Contenu connexe
Similaire à Game of Crosnes saison 7
Similaire à Game of Crosnes saison 7 (20)
Plus de Bertrand Guély (20)
Game of Crosnes saison 7
- 1. GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert
par Bertrand GUÉLY
©FFANG-DREAMSTIME.COM
26 • vegetable.fr • no
344 / mai 2017
Choisir face
à l’étal doit
toujours laisser
cette impression
de liberté. Les
frontières n’existent
que pour être
dépassées et,
comme disent les
anglais: it’s five
o’clock somewhere
in the world! ”
E
n fait, la fin des saisonnalités n’est-elle
pas d’ores et déjà programmée ? Pour-
quoi, même si beaucoup est fait pour
tenter de sauver le concept, la saison-
nalité ne veut plus dire grand chose ?
• N’en déplaise aux lanceurs d’alerte complaisants
avec la production hexagonale, les fraises de
Huelva sont tout aussi fréquentables que
leurs cousines bigoudènes un peu snobs.
Oui, il y a beaucoup de déchets en plastique
à Huelva, mais les exploitations sont-elles
exemplaires ailleurs ? Vouloir limiter la saison
d’une espèce à sa seule période de production
en France sous couvert de greenwashing ne
trompe plus personne.
• Les consommateurs avec un peu de bon sens
ont maintenant compris que l’analyse Bilan
Carbone n’est pas aussi manichéenne qu’il y
paraît.
• Ils restent et resteront toujours libres d’appliquer
à l’étal f l l’approche qui ne choque personne
sur les autres rayons Produits Frais : poissons
pêchés hors des eaux territoriales ne sont pas
stigmatisés, les fromages étrangers coha-
bitent avec nos moisissures nationales, on
s’extasie devant le boeuf de Kobe ou l’agneau
à la fougère sans que nos bonnes vieilles cha-
rolaises ne se vexent et manifestent avec une
opération cul tourné.
• Certaines espèces ayant disparu ou étant régu-
lièrement en pénuries, entre autres pour
manque de compétitivité, nous sommes bien
contents de compenser avec des asperges
grecques ou des haricots verts kenyans. D’ail-
leurs, si nous avons nos terroirs de qualité,
d’autres pays en ont tout autant avec des
saisonnalités juste différentes. Pas de « Eat
french or die ! ».
• Avec la montée en gamme gustative et organolep-
tique des autres modes de mise à la consom-
mation des f l (notamment les surgelés), on
peut maintenant consommer une espèce à
peu près à n’importe quel moment de l’année
sans crier au crime de lèse-gustativité. Alors,
soit on mange du frais venu d’ailleurs, soit
ENTRE L’INCANTATION DES NOSTALGIQUES DU MANGER DE SAISON,
LA MAUVAISE FOI CHAUVINE DESAUTO-PROCLAMÉS DÉFENSEURS
DE LA QUALITÉÀ NE MANGER QUE FRANÇAIS, LES MENACESÀ PEINEVOILÉES
DES PROTECTIONNISTES PROMPTSÀ LANCER L’INTERCEPTOR DE MAD MAX
SUR LES IMPRUDENTS CAMIONS ÉTRANGERS, BEAUCOUP DE FAUSSES BARBES
CACHENT EN FAIT SIMPLEMENT UNE CONCEPTION GALVAUDÉE DE LA NOTION
DE SAISONNALITÉ EN F L.
Game of Crosnessaison 7
- 2. ©FFANG-DREAMSTIME.COM
Naturellement protecteur
Quel est le seul emballage qui promet
hygiène, ventilation, solidité, résistance
à l’humidité et protection tout en un ?
www.cartononduledefrance.org
avec le soutien de Carton Ondulé de France
GARDER LES SAISONS ?
Les bonnes ou
les mauvaises raisons
• Certains trinômes espèce/origine/saison restent encore très
fermement encrés dans l’esprit du consommateur, même
si on le berce parfois d’illusions. Ah les châtaignes grillées
emballées dans un petit cornet de papier journal et achetées
au Marché de Noël de Strasbourg... Les clients savent-ils
que lesdites châtaignes sont presque toujours italiennes et
ancienne récolte?
• Certaines espèces, par exemple de fruits à noyau, cultivées
dans l’hémisphère Sud restent presque tout le temps
déceptives venant par bateau et hors de prix par avion. De fait,
elles sont condamnées à des ventes anecdotiques et réservées
aux Desperate Aixoises qui hésitent entre des abricots d’Afrique
du Sud et un nouveau bustier pour le dîner de Noël.
