328 Fournisseurs comment dire ce que vous avez à dire - Dec 2015
Le diable est dans le "retail"!
1. Le détail est
en général une
demande des
hommes de terrain
qui savent
ce qu’ils font.”
NOUVEAU !
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Retrouvez l’humeur
de Bertrand Guely
sur son végéblog :
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GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert
par Bertrand GUÉLY
28 • vegetable.fr • no
357/juillet-août 2018
V
eille de fête des mères. Promo-
tion sur les petits fruits rouges
avec une offre canon : fram-
boise, la meilleure vente de la
famille après la fraise, mûre, la
touche de texture, ou myrtille, l’antioxydant
tendance, en barquettes de 125 grammes.
Soit 2,50 € la barquette (eh oui, c’est Aix,
ma p’tite dame Michu), mais le lot de 3 bar-
quettes à 5 €. Marque qualitativement réfé-
rente en berries (Driscoll’s), contenants
étudiés (barquette qui tient fermée, cou-
vercle avec rebords pour l’empilement, petit
tapis bulle pour que Miss Framboise ne se
casse pas un talon pendant la montée des
marches…), fruits manifestement à l’arri-
vage et appétents, une barquette de chaque
espèce ouverte à la dégustation pour vérifier,
promotion théâtralisée en entrée de rayon
avec une petite charrette en bois, barquettes
rangées selon un jeu de couleurs noir-rouge-
noir, origine Portugal, U.E., de saison et géo-
graphiquement acceptable même pour les
grincheuses du carbone… Tout pour plaire
et faire plaisir au repas du lendemain midi
avec une belle salade de fruits frais autour de
fraises de Carpentras (là encore, 9,90 €, pas
donné pour mettre la main au panier de la
diva mais bon !). Tout pour plaire... sauf que.
Sauf que la codification « vente en lot pana-
ché », qui fonctionne parfaitement dans
les autres rayons depuis la nuit des temps
de la distribution, ne passe pas en caisse.
Un des plus vieux fléaux du F&L, avec celui
des hôtesses qui ne reconnaissent pas les
variétés d’une espèce et génèrent de la D.I.
en passant tout sur le même appel prix…
D’où un rajout au feutre en petit sur le bali-
sage, expliquant à ceux qui le voient – pas
moi ! – que l’offre ne fonctionne en fait que
pour 3 barquettes… de la même espèce.
À moins d’accueillir une jeune fille au pair
ou un hockeyeur canadien, on fait quoi avec
toutes ces myrtilles ? À moins de vouloir
tourner un remake de la pub Herta, on fait
quoi avec toutes ces mûres ? À moins de
préparer un plan champagne pour pécho,
on fait quoi avec toutes ces framboises ?
Résultat : une kyrielle de clients mécon-
tents car n’ayant pas vu la mention sur
l’impossibilité du panachage et des piles de
barquettes qui s’abîment en caisse (sous-
effectif, pas de caddy girl, pas le temps pour
l’hôtesse de caisse d’aller les remettre en
TOUTALLAIT BIEN QUAND,
EN PREMIER CODAGE... 21 AVRIL,
RÉSONANCE DETRISTE MÉMOIRE,
QUI NOUSA DEPUIS HABITUÉS
AUX BUGS REDOUTÉS MAIS
DIFFICILEMENT ÉVITABLES, DANS
MON SUPERMARCHÉ PRÉFÉRÉ
ÀAIX-EN-PROVENCE.
Le diable est dans
le « retail » !
2. L’importance des détails opérationnels
Le mois prochain :
Les dommages collatéraux de la guerre
des prix entre enseignesdes prix entre enseignes
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Étonnament fort
Incroyablement résistant malgré sa légèreté,
le carton ondulé est le matériau idéal pour
les emballages de transport des fruits et légumes
avec le soutien de Carton Ondulé de France
Accessible aux abonnés :
voir la version longue de cet article
sur www.vegetable.fr
place et l’ELS F&L n’est que du matin…) et
vont générer de la casse sur un produit cher
au kilo. Voilà comment, pour un détail, on
peut transformer Austerlitz en Waterloo.
Dès la genèse de ma rubrique sur la grande
distribution, je me suis toujours attaché à
illustrermestextesd’exemplesvécussurl’im-
portance des détails pour notre filière, et de
la nécessité pour chaque acteur de connaître
un minimum et respecter au maximum le
métier de l’autre pour avoir une chance de
réussir. Une fois n’est pas coutume, faisons
aujourd’hui montre d’empathie. La GD est
probablement un des secteurs d’activité où
la culture du résultat est la plus élevée. Un
homme de GD qui ne sort pas ses chiffres
n’a pas d’avenir. Une fois, c’est une erreur et
le plan de progrès à trois mois pour la recti-
fier ; deux fois, c’est une faute et le carton de
bananes qui va avec pour ranger ses affaires.
C’est marge ou crève.
Bien sûr, si cette approche un peu binaire
est discutable pour les humanistes, elle
oriente en revanche parfaitement sur ce
que vous devez apporter pour être utiles à
ce genre de collaborateurs sous pression et
en évaluation permanente.
Un conseil pour aider vos interlocuteurs GD :
partez des 5 indicateurs de pilotage fondamen-
taux pour un chef de rayon et focalisez sur ceux
où vous pouvez avoir un impact à l’amont.
1 Chiffre d’affaires. L’alternance pénurie/
normalité/pléthore au fil des campagnes
fixe en grande partie le prix d’une espèce.
