Le rôle central de la médecine interne dans l’évolution des systèmes de santé...
Un cas de mydriase anisocorique chez un chien - CAZALOT - IOVS 2009
1. Oudja, chienne labrador stérilisée, âgée de 9,5 ans, est présentée
en consultation référée d’ophtalmologie pour une mydriase de
l’œil droit apparue un mois auparavant (Photo 1). L’animal se déplace
normalement mais semble gêné dans les ambiances en forte luminosité.
Les examens clinique et neurologique réalisés par le vétérinaire traitant ne
révèlent pas d’autre anomalie et la chienne présente un bon état général.
Examen visuel
En salle d’attente, Oudja montre un comportement exploratoire, une
démarche, un éveil et un tonus normaux.
L’ensemble des tests visuels (poursuite visuelle de la boule de coton,
clignements à la menace et à l’éblouissement, placer visuel) sont
positifs.
Examen du globe oculaire et de ses annexes
A l’examen à distance (Photo 2), le volume des globes apparaît normal
sur les deux yeux. Toutefois, une ptose de la paupière supérieure, sans
procidence de la membrane nictitante, est observée à droite. A la paupière
inférieure, une néoformation discrètement éversante est remarquée sans
répercussion lésionnelle aux niveaux palpébral, conjonctival et cornéen.
> FORMATION
Un cas de mydriase
anisocorique chez un chien
Le cas présenté permet de revoir la démarche clinique à adopter face à une anisocorie : recherche d’une
atteinte visuelle ou de lésions oculaires associées, définition d’un myosis ou d’une mydriase anisocorique,
neuro-localisation et enfin diagnostic. La neuro-localisation s’appuie sur une connaissance anatomique
précise des voies optiques et visuelles et permet d’évoquer des hypothèses qui seront explorées lors
d’examens complémentaires.
Mots-Clés : Anisocorie – Mydriase – Paralysie du III – Voies optiques – Nerf oculomoteur
– Noyau d’Edinger-Westphal - Chien.
* Clinique Vétérinaire La Borde Rouge – 150 rue E. Rostand 31200 Toulouse.
** Clinique Vétérinaire Harfang - 40 rue Jean Moulin 31320 Castanet Tolosan.
> CAS CLINIQUE
Informations Ophtalmologiques Vétérinaires > N° 9 > 2ème
trimestre 2009
Guilhem PISTRE
DMV**
Photo 1. Oudja, 9,5 ans.
Photo 2. Examen à distance. Noter à droite la ptose palpébrale supérieure, le
strabisme ventro-latéral et la mydriase.
Guillaume CAZALOT
DMV*
2. Photo 3. Examen rapproché. A. Absence de pigmentation
palpébrale (A1) et de la membrane nictitante (A2). B. Néoformation
palpébrale. C. Ptose palpébrale. D. Croissant scléral. E. Mydriase.
F. Cataracte postérieure circulaire. G. Extensions corticales de
cataracte. H. Vacuoles équatoriales.
Un cas de mydriase anisocorique chez un chien
Informations Ophtalmologiques Vétérinaires N° 9 2ème
trimestre 2009
Tableau 1. Diagnostic d'une anisocorie
anisocorie
OD OG
ambiance
photopique
OD OG OD OG
ambiance
scotopique
OD OG OD OG
diagnostic Mydriase anisocorique droite Myosis anisocorique gauche
Tableau 2. Diagnostic différentiel d’une mydriase anisocorique
Voie
Causes de mydriase
unilatérale
Signes cliniques associés, remarques Examens complémentaires
Afférente Pharmacologique
Instillation d’un :
- sympathomimétique (néosynéphrine, adrénaline)
- parasympatholytique (atropine, tropicamide)
- Recueil des commémoratifs
Afférente
Hypoplasie ou atrophie du
sphincter pupillaire
- Hypoplasie congénitale
- Atrophie post-inflammatoire
- Congénital : aucun
- Sinon, recherche d’uvéite
Afférente Glaucome
- Hydrophtalmie, hyperhémie conjonctivo-épisclérale,
œdème cornéen et stries de Haab, hypertonie intra-
oculaire, atrophie rétinienne, excavation papillaire
- Eventuelle cécité
- Tonométrie
- Echographie
- Gonioscopie
Afférente Synéchies
- Hyperhémie épisclérale, œdème cornéen, effet
tyndall, hypopion, migrations pigmentées sur la
cristalloïde antérieure, hypotonie intra-oculaire,
dégénérescence vitréenne, lésions rétiniennes
- Eventuelle cécité
- Tonométrie
- Echographie
- Biologie clinique pour la recherche
étiologique
Afférente Lésion de la rétine
- Atrophie, décollement
- Cécité associée
- Electrorétinographie
- Echographie
- Angiographie fluorescéinique
Afférente Lésion du nerf optique
- Trauma, inflammation (infectieuse ou pas), néoplasie
- Origine locale, centrale ou systémique
- Cécité associée
- Tonométrie
- Electrorétinographie
- Potentiels évoqués visuels
- Angiographie
- Imagerie (radio, écho, scanner, IRM)
- Biologie clinique
- Analyse de liquide cérébrospinal
Afférente
Lésion post-chiasmatique,
du tractus optique ou des
noyaux prétectaux
- Trauma, inflammation (infectieuse ou pas), néoplasie
- Cécité associée jusqu’aux noyaux prétectaux
- Autres troubles neurologiques de type central
(convulsions, ataxie, éveil anormal, etc.)
