3. Date : 05/11 AVRIL 16
Pays : France
Périodicité : Hebdomadaire
OJD : 7361
Page de l'article : p.18-22
Journaliste : Hélène Truffaut
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mi w
eli mars dernier, a l'université
Pans-Dauphme, s'esttenu le pre
mer Forum de I engagement Un
evenement organise parl'Obseï
vatoiredel'engagement,cofonde
fin 2014 par les societes de
conseil Osagan etCarewan L'ob
jectifde cette association9
« Nous
voulions creer un thmk tankpour
animer la reflexion sur un thème
montant, qui se positionne dans
l'agendades comites dedirection,
maîs qui est surtout traite par des
cabinets spécialises et sur lequel
il y a peu d'analyses croisées»,
soutientDaniel Barom, vice-pré
sident de Care an et president
de l'Observatoire de l'engage
ment D'où un partenariat aea
demiqueavecDauphine,dontles
etudes sur cette problématique
- la derniere portant sur la me
sure de I engagement - permet
tent de nourrir les debats
«Nous n'avons pas d'attitude nu
htante sur le sujet, maîs nous
pensons qu'il y a la un levier de
performance pour les organisa
lions et un potentiel de renou
Se/on ie Human Capital !nstitute,
le «retoursursalaire»
d'un collaborateur activement
engagé serait de 12O %.
De JOO% lorsque le collaborateur
est moyennement engagé.
vellement des politiques RH »,
poursuit il Maîs de quoiparle t
on aujuste* Beaucoup se rejoi
gnent sur la notion d'adhésion
au projet de l'entreprise Une
commission de IAssociation na-
tionaledesDRH(ANDRH)sétait
penchée sur cette problématique
ily atrois ans Etavait définil'en-
gagement comme « l'ensemble
des actions a l'initiative d un sa
lane quivontau delàde lacontn
bution demandée par le contrat
de travail, qui renforcent le sen
talent de contribution aunprojet
commun et dans le respect des
valeurs de I entrepose»
UN FACTEUR
INDIVIDUEL
Passisimpleaappréhender, d'au-
tant que comme l'explique Bri-
gitteDumont,viceprésidentedé-
léguée de l'ANDRH, « il ne suffit
pas a une organisation de creer
les conditions de l'engagement
Celui ci s'inscrit aussi dans une
histoire personnelle Lanalyse et
la compréhension de l'engage
ment intègrent donc un facteur
individuel» Ce qui est sûr, t,'es>t
que cette problématique, avec
celle de latransformation nume
rique, occupe actuellementle de-
vant de la scene RH en France,
si l'on enjuge par le nombre de
conferences et d'études propo-
sées sur le sujet
Le 24 mars dernier Korn Ferry
Hay Group organisait son 3e
fo-
iumhexagonalbui l'engagement,
apres avoir publie les resultats
de son barometre 2015, reposant
sur les enquêtes d'opinion in
ternes de ses clientsmenées au-
près de plus de 140000 salaries
La societe de conseil observe
que si les etudes autour de l'en
gagement existent depuis une di
zaïne d'années en France (et une
trentaine d'années dans les pays
anglo saxons), la demande s'ac-
croît fortement Même les edi
teurs de solutionsRH, telsOracle
et ADP se sont tout récemment
empares du sujet avec leurs
clients (lire Entreprise & Car
neres n° 1277 et n° 1263), y
voyantune sérieuse carte ajouer,
outils de pilotage des processus
RH ou des environnements de
travaildigitauxfavorisantlacolla
boraùonL'ANDRHa,elledécide
de reembarquer ce thème dans
la commission RSE (responsa
bilite societal des entrepnses),
quanimeBrigitteDumont
Les raisons de cet engouement
rejoignentlesconvictionsdel'Ob-
servatoire de l'engagement des
etudes récentes ont en effet mis
enévidence une corrélationentre
l'engagement des salaries et les
indicateurs de performance bu-
sinessetRH «Quandlescollabo-
rateurs sont dans un environne-
mentépanouissant, comprennent
la strategie et adhèrent a lavision
de l'entreprise, celle ci obtient
de meilleurs resultats en termes
de productivite, de satisfaction
client, de qualite, d'innovation,
de rétention des talents, d'image
employeur, de securite au tra
vai!, etc liste Bngitte Dumont
Et l'on entre dans un cercle ver-
tueux, car de bons resultats ali
mentent la fierté d'appartenance
alentrepnse »
