1. C’est mon métier ...
26 • vegetable.fr • no
304 / octobre 201326 • vegetable.fr • no
304 / octobre 2013
Grande distribution : regard d’expert
Bertrand
Guély
partage ici son
expérience des
hommes et du
terrain et surtout
s’efforcera
d’apporter des
propositions
réalistes pour
que la situation
puisse s’améliorer
concrètement au
quotidien.
Retrouvez
Bertrand Guély
et son regard
d'expert sur :
www.vegetable.fr
S
i le paiement est plu-
tôt sécurisé pour les
clients GMS, le pas-
sage en réception/
plateforme ou maga-
sin est une étape à
haut risque tant les
exigences sont à ce niveau élevées
et souvent difficiles à appréhender.
À écouter les vendeurs (et les ache-
teurs !), le contrôleur ou agréeur
qualité serait un peu le croisement
entre Caliméro, pour son côté « per-
sonne ne m'aime ! » et un sergent
instructeur des Marines pour son
ouverture au dialogue ou sa capa-
cité à s'écarter un peu du sacro-saint
règlement, qui prend ici la forme
d'un cahier des charges avec spé-
cifications d'achat. Quel est donc
ce métier si décriée parce que tant
méconnu ? La fiche de poste d'un
agréeur qualité est généralement
bâtie autour de plusieurs taches
quotidiennes principales.
1 • Contrôler à réception en plateforme
les marchandises achetées (sur la
base d'un échantillon représentatif).
2 • Vérifier avant expédition, la con-
formité fraîcheur des préparations
magasins (le quantitatif n'est pas de
sa responsabilité).
3 • Évaluer, une fois les phases récep-
tion et expédition clôturées, la tenue
du stock entrepôt (identifier les
palettes à expédier en priorité voire
à retirer). Avec un produit vivant, le
FIFO théorique n'est souvent qu’une
simple indication car une palette
peut très bien évoluer différemment
de sa voisine.
4 • Gérer les réclamations aux fournis-
seurs (refus total ou partiel, réfaction
de prix pour non conformité de cri-
tères jugés mineurs, réserves même
si elles n'ont pas de valeur légale)
jusqu'a clôture financière du dossier.
5 • Régler les litiges magasins (refus
après coup, mauvaise évolution du
produit...).
Il peut donc aller contre le fournis-
seur, l'acheteur, la logistique, l'ap-
provisionneur, le magasin... Inutile
de dire que, à part une Pervenche ou
un contrôleur des impôts, il n'existe
pas beaucoup de professions plus
ingrate et détestée !
Dans les enseignes ayant compris
qu'un agréeur n'est ni un mal néces-
saire ni un centre de coûts mais peut
au contraire faire économiser beau-
coup d'argent, sa fiche de poste s'en-
richit d'autres fonctions en amont et
en aval des basiques :
En amont :
6 • Co-rédiger avec l'acheteur les
spécifications d'achat, les présenter
avant campagne aux fournisseurs
pressentis qui les signeront et aux
magasins qui les coopteront.
7 • Ouvrir régulièrement les portes
de la plateforme aux magasins, de
façon à ce qu'ils puissent appréhen-
der tout le travail fait en amont pour
eux. Ils comprendront par exemple
que le contrôle se fait par échantil-
lonnage (x colis en haut/au milieu/
en bas de x palettes en début/milieu/
fin de camion) mais que le 100 %
n'existe pas. Ils verront aussi qu'ils
sont les premiers responsables de
la tenue du stock plateforme via
la finesse et la régularité de leurs
commandes...
Refusé !Les fournisseurs de F&L le savent bien,
une vente n’est effective que lorsque
la livraison a été acceptée et le règlement
encaissé. Pièce maîtresse au cœur
de ce dispositif de contrôle en réception,
cristallisant toutes les passions,
le contrôleur ou agréeur qualité. Bertrand Guély
Il est beaucoup plus intelligent
et commerçant de pratiquer
le « scoring » que le refus sec.
La fonction d'un agréeur
est complexe, il doit
composer avec de
nombreux paramètres.
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Prudemment recroquevillé dans sa doudoune, une liasse de
papiers à la main, son visage arborant une expression entre
la terreur d'avoir à annoncer la chose et la satisfaction malsaine
de pouvoir ajouter un nom sur sa liste de victimes du jour,
l'agréeur entre dans le bureau des acheteurs : « les camions
d'oranges à jus girsac 3 kg pour la promo tract sont refusés:
l'indice Meq1 est non conforme ! »
Même si la première envie, instinctive, de tout acheteur qui se
respecte est de le plaquer au mur, il y a pourtant de grandes
chances qu'il doive finalement obtempérer et tenter de trouver
en catastrophe une solution de rechange pour livrer les
magasins.
Le raccourci fallacieux entre l'exigence à l'entrée et la
satisfaction client à la sortie vient encore de faire une victime...
Et tant pis si les caissières se font incendier toute la journée par
les clients brandissant le tract non honoré, tant pis si les girsac
sont ceux de la MDD et que le fournisseur doit les craquer pour
reconditionner ou les brader sur le MIN, tant pis, finalement,
pour le commerce...
