1. C’est mon métier ...
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301/juin 201330 • vegetable.fr • no
301/juin 2013
Grande distribution : regard d’expert
B
ien sûr, je force un
peu le trait mais,
reconnaissons qu'il
nous est tous arrivé
de pester contre des
mécaniques pro-
motionnelles pour
le moins compliquées ou por-
tant sur tout sauf ce que l'on avait
prévu d'acheter. Si les informations
livrées par le dépouillement des
cartes de fidélité autorisent des ana-
lyses extrêmement poussées et, sur
le papier, la construction d'offres
imparables implacablement ciblées
sur le consommateur de pommes
qui n'achète pas encore de Jazz ou
l'amateur d'avocat qui n'a jamais
essayé la barquette 2 fruits mûrs
à point, elles peuvent aussi accou-
cher de monstres foulant au pied
une des vertus premières du
commerce : la simplicité, syno-
nyme d'intelligibilité immédiate
et d'achat. Là encore, les marchés
traditionnels montrent souvent
l'exemple...
Comment et pourquoi en est-on arri-
vés là ? Examinons le contexte spé-
cifique dans lequel s'inscrivent les
promotions FL : le client n'a que
très rarement une liste de courses
précise et choisit face au rayon en
fonction de ce qui le tente ou... des
promos. Cela a pour conséquence
une orientation des achats d'une
espèce vers une autre mais pas for-
cément un panier moyen qui monte.
Quand on vend plus de bananes, on
vend moins de pommes. Le carac-
tère rapidement périssable de la
grande majorité des espèces rend,
à quelques exceptions près, l'achat
pour stockage difficile. Le niveau de
décrochage prix par rapport au fond
de rayon est un exercice délicat à plu-
sieurs titres. Il n'est pas forcément
vendeur compte tenu de l'absence
de repères prix pour le client. Il est
toujours simple de faire du volume
en donnant le produit au client mais
bien plus compliqué de le faire en
maîtrisant son poids promotionnel
et en tenant sa marge rayon.
La quasi absence de marques
consommateur est un frein pour
faire appel au financement des offres
par les fournisseurs autrement que
dans le prix d'achat. Le contexte
légal est difficilement compatible
avec le contexte organisationnel
interne enseignes puisque nos amis
du marketing ont besoin pour faire
imprimer les tracts des offres finales
détaillées (origine, variété, catégo-
rie, calibre...) et des prix de vente x
semaines à l'avance.
En hypermarché, les promotions FL
ne recrutent pas et ne sont pas géné-
ratrices de trafic. Ensuite, pour choi-
sir la mécanique promotionnelle
adaptée, il convient d'abord de défi-
nir l'objectif principal de la promo-
tion : faire découvrir et déclencher
l'achat, faire acheter plus, augmen-
ter la fréquence de réachat, faire
acheter à la place d'une autre espèce
voire, plus rare, d'une autre marque,
écouler un stock dont la fraîcheur est
limitée... De façon générale, voici
les mécaniques qui fonctionnent en
FL et, surtout, les points organisa-
tionnels à verrouiller pour qu'elles
donnent le meilleur rendement.
Promotion : pour l’achat d’au moins 1 kg de 3 légumes
différents en vrac dans la liste de ceux rentrant dans
la composition du pot-au-feu traditionnel, le mardi
des 2 dernières semaines du mois, entre 14 et 17 h,
nous vous créditons le moins cher des 3 en points sur
votre carte de fidélité, valables sur vos prochains achats
de nectarine blanche origine France (hors premiers
prix)… Attention : ne fonctionne pas pour les légumes
utilisés pour la potée ou la ratatouille. BERTRAND GUÉLY
Promotion exceptionnelle :
3 avocats
pour le prix de 4 !
BERTRAND
GUÉLY
partage ici son
expérience des
hommes et du
terrain et surtout
s’efforcera
d’apporter des
propositions
réalistes pour
que la situation
puisse s’améliorer
concrètement au
quotidien.
Le chef de rayon
expérimenté connaît
bien les promos qui
fonctionnent en FL.
Dans ce domaine,
il a très souvent raison,
ne l'oublions pas...
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2. ...
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Pour les produits vendus en vrac
• Le décrochage PVC : apparem-
ment simple, il est tout de même
utile d'évaluer finement le pourcen-
tage de décrochage optimum pour
déclencher une bonne élasticité...
sans trop plomber la marge. Si l'ar-
rondi au 0,09 près (le client n'est
pas stupide) ou le prix fond de rayon
barré (peu de repère) ne servent pas
à grand chose, il existe par contre de
vrais seuils psychologiques, intuiti-
vement connus par espèce (moins
de 1 €), qui augmentent de façon
asymptotique cette élasticité.
• Les prix dégressifs par paliers :
cauchemar des personnes qui para-
mètrent les balances, ils sont pour-
tant l'expression d'une règle inalté-
rable du négoce, « plus j'achète de
grandes quantités et moins je paye
cher au kilo ». Les rares enseignes
(Auchan, par exemple) qui ont su
les déployer sur des 20/80 (inu-
tile de mettre un prix dégressif
sur la carambole...) avec un bali-
sage simple et explicite au dessus
de chaque tête de gondole, ont des
résultats en phase avec la politique
de l'enseigne (« vendre de plus en
plus d'articles, de moins en moins
cher, à de plus en plus de clients »).