IMPACT FINANCIER
Selonle Human CapitalInstitute,
le <retoursursalaire» d'un col
laborateur activement engage se
raitde 120% De 100%-sansva-
leur ajoutee, donc - lorsque le
collaborateurestmoyennement
engage Et de 60%-1 entreprise
yperd - lorsqu'il est « activement
désengage»,rappelle'ivesDuron,
psychologue du traail et cofon-
dateur de Motiva, societe qui a
développe une gamme de solu
tiens autour de la motivation
«Etantdonnel'impactfinancier
cela vaut le coup de se pencher
sur le sujet Les entrepnses du
CAC 40 ontparfaitementintègre
cet enjeu que toutes les entre
prises, finalement, perçoivent de
maniere intuitive», soutient-il
Selon Bngitte Dumont, l'intérêt
pour l'engagement résulte aussi
d'une«symétriedesatténuons»,
les entreprises s étant aperçues
queI amelioration de larelation
client, surlaquelle elles concen-
traient tous leure efforts, passait
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portéeauxsalariés L'engagement
fournitégalementauxDRHbu-
siness partners un indicateur
plus attractif que celui de la sa-
tisfaction autravail, estime Serge
Perret, professeur à Pans-Dau-
phme, qui a mené l'étude sur la
mesuie de l'engagement, dont
les resultats ont ete restitues lors
du premier Forum de l'engage
ment (lire p 26) Du reste l'en
seignant n'exclut pas un certain
effet de mode
DÉSENGAGEMENT
Maîs plusieurs etudes font aussi
etat d'un désengagement des sa-
lariés, notamment hexagonaux
quiinquiètelesemployeurs Pour
Yves Duron, cette difficulté a mo
biliser les salariés s'explique, en-
tre autres,parunetransiormaùon
du contrat employeur-salariés
«Avant, c'était l'abondance On
avaitdesperspectives d'évolution
de carriere, de rémunération
Aujourd'hui, on est davantage
dansuneeconomiedelapénurie,
dansunmonde global où les en-
treprises mutent et revoient leur
business model sous l'effet des
Mesurer l'adhésion
Gallup, Aon Hewit, Korn Ferry Hay Group, Ipsos,
Willis Towers Watson chaque prestataire
de mesure de lengagement a sa propre methode
logie Selon lenquête réalisée sous la houlette
de Serge Perret par l'université Paris-Dauphme
pour l'Observatoire de lengagement (lire p 23)
les "modèles d'engagement" sont constitués
d'une mesure du concept d engagement - le cœur
du modèle -, comprenant de 6 a 12 questions,
et d un ensemble plus large de questions visant
à en identifier les leviers
Chez Aon Hewitt par exemple, une petite serie
de questions permet de cerner trois comporte
ments clés de lengagement sur le modele du
"say, stay, stnve', détaille Olivier Mamelle, direc-
teur de lactivité de conseil en engagement
des salaries pour l'Europe l'affirmation (le salarié
est fier de travailler pour son entreprise et en
parle positivement autour de lui), I adhésion
(le salarié se projette à moyen long terme dans
lentreprise) et le comportement d'action (qui
indique a quel point il est prét a aller au delà de
ce qui est attendu de lui)
«Sur cette base, nous pouvons donner un score
d'engagement, explique Olivier Mamelle Et nous
mesurons les leviers sur une quinzaine de thema
tiques dirigeants, formation-développement,
équilibre vie professionnelle-vie privée, etc en
construisant un questionnaire sur mesure pour
chaque organisation, à partir d'items standards »
Celui-ci contient généralement entre une cin-
quantaine et une soixantaine de questions, qui ne
doivent pas prendre plus d'une vingtaine de mi-
nutesausalarié
La société de conseil propose des benchmarks
qui couvrent 174 pays, 68 secteurs et quelque
8 millions de salariés «Ce qui est intéressant,
cest de pouvoir cerner les thématiques qui auront
le plus fort impact sur lengagement Celles-ci va
nant d un pays et d'une organisation a lautre »
Maîs les enquêtes donnent des indications sur ce
qui peut être fait et « il convient de valider ces
points avec les collaborateurs Lenquête d'enga-
gement est un outil de dialogue», estime t-il
Lentreprise a d ailleurs intérêt à ne pas poser de
questions sur lesquelles elle n'est pas prête à agir,