-Imagerie (scanner, IRM)
-Analyse de liquide cérébrospinal
Efférente
parasympathique
Lésion du noyau
parasympathique du III,
du nerf III ou du ganglion
ciliaire
- Trauma, inflammation (infectieuse ou pas), néoplasie,
dégénérescence périphérique
- Origine rétrobulbaire ou centrale
- Ptose palpébrale, strabisme ventrolatéral, déficit
d’accomodation
- Chez le chat, l’aspect en D ou D inversé est du à une
atteinte des nerfs ciliaires courts (médiaux ou latéraux)
- Epreuve des collyres : étage pré- ou
post-ganglionnaire
- Echographie rétrobulbaire
- Imagerie (scanner, IRM)
- Analyse de liquide cérébrospinal
- Test FIV et FelV lors de pupille en D ou
D inversé
Efférente
sympathique
Syndrome de Pourfour
du Petit
- Syndrome rare d’irritation des voies sympathiques :
inverse du Claude Bernard Horner
- Exophtalmie et fente palpébrale augmentée
- Epreuve des collyres pour situer la lésion
- Imagerie du thorax et du névraxe
CAS CLINIQUE
A1
B
A2
C
D
E
G
F
H
3. Enfin, la persistance d’un croissant scléral médial lors des mouvements
de la tête traduit la présence d’un léger strabisme ventro-latéral, associée
à une discrète ophtalmo-parésie verticale. Les sensibilités cornéenne et
péri-oculaire sont normales.
L’examen des milieux transparents révèle uniquement une cataracte
postérieure circulaire immature bilatérale, probablement d’origine
congénitale, sans lenticône associé. L’observation d’extensions fibrillaires
corticales et de vacuoles équatoriales évoque un processus évolutif, mais
ces lésions cristalliniennes ne semblent constituer qu’une gêne visuelle
très minime pour la chienne (Photo 3).
L’examen des iris confirme une anisocorie. L’absence de myosis à l’œil
droit en ambiance photopique et à l’éblouissement, associée à une
mydriase correcte de l’œil gauche en ambiance scotopique, permet de
conclure à une mydriase paralytique anisocorique droite (Tableau 1). Le
réflexe photomoteur direct droit est négatif, alors que le consensuel est
positif. Inversement, le réflexe direct gauche est positif et son consensuel
négatif. En outre, aucune lésion du sphincter pupillaire ou du stroma
irien n’est identifiée.
L’ophtalmoscopieetlatonométrieclôturentl’examenophtalmologiquesans
apporter de réponse étiologique à la mydriase anisocorique (Tableau 2).
Un cas de mydriase anisocorique chez un chien
Encadré 1. Contrôle de la motricité pupillaire
Le système nerveux végétatif oculaire, sympathique et parasympathique, exerce un rôle régulateur sur la pupille et le cristallin, une action sécrétoire sur les glandes
lacrymales et plus accessoirement une action vasomotrice et trophique. Il se caractérise par l'existence d'un centre névraxial et surtout par la présence d'un relais
périphérique, interposé entre le système nerveux central et l'œil.
