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Beati Pauperes Spiritu
- 1. GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert
par Bertrand GUÉLY
©FFANG-DREAMSTIME.COM
26 • vegetable.fr • no
342 / mars 2017
Faire simple,
c’est aussi dire
d’abord ce que le
consommateur
a vraiment envie ou
besoin d’entendre
et de savoir.”
M
on propos du jour n’est pas de
lister une kyrielle de mesurettes
cache-misère censées fluidifier
par magie les relations mais
plutôt de pointer du doigt un
certain état d’esprit qui a fait progressivement
se dé-professionnaliser les actes achat/vente
qui régissent notre quotidien mais aussi notre
avenir.
Fort heureusement, le temps des relations
entretenues à midi à grands coups de Ruinart
tiède est presque révolu. Les quelques dino-
saures dont les pattes graissées s’agrippent
encore à la coupe à champagne, s’éteignent à
chaque départ en retraite, laissant la place à
l’immense majorité de professionnels qui fait
son travail et avec qui ont peut jouer comme
dans le Calcio, viril mais correct. On peut légiti-
mement être plein d’optimisme avec cette nou-
velle génération saine aux manettes.
5 sources de complexité
1 L’absence de cursus de formation sur la Filière
autres que quelques écoles internes plus ou moins
professionnelles. Si la moyenne d’âge des ache-
teurs reste acceptable, elle masque en fait un
double paradoxe, avec pour partie des anciens
compétents mais parfois aussi ouverts à l’inno-
vation que la Mère supérieure d’un couvent
Carmélite, et des jeunes diplômés généralistes
qui sont passés directement du PowerPoint au
portefeuille d’achats de plusieurs dizaines
– voir centaines – de millions d’euros.
Les premiers ont leurs fournisseurs habituels,
les seconds changent du jour au lendemain
pour un centime. Conséquence, les étals maga-
sins sont des patchworks de références indé-
boulonnables, même si clairement en perte de
vitesse, et d’apparitions éclair n’ayant d’autre
justification que le prix bas du moment. Pen-
dant ce temps, le primeur spécialiste met bien
en évidence les stickers des référents de chaque
espèce (La Soculente, Zespri, Pink Lady...) et ne
limite les nouveaux entrants qu’à quelques pro-
duits découvertes ou promotions coup de poing.
Au niveau vendeurs, c’est encore plus criant
mais une bonne période d’intégration terrain
(en production, au conditionnement, à la qua-
lité) peut permettre d’apporter l’indispensable
connaissance métier à des profils ayant la
niaque au début, indispensable à ce métier dur.
À CEUX QUI SE DEMANDENT POURQUOI IL M'ARRIVE D'AVOIR LA MINE
DU CRAYON UN PEU DURE QUAND JE PARLE DE CERTAINS INTERVENANTS
DE NOTRE FILIÈRE, POUR QUELLES RAISONS JETAQUINE DES POLITIQUES
DÉCONNECTÉS DU CONSOMMATEUR, DES CONSULTANTS JARGONNANT POUR
CACHETONNER, ET BIEN JE DIRAIS QUE LA RAISON PRINCIPALE ESTTOUTE
SIMPLE : ILS ONT OUBLIÉ, EUX COMME D’AUTRES, QUE NOUSAVONS UN BESOIN
VITAL DE CHOSES SIMPLES SI L'ONVEUT QU’ELLES FONCTIONNENT.
Beati Pauperes Spiritu1
- 2. ©FFANG-DREAMSTIME.COM
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FAIRE SIMPLE, C’EST D’ABORD FAIRE CONFIANCE
Importateur ou...
couteau suisse ?
Sourceur, technical manager, affréteur, reconditionneur,
mais aussi banquier, acteur local politique et social,
risque-tout et plus encore... Les différentes facettes du
métier d’importateur ne sont que peu connues et reconnues par
les clients.
Pourtant, pour de nombreuses espèces, le temps de la
marchandise envoyée, en croisant les doigts, à la commission
pure, est en passe d’être révolu ou tout au moins limité à
quelques pistoleros à faible niveau de professionnalisme.
Certains importateurs ont trop abusé de ce système ou le
producteur était soit perdant, soit peu gagnant. Par ailleurs,
la conduite d’une exploitation moderne demande un minimum
de certitudes : prix minimum garanti, avances, conditions de
paiement courtes sont aussi là pour ça.
On note d’ailleurs une vraie tendance chez certains
distributeurs ayant « pris quelques plombs », comme on dit
chez nous, à arrêter de vouloir supprimer les intermédiaires
en s’improvisant importateur et revenir aux fondamentaux du
métier de distributeur.