car cela pourrait susciter des attentes et, au final
des frustrations A eviter absolument lenquête
dont on ne communique pas les résultats et qui
ne débouche sur rien ' *
Jouer sur /es ressorts individuels
< " • / - ^ / / / A -% / 'X /" /" /" A / / y
« Les salaries ne savent pas toujours expliquer
ce qui les motive Les sportifs gèrent tres bien
cela maîs on ne sait pas parler de motivation
de manière structurée au travail », soulevé
Yves Duron, psychologue du travail et cofon
dateur de Motiva Qui est convaincu que la
motivation est une competence qui se déve-
loppe C'est d'ailleurs le titre de l'ouvrage*, pu
blié en decembre dernier qu il a coécnt avec
son homologue à Motiva, Zwi Segal Les au-
teurs y décrivent la relation qu'entretient le
salarié avec son entreprise à travers deux di
mensions complémentaires la satisfaction
motivationnelle (les ressorts cles et plutôt ra-
tionnels de la motivation tels que la reconnais-
sance ou les possibilités d evolution) et I enga
gement (qui tient aux aspects affectifs de
la relation a Ientreprise) «En croisant ces
deux axes, nous avons dégage quatre etats
motivabonnelssur le modèle du couple» ex-
plique Yves Duron l'histoire d'amour (la satis
faction motivationnelle et lengagement sont
forts), le mariage blanc (les motivations cles
du collaborateurs sont satisfaites maîs il
n'adhère pas au projet dentreprise et la rela
tion repose sur du donnant donnant) la désil
lusion (cest la situation inverse le niveau den
gagement est fort, maîs les motivations cles
sont insatisfaites et le collaborateur com-
mence a se poser des questions), la sépara
tion (tous les clignotants sont passes au rouge,
le collaborateur a décroché)
« La première chose qui va se dégrader, c'est
la satisfaction motivationnelle Ce modèle
permet de mieux comprendre où se situe
le problème, car certains DRH sont un peu
perdus, déclare Yves Duron Chaque per
sonne a une combinaison de ressorts de mo
Ovation qui lui est propre, poursuit il Prendre
des mesures globales, comme embellir les
bureaux, en satisferont certains quand d'au
tres y verront des dépenses inutiles »
D'où l'intérêt pour lentreprise de travailler
le sujet en "bottom up", en permettant a cha
cun d identifier ses propres motivations et
d'être acteur de son épanouissement « Le su-
jet est un peu tabou, convient il Souvent,
les salariés sont assez sceptiques et attn
buent a I entreprise toute la responsabilite
de leur démotivation, alors qu ils disposent
de leviers personnels et pragmatiques pour
être justement moins dépendants de Ibrgani
sation » Avant d'engager des plans d'actions
plus larges, s'autoriser à parler de la motiva-
tion individuelle en entreprise tant au niveau
des collaborateurs que des managers, per-
mettrait ainsi de régler, à peu de frais, cer-
tains problèmes de desengagement Tout
en permettant à chacun d'être plus résilient
face aux changements de tous ordres « Au
jourd'hui, on sait parfaitement cibler les be-
soins des clients, pourquoi nappliquerait on
pas la même logique pour les salariés7
» *
* La motivation une competence qui se développe Guide
pour developper la motivation et I engagement au travail
decembre 2015 Pearson 262 pages 25 euros
5. Date : 05/11 AVRIL 16
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technologiesnumériques»,dé
pemt-il
En2013,ADPResearchInstitute
avait ainsi observé « un dehte-
ment du lien social dans les en-
treprises» «41%dessalariésen
France se disaient satisfaits de
leurentreprise, contre58%dans
lemonde,préciseEddyCorcos,
directeurdel'activitéHumanCa
pitalManagementàADPFrance
Même en tenant compte de l'effet
culturel - les Français étant tou-
jours moins enthousiastes -,
l'écart demeure important et les
résultatsglobauxnesontde toute
façon pas fameux »
POINTS
DEDÉCONNEXION
Surlabasedecesenquêtes,ADP
a dégagé trois grands points de
"déconnexion" - manque de re-
connaissance, de perspectives
et d'épanouissement au travail -
que ses clients n'ont pas contes-
