2. Synopsis
• Festival d’Avignon, été 2021.
• Une comédienne, un comédien, face à leur rôle, leur texte,
juste avant les représentations.
• Devant la caméra documentaire de Benoit Jacquot,
Isabelle Huppert et Fabrice Luchini au travail.
3. Réalisateur: Benoît Jacquot
• Benoît Jacquot est un jeune cinéphile de 17 ans
lorsqu'il débute au cinéma comme assistant de
Bernard Borderie sur un film de la série des
Angélique. Au début des années 70, il tourne
beaucoup pour la télévision, des documentaires
(Jacques Lacan psychanalyse I et II) comme
des adaptations d’œuvres de Kafka ou Blanchot.
• Assistant de Duras sur Nathalie Granger et
India Song, il choisit pour son premier film,
L'Assassin musicien (1975), de porter à l'écran
un roman de Dostoievski. La mise en scène très
dépouillée et la diction atone des comédiens
semblent faire de lui un héritier de Bresson,
une impression que vient confirmer son
deuxième opus, Les Enfants du placard. Mais
le plus souvent, les films austères de Jacquot
peinent à emporter l'adhésion de la critique et
du public, y compris Les Ailes de la colombe
(1981), ambitieuse adaptation de James avec
Isabelle Huppert et Dominique Sanda.
• Avec La Désenchantée, Jacquot prend, en 1990,
un nouveau départ. Inspiré par la débutante
Judith Godrèche, il signe l'émouvant portrait
d'une adolescente exaltée. C'est autour d'une
autre jeune comédienne, Virginie Ledoyen, qu'il
construit ensuite La Fille seule (1995), oeuvre
épurée qui lui vaut les éloges de la presse
internationale
4. • Le sentiment amoureux est son thème de
prédilection, mais Jacquot, devenu un des
auteurs les plus prolifiques du cinéma
français, fait surtout preuve d'un éclectisme
rare : après un nouveau détour par le
théâtre (La Fausse Suivante), il signe un
film d'époque sur la vie de Sade (2000),
mais aussi un opéra (Tosca).
• En 2004, il surprend encore en tournant en
noir et blanc et en DV A tout de suite, récit
d'une cavale interprété par Isild Le Besco, sa
nouvelle muse, qu'il emmène ensuite en
Inde à l'occasion de L'Intouchable, présenté
à Venise en 2006.
• Il entreprend ensuite un nouveau voyage,
pour une île d'Italie cette fois, à l'occasion
de Villa Amalia, adaptation du roman de
Pascal Quignard, film qui marque ses
retrouvailles avec Isabelle Huppert (2009).
• L'année suivante concrétise les
impondérables de son cinéma quand il
réunit pour Au fond des bois, sa désormais
fétiche Isild Le Besco dans une nouvelle
plongée au sein du 19ème siècle, autour
d'une variation ambiguë sur le sentiment
amoureux
5. • En 2011, le cinéaste, fidèle à son amour
des films en costumes, signe Les Adieux
à la reine, une fiction historique qui
relate les derniers jours de la Reine
Marie-Antoinette, à l'aube de la prise de
la Bastille, en 1789. Pour les besoins de
cette nouvelle fresque, le réalisateur
dirige une belle brochette d'actrices,
puisqu'il réunit devant sa caméra Léa
Seydoux, Virginie Ledoyen et Diane
Kruger.
• Après avoir esquissé nombre de portraits
de femmes, Benoît Jacquot met en scène
le chassé-croisé contemporain Trois
coeurs (2014) avec un premier rôle
masculin spécialement écrit pour l'acteur
belge Benoît Poelvoorde, accompagné
pour l'occasion de Charlotte Gainsbourg,
Chiara Mastroianni et Catherine
Deneuve. Le réalisateur retrouve
néanmoins ses motifs récurrents dans
Journal d'une femme de chambre, qui
lui permet de nouveau mettre en scène
Léa Seydoux, puis À Jamais, qui fait
cette fois découvrir au grand public la
jeune Julia Roy, également scénariste du
film.