Alors, là encore, on doit faire simple : soit on importe
directement certains produits faciles (typiquement, les plus
solides et qu’on peut revendre en l’état sans valeur ajoutée à
apporter) en prenant au passage le risque financier, soit on
délègue à un importateur mais sans tenter une très improbable
analyse cost+ à la ligne, décourageante même pour les plus
intrépides. Quand on va au restaurant, on ne demande pas à
visiter la cuisine, le salaire du Chef ou le coût de chacun des
ingrédients utilisés...
Faire simple, c’est d’abord faire confiance.
Retrouvez sur www.vegetable.fr un autre encadré
sur ce thème : « Radio bobo, radio blabla »
en bref
Les inaltérables vertus de la simplicité
NOUVEAU !
www.vegetable.fr/
blogs/guely
Retrouvez l’humeur
de Bertrand Guely
sur son végéblog :
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Le mois prochain :
Grandeur et misère
du premier prix
2 La multiplicité des espèces/variétés/pays/sai-
sons/régions. En fait, au niveau consommateur,
et il n’y a rien de méchant dans ce que j’écris,
mais il s’agit en fait d’apprendre à des illettrés à
faire des vers. Que le professeur est important...
Proposition : Gardons tous ces éléments à l’inté-
rieur de la Filière et capitalisons pour les clients sur
ce qui lui parle vraiment : beau, bon, sain, équitable.
3 Le saucissonnage de la communication entre
les acteurs de la filière. Sans vous refaire le coup
des « on arrive jamais à les avoir au téléphone... y’a
que le prix qui les intéresse... ils ne connaissent rien
au produit... » mais aussi, de l’autre côté « ils
n’ont jamais d’innovation... ils demandent des ren-
dez-vous mais viennent les mains dans les poches...
ils ne respectent pas les cahiers des charges et me
mettent en porte-à-faux avec la qualité », il est
évident que ces éternels procès d’intention par-
ticipent d’une relation compliquée par essence.
Proposition : Expliquez les règles du jeu, faites
confiance mais soyez impitoyable avec quelqu’un
qui vous a délibérément trompé.
4 L’absence de vision terrain. C’est probable-
ment une des choses les plus compliquées à
combattre. Sans vouloir jouer les vieux c..., je
me souviens très bien de mes premières
années d’approvisionneur/vendeur, sur plate-
forme avoir chaussé régulièrement les bottes
pour essayer de comprendre un peu et d’ap-
prendre beaucoup. Aujourd’hui, certaines
enseignes font pointer leurs acheteurs pour
s’assurer qu’ils descendent encore dans l’entre-
pôt ou passent en magasin, mais peuvent aussi
les avoir délocalisés loin du produit !
Proposition : Pas d’intervenant de la filière loin
du produit.
5 La difficulté à partager. Qu’il s’agisse d’un
producteur, d’un transporteur ou d’un distribu-
teur, tous exercent une activité pour gagner de
l’argent ! Je lisais récemment un article sur la
vanité d’une guerre des prix suicidaire dont tout
le monde sortait perdant. Et bien que cela serve
au moins d’indicateur du point au-delà duquel il
ne faut pas aller. Un intervenant qui gagne nor-
malement sa vie peut faire de la qualité, investir,
celui qui ne peut pas vivre tire sur tout et pas
toujours à bon escient, avec sanction immédiate
au niveau consommateur. La maturité grani-
tique de nos pêches/nectarines françaises vient
d’abord d’une mauvaise économie sur le nombre
de passages cueille verger pour récolter, l’insi-
pide de nos tomates de serre vient qu’on veut
faire du tout venant un premier prix, les colis de
pommes 2 rangs fardés sont confectionnés pour
éviter la strangulation industrielle excessive...
Proposition : ne pas attendre le déploiement
irréversible du Commerce Équitable pour prôner le
partage de l’avoir.
Bien sûr, cela peut paraître un peu bisounours
et l’enfer des f & l est pavé de bonnes intentions
mais, finalement, si la relation devient plus
professionnelle, lisible, communicante, terrain
et éthique, elle sera mécaniquement et néces-
sairement plus simple.
Le monde
se divise
en 2 catégories !
Comme disait
Blondin à Tuco, le
monde se divise en
2 catégories : les
vendeurs modernes,
qui ont compris la
complexité toujours
plus grande du métier
de distributeur et se
positionnent donc
en facilitateurs/
apporteurs de
solutions, et les
vendeurs has
been qui croient
encore à l’approche
toctocbada-
boumesque one shot
et s’indignent de ne
pas être référencés
alors qu’ils n’ont
simplement pas
délivré les attendus
et ne se sont pas
rendus utiles dans la
durée. Seule la petite
minorité de personnes
ayant officié dans
les 2 camps savent
que ça n’est facile
pour personne...
Faire simple, ça peut
être simplement
faire un peu preuve
d’empathie.
1 : Heureux les pauvres d’esprit.