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 299 / avril 201326 • vegetable.fr • no
 299 / avril 2013
Grande distribution : regard d’expert
Les
animations
Le mois
prochain
Bertr and
Guély
partage ici son
expérience des
hommes et du
terrain et surtout
s’efforcera
d’apporter des
propositions
réalistes pour
que la situation
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concrètement au
quotidien.
I
l faut dans un premier temps
examiner le contexte dans
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connaissance spontanée des
prix des F&L par les clients
en magasin est quasi-nulle:
ils sont au mieux capables
de donner une idée du prix pour
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banane, pomme Golden, tomate
ronde, laitue... P ar contre, quand
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presque toujours sans pouvoir y
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et c’est probablement une des plus
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Les critères constitutifs du prix d’un
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sin. C’est l ’éternel «  une banane,
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Michu, c’est la couleur!
Contrairement à ce que l’on veut
faire croire, les F&L sont f idélisant
beaucoup plus pour leur qualité/
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Un client ne va pas changer de maga-
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contre, il est susceptible de zapper si
les produits qu’il achète le déçoivent.
Souvenons-nous donc que,si l’opéra-
tionnel terrain est bien fait (beau pro-
duit, frais et bien présenté), le client
regardera le prix en dernier. Majori-
tairement, les clients n’aiment pas les
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le rayon F&L car ils ont toujours, à
tort ou à raison, l’impression d’avoir
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Du côté du magasin, les équipes
réduites de longue date à l ’effectif
le plus court, n’aiment pas non plus
les changements car, à moins d’être
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automatique (si le rayon n ’est phy-
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ments représentent encore quelques
heures passées à détacher, découper,
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sortir de la marge !
Le positionnement prix est très certainement le levier du Mix Marketing
F&L qui est aujourd’hui travaillé de la façon la plus discutable,
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par de multiples conflits d’intérêts ou approches pour le moins artisanales.
Bertrand Guély
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Être le
VG299_Assemblage2_Interieur.indd 26 26/03/13 14:56
...
no
299/avril 2013 • vegetable.fr • 27no
299/avril 2013 • vegetable.fr • 27
En Russie, tous les jours, une partie
des employés du rayon passent plus
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contrôle surprise de la DGCCRF qui
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prix chez les concurrents nécessite
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guer à une société extérieure. Ici
commencent les problèmes car les
chargés de relevés de prix n ’ont en
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F&L. D’où inexploitabilité partielle
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Mener une politique
de pricing intelligente
Pour mener une politique de pri-
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semblent nécessaires. Dans un pre-
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la zone de chalandise du magasin.
Déterminer un et un seul magasin
concurrent cible : cela peut être le
plus proche ou le plus agressif en
prix mais il est généralement du
même format. Arrêter ensuite une
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une vraie valeur image à l’instant T :
cette liste de 10-12 articles maximum
sera mise à jour mensuellement au
regard des mouvements de saison-
nalités et de quelques réelles typi-
cités régionales (mirabelle en Lor -
raine, melon de C availlon...). Ces
produits doivent être à l ’indice 100
car être plus cher que le concur -
rent nuit gravement et réellement à
l’image globale du rayon/magasin.
