Le marché des boissons rafraîchissantes sans alcool est un marché hyper segmenté possédant une dynamique portée par des marques fortes et de grands groupes. Les entreprises de ce marché connaissent actuellement une grande consommation de leurs produits. Les chercheurs Valérie-Inès De La Ville (Université de Poitiers), Olivier Rampnoux (Université de Poitiers) et Cristina Badulescu (Université de Poitiers) ont exploré ce sujet durant le colloque « Qu’est-ce qu’ils mangent? Construction des pratiques alimentaires à l’adolescence ». Les chercheurs s’intéressent plus particulièrement aux boissons énergisantes, tel que Red Bull, et à l’émergence de ce marché.
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Un conditionnement marketing au fun et à la transgression exploitant des vides juridiques : le cas des boissons énergisantes
1. Qu’est-ce qu’ils mangent ?
Construction des pratiques alimentaires à l’adolescence
85ième congrès de l’ACFAS – Mai 2017 – Montréal, QC
Du conditionnement marketing au fun à la transgression
exploitant des vides juridiques : le cas des boissons
énergisantes....
Valérie-Inés de La Ville
Cristina Badulescu
Olivier Rampnoux
Laboratoire CEREGE – Université de Poitiers
2. Le marché des boissons dites « énergisantes »
• Quelques données chiffrées sur le marché des BRSA
• Un marché hyper segmenté
• Une dynamique portée par des marques fortes et de grands groupes
• Des produits de grande consommation
• L’émergence des boissons énergétiques
• Une subtile distinction : boisson énergétique vs boisson énergisante
• Une évolution juridique qui permet le développement des ventes
• Un marché dominé par une marque forte : Red Bull
• D’où notre questionnement
• Que nous dit cette croissance du marché ?
• Quel sens accorder à la consommation de ce produit ?
• Entre fun et risque : quelles perspectives ?
3. Une réflexion en trois temps
1. Les boissons énergisantes : la transformation d’un marché de niche
en un marché de masse
1. Territoires de marques : du produit interdit à la banalisation de la
consommation
1. La massification de la consommation de boissons énergisantes ne
risque-t-elle pas de générer sa propre contestation ?
4. Les boissons énergisantes : la transformation
d’un marché de niche en un marché de masse
• D’une offre unique à une gamme élargie
• Un premier entrant qui crée la dynamique de marché : Red Bull
• Produit nouveau développé en Autriche au milieu des années 80
• Des composants à forte connotation : Taurine, Caféine, Glucuronolactone
• L’arrivée sur le marché du produit s’est fait dans la polémique
• Avis relativement négatifs des différentes agences de santé publiques
• Application du principe de précaution pour la commercialisation
• Emission de restrictions de consommation (enfants, femmes enceintes)
• Une offre de produits enrichie
• Différents parfums
• Sans sucre
• Différentes marques et arrivées des MDD
5. Les boissons énergisantes : la transformation
d’un marché de niche en un marché de masse
• L’extension de la base de consommateurs
• C’est encore un marché de niche
• Coca Cola (1,1 Milliard de CA) vs Red Bull (83 millions de CA) en 2014 (Nielsen)
• Représente près de 6% du marché des BRSA non gazeuses (LSA 2015)
• Sur le marché des BRSA – segment en croissance (+5,5 % en valeur sur 2015) par
comparaison aux colas et BAF
• Selon différentes études (ANSES/Agence Européenne de Sécurité des aliments/Nielsen)
• 4,1 litres achetés par foyer et par an
• 17% de la population française de plus de 14 ans déclare en consommer au moins une fois
• 44% des foyers français déclare au moins un consommateur
• Majoritairement des hommes (60 %)
• 68 % des ados et 18% des enfants en boivent régulièrement (Communiqué de presse du
Parlement européen)
• Un consommateur sur deux associe la consommation de cette boisson avec de l’alcool
6. Territoires de marques : du produit interdit à
la banalisation de la consommation
• Analyse de la communication des marques : un produit à forte
intensité expérientielle
7. Projection des valeurs d’usage dans un carré sémiotique
VALORISATION PRATIQUE
Logique de besoin
Ergonomie du packaging (Burn)
Qualités gustatives du produit (Red
Bull, Monster)
VALORISATION UTOPIQUE
Logique de rêve
Imaginaire associé aux sports
extrêmes Imaginaire riche, différentes
formes de transgression (Red Bull,
Burn, Monster)
VALORISATION CRITIQUE
Logique de rationalité économique
Baisse des prix (Red Bull, Burn,
Monster)
Engagement éco-responsable (Red
Bull)
VALORISATION LUDIQUE
Logique de plaisir
Le plaisir gustatif (Monster)
Le plaisir des sports extrêmes (Red
Bull, Burn, Monster)
8. Territoires de marques : du produit interdit à
la banalisation de la consommation
• La méta-expérience proposée par ces marques à fort potentiel de
séduction
• Un storytelling initial très bien construit de la part du premier entrant
• Red Bull donne des ailes
• Burn nourrit ton feu (to fuel your fire)
• Monster renferme le maximum d’énergie (to deliver the big bad buzz)
• Dépassement de la boisson fonctionnelle pour devenir une potion magique
• Transformation de l’expérience de consommation pour ré-enchanter le monde :
proposition d’une expérience nouvelle dans une logique de bonheur
• Ré inventer l’expérience de consommation : favoriser tout autant la mise en scène de
soi que la mise en scène de la marque dans une logique d’auto production
• Une méta expérience qui fait la transition entre ce que vit le consommateur (expérience
client) et ce que l’entreprise lui propose de vivre (expérience de la marque)
9. La massification de la consommation de boissons
énergisantes ne risque-t-elle pas de générer sa
propre contestation ?
