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Diaporamas ‘De l’offense à la réconciliation’
Série ‘Mémoire et reconnaissance de crimes du passé’
12 - La mémoire des guerres
12.c - La guerre de Trente Ans
Étienne Godinot 29.11.2023
La série de diaporamas
‘De l’offense à la réconciliation’
Sommaire : Rappel
Série 1 : Mémoire et reconnaissance de crimes du passé
1 - Introduction
2 - La mémoire de l’esclavage
3 - La mémoire du colonialisme
4 - La mémoire du génocide des Arméniens
5 - La mémoire de la Shoah
6-1 - La mémoire des crimes des pouvoirs communistes
6-2 - La mémoire des crimes des pouvoirs communistes
7 - La mémoire des crimes commis par les États-Unis
8 - La mémoire des crimes des Khmers rouges au Cambodge
9 - La mémoire du génocide du Rwanda
10 - La mémoire des crimes commis pendant les guerres en ex-Yougoslavie
11 - La mémoire de l’apartheid en Afrique du Sud
12 - La mémoire des guerres
13 - La mémoire des crimes commis par les institutions religieuses
Série 2 : Justice, pardon et réconciliation
1 - Justice, pardon et réconciliation : dissiper les malentendus
2 - Pardon et réconciliation entre personnes
3 - Pardon et réconciliation entre groupes humains
4 - La réconciliation franco-allemande
5-1 - L’Algérie et la France : de 1830 à 1962
5-2 - L’Algérie et la France : depuis 1962
6 - Le Japon et les traces de sa période impériale en Asie du Sud-Est
7 - La Chine. Une volonté de revanche ?
8 - Institutions en faveur de la justice et des droits humains.
9 - Relire et dépasser le passé pour inventer l’avenir
12 - La mémoire des guerres
Sommaire
Introduction
1 - La mémoire de guerres jusqu’à la fin du 19ème siècle
2 - La mémoire de la Première Guerre mondiale (1914-1918)
3 - La mémoire de la Deuxième Guerre mondiale (1930-1945)
4 - La mémoire des guerres de décolonisation de la France
La mémoire de la guerre de Trente Ans
(1618-1648)
La guerre de Trente Ans est une série de conflits
armés qui déchirent l’Europe de mai 1618 à mai 1648. Les
causes en sont multiples, mais ses éléments déclencheurs
sont la révolte des sujets tchèques protestants de la
maison de Habsbourg*, la répression qui s'ensuivit, et le
désir des Habsbourg d’accroître leur hégémonie et celle
de la religion catholique dans le Saint-Empire.
La plupart des nations d'Europe participent peu à
peu à cette guerre : l'Angleterre, le Danemark, la France,
les Pays-Bas, l'Espagne, le St Empire romain germanique,
la Suède et la Pologne-Lituanie, chacun se battant sur des
bases religieuses.
Image du bas : Les nobles protestants de Bohême s’étaient échauffés
quand, au début de l'année 1618, l'archevêque de Prague avait fait détruire un
temple protestant à Klostergrab (aujourd'hui Hrob).
En abrogeant la ‘lettre de majesté’, décret de 1609 qui accordait la
liberté religieuse en Bohême, l’empereur Mathias met le feu aux poudres : le
23 mai 1618 les Protestants de cette région se rebellent et précipitent par les
fenêtres du palais royal deux gouverneurs impériaux catholiques et leur
greffier. Les 3 hommes, tombés de 16 mètres sur un tas de fumier, en sont
quittes pour quelques blessures et une belle peur, mais le pouvoir catholique
réprime le soulèvement, et l’abrogation enflamme les Protestants de Bohème
contre les Habsbourg.
Des conflits complexes aux motifs enchevêtrés
Ces conflits opposent le camp des Habsbourg d’Espa-
gne et du Saint-Empire romain germanique, soutenus par la
papauté, aux États allemands protestants du Saint-Empire, auxquels sont
alliées les puissances européennes voisines à majorité protestante,
Provinces-Unies et pays scandinaves, ainsi que la France qui, bien que
catholique et luttant chez elle contre les Protestants, entend réduire la
puissance des Habsbourg sur le continent européen…
Ces conflit sont complexes, aux motifs religieux et politiques
enchevêtrés, aux contours flous et mouvants, les partis confessionnels
étant eux-mêmes profondément divisés et les alliances souvent impro-
bables.
Lors de bataille de la Montagne Blanche, en 1620, les troupes
impériales et de la Ligue catholique écrasent les protestants de Bohème.
Images :
- Bataille de la Montagne Blanche, près de Prague, le 8 nov. 1620. Une armée d'environ
21 000 hommes, pour le compte de Frédéric V, roi protestant de Bohème, s’oppose aux forces du
Saint-Empire combinées aux forces de la Ligue catholique (alliance des États allemands catholi-
ques du St Empire) regroupant ainsi 29 000 hommes, qui obtiennent une victoire écrasante.
- Représentation du carme déchaux espagnol Domenico Ruzzola (en religion Domenico di Gesù
Maria, 1559-1630). Au cours de la bataille de la Montagne Blanche, il exhibe au milieu de troupes
une image de l'adoration des bergers mutilée par des iconoclastes, ce qui galvanise les soldats
catholiques… La liberté de religion est ensuite supprimée dans le St Empire.
- Cavalier de la guerre de Trente Ans
Grandes étapes
de la guerre
On analyse traditionnellement cette guerre en 4 périodes
successives, correspondant chacune à une augmentation du nombre des
protagonistes. Chacune des 3 premières périodes se termine en effet par
un succès du camp impérial et catholique, ce qui détermine un nouvel
acteur à entrer en lice pour voler au secours du camp protestant.
