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Trombinoscope "Chercheurs d’humanité"
Chercheurs de sens
(art, religion, philosophie, spiritualité)
4 - de Jésus à 1199
É. G. .08.11.2023
Paul de Tarse
Shaoul ou Saül (v. 09-67), citoyen romain de naissance
et Juif pharisien, imprégné de philosophie grecque. Rabbin,
enseigne les Écritures juives à Jérusalem. N’a pas connu Jésus.
Prend violemment parti contre les Chrétiens. Approuve la condamnation
du diacre Étienne et assiste à son martyre.
Rencontre mystique avec le Christ, vers 34, sur le chemin de
Damas. Au cours des années 40, fonde plusieurs Églises dans le territoire
de la Turquie actuelle. Effectue un deuxième voyage missionnaire en Asie
Mineure et en Grèce.
Plaide avec succès l'abandon des rituels juifs comme la circoncision
et les interdits alimentaires. Le message chrétien, dit-il, s'adresse à tous
les hommes et non pas seulement aux Juifs. Dans les années 50 et 60,
tout en poursuivant sa mission itinérante, adresse à ces nouvelles Églises
des lettres, dites ‟épîtres pauliniennes”.*
En tant que citoyen romain, a le "privilège" d’être décapité sous
Néron, alors que Pierre est crucifié (la tête en bas, à sa demande, afin que
sa crucifixion soit faite de manière différente de celle de Jésus).
* Toutes ces épitres ont été écrites avant les Évangiles. Elles représentent une base
essentielle de la théologie chrétienne, en particulier dans le domaine de la christologie, mais aussi,
d'un point de vue historique, une source majeure sur les origines du christianisme.
Image du haut : St Paul par Rembrandt (1657)
../..
Paul de Tarse
Considéré de nos jours comme le fondateur du christia-
nisme. A une conception sacrificielle de la mort de Jésus, mort « en
sacrifice de propitiation pour nos péchés », qui est dénoncée très tôt
(par ex. par Pierre Abélard), mais qui subsiste encore dans les Églises
chrétiennes (« Agneau de Dieu, qui enlèves le péché du monde »,
etc.).
« Tenez ferme ! Ayez à vos reins la vérité pour ceinture, revêtez la
cuirasse de la justice, et pour chaussures le zèle à propager le joyeux message
de la paix. Brandissez votre foi comme un bouclier; elle vous protègera des traits
enflammés de l’esprit-du-mal. Armez-vous du salut comme d’un casque et du
glaive de l’Esprit qui est la parole de Dieu ! »
« Ai-je reçu le don de prophétie, approfondi tous les mystères,
possédé toute la connaissance, et une foi à transporter les montagnes ? Si je
n’ai pas l’amour, je ne suis rien. Distribuerais-je tous mes biens, livrerais-je mon
corps aux flammes, si je n’ai pas l’amour, qu’ai-je de bon ? (…) Aujourd’hui, c’est
la foi, l’espérance et l’amour qui fondent notre vie; Mais des trois, c’est l’amour
qui surpasse l’espérance et la foi. »
« Il n’y a ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni
femme. » *
* Le philosophe Alain Badiou d’inspiration marxiste voit en Paul le précurseur de l’universalité.
Image du haut : Codex liturgique contenant 2 Cor. 6, 5-7, Égypte copte, Musée du Louvre
Apollonios de Tyane
(16-98 après J.-C.), philosophe disciple de Pythagore et héritier
des mystères de l’Égypte, prédicateur et thaumaturge (faiseur de
miracles), né à Tyane en Cappadoce et mort à Éphèse.
Deux siècles après sa mort, Philostrate d’Athénes (170-245),
dans sa Vie d'Apollonios de Tyane, popularise sa vie et sa légende qui
restent vivantes jusqu'à la chute de l'Empire romain. Ses disciples lui
élèvent des statues et des temples et le comparent à Jésus-Christ : les
points de ressemblance entre les deux sont nombreux.
Adulé pendant les premiers siècles après J.-C. avant de tomber
dans l'oubli, aurait eu des disciples et aurait fait des miracles.
Pendant cinq années, pratique la vie silencieuse. Entreprend de longs
voyages, en compagnie d'un certain Damis, qui devient son disciple : Orient,
jusqu’en Inde; Occident, jusqu’en Espagne; Sud, jusqu’en Éthiopie.
Vit d'aumônes, redistribue aux pauvres les biens qu'on lui donne,
condamne le luxe la décadence des mœurs, les sacrifices d’animaux, prône le
végétarisme et un système de vie communautaire. L'empereur Néron l'aurait
banni de Rome en tant que magicien, pour avoir ressuscité une jeune fille..
Certains pensent aujourd'hui qu'il serait mort en Inde, et que le Roza Bal,
un tombeau vénéré à Srinagar (Cachemire) comme étant celui de Jésus, serait
en fait celui d'Apollonios.
Épictète
Epíktêtos ("homme acheté, serviteur"), 50 -125, philosophe grec
stoïcien. Passe son enfance à Rome comme esclave, puis est affranchi.
Ouvre une école stoïcienne à Nicopolis, cité grecque de l’Épire. Ne laisse
aucun écrit, mais son disciple Arrien, soldat et écrivain, transmet des
notes de cours, une suite d’aphorismes qui composent le Manuel.
Ce texte invite à reconnaître l'impossibilité pour l'homme de
contrôler ce qui ne dépend pas de lui : l'avis des autres, la richesse, la
chance, les malheurs, la mort. Contrairement aux ouvrages de
philosophie habituels, il ne contient aucun approfondissement théorique,
mais donne des exemples pratiques tirés du quotidien, pour illustrer la
mise en application des principes de la sagesse dans la vie de chacun.
. Montre comment l’homme peut parvenir à la liberté et au bonheur,
en n'attachant d'importance qu'à ce qui dépend de nous, c'est-à-dire les
opinions, désirs, pensées.
« Faire au mieux ce qui dépend de nous, et prendre les autres
choses comme elles viennent. »
« N'attends pas que les événements arrivent comme tu le
souhaites. Décide d’accepter ce qui arrive et tu seras heureux. »
../..
Épictète
« Personne ne te fera de mal, à moins que tu n'y consentes ;
le mal ne viendra que lorsque tu jugeras qu'on te fait du mal. »
« Toute chose a deux anses, l’une, par où on peut la porter,
l’autre, par où on ne le peut pas. Si ton frère a des torts, ne le prends
pas du côté-là par où il a des torts : ce serait l’anse par où on ne peut
rien porter. Prends-le plutôt par l’autre, te rappelant qu’il est ton frère,
qu’il a été nourri avec toi, et tu prendras la chose par où on peut la
porter. »
Son disciple le plus connu est l’empereur romain Marc Aurèle
(121-180) à qui l’on attribue la maxime : « Que me soient donnés le
courage de changer ce qui peut être changé, la sagesse d’accepter ce
qui ne peut pas être changé, et la lucidité pour discerner entre l'un et
l'autre. »
Celui-ci aura à faire : sa femme Faustine le trompe, son
associé et frère d’adoption Lucius Verus est un répugnant personnage,
son fils Commode sera un des pires tyrans de l’histoire romaine.
Lui-même ne met pas vraiment en œuvre sa maxime quand il
persécute les Chrétiens…
Marcion
(85-160). Né à Sinope (dans l’actuelle Turquie, sur les bords de la
mer Noire), vient à Rome vers 140, a des démêlés avec l'Église locale, en
est excommunié comme hérétique en 144. Influencé par le gnostique
Cerdon, fonde une Église fortement hiérarchisée, qui regroupe un grand
nombre de fidèles en Orient au moins jusqu'au 5ème siècle. Réduit l’Écri-
ture sainte à l’Évangile de Luc et à 10 épitres de Paul.
Ses oeuvres sont perdues : des traces n'en subsistent que dans les
citations polémiques qu'en font ses adversaires - particulièrement
Tertullien (v. 160 - 225) - dont les manuscrits se sont transmis parce qu'ils
représentaient le dogme catholique.
Fait notamment remarquer que le texte hébreu traduit en « La
vierge deviendra enceinte et enfantera un fils… » parle d’une jeune
femme (almah) et non d’une vierge (parthenos dans la traduction de la
Septante*).
Veut purifier la foi chrétienne de sa gangue hébraïque et libérer
l'homme de la domination du Dieu violent et justicier de l’Ancien
Testament. Réhabilité par le théologien protestant Adolf von Harnack.
* Septante : traduction de la Bible hébraïque en langue commune grecque. Elle aurait été réalisée
par 72 traducteurs à Alexandrie, vers 270 av. J.-C. Par extension, on appelle Septante la version
grecque ancienne de la totalité des Écritures bibliques. Le judaïsme n'a pas adopté la Septante,
restant fidèle au texte hébreu et à des traductions grecques ou araméennes plus proches dudit
texte, selon leurs autorités.
Justin de Naplouse
(v. 100- v. 165), né à Flavia Neapolis, actuelle Naplouse en Cisjor-
danie, apologète et philosophe chrétien. Après s'être essayé à différentes
doctrines philosophiques, se convertit au christianisme qu'il considère
comme la forme la plus achevée de l'enseignement philosophique et
s'engage dans une carrière de philosophe et de prêcheur itinérant.
Ouvre une école à Rome où il compose une grande partie de son
œuvre apologétique qui, rédigée en langue grecque, est en grande partie
perdue, à l'exception de deux Apologies adressées à l'empereur Antonin
le Pieux et ses fils ainsi que du Dialogue avec Tryphon, considérés
comme témoins des premiers jalons dans la séparation entre le christia-
nisme et le judaïsme.
Condamné au terme d'un procès instruit par le préfet et philosophe
romain Junius Rusticus, est décapité sous Marc Aurèle.
Dans le Dialogue, le rabbin Thryphon s’étonne que les Chrétiens
mettent tout leur espoir en un homme qui a été crucifié.
« Celse, le polémiste anti-chrétien (et anti-juif) ironisera, bien avant
Nietzsche, sur la déification grotesque d’un crucifié, c’est-à-dire d’un
vaincu. Un autre écrivain païen, Lucien, se moquera de celui qu’il appelle
un "sophiste crucifié". » Jean-Claude Guillebaud
Claude Galien
Claudius Galenus (129 - v. 216), médecin romain d'origine grecque,
né à Pergame (actuelle Turquie). Études de philosophie et de médecine à
Smyrne, voyages autour de la Méditerranée. Médecin de l’école des
gladiateurs à Pergame, puis à Rome où il soigne plusieurs empereurs.
Donne la priorité à l'observation anatomique, établit des hypothè-
ses sur les processus physiologiques en procédant à des expérimen-
tations sur l'animal. Reprend la théorie des humeurs d'Hippocrate. Elle
repose sur les 4 éléments (eau, air, terre, feu) qui, combinés aux 4
qualités physiques (chaud, froid, humide, sec), influent sur les quatre
humeurs : le sang, le phlegma (dans le cerveau), la bile jaune (dans la
vésicule biliaire) et la bile noire (dans la rate). Sa thérapeutique est
fondée sur la prescription de remèdes conformes au principe Contraria
contrariis curantur, opposant les humeurs dans le corps.
Met en forme le concept selon lequel les objectifs de Dieu sont
explicables par l'observation de la nature. Sa conviction de l'existence
d'un Dieu unique, créateur du corps humain, incitera l'Église à adopter
cette doctrine et fera ainsi admettre l’autorité de Galien sur le corps
médical par l'Église jusqu'au 16ème siècle (soit pendant 1 400 ans !)
La galénique est la science qui étudie la fabrication, la présentation, le dosage, la voie
d’administration et la conservation des médicaments.
Irénée de Lyon
Irenaeus Lugdunensis, (v.140- v. 200), personnalité du christianisme
ancien. Élève de Polycarpe de Smyrne (actuelle Turquie), migre vers la fin
des années 170 en Occident, dirige la communauté chrétienne de Lyon, ville
dont il est considéré comme le deuxième évêque. Premier apologiste à
réaliser une œuvre de théologie systématique en Occident, est l'auteur d'une
Réfutation de la prétendue gnose au nom menteur*, connue sous le titre
Contre les hérésies. Défend dès 170 l'idée qu'il n'existe que 4 Évangiles
légitimes.
Bien que les circonstances ni la date de sa mort ne soient pas connues,
Jérôme de Stridon (347-420, traducteur de la Bible de la Septante en latin)
lui attribue vers 410 le titre de martyr.
Pour lui, la création est inachevée tant que l’homme ne réalise pas
pleinement sa vocation d’être « image et ressemblance de Dieu. » Le
principe de croissance s’applique donc tant à la création qu’à l’humanité et à
chaque humain dans sa singularité.
« La gloire de Dieu c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme c’est la
vision de Dieu. »
* Traité destiné à réfuter Valentin d'Égypte (?-160) et les gnostiques, usant de la calomnie et d'une
certaine malveillance caractéristique du genre, la Réfutatio a constitué la principale source historique
sur ce courant gnostique jusqu'à la découverte de la bibliothèque de Nag Hammadi. Selon le pessi-
misme gnostique, les êtres humains sont des âmes emprisonnées dans un monde matériel créé par un
dieu inférieur mauvais ou imparfait, le Démiurge.
Nagarjuna
(entre 150 et 250 après J.-C.), moine, philosophe et écrivain
bouddhiste indien, originaire de la région correspondant à l'Andhra
Pradesh actuel.
Fait un apport essentiel à la logique, par l'usage systématique du
tétralemme*, sa réfutation de la logique indienne, et utilise trois types
de réfutation : l'impossibilité logique, l'impossibilité réelle, le constat
d'inexistence.
Sa doctrine mène à la responsabilité et à la compassion
universelles, au respect des êtres sensibles et de l’environnement.
. Condamne la torture, refuse la peine de mort et préconise un
traitement des prisonniers pour les réhabiliter.
Prône une égalité statutaire et une solidarité sociale qui
permettant que chacun évolue individuellement et se différencie
comme il le souhaite.
Préconise l’association libre de personnes qui se soutiennent
pour se libérer de la souffrance.
* Le tétralemme (du grec tetra, "quatre" et lēmma, "proposition") étend la notion du dilemme à
un choix entre quatre issues.
Blandine, Pothin
et les martyrs de Lyon
Les persécutions ordonnées par l’empereur Marc Aurèle et par ses
prédécesseurs contre les Chrétiens sont la conséquence des principes
fondamentaux de l’empire romain concernant les associations. Mais les
plus sombres épisodes de la persécution sous Marc-Aurèle viennent de
la haine du peuple, qui les accuse d'inceste et de cannibalisme à chaque
famine, à chaque inondation, à chaque épidémie.
Blandine (162 ? - 177, image du haut), jeune esclave originaire du
Proche Orient, se joint à la communauté chrétienne de Lugdunum
(Lyon). Elle et ses 46 compagnons - dont l'évêque de Lyon, Pothin (87-
177, âgé de plus de 90 ans et infirme, image du bas) sont martyrisés
pendant l'été 177 : les uns meurent en prison, les autres sont décapités,
en vertu de leur citoyenneté romaine, ou livrés en pâture aux bêtes dans
l'amphithéâtre des Trois Gaules.
Blandine est flagellée, placée sur un gril brûlant puis livrée dans un
filet à un taureau qui la lance en l'air avec ses cornes et finalement
égorgée par le bourreau. Les restes des martyrs sont exposés, puis
brûlés et dispersés dans le Rhône.
Origène
(v. 185 - 254), théologien et mystique chrétien de langue grecque.
Son père, Léonidas, est décapité en 202 lors des persécutions de Septime
Sévère. Professeur de grammaire, enseigne à Alexandrie pendant 28 ans,
y élabore ses principaux traités dogmatiques et écrit de nombreux ouvra-
ges critiques. Dans son école sont enseignées l’exégèse, l'arithmétique, la
géométrie, la philosophie.
Distingue 3 sens de l’Écriture (sens littéral, moral et spirituel)
correspondant aux 3 parties de l’homme (corps, âme, esprit).
Conteste notamment la doctrine de l’enfer (s’il existe, il sera vide),
professe la "pérégrination des esprits" (sorte de réincarnation des âmes).
Un des seuls théologiens chrétiens à avoir parlé de la réincarnation et à y
avoir réfléchi en profondeur.
Son enseignement et ses méthodes d’exégèse étant controversées
à Alexandrie, se fixe à Césarée de Palestine en 232. Théoctiste, évêque de
Césarée, l’ordonne prêtre. L’évêque d’Alexandrie, Démétrios, dénonce les
"hérésies" d'Origène et l’irrégularité de l’ordination d’un castrat et l’excom-
munie. En 250, lors de la persécution ordonnée par Decius, est incarcéré,
mis au carcan, torturé, menacé d'être brûlé vif. Libéré, meurt affaibli par
ses blessures.
La destruction systématique de ses œuvres est entreprise sous Justinien.
Anathémisé (déclaré hérétique) au 2ème concile de Constantinople (553) qui rejette
aussi le concept même de réincarnation. Réhabilité en 2007 par Benoît XVI.
Origène – La lectio divina
Affirme que, pour lire fructueusement la Bible, il est nécessaire de
le faire avec attention, constance et prière, et en prêtant attention à
plusieurs niveaux possibles de signification.
Exprime vers 220 les principes de la lectio divina (lecture sainte),
enracinée dans la tradition juive. Elle sera ensuite introduite en Occident
par Ambroise de Milan (v. 340-397), encouragée par Augustin d’Hippone,
Hilaire de Poitiers, Césaire d’Arles, Benoît de Nursie.
Guigues II le Chartreux (1114-1193), dans L’échelle des moines ou
Lettre sur la vie contemplative, en définit les 4 temps :
- Lecture : Observation. Que dit le texte ? Respirer, se désencombrer,
lire le passage attentivement et lentement plusieurs fois. M’arrêter aux
situations, aux personnages, ce qu’ils disent, ce qu’ils font. Lire les notes
explicatives, historiques, exégétiques.
- Méditation : Interprétation. Que me dit le texte ? Quel lien avec ma
vie ? Accueillir le texte, et ce qu’il provoque en moi.