1 :Titrage de l’acidité du jus des agrumes en milliéquivalent : meq.
Acheteurs vs agréeurs…
C’est l’histoire d’un méq !
L’agréeur qualité dans la décision d'achat
le mois prochain
8 • Auditer, en préalable au réfé-
rencement d'un nouveau fournis-
seur, ses installations. Il existe ici un
grand risque : devenir aussi « exi-
chiant » que la distribution anglaise
et se tromper de métier...
En aval :
9 • Le constat amer des fournisseurs
est toujours le même : quand on voit
le niveau d'exigence en plateforme et
l'état des rayons en magasin, on ne
comprend pas ! Pourquoi des fruits
lités si c'est pour faire des tas en
magasin ? Pourquoi une coloration
banane au demi-degré si c'est pour
les stocker plusieurs jours au frigo ?
Pourquoi un taux de jus si ausculté
pour des agrumes qui ont 1 mois de
rayon ?
Pour tout ça et pour le niveau de for-
mation très bas des équipes maga-
sin, l'agréeur serait naturellement
en position de porter la bonne
parole jusqu'au rayon et d'expliquer
aux « manuts » ce qu'il convient de
faire en magasin pour prolonger ce
qui est fait en plateforme... Très peu
d'enseignes vont jusqu'a ce volet
« Formateur » du métier et ce rap-
prochement des équipes.
On pourrait donc penser que tout
est clair avec une telle fiche de poste
et des personnels à grande majorité
professionnels. Il existe pourtant
des limites dures au système. Tant
que l'éducation du client ne sera pas
faite, il y aura toujours une différence
fondamentale entre la qualité réelle
d'un produit et la qualité perçue (pré-
sentation en rayon avant tout), entre
le visuel et le gustatif (maturité, gout,
valeurs nutritives...). Là où le client
a le plus d'attentes, c'est-à-dire en
magasin, l'agréeur n'intervient pas.
Du fait d'être basés en plateforme,
l'indépendance nécessaire au bon
exercice de la fonction d'agréeur
est très rarement assurée : l'agréeur
doit en permanence composer avec
le reste du personnel. La tenue du
cap, surtout face aux vieux ache-
teurs, sera donc souvent fonction de
sa force de caractère. Dans des pla-
teformes où l’on prône le stock 0,
chaque refus à réception a d'impor-
tantes conséquences sur les ventes
en magasin. Or, comme souvent, les
intervenants sont objectifs sur des
critères différents. Quand l'agréeur
pense taux de casse, l'acheteur pense
taux de service apporté aux maga-
sins. Dans l'absolu, ne rien livrer au
magasin est la garantie d'une tran-
quillité totale pour l'agréeur... C'est
le fameux « No product, no losses ! »
contre lequel je me suis tant battu
en Russie...
3 propositions pour travailler
dans le même sens :
1 • Un basique est qu’acheteur et
agréeur partagent des critères d’éva-
luation communs, sur les ventes
et la marge magasin par exemple
qui, après tout, sont le seul vrai
objectif louable de toute la chaine.
En cas de doute, ils se parleront et
co-décideront ;
2 • Il est beaucoup plus intelligent
et commerçant de pratiquer le « sco-
ring » (réévaluation du prix d'achat
d'une marchandise partiellement
non conforme mais sur des critères
n'altérant pas foncièrement la qua-
lité présentée au client) que le refus
sec. Ne vaut-il mieux pas présen-
ter en magasin de belles et bonnes
Golden 73/78 que de ne rien vendre
sous prétexte qu'il leurs manquait
2 millimètres par rapport au sacro-
saint 75/80 ?
3 • La vie du produit ne s'arrête pas
quand il a quitté la plateforme et la
caution d'une échantillothèque arti-
ficiellement préservée de toutes les
agressions (rupture de froid, manu-
tention, tripotage...) n'est pas suffi-
sante. Certaines enseignes ont très
intelligemment essayé de rappro-
cher les agréeurs des Chefs de rayon
en magasin pour rapprocher les pro-
blématiques de chacun et suivre le
cycle complet du produit. Dommage
que la belle initiative s'arrête souvent
au premier passage de la Grande
Faucheuse, comprenez le contrôleur
de gestion...
La prochaine fois que vous penserez
à un agréeur qualité, pensez bien a
tous ces éléments et dites-vous que,
comme dit la chanson, « c'est pas si
facile ! »...
Bonus
Vous aimez
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qui sentent
le vécu ?
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Rubrique :
distribution/
regard d’expert
la tentation
de l'import direct
le mois prochain
mation très bas des équipes maga-
sin, l'agréeur serait naturellement
en position de porter la bonne
parole jusqu'au rayon et d'expliquer
aux « manuts » ce qu'il convient de
ring » (réévaluation du prix d'achat
d'une marchandise partiellement
non conforme mais sur des critères
n'altérant pas foncièrement la qua-
lité présentée au client) que le refus
la tentation
de l'import direct
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