1 - la période bohémienne et palatine : 1618-1625 (siège de Pilsen en 1618,
batailles de Bautzen et de la Montagne-Blanche en 1620, de Fleurus en 1622, de Stadtlohn en 1623)
2 - la période danoise : 1625-1629 (bataille de Neuhäusel en 1626, paix de Lübeck en
1629)
3 - la période suédoise 1630-1635 (traité de Bärwald, sac de Magdebourg, batailles de
Breintenfeld en 1631, de Rain-am-Lech en 1632, de Lützen en 1632, de Ratisbonne et de
Nördlingen en 1634)
4 - la période française ou franco-suédoise : 1635-1648 (bataille des Avins et paix
de Prague en 1635, bataille de Dole, siège de St Jean-de-Losne, batailles de Corbie, de St Jean-de-
Luz, de Wittstock, de Landrecies, Maubeuge et La Capelle en 1636, siège de Fontarrabie, destruc-
tion d’une flotte espagnole, bataille de Brisach et de Zouafques en 1638, d’Hesdin en 1639, bataille
d’Arras et siège de Tarragone en 1640, siège de Presnitz, batailles de Montjuic, d’Ivrée, de Coni et
de Wolfenbüttel et en 1641, de Kempen, de Leipzig et de Lerida en 1642, de Rocroi en 1643, bataille
navale de Carthagène en 1643, bataille de Tuttlingen, de Fribourg en 1644, de Mergentheim et de
Nördlingen en 1645, de Dunkerque en 1646, de Landrecies en 1647, de Zusmarshausen et de Lens
en 1648)
Images : Batailles de Lützen (nov. 1632), de Rocroi (mai 1643), bataille navale de Carthagène (sept.
1643), siège de Fontarrabie (sept. 1638), batailles de Lérida (oct. 1642), de Lens ( août 1648)
Des guerres de mercenaires
Les armées en présence sont, avant tout, des armées de merce-
naires*, levées par des chefs de guerre qui assurent l'enrôlement, l'arme-
ment et le ravitaillement des troupes.
Leur paye n’est pas régulièrement assurée sur les budgets des États
qui les emploient, les soldats, mal payés, payés avec retard ou pas payés du
tout, se rémunèrent par eux-mêmes en sévissant sur les populations civiles,
qu’elles soient "ennemies" ou de leur propre bord.
Les combats se déroulent surtout dans les territoires d’Europe centrale
dépendant du Saint-Empire, puis se portent sur la plaine de Flandre, le nord
de la péninsule italienne ou encore dans la péninsule ibérique.
* Un mercenaire est un combattant de métier qui est recruté moyennant finances par un État, une
entreprise, un mouvement politique ou toute autre organisation, en dehors du système statutaire de
recrutement militaire d'un pays. Ex. actuel : les milices Wagner au service de la Russie de Poutine.
Image du bas : La discipline n'existe que pendant le combat - et encore !. Le soldat de la guerre
de Trente Ans, quel que soit son parti, et dont le portrait est bien dépeint dans le roman de Hans Jakob
Christoffel von Grimmelshausen, Les Aventures de Simplicius Simplicissimus (1668), a laissé un
durable souvenir de terreur.
Les horreurs de la guerre
Paysans et citadins sont soumis aux exactions de la soldatesque, à des dégâts innom-
brables, aux disettes et aux épidémies qui s’ensuivent. Les exactions sont multiples : tortures,
massacres en masse d’innocents, viols, assassinats, etc. Des épisodes comme ceux du sac de
Magdebourg par l'armée catholique de Tilly en 1631, les atrocités commises au Palatinat ou en
Franche-Comté par exemple, marquent les esprits pour des décennies et restent dans la
mémoire collective pendant plus d’un siècle, alimentant en chaîne le cycle infernal des repré-
sailles et de la vengeance.
Certaines régions de l’Allemagne ou de la France actuelles comme la Lorraine sortent de
cet interminable conflit ruinées, dévastées, dépeuplées pour de longues années.
Images: ‘Les Grandes Misères de la guerre’, série de 18 eaux-fortes réalisée par Jacques Callot, éditées en 1633 :
1) La maraude. 2) Le pillage d’une ferme. 3) Le vol sur les grand routes ppar les soldats. 4) L’estrapade (un condamné est
attaché à l'estrapade, du haut de laquelle il va être précipité). 5) La pendaison. 6) L’arquebusade (un condamné attaché à un
poteau est arquebusé par des soldats). 7) Le bûcher (pour les brûleurs d'églises et de maisons). 8) La revanche des paysans
(des soldats revenant du pillage ont été guettés à l'entrée d'une forêt par des paysans qui les massacrent et les dépouillent).
Quelques chefs de guerre
et leur financeur
Des fortunes colossales sont amassées sur le malheur des popula-
tions par des hommes sans scrupules tels que Wallenstein, Liechtenstein,
Pappenheim ou de Witt.
Albrecht von Wallenstein (1583-1634), Bohémien converti au
catholicisme en 1606, sillonne l'empire avec ses troupes, incendie la ville de
Louny, conquiert la Silésie, mène grand train dans son palais à Prague.
Pour entretenir son armée et ne pas dépendre des finances impériales, il
s'appuie sur l'impôt direct en Bohême et sur l'impôt et les revenus imposés
aux territoires qu'il occupe. En 1620, son armée compte 129 000 hommes
et 18 000 cavaliers.
Il développe au plus haut point le principe selon lequel « la guerre
doit financer la guerre » c’est-à-dire que l’exploitation économique des pays
conquis doit être la ressource principale de l’armée en campagne, quitte à
demander à des financiers des avances sur le tribut à percevoir.
Charles Ier de Liechtenstein (1569-1627), est le premier prince
souverain de la maison de Liechtenstein. Protestant, il se convertit au
catholicisme en 1599. Élevé au rang de prince du Saint-Empire, il rejoint la
Ligue catholique et joue un rôle important dans l'arrestation et l'exécution
des insurgés de Bohême après leur défaite lors de la bataille de la
Montagne-Blanche, près de Prague, en 1620.
Quelques chefs de guerre
Pappenheim, maréchal du Saint-Empire, commande un
régiment de cavalerie pour le compte de la Ligue et de l'Empereur.
En 1617 il combat victorieusement les envahisseurs suédois aux
côtés des Polonais.
En 1623 il est colonel d'une unité de cuirassiers, une des unités
de cavalerie les plus réputées de cette guerre, ‘le régiment de
Pappenheim’. Jusqu'en 1625 il combat pour l'empereur en
Lombardie et après de durs combats, il écrase un soulèvement de
paysans en Haute-Autriche en 1626. L'année suivante il s’empare
de la forteresse de Wolfenbüttel, l’une des mieux défendues d’Alle-
magne du Nord.
En 1631, il donne l’assaut de Magdebourg : un incendie réduit
pratiquement la ville en cendres. Son régiment s'illustre à la bataille
de Breitenfeld (1631). Faisant chemin vers la Westphalie, il pille puis
incendie Langensalza. Il obtient une rançon de 17 000 thalers pour
ne pas incendier Dortmund.