• De l’émergence de signaux faibles à de sérieuses menaces…
• Une logique d’interactions poussée au maximum
• Points de contacts réels avec la marque
• Espace virtuel d’échange et de rencontre
• Pilotage par un marketing des groupes pour capter l’attention
• Proposition explicite aux consommateurs jeunes de jeunes de vivre leurs propres
expériences
• En cohérence avec leurs valeurs et aspirations
• Mobilisation de leviers identitaires
• Mais de nombreux rapports sanitaires soulignent les effets négatifs de ce type de
consommation
• Mise en tension entre les promesses marketing et la réalité des cas médicaux observés
• La contradiction physiologique de l’ « energy »
10. La massification de la consommation de boissons
énergisantes ne risque-t-elle pas de générer sa
propre contestation ?
• Un marketing confronté aux paradoxes qu’il a lui-même engendrés…
• la logique dynamique du contradictoire « A tout phénomène ou élément ou événement
logique quelconque, et donc au jugement qui le pense, à la proposition qui l'exprime, au
signe qui le symbolise, doit toujours être associé, structuralement et fonctionnellement,
un anti- phénomène ou anti-élément ou anti-événement logique, et donc un jugement,
une proposition, un signe contradictoire et de telle sorte que l’un ne peut jamais qu'être
potentialisé par l‘actualisation de l’autre » (Lupasco 1987, p.9)
• Dans un contexte hyperconcurrentiel qui actualise une communication de masse entre
marques d’envergure mondiale, il convient de s’interroger sur la potentialisation
progressive d’une dénonciation des dangers induits par les boissons énergisantes….
• décrites par le corps médical comme un cocktail de substances chimiques pouvant entraîner
des céphalées, des troubles du sommeil, des chocs cardio-vasculaires et des hépatites
sévères, en particulier si elles sont associées à de l’alcool ou à une effort physique.
11. Après cette première lecture…
• La possibilité d’une action publique de prévention des risques sanitaires ?
• Intervient à ce moment particulier, où un point d’inflexion est en train d’émerger qui
pourrait conduire les marques à être confrontées à une nouvelle régulation et de
nouveaux discours d’éducation à la consommation visant à mettre en garde les jeunes
consommateurs sur les dangers réels de ces produits dans différents contextes de
consommation.
• Pour construire leur capital à long terme, les marques ne devraient-elles pas
s’interroger sur leurs responsabilités ?
• Les limites à donner au storytelling qu’elles construisent…
• Leur collaboration avec le corps médical pour cerner les seuils de nocivité de l’ingestion de
boissons énergisantes selon les occasions de consommation
• Leur participation à une éducation du consommateur pour construire des repères quant à la
consommation des boissons énergisantes
12. Bibliographie
• Arnould, E., et Price, L. River magic : Extraordinary experience and the extended service encounter. Journal of Consumer Research,
20, 1993, p.24-45.
• Badulescu C., La communication numérique en terrain sensible. Le cas des vins Cotnari et Murfatlar, Questions de communication,
n° 28, 2015 pp. 81-100.
• Cohen S. (1972). Folk devils and moral panics, London: Mac Gibbon and Kee, 1972.
• De La Ville V.I, Le marketing comme « pharmakôn » : éléments pour une co-éducation à la consommation, in Bourgne P. (Ed), Le
marketing, poison ou remède ? Les effets du marketing dans une société en crise, Colombelles : EMS, 2013, pp. 77-92.
• De Muelenaer S., De Pelsmacker P. et Dens N., Have no fear : How individuals differing in uncertainty avoidance, anxiety and
chance belief process health risk messages, Journal of Advertising, 2015, 44 (2), pp. 114–125
• Roederer, C., et Filser, M. Le marketing expérientiel: vers un marketing de la cocréation. Paris: Vuibert, 2015
• Frau-Meigs, D. « La panique médiatique entre déviance et problème social : vers une modélisation sociocognitive du risque »,
Questions de communication, 17 | 2010, 223-252.
• Grayson, K., The dangers and opportunities of playful consumption, in Holbrook, M., (dir.), Consumer value: A framework for
analysis and research, London, Routledge, 1999, p. 105-125
• Holt, D., How consumers consume: A typology of consumption practices, Journal of Consumer Research, n°22, 1995, p. 1-16.
• Lupasco S. Le principe d’antagonisme et la logique de l’énergie. Monaco : Le Rocher, 1987.
• Masson E., Représentations de l’alimentation : crise de la confiance et crises alimentaires, Revue Bulletin de Psvchologie, 2011, 4,
pp. 307-314.
• Perret. V. et Josserand E., « La valeur heuristique du paradoxe pour les sciences de l’organisation, dans V. Perret et E. Josserand, Le
Paradoxe : penser et gérer autrement les organisations, Éd. Ellipses, Paris, 2003.
• Vidal-Rosset, J., Qu’est-ce qu’un Paradoxe ?, Vrin - Chemins Philosophiques, 2004, 128 p.