1. Socle de
tout échange
commercial,
le relationnel est
pourtant souvent
malmené dans
notre filière.”
C
ertaines caractéristiques de notre filière
n’aident originellement pas. J’en retiens
cinq principales :
1 Un fort turnover. Comme déjà évo-
qué, les bons acheteurs/vendeurs ne
restent pas en poste à vie et sont logiquement
appelés à évoluer dans l’entreprise, générale-
ment vers des fonctions d’encadrement. Par ail-
leurs, pour casser d’éventuelles habitudes, les
dossiers tournent régulièrement et on se
retrouve alors face à un jeune acheteur aux
dents longues qui n’a pas encore compris
qu’acheter pas cher ne signifie pas forcément
bien acheter. À peine un semblant de relation-
nel est-il démarré que les cartes sont rebattues.
2 Une guerre des prix entre enseignes. J’entendais
encore ce matin à la radio une enseigne qui
bradait à moins d’1 € le kilo. Penser que vendre
moins cher que moins cher va relancer la
consommation des F&L frais est simpliste, tant
les raisons expliquant la déconsommation sont
multiples et variées, mais, en attendant, quand
la seule politique est le discount à marche for-
cée (et à marge rognée), acheteur et vendeur
tirent chacun sur un côté de la couette. Difficile
d’entretenir une relation quand on demande de
travailler sans gagner d’argent.
3 Une méconnaissance des métiers et donc des
contraintes de chacune des parties. C’est proba-
blement ce qui explique que les profils issus de
la GD et ayant travaillé chez un fournisseur sont
les plus courtisés par les chasseurs de tête.
Quand on sait que les magasins veulent des
boucles de feuillards non métalliques pour évi-
ter d’avoir à les couper dans un bac de recyclage
différent, on ne prend pas cette demande pour
un caprice. Quand on chiffre les tonnes d’em-
ballages spécifiques détruites par une station de
conditionnement parce qu’un obscur chargé de
packaging a décidé unilatéralement un énième
relooking de la MDD, on comprend pourquoi le
fournisseur veut inclure dans le contrat une
clause « reprise des emballages inutilisés ». Si je
ne te connais pas, j’ai du mal à te fréquenter…
4 Des canaux de communication impersonnels et
encombrés : tenders informatisés, appels d’offres,
interminables questionnaires qualité et RSE à ren-
seigner… Les femmes vous le diront (l’inévitable
« il faut qu’on parle ! ») : difficile de nourrir une
relation, sauf peut-être via les sites genre « bon-
soir mesdemoiselles, au revoir madame », sans
un minimum d’échange matérialisé.
MON PROPOS DU JOUR N’EST PAS
D'ÉVOQUER L'INTÉRÊT SUPPOSÉ
DES RELATIONSAMICALES ENTRE
ACHETEUR ETVENDEUR (MÊME
SI J’AI LA CONVICTION QU’ON EXIGE
TOUJOURS PLUS D’UNAMI QUE D’UNE
SIMPLE RELATION DETRAVAIL),
MAIS PLUTÔT D’EXAMINER LES
RAISONS D’UN RELATIONNEL
COMPLIQUÉÀ BÂTIR ETÀ PRÉSERVER.
Je sens que
je vais conclure
30 • vegetable.fr • no
352/février 2018
GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert
par Bertrand GUÉLY
2. UN PEU DE BONNE VOLONTÉ
Le mercato
Pourquoi croyez-vous que les bons vendeurs de F&L font rarement toute une carrière dans la
même société ? Je ne parle pas ici des approvisionneurs déguisés dont l’essentiel du travail se
concentre entre 11h et 12h30 (« Bonjour, c’est pour la commande ! ») et 7h30 et 9h (« Comment
ça, il est pas arrivé mon camion ? »). J’évoque ici les vrais vendeurs, ceux pour qui le relationnel
étroit et de longue date avec la clientèle peut faire bouger les lignes. Eh bien simplement parce que
les bons vendeurs sont rares, qu’il n’existe pas d’école pour accéder à notre filière et que les jeunes
sont peu attirés par un secteur où il faut bouger beaucoup de volume pour gagner un peu d’argent.
Les petites attentions
À part les palettes de calendriers/agendas arrivant fin janvier, les mauvais chocolats belges
et le SMS impersonnel envoyé le 31 à toute une liste de clients, avez-vous seulement pensé
à ce qu’est une réelle attention pour la nouvelle année, personnalisée et pas obligatoirement
matérielle ? Je me souviens, quand j’étais acheteur, de fournisseurs qui m’envoyaient
régulièrement des articles intéressants, venaient en rendez-vous avec des points d’activité fouillés
et personnalisés, avec qui j’ai pris un verre alors que nous étions en vacances... Mais, pour faire
de la haute couture, il faut aimer le métier de tailleur !