En 1632, il échoue à prendre Maastricht, se replie et pille les
pays traversés. Il est mortellement blessé en nov. 1632 à la bataille
de Lützen face aux Suédois.
Images : Le maréchal Gottfried Heinrich von Pappenheim (1594-1632)
Cuirassiers de Pappenheim tirant au pistolet
Quelques chefs et fauteurs de guerre
Hans de Witte (1583-1630), financier calviniste d'origine flamande
installé à Prague, fonde en 1622 un consortium avec le financier Jacob
Bassevi, le prince Charles de Liechtenstein, le chef de guerre Wallenstein
et le secrétaire impérial en Bohême Paul Michna von Vacínov. Pour s’enri-
chir, il organise une dévaluation du florin, provoquant une inflation qui
ruine la population.
Le comte de Tilly (1559-1632), chef de guerre brabançon, est
commandant en chef des armées de la Ligue catholique et du Saint-
Empire romain germanique pendant la première partie de la guerre.
Durant de nombreuses années, il ravage les pays ennemis insuffisam-
ment enclins selon lui à coopérer.
En France, le cardinal de Richelieu suggère au roi de France
Louis XIII en 1634 que la Bourgogne et la Franche-Comté seraient faciles
à conquérir dans ce contexte. La France cesse les hostilités en 1644 en
échange de 40 000 écus.
Images :
- Florin du 16e siècle (frappé sous Charles Quint)
- Jean t'Serclaes, comte de Tilly (1559-1632). Napoléon Bonaparte aura pour lui beaucoup
d'admiration et rendra visite à son tombeau, qu'il fera ouvrir…
- Armand Jean du Plessis de Richelieu (1585-1642), cardinal, principal Ministre d’État de Louis XIII.
il rénove la vision de la raison d'État* et en fait la clef de voûte de ses méthodes de gouvernement.
* La raison d'État est le principe politique en vertu duquel l’intérêt de l’État, conçu comme
une préoccupation supérieure émanant de l'intérêt général, peut nécessiter de déroger à certaines
règles juridiques ou morales.
Le bilan humain de la guerre
Les batailles, les massacres, les maladies et les famines, provoquent plusieurs
millions de morts, tant civils que militaires. Les dégâts causés par les combats et la
circulation incessante des troupes armées en campagne ou en débandade sont
considérables.
Selon les estimations des historiens, la guerre de Trente Ans a causé entre 8 et
10 millions de morts. Elle est l'un des conflits les plus dévastateurs de l'histoire
européenne.
Menée principalement sur le territoire du Saint Empire (l'Allemagne moderne) et
en grande partie sur le dos des populations civiles, elle emporte un tiers de sa
population.
Les nationalistes Allemands se serviront de cette guerre à des fins de propa-
gande, tant pour la Première que pour la Deuxième Guerre mondiale.
Images :
- La guerre de Trente Ans en Alsace
- Sac et incendie de Magdebourg, le 20 mai 1631, par les soldats de la Ligue catholique commandés par le
général Tilly. Il s'agit du plus grand massacre de la guerre de Trente Ans, tant par l'étendue des pertes humaines
que par la cruauté de la tuerie. 20 000 civils meurent dans le massacre et l’incendie, 5 000 mourront des consé-
quences de la famine et des épidémies. La dévastation est si grande que l'expression "magdebouriser"
(magdeburgisieren) reste pendant des décennies synonyme de destruction, de viol et de pillage. Tilly n'aurait pas
ordonné ce massacre, mais l'aurait considéré comme un dommage collatéral acceptable étant donné qu'il
défendait à ses yeux une juste cause.
La guerre en Lorraine et en Franche-Comté
La guerre de Dix Ans (1634-1644) est l'épisode comtois de la guerre de Trente
Ans. Elle a pris ce nom sous la plume de l'historien comtois Jean Girardot de Nozeroy,
contemporain des faits. Les épisodes les plus marquants sont les sièges de Dôle,
Champlitte, St Jean de Losne, les batailles de Savigny, Martignat, Oyonnax, Cornod,
les sièges de St Amour, St Claude, Moirans, Lons-le-Saunier, les batailles de Poligny.
À Pierrecourt, totalement détruit par les flammes, les habitants sont tous exécutés. Le
bailliage d'Amont est saccagé aussi bien par ses ennemis, les Français, que par ses
alliés, les Lorrains. St Hippolyte est incendié, Morteau et Montbenoît sont pillés et
ravagés, tous les villages sont brûlés entre Pontarlier et Salins-les-Bains. En 10 ans, la
guerre, la peste et la famine ont dévasté la région. Le bilan est extrêmement lourd :
des dizaines de villes incendiées, 70 châteaux brûlés, 150 villages anéantis, des
dizaines de milliers de morts.
Pendant près de trente ans, des armée venues de toute l'Europe (Suède, Espagne,
France), ravagent les campagnes de Lorraine, torturent les populations, se livrent de
furieux assauts, pillent les villes. La guerre et surtout les épidémies de peste
bubonique et de typhus qui l'accompagnent, provoquent la plus grande catastrophe
économique et démographique de l'histoire de la Lorraine. Le prix du blé atteint des
sommets, poussant les habitants à se nourrir de racines et d'herbes. La densité en
milieu rural est passe de 17,5 à 7 habitants au km2. La taille moyenne des villages
tombe de 175 à 60 habitants. D'une manière globale, la perte démographique est de
60%. La population de Nancy tombe de 16 000 habitants à environ 5 000 en 1656.
Bilan politique de la guerre
Au-delà des conséquences politiques (affaiblissement du Saint
Empire, indépendance des Pays-Bas et de la Suisse, hégémonie de
la France, etc.), cet affrontement entre empires, entre protestantisme
et catholicisme, entre féodalité et absolutisme a lourdement pesé sur
la démographie et l'économie des États allemands, de la Lorraine et de la
Franche-Comté et du royaume d'Espagne.
Avec la paix des traités de Westphalie* (traités de Münster et d'Osna-
brück en oct. 1648) et des Pyrénées** (nov. 1659) qui remodèlent la carte
de l’Europe, le problème politique d'obtention d'une paix civile se solde par
la victoire de l'absolutisme. De ce modèle politique, théorisé par des philoso-
phes tels que Jean Bodin et Thomas Hobbes, naît le concept de l'État
moderne, c'est-à-dire une entité exerçant dans ses frontières le monopole
de la violence légitime et se défendant à l'extérieur par une armée nationale.