- Oraison : Application. Comment je réponds au texte ? Je peux le faire
par l’écriture d’un phrase, d’une prière.
- Contemplation : Ouvrir mon esprit et mon cœur à l’influence de Dieu,
me reposer en Lui.
Cet exercice se fait de préférence à plusieurs, et peut être fait par des
participants aux convictions très diverses.
Plotin
Pour lui, l'univers est composé de trois réalités fondamentales :
- l'Un (Dieu, dont on ne peut rien dire mais qui est la source de tout);
- l'Intelligence (principe de toute justice, de toute vertu, de toute beauté),
- l'Âme (mouvement logique, rationnel, organisateur; elle crée un monde
ordonné et se divise en âmes individuelles, celles des hommes, des
animaux et des plantes).
L'âme humaine est don, parcelle de Dieu. L'homme, partie du
monde sensible, doit par l'introspection remonter de l'Âme à l'Intelligence,
puis de l'Intelligence à l'Un et accomplir ainsi une union mystique avec
Dieu.
(205-270 après J.-C.), philosophe gréco-romain de l'Antiquité tardive,
représentant principal du courant philosophique appelé néoplatonisme. Études
à Alexandrie. Installe son école à Rome en 246, y mène une vie austère.
Sa relecture des dialogues de Platon est une source d'inspiration
importante pour la pensée chrétienne en pleine formation à l'époque et pour
Augustin d'Hippone, et influencera de manière profonde la philosophie
occidentale. Atteint de cécité et d’une grave maladie de peau. Ses écrits ont
été publiés par son disciple Porphyre de Tyr, qui les a regroupés sous la forme
d'Ennéades.
Mani
(ou Manès, ou Manikhaios, Manichaeus, "Mani le Vivant", 216-
274), peintre visionnaire et philosophe perse, poète, musicien, théologien.
Judéo-chrétien par son père, membre d’une secte baptiste de Mésopota-
mie, et zoroastrien par sa mère iranienne, né infirme de la jambe droite.
Aurait reçu révélations datées respectivement du 1er avril 228 et du 24
avril 240.
Se considérant comme un imitateur de la vie de Jésus et mission-
naire d'une religion universelle de salut, se met à prêcher vers 240, année
de son voyage dans le royaume indo-grec sur les traces de la communau-
té de l'apôtre Thomas, où il est probablement influencé par le gréco-
bouddhisme.
De retour en 242, rejoint la cour du roi sassanide Shapur Ier, fidèle
au zoroastrisme, à qui il dédicace Shabuhragan, son premier ouvrage en
perse, et lui présente sa doctrine, le manichéisme. Le monarque conçoit
tout l'intérêt d'une religion nationale pour unifier son empire, et lui donne le
droit de répandre librement son enseignement dans tout l'Empire perse où
il prêche en araméen.
Le roi Bahrâm Ier, en 272, favorise un retour au mazdéisme.
Persécuté, Mani se réfugie au Khorasan où il fait des adeptes parmi les
seigneurs locaux. ../..
Mani
Inquiété de voir cette influence grandir, Bahrâm Ier le remet en
confiance et le rappelle à Ctésiphon… pour le mettre enchaîné en prison.
Mani meurt d'épuisement à Gundishapur après une agonie de 26
jours. Selon la tradition, sa tête est coupée et clouée à une porte de la
ville.
Transmet une vision du monde et de la vie si puissante que son
enseignement se répand, de manière totalement pacifique, de l’Afrique à
la Chine, des Balkans à la péninsule arabique et jusqu’en Chine où il est
surnommé "le Bouddha de lumière". Augustin d’Hippone fera partie
quelque temps des Manichéens avant de se convertir au christianisme et
de combattre habilement le manichéisme.
Le manichéisme est syncrétisme du judaïsme, du bouddhisme,
du brahmanisme et du christianisme, mais pas du zoroastrisme qui était la
religion de l'empire perse. Le principe fondamental du manichéisme
provient du dualisme persan. C'est l'affirmation de l'éternelle coexistence
de deux puissances souveraines : deux dieux essentiellement adverses,
la source du Bien et la source du Mal, la Lumière et les Ténèbres.* ../.
* Par déformation et simplification de cette croyance, on qualifie aujourd'hui de manichéenne une
pensée ou une action sans nuances, voire simpliste, où le Bien et le Mal sont clairement définis et
séparés.
Images : - Prêtres manichéistes écrivant sur leur bureau, avec une écriture en sogdien
(manuscrit de Qocho, bassin du Tarim).
- Diagramme de l'univers dépeignant la cosmologie manichéenne. Peinture chinoise de la dynastie
Yuan, 13ème ou 14ème siècle.
Mani et le manichéisme
Il est impossible de triompher du Mal, car il est indestructible. Le
seul moyen d'être totalement dans le royaume de la Lumière, c'est de
fuir les Ténèbres.
La religion doit avoir pour objets principaux : la spiritualisation non
seulement de l'humain, mais du monde entier, et l'illumination, c'est-à-
dire la répression et la réduction de la matière, la suppression des liens
qui y attachent l'âme, le respect de tout ce qui, ayant vie, tend à animer
la matière ; l'effort incessant pour parvenir à la plénitude de la connais-
sance, qui communique la lumière, et à la perfection morale. Les princi-
pes fondamentaux du Manichéen sont de refuser le plaisir de la chair, de
ne pas tuer et de ne pas blasphémer.
Le culte manichéen ne comportait ni temple, ni autels, ni encens,
ni images ; il consistait principalement en prières et en hymnes. Les
témoignages s'accordent à attester l'active pratique de la magie parmi
eux et la souveraine puissance qu'ils attribuaient à certaines formules et
à certains nombres.
Un édit de Dioclétien (287 ?) inaugure les longues et fort cruelles
persécutions qui sont dirigées contre les Manichéens. Cet édit est renou-
velé et aggravé par Valentinien (372) et par Théodose (381). On procède
aussi par massacres…
Images : - Le ‘codex Mani de Cologne’, daté du 5ème siècle, trouvé près d' Asyut (l'ancienne
Lycopolis) en 1969, acheté par l’Institut für Altertumskunde de l'Université de Cologne. Texte grec
décrivant une partie de la vie et de l'enseignement de Mani.
Arius
(256-336), prêtre, théologien et ascète chrétien libyen d'origine
berbère. Responsable estimé de la communauté chrétienne de Baucalis
près d'Alexandrie.
Affirme que Logos est créé, engendré, mais que cet engendrement
doit s'entendre comme une filiation adoptive : Dieu inspire le Logos, le
Christ, le Fils de l'Homme, mais celui-ci est un être humain mortel que
Dieu a ‟pris sous son aile”.
Ses convictions et prières se propagent d'autant mieux qu’il les met
en musique dans une métrique correspondant aux ballades populaires.
Elles sont mêmes chantées par les dockers du port d’Alexandrie.*
Opposé à l’évêque d'Alexandrie Alexandre et à son secrétaire
Athanase, qui professent que « Le Fils est une incarnation du Dieu
d'Israël ».
L’excommunication d’Arius par un concile régional en 318 est levée
par le concile de Bithynie. ../..
* On sait que les chansons sont un bon vecteur de diffusion : une des chansons les plus populaires
du chanteur Claude François (1939-1978, né à Ismailia à 230 km d’Alexandrie) concerne le port et
le phare d’Alexandrie…
Image du bas : reconstitution du phare d’Alexandrie, une des 7 merveilles du monde
construit v. - 290 par Ptolémée 1er et détruit en 1303 par un tremblement de terre.
Arius
Le concile de Nicée* (mai à juillet 325), auquel le pape ne
participe pas, est convoqué par l’empereur Constantin, qui juge que
cette affaire « ne mérite pas tant de discussion », mais veut maintenir
une union parmi les Chrétiens, considérés comme un facteur d'unité
dans l'empire.
Après plusieurs mois au cours desquels les évêques ne parvien-
nent pas à se mettre d'accord, l'empereur menace les 14 récalcitrants.
3 restent fidèles à leurs conceptions, dont Arius, et sont excommuniés.
Le ‟symbole” de Nicée proclame que Jésus est le Fils unique de
Dieu, « né du Père avant tous les siècles, vrai Dieu né de vrai Dieu,
engendré, non pas créé, consubstantiel au Père ».
Arius est exilé en Illyrie. Constantin, qui a mené toute l’affaire,
offre aux pères conciliaires un banquet si somptueux que certains se
demandent, selon l’évêque et historien Eusèbe de Césarée, « s’ils ne
sont pas déjà dans le royaume des Cieux ».**
* Iznik, en Turquie aujourd’hui, à 92 km au S.E. d’Istambul.
** cité par Jacques Duquesne in Le Dieu de Jésus, DDB-Grasset, 1997, pp. 76 s.
Image du haut : représentation du concile de Nicée (325)
Arius versus Constantin et Théodose
Renonçant à la politique de persécution de ses prédécesseurs,
l’empereur Constantin Ier s'appuie sur la nouvelle religion chrétienne pour
consolider l'unité de l'empire. En juin 313, de concert avec son homolo-
gue d'Orient, Licinius, il publie à Milan un édit de tolérance qui lui rallie
les Chrétiens.
En ordonnant l'exil d'Arius, il inaugure le césaropapisme, pratique
de gouvernement qui se caractérise par la confusion des affaires
séculières et des affaires religieuses entre les mains du souverain.
Par l’édit de Thessalonique en février 380, l'empereur Théodose
proclame le christianisme religion officielle de l'empire romain et interdit
les autres cultes. Les derniers fidèles de ceux-ci sont poursuivis par la
fureur fanatique de certains Chrétiens. À Alexandrie, les affrontements
se soldent par de nombreuses victimes. Au concile de Constantinople
(mai à juillet 381), les évêques qui refusent d'accepter les formules de
Nicée n’ont pas le droit de siéger. Par la suite, les détenteurs d’un livre
d’Arius qui ne le brûlent pas subissent la peine de mort.
- Photo du haut : L’empereur Constantin Ier (280 - 337). Saint Constantin 1er le Grand est fêté le
21 mai.
- Photo du bas : pièce à l’effigie de l’empereur Théodose Ier (347-395)
Arius et les ruptures dans le christianisme
On présente habituellement deux grandes ruptures dans l’histoire du
christianisme :
- la rupture de l’Église d’Occident et de celle d’Orient en 1204*;
- la rupture de la Réforme avec Luther**.
Mais la première grande rupture n’est-elle pas celle de Nicée en 325
(l’excommunication des Chrétiens qui refusent la divinisation de Jésus), qui
fait suite à l’exclusion des Ébionites***, des Marcionites et des Origénistes ?
* En avril 1204, les troupes de la 4ème croisade s'emparent de Constantinople
(photo du haut à gauche), richissime capitale de l'Empire byzantin. Un des buts est de
rembourser les Vénitiens qui ont financé l’armée et la flotte de la croisade vers Jéru-
salem. Constantinople est saccagée par les Chevaliers. 2 000 Grecs sont massacrés,
les femmes violées, les palais et sanctuaires pillés. Le scandale est immense dans
toute la chrétienté et de ce jour fatal date la véritable rupture entre la chrétienté
orthodoxe d'Orient et la chrétienté catholique d'Occident... Par la suite, les Orthodoxes
préfèreront la tutelle de l’Islam à celle des pays dit catholiques.
** Martin Luther conteste particulièrement le trafic des Indulgences destiné à
financer la construction de la basilique St Pierre de Rome. Ses 95 thèses pour refonder
le christianisme sont affichées à Wittenberg en octobre 1517 (photo du haut à droite).
*** Les Ébionites, qui n’acceptent de reconnaître que la messianité de Jésus mais
pas la divinité du Christ, sont anathémisés par Irénée de Lyon (dans Adversus
Haereses, "Contre les hérésies", v. 180, photo n° 3), puis par Tertullien, puis par
Épiphane de Salamine.
Grégoire de Nazianze
(329-390), théologien et Docteur de l'Église. Issu d'une famille chré-
tienne, fait ses études à Alexandrie puis à Athènes, y rencontre Basile de
Césarée qui devient son ami. Prêtre puis évêque de Sasimes puis de Cons-
tantinople, prend part à la lutte contre l'arianisme. Considère l'Esprit Saint
comme l'une des personnes de la Trinité. Considéré avec Basile de Césarée
et Grégoire de Nysse comme l'un des trois "pères cappadociens".
La prière ci-dessous qui lui est attribuée est bien éloignée des discus-
sions doctrinales et dogmatiques alambiquées auxquelles il participe.*
« Toi l’au-delà de tout, peut-on Te désigner autrement ? Quelle parole
peut Te chanter, Toi qu’aucun vocable ne saurait désigner nommément ?
Comment l’esprit Te verrait-il, ô Toi qui ne peux être perçu par aucun esprit
intelligent ? Tu es seul innommable, Toi qui as créé tout ce que la parole
saisit. Tu es seul inconnaissable, Toi qui as créé tout ce que la connaissance
saisit. Toutes choses parlantes ou non parlantes disent Ta gloire, les désirs
de tous, les songes de tous gravitent autour de Toi et les prières de tous sont
autour de Toi. Tout l’univers qui a l’intelligence de ton Être Te chante un
hymne de silence. Sois-nous propice, ô Toi qu’on ne peut désigner autre-
ment et qui es au-delà de tout ! Amen. »
* Sa position doctrinale repose sur la formule de l’homoousios (consubstantialité du Père, du Fils et
du Saint-Esprit, selon le credo de Nicée). Lors du concile de Constantinople convoqué par l’Empereur
Théodose en 381, et auquel les évêques qui refusent d'accepter les formules de Nicée n'ont pas le droit
de siéger, les évêques utilisent une autre formule, l’ekporeuomenon (expression selon laquelle l'Esprit
Saint procède du Père).
Grégoire de Nysse
(v. 335 - v. 395), théologien et mystique chrétien, appelé aussi le Père
des Pères. Après son veuvage, nommé en 373 évêque de Nysse (en Cappa-
doce, actuelle Turquie), contre son gré, par son frère ainé Basile de Césa-
rée. N'aspirait qu'à la vie spirituelle et intellectuelle, se montre inapte à toute
politique ecclésiastique. Déposé par un synode d’évêques ariens, revient
d’exil après la mort de l'empereur Valens, favorable à l’arianisme. Devient
l'homme de confiance du régime impérial de Théodose le Grand.
Joue un rôle de première importance au concile de Constantinople
en 381, convoqué contre l'arianisme, défend la nature divine de l'Esprit-
Saint. Sa doctrine philosophique et théologique s’inspire de Platon, Aristote,
Origène et des stoïciens. Auteur d’un traité d’anthropologie, développe des
arguments sur l’importance des mains qui ont libéré la bouche en vue de la
parole chez l’homme. Définit la mort comme la séparation de l’âme et du
corps. Dans Contra fatum, s’oppose au fatalisme astrologique.
Son ouvrage La vie de Moïse constitue une première formulation de la doctrine
spirituelle chrétienne. Pour lui, la mystique est enracinée à la fois dans la gnôsis
(connaissance) et l’érôs (amour incarné).
Son œuvre immense a été analysée par des théologiens et des mystiques.
« Les concepts créent les idoles de Dieu. Seul le saisissement
préssent quelque chose. »
Abba Poemen
("pasteur" en grec), abba ("père") du désert, né vers 340. Celui qui
apparaît le plus souvent dans les apophtegmes, collections de paroles,
sentences, et anecdotes qui rapportent les paroles et actes des commu-
nautaires ou ermites du désert d’Égypte ou de Palestine (dont quelques
femmes, les Amma) au 4ème siècle.
Maître de discernement spirituel. Donne de nombreux conseils pour
apprendre à gérer les émotions de toutes sortes qui nous traversent :
jalousie, colère, tristesse, etc. Prône la mesure, la douceur et la tendresse
entre frères, mais aussi par rapport à soi-même. Affirme la nécessité
d’engager toujours avec vigilance sa propre liberté.
« Un hypocrite est celui qui enseigne à son prochain une chose à
laquelle il n’est pas encore parvenu. »
« Chaque jour il débutait » c-à-d. apprenait à avoir un regard
nouveau sur les êtres et les choses.
« Quand je vois le frère s’assoupir (à l’office), je mets sa tête sur
mes genoux et je le fais reposer. »
« Si un homme se repent de tout son cœur et ne recommence pas
à commettre le péché, trois jours suffisent pour que Dieu l’accueille. »
« Sois pour eux un modèle et non un législateur. »
Priscillien
(350-385), Espagnol de Bétique (actuelle Andalousie), laïque
cultivé. Mène vers 370 environ une vie d'ascétisme sévère, qui lui vaut
une grande réputation et lui attire de nombreux disciples, des femmes,
des clercs, et même des évêques.
Contrairement à ce qui fut dit plus tard sur sa doctrine, elle
n’est ni manichéenne, ni gnostique. Cette vision est celle du priscillia-
nisme du 5è siècle, pas de celui de la fin du 4è siècle.
Sa doctrine ne reconnait pas la primauté de Rome, admet les
femmes dans le sacerdoce, ne met pas avant le célibat du clergé même
si elle recommande la chasteté. Condamne également l'esclavage. Sa
communauté rejette la richesse et la pauvreté à travers une vie fondée
sur le travail collectif. Son mouvement religieux, ascétique et réforma-
teur, affecte d’abord les églises du sud de la péninsule ibérique, dans la
région de Mérida, puis s’étend rapidement vers l’Ouest et le Nord,
jusqu’en Aquitaine.
Nommé évêque d’Avila, mais deux évêques, Ithace et Hydace,
en émettant contre lui des accusations calomnieuses (magie noire,
débauches), obtiennent de l'empereur Gratien un décret de bannisse-
ment contre les ‟manichéens”. ../..
Priscillien
Accusés d’hérésie et menacés d’excommunication, les priscillianistes
tentent de plaider leur cause à Rome. Cependant, l'empereur Maxime, qui
s'est emparé du pouvoir en Gaule contre Gratien et cherche à se gagner les
évêques catholiques, convoque à Bordeaux un concile (380) qui condamne
les priscillianistes à l’exil. Priscillien demande à être jugé à Trêves par un
tribunal séculier.
