Ces deux films sont directement la suite de l'un et de l'autre, ou peut-être même que le second annonce le premier plus qu'il ne le rappelle. Ils sont les bienvenus dans notre monde d'aujourd'hui où l'éducation va devenir, si elle ne l'est pas déjà devenue, un auto-apprentissage guidé et non un gavage des oies que sont les canards tous boiteux de ces élèves. Covid-19, distance, gestes barrières, etc cela veut dire que les apprenants deviennent les maîtres de leur apprentissage. Il va falloir conmpter avec ce que les apprenants veulent enfin apprendre et non ce que l'on veut leur faire ingurgiter... trop souvent de force, vous savez la force didactique des pédagogues patentés qui m'ont souvent dit que quand on sait enseigner on peut enseigner n'importe quelle matière. Ils admettaient parfois que c'était peut-être un peu dur pour une langue que l'on ne connait pas, mais les langues mises à part...
2. JEAN DRÉVILLE – LA CAGE AUX
ROSSIGNOLS – 1945
Ce n'est probablement pas un chef d’œuvre , mais c'est un très bon film. Pas génial car
il est en noir et blanc, car le bâtiment utilisé pour le tournage n'est pas très bon, ou
remarquable en aucune façon. Il est banal et il a l'air d'une prison, en fait c’est une prison.
L'action remonte aux années 1930, apparemment avant le Front Populaire français de 1936,
avant que le système scolaire ne découvre le mot « réforme » qui était alors totalement ignoré,
et avait été ignoré depuis le Premier Empire de Napoléon Ier qui avait instauré le système
scolaire disciplinaire postrévolutionnaire qui a été conçu sur le modèle d'un corps militaire, ou
d’une caserne. Les lois de 1881 sur l'enseignement primaire obligatoire n'ont rien changé à ce
système pseudo-militaire. Il a uniquement interdit la religion dans les écoles publiques d’état
dites de la République. Mais le film sort en septembre 1945, à peine quatre mois après la fin
de la Seconde Guerre Mondiale, 13 mois après la libération de Paris, 15 mois après la
libération de Bordeaux. Le film est en fait très proche du sujet et du ton de la pièce de 1935 de
Marcel Pagnol, « Merlusse », sur le même type de situation: un internat pour garçons, avec la
même conquête de complicité et de compréhension entre des enfants difficiles et un chien de
garde en quelque sorte dit surveillant qui s'occupe d'eux dans les différentes études et bien
sûr pour les repas et la nuit.
Dans l'ensemble, c'est la même idée mais dans ce cas, le chien de garde devient
maître de chorale et fait chanter les enfants qui changent par là même. Le film insiste
beaucoup sur l'ancienne méthode napoléonienne bien qu'il n'insiste pas trop sur les mauvais
traitements physiques, les châtiments corporels, et ne parle que d'isolement dans une cellule
sombre sans aucune lumière mais avec des rats pendant des jours d'affilée. La cruauté des
enfants, du moins de certains enfants, n'est pas du tout cachée et le problème de la possibilité
d’une vraie réforme des comportements de ces jeunes est posée comme possible et
souhaitable. L’autoritarisme des chefs de tels établissements est mis à l’index et accusé d’être
le vrai chancre qui ruine tout projet pédagogique. Mais en 1996, un principal de collège au
retour d’une sortie pédagogique à Clermont Ferrand, avec un bus d’enfants et une collègue
supplémentaire, n’avait qu’une question en bouche: « Ils sont tous là ? » Et oui, ils étaient tous
là. Nous n’avons pas dit à ce principal pointilleux qu’il y avait eu un petit incident que nous
avions résolu sans avoir à prendre une sanction, sans parler de la petite leçon de courtoisie à
quelques garçons de la montagne qui se montraient plutôt agressif à l’égard d’un couple de
lesbiennes qui prenaient leur déjeuner dans le même jardin public que nous notre pique-nique.
Nous sommes restés bouche cousue. Les méthodes napoléoniennes n’ont pas encore
complètement disparu de nos écoles, même si des progrès importants ont été faits ces vingt
dernières années, mais il est clair dans ce film que la qualité et la créativité des contenus
pédagogiques, ainsi que la responsabilisation des enfants eux-mêmes dans le processus
d’acquisition du savoir et de socialisation sont fondamentales.
Une question cependant sur l’enfant qui sert de pupitre pour la partition du chef.
Chante-t-il ou est-il un simple objet inerte et silencieux. Là on aurait pu mieux faire.
La fin est émouvante mais ce n’est pas encore vraiment Hollywood. Par contre c’est
vraiment une fin à la Marcel Pagnol. Le bon public devait verser une larme à ce moment-là.
Dr ; Jacques COULARDEAU
3.
