328 Fournisseurs comment dire ce que vous avez à dire - Dec 2015
On ne peut pas faire plaisir à tout le monde !
1. MAJORDOME EN CHEF
Et pour Monsieur, ce sera?
La première fois que j’ai vu des tour operators spécialisés faisant visiter le marché, j’ai pesté
contre ces presse-citrons qui déversent dans les pavillons des cars complets d’appareils photos
sur pattes. Mais, après avoir entendu les questions et les commentaires, confronté à nouveau à
l’inculture produit parfois sidérante du consommateur, réalisant son besoin criant d’explication,
j’ai complètement changé d’avis.
Et, à l’échelle moindre du rayon F&L, j’ai repensé à mon concept de majordome, c’est-à-dire
un chef du personnel du rayon. Et si c’était une solution pour ré-humaniser les rayons F&L ?
Partant du principe que le chef de rayon, bombardé de sollicitations reportings et englué dans
l’administratif, passe finalement peu de temps sur la dalle, qu’il pose ses repos/congés en
fonction de son adjoint (lui-même donc coincé à son tour au bureau), pourquoi ne pas compléter
ce binôme existant avec un homme de l’art qui serait lui 100 % de son temps au milieu des ELS et
des clients ?
LE GOÛT DES VRAIES POIRES
Une demi dure pour le chef de rayon,
une fondante pour madame Michu
Quels sont les critères qualitatifs communément attendus pour une poire ? Fondante, juteuse,
parfumée, non fibreuse... et on se prend à rêver des sœurs Williams en train de se faire des passe-
crassane. Et sur les étals, qui on voit le plus ? Des variétés qui ressemblent un peu aux habitants
des pays d’où elles viennent. La Rochas, petite et ronde, la Conférence, aussi allongée et inflexible
qu’un courtier hollandais (je perds beaucoup d’argent, mais je vais le faire quand même). En
revanche, peu de casse sur ces variétés tellement elles sont solides. C’est quand même triste qu’il
faille acheter des yogourts pour retrouver le parfum des vraies poires de goût.
Consommateur et distributeur : des attentes différentes
Savoir composer
entre ce que veut
le consommateur,
avec les moyens
qu’il a, et ce que
peut le distributeur,
avec les moyens
qu’on lui donne.”
NOUVEAU !
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de Bertrand Guely
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Le mois prochain :
Le relationnel, fondement
de tout commerce progressiste
C
e qu’attend le consommateur des pro-
duits est parfois différent de ce que
cherche à travailler le magasin. On
s’en rend compte en observant que
les canaux et formats de distribution
ayant le plus le vent en poupe aujourd’hui sont
ceux qui se positionnent en partie en marge de ce
que la distribution plus traditionnelle reproduit
depuis de longues années de décroissance. Com-
prendre qu’être un vrai primeur exige de prendre
quelques risques commerciaux et de faire des
choix de gestion courageux est déjà un bon début.
Pourtant, est-il si compliqué de se focaliser prio-
ritairement sur les désirs du consommateur ? Le
BtoC serait-il incompatible avec le BtoB?
Dans tout bon séminaire sur les F&L, entre
« le besoin d’information du client » et l’incon-
tournable tirade sur « la qualité », il y a tou-
jours un consultant pour dérouler une nou-
velle étude flambant neuve sur les attentes du
consommateur. On déroule des dizaines de
slides sexys, constats éculés truffés d’angli-
cismes pompeux, les plus habités des auditeurs
hochent la tête d’un air initié, et tout le monde
a un avion à prendre quand une petite voix
demande timidement ce qu’on fait avec tout ça...
À la lumière de ces études, examinons quelques
différences les plus flagrantes entre ces
fameuses attentes consommateur et les orien-
tations du distributeur.
1 Si le consommateur veut invariablement des
produits gustatifs, c’est-à-dire à maturité, le chef
de rayon doit d’abord… ne pas casser. Alors,
quand la pression sur les indicateurs de ges-
tion se fait trop forte, on arrête de commander
les références fragiles et/ou à prix kilo élevé. De
son côté, l’équipe qualité plateforme a plus sou-
vent son bonus indexé sur le taux de casse que
sur le chiffre d’affaires petits fruits rouges. Je
me souviens de discussions animées sur le
quai avec des maugréeurs, pardon, des
agréeurs qualité, qui voulaient refuser des
camions complets d’ananas pour un taux de
Brix et une coloration trop élevés !