Malgré l'intervention de Martin de Tours (316-397, image ci-contre)*, alors
à Trèves lui aussi, Priscillien est convaincu de ‟maléfice” et de pratiques
immorales, condamné à mort et exécuté à Trèves - avec 4 de ses disciples,
dont une femme - en janv. 385. En réalité, victime de ténébreuses intrigues
et de rancunes épiscopales acharnées contre un prédicateur d’ascétisme, il
est dans l'histoire le premier à avoir subi de la part d’une autorité chrétienne
la peine de mort pour hérésie.
D’autres priscillianistes, restés en Espagne, ont la vie sauve mais
doivent s’exiler dans les îles Scilly, au large de la Cornouailles. ../..
* Par la suite, Martin de Tours refusera toujours de participer aux assemblées
épiscopales, ce qui, avec ses efforts pour sauver Priscillien le fera suspecter lui aussi
d’hérésie.
Priscillien
Après la chute de Maxime, les corps de Priscillien et de ses compagnons sont
ramenés, sans doute par voie maritime, de Trèves en Galice où ils sont inhumés. Ils
sont alors célébrés comme des martyrs et font l’objet d’un véritable culte.
Certains historiens comme Philippe Martin considèrent que le corps retrouvé
au 9e siècle à Compostelle, présenté selon une légende qui "ne tient pas la route"
comme celui de saint Jacques, fils de Zébédée et disciple de Jésus, est en réalité
celui de Priscillien.
« Je peux pas imaginer un seul instant qu’un catholique moyennement cultivé
puisse croire que les reliques de Compostelle seraient celles de Jacques. Chacun
sait qu’elles appartiennent à Priscillien. Miguel de Unamuno, écrivain (1864-1936)
Le Protestant Ernest-Charles Babut (1875-1916), camarade de Charles
Péguy à l’ENS, titulaire de la chaire d’histoire du christianisme à la faculté
des lettres de Montpellier, est l’auteur de travaux sur Priscillien qu’il
réhabilite et sur Martin de Tours.
Image du bas : Tombeau du soi-disant Jacques et peut-être de Priscillien à
St Jacques de Compostelle. Un étude au carbone 14 permettrait de savoir si les
ossement ossements datent du 1er ou du 4ème siècle…
Pélage
Morgan ou Pelagius (v. 350 - v. 422), moine ascète irlandais. Arrive
à Rome vers 385. Scandalisé par les mœurs relâchées des Romains,
prêche une règle de vie à l’aristocratie afin de faire d'elle une élite de la
vertu. Part en Afrique pour fuir l’invasion d’Alaric, roi des Wisigoths (410).
Nie l'existence du péché originel et la nécessité du baptême des
enfants en bas âge. En réaction contre le pessimisme fondamental du
manichéisme, considère que tout Chrétien peut atteindre la sainteté par
ses propres forces et par son libre arbitre, minimise le rôle de la grâce
divine non indispensable à ses yeux.
Selon lui, la foi et le dogme ont peu d'importance car l'essence de
la religion est l'action morale. Enseigne que l'homme est, en lui-même et
par nature, capable de choisir le bien.
À la demande d’Augustin d’Hippone, déclaré hérétique par le
16è concile de Carthage en mai 418 (avec l'approbation du pape Zosime
qui l’avait d’abord réhabilité après deux condamnations en 411 et 416…).
Proscrit avec son disciple Celestius par l’empereur Honorius, et
expulsé de Constantinople par la police impériale. On ignore ce qu’il
devient ensuite.
La doctrine du péché originel sera réaffirmée lors du concile de
Trente (1545-1563) en réaction aux affirmations de Martin Luther.
Augustin d'Hippone
Aurelius Augustinus (354-430), philosophe et théologien chrétien
romain de la classe aisée, aux origines berbères, latines et phéniciennes.
Jeunesse très dissipée. Abandonne le manichéisme et se convertit au
christianisme en 386 sous l’influence de sa mère, Monique, et après sa
rencontre avec Ambroise de Milan. Acclamé comme évêque d’Hippone
(Annaba, Algérie actuelle) en 395, n’abandonne pas l’idéal monastique.
Accorde son rôle à la foi sans rien abandonner de la raison (croire
et comprendre ce qu’on croit). Contribue fortement à mettre au premier
plan dans le christianisme le concept d'amour ("Dilige et quod vis, fac" :
"Aime et fais ce que tu veux").
Le Dieu d'Augustin est à la fois au-dessus des êtres humains et au
plus profond d'eux-mêmes, d'où un accent mis sur ce qu'il nomme la
« trinité intérieure » : la mémoire, l'intelligence et la volonté.
Fait de la philosophie une discipline pratique dont le principal but
est la recherche du bonheur. Joue un rôle de premier plan dans
l'évolution de la notion de justice.
« Mais Toi, tu étais plus profond que le tréfonds de moi-même et
plus haut que le très-haut de moi-même ». ../..
Augustin d'Hippone
Démontre avec génie les mécanismes du temps.
« C'est donc une impropriété que de dire : il y a trois temps, le passé, le
présent et le futur. Il serait sans doute plus juste de dire : il y a trois
temps : le présent du passé, le présent du présent, le présent du futur […]
Le présent du passé, c'est la mémoire ; le présent du présent, c'est
l'intuition ; le présent de l'avenir, c'est l'attente. »
« L’éternité, c’est la qualité de l’instant. »
Combat les Donatistes, les Manichéens et les Pélagiens. Transmet
à l'Occident une forte méfiance envers la chair. Le premier à formuler la
doctrine du péché originel.
Contre ceux qui prennent à la lettre le commandement biblique :
« Tu ne tueras point », légitime le concept de "guerre juste".
En 408, à partir du verset de Luc 14, 12-23 "Compelle eos intrare"
("Force les à entrer"), accepte l’usage de la contrainte pour ramener dans
l’Église les hérétiques donatistes. Fournit aux apologistes de la persécu-
tion et de l’Inquisition leurs plus funestes arguments.
Dans son texte Contre les Juifs, affirme que les Juifs qui ne
reconnaissent pas la divinité de Jésus sont des fossiles vivants et qu’ils
peuvent être maintenus dans un statut de servitude et d’humiliation.
Nestorius
(v. 381 - 451), né en Syrie euphratéenne. Moine et prêtre à
Antioche. Sa renommée d'orateur amène l’empereur Théodose II à le
nommer en avril 428 évêque de Constantinople.
Soutient dans ses sermons qu'il ne faut pas désigner Marie
comme ‟Mère de Dieu” (Theotokos), mais comme mère de Jésus ou
‟Mère du Christ” (Christotokos).
Ces positions soulèvent l'hostilité de Cyrille, évêque d’Alexandrie. Au
concile d’Éphèse en juin 431, les évêques orientaux d'Antioche, partisans de
Nestorius, arrivent en retard, de sorte que Cyrille a toute liberté pour faire
proclamer la formule ‟Mère de Dieu”, déposer et excommunier Nestorius comme
hérétique. Lorsque Jean d'Antioche arrive à Éphèse, tient lui aussi, un concile et
dépose Cyrille. Mais Cyrille parvient à obtenir l'approbation de l'empereur.
Nestorius est exilé en Haute Égypte. Ses écrits sont détruits.
Le nestorianisme se répand en Asie centrale, en Inde et en Chine,
comptant 200 évêchés et des dizaines de millions de fidèles à son apogée au
12ème siècle. Il subsiste environ 100 000 Chrétiens nestoriens en Iran, en Irak,
aux États-Unis et en Inde.
Photo du bas : Concile d’Éphèse (431), mosaïque à la basilique N.-D. de Fourvière à
Lyon. « Ce concile se déroule dans un climat épouvantable : bagarres de rues menées par
des moines aux mœurs de brigands, distribution d’or et de cadeaux divers pour influencer les
votes, Cyrille étant un champion de pots-de-vin. » Jacques Duquesne, op. cit.
Hypatie d'Alexandrie
(v. 360-415), mathématicienne et philosophe grecque, fille du
mathématicien Théon. Études de sciences, philosophie et éloquence à
Athènes. Travaille dans le domaine de l'astronomie et de la philosophie, écrit
des commentaires sur L'Arithmétique de Diophante, sur Les Coniques
d'Apollonios de Perga et sur Les Tables de Ptolémée. Ses exposés publics à
Alexandrie, où elle défend les thèses néoplatoniciennes, lui valent une grande
renommée.
En 415, est assassinée dans l’église appelée Césarion par les hommes
de main de l’évêque Cyrille, infirmiers-fossoyeurs d'Alexandrie, les parabalani
(membres d'une confrérie chrétienne), démembrée et brûlée à un endroit
nommé Cinaron.
Aucun de ses travaux ne nous est parvenu, à cause en particulier de
l'incendie final de la bibliothèque d'Alexandrie.
Images :
- Détail du tableau de Raphël (1483-1520) L’École d'Athènes, une référence à Hypatie ?
- Théophile d’Alexandrie, évêque d’Alexandrie de 384 à 412. En 391, détruit et incendie le Sérapéum
d’Alexandrie, sanctuaire dédié à Serapis, où est installée une annexe de la célèbre bibliothèque
d'Alexandrie. Cette destruction a pour but d’assoir la religion chrétienne, conformément au décret de
l’empereur Théodose Ier concernant les temples païens, et entraine la perte de 40 000 à 70 000 rouleaux.
Son neveu et successeur l’évêque Cyrille (376-444) éradique le paganisme, le judaïsme et ce qu'il
considère comme des hérésies : écrit contre les Ariens et les Antiochiens, fait fermer les synagogues et
les églises des Novatiens. Anéantit ainsi la communauté juive et s'en prend de la même manière aux
autres communautés chrétiennes qualifiées d'hérétiques. Fait condamner Nestorius au concile d’Éphèse .
Père et docteur de l’Église catholique depuis 1882.
Jean Cassien
(v. 360-435), moine chrétien, Père de l’Église. Né en Scythie, dans
la région des bouches du Danube. D'abord moine à Bethléem, vit pen-
dant une quinzaine d'années avec les Pères du désert en Palestine, en
Égypte, puis à Rome, s’établit en Gaule et fonde deux communautés
monastiques à Marseille, celle de St Victor pour les hommes, celle de St
Sauveur, avec sa soeur, pour les femmes. Benoît de Nursie s'appuiera
sur ses ouvrages pour établir sa règle monastique.
Établit un pont entre le monachisme d'Orient et celui d'Occident.
Dans deux de ses conférences, aborde la question de la grâce et de la
liberté humaine. Les réponses qu'il donne à cette question vont à l'inver-
se des positions de Saint Augustin, défendues par Prosper d'Aquitaine,
et le font condamner comme semi-pélagien*. Sur les instances du futur
pape Léon Ier, compose un traité sur l'Incarnation, contre Nestorius,
patriarche de Constantinople.
Ses œuvres sont le premier manuel de spiritualité du christianisme
nicéen. Son anthropologie marquée par l’intériorité et la croissance peut
éclairer des problématiques contemporaines touchant à l’articulation
entre le psychologique et le spirituel.
* Augustin d’Hippone considère que la foi chrétienne est un effet de grâce et de la volonté
divine, le chrétien est qualifié d’élu de Dieu. La doctrine du semi-pélagianisme, qui considère que
le libre arbitre peut mener à la foi sans nécessiter le secours de la grâce, est condamnée lors du
concile d'Orange, en 529.
Boèce
Anicius Manlius Severinus Boethius (v. 480-524), philosophe et hom-
me politique latin, consul, maître du palais de Théodoric, roi des Ostro-
goths. Sur la base de textes grecs, ambitionne l’exposer les 4 disciplines du
quadrivium (arithmétique, musique, géométrie et astronomie) c'est-à-dire
les 4 voies menant à l'étude de la philosophie.
Emprisonné à la fin de sa vie, rédige Consolation de Philosophie,
dans laquelle la poursuite de la sagesse et l'amour de Dieu sont décrits
comme les véritables sources du bonheur.
Également théoricien de la musique et auteur des Apices, système
de chiffres décimaux à l'origine de l'introduction de la numération de
position par Gerbert d'Aurillac (v. 945-1003).
Accusé de sympathie pour la politique de reconquête de l'Italie
inspirée par l'empereur Justinien, est arrêté sur les ordres de Théodoric ;
longtemps emprisonné, est cruellement mis à mort en 524.
Témoin des derniers feux de l'Empire romain, occupe une place
fondamentale dans la transmission de la philosophie antique en Occident.
Sa traduction en latin de l’œuvre logique d'Aristote, ainsi que son commen-
taire par Porphyre de Tyr, exerceront une influence déterminante sur la
philosophie médiévale.
« Qu'est-ce apparemment que la santé des âmes sinon la bonté ? Et
leur maladie, sinon la méchanceté ? Et quel est celui qui préserve les
bonnes choses et chasse les mauvaises, sinon Dieu, le maître et le méde-
cin des âmes ? »
Benoît de Nursie
Benedicto de Nursia (v. 480 - v. 547), moine, fondateur de
l'ordre des bénédictins. Sa vie n’est connue qu’à travers le récit
empreint de légendes de Grégoire le Grand (540-604). Études de
lettres et de droit à Rome. Dégoûté par la vie libertine étudiante, décide
de tout quitter, et mène pendant 3 ans dans une caverne à Subiaco
une vie simple érémitique (du grec èrémitês, isolé).
Accepte de devenir abbé dans le monastère de Vicovaro,
mais les moines, en désaccord avec les règles de vie cénobitique (du
grec koinos : commun) qu'il impose, tentent de l'empoisonner.
En 529, s’installe avec quelques moines dans une ancienne
forteresse qu’ils transforment en monastère, sur le Montecassino (Mont
Cassin, 529 m).
Rédige v. 540 une règle qui, codifiée par Benoît d’Aniane, se
répand à l’époque carolingienne et reste la règle fondamentale des
bénédictins et de la vie monastique : travail, prière ou contemplation,
lecture; modération, gravité, austérité, douceur.
"L’oisiveté est ennemie de l’âme, c’est pourquoi, à certaines
heures, les frères doivent s’occuper au travail des mains et à certaines
autres à la lecture divine (lectio divina)."
Pseudo-Denys l'Aréopagite*
Probablement moine syrien vers l'an 500, qui dissimule sa véritable
identité sous le nom du disciple converti par Paul à Athènes. Le premier
auteur, en grec, de traités chrétiens de théologie mystique. Son œuvre
s'inspire du néoplatonisme*, notamment des écrits de Proclus, mais aussi d’
Origène, Clément d'Alexandrie, Grégoire de Nysse.
Son traité Les noms divins examine les noms de Dieu structurés par
le mouvement de la procession, de la conversion et de la permanence. On
ne peut nommer Dieu que par ses processions, car en tant qu’il est non-être
et au-delà de l’être, il reste caché et au-delà de tout nom. L’auteur passe en
revue les différents noms de Dieu : le bien, la lumière, le beau, l’amour, etc.
Ces titres, qui jouent un rôle central dans le platonisme tardif, sont ici pro-
fondément christianisés.
Son court Traité de la théologie mystique est le texte le plus lu et
médité par les penseurs du Moyen-Âge. Il montre que l’union mystique,
illustrée par l’entrée de Moïse dans la Ténèbre (Exode 19), transcende toute
expression et activité des sens et de l’intellect, si bien que connaissance et
ignorance de Dieu sont tenues pour identiques. La montée de Moïse ../..
* L’aéropage était le conseil et tribunal d'Athènes (qui siégeait sur la colline Aréopage,
consacrée au dieu Arès), réputé pour sa compétence, son intégrité et sa sagesse. Par extension,
assemblée de juges, de savants, d'hommes de lettres très compétents.
Pseudo-Denys l'Aréopagite
sur le Sinaï représente l’ignorance de Dieu, mais sa redescente fonde
la validité de la théologie positive.
Introduit la distinction entre la théologie mystique, la théologie
symbolique et la théologie spéculative. Défend une théologie apopha-
tique : on approche mieux Dieu en disant ce qu’il n’est pas plutôt que
ce qu’il est.
Répartit en trois étapes* le chemin de l’union à Dieu : voie
purgative (purification des vices), voie illuminative (développement des
vertus de courage, prudence, justice et tempérance) et voie unitive
(maturité spirituelle et humaine permettant d’affronter jusqu’à
l’héroïsme toutes les situations) ou, suivant Augustin : Commençants,
Progressants et Parfaits.
Jean de la Croix, Ignace de Loyola, Thérèse d’Avila ("les sept
demeures") ont chacun revisité ce modèle en décrivant une "ascen-
sion" de la personne qui, d’une certaine manière suit le même schéma
de dépossession-transformation et de rapprochement de Dieu. ../..
** Jean Climaque, moine syrien des 6ème et 7ème siècles, dans son traité L’échelle du paradis
(en grec, échelle se dit klimax) ne donne pas moins de 33 degrés à son échelle spirituelle :
degrés 1-4 : renoncement au monde et obéissance à un père spirituel ; degrés 5-7 : pénitence
et affliction (penthos) comme voies de la véritable joie ; degrés 8-17 : lutte contre les vices et
acquisition des vertus ; degrés 18-26 : fuite des pièges de l'ascèse (paresse, orgueil,
pusillanimité) ; degrés 27-29 : atteinte de l’hésychia (paix de l'âme) et de l’apatheia
(impassibilité).