7. Isabelle Huppert
• Isabelle Huppert grandit à Ville d'Avray. Inscrite
au conservatoire de Versailles par sa mère, elle
remporte un premier prix avec Un caprice de
Musset. Après une licence de russe, elle suit des
cours au Conservatoire. Elle débute au cinéma
dans Faustine et le bel été, trouvant vite des
seconds rôles dans des films marquants des
années 70 (César et Rosalie, Les Valseuses, Le
Juge et l'Assassin). En 1976, elle est Pomme,
apprentie coiffeuse à la tristesse insondable,
dans La Dentellière de Goretta, oeuvre délicate
qui la révèle au grand public.
• A 25 ans, Huppert reçoit le Prix d'interprétation
à Cannes pour son rôle de parricide dans Violette
Nozière de Chabrol (1978). Dès lors, elle tourne
avec les cinéastes français les plus exigeants,
Godard (Sauve qui peut la vie, Passion) ou
Pialat (Loulou, 1980), ce qui vaut à cette
comédienne discrète une image d'intellectuelle.
Elle se montre pourtant à l'aise dans les registres
les plus variés, de l'ambiguité (Eaux profondes)
à la fantaisie (La Femme de mon pote). Partie à
Hollywood pour La Porte du paradis, western
maudit de Cimino, elle acquiert une renommée
internationale, et travaille avec Wajda, Ferreri et
Losey. Parallèlement, les succès de Coup de
torchon et de Coup de foudre assurent sa
popularité en France.
8. • Elle poursuit une fructueuse collaboration avec
Chabrol qui semble avoir trouvé, avec cette
actrice subtile jusqu'au vertige, l'interprète
idéale : elle incarne pour lui Madame Bovary,
mais aussi une faiseuse d'anges (Une affaire de
femmes) et une postière criminelle (La
Cérémonie) -deux films pour lesquels elle est
primée à Venise en 1988 et 1995- une patronne
perverse (Merci pour le chocolat) et une juge
opiniâtre (L'Ivresse du pouvoir). A partir des
années 90, elle explore les frontières entre
raison et folie, à travers ses rôles chez
Schroeter, Mazuy (Saint-Cyr) ou lors de ses
incursions dans la comédie (8 femmes, Les
Soeurs fâchées).
• Accumulant récompenses et hommages (Prix à
Cannes en 2001 pour sa composition de
Pianiste frustrée chez Haneke, Prix spéciaux
pour l'ensemble de sa carrière à San Sebastian
en 2003 et Venise en 2005, expo photo qui fait
le tour du monde en 2006), l'hyper-active
Huppert (chacune de ses prestations théâtrales
crée l’événement) tourne avec la fine fleur du
cinéma d'auteur hexagonal (Doillon, Jacquot,
Assayas, Chéreau), mais aussi avec de jeunes
Européens prometteurs (Lafosse, Ursula Meier)
ou des Américains iconoclastes (Hartley, O.
Russell). Elle part au Cambodge pour Un
barrage contre le Pacifique, au Cameroun pour
White Material et en Italie pour Villa Amalia,
trois films à l'affiche en 2009.
9. • Cette année-là, la cinéphile Huppert préside
le jury du Festival de Cannes. L'année
d'après, l'actrice joue la mère fantasque de
Lolita Chammah (sa fille à la ville), dans la
comédie dramatique de Marc Fitoussi,
Copacabana, avant de prêter ses traits à une
prostituée désirant refaire sa vie dans Sans
queue ni tête de la fantaisiste Jeanne
Labrune. En 2011, elle partage l'affiche de
Mon pire cauchemar avec Benoît
Poelvoorde, devant la caméra d'Anne
Fontaine. Dans cette comédie écrite pour
elle, la comédienne interprète Agathe, une
mère de famille à qui tout réussi, s'opposant
ainsi de manière radicale au personnage
tenu par Poelvoorde.
• L'année suivante, la prolifique actrice
tourne dans le film historique de Valeria
Sarmiento, Les Lignes de Wellington. Mort
avant le tournage, Raoul Ruiz n'a pu achever
lui-même cette fresque napoléonienne où la
Française donne la réplique à John
Malkovich. 2012 est une grande année pour
Isabelle qui se retrouve à l'affiche de
plusieurs films prestigieux dont In another
country et Captive, où elle campe avec force
une femme prise en otage aux Philippines.
Michael Haneke fait également appel à elle
pour se glisser dans la peau de la fille de
Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva
dans le très primé Amour.
