet ça donne des infos,
ça fait réfléchir. »
Arnaud, technicien PAO au chômage, Paris.
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50. Au sein de ces combinatoires transmédiatiques,
Internet est pratiqué, selon les cas, comme …
1
un observatoire pluraliste
2
un espace idiosyncrasique
3
un laboratoire expressif
4
au service
• d’usages stéréophoniques
• de la découverte de curiosités politiques
• d’un regard transnational
une machine hypertextuelle
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51. Regarder d’ailleurs : Internet comme espace transnational
La politique française sous le regard
des médias étrangers.
La possibilité de téléchargement
d’applications de presse étrangère joue
également un rôle dans ce statut
d’observatoire.
« Autrefois, la presse nationale était un moyen de
me faire mes idées. Aujourd’hui, je regarde le
point de vue de l’étranger. J’ai l’appli du New York
Times sur mon iPad. Il y a une prise de distance,
un véritable effet transformationnel. Il y a eu une
confirmation de mes intuitions sur tel ou tel sujet,
sur le profil des candidats, sur la façon dont le
débat politique français est perçu à l’étranger.
Cela entraine une relativisation des enjeux. » ,
Lucien, 51 ans, diplomate, Paris, j-4, 1er tour.
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52. Au sein de ces combinatoires transmédiatiques,
Internet est pratiqué, selon les cas, comme …
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un observatoire pluraliste
un espace idiosyncrasique
3
un laboratoire expressif
4
une machine hypertextuelle
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53. Un Internet qui me ressemble, face à une télé de hasard
Nous avons aussi rencontré un usage
d’Internet visant à éviter le pluralisme
en choisissant son angle.
Internet peut être alors utilisé comme
espace contre-public.
« Je regarde jamais la télévision, je ne vais que
sur des sites indépendants comme Agoravox. Je
n’ai aucune confiance dans les médias qui
manipulent. On échange de vidéos politiques par
mail, des vidéos qui changent des sentiers battus
entre copains de la même mouvance. Je vais tous
les jours sur Youtube et chercher par mots-clés
«Dieudonné, Tariq Ramadan... » Et je vais sur
Wikipédia pour vérifier les sources. »,
Employé de la banque de France, 30 ans, j-32 1er
tour.
Cette façon d’entrer dans la politique
par mots clés requalifie la télévision
comme un espace de découverte, et de
promiscuité parfois indésirable
« J’ai pas regardé beaucoup les débats depuis le
1er tour. Je suis tombée par hasard sur un débat
vraiment bien, l’émission « C dans l’air » sur les
électeurs de Marine Le Pen. »,
Marie, 39 ans, commerçante, j-3 2nd tour.
« J’ai changé de comportement cette année.
Avant je regardais les débats. Cette année, non.
J’ai un blocage cette année. Je ne peux plus voir
Sarko, dès que je le vois je zappe. Je ne vais pas
aller voir la télévision pour ne pas tomber
dessus », Carole, institutrice, 35 ans, Paris, j-18
1er tour
« Avec Internet, on cible les infos, on entre par
mots clés, alors que la télé, c’est au hasard des
infos : ça t’intéresse alors que t’irait pas chercher
spontanément », Iman, 20 ans, étudiante en
design commercial, Paris
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54. Au sein de ces combinatoires transmédiatiques,
Internet est pratiqué, selon les cas, comme …
1
un observatoire pluraliste
2
un espace idiosyncrasique
3
un laboratoire expressif
4
une machine hypertextuelle
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55. Internet, fidèle à sa fonction d’espace spéculaire, est utilisé pour
expérimenter son opinion
Poster pour savoir ce que l’on pense
« Quand une prise de position me
scandalise, j’ajoute un petit commentaire
‘scandaleux’, ‘terrible’ pour que cela ne
soit pas mal interprété. Sur Facebook, je
mets aussi mes propres interrogations
comme ‘Que penser ?’, quand j’ai posté
l’article sur le ralliement du clan Chirac.
Et là j’aurais aimé des commentaires pour
m’éclairer. »
Luc, 51 ans, diplomate, Paris, j-4, 1er tour
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56. Au sein de ces combinatoires transmédiatiques,
Internet est pratiqué, selon les cas, comme …
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un observatoire pluraliste
2
un espace idiosyncrasique
3
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un laboratoire expressif
une machine hypertextuelle
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57. La politique par onglets
Quand l’opinion est rendue floue par
la logique de navigation hypertextuelle
«Je n’ai pas pris ma décision. Je fais par bribes, par
articles, au jour le jour, de lien en lien. Mais c’est
important d’avoir une vision globale et de me poser,
que je me consacre une heure à regarder les
programmes. Je vais me prendre un moment pour
regarder tranquillement les programmes. Je vais
faire une recherche sur Google. Je vais aller sur un
comparateur de programmes (voce.org), je vais jeter
un coup d’œil sur les sites de candidat. A la limite,
j’aimerais mieux que ce soit avec du papier. »
Olivia, 31 ans, photographe, j-9 1er tour
57
58. 5.