Or le CR doit a minima « repasser sur son
chiffre » et il vous faut donc faire intelli-
gemment varier les paramètres de l’espèce
que vous produisez en fonction.
Les détails à intégrer sont donc : le calibre (beau-
coup d’abricots ? Proposez un vrac 5 kg en
3A plutôt que 2A), le conditionnement (peu
de pommes ? Inutile de déployer les sachets
3 kg) et la qualité intrinsèque (ne trichez
jamais et capitalisez sur le réachat, vital pour
une campagne courte). Aidez par ailleurs à
appréhender au mieux les paramètres calen-
daires de la saisonnalité (dates de démar-
rage et fin de campagne). Bien sûr, pour un
produit si sensible aux aléas climatiques,
vous n’êtes pas Madame Irma mais c’est tel-
lement important pour les réimplantations
partielles de l’étal, la pesée des ressources
en maintenance (l’ELS affecté au raisin ne
fait en général
presque que ça), la participation au plan
promo/TG/pontons saisonniers (sous peine
de voir son étal amputé par les CR voisins),
les palliatifs à prévoir s’il y a risque de ne
pas repasser sur le chiffre (le melon est la
première vente du rayon en été alors une
semaine de retard, ça compte !)
2 Volume. En F&L, compte tenu de la fluc-
tuation des prix kilo, chiffre d’affaires et
volume ne s’analysent pas séparément pour
juger une performance.
Les détails à intégrer sont donc : tout ce qui
peut entraîner une rupture rayon est à pros-
crire ! N’en déplaise aux naïfs qui pensent
encore que le 0 stock plateforme est forcé-
ment corrélé au 0 avance de fabrication en
station de conditionnement, ayez toujours
quelques palettes d’avance, quitte à les dater
au dernier moment, et le petit camion por-
teur qui va bien pour les dépannages plate-
forme/magasin. Tous les acheteurs font la
différence entre le fournisseur type grosse
machine qui veut des prévisions un mois
avant et le petit réactif qui répond calme-
ment « je te fais ça ! » Par ailleurs, pas de
mauvaise économie sur le transport. Choi-
sissez les transporteurs pas uniquement sur
le tarif, mais aussi sur le service et la ponc-
tualité. Quand le réceptionnaire doit appeler
pour savoir où est votre camion, car la récep-
tion va fermer, et qu’il voit arriver un bâché
branlant piloté par un Polonais qui a conduit
72 heures sans dormir, c’est votre nom d’en-
treprise qu’il a sur son bon de livraison.
3 Marge. Aujourd’hui, toutes les centrales
d’achats ne disposent pas de l’implacable
Scorecard qui dit tout de la performance
globale et du taux de service d’un fournis-
seur, y compris la casse et la démarque
inconnue générées par ses produits, com-
parées aux concurrents directs. Ceci étant,
l’ingérence des responsables de points de
vente pour le choix de telle ou telle marque
chouchou, conséquence d’une connais-
sance intuitive, reste particulièrement fla-
grante pour les enseignes d’indépendants.
C’est le fameux « je veux de la Savéol » ou
« mets-moi que du Rouge Gorge ».
Les détails à intégrer sont donc : ne jamais
tricher sur les spécifications qualité. On
peut, à court terme, passer au travers des
mailles du filet des agréeurs plateforme
mais risquer à la longue de disparaître de
celui de Madame Michu. Le vrai challenge
d’un vendeur n’est pas « qu’est-ce que je vais
bien pouvoir lui emballer pour le prix qu’il me
donne? » mais « comment vais-je lui faire
accepter de payer le juste prix pour du beau ? »
4 Casse & 5 Démarque inconnue
Les détails à intégrer sont ici : faire comprendre
à vos acheteurs emballage la différence entre
vrai et faux gain d’achat. Il est intéressant
de noter que les grandes réussites de notre
filière de ces dernières années ont toutes
traité ces aspects via la qualité des linéaires
(ex. : Grand Frais) et des packagings (Pink
Lady, Savéol…). Pendant ce temps, la distri-
bution généraliste traditionnelle continue à
demander à ses chefs de faire des miracles
avec des pontons palettes (c’est quand on
recouvre des piles de palettes avec la toile
cirée de Mamie Michu !) et de les livrer avec
des emballages low cost. La palette doit être
intègre, le colis ne pas s’affaisser ou flamber,
l’alvéole un minimum rigide, la barquette ou
le sachet doivent rester fermé/scellé…
Si cela fait une foultitude de détails à inté-
grer, c’est le prix à payer si vous voulez que
votre acheteur vous classe dans les référents
incontournables plutôt que dans les « me
too » interchangeables mais… Le détail, oui,
le caprice, non ! Apprendre à bien faire la dif-
férence entre les deux et à passer du « qu’est-
ce qu’ils ont encore inventé ? » au « oui, c’est
du travail en plus et ça a un coût, mais je sais
pourquoi mon client en a besoin ». Le premier,
le détail, est en général une demande des
hommes de terrain qui savent ce qu’ils font.
Le deuxième, le caprice, émane de fonctions
périphériques qui brandissent des demandes
d’intégristes faites par principe/parapluie
sans vraiment se soucier de leur faisabi-
lité/coût. Ce sont elles qui vont demander
des cartons uniquement en fibre recyclée,
sans savoir que, au-delà d’une certaine pro-
portion, la solidité s’en ressent et que les
palettes risquent d’arriver comme après un
Iron Man, des produits locaux même quand
la région n’en produit pas… Là, oubliez.