Il faut déterminer 3 groupes de pro-
duits, y classer l ’ensemble de la
gamme, et y associer un indice par
groupe qu’on fera varier en fonction
de la marge rayon qu’on veut sortir. Le
Groupe 1 comportera les basiques pré-
sents toute l’année : banane, pomme
de terre… Le Groupe 2 inclura les sai-
sonnalités fortes : pêche/nectarine,
melon… Enfin, le Groupe 3 sera consti-
tué des compléments de gamme : exo-
tiques, champignons, herbes…
On associe ensuite un indice par
groupe qu’on fera varier en fonc-
tion de la marge qu’on veut sortir
et du poids de chaque groupe. En
clair, on ne perd pas d ’argent avec
le Groupe 1, on en gagne un peu
avec le Groupe 2 et beaucoup avec
le Groupe 3, sans prendre de risque
d’image car la sensibilité au prix
décroit d’un groupe à l’autre. Pour
une démarche efficace, il est bon de
se tenir strictement à cette ligne de
conduite et de ne pas demander au
chef de rayon des alignements sup-
plémentaires de dernière minute qui
viendraient mettre à bas tout le dis-
positif. C’est tout particulièrement
vrai pour les promotions car chaque
enseigne bâtit à l ’avance un plan
promotionnel. Mais... cette même
enseigne voudrait aussi pouvoir s’ali-
gner sur les promos de la concur -
rence. D’ou le classique « X vend la
banane à 0,79 €, c’est moins cher que
mon prix d’achat à la C entrale, com-
ment je fais pour m ’aligner ? » Dans
ce cas, si le Directeur demande au
Chef de Rayon d’aligner son fond de
rayon banane P20 Premium Côte-
d’Ivoire sur la promotion de P19 du
Surinam de la concurrence... qu’il ne
vienne pas lui reprocher de ne pas
sortir sa marge en f in de mois ! Il
faut savoir traiter le poids promo-
tionnel en assumant ses choix.
Si possible, il est préférable de ne
pas externaliser les relevés concur -
rence mais de ménager au Chef de
Rayon un moment pour les faire.
Enfin, il ne faut pas totalement cen-
traliser la politique pricing. En plus
d’appauvrir encore un peu plus le
métier de « Chef » de rayon (il reçoit
aujourd’hui la gamme à détenir , le
plan du rayon, les volumes promo-
tionnels à commander… et ne fait
même plus ses prix de vente, tout en
restant bien entendu responsable de
tout !), la mise en place d’une cellule
prix centralisée est bien souvent une
énorme usine à gaz car elle ne peut
à distance piloter tous les impondé-
rables qui sont l ’essence même du
métier. Les BAC +12 au chaud der -
rière leurs batteries d ’ordinateurs
sont souvent moins ef ficaces qu’un
homme terrain avec son crayon de
bois et du bon sens commercial...
Certaines enseignes, par principe ou par provocation,
cultivent le secret et « interdisent » l’accès au rayon
des concurrents pour les relevés de prix. Les agents de sécurité,
la chemisette bien tendue par quelques mois de fonte
et de protéine en poudre saveur vanille, le bouc pointu et
le cheveu rasé de frais au sabot de 5 mm, se permettent même
de raccompagner les gens à l’entrée, de façon à mon sens assez
illégale puisque tout le monde est avant tout un simple client.
Alors, on assiste à des scènes surréalistes où le Chef de Rayon
se transforme pour un moment en James Bond des grandes
surfaces. Jetant des regards inquiets au dessus de son épaule,
il annonce les prix au téléphone portable à un complice
et prend, au péril de sa vie, quelques clichés de la promotion
de nectarine qui risque de changer la face du monde libre
et de refaire tomber le mur de Berlin...
Culture du secret
« Les relevés de prix
sont interdits, Monsieur ! »
Le princing
Déterminer un et un seul magasin
concurrent cible : cela peut être le
plus proche ou le plus agressif en
prix mais il est généralement du
promotionnel. Mais... cette même
enseigne voudrait aussi pouvoir s’ali-
gner sur les promos de la concur-
rence. D’ou le classique « X vend la
sont souvent moins efficaces qu’un
homme terrain avec son crayon de
bois et du bon sens commercial...
!
PRÉSENTÉ PAR
Les F&L sont fidélisants
beaucoup plus pour
leur qualité/fraîcheur que
pour leur seul prix.