Pseudo-Denys l'Aréopagite
« Dieu n’a pas de force et il n’est aucune force ni aucune
lumière. Et il ne vit pas et il n’est pas non plus la vie. Et il n’est pas
l’être ni l’éternité ni le temps. Et il n’est ni le savoir ni même la vérité,
ni la seigneurie ni la sagesse, ni non plus l’Un et l’unité ou même la
divinité parce qu’il est totalement au-delà de tout et au-dessus de tout
et de chacun. Il est celui qui transcende toute affirmation et toute
négation. »
Cette méditation apophatique de Denys l’Aréopagite, qui frise
l’athéisme, est à rapprocher de ces autres méditations antérieures ou
postérieures :
- Augustin d’Hippone : « Que peut-on dire en parlant de Toi ? »
- Johann Eckhart : « Si j’avais un Dieu que je pusse connaître, je ne
voudrais plus le tenir pour Dieu ! Si tu connais quelque chose de
Dieu, il n’est rien de cela. »
- Simone Weil : « Dieu ne peut être présent dans la création du
monde que sous la forme de l’absence »
Pseudo-Denys l'Aréopagite
Les auteurs contemporains, notamment en psychologie, actua-
lisent et adaptent en langage non religieux cette progression vers l’ac-
complissement humain :
- la voie purgative est la période de thérapie, de soin des blessures et de
guérison des dysfonctionnements qui empêchent la personne d’être elle-
même;
- la voie illuminative est la période pendant laquelle la personne entre
peu à peu dans sa mission et se demande ce qu’elle peut et doit
apporter de spécifique et d’unique dans la caravane humaine;
- la voie unitive est la période de passage à l’action : "Comment donner
ce que j’ai à donner ?"
Ainsi, Marge Reddington, infirmière et psychothérapeute états-
unienne, propose une approche intégrée de l’être humain en évolution et
un programme (‘Symbolisation’) d’identification et de satisfaction des
besoins physiques, psychologiques et spirituels de l’être humain et de
croissance existentielle.
Les neurosciences confirment cette intuition des penseurs du siècle précédent (Abraham
Maslow, Éric Berne, Marge Reddington, Carlo Moiso) en reliant les soifs de la personne à chacun
de nos trois cerveaux : le besoin de sécurité et de structure est en lien avec le cerveau reptilien,
la soif de reconnaissance se forge dans le cerveau limbique, siège des émotions et de la mémoire
des situations vécues, la soif de stimulation, d’action et de créativité est commandée par le
néocortex.
Patanjali
(entre 300 et 500 après J.-C. ? *), fondateur indien de la philosophie
du yoga. Son enseignement est contenu dans les Yoga Sutras, un court
texte composé de 195 aphorismes.
Le yoga comporte 8 "marches" pour évoluer vers une plus grande
conscience d’être : règles sociales, règles vis-à-vis de soi-même,
postures, contrôle de la respiration, maîtrise des sens, concentration,
méditation, union au divin. La non-violence (ahimsa), respect en pensée,
en parole et en action de la vie de tout être vivant, est la première
exigence éthique de l’homme.
« La non-violence, la vérité, le désintéressement, la modération, le
refus des possessions inutiles » (…) « ne dépendant ni du mode
d’existence, ni du lieu, ni de l’époque, ni des circonstances ».
Ce qui perturbe l’existence de l’homme, ce sont ses pensées.
« Ces pensées, comme la violence, qu’on la vive, la provoque ou
l’approuve, sont causées par l’impatience, la colère et l’erreur ».
« Si quelqu’un est installé dans la non-violence, autour de lui l’hostilité
disparaît. »
* L’anonymat est une des caractéristiques des grands sages de l’Inde ancienne. Ils estiment
que leur enseignement est le résultat d’un effort collectif sur plusieurs générations et refusent de
s’en attribuer tout le mérite.
Mahomet
Muḥammad ou Mohammed (v. 570 - v. 632), Abū al-Qāsim
Muḥammad ibn ʿAbd Allāh ibn Abd al-Muṭṭalib ibn Hāshim, arabe issu de
la tribu de Quraych. Fondateur de l'islam, en est considéré comme le
prophète majeur *.
Berger puis caravanier, entre au service d’une riche veuve qu’il
épouse. Selon la Tradition, reçoit en 610 de l’archange Gabriel (Djibril) le
premier verset du Coran à la grotte de Hira. Forme ses disciples dans le
monothéisme. Pendant sa période mecquoise (610-622), guide spirituel,
propose une morale de l’action bonne, droite, et juste.
Banni par sa tribu polythéiste, migre en 622 (l’hégire) de La
Mecque à Yathrib (Médine) dont il devient le chef religieux, politique et
militaire. Fait assassiner ses opposants, ordonne la lapidation d’une
femme infidèle, fait arracher et brûler les palmiers des tribus juives Nadir
(625), justifie le massacre des 600 à 900 Juifs de la tribu des Qurayzah
(627). Il impose aux non-Musulmans (Juifs, Chrétiens, etc.) la dhimmma,
à la fois protection et soumission aux autorités.
* En regardant la vie des 6 personnages, on a de bonnes raisons d’estimer que le roi
David des Hébreux (Daoud pour les Musulmans) est à Jésus de Nazareth ou à François d’Assise
ce que Mahomet dans l’islam est à al-Hallâj ou à Sohravardi.
Pour Jean-Marie Muller, « une authentique réforme de l’islam implique de prendre une
distance critique par rapport à la lettre du texte coranique », de la même façon que les
Musulmans ont pris leurs distances depuis longtemps avec l’esclavage (le Coran permet de
prendre pour concubines des esclaves acquises par le butin de la guerre).
Maxime le Confesseur*
(v. 580-662), moine et théologien byzantin. Premier Secrétaire à
la cour de l'empereur Héraclius, devient moine en 613, au monastère de
Chrysopolis. À la suite de l'invasion du Proche-Orient par les Perses
sassanides, se réfugie à Carthage en 626.
Participe, à partir de 639, à la controverse monothélite, relative
au nombre de volontés en Jésus-Christ, considéré depuis 325 comme
homme-Dieu.
Ses écrits théologiques et spirituels sont fortement influencés par
les œuvres d'Évagre le Pontique, des Pères cappadociens, du Pseudo-
Denys l'Aréopagite, de Cyrille d'Alexandrie et de Léonce de Jérusalem.
En 653, arrêté par l’empereur byzantin Constant II, en même
temps que le pape Martin.
Jugé à nouveau en 662 par les évêques et les sénateurs
byzantins. On le torture, on lui arrache la langue, on lui coupe la main
droite, pour s'assurer de son silence, puis on l'exile en Lazique*.
../..
* ‘Confesseur’ non pas au sens de ‘qui entend en confession’, mais au sens de ‘confesser sa
foi’ avec ferveur et à ses risques et périls, comme ‘l’Église confessante’ (Bekennende Kirche) de
Dietrich Bonhoeffer
* Protectorat de l’empire byzantin, à l’Ouest de la Géorgie actuelle, au bord de la mer Noire.
Maxime le Confesseur
Affirme qu’il y a une empreinte du divin dans chaque plante,
animal, être humain, qui détermine son identité et sa finalité. La
vocation de l’homme est d’être déifié, et, en se déifiant, la nature
humaine déifie également le cosmos tout entier : les vivants et les
morts, les animaux, les plantes, les fleuves et les montagnes, jusqu’aux
anges eux-mêmes.
Irénée Hausherr* explique que le concept grec de philautie
(Φιλαυτία, de φίλος, qui aime, et αὐτὸς, soi-même) indique habituel-
lement un défaut, l’égoïsme, mais comporte aussi une dimension
positive très importante qui se réfère au commandement évangélique
de s’aimer soi-même pour pouvoir aimer les autres comme soi-même :
la tendresse pour soi débouche sur la charité envers l’autre.
* Irénée Hausherr (1891-1978, photo du haut), jésuite français, professeur de spiritualité
et de patristique au Pontificum Instituum Oriantalum, Institut pontifical oriental pour la patristique
et la spiritualité de l'Orient chrétien. Langues maîtrisées : latin, grec, allemand, anglais, syria-
que, arménien, arabe, russe et langues slaves.
Ses travaux sur la prière (en particulier dans le cadre de l'hésychasme, qu'il a contribué
à faire connaître à l'occident), la direction spirituelle, le penthos (componction), la philautie et la
contemplation, font aujourd'hui encore référence.
Isaac de Ninive
ou Abba Isaac, ou Isaac le Syrien (v. 640 - v.700), moine et
ascète nestorien, écrivain, évêque, mystique et théologien de l'Église
de l'Orient.
Né dans l’actuel Qatar, devient moine très jeune.
Abdique 5 mois après avoir été élu évêque par les habitants de
Ninive, se retire comme anachorète au mont Matout parmi les
ascètes du Nord.
. Pour lui, les voies de la connaissance de Dieu sont existen-
tielles : foi, prière, humilité, purification de l’esprit et son union avec le
cœur.
« Je veux un cœur qui s'enflamme de charité pour la création
entière, pour les hommes, pour les oiseaux, pour les bêtes, pour les
démons, pour toutes les créatures. Priez aussi pour les animaux et
même pour les reptiles, dignes eux aussi d'une pitié infinie. »
« Voici, mon frère, un commandement que je te donne : que la
miséricorde l’emporte toujours dans ta balance, jusqu’au moment où
tu sentiras en toi-même cette miséricorde que Dieu éprouve envers le
monde. »
Shantideva
(v. 685-763), philosophe indien madhyamika, une branche du
bouddhisme mahāyāna. Un des derniers grands maîtres d'expression
sanskrite, jouit d'une considération particulière dans le bouddhisme tibétain.
Auteur du Bodhicharyavatara, œuvre capitale de la tradition bouddhiste indo-
tibétaine, hymne à la compassion universelle.
Propose de nombreuses pratiques qui servent de base au
lodjong, entraînement de l'esprit à la compassion : on apprend à abandonner
l'égoïsme et à considérer les autres comme plus importants que soi même.
Dans la pratique de tonglen, on décide de prendre toute la négativité et les
souffrances pour soi et de donner tout le bonheur aux autres.
« Puissé-je être pour toutes les créatures celui qui calme les
douleurs ! Puissè-je être pour le malade le remède, l’infirmier, le médecin,
jusqu’à la disparition de la maladie !
Puissè-je être pour les pauvres un trésor inaliénable !
Puissè-je être le protecteur des abandonnés, le guide de ceux qui
cheminent, la barque, le gué, le pont pour ceux qui désirent l’autre rive.
Puissè-je être la lampe de ceux qui ont besoin de lampe, le
serviteur de ceux qui ont besoin de serviteurs ! »
Rabi’a al Adawiyya
Rabi’a al Adawiyya al Qaysiyya ou Rabia Basri (v. 713-801),
mystique et poétesse musulmane soufi (Irak actuel), souvent dénommée
"la Marie Madeleine de l’Islam".
Ancienne esclave affranchie, renonce jusqu'au mariage et à tous
les plaisirs éphémères de la vie pour ne se consacrer qu’à Allah.
Pratique le végétarisme. Les maigres écrits qu'il nous reste d'elle en font
l'un des premiers chantres de l'amour divin. Une des premières à
dépasser la démarche ascétique traditionnelle pour appeler à l’union
parfaite avec Dieu. Met l’accent sur le pur amour de Dieu pour lui-même,
qui doit délivrer les croyants aussi bien de la peur de l’Enfer que du désir
de Paradis*.
Son immense rayonnement lui vaut la vénération de ses contem-
porains. Pour les soufis, elle est connue comme « la Mère du Bien ».
« Sans Toi, ô ma vie, ô ma confiance,Je ne serais jamais lancée
dans l’immensité du pays. (…)Tant que je vivrai, je ne m’éloignerai pas
de Toi. Tu es le seul maître de l’obscurité de mon cœur. »
« Mon Dieu, si je t’adore par crainte de ton Enfer, brûle-moi dans
ses flammes, et si je t’adore par convoitise de Ton Paradis, prive m’en.
Je ne t’adore, Seigneur, que pour Toi. Car Tu mérites l’adoration. »
* On raconte ainsi qu’elle portait une torche et un seau et, lorsqu’on lui posait la question des
raisons de cet étrange appareillage, elle répondait : « Je vais vers le ciel, pour jeter du feu sur le
paradis et de l’eau sur l’enfer, afin que tous les deux disparaissent et que les hommes regardent
Dieu sans espérance ni crainte. » (propos rapporté au 14e siècle par Aflaki)
Âdi Shankara
("Celui qui apporte la félicité", 788 ? -720 ?), maître spirituel de
l'hindouisme, philosophe indien de l'école Advaita Vedānta, commen-
tateur des Upanishad védiques, du Brahma Sūtra et de la Bhagavad-Gita.
Originaire du Kérala, disciple de Govinda Bhagavatpâda, voyage à
travers l’Inde, compose des commentaires des textes sacrés de l'hin-
douisme. Réformateur religieux, orateur, prédicateur, cherche à créer une
entente entre les écoles religieuses de son époque. Affirme que toutes les
divinités ne sont que des formes différentes de l'Être suprême. Fonde 4
monastères aux 4 points cardinaux de l’Inde (photo du bas : celui de Shingeri).
Serait mort à 32 ans, près du mont Kailash dans l'Himalaya.
Veut rétablir le sens du rituel, qui doit être avant tout intérieur.
Refuse les rituels sanglants, exhorte les desservants des temples à
remplacer les offrandes de boissons alcoolisées (madya), de viande
(māṃsa) et de poisson (matsya) par des offrandes de riz, de fleurs et de
laitages.
Encourage 4 qualités principales :
- capacité de distinguer (entre l'éternel et l'éphémère)
- contrôle des passions (peur, colère, jalousie, etc.)
- équanimité (voir du même œil tous les êtres)
- désir de libération du cycle des réincarnations.
Abu Yazîd Bistâmî
(v. 804 - v. 875), soufi, ascète et mystique perse, surnommé
sultân al-'ârifîn (le sultan des initiés). Quitte Bistam, son village natal,
voyage durant 30 années, visitant la Syrie et particulièrement les
alentours de Damas. S’occupe de science et de combattre son propre
nafs (le moi égoïste).
Lorsque quelqu’un frappe à sa porte et le demande, répond :
« Non, il n’y a que Dieu dans cette maison ! » La présence divine a
annihilé en lui l’ego humain ordinaire. Ses contemporains ne compren-
nent pas ses affirmations relatives à la science de l’Unicité et de la
Connaissance de Dieu, et le forcent à s’exiler 7 fois.
« Le recueillement se reconnaît à cinq indices : en évoquant
son moi, on s'appauvrit ; en se remémorant son péché, on se repent ;
en se représentant le monde, on médite ; en imaginant l'au-delà, on se
réjouit ; en invoquant le Souverain, on s'honore. »
« Dix défauts rendent le corps vil : l'animosité, la colère,
l'orgueil, l'outrage, la querelle, l'avarice, l'ostentation du dénuement,
l'abandon du respect, la grossièreté, la renonciation à l'équité. »
Le soufisme, courant mystique de l’islam, est honni par les fondamen-
talistes islamistes qui le considèrent comme hérétique.
Hunayn Ibn Ishaq
(v. 808-873), médecin, traducteur et enseignant arabe de Bagdad,
diacre de la religion chrétienne nestorienne. Traduit en arabe L'anatomie de
Galien puis les Aphorismes d'Hippocrate. Vers 830, est chargé de supervi-
ser les traducteurs de la ‘Maison de la sagesse’ (Bayt al-Hikma) du calife al-
Mamun. Maîtrise le grec, compose un lexique syriaque-arabe, invente un
vocabulaire scientifique et technique arabe. Participe aux conférences de
savants organisées par le calife al-Wathiqqui le charge de rédiger une sorte
d'encyclopédie médicale.
Refuse de préparer un poison mortel demandé par le calife et desti-
né à se débarrasser de l'un de ses ennemis. Est emprisonné, menacé d’exé-
cution, refuse toujours, entreprend en prison une traduction de la Bible en
arabe, et devient finalement premier médecin du calife.
On lui attribue une centaine d'ouvrages, la plupart de médecine et de
pharmacie. Écrit un livre de philosophie, perdu, dont on a un résumé intitulé
Adab al-falasifa, et une méditation sur les motifs qui poussent à adhérer à
une religion. À la différence d'Ammar al-Basri, théologien chrétien nestorien
arabe, ne s'en tient pas pour croire au seul critère du miracle, mais y ajoute
des causes plus rationnelles. ../..
Image du haut : Enluminure d'un manuscrit de l'Isagogè, introduction aux Catégories
d'Aristote, écrite au 3ème siècle par le philosophe néoplatonicien Porphyre (234-305), représentant
Hunayn Ibn-Ishaq al-'Ibadi
Hunayn Ibn Ishaq
et les ‘maisons de la sagesse’
Les ‘maisons de la sagesse’ (bayt al-ḥikma), auraient associé, pour certains auteurs,
des bibliothèques, des observatoires, des hôpitaux, des lieux de réunion et des centres de
traduction d'ouvrages de cosmologie, d'astrologie, de mathématique, de philosophie, de
poésie et d'histoire. D'autres auteurs, comme Houari Touati, les envisagent plus modeste-
ment comme une institution bibliothécaire, le « dépôt de livres de la sagesse des Anciens ».
Leur rôle est majeur dans la transmission de l'héritage des civilisations grecque,
perse et du Moyen-Orient, mais aussi indienne, chinoise, etc. Cet aspect fait de ces maisons
un des symboles de l'âge d'or de la science arabe, comme lieu de collecte, de diffusion, de
copie et de traduction de la littérature d'adab (les belles-lettres).
La Maison de la sagesse du 9ème siècle à Bagdad a laissé place à un institut de
recherche. L'ancienne madrasa médiévale n'existe plus et le centre de recherche contem-
porain est en partie détruit lors de la guerre d'Irak de 2003.
Images : - La bibliothèque de Bagdad, la plus grande institution scientifique au monde, détruite en 1258 par les Tatars.
- Khal Torabully, né en 1956, écrivain mauricien, poète, linguiste et réalisateur de films. Membre-fondateur du
‘Groupe d'études et de recherches sur les mondialisations’ (GERM) à Paris.
En 2012, la ‘Maison de la sagesse’ de Grenade (Andalousie), est lancée par
des citoyennes et citoyens de cette cité, sur une idée de Khal Torabully.*
Elle a pour but de réactualiser la convivencia, tolérance religieuse dans
l’Andalousie médiévale du 12ème siècle. Elle est saluée par l'Unesco comme
une initiative citoyenne œuvrant pour la paix dans le monde.
Jean Scot
ou Érigène (: d’Irlande) (v. 810 - 876), clerc, philosophe et
théologien. Originaire d’Écosse ou d’Irlande, vient en France vers 845,
appelé par Charles II le Chauve, et passe presque 30 ans à la cour de
ce prince.