Il s'agit donc d'une voie à deux neurones : un neurone pré-ganglionnaire, connecteur, allant du mésencéphale (système parasympathique) ou de la moelle épinière
(système sympathique) au ganglion végétatif et un neurone post-ganglionnaire, effecteur, dont le corps cellulaire est contenu dans le ganglion et qui se termine dans
les structures de l'œil.
Le fonctionnement de ces systèmes est de type réciproque pour ce qui concerne la pupille, semblable à celui que l'on rencontre dans le couple agoniste-antagoniste
des muscles squelettiques ; il est synergique pour la sécrétion lacrymale.
L’activation du système sympathique sous contrôle hypothalamique oriente vers une finalité conservatrice : améliorer la vue pour mieux fuir ou se battre (mydriase,
exophtalmie, augmentation de l’ouverture palpébrale et rétraction de la troisième paupière). Les voies parasympathiques du réflexe photomoteur qui conduisent au
myosis modulent la motricité pupillaire pour l’adapter en fonction de l'ambiance lumineuse du milieu.
Rétines
Nerfs optiques
Tractus optiques
Corps genouillés latéraux
Mésencéphale
Moelle épinière
cervicale
Moelle épinière
thoracique (T1-T3)
Chaîne sympathique
ascendante
Ganglion cervical
cranial
Fibres sympathiques
descendantes
B. Dilatateur A. Sphincter
Ganglion ciliaire
(cône rétrobulbaire)
Nerf oculomoteur III
Noyaux parasympathiques du
nerf oculomoteur
(anc. Edinger-Westphal)
Voies visuelles et photomotrices afférentes
Voies photomotrices parasympathiques efférentes
Voies sympathiques efférentes
Oreille
moyenne
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trimestre 2009
CAS CLINIQUE
4. Neuro-localisation
Cette étape de la démarche diagnostique permet
de cibler les examens complémentaires et de les
interpréter à bon escient.
L’innervation mixte de l’iris, sympathique pour
le muscle dilatateur et parasympathique pour le
sphincter pupillaire, conduit à deux hypothèses
pathogéniques : une hypersympathotonie ou
une hypoparasympathotonie (Encadré 1).
Décrite chez l’homme essentiellement dans les
cas de cancer œsophagien ou d’hyperthyroïdie,
l’hypersympathotonie ou syndrome de Pourfour
du Petit conduit aux symptômes inverses
du syndrome de Claude Bernard Horner :
exophtalmie modérée, avec augmentation de
la fente palpébrale, mydriase réflexive, pâleur
et froideur de la face, parfois hyperhydrose et
épiphora. Chez la chienne Oudja, la mydriase est
totalement aréflexive et la ptose palpébrale est
incompatible avec une hypertonicité du muscle
tarsal, sous innervation sympathique. En outre,
l’apparition d’un myosis en moins de 20 minutes
lors de l’instillation locale de pilocarpine à 2 %
permet de confirmer une lésion des voies
optiques parasympathiques (Encadré 2).
Les examens à distance et rapproché ont mis
en évidence une lésion des voies optiques sans
altération des voies visuelles. Celles-ci étant
communes jusqu’au tractus optique (rétine, nerf
optique, chiasma optique et tractus optique),
l’anomalie siège sur la branche descendante
du réflexe photomoteur : noyau pré-tectal,
noyau parasympathique du nerf oculomoteur
(anciennement noyau d’Edinger-Westphal), nerf
oculomoteur, ganglion ciliaire, muscle ciliaire ou
sphincter pupillaire.
Les réflexes photomoteurs altérés sont le réflexe
direct droit et consensuel gauche, ce qui exclut
une atteinte pré-tectale et précise la lésion sur
les voies descendantes effectrices ipsilatérales
droites (Encadré 3).
Le trajet de ces voies peut être décomposé en
plusieurs portions suivant les structures qu’elles
traversent (Encadré 4).
-Lesnoyauxmoteursetparasympathiquesdunerf
oculomoteur sont situés dans le mésencéphale.
Ils émergent au niveau des pédoncules cérébraux
(origine réelle). Une lésion dans cette zone n’est
pas exclue mais la proximité des noyaux droit et
gauche et l’unilatéralité des lésions ne sont pas
en sa faveur.
- Une portion intra-dure-mérienne jusqu’au
sillon inter-pédonculaire où il émerge (origine
apparente). Une lésion méningée dans cette
zone peut causer l’ensemble des symptômes.