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  • 1. C’est mon métier ... 26 • vegetable.fr • no  299 / avril 201326 • vegetable.fr • no  299 / avril 2013 Grande distribution : regard d’expert Les animations Le mois prochain Bertr and Guély partage ici son expérience des hommes et du terrain et surtout s’efforcera d’apporter des propositions réalistes pour que la situation puisse s’améliorer concrètement au quotidien. I l faut dans un premier temps examiner le contexte dans lequel nous évoluons. La connaissance spontanée des prix des F&L par les clients en magasin est quasi-nulle: ils sont au mieux capables de donner une idée du prix pour quelques rares 20/80 tels que banane, pomme Golden, tomate ronde, laitue... P ar contre, quand le client a une idée de prix, c ’est presque toujours sans pouvoir y associer le moindre critère de qualité et c’est probablement une des plus grandes supercheries du débat sur le bien-fondé du pricing. Pourquoi ? Les critères constitutifs du prix d’un produit pour la production et pour l’acheteur GMS n’ont en grande par- tie rien à voir avec ceux qui ont de l’importance pour un client en maga- sin. C’est l ’éternel «  une banane, c’est une banane ! » du directeur de magasin de base, agacé par le der - nier relevé de prix du concurrent, mais qui a pourtant plutôt raison. L’acheteur banane doit prendre en compte l’origine (ACP, $, Antilles), le calibre, la catégorie (Premium, 1), le type de conditionnement (P20, P19, P14)... alors que la seule chose qui compte vraiment pour Madame Michu, c’est la couleur! Contrairement à ce que l’on veut faire croire, les F&L sont f idélisant beaucoup plus pour leur qualité/ fraîcheur que pour leur seul prix. Un client ne va pas changer de maga- sin parce qu’il a trouvé de la banane 5 centimes moins cher ailleurs... Par contre, il est susceptible de zapper si les produits qu’il achète le déçoivent. Souvenons-nous donc que,si l’opéra- tionnel terrain est bien fait (beau pro- duit, frais et bien présenté), le client regardera le prix en dernier. Majori- tairement, les clients n’aiment pas les changements de prix continuels sur le rayon F&L car ils ont toujours, à tort ou à raison, l’impression d’avoir acheté au mauvais moment. Du côté du magasin, les équipes réduites de longue date à l ’effectif le plus court, n’aiment pas non plus les changements car, à moins d’être équipé d’étiquettes électroniques et donc d’une descente théoriquement automatique (si le rayon n ’est phy- siquement pas implanté trop loin de l’antenne relais...), ces change - ments représentent encore quelques heures passées à détacher, découper, scotcher... moins cheret sortir de la marge ! Le positionnement prix est très certainement le levier du Mix Marketing F&L qui est aujourd’hui travaillé de la façon la plus discutable, tant il faut reconnaitre que si le sujet est compliqué, il est surtout parasité par de multiples conflits d’intérêts ou approches pour le moins artisanales. Bertrand Guély Les critères constitutifs du prix d’un produit pour la production et pour l’acheteur GMS ont peu de choses en commun avec ceux du client en magasin. Être le VG299_Assemblage2_Interieur.indd 26 26/03/13 14:56
  • 2. ... no 299/avril 2013 • vegetable.fr • 27no 299/avril 2013 • vegetable.fr • 27 En Russie, tous les jours, une partie des employés du rayon passent plus d’uneheure à découperdes étiquettes de prix mal ajustées (le responsable de l’achat des étiquettes n’a pas dû parler au responsable de l’achat des porte-étiquettes...) car les sorciers de la « cellule prix », persuadés du fait que la survie de l’entreprise dépend du Rouble de plus ou de moins sur le kilo de carotte, ont construit des modèles informatiques qui remou- linent au Rouble près chaque nuit l’ensemble des prix de vente... Et je ne parle même pas ici de l ’éventuel contrôle surprise de la DGCCRF qui sabrera le champagne si l’origine du gombo affichée n’est pas conforme à celle indiquée sur le colis,exacerbant encore l’aversion des équipes envers le balisage... Faire sérieusement et de façon récurrente des relevés de prix chez les concurrents nécessite des moyens humains. Il faut pou- voir, pendant les heures