Penseur original, sachant le grec, l'arabe et l'hébreu, nourri de
la lecture des écrits d'Augustin, d'Origène, etc., traducteur de textes
alors attribués à Denys l'Aréopagite (moine syrien mystique, d'inspira-
tion néo-platonicienne, vers 500 après J.-C.).
En 851, écrit dans De la prédestination que Dieu ne prévoit ni
peines, ni péchés (ce sont des fictions) et que l’Enfer n'existe pas, ou
alors il se nomme le remords. Affirme que la raison humaine n'entre
pas en contradiction avec la foi.
Lors d’un débat sur la prédestination, vers 865, est dénoncé
comme hérétique par le pape Nicolas Ier. Au lieu de se retirer dans un
couvent, demeure en France, et meurt sur sa terre d'accueil.
Réhabilité par le pape Benoît XVI en 2009.
Mansur al-Hallâj
Husayn ibn Mansur al-Hallâj (857 ? - 922), poète et philosophe
persan, mystique du soufisme. Naît dans une famille pauvre, son père
travaille la laine, d’où le nom de al-Hallâj, "le cardeur". .
Peu satisfait par l'enseignement traditionnel du Coran, attiré par une vie
ascétique, fréquente des maîtres du soufisme. Prédicateur en Iran, puis
en Inde et peut-être jusqu’aux frontières de la Chine ?
Rentré à Bagdad, suspecté aussi bien par les Sunnites que par
les Chiites pour ses idées mystiques (recherche de l'amour divin et de
l'union de l'âme et de Dieu) et son influence sur les foules. .
Fait passer au second plan les rites et les usages religieux, d’où sa
volonté de supprimer le pèlerinage à La Mecque, ou plutôt de le
remplacer par un "pèlerinage votif", c’est-à-dire en esprit.
Faussement accusé d'avoir participé à la révolte des Zanj, mais
sa condamnation résulte du fait qu'il a proclamé publiquement "Ana al
haqq" ("Je suis la Vérité ») *.
* Cette affirmation n'est pas incongrue dans le milieu soufi où ce genre de propos est
considéré comme émanant d'un homme qui, "fondu" dans "l’océan de la divinité", possède un
rang spirituel très élevé. Abdennour Bidar précise que le poète et philosophe indien musulman
Mohamed Iqbal (1877-1938) traduit cette expression par « Je suis la vérité créatrice », en ce
sens qu’une personne qui s’efforce d’être fidèle à ses appels les plus profonds fait aussi
l’expérience de découvrir et déployer sa créativité.
Mansur Al Hallâj
Ne voulant pas renier ses propos publics, est condamné à
mort, flagellé, crucifié et décapité à Bagdad en mars 922. Son
cadavre est brûlé, et ses restes jetés dans le Tigre avec son
œuvre.
Auteur d'une œuvre abondante visant à renouer avec la pure
origine du Coran et son essence verbale et lettrique.
Cinq types de textes nous sont parvenus : une collection d’oracles
et d’invocations composés à la Mecque vers 900, des fragments
théologiques, des hymnes et prières, le livre philosophique du
Tâwasîn, et le plus célèbre de ses écrits le Dîwân (= le Registre),
un recueil poétique.
« Sache que judaïsme, christianisme et islam, comme les
autres religions, ne sont que dénomination et appellation, le but
recherché à travers elles jamais ne varie, ni ne change. »
« Mon Dieu… Tes serviteurs se sont réunis pour me tuer,
par zèle pour ton culte et par désir de se rapprocher de Toi.
Pardonne-leur ! Car si Tu leur avais dévoilé ce que Tu m’as dévoilé,
ils n’eussent pas agi comme ils ont agi. »
Vasugupta
(v. 860 - v. 925), mystique indien, originaire du Cachemire,
hindouiste shivaïte* appartenant à l'école trika. Probablement contem-
porain des érudits bouddhistes des 8ème et 9ème siècles et de l’école
philosophique hindoue de l’Advaita Vedanta (non-dualité).
Auteur de 2 ouvrages majeurs : les Shiva Sutras et les Spanda
Karikas. Les Śiva Sūtra, qu'il aurait reçus en rêve, sont à la base du
système trika ou système non-duel du shivaïsme du Cachemire. Selon
d’autres légendes postérieures, aurait trouvé les sutras inscrits sur un
rocher appelé Sankaropala.
Maître de Kallaṭa qui compose la Spandakārikā sous sa direction.
Abhinavagupta (10e siècle) représente l'apogée de ce courant.
Le shivaïsme du Cachemire enseigne que le monde est une
expansion de Dieu et qu'en conséquence la réalisation doit s'obtenir au
sein de la vie quotidienne. Le texte étudie la nature et de la cause de la
servitude, et la manière dont on se libère de cette servitude. Il a été
abondamment commenté par des auteurs indiens, comme Jaideva Singh
(1893-1986). Certains manuscrits ont été traduits en anglais, comme
Mark Dyczkowski, né en 1951.
* Le shivaïsme est l' une des principales traditions hindoues qui vénère Shiva, également appelé
Rudra, comme l'Être suprême. C'est la tradition hindoue qui accepte le plus la vie ascétique et
met l'accent sur le yoga et, comme d'autres traditions hindoues, encourage un individu à
découvrir et à ne faire qu'un au fond de soi avec Shiva.
,
Avicenne
Abu Ali Husayn Ibn Sīnā (980-1037), médecin, philosophe et
mystique arabo-islamique d’origine persane.
S'intéresse à l'astronomie, l'alchimie, la chimie, la physique,
l’astronomie, les mathématiques et la psychologie.
Commentateur d'al-Farabi (mort en 950), opère une fusion
de l’aristotélisme, du platonisme et de la pensée islamique dans
le Kitab al-Shifa (‟Livre de la guérison”)
Son ouvrage al-Qanun fi al-Tibb, connu comme le "Canon
de la médecine" sera le manuel de référence des écoles
européennes jusqu'au 17ème siècle.
Consacre ses dernières années à la philosophie et compose
un "Traité de l'âme et du destin", un "Guide de la Sagesse", etc.
Sa pensée sur la distinction de l‘ "essence" de l'être et de
l' "Existence" sera exploitée par Thomas d'Aquin ; elle est une des
bases de la philosophie scolastique néo-aristotélicienne du
Moyen-Âge chrétien.
Abdallâh al-Ansârî
Khwâdja ‘Abdullâh al Ansâri al Harawî (‘L‘homme de Hérat’,
1006-1089), maître spirituel musulman afghan. Juriste (faqīh), poète,
exégète, maître en hadīth (paroles de Mahomet), historien, orateur,
fervent hanbalite*. Défenseur fervent de la sunna et connaisseur du
Coran, s’oppose aux acharites et mutazilites et ne ménage ni le Sultan ni
les notables qui cherchent souvent, en vain, à le faire condamner, mais
le contraignent cependant à quitter sa ville à plusieurs reprises. Peu
connu en Occident, n’ayant laissé chez les Arabes que le souvenir d’un
polémiste virulent qui « passait à l’injure dès qu’il constatait la moindre
divergence de vues avec son interlocuteur » (selon Ibn Rajab Baghdâdî),
n’a pas cessé pourtant de rayonner sur les peuples de langue persane,
pour lesquels il représente l’un des plus anciens monuments de leur
prose. Pour le peuple afghan surtout qui partage sa culture et sa finesse,
son tempérament bouillant et altier, demeure un protecteur et un
intercesseur.
Ses nombreux ouvrages sont encore étudiés et commentés
aujourd’hui, particulièrement le Manazil as-sā’irīn, traduit en français
sous le titre Les étapes des itinérants sur le chemin de Dieu, et traitant
de cent stations spirituelles (maqāmāt) de la voie.
* Le hanbalisme (théoricien : Ahmed ibn Hanbal -780-855) est, avec le malikisme, le
hanafisme et le chaféisme, l'une des quatre écoles de jurisprudence (madahab) de l'islam sunnite.
Bruno le Chartreux
(v. 1030-1101), moine catholique. Né à Cologne dans une famille
noble, peut-être les Hardefust, étudie, à la collégiale Saint-Cunibert,
la grammaire, la rhétorique et la dialectique. Chanoine et directeur des études
de l’école-cathédrale de Reims. Doit s’exiler pour avoir dénoncé la simonie*
de l’archevêque Manassès de Gournay. En 1083, avec deux compagnons
Pierre et Lambert, se rend en Bourgogne auprès de Robert de Molesme (v.
1029-1111, cofon-dateur de l’ordre de Cîteaux, les cisterciens), pour lui
demander l'habit monastique et l'autorisation de vivre une expérience semi-
érémitique dans l'ermitage de Sèche-Fontaine, près de Troyes, une
dépendance de l'abbaye de Molesme.
En 1084, avec l’accord de l’évêque de Grenoble, Hugues, s’installe
avec 6 compagnons dans la solitude sauvage du massif de la Chartreuse à
1190 m d’altitude, où il reste 6 ans. Leur expérience (pauvreté, silence, prière,
travail manuel et intellectuel) donne lieu à la création d’un nouvel ordre
monastique, les chartreux*. Est appelé à Rome par un de ses anciens élèves
élu pape sous le nom d’Urbain II, qui veut l’avoir à ses côtés comme
conseiller. En 1092, ne pensant qu'à reprendre sa vie d'ermite, part pour la
Calabre où il fonde d'autres ermitages, à Santo Stefano del Bosco et à Santa
Maria della Torre.
* vente-achat des charges ecclésiastiques au sein de l’Église. La simonie doit son nom à un
personnage des Actes des Apôtres, Simon le Magicien, qui voulut acheter à Pierre son pouvoir de faire
des miracles.
** Le chartreux vit seul en cellule, mais il partage des moments communautaires, au moins à trois
reprises dans la journée.
Image : monastère de la Grande Chartreuse à St Pierre de Chartreuse (Isère)
Rachi de Troyes
(1040-1105), rabbi Shlomo ben Yts’hak (Rabbi Salomon fils d’Isaac)
dit Rachi, né à Troyes (Champagne), rabbin, écrivain, philosophe, poète,
chroniqueur. Études à Mayence, Worms. Éminent exégète et commenta-
teur juif de la Bible, du Talmud et des commentaires midrash.
. Fonde à l’âge de 30 ans à Troyes sa propre yeshiba (école
talmudique) qui attire de très nombreux disciples.
Établit, selon les normes de la critique scientifique, le sens des
textes sacrés. Répond aux questions qui lui sont adressées de partout en
Europe, notamment en faveur des femmes et de la considération qui leur
est due. Ses réponses sont révélatrices de sa personnalité, de sa gentil-
lesse et de son humilité. Doué d'une mémoire et d'une connaissance
encyclopédiques, n’hésite pas à dire « Je ne sais pas ! »
Les dernières années de sa vie sont assombries par les massacres
de Juifs du bord du Rhin pendant la première croisade prêchée par le
pape Urbain II (1095-1096). Sa détresse devant le destin funeste de son
peuple transparaît dans des commentaires de Psaumes ou de livres
bibliques.
Un des premiers auteurs à utiliser la langue française de l’époque.
Influence, par le truchement du franciscain Nicolas de Lyre (1270-1349), la
traduction de la Bible par Martin Luther.
Jetsün Milarépa
Né Mila Thöpaga (v. 1040- v. 1123), ermite, yogi et poète tibétain.
Pratique la magie noire pour se venger de la spoliation et des mauvais
traitements subis par des membres de sa famille. Lama Röngtön, son
maître de l'école Nyingmapa*, l’envoie à Marpa Lotsawa (1012-1097).
Pendant 6 ans, Marpa le soumet à des épreuves dures pour lui
faire expier ses fautes passées (karma), le prépare à une existence de
solitude, lui transmet les enseignements de Nâropa (1016-1100) en
insistant particulièrement sur l'exercice de la "chaleur interne". Vêtu
d'une simple robe de coton, vit pendant des années comme un reclus
dans le froid glacial de l'Himalaya, à l'abri de grottes de montagnes où il
s'adonne à la méditation. Après une période de 9 années de solitude
ininterrompue, prend avec lui quelques disciples dont le médecin
Gampopa. Instruit le peuple au moyen de ses chants, qui constituent,
encore aujourd'hui, une source d'inspiration dans la tradition Kagyüpa
ou "tradition de la transmission orale".
Le récit de sa vie est rédigé par Tsang Nyôn Heruka au 14ème
siècle. Maître de renom du bouddhisme tibétain, avec Padmasambhava
un des deux grands saints typiques du Tibet.
* fondée au 8ème siècle par Padmasambhava (717-762, littéralement en sanskrit ‘né du
lotus’), venu de l'Inde au Tibet. Les moines de cette école ont l'habitude de porter des bonnets
rouges, d'où le nom d' « école des coiffes rouges » donnée à la lignée Nyingmapa.
Omar Khayyām
(v. 1048-1131), mathématicien, astronome, poète et philosophe
libre-penseur persan musulman. Invité comme directeur de l’observa-
toire d’Ispahan par le sultan seldjoukide Mālikshāh Jalāl al-Dīn, consa-
cre 5 années à la réforme du calendrier solaire.
Auteur des Quatrains, vers sensuels et mystiques. Les agnosti-
ques voient en lui un de leurs frères né trop tôt, tandis que certains
musulmans perçoivent plutôt chez lui un symbolisme ésotérique,
rattaché au soufisme. Affirme que l'homme spirituel n'a pas besoin de
lieu dédié pour vénérer Dieu, et que la fréquentation des sanctuaires
religieux n'est ni une garantie du contact avec Dieu, ni un indicateur du
respect d'une discipline intérieure.
« Contente-toi de savoir que tout est mystère : la création du
monde et la tienne, la destinée du monde et la tienne. Souris à ces
mystères comme à un danger que tu mépriserais. Ne crois pas que tu
sauras quelque chose quand tu auras franchi la porte de la mort. Paix
à l'homme dans le noir silence de l'Au-delà ! »
« Considère avec indulgence les hommes qui s'enivrent. Dis-toi
que tu as d'autres défauts. Si tu veux connaître la paix, la sérénité,
penche-toi sur les déshérités de la vie, sur les humbles qui gémissent
dans l'infortune, et tu te trouveras heureux. »
Bahya ibn Paquda
Bahya ben Joseph ibn Paquda (v. 1050-1120), ou Rabbenou Bahya
("notre maître Bahya"), rabbin et philosophe juif andalou de la première
moitié du 11ème siècle, probablement à Saragosse. Dayan, juge d'un tribunal
rabbinique. Érudit aussi versé dans la littérature rabbinique traditionnelle que
dans les sciences et la philosophie arabe, grecque et romaine dont il cite de
nombreux auteurs.
Son grand-œuvre, traité ascétique et mystique, le premier système juif
d'éthique, paraît en 1080 en langue arabe sous le titre de Al Hidayah ila
Faraid al-Qulub, ou Guide des devoirs du Cœur, traduit en hébreu par Juda
ibn Tibbon, vers 1161-1180, sous le titre de Hovot ha-Levavot. Sa philoso-
phie est basée sur l'amélioration éthique de l'homme plutôt que sur la
recherche d’une vérité ultime. Met l'accent sur la volonté joyeuse du cœur
aimant Dieu et au service de la vie.
Le strict respect des règles fixées par la Torah ne représente qu’une
partie du judaïsme. L’autre, la plus ignorée mais la plus importante, est le
respect des devoirs du corps et du cœur dans la soumission à Dieu et
l’amour infini que l’on doit constamment s’efforcer de lui porter.
Décèle dans l’amour un élan vers l’être aimé, le détachement qui
permet l’ébranlement, l’union des deux amants, la lumière jaillie de leur
étreinte.
Abu Hamid al-Ghazali
Abu Ḥamid Moḥammed ibn Moḥammed al-Ghazālī (1058-
1111), ou Algazel, juriste, théologien, philosophe et mystique, né à Tûs
dans le Khorâsân (Est de l’Iran actuel). Études à Nishapur. Directeur de
l'université Nizāmiyya à Bagdad. À la suite d’une crise intellectuelle et
spirituelle, quitte son poste et devient pèlerin errant pendant 10 ans
(Arabie, Palestine, Alexandrie). Enseigne à Nishapour, se retire à Tûs.
Auteur d’une cinquantaine d’ouvrages.
Cherche le lien entre philosophie, théologie et soufisme, entre
raison, foi et spiritualité. Puise dans l'héritage grec et dans les valeurs
chrétiennes des éléments qu’il intègre à sa foi musulmane. Met en garde
contre les dangers du conformisme aveugle en matière religieuse, mais
aussi contre le piège d’un discours de la raison qui prétend à la connais-
sance par le déni de tout ce qui la dépasse.
Dans son ouvrage Tahafut al-Falasifa (‘L‘incohérence des
philosophes’ -1095), auquel répondra Averroès, entend montrer que les
philosophes n'aboutissent qu'à des erreurs, condamnables selon lui
puisque contredisant la Révélation. Sa critique vise particulièrement
l'aristotélisme d'Avicenne.
Pierre Abélard
(1079-1142), philosophe français, dialecticien, musicien et
théologien chrétien. Initie au sein des écoles cathédrales les études
aristotéliciennes et fonde en 1110 à Sainte Geneviève-du-Mont, à Paris,
le premier collège qui, préfigurant l'Université, échappe à l'autorité
épiscopale.
Après sa liaison amoureuse et son mariage en secret avec son
élève Héloïse, est émasculé en 1117 par les sbires du chanoine Fulbert,
oncle d’Héloïse. Se fait moine en 1119 à l’abbaye de Saint-Denis.
Reprend son enseignement à la demande de ses disciples, mais
au concile de Soissons en 1121, son cours Theologia summi boni
(Théologie du souverain bien) est dénoncé pour hérésie et livré à un
autodafé. Fonde le monastère du Paraclet à Nogent-sur-Seine et se
retire à St Gildas-de-Rhuys où il devient abbé.
Dans son ouvrage Sic et non (1122), invite chacun, et non pas
seulement les clercs, à se référer directement au texte et non pas
seulement à la parole de prédicateurs ou d'évêques trop souvent
incultes. ../..