2 Quand le consommateur aime être surpris par
de l’innovation (on dit toujours qu’il se laisse
séduire face à l’étal), le chef de rayon cherche
plutôt à « repasser sur ses chiffres », voire,
pour les plus carriéristes, à « gérer la progres-
sion ». Alors, bien sûr, on ne va pas inventer de
nouvelles espèces/variétés à l’infini pour le
plaisir d’innover, mais il y a certainement
mieux à faire que de copier-coller les plans pro-
motionnels et bachoter les mêmes théâtralisa-
tions d’année en année (ah ce vieux chameau
dégingandé perdant son rembourrage de paille
poussiéreuse pour l’incontournable entrée de
rayon clémentines du Maroc dans mon hyper
lorrain favori !). Pourquoi pas un podium inno-
vation en entrée de rayon ? Pourquoi pas
renouveler une partie de la gamme en plus des
saisonnalités (faire tourner les pommes clubs,
rentrer quelques exotiques pas ou peu connus,
oser la série limitée ou le produit mystère…) ?
3 Attendu que le consommateur – qui ne connaît
que peu la vraie valeur des produits – veut du prix,
le distributeur a bien du mal à faire vivre la
notion de rapport qualité/prix. Les acheteurs
idéalistes mettent de l’énergie à défendre la
qualité face à des encadrants brandissant au
premier alignement les Mercuriales produits et
les tracts de la concurrence… Tout aussi péril-
leux au niveau consommateur quand, en plus,
des concepts a priori incompatibles se croisent :
Oui, Madame, l’ananas avion à été cueilli à
pleine maturité et arrive par avion, mais son
bilan carbone peut être discuté… Oui, ces poires
bio ressemblent beaucoup au nez de Michael
Jackson mais elles sont sans pesticides…
4 Si le consommateur nous dit tourner le dos à
des étals déshumanisés, il est particulièrement
compliqué de trouver et garder des personnels
à vraie valeur ajoutée. La frontière entre le
conseil judicieux prodigué au bon moment (je
vous vois hésiter pour les pommes, Madame)
et les « animatristes » poteaux est perméable.
5 On le sait, la gestion fine d’une gamme large et
profonde est plus délicate que du réapprovision-
nement quasi mécanique sur les seuls incon-
tournables. Commande plus chirurgicale, réfé-
rencesmoinslinéariséesetdoncmécaniquement
moins visibles ou sujettes à la rupture, plus de
règles de maintenance à connaître… mais le
consommateur veut pourtant du choix. Alors,
tant pis si on jette un peu de girolle grise le
26 décembre ou qu’on vende 3 pitahayas jaunes
par semaine, le consommateur percevra le parti
prix du choix.
6 Enfin, le consommateur attend un semblant de
dépotage et apprécie la dégustation. Comment
faire quand le chef de rayon reçoit ses produits
en caisse plastique standardisée, pensées pour
nécessiter un nombre réduit de gestes de
manutention, comment le rassurer quand il
cauchemarde la nuit en pensant au taux de D.I.
sur sa belle cerise gros calibre du Chili qu’on
lui chipe par demi poignées ?
Alors, du goût ou une casse maîtrisée ? Du
nouveau ou la routine des valeurs sûres ? Du
prix ou de la qualité ? Des rayons déserts ou
des places du marché ? Du choix ou de la ges-
tion ? De la vie ou une ambiance clinique ? On
le voit, il faudra souvent, à moins de savoir jon-
gler avec beaucoup de quilles, savoir composer
entre ce que veut le consommateur, avec les
moyens qu’il a, et ce que peut le distributeur,
avec les moyens qu’on lui donne. Il est vain
dans tous les cas de se retrancher frileusement
derrière l’argument prix de vente, car le suc-
cès des enseignes spécialisées démontre que,
quand les consommateurs sont réellement
prêts à payer plus cher pour avoir mieux, la non
qualité, elle, est toujours trop chère.
C’EST PEUT-ÊTRE L’ANTINOMIE
RESSENTIE COMME LA PLUS
PERTURBANTEAU SEIN DE NOTRE
FILIÈRE, LE GRAND ÉCART RÉMANENT
DESATTENTES DES UNS ET DES
AUTRES ENTRAÎNANT DES ERREURS
DE LA PART DES PRODUCTEURS, DES
FOURNISSEURS ET DES DISTRIBUTEURS.
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26 • vegetable.fr • no
351 / janvier 2018
GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert
par Bertrand GUÉLY