d’ouverture, être véhiculé et se rendre librement dans les magasins cibles de la zone. Ayant très rarement le personnel qui lui permettrait de le faire en interne, le Directeur est contraint de délé- guer à une société extérieure. Ici commencent les problèmes car les chargés de relevés de prix n ’ont en général aucune connaissance des F&L. D’où inexploitabilité partielle ou totale du relevé concurrence. Mener une politique de pricing intelligente Pour mener une politique de pri- cing intelligente, plusieurs étapes semblent nécessaires. Dans un pre- mier temps, identifier précisément la zone de chalandise du magasin. Déterminer un et un seul magasin concurrent cible : cela peut être le plus proche ou le plus agressif en prix mais il est généralement du même format. Arrêter ensuite une liste courte de produits qui portent une vraie valeur image à l’instant T : cette liste de 10-12 articles maximum sera mise à jour mensuellement au regard des mouvements de saison- nalités et de quelques réelles typi- cités régionales (mirabelle en Lor - raine, melon de C availlon...). Ces produits doivent être à l ’indice 100 car être plus cher que le concur - rent nuit gravement et réellement à l’image globale du rayon/magasin. Il faut déterminer 3 groupes de pro- duits, y classer l ’ensemble de la gamme, et y associer un indice par groupe qu’on fera varier en fonction de la marge rayon qu’on veut sortir. Le Groupe 1 comportera les basiques pré- sents toute l’année : banane, pomme de terre… Le Groupe 2 inclura les sai- sonnalités fortes : pêche/nectarine, melon… Enfin, le Groupe 3 sera consti- tué des compléments de gamme : exo- tiques, champignons, herbes… On associe ensuite un indice par groupe qu’on fera varier en fonc- tion de la marge qu’on veut sortir et du poids de chaque groupe. En clair, on ne perd pas d ’argent avec le Groupe 1, on en gagne un peu avec le Groupe 2 et beaucoup avec le Groupe 3, sans prendre de risque d’image car la sensibilité au prix décroit d’un groupe à l’autre. Pour une démarche efficace, il est bon de se tenir strictement à cette ligne de conduite et de ne pas demander au chef de rayon des alignements sup- plémentaires de dernière minute qui viendraient mettre à bas tout le dis- positif. C’est tout particulièrement vrai pour les promotions car chaque enseigne bâtit à l ’avance un plan promotionnel. 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En plus d’appauvrir encore un peu plus le métier de « Chef » de rayon (il reçoit aujourd’hui la gamme à détenir , le plan du rayon, les volumes promo- tionnels à commander… et ne fait même plus ses prix de vente, tout en restant bien entendu responsable de tout !), la mise en place d’une cellule prix centralisée est bien souvent une énorme usine à gaz car elle ne peut à distance piloter tous les impondé- rables qui sont l ’essence même du métier. Les BAC +12 au chaud der - rière leurs batteries d ’ordinateurs sont souvent moins ef ficaces qu’un homme terrain avec son crayon de bois et du bon sens commercial... Certaines enseignes, par principe ou par provocation, cultivent le secret et « interdisent » l’accès au rayon des concurrents pour les relevés de prix. Les agents de sécurité, la chemisette bien tendue par quelques mois de fonte et de protéine en poudre saveur vanille, le bouc pointu et le cheveu rasé de frais au sabot de 5 mm, se permettent même de raccompagner les gens à l’entrée, de façon à mon sens assez illégale puisque tout le monde est avant tout un simple client. Alors, on assiste à des scènes surréalistes où le Chef de Rayon se transforme pour un moment en James Bond des grandes surfaces. Jetant des regards inquiets au dessus de son épaule, il annonce les prix au téléphone portable à un complice et prend, au péril de sa vie, quelques clichés de la promotion de nectarine qui risque de changer la face du monde libre et de refaire tomber le mur de Berlin... Culture du secret « Les relevés de prix sont interdits, Monsieur ! » Le princing Déterminer un et un seul magasin concurrent cible : cela peut être le plus proche ou le plus agressif en prix mais il est généralement du promotionnel. 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