10. • En 2013, Isabelle entre au Couvent et devient
Mère Supérieure pour Guillaume Nicloux dans
La Religieuse. Dans le même temps, elle fait
une halte en Italie pour le drame politique La
Belle endormie de Marco Bellocchio. La
comédienne traverse ensuite l'Atlantique pour
donner la réplique à Colin Farrell dans le
thriller d'action Dead Man Down.
• L'année suivante, l'actrice joue une cinéaste qui
se fait manipuler par Kool Shen dans Abus de
faiblesse de Catherine Breillat. En 2015, elle
retrouve Guillaume Nicloux pour tourner
Valley of Love, un drame dans lequel elle joue
l'ex femme de Gérard Depardieu. Très
prolifique, Isabelle est à l'affiche de 4 films en
2016. Elle s'illustre donc dans le drame Tout de
suite maintenant, Souvenir, où elle incarne une
chanteuse oubliée, L'Avenir, dans lequel elle
campe une prof de philo qui doit réinventer sa
vie et enfin Elle de Paul Verhoeven.
• Ce thriller remporte un franc succès et rafle
notamment les Césars du meilleur film et de la
meilleure actrice pour Huppert. En 2017, elle
retrouve le réalisateur Michael Haneke Happy
End, instantané d’une famille bourgeoise
européenne. Friante de projets atypiques,
Isabelle joue dans La Caméra de Claire de
Hong Sang-soo, Blanche comme neige d'Anne
Fontaine et Frankie d'Ira Sachs. La comédienne
se glisse également dans la peau d'une
terrifiante tueuse en série dans Greta (2018).
Elle campe ensuite une dealeuse de drogue
dans la comédie La Daronne, puis la maire
d'une ville du 93 dans Les Promesses.
11.
12. Fabrice Luchini
• Fils d'un immigré italien, Fabrice Luchini grandit dans le quartier parisien de la Goutte d'or où, dès son plus jeune âge, il vend à la
criée les fruits et légumes du commerce de ses parents. Préférant la rue à l'école, il se passionne néanmoins très tôt pour la
littérature en dévorant Balzac, Flaubert ou Proust, goût qu'il cultivera d'ailleurs toujours en autodidacte. A 13 ans, sa mère le place
dans un salon chic de l'avenue Matignon comme apprenti coiffeur, mais sa passion pour la soul music en fait un habitué des
discothèques, où il est repéré par Philippe Labro, qui lui confie son premier rôle dans Tout peut arriver (1969).
• Fabrice Luchini joue ensuite dans Le Genou de Claire d'Eric Rohmer, dont il va devenir l'acteur fétiche, et s'inscrit parallèlement
aux cours de Jean-Laurent Cochet. Comme une révélation, il y découvre le théâtre, "seul lieu où s'exprime la vie, la nourriture de
la vie, ce qu'aucune école n'enseignera jamais". Fort de cette nouvelle expérience, il retrouve Rohmer pour le très audacieux
Perceval le Gallois (d'après l’œuvre de Chrétien de Troyes) puis pour Les Nuits de la pleine lune en 1984. Passant du cinéma
pointu d'Oshima ou de Pierre Zucca à P.R.O.F.S. et à Emmanuelle 4, Luchini voit sa notoriété dépasser le cercle des cinéphiles
grâce à La Discrète de Christian Vincent (1990) dans lequel il impose son personnage de dandy précieux à l'éloquence ciselée.
• Fabrice Luchini est alors de plus en plus sollicité, laissant libre cours à sa verve et à sa fantaisie teintée d'inquiétude dans Riens du
tout (le premier Klapisch en 1992), Tout ça... pour ça ! de Lelouch (1993), ou encore Beaumarchais, l'insolent d'Edouard
Molinaro (1995).
13. • Devenu un acteur de premier plan, il donne la
réplique à des actrices telles que Sandrine
Kiberlain (Rien sur Robert, 1999), Nathalie
Baye (Barnie et ses petites contrariétés, 2001)
Géraldine Pailhas (Le Coût de la vie, 2002) ou
Sandrine Bonnaire (Confidences trop intimes,
2004).