• Les opérations thématiques : ex.
légumes ratatouille avec un prix
promo sur une espèce... et des
marges confortables sur les autres !
Les thématiques permettent de
s'adresser à une clientèle pour lui
proposer des idées de plats de sai-
son : pot-au-feu, potée, ratatouille,
piperade... Voire « semaine pays ».
Point de vigilance : ces opérations
sont très peu consommatrices de
marge (produits vendus sans décro-
chage, on capitalise sur la prise de
parole et la largeur/profondeur de
la gamme spécialiste) mais reposent
complètement sur la théâtralisa-
tion de l'offre : ex. installation d'une
véritable tente berbère en maga-
sin ; proposition d'une gamme de
ce que veut vraiment le client: ex.
menthe fraîche botte, pâte de datte,
gros conditionnements amandes
poudre/déco/effilées. Ces mises en
avant devront être faites en début de
campagne mais seulement quand le
produit est bon à manger car cette
offre conditionnera le réachat. Sans
décrochage prix, elle sert avant tout
à informer les clients « Nous avons
démarré l'abricot, la pêche/necta-
rine, le melon français ».
Pour les produits vendus
à la pièce ou au colis
• Les ventes en lot : les lots sont
quelquefois physiques (ex. bipack
de mâche barquette) ou plus géné-
ralement virtuels comme (3 avocats).
Ces offres peuvent être déployées en
permanence sur le rayon (attention
au balisage) car elles sont peu coû-
teuses en marge et augmentent le
panier moyen.
• Les prix ronds stickés on-pack : c'est
la fameuse barquette de tomates
cerise avec un fluo ‹ 1 € ! qui aug-
mente les ventes... même si ce 1 euro
n'est pas un décrochage prix. Carre-
four utilise ces prix ronds stickés
pour toute une gamme de produits
en fond de rayon, regroupés ou pas
sur un ponton « Petits prix ronds ».
• Les ventes au plateau style « débal-
lage » : très rapides à déployer avec
un espace dédié (parking, chapi-
teau, entrée magasin, plateau sai-
sonnier...) et peu consommatrice
de main d'œuvre (présentation sur
palettes au sol ou on peut servir
plusieurs centaines de clients d'un
coup de tire-pal, rotations « automa-
tiques » puisque la palette se vide en
descendant, effet de masse garanti),
elles marquent le cœur de la cam-
pagne ou, malheureusement assez
souvent, permettent de s'acheter une
image d'entreprise citoyenne à bas
coût (« soutien à la production fran-
çaise »). Points de vigilance : atten-
tion aux clients fouineurs qui, mal-
gré le balisage explicite « vente au
plateau uniquement », s'ingénient à
se servir... en vrac. Même si cela est
générateur de surmarque (pêche B
vendue au prix du A), il faut réguliè-
rement faire de la maintenance. Le
produit phare de ce type de promo
est le fameux pitufo de clémentines,
1ere vente du rayon en décembre,
apprécié aussi car il permet d'ache-
ter des fruits qui n'ont pas été tripo-
tés par tout le monde...
1 • Plein (la masse, synonyme d’abondance, fait vendre), propre (à soigner
particulièrement pour les opérations à risque : pomme de terre gros
conditionnements non lavée, vente au plateau...), balisé (la promesse promo et
son explication simple sont indispensables).
2 • Dans le cadre d'un plan promo annuel anticipé et pondéré, mixer des
mécaniques simples avec d'autres plus complexes.
3 • Ne jamais tromper les clients en baissant les prix simplement en dégradant la
qualité (variétés, catégories, calibres) par rapport au fond de rayon. Par contre, il
est recommandé d'écraser au maximum les coûts autres (emballage, étiquette,...)
auxquels le client attache finalement peu d'importance.
4 • Ne pas s'imposer de dogme du genre « 15 kiwis c'est trop ».
5 • Ne pas juger uniquement la performance d'une promo sur le poids de chiffre
d'affaires dégagé sinon, en FL, vous ne ferez que banane et tomate toute
l'année ! L'élasticité par rapport au fond de rayon (ex. ananas) et, surtout, le
nombre de clients touchés (ex : lot de kiwis) sont aussi importants.
6 • Ne pas fracasser les prix plus que de raison ou bien le client aura la nette
impression de se faire avoir le reste de l'année en comparant avec des prix fond
de rayon pourtant normaux.
7 • N'oubliez pas le négoce : les fournisseurs industriels de 4e
et 5e
gammes
proposent beaucoup de « clé en main » très bien étudiés qui permettent
d'animer cette frange du rayon.
Une promotion FL réussie
7 règles simples
Les promotions
Les achats :
centralisation/
régionalisation
Le mois
prochain
Bonus
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Rubrique : Distribution/
regard d’expert
Les conseils
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