- Une portion extra-dure-mérienne cheminant
caudalement à la selle turcique avant de
s’engager dans le sinus caverneux. Une lésion
peut comprimer le nerf contre la base du crâne
à cet endroit.
- Une portion cheminant dans le sinus caverneux.
Les nombreux syndromes liés à une affection
de cette zone comprennent variablement une
paralysiedesnerfstrochléaire(IV),abducens(VI),
Encadré 3. Interprétation des réflexes photomoteurs chez Oudja
Encadré 2. Le test à la pilocarpine 2%
Les parasympathomimétiques directs sont des agonistes des récepteurs muscariniques
présents entre autre au niveau du sphincter pupillaire : ils miment les effets de l’acétylcholine.
Ainsi, lors d’atteinte pré- ou post-ganglionnaire de la voie parasympathique, l’instillation locale
d’un collyre de pilocarpine 2% entraîne une constriction pupillaire rapide et complète par le
phénomène d’hypersensibilité de dénervation.
Au contraire, le myosis n’apparaît qu’au bout de 20 minutes sur un œil normal ou exempt de
lésions parasympathiques.
Muscle sphincter
pupillaire
Noyau
parasympathique
du nerf oculomoteurGanglion ciliaire
Myosis rapide et
complet
Myosis en 20 min
=
=
Lésion
parasympathique pré
ou post ganglionnaire
La voie efférente du réflexe photomoteur est identique à celle de la vision jusqu’au tractus optique
controlatéral. Là, 20% des fibres rejoignent le noyau prétectal toujours controlatéral du mésencéphale.
Le noyau pré-tectal ipsilatéral est néanmoins stimulé par une décussation incomplète au niveau du
chiasma (75% chez le chien).
Des noyaux pré-tectaux, une grande majorité des fibres décusse une seconde fois pour rejoindre les
noyaux parasympathiques des nerfs oculomoteurs III.
La voie efférente comprend deux séries de motoneurones périphériques. Les fibres parasympathiques
dites pré-ganglionnaires associées aux fibres somatiques oculomotrices s’en séparent une fois sorties
du foramen rond où elles synapsent au niveau du ganglion ciliaire rétrobulbaire sur les seconds
motoneurones périphériques, dits post-ganglionnaires.
Ces derniers sont regroupés sous forme de 5 à 8 nerfs ciliaires courts mixtes chez le chien (deux
uniquement parasympathiques chez le chat). Ces fibres se terminent sur le muscle sphinctérien irien
et sont responsables de sa contraction.
Fibres assurant le réflexe photomoteur direct gauche : actives
Fibres assurant le réflexe photomoteur consensuel droit : actives
Fibres assurant les réflexes photomoteurs direct gauche et consensuel droit : actives
Fibres assurant les réflexes photomoteurs direct droit et consensuel gauche : inactives
Oeil normal
(pas de lésion
parasympathique)
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trimestre 2009
CAS CLINIQUE Un cas de mydriase anisocorique chez un chien
Innervation parasympathique
de l'iris
Décussation
centrale
Nerf optique
Corps genouillé
Noyau pré-tectal
Nerf oculomoteur (III)
Ganglion ciliaire
Noyau d'Edinger-Westphal
(neurones parasympathiques du III)
Fibres post-ganglionnaires
Fibres pré-ganglionnaires
5. ophtalmique (V), optique (II), ce qui
n’est pas le cas pour cette chienne.
- Une portion rétrobulbaire où les fibres
parasympathiques pré-ganglionnaires
quittent le nerf oculomoteur pour
synapser dans le ganglion ciliaire
et rejoindre les muscles ciliaire et
sphincter de l’iris. La présence de
signes moteurs (ptose palpébrale,
strabisme divergent ventro-latéral en
coucher de soleil et ophtalmoplégie
verticale) et végétatifs (mydriase)
évoque une lésion du nerf oculomoteur
avant la bifurcation de son contingent
parasympathique.
Un test à l’ésérine 0,5 % (Génésérine®)
est donc réalisé pour situer l’étage
pré- ou post-ganglionnaire de la
lésion. L’apparition rapide d’un
myosis confirme une origine
pré-ganglionnaire (Encadré 5).