La campagne 2012 a inauguré de nouvelles formes
de militance connectée, qui privilégient
la parole libre.
58
59. (5) En bref …
•
De l’avis des militants rencontrés, la campagne 2012 a été animée par une véritable stratégie
numérique. Mais à côté des consignes données par les équipes des partis, l’exercice d’une
parole militante libre et informelle sur Internet a élargi le cercle traditionnel des militants
encartés. Aujourd’hui internet rend possible une gamme large de formes de militance, qui
inclut le statut de militant « libre ».
•
Poster son opinion sur les sites de réseaux sociaux est « la façon de militer » de Lucien, 51
ans, simple électeur de gauche. Cette fabrique quotidienne de la militance digitale « prend
autant de temps que d’aller sur les marchés », suivant Carole, 31 ans, encartée à droite.
•
Les techniques d’écriture de la parole militante libre privilégient des reformulations
personnelles plutôt que la reprise des slogans proposés par les sites officiels. Twitter est ainsi
utilisé comme une réserve de « petites phrases bien vues, bien dites » à retweeter et comme
une chambre d’écho de la parole militante.
59
60. La gamme large de la militance connectée (1/2)
Plutôt que comme espace de débat,
Internet a été utilisé comme un outil de
mobilisation par les militants :
•
Boites mails
•
SMS/MMS
•
« Toute la campagne se fait par la boite mail de
Facebook. A un moment, il y a eu des photos des
équipes de porte à porte qui ont circulé par SMS. Au
début. Elles étaient aussi sur Facebook. Pour se
stimuler. Mais en fait, j’ai toutes les infos à la cellule.
Je ne regarde pas toujours la boite mail, ça fait trop,
ça fait doublon. L’info, je l’ai. », Militante PS,
«génération papier », Meeting Hollande Vincennes, j6 1er tour.
Groupes Facebook
•
Comptes personnels de réseaux
sociaux
« Là je viens de recevoir un SMS de « Nicolas Sarkozy »,
Carole, enseignante, 31 ans, Paris, j-2 1er tour.
« Quand on adhère à la page jeune UMP on est
informé par mails – dans la boite de réception – des
meetings, de réunions, des débats »,
Caissière, Meeting Sarkozy, j-6 1er tour
« Je mets des photos de séquences de tractage au
marché sur mon Facebook pour donner envie aux
autres militants », Militant UMP, 25 ans, Meetting
UMP à Souffelweyersheim (67)
60
61. La gamme large de la militance connectée (2/2)
« Poster mon opinion sur Facebook, c’est ma façon à
moi de militer.» , Lucien, 51 ans, diplomate, j-4 1er tour.
Une forme spécifique de militance, la
militance par la parole est promue par
Internet.
« Je milite avec Internet autant qu’une personne sur les
marchés, cela me prend du temps et je trouve que c’est
aussi valable »,
Militante UMP, Meeting Sarkozy, Place de la Concorde,
le 15 avril 2012.
Cette forme de militance élargit le
cercle des engagés potentiels : poster
son opinion devient une façon de
militer.
61
62. Les techniques digitales de la parole militante :
les petits mots qui circulent, préférés aux consignes (1/2)
Facebook et Twitter, réserves de
paroles et chambres d’écho de la
parole militante
«On sent sur Twitter, plein de petits mots « France
Forte, Majorité silencieuse, Peuple de France », des
hashtags et ça me suffit comme éléments de
langage. Pour le reste, je prends ma formulation à
moi : je ne suis pas béni oui oui »
Carole, 31 ans, enseignante, militante UMP, Paris, j-1
1er tour.
62
63. Les techniques digitales de la parole militante :
les petits mots qui circulent, préférés aux consignes (2/2)
La fabrique de la parole militante
•
occuper le terrain : la guerre des hashtags ou
‘comment canaliser la parole militante’
« Quand il y a un débat à la télé, j’ai Facebook ouvert
et un word ouvert dans lequel je note les choses
importantes. Et à la fin de l’émission, je vais une
synthèse pour Facebook. Je vais me focaliser sur 3
propositions. Ensuite, je refais une synthèse pour
Twitter, ça donne plus de mal .»Carole, 31 ans,
enseignante, militante UMP, Paris, j-2 1er tour
« Sur Twitter, je vais voir quelles phrases sont bien
retweetées, quelles formulations fonctionnent. Faut
trouver un juste milieu entre « intello » et « proche
des gens. », Olivier, 38 ans, militant PS, Paris, j-5 1er
tour.