Sur le plan religieux, le principe exprimé par la maxime latine Cujus regio,
ejus religio (À chaque État, la religion de son prince) se voit réaffirmé.
La paix de Westphalie jette les bases du jus publicum europæum (le
droit public européen) : un système nouveau et stable de relations
internationales, fondé sur un équilibre entre des États chacun titulaire de la
souveraineté intérieure et extérieure ; les guerres sont désormais conçues
comme des conflits non religieux d’État souverain à État souverain.
Image du haut : Ratification du traité de Münster
* La France, garante de la paix, obtient la Haute-Alsace et les Trois-Évêchés (Toul, Metz et Verdun).
** L’Espagne cède l'Artois et le Roussillon.
La mémoire
de la guerre de Trente Ans
Malgré son caractère global, cette guerre "guerre civile europé-
enne" continue d’être perçue d’un point de vue national dans la mémoire des
principaux protagonistes : moment de résistance pour les Tchèques, sou-
venir de massacres et d’humiliation politique chez les Allemands, glorification
par les Suédois de leur roi Gustave II Adolphe tombé au combat, accents
épiques de Bossuet évoquant la victoire de Rocroi sur les Espagnols, etc.
En 2018, 400 ans après la défénestration de Prague et 100 ans après
la fin de la Première Guerre mondiale, un colloque* ‘Guerre de Trente Ans :
une mémoire européenne est-elle possible ?’ a permis de confronter les
points de vue d’historiens spécialistes des pays alors belligérants.
En 2019, l’Université de Paris Est-Créteil a organisé un colloque
international ‘La mémoire de la guerre de Trente Ans dans la littérature et les
arts aux 20e et 21e siècles’.
Des colloques ont eu lieu sur les liens entre la religion et la guerre
durant cette période.
* Colloque organisé le 28 mai 2018 par la ‘Maison Heinrich Heine’ à Paris en coopération avec
l'Institut historique allemand et l'Université Paris 8 et avec le soutien de la ‘Fondation Heinrich Böll’.
Historiens : Nicolas Richard, Sven Externbrinck, Laurent Jalabert, Éric Schnakenbourg. Modérateur :
René Marc-Pille
Image : - Friede (‘Paix’) 1648, portail de l’Hôtel de ville d’Osnabrück où a été signé le 24 octobre
1648 un des traités de Westphalie entre le Saint-Empire romain germanique et le royaume de Suède
pour mettre fin à la guerre de Trente Ans.
Quelles leçons pour aujourd’hui ?
Herfried Münkler, célèbre politologue allemand, établit des parallèles
entre la guerre de Trente ans et la situation actuelle au Proche-Orient :
« Tout d’abord la complexité des alliances et des hostilités changeantes
qui étaient typiques à la guerre de Trente Ans. Celui qui était hier un allié
peut être un adversaire dès demain. Ce qui se passe actuellement au
Proche-Orient est comparable. Dans les deux cas, de grandes puissances
régionales agissaient ou agissent dans l’ombre. Au XVIIe siècle il faut citer
essentiellement l’Espagne et la France ; aujourd’hui c’est la Turquie, l’Arabie
Saoudite et l’Iran. (…)
Chacune pensait qu’elle était sur la voie du succès et pouvait s’impo-
ser. Cela a sans cesse mobilisé de nouveaux adversaires sans toutefois,
finalement, apporter des changements stratégiques décisifs. C’est leur
épuisement, lié à la dévastation de vastes régions et à leur dépeuplement
qui les a finalement conduits à négocier la fin de la guerre. Ce n’est pas une
bonne nouvelle pour le Proche-Orient… »
- Herfried Münkler, né en 1951, politologue et professeur à l'université Humboldt de Berlin. Il est
auteur des nombreuses monographies sur la théorie et l'histoire de la guerre.
- Son livre La guerre de Trente Ans, catastrophe européenne, traumatisme allemand (2017)
La mémoire de la guerre de Trente Ans
Monuments, statues, rues
Beaucoup de monuments, ruines, statues, rues et places commé-
morent la guerre, mais omettent souvent de montrer l’absurdité de ces
guerres et la petitesse d’esprit de leurs initiateurs.
Images :
- Le Kulturhistorisches Museum (‘Musée culturel et historique’) à Magdebourg (Allemagne)
- Ruines du château de Nozeroy (Jura, France), pris et détruit en 1639
- Musée de la bataille de Rocroy et de la guerre de Trente Ans‘ à Rocroy (Ardennes, France)
- Statue de Wallenstein à Frydlant (République tchèque)
- Statue de Pappenheim à Treuchtlingen (Bavière, Allemagne)
- Statue de Jean t'Serclaes, comte de Tilly, à Munich (Bavière, Allemagne). Jusqu'à nos jours, Tilly
reste un sujet de controverses, tant dans son village natal qu'en Bavière, dont il servit le prince. À
Villers, l'historien Michel Majoros s'opposa en 1998 au folklore tillyesque, la fête Tilly, la bière Tilly,
la rue Tilly, etc. Selon lui, une personne avec des mains tellement ensanglantées ne pouvait pas
être célébrée comme attraction touristique sans y ajouter une réflexion critique. Un débat public
sous le titre « Tilly, saint ou criminel de guerre ? » fut organisé. En 2010 une vive discussion
éclata entre les bourgmestres d'Altötting et de Magdebourg, quand le premier voulut baptiser une
école secondaire « École Tilly »
La mémoire de la Guerre de Trente ans
Livres, BD, revues
La mémoire de la Guerre de Trente ans
Films, documentaires, Internet
Le ‘Musée protestant’ (anciennement ‘Musée virtuel du protestantisme’), créé en
2003 par la ‘Fondation pasteur Eugène Bersier’, présente très bien la guerre de
Trente Ans comme « une guerre religieuse et politique qui dévasta l’Allemagne au
XVIIe siècle. Conflit d’abord religieux entre les princes protestants et la maison
des Habsbourg, souveraine du Saint-Empire, elle dégénéra en guerre europé-
enne du fait de l’intervention de puissances étrangères, essentiellement la Suède
et la France. »
Il consacre aussi notamment des pages
- aux guerres de religion en Europe du 16ème au 19ème siècle,
- à Turenne (1611-1675), converti du protestantisme au catholicisme, chef
militaire à la tête de l’armée d’Allemagne de 1644 à 1648 pendant la guerre de
Trente Ans. ■
Image ci-dessus : Le petit documen-
taire en 6,19 mn sur la Guerre de
Trente Ans de la chaîne TéléCrayon,
spécialisée en histoire et géographie,
montre avec humour la complexité et
l’absurdité de ces guerres à base de
fanatisme religieux et d’ambitions
politiques et économiques.