Celle-ci est compatible avec
l’absence d’anomalie sphinctérienne,
d’uvéite ou de glaucome à l’examen
ophtalmologique. Une deuxième
confirmation est apportée par l’aspect
normal du cône rétrobulbaire en
échographie trans-sclérale.
En conclusion, la lésion à l’origine des
symptômes semble siéger au niveau du
trajet intra crânien intra- ou extra-dure-
mérien du nerf oculomoteur droit.
Hypothèses diagnostiques
La sélectivité des symptômes oriente
plutôt vers une lésion unique, bien
qu’une atteinte multicentrique
asymptomatique d’autres régions
cérébrales soit possible :
- aucun trauma n’a été rapporté ;
- l’âge, la race et le bon état général
sont en faveur d’une néoplasie
compressive ;
- l’exploration des hypothèses
vasculaires, hémorragiques (troubles
de l’hémostase, anévrisme) ou
ischémiques(hyperviscositésanguine,
micro-angiopathie), nécessite un
bilan hémato-biochimique ;
- les affections inflammatoires,
infectieuses (maladie de Carré,
toxoplasmose, néosporose, abcès
cérébral) ou pas (méningite,
méningo-encéphalite), sont moins
probables en l’absence de tout autre
signe.
Diagnostic
Un bilan hémato-biochimique complet normal oriente le diagnostic
vers une origine tumorale. Une ponction de liquide cérébrospinal est
proposée avant la réalisation d’un scanner cérébral mais est déclinée par
le propriétaire.
L’imagerie révèle la présence d’une néoformation de 12 x 12 x 5 mm, en
région caudale de la selle turcique à droite. Sa localisation et son aspect
oriente le diagnostic vers un méningiome en plaques localisé (Photo 4).
Une évolution multicentrique ultérieure ne peut toutefois être exclue
dans cette affection.
Une intervention chirurgicale s’avérant impossible dans cette zone et
la radiothérapie seule n’ayant qu’un caractère palliatif, les propriétaires
restent dans l’expectative.
Encadré 4. Le trajet du nerf oculomoteur, du mésencéphale à l’œil
Les noyaux d'origine du nerf oculomoteur sont situés dans les pédoncules cérébraux : les noyaux
moteurs assurent l’innervation de la musculature oculaire extrinsèque et les noyaux parasympathiques
(anciennement noyaux d’Edinger-Westphal) celle de la musculature oculaire intrinsèque.
A partir de ces noyaux, les fibres se dirigent vers le sillon inter-pédonculaire d'où elles émergent en formant
le tronc du nerf. Il pénètre dans la paroi externe du sinus caverneux, passe dans la fente sphénoïdale
et pénètre dans la cavité orbitaire en passant dans l'anneau de Zinn. Là, le contingent parasympathique
s’individualise, synapse dans le ganglion ciliaire et innerve le muscle sphincter pupillaire. Les fibres motrices
du nerf oculomoteur innervent le muscle releveur de la paupière supérieure, les muscles droits dorsal,
ventral et médial et le muscle oblique ventral.
A noter :
la traversée du
III dans la fenêtre
vasculaire. Dans
le syndrome
d'hypertension
intra-crânienne, il
existe à ce niveau
une compression
du III et des fibres
végétatives ( )
responsable d'une
paralysie du III et
d'une mydriase
A- Coupe transversale du mésencéphale, au niveau du noyau du
III et du colliculus supérieur.
B - Coupe transversale du mésencéphale, au niveau du noyau du
IV et du colliculus inférieur.
C - Coupe transversale du rhombocéphale, au niveau du noyau
du VI du planchet du 4ème ventricule et de l'éminence ronde.
1. Sinus caverneux, artère carotide interne et les 3 nerfs moteurs
de l'oeil.
2. Noyau para-sympathique de Westphal-Edinger et fibres
végétatives de l'irido-contraction, pénétrant à l'intérieur du tronc
du III.
3. Noyau du 3 (en fait, coalescence de plusieurs noyaux).
4. Noyau du IV, dont les fibres sont croisées à la face dorsale du
mésencéphale.
5. Artère basilaire.
6. Noyau du VI, contourné par le genou interne du nerf facial. A
ce niveau, relief de l'éminence ronde, sous le plancher du 4ème
ventricule.