Pierre Abélard
En 1125, son traité d'éthique Scito te ipsum ("Connais-toi toi-
même") inaugure le droit moderne en fondant la notion de culpabilité non
plus sur l'acte commis, mais sur l'intention.
En 1140, sa Théologie pour les étudiants fait l'objet d'une seconde
condamnation pour hérésie au concile de Sens à la demande de Bernard
de Clairvaux, pour qui la foi ne doit pas être questionnée par la raison.
Condamné notamment pour s’être opposé à l’interprétation de la
mort de Jésus comme sacrifice expiatoire.
Applique la dialectique et la grammaire à des questions théologi-
ques, utilise des disciplines profanes pour traiter des questions spécifi-
ques aux dogmes catholiques. .
. Par son œuvre Dialogus interphilosophum, Judaeum et Christia-
num, précurseur du dialogue interconvictionnel.
« Le doute amène l'examen, et l'examen la vérité.»
«On ne peut croire ce qui ne se comprend pas.»
Bernard de Chartres
Bernardus Carnotensis (décédé vers 1130), philosophe platoni-
cien français. Humaniste et philosophe, fonde l'école de Chartres.
Maître puis chancelier (1124) de l’église Notre-Dame de Chartres.
On lui attribue la métaphore "Nani gigantum humeris insidentes"
qui montre l'importance, pour tout homme en recherche de vérité, de
science et de sagesse, de s'appuyer sur les travaux des Anciens, des
grands penseurs du passé, de ses prédécesseurs (les "géants").
Cette phrase, citée par ses élèves Guillaume de Conches (1090-
1154) et l’Anglais Jean de Salisbury (1120-1180), est également utilisée
au fil des siècles par Isaiah di Trani, talmudiste italien (v. 1180 - v. 1250),
par Montaigne et par divers scientifiques comme Blaise Pascal ou Isaac
Newton.
« Nous sommes comme des nains juchés sur des épaules de
géants, de telle sorte que nous puissions voir plus de choses et de plus
éloignées que n’en voyaient ces derniers. Et cela, non point parce que
notre vue serait puissante ou notre taille avantageuse, mais parce que
nous sommes portés et exhaussés par la haute stature des géants. »
Hildegard de Bingen
Hildegard von Bingen (1098-1179), religieuse bénédictine mystique
du duché de Franconie (Saint-Empire romain germanique). Entre à 8
ans au couvent bénédictin de Disibodenberg, prononce ses vœux à 15
ans, en devient abbesse à 38 ans.
Commence à 43 ans à consigner les visions mystiques qu'elle a
depuis l’âge de 3 ans. En 1147, fonde sa propre maison monastique, le
couvent de Rupertsberg, qu’elle agrandit en 1165 d’un ancien
monastère, à Eibingen.
Auteure de nombreux écrits sur la morale, le cosmos, les plantes,
la médecine psychosomatique, l’alimentation, le jeûne. Peintre,
compositrice de 77 chants, hymnes et antiennes. Créé une langue, la
lingua ignota (en latin ‟langue inconnue”). Scandalisant l’Église
médiévale, revalorise le corps, trouve un intérêt à la sexualité. Prêche
en public à Mayence, Würtzburg, Bamberg, Trèves et Cologne.
Proclamée docteur de l'Église par le pape Benoit XVI en octobre 2012.
«…Quelque chose comme un nuage lumineux, dans lequel je vois
des images et j'entends des mots que j’écrivais ou dictais... presque
sans arrêt entre les temps de prières avec mes sœurs et de mon
sommeil très court ».
Aelred de Rievaulx
(1110-1167), moine cistercien anglais. Fils d'un prêtre marié, vit une
grande partie de sa jeunesse à la cour du roi d'Écosse
Troisième abbé de Rievaulx (près de York) en 1147. Compose de
nombreux écrits, historiques, poétiques et religieux. Un des représen-
tants des plus importants de la spiritualité monastique du 12ème siècle.
Son traité L’amitié spirituelle analyse l’amitié et la relation fraternelle, et
comprend 3 livres. Le 1er dégage, après l'avoir analysée, la notion
d'amitié. Le 2ème expose les fruits de l'amitié, dit aussi la différence entre
l'amitié et la charité, les différentes espèces de l'amitié vraie et les
fausses amitiés. Le 3ème établit les quatre stades par lesquels doit
passer toute amitié digne de ce nom : l'élection, la probation, l'admission
et la fruition.
« Parmi les réalités humaines, il n’y a rien de plus saint à désirer,
rien plus avantageux à rechercher, rien de plus difficile à trouver, rien de
plus doux à connaître par expérience, rien de plus fructueux à entretenir
(que l’amitié). (…) Que chacun évite toute action déplacée et toute
parole inconvenante. On ne cultive bien l’amitié qu’en veillant à mainte-
nir l’égalité. »
Thomas Becket
(1118-1170), archevêque anglais. Fils d'un marchand de Rouen,
études à Paris. Entre au service de Théobald, archevêque de Cantor-
béry et primat d'Angleterre, qui lui confie la charge d'archidiacre.
Devient le chancelier et l'ami du roi Henri II Plantagenêt.
Après la mort de Théobald en 1162, Henri II confie l'archevêché
de Cantorbéry à son ami Thomas, espérant avoir un interlocuteur
complaisant à la tête du clergé anglais. Mais Thomas prend sa nouvelle
tâche à cœur, abandonne sa charge de chancelier et renvoie les
sceaux au roi. De fastueux, devient ascétique, invite les pauvres à sa
table, prend l'habit de moine.
Sommé de comparaître devant une assemblée de barons, se
réfugie durant 6 ans en France, à Pontigny puis à Sens. Sur la foi d'une
promesse de réconciliation d'Henri II, qui le rencontre en France,
consent à revenir en Angleterre.
Les querelles reprennent de plus belle. Un jour, comme l'arche-
vêque a excommunié tous les évêques qui ont pris le parti du roi, celui-
ci s'écrie : « Eh ! quoi, parmi tous ces lâches que je nourris, aucun n'est
donc capable de me venger de ce misérable clerc ? » Quatre
chevaliers courent à la cathédrale de Cantorbéry et assassinent Becket
en décembre 1170.
Averroès
Abū al-Walīd Muḥammad ibn Ruchd (1126 -1198), médecin et
philosophe musulman d’Espagne, dit Averroès. Descendant d'une
lignée de juristes de Cordoue.
Érudition exceptionnelle : jurisprudence, théologie et philoso-
phie, grammaire, médecine, physique, astronomie et mathématiques.
Sa vie se partage entre Cordoue, Marrakech et Fès.
Un des principaux commentateurs d'Aristote : tout son effort
tend à concilier la philosophie de ce dernier avec le Dieu du Coran.
Refuse la tradition théologique musulmane, mais accepte
intégralement la révélation coranique et la philosophie d'Aristote
comme étant les deux expressions différentes de la vérité.
Auteur d’un Traité sur l'accord de la philosophie et de la
religion, met l'accent sur la nécessité pour les savants de pratiquer la
philosophie et d'étudier la nature créée par Dieu. De ce fait, pratique et
recommande les sciences profanes, notamment la logique et la
physique, en plus de la médecine.
../..
Averroès
Défend la théorie de l’éternité de la matière et celle de
l’intellect actif, intermédiaire entre Dieu et les hommes. Pour lui, la
raison doit soutenir et éclairer les vérités révélées par le Coran,
pour supprimer les contradictions entre les différents versets du
texte et comprendre leur sens métaphorique.
Un des animateurs pendant 4 siècles de la pensée
occidentale, suscitant des disciples et des opposants (principale-
ment Thomas d’Aquin).
Condamné par la religion musulmane qui lui reproche de
déformer les préceptes de la foi, doit fuir, se cacher, vivre dans la
clandestinité et la pauvreté. Meurt réhabilité à Marrakech.
Ses principes considérés comme dangereux seront
condamnés par l’Université de Paris, par l'Église catholique en
1240, puis en 1513 au 5ème concile de Latran.
« L'ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et
la haine conduit à la violence. Voilà l'équation. »
Photo : mosquée de Cordoue (Espagne) où Averroès se recueillait et conversait avec
ses amis et ses élèves
Joachim de Flore
Gioacchino da Fiore (v. 1132 - v.1202), moine bénédictin, penseur
et mystique et italien. Né en Calabre, notaire à Palerme. Vers 1159, au
cours d'un pèlerinage en Terre Sainte, guérit miraculeusement d'une
maladie épidémique et reçoit une révélation (?), devient prédicateur
ambulant.
Fonde un ordre cistercien nouveau, dont la maison mère, San
Giovanni in Fiore, approuvée en 1196 par le pape Célestin III, comptera
jusqu'à 32 filiales.
Développe d'originales théories à propos de l'interprétation de
l'Écriture, de la Trinité, du symbolisme des nombres, etc. Dénonce la
simonie des clercs et l’invasion du Temple par les marchands.
Visionnaire apocalyptique, annonce l’avènement futur de l’ère de
l’Esprit : l’Église charnelle (Ecclesia carnalis) "de Pierre" se convertira en
Église spirituelle (Ecclesia spiritualis) "de Jean". Est convaincu qu’après
l’ère du Père (Ancien Testament) et celle du Fils (Nouveau Testament)
adviendra l’ère de l’Esprit qui rendra caduques les lois et les structures
institutionnelles mises en place au cours es ères précédentes.
../..
Joachim de Flore
Malgré l’intervention du pape Grégoire IX en sa faveur, son œuvre
est considérée subversive et condamnée en 1215 au 4ème concile de
Latran.
En 1254, le franciscain Gerardo di Borgo San Doninno (12?? -1276)
publie à Paris Introductorium in Evangelium Aeternum (Introduction à
l’Évangile éternel) pour présenter une édition abrégée des œuvres de
Joachim. Le texte est examiné à Agnani par une commission de trois
cardinaux et condamné en octobre 1255. Gerardo, qui ne veut pas se
rétracter, est condamné à la prison à vie. Après sa mort, on lui refuse une
sépulture religieuse.
Joachim, autrefois hérétique, est plutôt aujourd’hui classé comme
prophète. Ernest Renan note qu’on peut le classer « sur les confins de
l’Église grecques et de l’Église latine » et qu’il semble avoir joué un
certain rôle dans les tentatives de rapprochement entre les deux Églises.
« Le premier est l'âge de la crainte, le second de la foi, le troisième
de la charité. » J. de F.
« Auprès de moi brille l’abbé calabrais Joachim, qui fut doué d’esprit
prophétique » Dante Alighieri ../..
Joachim de Flore
Les 3 temps qui structurent l’histoire de l’humanité
selon Joachim de Flore
d’après Jacques Brosse
1 2 3
Connaissance ………….. Sagesse ………………….. Pleine compréhension
Obéissance servile Servitude filiale Liberté
Épreuve …………………. Action ……………………. Contemplation
Crainte Foi Amour
Âge des esclaves ……… Âge des fils ……………… Âge des amis
Âge des patriarches Âge des apôtres Âge des enfants
Père ………………………. Fils ……………………….. Esprit
Moïse Maïmonide
Moshe ben Maïmon (1138-1204), rabbin juif séfarade
andalou. Talmudiste, commentateur de la Mishna, jurisconsulte,
auteur du Mishné Torah, l’un des plus importants codes de loi juive.
. Philosophe, métaphysicien et théologien, entreprend, comme
Averroès, une synthèse entre la révélation et la vérité scientifique,
représentée alors par le système d’Aristote dans la version arabe
d’Al-Fârâbî. Médecin de cour et astronome, publie aussi des traités
dans ces domaines.
Selon lui, on peut être fidèle à la fois à la tradition de la Bible
et du Talmud et à l'investigation intellectuelle entièrement libre, telle
que la requièrent la science et la philosophie. Loi divine et recherche
rationnelle ont chacune a besoin de l'autre. Par exemple, la première
prescrit de connaître Dieu et de l'aimer, mais Il ne peut être connu
que par l'étude de sa création, c'est-à-dire par les sciences naturelles.
Est pour les uns un "second Moïse", et pour les autres un
hérétique. Influence les mondes arabo-musulman et chrétien, notam-
ment Thomas d'Aquin, qui le surnomme "l’Aigle de la Synagogue".
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Chercheurs de sens. — 04. De Jésus Christ à 1199

  • 1. Trombinoscope "Chercheurs d’humanité" Chercheurs de sens (art, religion, philosophie, spiritualité) 4 - de Jésus à 1199 É. G. .08.11.2023
  • 2. Paul de Tarse Shaoul ou Saül (v. 09-67), citoyen romain de naissance et Juif pharisien, imprégné de philosophie grecque. Rabbin, enseigne les Écritures juives à Jérusalem. N’a pas connu Jésus. Prend violemment parti contre les Chrétiens. Approuve la condamnation du diacre Étienne et assiste à son martyre. Rencontre mystique avec le Christ, vers 34, sur le chemin de Damas. Au cours des années 40, fonde plusieurs Églises dans le territoire de la Turquie actuelle. Effectue un deuxième voyage missionnaire en Asie Mineure et en Grèce. Plaide avec succès l'abandon des rituels juifs comme la circoncision et les interdits alimentaires. Le message chrétien, dit-il, s'adresse à tous les hommes et non pas seulement aux Juifs. Dans les années 50 et 60, tout en poursuivant sa mission itinérante, adresse à ces nouvelles Églises des lettres, dites ‟épîtres pauliniennes”.* En tant que citoyen romain, a le "privilège" d’être décapité sous Néron, alors que Pierre est crucifié (la tête en bas, à sa demande, afin que sa crucifixion soit faite de manière différente de celle de Jésus). * Toutes ces épitres ont été écrites avant les Évangiles. Elles représentent une base essentielle de la théologie chrétienne, en particulier dans le domaine de la christologie, mais aussi, d'un point de vue historique, une source majeure sur les origines du christianisme. Image du haut : St Paul par Rembrandt (1657) ../..
  • 3. Paul de Tarse Considéré de nos jours comme le fondateur du christia- nisme. A une conception sacrificielle de la mort de Jésus, mort « en sacrifice de propitiation pour nos péchés », qui est dénoncée très tôt (par ex. par Pierre Abélard), mais qui subsiste encore dans les Églises chrétiennes (« Agneau de Dieu, qui enlèves le péché du monde », etc.). « Tenez ferme ! Ayez à vos reins la vérité pour ceinture, revêtez la cuirasse de la justice, et pour chaussures le zèle à propager le joyeux message de la paix. Brandissez votre foi comme un bouclier; elle vous protègera des traits enflammés de l’esprit-du-mal. Armez-vous du salut comme d’un casque et du glaive de l’Esprit qui est la parole de Dieu ! » « Ai-je reçu le don de prophétie, approfondi tous les mystères, possédé toute la connaissance, et une foi à transporter les montagnes ? Si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien. Distribuerais-je tous mes biens, livrerais-je mon corps aux flammes, si je n’ai pas l’amour, qu’ai-je de bon ? (…) Aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et l’amour qui fondent notre vie; Mais des trois, c’est l’amour qui surpasse l’espérance et la foi. » « Il n’y a ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme. » * * Le philosophe Alain Badiou d’inspiration marxiste voit en Paul le précurseur de l’universalité. Image du haut : Codex liturgique contenant 2 Cor. 6, 5-7, Égypte copte, Musée du Louvre
  • 4. Apollonios de Tyane (16-98 après J.-C.), philosophe disciple de Pythagore et héritier des mystères de l’Égypte, prédicateur et thaumaturge (faiseur de miracles), né à Tyane en Cappadoce et mort à Éphèse. Deux siècles après sa mort, Philostrate d’Athénes (170-245), dans sa Vie d'Apollonios de Tyane, popularise sa vie et sa légende qui restent vivantes jusqu'à la chute de l'Empire romain. Ses disciples lui élèvent des statues et des temples et le comparent à Jésus-Christ : les points de ressemblance entre les deux sont nombreux. Adulé pendant les premiers siècles après J.-C. avant de tomber dans l'oubli, aurait eu des disciples et aurait fait des miracles. Pendant cinq années, pratique la vie silencieuse. Entreprend de longs voyages, en compagnie d'un certain Damis, qui devient son disciple : Orient, jusqu’en Inde; Occident, jusqu’en Espagne; Sud, jusqu’en Éthiopie. Vit d'aumônes, redistribue aux pauvres les biens qu'on lui donne, condamne le luxe la décadence des mœurs, les sacrifices d’animaux, prône le végétarisme et un système de vie communautaire. L'empereur Néron l'aurait banni de Rome en tant que magicien, pour avoir ressuscité une jeune fille.. Certains pensent aujourd'hui qu'il serait mort en Inde, et que le Roza Bal, un tombeau vénéré à Srinagar (Cachemire) comme étant celui de Jésus, serait en fait celui d'Apollonios.
  • 5. Épictète Epíktêtos ("homme acheté, serviteur"), 50 -125, philosophe grec stoïcien. Passe son enfance à Rome comme esclave, puis est affranchi. Ouvre une école stoïcienne à Nicopolis, cité grecque de l’Épire. Ne laisse aucun écrit, mais son disciple Arrien, soldat et écrivain, transmet des notes de cours, une suite d’aphorismes qui composent le Manuel. Ce texte invite à reconnaître l'impossibilité pour l'homme de contrôler ce qui ne dépend pas de lui : l'avis des autres, la richesse, la chance, les malheurs, la mort. Contrairement aux ouvrages de philosophie habituels, il ne contient aucun approfondissement théorique, mais donne des exemples pratiques tirés du quotidien, pour illustrer la mise en application des principes de la sagesse dans la vie de chacun. . Montre comment l’homme peut parvenir à la liberté et au bonheur, en n'attachant d'importance qu'à ce qui dépend de nous, c'est-à-dire les opinions, désirs, pensées. « Faire au mieux ce qui dépend de nous, et prendre les autres choses comme elles viennent. » « N'attends pas que les événements arrivent comme tu le souhaites. Décide d’accepter ce qui arrive et tu seras heureux. » ../..