tés, précise Eddy Corcos «Au
niveaudes DRH, ilyauneprise
de conscience et une volonté de
travaillersurle sujet», assure-t-
il L'éditeur a d'ailleurs saute sur
l'occasionpourreuniruncollectif
depraticiens RH, consultants et
enseignants afin de proposer des
pistes d'action pour recréer du
lien et de l'engagement, reunies
dans l'ouvrage #RHreconnect,
publié en novembre dernier
Cependant, tous les points de
vue ne sont pas aussi tranchés
SelonladerniereenquêtedeRom
FerryHayGroup,«lesentiment
d'appartenance à l'entreprise
commeleniveaud'engagement
restent relativement élevés en
France, avec un taux de satisfac-
tionglobalede70%»,maîsavec
un bémol sur les conditions et la
charge de travail À chacun sa
méthodologie Et ses conclu-
sions Plutôt que de parler d'un
désengagement, l'ANDRHperçoit
surtout « une quête de sens, qui
s'exprime davantage que par le
passe, notammentchezlesjeunes
générations, considère Brigitte
Dumont D'où la nécessité de
montrer à chacun quelle est sa
contribution au projet et aux re-
sultats de l'entreprise » Unevoie
danslaquelles'estengouffréLa-
beyne, dansle cadre de son nou-
veauplan stratégique (lire p 25)
ChezMicrosoft,enrevanche,ce
qui n'était au depart qu'une dé
marche commerciale sur les re-
seaux sociaux s'est finalement
révèle être un facteur d'adhésion
aux valeurs de l'entreprise (lire
P 26)
Reste que, si les enquêtes d'en
gagement sont «tendance » - le
seul taux de participation étant
un indicateur scrute de tres près
par les DRH - « on est quand
mêmesurlaplusvieillequestion
RH qui soit comment donne-t
on aux gens l'envie d'avancer',
rappelleSergePerret L'eryeude
lamesure de l'engagement n'est
pas la mesure, maîs ce qu'on en
fait'» Pour OlivierHamelle, di-
recteur de l'activité de conseil
enengagementdes salariésd'Aon
Hewitt pour l'Europe, «une en-
quête d'engagement bien
construite sera, du reste, plus of-
fensive qu'une enquête sur les
risques psychosociaux »
MANAGER ANALYSTE
Cen'estpasunesurprise, les ma
nagers sont alafois sujets et ac
teurs des plans d'action mis en
œuvre dans les entreprises So-
dexo Santé Médicosocial a ainsi
travaille sur les comportements
clés de ses encadrants (lirep 24)
Serge Perret estime pour sapart
quelesmanagersdoivent«passer
du manager suiveur de KPI* au
manageranalyste» Passisimple
«Lorsqu'il reçoit une photogra-
phie del'engagementcorrespon
dant à son périmètre, il peut la
percevoir comme une remise en
question potentielle II doit être
capable de s'emparer de ces re-
sultats pour en faire, non pas un
émème plan d'action déployé de
maniere mécanique, maîs quel-
que chosede concretenlienavec
ses objectifs, qui pourra aussi
concerner sa propre façon de
manager » Reste que les raisons
del'engagementsont fluctuantes
Et particulièrement complexes
Carle conceptaplusieursobjets
Etleslogiquesdiffèrentselonles
entreprises, les métiers, les pays,
les générations , comme Tex
phquel'enseignantdeDauphine
«Lesmotivationsd'uninfirmier
aFAP HPnesontpaslesmêmes
que celles d'un trader dans une
banque On peut trouver des sa-
laries très engages dans leur me-
tier qui se fichent de leur entre-
prise Et les jeunes générations
ne sont pas forcément moins en
gagées que les autres, même s'il
estvraiqu'ellesn'ontpaslemême
rapport à l'entreprise et ne s'y
projettentpasàlongterme »Les
organisations auraient donc, se-
lon lui, intérêt, au-delà des en-
quêtes quantitatives, àprocéder
aune analyseplusqualitative des
situations L'objectif7
Trouver
les meilleures combinaisons pos-
siblesdesleviersd'engagement
De quoi mettre la sagacité des
DRHàrudeépreuve!H.T.
* Key performance indicator;
POUR ALLER PLUS LOIN
#RHreconnect. Idées, pratiques et outils RH pour l'avenir de l'en-
treprise. ADP, sous la coordination de Patrick Bouvard, rédacteur en
chef de RH info, Editions ENS 2015
New deal of employee engagement. À sustainable body-and-mind
engagement mode), Bernard Coulaty, McGraw Hill Education, 2O15
Lauteur propose également une video sur YouTube *