4. CHRISTOPHE BARRATIER –
GERARD JUGNOT – LES
CHORISTES – 2004
C’est bien un remake du film “La Cage aux Rossignols” mais avec quelques
changements cruciaux. On garde l’ambiguïté des rossignols, qui sont des oiseaux qui
chantent beaucoup et bien , mais qui sont aussi des objets de piètre qualité, et des gens sans
aucune originalité, bref des individus rejetés par la société, marginalisés dans la société, bref
du rebus social. Mais on quitte cette image d’enfants vus comme du rebus social. C’est
l’institution et son nom qui nous plonge au plus profond de la misère humaine pour des
enfants, le fonds de l’étang, la boue, la fange, bref le rien du tout.
Les dialogues sont parfois fort ressemblants quand ils ne sont pas identiques. Mais on
change l’empaquetage de l’histoire pour quitter le mélodrame pré-hollywoodien. Simplement
deux anciens élèves de cette institution pour enfants difficiles, sans famille ou rejetés par leurs
familles, se rencontrent un soir, ou peu importe quand, le petit qui ne chantait pas car il
attendait le retour de son père de la guerre ou il était mort mais l’enfant ne voulait pas le
croire, d’une part. On a changé de période. On a quitté l’avant-guerre pour passer à l’après-
guerre, probablement juste après la guerre. On n’était plus dans l’absence totale de réforme
d’un système napoléonien caduc et absurde, mais dans une période où on parlait beaucoup
de réforme avec le Plan Langevin-Wallon qui sera magistralement abandonné dès que les
communistes seront virés du gouvernement en 1947. Le film est revu et corrigé dans cette
perspective de ce mot d’ordre “Tous capables” si généreux et vrai fondamentalement mais à
condition que l’on accepte que chacun ne sera capable que de réussir dans ce qu’il voudra
faire. Tous capables de réussir mais pas aux mêmes choses. Même le délinquant qui met le
feu au château est capable de réussir, réussir à fuir la justice, réussir à brûler cette école,
réussir à être l’exploiteur des faibles et l’enquiquineur diabolique des ceusses qui ont un tant
soit peu d’autorité sur lui, ou qui croient en avoir.
Ici on prouve le principe pédagogique premier de Langevin-Wallon en faisant chanter
tous les enfants de cette école, et pourtant un ne chante pas et est l’assistant muet du chef de
choeur, et un autre ne chante pas non plus et est le pupitre du maître de choeur. Serait-ce que
tous ne sont pas capables de chanter, et je ne dis pas de chanter juste?
Le film est bien fait et essaie de montrer comment l’autorité se conquiert par le respect
et la justice et non par le principe absurde action-réaction de tous les apprentis fascistes. Et
c’est la fin qui est le plus marquant changement. Ce pauvre pion qui n’est qu’un raté social car
il ne sait pas se valoriser dans la société, disparait de l’école et pourtant il écrit son aventure là
tout en vivotant en donnant des leçons de musique. Le petit garçon qui ne chantait pas dans
la chorale fuit l’école avec le pion le jour de son licenciement, une fin humoristiquement
impossible puisque cela aurait été dans la loi française la plus simple au moins un enlèvement
sinon un détournement de mineur. Mais c’est ce petit garçon qui a passé toute sa vie avec ce
pion qui l’a sauvé de l’enfer, et c’est lui qui vient voir le chanteur superbe qui a fait toute une
carrière avec une voix d’ange, un contreténor quand il avait 10 ou 12 ans, et qui pourtant a
comme tous les autres oublié le pion, car les enfants oublient facilement leurs moments de
bonheur en s’enfermant dans leurs moments de malheur. Et si avec le temps on oublie le
malheur, on en oublie de la même façon le bonheur. C’est triste, mais souvent dans une vie il
y a ce moment magique et imprévu, parfaitement inattendu, qui fait revenir le passé et alors le
bonheur refait surface, si avec le temps passé, on a su prendre le contrôle du malheur et on a
su le faire taire.
5. C’est ainsi que le petit qui ne chantait pas, Pépinot, ramène la voix d’ange, Pierre
Morhange, à ce passé avec le long mémoire du pion, Clément Mathieu, qu’il a écrit avec l’aide
de Pépinot et pour que ce Pépinot aille le remettre à Pierre Morhange quand lui, Clément
Mathieu, aurait disparu de l’histoire, s’entend de cette vie de médiocrité reconnue et imposée
pour les seule avantages d’une élite tout aussi médiocre mais qui a la bonne chaise là où il
faut et quand il le faut.
Regardez les deux films dans le bon ordre, La Cage aux Rossignols d’abord et les
Choristes ensuite.
Dr. Jacques COULARDEAU