  • 6. Épictète « Personne ne te fera de mal, à moins que tu n'y consentes ; le mal ne viendra que lorsque tu jugeras qu'on te fait du mal. » « Toute chose a deux anses, l’une, par où on peut la porter, l’autre, par où on ne le peut pas. Si ton frère a des torts, ne le prends pas du côté-là par où il a des torts : ce serait l’anse par où on ne peut rien porter. Prends-le plutôt par l’autre, te rappelant qu’il est ton frère, qu’il a été nourri avec toi, et tu prendras la chose par où on peut la porter. » Son disciple le plus connu est l’empereur romain Marc Aurèle (121-180) à qui l’on attribue la maxime : « Que me soient donnés le courage de changer ce qui peut être changé, la sagesse d’accepter ce qui ne peut pas être changé, et la lucidité pour discerner entre l'un et l'autre. » Celui-ci aura à faire : sa femme Faustine le trompe, son associé et frère d’adoption Lucius Verus est un répugnant personnage, son fils Commode sera un des pires tyrans de l’histoire romaine. Lui-même ne met pas vraiment en œuvre sa maxime quand il persécute les Chrétiens…
  • 7. Marcion (85-160). Né à Sinope (dans l’actuelle Turquie, sur les bords de la mer Noire), vient à Rome vers 140, a des démêlés avec l'Église locale, en est excommunié comme hérétique en 144. Influencé par le gnostique Cerdon, fonde une Église fortement hiérarchisée, qui regroupe un grand nombre de fidèles en Orient au moins jusqu'au 5ème siècle. Réduit l’Écri- ture sainte à l’Évangile de Luc et à 10 épitres de Paul. Ses oeuvres sont perdues : des traces n'en subsistent que dans les citations polémiques qu'en font ses adversaires - particulièrement Tertullien (v. 160 - 225) - dont les manuscrits se sont transmis parce qu'ils représentaient le dogme catholique. Fait notamment remarquer que le texte hébreu traduit en « La vierge deviendra enceinte et enfantera un fils… » parle d’une jeune femme (almah) et non d’une vierge (parthenos dans la traduction de la Septante*). Veut purifier la foi chrétienne de sa gangue hébraïque et libérer l'homme de la domination du Dieu violent et justicier de l’Ancien Testament. Réhabilité par le théologien protestant Adolf von Harnack. * Septante : traduction de la Bible hébraïque en langue commune grecque. Elle aurait été réalisée par 72 traducteurs à Alexandrie, vers 270 av. J.-C. Par extension, on appelle Septante la version grecque ancienne de la totalité des Écritures bibliques. Le judaïsme n'a pas adopté la Septante, restant fidèle au texte hébreu et à des traductions grecques ou araméennes plus proches dudit texte, selon leurs autorités.
  • 8. Justin de Naplouse (v. 100- v. 165), né à Flavia Neapolis, actuelle Naplouse en Cisjor- danie, apologète et philosophe chrétien. Après s'être essayé à différentes doctrines philosophiques, se convertit au christianisme qu'il considère comme la forme la plus achevée de l'enseignement philosophique et s'engage dans une carrière de philosophe et de prêcheur itinérant. Ouvre une école à Rome où il compose une grande partie de son œuvre apologétique qui, rédigée en langue grecque, est en grande partie perdue, à l'exception de deux Apologies adressées à l'empereur Antonin le Pieux et ses fils ainsi que du Dialogue avec Tryphon, considérés comme témoins des premiers jalons dans la séparation entre le christia- nisme et le judaïsme. Condamné au terme d'un procès instruit par le préfet et philosophe romain Junius Rusticus, est décapité sous Marc Aurèle. Dans le Dialogue, le rabbin Thryphon s’étonne que les Chrétiens mettent tout leur espoir en un homme qui a été crucifié. « Celse, le polémiste anti-chrétien (et anti-juif) ironisera, bien avant Nietzsche, sur la déification grotesque d’un crucifié, c’est-à-dire d’un vaincu. Un autre écrivain païen, Lucien, se moquera de celui qu’il appelle un "sophiste crucifié". » Jean-Claude Guillebaud
  • 9. Claude Galien Claudius Galenus (129 - v. 216), médecin romain d'origine grecque, né à Pergame (actuelle Turquie). Études de philosophie et de médecine à Smyrne, voyages autour de la Méditerranée. Médecin de l’école des gladiateurs à Pergame, puis à Rome où il soigne plusieurs empereurs. Donne la priorité à l'observation anatomique, établit des hypothè- ses sur les processus physiologiques en procédant à des expérimen- tations sur l'animal. Reprend la théorie des humeurs d'Hippocrate. Elle repose sur les 4 éléments (eau, air, terre, feu) qui, combinés aux 4 qualités physiques (chaud, froid, humide, sec), influent sur les quatre humeurs : le sang, le phlegma (dans le cerveau), la bile jaune (dans la vésicule biliaire) et la bile noire (dans la rate). Sa thérapeutique est fondée sur la prescription de remèdes conformes au principe Contraria contrariis curantur, opposant les humeurs dans le corps. Met en forme le concept selon lequel les objectifs de Dieu sont explicables par l'observation de la nature. Sa conviction de l'existence d'un Dieu unique, créateur du corps humain, incitera l'Église à adopter cette doctrine et fera ainsi admettre l’autorité de Galien sur le corps médical par l'Église jusqu'au 16ème siècle (soit pendant 1 400 ans !) La galénique est la science qui étudie la fabrication, la présentation, le dosage, la voie d’administration et la conservation des médicaments.
  • 10. Irénée de Lyon Irenaeus Lugdunensis, (v.140- v. 200), personnalité du christianisme ancien. Élève de Polycarpe de Smyrne (actuelle Turquie), migre vers la fin des années 170 en Occident, dirige la communauté chrétienne de Lyon, ville dont il est considéré comme le deuxième évêque. Premier apologiste à réaliser une œuvre de théologie systématique en Occident, est l'auteur d'une Réfutation de la prétendue gnose au nom menteur*, connue sous le titre Contre les hérésies. Défend dès 170 l'idée qu'il n'existe que 4 Évangiles légitimes. Bien que les circonstances ni la date de sa mort ne soient pas connues, Jérôme de Stridon (347-420, traducteur de la Bible de la Septante en latin) lui attribue vers 410 le titre de martyr. Pour lui, la création est inachevée tant que l’homme ne réalise pas pleinement sa vocation d’être « image et ressemblance de Dieu. » Le principe de croissance s’applique donc tant à la création qu’à l’humanité et à chaque humain dans sa singularité. « La gloire de Dieu c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme c’est la vision de Dieu. » * Traité destiné à réfuter Valentin d'Égypte (?-160) et les gnostiques, usant de la calomnie et d'une certaine malveillance caractéristique du genre, la Réfutatio a constitué la principale source historique sur ce courant gnostique jusqu'à la découverte de la bibliothèque de Nag Hammadi. Selon le pessi- misme gnostique, les êtres humains sont des âmes emprisonnées dans un monde matériel créé par un dieu inférieur mauvais ou imparfait, le Démiurge.
  • 11. Nagarjuna (entre 150 et 250 après J.-C.), moine, philosophe et écrivain bouddhiste indien, originaire de la région correspondant à l'Andhra Pradesh actuel. Fait un apport essentiel à la logique, par l'usage systématique du tétralemme*, sa réfutation de la logique indienne, et utilise trois types de réfutation : l'impossibilité logique, l'impossibilité réelle, le constat d'inexistence. Sa doctrine mène à la responsabilité et à la compassion universelles, au respect des êtres sensibles et de l’environnement. . Condamne la torture, refuse la peine de mort et préconise un traitement des prisonniers pour les réhabiliter. Prône une égalité statutaire et une solidarité sociale qui permettant que chacun évolue individuellement et se différencie comme il le souhaite. Préconise l’association libre de personnes qui se soutiennent pour se libérer de la souffrance. * Le tétralemme (du grec tetra, "quatre" et lēmma, "proposition") étend la notion du dilemme à un choix entre quatre issues.
  • 12. Blandine, Pothin et les martyrs de Lyon Les persécutions ordonnées par l’empereur Marc Aurèle et par ses prédécesseurs contre les Chrétiens sont la conséquence des principes fondamentaux de l’empire romain concernant les associations. Mais les plus sombres épisodes de la persécution sous Marc-Aurèle viennent de la haine du peuple, qui les accuse d'inceste et de cannibalisme à chaque famine, à chaque inondation, à chaque épidémie. Blandine (162 ? - 177, image du haut), jeune esclave originaire du Proche Orient, se joint à la communauté chrétienne de Lugdunum (Lyon). Elle et ses 46 compagnons - dont l'évêque de Lyon, Pothin (87- 177, âgé de plus de 90 ans et infirme, image du bas) sont martyrisés pendant l'été 177 : les uns meurent en prison, les autres sont décapités, en vertu de leur citoyenneté romaine, ou livrés en pâture aux bêtes dans l'amphithéâtre des Trois Gaules. Blandine est flagellée, placée sur un gril brûlant puis livrée dans un filet à un taureau qui la lance en l'air avec ses cornes et finalement égorgée par le bourreau. Les restes des martyrs sont exposés, puis brûlés et dispersés dans le Rhône.
  • 13. Origène (v. 185 - 254), théologien et mystique chrétien de langue grecque. Son père, Léonidas, est décapité en 202 lors des persécutions de Septime Sévère. Professeur de grammaire, enseigne à Alexandrie pendant 28 ans, y élabore ses principaux traités dogmatiques et écrit de nombreux ouvra- ges critiques. Dans son école sont enseignées l’exégèse, l'arithmétique, la géométrie, la philosophie. Distingue 3 sens de l’Écriture (sens littéral, moral et spirituel) correspondant aux 3 parties de l’homme (corps, âme, esprit). Conteste notamment la doctrine de l’enfer (s’il existe, il sera vide), professe la "pérégrination des esprits" (sorte de réincarnation des âmes). Un des seuls théologiens chrétiens à avoir parlé de la réincarnation et à y avoir réfléchi en profondeur. Son enseignement et ses méthodes d’exégèse étant controversées à Alexandrie, se fixe à Césarée de Palestine en 232. Théoctiste, évêque de Césarée, l’ordonne prêtre. L’évêque d’Alexandrie, Démétrios, dénonce les "hérésies" d'Origène et l’irrégularité de l’ordination d’un castrat et l’excom- munie. En 250, lors de la persécution ordonnée par Decius, est incarcéré, mis au carcan, torturé, menacé d'être brûlé vif. Libéré, meurt affaibli par ses blessures. La destruction systématique de ses œuvres est entreprise sous Justinien. Anathémisé (déclaré hérétique) au 2ème concile de Constantinople (553) qui rejette aussi le concept même de réincarnation. Réhabilité en 2007 par Benoît XVI.
  • 14. Origène – La lectio divina Affirme que, pour lire fructueusement la Bible, il est nécessaire de le faire avec attention, constance et prière, et en prêtant attention à plusieurs niveaux possibles de signification. Exprime vers 220 les principes de la lectio divina (lecture sainte), enracinée dans la tradition juive. Elle sera ensuite introduite en Occident par Ambroise de Milan (v. 340-397), encouragée par Augustin d’Hippone, Hilaire de Poitiers, Césaire d’Arles, Benoît de Nursie. Guigues II le Chartreux (1114-1193), dans L’échelle des moines ou Lettre sur la vie contemplative, en définit les 4 temps : - Lecture : Observation. Que dit le texte ? Respirer, se désencombrer, lire le passage attentivement et lentement plusieurs fois. M’arrêter aux situations, aux personnages, ce qu’ils disent, ce qu’ils font. Lire les notes explicatives, historiques, exégétiques. - Méditation : Interprétation. Que me dit le texte ? Quel lien avec ma vie ? Accueillir le texte, et ce qu’il provoque en moi. - Oraison : Application. Comment je réponds au texte ? Je peux le faire par l’écriture d’un phrase, d’une prière. - Contemplation : Ouvrir mon esprit et mon cœur à l’influence de Dieu, me reposer en Lui. Cet exercice se fait de préférence à plusieurs, et peut être fait par des participants aux convictions très diverses.
  • 15. Plotin Pour lui, l'univers est composé de trois réalités fondamentales : - l'Un (Dieu, dont on ne peut rien dire mais qui est la source de tout); - l'Intelligence (principe de toute justice, de toute vertu, de toute beauté), - l'Âme (mouvement logique, rationnel, organisateur; elle crée un monde ordonné et se divise en âmes individuelles, celles des hommes, des animaux et des plantes). L'âme humaine est don, parcelle de Dieu. L'homme, partie du monde sensible, doit par l'introspection remonter de l'Âme à l'Intelligence, puis de l'Intelligence à l'Un et accomplir ainsi une union mystique avec Dieu. (205-270 après J.-C.), philosophe gréco-romain de l'Antiquité tardive, représentant principal du courant philosophique appelé néoplatonisme. Études à Alexandrie. Installe son école à Rome en 246, y mène une vie austère. Sa relecture des dialogues de Platon est une source d'inspiration importante pour la pensée chrétienne en pleine formation à l'époque et pour Augustin d'Hippone, et influencera de manière profonde la philosophie occidentale. Atteint de cécité et d’une grave maladie de peau. Ses écrits ont été publiés par son disciple Porphyre de Tyr, qui les a regroupés sous la forme d'Ennéades.
  • 16. Mani (ou Manès, ou Manikhaios, Manichaeus, "Mani le Vivant", 216- 274), peintre visionnaire et philosophe perse, poète, musicien, théologien. Judéo-chrétien par son père, membre d’une secte baptiste de Mésopota- mie, et zoroastrien par sa mère iranienne, né infirme de la jambe droite. Aurait reçu révélations datées respectivement du 1er avril 228 et du 24 avril 240. Se considérant comme un imitateur de la vie de Jésus et mission- naire d'une religion universelle de salut, se met à prêcher vers 240, année de son voyage dans le royaume indo-grec sur les traces de la communau- té de l'apôtre Thomas, où il est probablement influencé par le gréco- bouddhisme. De retour en 242, rejoint la cour du roi sassanide Shapur Ier, fidèle au zoroastrisme, à qui il dédicace Shabuhragan, son premier ouvrage en perse, et lui présente sa doctrine, le manichéisme. Le monarque conçoit tout l'intérêt d'une religion nationale pour unifier son empire, et lui donne le droit de répandre librement son enseignement dans tout l'Empire perse où il prêche en araméen. Le roi Bahrâm Ier, en 272, favorise un retour au mazdéisme. Persécuté, Mani se réfugie au Khorasan où il fait des adeptes parmi les seigneurs locaux. ../..
  • 17. Mani Inquiété de voir cette influence grandir, Bahrâm Ier le remet en confiance et le rappelle à Ctésiphon… pour le mettre enchaîné en prison. Mani meurt d'épuisement à Gundishapur après une agonie de 26 jours. Selon la tradition, sa tête est coupée et clouée à une porte de la ville. Transmet une vision du monde et de la vie si puissante que son enseignement se répand, de manière totalement pacifique, de l’Afrique à la Chine, des Balkans à la péninsule arabique et jusqu’en Chine où il est surnommé "le Bouddha de lumière". Augustin d’Hippone fera partie quelque temps des Manichéens avant de se convertir au christianisme et de combattre habilement le manichéisme. Le manichéisme est syncrétisme du judaïsme, du bouddhisme, du brahmanisme et du christianisme, mais pas du zoroastrisme qui était la religion de l'empire perse. Le principe fondamental du manichéisme provient du dualisme persan. C'est l'affirmation de l'éternelle coexistence de deux puissances souveraines : deux dieux essentiellement adverses, la source du Bien et la source du Mal, la Lumière et les Ténèbres.* ../. * Par déformation et simplification de cette croyance, on qualifie aujourd'hui de manichéenne une pensée ou une action sans nuances, voire simpliste, où le Bien et le Mal sont clairement définis et séparés. Images : - Prêtres manichéistes écrivant sur leur bureau, avec une écriture en sogdien (manuscrit de Qocho, bassin du Tarim). - Diagramme de l'univers dépeignant la cosmologie manichéenne. Peinture chinoise de la dynastie Yuan, 13ème ou 14ème siècle.
  • 18. Mani et le manichéisme Il est impossible de triompher du Mal, car il est indestructible. Le seul moyen d'être totalement dans le royaume de la Lumière, c'est de fuir les Ténèbres. La religion doit avoir pour objets principaux : la spiritualisation non seulement de l'humain, mais du monde entier, et l'illumination, c'est-à- dire la répression et la réduction de la matière, la suppression des liens qui y attachent l'âme, le respect de tout ce qui, ayant vie, tend à animer la matière ; l'effort incessant pour parvenir à la plénitude de la connais- sance, qui communique la lumière, et à la perfection morale. Les princi- pes fondamentaux du Manichéen sont de refuser le plaisir de la chair, de ne pas tuer et de ne pas blasphémer. Le culte manichéen ne comportait ni temple, ni autels, ni encens, ni images ; il consistait principalement en prières et en hymnes. Les témoignages s'accordent à attester l'active pratique de la magie parmi eux et la souveraine puissance qu'ils attribuaient à certaines formules et à certains nombres. Un édit de Dioclétien (287 ?) inaugure les longues et fort cruelles persécutions qui sont dirigées contre les Manichéens. Cet édit est renou- velé et aggravé par Valentinien (372) et par Théodose (381). On procède aussi par massacres… Images : - Le ‘codex Mani de Cologne’, daté du 5ème siècle, trouvé près d' Asyut (l'ancienne Lycopolis) en 1969, acheté par l’Institut für Altertumskunde de l'Université de Cologne. Texte grec décrivant une partie de la vie et de l'enseignement de Mani.