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Mémoire et reconnaissance de crimes du passé. — 12c. Mémoire des guerres : la guerre de Trente ans

  • 1. Diaporamas ‘De l’offense à la réconciliation’ Série ‘Mémoire et reconnaissance de crimes du passé’ 12 - La mémoire des guerres 12.c - La guerre de Trente Ans Étienne Godinot 29.11.2023
  • 2. La série de diaporamas ‘De l’offense à la réconciliation’ Sommaire : Rappel Série 1 : Mémoire et reconnaissance de crimes du passé 1 - Introduction 2 - La mémoire de l’esclavage 3 - La mémoire du colonialisme 4 - La mémoire du génocide des Arméniens 5 - La mémoire de la Shoah 6-1 - La mémoire des crimes des pouvoirs communistes 6-2 - La mémoire des crimes des pouvoirs communistes 7 - La mémoire des crimes commis par les États-Unis 8 - La mémoire des crimes des Khmers rouges au Cambodge 9 - La mémoire du génocide du Rwanda 10 - La mémoire des crimes commis pendant les guerres en ex-Yougoslavie 11 - La mémoire de l’apartheid en Afrique du Sud 12 - La mémoire des guerres 13 - La mémoire des crimes commis par les institutions religieuses Série 2 : Justice, pardon et réconciliation 1 - Justice, pardon et réconciliation : dissiper les malentendus 2 - Pardon et réconciliation entre personnes 3 - Pardon et réconciliation entre groupes humains 4 - La réconciliation franco-allemande 5-1 - L’Algérie et la France : de 1830 à 1962 5-2 - L’Algérie et la France : depuis 1962 6 - Le Japon et les traces de sa période impériale en Asie du Sud-Est 7 - La Chine. Une volonté de revanche ? 8 - Institutions en faveur de la justice et des droits humains. 9 - Relire et dépasser le passé pour inventer l’avenir
  • 3. 12 - La mémoire des guerres Sommaire Introduction 1 - La mémoire de guerres jusqu’à la fin du 19ème siècle 2 - La mémoire de la Première Guerre mondiale (1914-1918) 3 - La mémoire de la Deuxième Guerre mondiale (1930-1945) 4 - La mémoire des guerres de décolonisation de la France
  • 4. La mémoire de la guerre de Trente Ans (1618-1648) La guerre de Trente Ans est une série de conflits armés qui déchirent l’Europe de mai 1618 à mai 1648. Les causes en sont multiples, mais ses éléments déclencheurs sont la révolte des sujets tchèques protestants de la maison de Habsbourg*, la répression qui s'ensuivit, et le désir des Habsbourg d’accroître leur hégémonie et celle de la religion catholique dans le Saint-Empire. La plupart des nations d'Europe participent peu à peu à cette guerre : l'Angleterre, le Danemark, la France, les Pays-Bas, l'Espagne, le St Empire romain germanique, la Suède et la Pologne-Lituanie, chacun se battant sur des bases religieuses. Image du bas : Les nobles protestants de Bohême s’étaient échauffés quand, au début de l'année 1618, l'archevêque de Prague avait fait détruire un temple protestant à Klostergrab (aujourd'hui Hrob). En abrogeant la ‘lettre de majesté’, décret de 1609 qui accordait la liberté religieuse en Bohême, l’empereur Mathias met le feu aux poudres : le 23 mai 1618 les Protestants de cette région se rebellent et précipitent par les fenêtres du palais royal deux gouverneurs impériaux catholiques et leur greffier. Les 3 hommes, tombés de 16 mètres sur un tas de fumier, en sont quittes pour quelques blessures et une belle peur, mais le pouvoir catholique réprime le soulèvement, et l’abrogation enflamme les Protestants de Bohème contre les Habsbourg.
  • 5. Des conflits complexes aux motifs enchevêtrés Ces conflits opposent le camp des Habsbourg d’Espa- gne et du Saint-Empire romain germanique, soutenus par la papauté, aux États allemands protestants du Saint-Empire, auxquels sont alliées les puissances européennes voisines à majorité protestante, Provinces-Unies et pays scandinaves, ainsi que la France qui, bien que catholique et luttant chez elle contre les Protestants, entend réduire la puissance des Habsbourg sur le continent européen… Ces conflit sont complexes, aux motifs religieux et politiques enchevêtrés, aux contours flous et mouvants, les partis confessionnels étant eux-mêmes profondément divisés et les alliances souvent impro- bables. Lors de bataille de la Montagne Blanche, en 1620, les troupes impériales et de la Ligue catholique écrasent les protestants de Bohème. Images : - Bataille de la Montagne Blanche, près de Prague, le 8 nov. 1620. Une armée d'environ 21 000 hommes, pour le compte de Frédéric V, roi protestant de Bohème, s’oppose aux forces du Saint-Empire combinées aux forces de la Ligue catholique (alliance des États allemands catholi- ques du St Empire) regroupant ainsi 29 000 hommes, qui obtiennent une victoire écrasante. - Représentation du carme déchaux espagnol Domenico Ruzzola (en religion Domenico di Gesù Maria, 1559-1630). Au cours de la bataille de la Montagne Blanche, il exhibe au milieu de troupes une image de l'adoration des bergers mutilée par des iconoclastes, ce qui galvanise les soldats catholiques… La liberté de religion est ensuite supprimée dans le St Empire. - Cavalier de la guerre de Trente Ans