•
travailler la parole « en réception »
La cellule Twitter du Meeting Eva Joly du 18 avril 2012 au Cirque
d’Hiver. L’un fait des tweets d’après un document du discours
que prononce en direct la candidate, tandis que l’autre regarde
Twitter sur son smartphone pour retweeter les bons tweets, ceux
qui sont « biens vus », « bien dits ».
63
64. 6.
La nouveauté de la campagne 2012, c’est la
métamorphose des espaces publics par la
connexion.
64
65. (6) En bref …
•
Le véritable espace public de débat connecté aujourd’hui n’est pas « Internet » en soi. Par
l’internet mobile ou le WiFi, la connexion devient un cadre dans lequel se nouent ou se
poursuivent des discussions au sujet de la campagne. Ces agencements d’objets et de
technologies forment de nouveaux espaces publics hybrides, qui réactualisent l’espace de
conversation politique, né au XVIIIème siècle avec les premiers cafés.
•
Un meeting en plein air « connecté » auquel on assiste portable à la main ou caméra sur le
casque, un bus depuis lequel on envoie une vidéo à des amis que l’on vient de quitter, un banc
autour duquel on se retrouve avec un ordinateur portable, un véhicule de co-voiturage doté
d’une radio et de quelques smartphones sont des exemples de ces lieux où se vit aujourd’hui
la politique (p.64-65)
•
Ces situations s’inscrivent dans un contexte global qui fait de la place publique connectée le
foyer des mobilisations collectives : place Tahrir, plazza del Puerta del Sol, Zuccotti Park
(Occupy Wall Street) comme dans les meetings en plein air de la campagne présidentielle, la
présence des outils numériques élargit le cadre de l’expérience citoyenne. (p.66-68)
65
66. Nouveaux espaces publics hybrides : espaces de conversation autour
des outils numériques connectés (1/2)
Le bus 3G
Le véhicule de co-voiturage
« L’autre soir, je suis partie tôt d’un dîner où on a
parlé de la position de la gauche sur l’enthanasie.
Dans le bus, j’ai tapé « Hollande euthanasie », et j’ai
trouvé une vidéo d’Hollande qui s’exprimait sur le
sujet, et je l’ai envoyé tout de suite avec mon iPhone.
Ils m’ont dit ensuite qu’en regardant ma vidéo, ils en
ont parlé », Laurence, consultante, 29 ans, Paris.
« Si j’ai pas accès à l’info, si j’ai raté un épisode, les
rebondissements, je demande dans la voiture [de covoiturage] ce qui s’est passé.Et on me montre sur le
mobile », Nadia, salariée d'association, 35 ans,
Nancy, j-16.
Le banc connecté
« Dans la cour de l’immeuble, on parle de tout, de
politique avec des amis, des jeunes de 25 ans à 28
ans. Il y a un cour avec un petit jardin et un banc.
Souvent, on y pose le portable avec la wifi. On se
refile les codes qui marchent le mieux. Il y a 7 à 15
personnes le soir. Et en fonction du sujet, on tape un
mot-clé et c’est parti. On discute, on va voir des
articles, un site, on continue nos recherches. Il y a en
qui sont un peu calés et qui vont trouver des infos
sympas, des trucs qu’on a pas lu. », Arnaud, 50 ans,
technicien au chômage, Paris.
66
67. Nouveaux espaces publics hybrides : espaces de conversation autour
des outils numériques connectés (2/2)
L’affiche augmentée
« Les panneaux de rue « Impasse
Sarkozy » , je les chasse avec
mon mobile et je les mets sur
Instagram avec le hashtag
« 2012 », « présidentielles »,
« Elections. », Olivia, 31 ans,
photographe, Paris.
67
68. La redécouverte de la campagne : les meetings en plein air
Une sympathisante au meeting de JL Mélenchon à la Bastille du 18 mars
2012 équipée d’un go pro pour faire de petits films postés sur YouTube
appelant à voter Mélenchon.
68
69. La véritable nouveauté de la campagne 2012 :
le meeting en plein air connecté.
Assister à un meeting un portable à la main pour :
•
Envoyer des photos en direct à ses proches
•
Faire des photos ou des vidéos
pour les conserver ou les poster plus tard
•
Envoyer des SMS pour se retrouver
•
Poster des statuts et des photos sur Facebook
•
Se checker comme une façon de dire
sa « position »
•
Chercher sur Twitter à avoir des informations
sur ce qui est en train de se passer dans le meeting
Fabrice à Waterloo
« Là je cherche du réseau pour aller sur Twitter et voir les tweets du staff de Hollande car je connais
quelqu’un qui y est. Pour savoir quand Hollande va parler etc. », Etudiante, Sciences Po, Meeting Hollande,
Vincennes, j-6.
69
70. Sur les places publiques qui mobilisent des foules,
la connexion peut prendre une signification politique.
La connexion comme support
transnational entre ici et là-bas
La déconnexion comme condition de
formation d’un collectif ici et maintenant
70