• Certaines variétés d’espèces restent fort heureusement très
gustativement liées à un terroir/à une saison que rien se
saurait dans l’immédiat remplacer. Les meilleurs raisins de
France ont encore un peu d’avance en terme de gustativité si
on compare avec les ogives fluorescentes seedless spéciales
palais de Buckingham ou les grains roses de la taille d’une
balle de golf dont il faut attaquer la peau au burin, nos
meilleures poires n’ont à craindre de la concurrence portugo-
hollandaise qu’une nouvelle campagne de Russie mais
simplement pour contrainte logistique.
• Certaines AOP sont tellement revendicatrices a priori d’un
marché naturel protégé qu’elles ont, à grands coups de
camions interceptés et d’étals saccagés, découragé les plus
téméraires de s’aventurer dans leur espace vital. Las du
remake perpignanais de Slow and Furious médiatisé chaque
année en début de saison France, les producteurs de pêches/
nectarines espagnols se font ainsi discrets via les débouchés
références premiers prix.
• L’arrivée d’une espèce reste très souvent annonciatrice d’une
saison mais n’oublions pas que ça n’est pas forcément
de la nôtre ! Il y a bien longtemps que les stars de Noël
-par exemple, la clémentine d’Espagne- ont remplacé nos
fruits défraîchis. À Noël encore, difficile d’accompagner
les quelques foies qu’on a réussi à arracher aux 3 canards
rescapés de l’abattage post grippe aviaire avec une figue qui
ne porte pas le bonnet péruvien ou une groseille chilienne.
• Une saisonnalité vient logiquement avec des volumes
commercialisés conséquents et un prix au kilo a priori
intéressant. À un moment où les FL sont toujours jugés
chers par les consommateurs et où des PVC psychologiques
maximum demeurent, ça n’est pas un mince atout.
La fin programmée des saisonnalités ?
NOUVEAU !
www.vegetable.fr/
blogs/guely
Retrouvez l’humeur
de Bertrand Guely
sur son végéblog :
annonce_blog_colonne.indd 1 27/04/15 15:33
Le mois
prochain :
Le sur-mesure
en f l
on choisit du moins frais, venant aussi très
souvent d’ailleurs ! Optons au moins pour le
frais.
• Pourquoi ce qui est vendeur pour d’autres rayons
alimentaires ne le serait pas en f l ? Les invi-
tés de Madame Michu craquent devant un
petit vin d’Italie ou une pâtisserie orientale
mais devraient faire la moue devant un f l
simplement parce qu’il n’est pas de saison en
France ?
• La production des f l n’est pas une science
exacte, les claps de début et de fin ne sont
plus aussi marqués qu’avant et l’idée même
des saisons chez le consommateur de plus en
plus vague.
• Une bonne partie du cross selling Marketing a
de tous temps été bâtie sur des associations
culinaires indifférentes aux saisons. Il y a
bien sûr les cuisinières type retour de mar-
ché mais on ne doit pas pour autant négliger
celles plus adeptes de Saveurs du monde.
• Certaines espèces d’importation ne poussent en
quantité qu’à certaines périodes dans certains
pays et leur consommation en France est
passée dans les mœurs sans déclencher une
manif des Femen.
• N’oublions pas que les plus grosses ventes du
rayon (banane, pomme, orange) le sont jus-
tement parce qu’elles se sont affranchies de
longue date de la notion de saisonnalité et
réagissent au mieux au marqueur « nouvelle
récolte ».
• À part sur les marchés de plein vent ou via
quelques théâtralisations, le début d’une
saisonnalité n’es pas toujours très visible en
magasin.
On le voit, les quelques défenses qui main-
tiennent la possibilité d’une saisonnalité au
sens conceptuel du terme sont assurément sur
le point de tomber (cf encadré). Si les nouvelles
générations ont déjà bien du mal à reconnaître
un fruit d’un autre, comment sauraient-elles
y associer les notions temporelles et géogra-
phiques qui structurent la notion de saisonna-
lité ? Pourquoi, à l’époque de la mondialisation
et du « tout accessible tout le temps », accepte-
raient-elles de s’imposer des contraintes sim-
plement car leurs aînés ont décrété que c’était
ou pas la saison ? Dans les f l aussi, il est
interdit d’interdire.