  • 6. Grandes étapes de la guerre On analyse traditionnellement cette guerre en 4 périodes successives, correspondant chacune à une augmentation du nombre des protagonistes. Chacune des 3 premières périodes se termine en effet par un succès du camp impérial et catholique, ce qui détermine un nouvel acteur à entrer en lice pour voler au secours du camp protestant. 1 - la période bohémienne et palatine : 1618-1625 (siège de Pilsen en 1618, batailles de Bautzen et de la Montagne-Blanche en 1620, de Fleurus en 1622, de Stadtlohn en 1623) 2 - la période danoise : 1625-1629 (bataille de Neuhäusel en 1626, paix de Lübeck en 1629) 3 - la période suédoise 1630-1635 (traité de Bärwald, sac de Magdebourg, batailles de Breintenfeld en 1631, de Rain-am-Lech en 1632, de Lützen en 1632, de Ratisbonne et de Nördlingen en 1634) 4 - la période française ou franco-suédoise : 1635-1648 (bataille des Avins et paix de Prague en 1635, bataille de Dole, siège de St Jean-de-Losne, batailles de Corbie, de St Jean-de- Luz, de Wittstock, de Landrecies, Maubeuge et La Capelle en 1636, siège de Fontarrabie, destruc- tion d’une flotte espagnole, bataille de Brisach et de Zouafques en 1638, d’Hesdin en 1639, bataille d’Arras et siège de Tarragone en 1640, siège de Presnitz, batailles de Montjuic, d’Ivrée, de Coni et de Wolfenbüttel et en 1641, de Kempen, de Leipzig et de Lerida en 1642, de Rocroi en 1643, bataille navale de Carthagène en 1643, bataille de Tuttlingen, de Fribourg en 1644, de Mergentheim et de Nördlingen en 1645, de Dunkerque en 1646, de Landrecies en 1647, de Zusmarshausen et de Lens en 1648) Images : Batailles de Lützen (nov. 1632), de Rocroi (mai 1643), bataille navale de Carthagène (sept. 1643), siège de Fontarrabie (sept. 1638), batailles de Lérida (oct. 1642), de Lens ( août 1648)
  • 7. Des guerres de mercenaires Les armées en présence sont, avant tout, des armées de merce- naires*, levées par des chefs de guerre qui assurent l'enrôlement, l'arme- ment et le ravitaillement des troupes. Leur paye n’est pas régulièrement assurée sur les budgets des États qui les emploient, les soldats, mal payés, payés avec retard ou pas payés du tout, se rémunèrent par eux-mêmes en sévissant sur les populations civiles, qu’elles soient "ennemies" ou de leur propre bord. Les combats se déroulent surtout dans les territoires d’Europe centrale dépendant du Saint-Empire, puis se portent sur la plaine de Flandre, le nord de la péninsule italienne ou encore dans la péninsule ibérique. * Un mercenaire est un combattant de métier qui est recruté moyennant finances par un État, une entreprise, un mouvement politique ou toute autre organisation, en dehors du système statutaire de recrutement militaire d'un pays. Ex. actuel : les milices Wagner au service de la Russie de Poutine. Image du bas : La discipline n'existe que pendant le combat - et encore !. Le soldat de la guerre de Trente Ans, quel que soit son parti, et dont le portrait est bien dépeint dans le roman de Hans Jakob Christoffel von Grimmelshausen, Les Aventures de Simplicius Simplicissimus (1668), a laissé un durable souvenir de terreur.
  • 8. Les horreurs de la guerre Paysans et citadins sont soumis aux exactions de la soldatesque, à des dégâts innom- brables, aux disettes et aux épidémies qui s’ensuivent. Les exactions sont multiples : tortures, massacres en masse d’innocents, viols, assassinats, etc. Des épisodes comme ceux du sac de Magdebourg par l'armée catholique de Tilly en 1631, les atrocités commises au Palatinat ou en Franche-Comté par exemple, marquent les esprits pour des décennies et restent dans la mémoire collective pendant plus d’un siècle, alimentant en chaîne le cycle infernal des repré- sailles et de la vengeance. Certaines régions de l’Allemagne ou de la France actuelles comme la Lorraine sortent de cet interminable conflit ruinées, dévastées, dépeuplées pour de longues années. Images: ‘Les Grandes Misères de la guerre’, série de 18 eaux-fortes réalisée par Jacques Callot, éditées en 1633 : 1) La maraude. 2) Le pillage d’une ferme. 3) Le vol sur les grand routes ppar les soldats. 4) L’estrapade (un condamné est attaché à l'estrapade, du haut de laquelle il va être précipité). 5) La pendaison. 6) L’arquebusade (un condamné attaché à un poteau est arquebusé par des soldats). 7) Le bûcher (pour les brûleurs d'églises et de maisons). 8) La revanche des paysans (des soldats revenant du pillage ont été guettés à l'entrée d'une forêt par des paysans qui les massacrent et les dépouillent).
  • 9. Quelques chefs de guerre et leur financeur Des fortunes colossales sont amassées sur le malheur des popula- tions par des hommes sans scrupules tels que Wallenstein, Liechtenstein, Pappenheim ou de Witt. Albrecht von Wallenstein (1583-1634), Bohémien converti au catholicisme en 1606, sillonne l'empire avec ses troupes, incendie la ville de Louny, conquiert la Silésie, mène grand train dans son palais à Prague. Pour entretenir son armée et ne pas dépendre des finances impériales, il s'appuie sur l'impôt direct en Bohême et sur l'impôt et les revenus imposés aux territoires qu'il occupe. En 1620, son armée compte 129 000 hommes et 18 000 cavaliers. Il développe au plus haut point le principe selon lequel « la guerre doit financer la guerre » c’est-à-dire que l’exploitation économique des pays conquis doit être la ressource principale de l’armée en campagne, quitte à demander à des financiers des avances sur le tribut à percevoir. Charles Ier de Liechtenstein (1569-1627), est le premier prince souverain de la maison de Liechtenstein. Protestant, il se convertit au catholicisme en 1599. Élevé au rang de prince du Saint-Empire, il rejoint la Ligue catholique et joue un rôle important dans l'arrestation et l'exécution des insurgés de Bohême après leur défaite lors de la bataille de la Montagne-Blanche, près de Prague, en 1620.