• Acteur populaire, bon client dans les médias,
Fabrice Luchini forme un tandem inattendu
avec Johnny Hallyday dans le loufoque Jean-
Philippe de Laurent Tuel (2006). Il se délecte
ensuite à jouer les M. Jourdain dans le Molière
de Laurent Tirard (2007), ce qui n'étonne guère
de la part d'un comédien qui revient
régulièrement sur les planches, où il se fait
l'humble passeur des textes de La Fontaine,
Céline ou Barthes. Lui qui se plaît à jouer seul
en scène accepte volontiers de faire partie des
castings pléthoriques de films choraux tels que
Paris ou Musée haut, musée bas (2008). Avec
La Fille de Monaco, Luchini côtoie Roschdy
Zem et l'ex-miss météo de Canal+ fraîchement
actrice, Louise Bourgoin, pour sa première
collaboration avec Anne Fontaine, avant de
rejoindre Anne Le Ny pour sa seconde
réalisation, Les Invités de mon père.
• L'année suivante lui offre l'opportunité de
travailler pour la première fois avec François
Ozon dans le déluré Potiche, sélectionné à
Venise en Compétition officielle, et dans lequel
il rejoint un casting prestigieux (Gérard
Depardieu, Catherine Deneuve, Karin Viard).
14. • Fort de sa première collaboration avec Ozon, il
réitère l'expérience en 2012 avec le thriller intimiste
Dans la maison. Il renoue pour l'occasion avec son
amour des belles lettres puisqu'il y campe un
professeur de français. Ce rôle sérieux n'empêche
pas pour autant le comédien de se livrer à des
expériences plus légères, en intégrant le casting
d'Astérix et Obélix: Au service de sa Majesté,
comédie gauloise par excellence dans laquelle il
succède à Alain Delon sous les traits de l'Empereur
Jules César.
• Privilégiant les films aux dialogues riches, Fabrice
donne la réplique à Lambert Wilson dans Alceste à
bicyclette (2013), Gemma Arterton dans Gemma
Bovery (2014) et tourne même sous la direction de
sa fille dans Un début prometteur (id.).
Dans L'Hermine de Christian Vincent, l'acteur
campe un Président de cour d'assises redouté et
chevronné. Parallèlement au théâtre où il est très
actif, il prend part à l'original Ma loute de Bruno
Dumont (avec qui il refait équipe dans Jeanne en
2019, où il joue Roi Charles VII) et se glisse dans la
peau d'un homme d’affaires brillant victime d'un
accident cérébral dans Un homme pressé.
• En 2019, Fabrice Luchini incarne le maire de Lyon
dans la comédie dramatique et politique Alice et le
maire, et mène la même année l'enquête aux côtés
de Camille Cottin dans Le Mystère Henri Pick.
Trois ans plus tard, il est au coeur d'un
documentaire consacré à lui-même et à Isabelle
Huppert (Par coeurs de Benoit Jacquot) puis
incarne à nouveau un maire (conservateur cette
fois) dont la femme de très longue date, Catherine
Frot, lui annonce qu'elle a toujours été un homme...
15.
16. Critiques
• Avignon. Juillet 2021. Malgré l’épidémie de
Covid et le mistral, le festival se tient.
Isabelle Huppert joue La Cerisaie dans la
cour d’honneur du Palais des papes. Fabrice
Luchini lit Nietzsche et Baudelaire dans la
cour du musée Calvet. Benoît Jacquot les
filme.
• On ne peut qu’être séduit par le joli titre de
ce film et par son sujet : capter, au plus près
de leur intimité, deux géants de la scène et
nous faire comprendre en les observant le
processus créatif.
• Le problème est que le résultat semble bien
paresseux.
• Si l’on était médisant, on crierait même à
l’arnaque et accuserait Benoît Jacquot de
s’être fait financer son week-end en
Avignon en promettant à son producteur
ce documentaire.
• Immanquablement, la salle était remplie de
spectateurs – et ils sont nombreux – qui
aiment Huppert et/ou Luchini.
Allociné. Yves G.
17. C
R
I
T
I
Q
U
E
S
Diderot nous avait livré une
réflexion littéraire sur le métier de
comédien, Jacquot nous en
présente une au cinéma, servi par
les magistraux Huppert et
Lucchini. C'est exceptionnel !
Lucchini interprète, aux deux sens
du mot, Nietzsche. Il théorise ce
que doit être, selon lui, le travail
du comédien, Huppert en offre
une illustration pratique
éblouissante.
Allociné . H enri Zimnovitch