Je t’aime… moi non plus
Une chose simple à ne pas oublier : si l’acheteur a les moyens de ne pas aimer tel ou tel
fournisseur, la réciproque est plus compliquée. Compte tenu de la concentration toujours plus forte
des enseignes et de la massification inexorable des achats hors production locale, le vendeur ne
peut que rarement se permettre de choisir ses clients. Cela teinte parfois la relation d’une certaine
ambivalence, même si la bonne approche est dans tous les cas la collaboration. Certes, nous ne
partirons pas en vacances ensemble mais on peut quand même faire du covoiturage.
Le relationnel
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Retrouvez l’humeur
de Bertrand Guely
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Le mois prochain :
Du « me too » au « think
different », les places à prendre
pour les fournisseurs rupturistes.
5 Un amateurisme de bon nombre de fournisseurs.
On retrouve les fournisseurs ou les industriels
les plus préparés dans les produits élaborés du
rayon (4e
et 5e
gammes, jus, fruits secs). Ils pré-
parent leurs rendez-vous, viennent avec des
chiffres retraités (pas avec le listing arraché
trois minutes avant de monter dans le train !),
vendent leurs innovations… Malheureuse-
ment, bon nombre de vendeurs sont des
anciens du carreau, adeptes du « je vous en mets
combien, ma petite dame ? », sans lendemain.
Pourtant, malgré ces haies difficiles à franchir,
construire est envisageable. Quelques conseils :
1 En affaires, il existe le risque de dépendance
économique, c’est-à-dire la mise en péril du deve-
nir d’une société qui aurait une part trop impor-
tante de son chiffre d’affaires entre les mains
d’un client prépondérant. Eh bien, je crois aussi
au risque de dépendance relationnelle qui y est
souvent corrélé. Sinon pourquoi les fournis-
seurs redouteraient-ils autant un « changement
d’acheteur » ? Méfiez-vous des anciens qui
tiennent certains comptes clés depuis toujours
et n’ont pas de jeune binôme.
2 Identifiez la personne compétente et susceptible
de faire avancer un sujet, ça n’est pas forcément
votre interlocuteur au quotidien, et soignez
aussi cette relation. Les relations commerciales
ont tendance à se complexifier et induisent des
échanges multiples, à plusieurs niveaux : on
parle au service achats pour fixer prix et quan-
tité, à la qualité pour peaufiner les cahiers des
charges, à la RSE pour s’assurer de l’éthique, au
marketing pour les tracts et les salons…
3 Définissez la bonne fréquence des rencontres.
Elle est liée à l’intensité des contenus. Il est tout
à fait possible de ne se voir qu’une à deux fois
par an si la réunion est préparée.
4 Luttez contre l’impersonnalité rampante due aux
nouvelles technologies. Rien de pire que de se
parler par écran interposé, de gérer des CUG
plutôt que des produits, de ne plus se rencon-
trer autrement que dans des négos abattoirs ou
des salons foires aux bestiaux.
5 Évitez les hameçons vraiment trop visibles type
loge de foot. Seuls les acheteurs les moins scru-
puleux ou les plus naïfs n’auront pas compris.
En revanche, misez à fond sur tout ce qui est lié
au business et permet de sortir du box de négo-
ciation : visite en production, inauguration
d’un navire ou d’une nouvelle unité de produc-
tion, salon professionnel.
6 Relisez mon papier sur la difficulté du métier
d’acheteur et… aidez vos interlocuteurs. Je sais
que ça fait très bisounours de dire ça mais, pour
avoir travaillé des deux côtés, c’est vraiment fon-
dateur d’une autre relation. Une fois le masque
tombé, il y a des gens formidables partout.
L’acheteur qui n’a pas appréhendé que le vrai
ennemi est le concurrent, et que le fournisseur
est son meilleur allié pour le combattre, n’a rien
compris à son métier. Amusez-vous à compa-
rer la façon dont on traite les fournisseurs dans
telle ou telle enseigne et sa performance en
prise de part de marché, c’est instructif.
De même, le vendeur qui n’a pas intégré que
le client GMS le fait vivre et que tout ce que
fait son entreprise doit être orienté pour mieux
répondre à ses attentes, n’a rien suivi. Prenez
un moment pour regarder les tendances de
chiffres d’affaires des fournisseurs qui ont
positionné le client au centre de l’organisation,
c’est imparable. Après tout, le relationnel c’est
d’abord vivre mieux avec que sans.
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