  • 10. Quelques chefs de guerre Pappenheim, maréchal du Saint-Empire, commande un régiment de cavalerie pour le compte de la Ligue et de l'Empereur. En 1617 il combat victorieusement les envahisseurs suédois aux côtés des Polonais. En 1623 il est colonel d'une unité de cuirassiers, une des unités de cavalerie les plus réputées de cette guerre, ‘le régiment de Pappenheim’. Jusqu'en 1625 il combat pour l'empereur en Lombardie et après de durs combats, il écrase un soulèvement de paysans en Haute-Autriche en 1626. L'année suivante il s’empare de la forteresse de Wolfenbüttel, l’une des mieux défendues d’Alle- magne du Nord. En 1631, il donne l’assaut de Magdebourg : un incendie réduit pratiquement la ville en cendres. Son régiment s'illustre à la bataille de Breitenfeld (1631). Faisant chemin vers la Westphalie, il pille puis incendie Langensalza. Il obtient une rançon de 17 000 thalers pour ne pas incendier Dortmund. En 1632, il échoue à prendre Maastricht, se replie et pille les pays traversés. Il est mortellement blessé en nov. 1632 à la bataille de Lützen face aux Suédois. Images : Le maréchal Gottfried Heinrich von Pappenheim (1594-1632) Cuirassiers de Pappenheim tirant au pistolet
  • 11. Quelques chefs et fauteurs de guerre Hans de Witte (1583-1630), financier calviniste d'origine flamande installé à Prague, fonde en 1622 un consortium avec le financier Jacob Bassevi, le prince Charles de Liechtenstein, le chef de guerre Wallenstein et le secrétaire impérial en Bohême Paul Michna von Vacínov. Pour s’enri- chir, il organise une dévaluation du florin, provoquant une inflation qui ruine la population. Le comte de Tilly (1559-1632), chef de guerre brabançon, est commandant en chef des armées de la Ligue catholique et du Saint- Empire romain germanique pendant la première partie de la guerre. Durant de nombreuses années, il ravage les pays ennemis insuffisam- ment enclins selon lui à coopérer. En France, le cardinal de Richelieu suggère au roi de France Louis XIII en 1634 que la Bourgogne et la Franche-Comté seraient faciles à conquérir dans ce contexte. La France cesse les hostilités en 1644 en échange de 40 000 écus. Images : - Florin du 16e siècle (frappé sous Charles Quint) - Jean t'Serclaes, comte de Tilly (1559-1632). Napoléon Bonaparte aura pour lui beaucoup d'admiration et rendra visite à son tombeau, qu'il fera ouvrir… - Armand Jean du Plessis de Richelieu (1585-1642), cardinal, principal Ministre d’État de Louis XIII. il rénove la vision de la raison d'État* et en fait la clef de voûte de ses méthodes de gouvernement. * La raison d'État est le principe politique en vertu duquel l’intérêt de l’État, conçu comme une préoccupation supérieure émanant de l'intérêt général, peut nécessiter de déroger à certaines règles juridiques ou morales.
  • 12. Le bilan humain de la guerre Les batailles, les massacres, les maladies et les famines, provoquent plusieurs millions de morts, tant civils que militaires. Les dégâts causés par les combats et la circulation incessante des troupes armées en campagne ou en débandade sont considérables. Selon les estimations des historiens, la guerre de Trente Ans a causé entre 8 et 10 millions de morts. Elle est l'un des conflits les plus dévastateurs de l'histoire européenne. Menée principalement sur le territoire du Saint Empire (l'Allemagne moderne) et en grande partie sur le dos des populations civiles, elle emporte un tiers de sa population. Les nationalistes Allemands se serviront de cette guerre à des fins de propa- gande, tant pour la Première que pour la Deuxième Guerre mondiale. Images : - La guerre de Trente Ans en Alsace - Sac et incendie de Magdebourg, le 20 mai 1631, par les soldats de la Ligue catholique commandés par le général Tilly. Il s'agit du plus grand massacre de la guerre de Trente Ans, tant par l'étendue des pertes humaines que par la cruauté de la tuerie. 20 000 civils meurent dans le massacre et l’incendie, 5 000 mourront des consé- quences de la famine et des épidémies. La dévastation est si grande que l'expression "magdebouriser" (magdeburgisieren) reste pendant des décennies synonyme de destruction, de viol et de pillage. Tilly n'aurait pas ordonné ce massacre, mais l'aurait considéré comme un dommage collatéral acceptable étant donné qu'il défendait à ses yeux une juste cause.
  • 13. La guerre en Lorraine et en Franche-Comté La guerre de Dix Ans (1634-1644) est l'épisode comtois de la guerre de Trente Ans. Elle a pris ce nom sous la plume de l'historien comtois Jean Girardot de Nozeroy, contemporain des faits. Les épisodes les plus marquants sont les sièges de Dôle, Champlitte, St Jean de Losne, les batailles de Savigny, Martignat, Oyonnax, Cornod, les sièges de St Amour, St Claude, Moirans, Lons-le-Saunier, les batailles de Poligny. À Pierrecourt, totalement détruit par les flammes, les habitants sont tous exécutés. Le bailliage d'Amont est saccagé aussi bien par ses ennemis, les Français, que par ses alliés, les Lorrains. St Hippolyte est incendié, Morteau et Montbenoît sont pillés et ravagés, tous les villages sont brûlés entre Pontarlier et Salins-les-Bains. En 10 ans, la guerre, la peste et la famine ont dévasté la région. Le bilan est extrêmement lourd : des dizaines de villes incendiées, 70 châteaux brûlés, 150 villages anéantis, des dizaines de milliers de morts. Pendant près de trente ans, des armée venues de toute l'Europe (Suède, Espagne, France), ravagent les campagnes de Lorraine, torturent les populations, se livrent de furieux assauts, pillent les villes. La guerre et surtout les épidémies de peste bubonique et de typhus qui l'accompagnent, provoquent la plus grande catastrophe économique et démographique de l'histoire de la Lorraine. Le prix du blé atteint des sommets, poussant les habitants à se nourrir de racines et d'herbes. La densité en milieu rural est passe de 17,5 à 7 habitants au km2. La taille moyenne des villages tombe de 175 à 60 habitants. D'une manière globale, la perte démographique est de 60%. La population de Nancy tombe de 16 000 habitants à environ 5 000 en 1656.
  • 14. Bilan politique de la guerre Au-delà des conséquences politiques (affaiblissement du Saint Empire, indépendance des Pays-Bas et de la Suisse, hégémonie de la France, etc.), cet affrontement entre empires, entre protestantisme et catholicisme, entre féodalité et absolutisme a lourdement pesé sur la démographie et l'économie des États allemands, de la Lorraine et de la Franche-Comté et du royaume d'Espagne. Avec la paix des traités de Westphalie* (traités de Münster et d'Osna- brück en oct. 1648) et des Pyrénées** (nov. 1659) qui remodèlent la carte de l’Europe, le problème politique d'obtention d'une paix civile se solde par la victoire de l'absolutisme. De ce modèle politique, théorisé par des philoso- phes tels que Jean Bodin et Thomas Hobbes, naît le concept de l'État moderne, c'est-à-dire une entité exerçant dans ses frontières le monopole de la violence légitime et se défendant à l'extérieur par une armée nationale. Sur le plan religieux, le principe exprimé par la maxime latine Cujus regio, ejus religio (À chaque État, la religion de son prince) se voit réaffirmé. La paix de Westphalie jette les bases du jus publicum europæum (le droit public européen) : un système nouveau et stable de relations internationales, fondé sur un équilibre entre des États chacun titulaire de la souveraineté intérieure et extérieure ; les guerres sont désormais conçues comme des conflits non religieux d’État souverain à État souverain. Image du haut : Ratification du traité de Münster * La France, garante de la paix, obtient la Haute-Alsace et les Trois-Évêchés (Toul, Metz et Verdun). ** L’Espagne cède l'Artois et le Roussillon.