7. Noyau du VII.
8. Eminence ronde (Eminentia teres).
9. Partie pétreuse du Temporal (rocher).
10. Dos de la selle.
11. Jugum sphénoïdal
12. Tente du cervelet et incisure de la tente (ici agrandie).
5 - Artère basilaire
13 - Artère cérébrale postérieure
14 - Artère cérébelleuse supérieure
15 - Artère cérébelleuse moyenne
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CAS CLINIQUE Un cas de mydriase anisocorique chez un chien
Origine apparente des nerfs moteurs de l'oeil
(Face ventrale du tronc cérébral)
Selle turcique
de l'hypophyse
Portion rétrobulbaire
Portion
extra-dure-mérienne
Portion caverneuse
Portion
extra-dure-mérienne
Neurolocalisation
de la lésion
6. Suivi
Quinze jours après le diagnostic, Oudja a
fait une crise convulsive dont elle a récupéré
sans séquelle.
Elle est prise en charge par l’administration
de prednisolone à 1 mg/kg/jour pendant
8 jours afin de diminuer l’inflammation
péri-tumorale, toujours présente lors de
méningiome.
Depuis, une crise épileptiforme apparaît
tous les deux à trois mois sans aggravation.
Elle est traitée selon le même protocole.
Aucun anticonvulsivant n’est prescrit sur le
long terme.
Cette évolution, qui traduit une extension
lente et progressive du foyer lésionnel, reste
en faveur d’un processus tumoral bien que
l’absence d’apparition d’autres signes soit
étonnante.
Deux ans et demi après le diagnostic initial,
malgré une réponse à la menace toujours
bonne, les propriétaires semblent noter une
légère baisse d’acuité visuelle. Celle-ci peut
être expliquée par une évolution modérée
des lésions cristalliniennes ou par un début
de compression du chiasma optique.
Toutefois, la chienne conserve un très bon
état général et aucune métastase pulmonaire,
cutanée ou nasale n’est observée.
Dans la mythologie égyptienne, l’œil sacré
d’Oudja n’est-il pas symbole de bonne
santé ? ■
Crédit des photographies : 1 à 3. Guillaume CAZALOT ;
4. Scan ENV. Toulouse.
Encadré 5. Le test à l’ésérine 0,5 % (ou physostigmine 0,5%)
Les parasympathomimétiques indirects stimulent la voie parasympathique en inhibant notamment
la dégradation synaptique de l’acétylcholine par les cholinestérases dans le ganglion ciliaire. En
pratique, une instillation locale d’un collyre à l’ésérine à 0,5% permet de localiser la lésion sur les
voies parasympathiques.
Lors d’atteinte pré-ganglionnaire, peu d’acétylcholine est libérée dans la synapse et l’action des
anticholinestérasiques permet donc de limiter sa dégradation et d’obtenir une constriction pupillaire
rapide par le phénomène d’hypersensibilité de dénervation.
Au contraire, lors d’atteinte post-ganglionnaire, l’acétylcholine se fixe normalement sur les récepteurs
nicotiniques post-synaptiques. Le flux n’est interrompu que dans l’axone menant au sphincter
pupillaire. L’action des anticholinestérasiques est donc nulle.
Enfin, dans un œil sans atteinte parasympathique, le myosis apparaît en 40 à 60 minutes
seulement.
Muscle sphincter
pupillaire
Noyau
parasympathique
du nerf oculomoteurGanglion ciliaire
Myosis rapide et
complet
Myosis en
40 à 60 min
=
Lésion
pré-ganglionnaire
Photo 4. Néoformation sus-tentorielle droite à proximité de la selle turcique.
Pas de myosis
=
Lésion
post-ganglionnaire
Oeil normal
(pas de lésion
parasympathique)
Un cas de mydriase anisocorique chez un chien
10 Informations Ophtalmologiques Vétérinaires N° 9 2ème
trimestre 2009
CAS CLINIQUE
Conclusion
Le diagnostic étiologique d'une mydriase
anisocorique (et plus généralement de
toute affection oculaire ayant une origine
nerveuse) est fondé sur une démarche
clinique rigoureuse. La localisation des
lésions nerveuses nécessite d'avoir une
connaissance précise de l'anatomie et
du fonctionnement des voies optiques et
visuelles. Des examens complémentaires
permettant de déterminer la nature de ces
lésions peuvent alors être envisagés.