  • 15. La mémoire de la guerre de Trente Ans Malgré son caractère global, cette guerre "guerre civile europé- enne" continue d’être perçue d’un point de vue national dans la mémoire des principaux protagonistes : moment de résistance pour les Tchèques, sou- venir de massacres et d’humiliation politique chez les Allemands, glorification par les Suédois de leur roi Gustave II Adolphe tombé au combat, accents épiques de Bossuet évoquant la victoire de Rocroi sur les Espagnols, etc. En 2018, 400 ans après la défénestration de Prague et 100 ans après la fin de la Première Guerre mondiale, un colloque* ‘Guerre de Trente Ans : une mémoire européenne est-elle possible ?’ a permis de confronter les points de vue d’historiens spécialistes des pays alors belligérants. En 2019, l’Université de Paris Est-Créteil a organisé un colloque international ‘La mémoire de la guerre de Trente Ans dans la littérature et les arts aux 20e et 21e siècles’. Des colloques ont eu lieu sur les liens entre la religion et la guerre durant cette période. * Colloque organisé le 28 mai 2018 par la ‘Maison Heinrich Heine’ à Paris en coopération avec l'Institut historique allemand et l'Université Paris 8 et avec le soutien de la ‘Fondation Heinrich Böll’. Historiens : Nicolas Richard, Sven Externbrinck, Laurent Jalabert, Éric Schnakenbourg. Modérateur : René Marc-Pille Image : - Friede (‘Paix’) 1648, portail de l’Hôtel de ville d’Osnabrück où a été signé le 24 octobre 1648 un des traités de Westphalie entre le Saint-Empire romain germanique et le royaume de Suède pour mettre fin à la guerre de Trente Ans.
  • 16. Quelles leçons pour aujourd’hui ? Herfried Münkler, célèbre politologue allemand, établit des parallèles entre la guerre de Trente ans et la situation actuelle au Proche-Orient : « Tout d’abord la complexité des alliances et des hostilités changeantes qui étaient typiques à la guerre de Trente Ans. Celui qui était hier un allié peut être un adversaire dès demain. Ce qui se passe actuellement au Proche-Orient est comparable. Dans les deux cas, de grandes puissances régionales agissaient ou agissent dans l’ombre. Au XVIIe siècle il faut citer essentiellement l’Espagne et la France ; aujourd’hui c’est la Turquie, l’Arabie Saoudite et l’Iran. (…) Chacune pensait qu’elle était sur la voie du succès et pouvait s’impo- ser. Cela a sans cesse mobilisé de nouveaux adversaires sans toutefois, finalement, apporter des changements stratégiques décisifs. C’est leur épuisement, lié à la dévastation de vastes régions et à leur dépeuplement qui les a finalement conduits à négocier la fin de la guerre. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour le Proche-Orient… » - Herfried Münkler, né en 1951, politologue et professeur à l'université Humboldt de Berlin. Il est auteur des nombreuses monographies sur la théorie et l'histoire de la guerre. - Son livre La guerre de Trente Ans, catastrophe européenne, traumatisme allemand (2017)
  • 17. La mémoire de la guerre de Trente Ans Monuments, statues, rues Beaucoup de monuments, ruines, statues, rues et places commé- morent la guerre, mais omettent souvent de montrer l’absurdité de ces guerres et la petitesse d’esprit de leurs initiateurs. Images : - Le Kulturhistorisches Museum (‘Musée culturel et historique’) à Magdebourg (Allemagne) - Ruines du château de Nozeroy (Jura, France), pris et détruit en 1639 - Musée de la bataille de Rocroy et de la guerre de Trente Ans‘ à Rocroy (Ardennes, France) - Statue de Wallenstein à Frydlant (République tchèque) - Statue de Pappenheim à Treuchtlingen (Bavière, Allemagne) - Statue de Jean t'Serclaes, comte de Tilly, à Munich (Bavière, Allemagne). Jusqu'à nos jours, Tilly reste un sujet de controverses, tant dans son village natal qu'en Bavière, dont il servit le prince. À Villers, l'historien Michel Majoros s'opposa en 1998 au folklore tillyesque, la fête Tilly, la bière Tilly, la rue Tilly, etc. Selon lui, une personne avec des mains tellement ensanglantées ne pouvait pas être célébrée comme attraction touristique sans y ajouter une réflexion critique. Un débat public sous le titre « Tilly, saint ou criminel de guerre ? » fut organisé. En 2010 une vive discussion éclata entre les bourgmestres d'Altötting et de Magdebourg, quand le premier voulut baptiser une école secondaire « École Tilly »
  • 18. La mémoire de la Guerre de Trente ans Livres, BD, revues
  • 19. La mémoire de la Guerre de Trente ans Films, documentaires, Internet Le ‘Musée protestant’ (anciennement ‘Musée virtuel du protestantisme’), créé en 2003 par la ‘Fondation pasteur Eugène Bersier’, présente très bien la guerre de Trente Ans comme « une guerre religieuse et politique qui dévasta l’Allemagne au XVIIe siècle. Conflit d’abord religieux entre les princes protestants et la maison des Habsbourg, souveraine du Saint-Empire, elle dégénéra en guerre europé- enne du fait de l’intervention de puissances étrangères, essentiellement la Suède et la France. » Il consacre aussi notamment des pages - aux guerres de religion en Europe du 16ème au 19ème siècle, - à Turenne (1611-1675), converti du protestantisme au catholicisme, chef militaire à la tête de l’armée d’Allemagne de 1644 à 1648 pendant la guerre de Trente Ans. ■ Image ci-dessus : Le petit documen- taire en 6,19 mn sur la Guerre de Trente Ans de la chaîne TéléCrayon, spécialisée en histoire et géographie, montre avec humour la complexité et l’absurdité de ces guerres à base de fanatisme religieux et d’ambitions politiques et économiques.