  • 19. Arius (256-336), prêtre, théologien et ascète chrétien libyen d'origine berbère. Responsable estimé de la communauté chrétienne de Baucalis près d'Alexandrie. Affirme que Logos est créé, engendré, mais que cet engendrement doit s'entendre comme une filiation adoptive : Dieu inspire le Logos, le Christ, le Fils de l'Homme, mais celui-ci est un être humain mortel que Dieu a ‟pris sous son aile”. Ses convictions et prières se propagent d'autant mieux qu’il les met en musique dans une métrique correspondant aux ballades populaires. Elles sont mêmes chantées par les dockers du port d’Alexandrie.* Opposé à l’évêque d'Alexandrie Alexandre et à son secrétaire Athanase, qui professent que « Le Fils est une incarnation du Dieu d'Israël ». L’excommunication d’Arius par un concile régional en 318 est levée par le concile de Bithynie. ../.. * On sait que les chansons sont un bon vecteur de diffusion : une des chansons les plus populaires du chanteur Claude François (1939-1978, né à Ismailia à 230 km d’Alexandrie) concerne le port et le phare d’Alexandrie… Image du bas : reconstitution du phare d’Alexandrie, une des 7 merveilles du monde construit v. - 290 par Ptolémée 1er et détruit en 1303 par un tremblement de terre.
  • 20. Arius Le concile de Nicée* (mai à juillet 325), auquel le pape ne participe pas, est convoqué par l’empereur Constantin, qui juge que cette affaire « ne mérite pas tant de discussion », mais veut maintenir une union parmi les Chrétiens, considérés comme un facteur d'unité dans l'empire. Après plusieurs mois au cours desquels les évêques ne parvien- nent pas à se mettre d'accord, l'empereur menace les 14 récalcitrants. 3 restent fidèles à leurs conceptions, dont Arius, et sont excommuniés. Le ‟symbole” de Nicée proclame que Jésus est le Fils unique de Dieu, « né du Père avant tous les siècles, vrai Dieu né de vrai Dieu, engendré, non pas créé, consubstantiel au Père ». Arius est exilé en Illyrie. Constantin, qui a mené toute l’affaire, offre aux pères conciliaires un banquet si somptueux que certains se demandent, selon l’évêque et historien Eusèbe de Césarée, « s’ils ne sont pas déjà dans le royaume des Cieux ».** * Iznik, en Turquie aujourd’hui, à 92 km au S.E. d’Istambul. ** cité par Jacques Duquesne in Le Dieu de Jésus, DDB-Grasset, 1997, pp. 76 s. Image du haut : représentation du concile de Nicée (325)
  • 21. Arius versus Constantin et Théodose Renonçant à la politique de persécution de ses prédécesseurs, l’empereur Constantin Ier s'appuie sur la nouvelle religion chrétienne pour consolider l'unité de l'empire. En juin 313, de concert avec son homolo- gue d'Orient, Licinius, il publie à Milan un édit de tolérance qui lui rallie les Chrétiens. En ordonnant l'exil d'Arius, il inaugure le césaropapisme, pratique de gouvernement qui se caractérise par la confusion des affaires séculières et des affaires religieuses entre les mains du souverain. Par l’édit de Thessalonique en février 380, l'empereur Théodose proclame le christianisme religion officielle de l'empire romain et interdit les autres cultes. Les derniers fidèles de ceux-ci sont poursuivis par la fureur fanatique de certains Chrétiens. À Alexandrie, les affrontements se soldent par de nombreuses victimes. Au concile de Constantinople (mai à juillet 381), les évêques qui refusent d'accepter les formules de Nicée n’ont pas le droit de siéger. Par la suite, les détenteurs d’un livre d’Arius qui ne le brûlent pas subissent la peine de mort. - Photo du haut : L’empereur Constantin Ier (280 - 337). Saint Constantin 1er le Grand est fêté le 21 mai. - Photo du bas : pièce à l’effigie de l’empereur Théodose Ier (347-395)
  • 22. Arius et les ruptures dans le christianisme On présente habituellement deux grandes ruptures dans l’histoire du christianisme : - la rupture de l’Église d’Occident et de celle d’Orient en 1204*; - la rupture de la Réforme avec Luther**. Mais la première grande rupture n’est-elle pas celle de Nicée en 325 (l’excommunication des Chrétiens qui refusent la divinisation de Jésus), qui fait suite à l’exclusion des Ébionites***, des Marcionites et des Origénistes ? * En avril 1204, les troupes de la 4ème croisade s'emparent de Constantinople (photo du haut à gauche), richissime capitale de l'Empire byzantin. Un des buts est de rembourser les Vénitiens qui ont financé l’armée et la flotte de la croisade vers Jéru- salem. Constantinople est saccagée par les Chevaliers. 2 000 Grecs sont massacrés, les femmes violées, les palais et sanctuaires pillés. Le scandale est immense dans toute la chrétienté et de ce jour fatal date la véritable rupture entre la chrétienté orthodoxe d'Orient et la chrétienté catholique d'Occident... Par la suite, les Orthodoxes préfèreront la tutelle de l’Islam à celle des pays dit catholiques. ** Martin Luther conteste particulièrement le trafic des Indulgences destiné à financer la construction de la basilique St Pierre de Rome. Ses 95 thèses pour refonder le christianisme sont affichées à Wittenberg en octobre 1517 (photo du haut à droite). *** Les Ébionites, qui n’acceptent de reconnaître que la messianité de Jésus mais pas la divinité du Christ, sont anathémisés par Irénée de Lyon (dans Adversus Haereses, "Contre les hérésies", v. 180, photo n° 3), puis par Tertullien, puis par Épiphane de Salamine.
  • 23. Grégoire de Nazianze (329-390), théologien et Docteur de l'Église. Issu d'une famille chré- tienne, fait ses études à Alexandrie puis à Athènes, y rencontre Basile de Césarée qui devient son ami. Prêtre puis évêque de Sasimes puis de Cons- tantinople, prend part à la lutte contre l'arianisme. Considère l'Esprit Saint comme l'une des personnes de la Trinité. Considéré avec Basile de Césarée et Grégoire de Nysse comme l'un des trois "pères cappadociens". La prière ci-dessous qui lui est attribuée est bien éloignée des discus- sions doctrinales et dogmatiques alambiquées auxquelles il participe.* « Toi l’au-delà de tout, peut-on Te désigner autrement ? Quelle parole peut Te chanter, Toi qu’aucun vocable ne saurait désigner nommément ? Comment l’esprit Te verrait-il, ô Toi qui ne peux être perçu par aucun esprit intelligent ? Tu es seul innommable, Toi qui as créé tout ce que la parole saisit. Tu es seul inconnaissable, Toi qui as créé tout ce que la connaissance saisit. Toutes choses parlantes ou non parlantes disent Ta gloire, les désirs de tous, les songes de tous gravitent autour de Toi et les prières de tous sont autour de Toi. Tout l’univers qui a l’intelligence de ton Être Te chante un hymne de silence. Sois-nous propice, ô Toi qu’on ne peut désigner autre- ment et qui es au-delà de tout ! Amen. » * Sa position doctrinale repose sur la formule de l’homoousios (consubstantialité du Père, du Fils et du Saint-Esprit, selon le credo de Nicée). Lors du concile de Constantinople convoqué par l’Empereur Théodose en 381, et auquel les évêques qui refusent d'accepter les formules de Nicée n'ont pas le droit de siéger, les évêques utilisent une autre formule, l’ekporeuomenon (expression selon laquelle l'Esprit Saint procède du Père).
  • 24. Grégoire de Nysse (v. 335 - v. 395), théologien et mystique chrétien, appelé aussi le Père des Pères. Après son veuvage, nommé en 373 évêque de Nysse (en Cappa- doce, actuelle Turquie), contre son gré, par son frère ainé Basile de Césa- rée. N'aspirait qu'à la vie spirituelle et intellectuelle, se montre inapte à toute politique ecclésiastique. Déposé par un synode d’évêques ariens, revient d’exil après la mort de l'empereur Valens, favorable à l’arianisme. Devient l'homme de confiance du régime impérial de Théodose le Grand. Joue un rôle de première importance au concile de Constantinople en 381, convoqué contre l'arianisme, défend la nature divine de l'Esprit- Saint. Sa doctrine philosophique et théologique s’inspire de Platon, Aristote, Origène et des stoïciens. Auteur d’un traité d’anthropologie, développe des arguments sur l’importance des mains qui ont libéré la bouche en vue de la parole chez l’homme. Définit la mort comme la séparation de l’âme et du corps. Dans Contra fatum, s’oppose au fatalisme astrologique. Son ouvrage La vie de Moïse constitue une première formulation de la doctrine spirituelle chrétienne. Pour lui, la mystique est enracinée à la fois dans la gnôsis (connaissance) et l’érôs (amour incarné). Son œuvre immense a été analysée par des théologiens et des mystiques. « Les concepts créent les idoles de Dieu. Seul le saisissement préssent quelque chose. »
  • 25. Abba Poemen ("pasteur" en grec), abba ("père") du désert, né vers 340. Celui qui apparaît le plus souvent dans les apophtegmes, collections de paroles, sentences, et anecdotes qui rapportent les paroles et actes des commu- nautaires ou ermites du désert d’Égypte ou de Palestine (dont quelques femmes, les Amma) au 4ème siècle. Maître de discernement spirituel. Donne de nombreux conseils pour apprendre à gérer les émotions de toutes sortes qui nous traversent : jalousie, colère, tristesse, etc. Prône la mesure, la douceur et la tendresse entre frères, mais aussi par rapport à soi-même. Affirme la nécessité d’engager toujours avec vigilance sa propre liberté. « Un hypocrite est celui qui enseigne à son prochain une chose à laquelle il n’est pas encore parvenu. » « Chaque jour il débutait » c-à-d. apprenait à avoir un regard nouveau sur les êtres et les choses. « Quand je vois le frère s’assoupir (à l’office), je mets sa tête sur mes genoux et je le fais reposer. » « Si un homme se repent de tout son cœur et ne recommence pas à commettre le péché, trois jours suffisent pour que Dieu l’accueille. » « Sois pour eux un modèle et non un législateur. »
  • 26. Priscillien (350-385), Espagnol de Bétique (actuelle Andalousie), laïque cultivé. Mène vers 370 environ une vie d'ascétisme sévère, qui lui vaut une grande réputation et lui attire de nombreux disciples, des femmes, des clercs, et même des évêques. Contrairement à ce qui fut dit plus tard sur sa doctrine, elle n’est ni manichéenne, ni gnostique. Cette vision est celle du priscillia- nisme du 5è siècle, pas de celui de la fin du 4è siècle. Sa doctrine ne reconnait pas la primauté de Rome, admet les femmes dans le sacerdoce, ne met pas avant le célibat du clergé même si elle recommande la chasteté. Condamne également l'esclavage. Sa communauté rejette la richesse et la pauvreté à travers une vie fondée sur le travail collectif. Son mouvement religieux, ascétique et réforma- teur, affecte d’abord les églises du sud de la péninsule ibérique, dans la région de Mérida, puis s’étend rapidement vers l’Ouest et le Nord, jusqu’en Aquitaine. Nommé évêque d’Avila, mais deux évêques, Ithace et Hydace, en émettant contre lui des accusations calomnieuses (magie noire, débauches), obtiennent de l'empereur Gratien un décret de bannisse- ment contre les ‟manichéens”. ../..
  • 27. Priscillien Accusés d’hérésie et menacés d’excommunication, les priscillianistes tentent de plaider leur cause à Rome. Cependant, l'empereur Maxime, qui s'est emparé du pouvoir en Gaule contre Gratien et cherche à se gagner les évêques catholiques, convoque à Bordeaux un concile (380) qui condamne les priscillianistes à l’exil. Priscillien demande à être jugé à Trêves par un tribunal séculier. Malgré l'intervention de Martin de Tours (316-397, image ci-contre)*, alors à Trèves lui aussi, Priscillien est convaincu de ‟maléfice” et de pratiques immorales, condamné à mort et exécuté à Trèves - avec 4 de ses disciples, dont une femme - en janv. 385. En réalité, victime de ténébreuses intrigues et de rancunes épiscopales acharnées contre un prédicateur d’ascétisme, il est dans l'histoire le premier à avoir subi de la part d’une autorité chrétienne la peine de mort pour hérésie. D’autres priscillianistes, restés en Espagne, ont la vie sauve mais doivent s’exiler dans les îles Scilly, au large de la Cornouailles. ../.. * Par la suite, Martin de Tours refusera toujours de participer aux assemblées épiscopales, ce qui, avec ses efforts pour sauver Priscillien le fera suspecter lui aussi d’hérésie.
  • 28. Priscillien Après la chute de Maxime, les corps de Priscillien et de ses compagnons sont ramenés, sans doute par voie maritime, de Trèves en Galice où ils sont inhumés. Ils sont alors célébrés comme des martyrs et font l’objet d’un véritable culte. Certains historiens comme Philippe Martin considèrent que le corps retrouvé au 9e siècle à Compostelle, présenté selon une légende qui "ne tient pas la route" comme celui de saint Jacques, fils de Zébédée et disciple de Jésus, est en réalité celui de Priscillien. « Je peux pas imaginer un seul instant qu’un catholique moyennement cultivé puisse croire que les reliques de Compostelle seraient celles de Jacques. Chacun sait qu’elles appartiennent à Priscillien. Miguel de Unamuno, écrivain (1864-1936) Le Protestant Ernest-Charles Babut (1875-1916), camarade de Charles Péguy à l’ENS, titulaire de la chaire d’histoire du christianisme à la faculté des lettres de Montpellier, est l’auteur de travaux sur Priscillien qu’il réhabilite et sur Martin de Tours. Image du bas : Tombeau du soi-disant Jacques et peut-être de Priscillien à St Jacques de Compostelle. Un étude au carbone 14 permettrait de savoir si les ossement ossements datent du 1er ou du 4ème siècle…
  • 29. Pélage Morgan ou Pelagius (v. 350 - v. 422), moine ascète irlandais. Arrive à Rome vers 385. Scandalisé par les mœurs relâchées des Romains, prêche une règle de vie à l’aristocratie afin de faire d'elle une élite de la vertu. Part en Afrique pour fuir l’invasion d’Alaric, roi des Wisigoths (410). Nie l'existence du péché originel et la nécessité du baptême des enfants en bas âge. En réaction contre le pessimisme fondamental du manichéisme, considère que tout Chrétien peut atteindre la sainteté par ses propres forces et par son libre arbitre, minimise le rôle de la grâce divine non indispensable à ses yeux. Selon lui, la foi et le dogme ont peu d'importance car l'essence de la religion est l'action morale. Enseigne que l'homme est, en lui-même et par nature, capable de choisir le bien. À la demande d’Augustin d’Hippone, déclaré hérétique par le 16è concile de Carthage en mai 418 (avec l'approbation du pape Zosime qui l’avait d’abord réhabilité après deux condamnations en 411 et 416…). Proscrit avec son disciple Celestius par l’empereur Honorius, et expulsé de Constantinople par la police impériale. On ignore ce qu’il devient ensuite. La doctrine du péché originel sera réaffirmée lors du concile de Trente (1545-1563) en réaction aux affirmations de Martin Luther.
  • 30. Augustin d'Hippone Aurelius Augustinus (354-430), philosophe et théologien chrétien romain de la classe aisée, aux origines berbères, latines et phéniciennes. Jeunesse très dissipée. Abandonne le manichéisme et se convertit au christianisme en 386 sous l’influence de sa mère, Monique, et après sa rencontre avec Ambroise de Milan. Acclamé comme évêque d’Hippone (Annaba, Algérie actuelle) en 395, n’abandonne pas l’idéal monastique. Accorde son rôle à la foi sans rien abandonner de la raison (croire et comprendre ce qu’on croit). Contribue fortement à mettre au premier plan dans le christianisme le concept d'amour ("Dilige et quod vis, fac" : "Aime et fais ce que tu veux"). Le Dieu d'Augustin est à la fois au-dessus des êtres humains et au plus profond d'eux-mêmes, d'où un accent mis sur ce qu'il nomme la « trinité intérieure » : la mémoire, l'intelligence et la volonté. Fait de la philosophie une discipline pratique dont le principal but est la recherche du bonheur. Joue un rôle de premier plan dans l'évolution de la notion de justice. « Mais Toi, tu étais plus profond que le tréfonds de moi-même et plus haut que le très-haut de moi-même ». ../..
  • 31. Augustin d'Hippone Démontre avec génie les mécanismes du temps. « C'est donc une impropriété que de dire : il y a trois temps, le passé, le présent et le futur. Il serait sans doute plus juste de dire : il y a trois temps : le présent du passé, le présent du présent, le présent du futur […] Le présent du passé, c'est la mémoire ; le présent du présent, c'est l'intuition ; le présent de l'avenir, c'est l'attente. » « L’éternité, c’est la qualité de l’instant. » Combat les Donatistes, les Manichéens et les Pélagiens. Transmet à l'Occident une forte méfiance envers la chair. Le premier à formuler la doctrine du péché originel. Contre ceux qui prennent à la lettre le commandement biblique : « Tu ne tueras point », légitime le concept de "guerre juste". En 408, à partir du verset de Luc 14, 12-23 "Compelle eos intrare" ("Force les à entrer"), accepte l’usage de la contrainte pour ramener dans l’Église les hérétiques donatistes. Fournit aux apologistes de la persécu- tion et de l’Inquisition leurs plus funestes arguments. Dans son texte Contre les Juifs, affirme que les Juifs qui ne reconnaissent pas la divinité de Jésus sont des fossiles vivants et qu’ils peuvent être maintenus dans un statut de servitude et d’humiliation.
  • 32. Nestorius (v. 381 - 451), né en Syrie euphratéenne. Moine et prêtre à Antioche. Sa renommée d'orateur amène l’empereur Théodose II à le nommer en avril 428 évêque de Constantinople. Soutient dans ses sermons qu'il ne faut pas désigner Marie comme ‟Mère de Dieu” (Theotokos), mais comme mère de Jésus ou ‟Mère du Christ” (Christotokos). Ces positions soulèvent l'hostilité de Cyrille, évêque d’Alexandrie. Au concile d’Éphèse en juin 431, les évêques orientaux d'Antioche, partisans de Nestorius, arrivent en retard, de sorte que Cyrille a toute liberté pour faire proclamer la formule ‟Mère de Dieu”, déposer et excommunier Nestorius comme hérétique. Lorsque Jean d'Antioche arrive à Éphèse, tient lui aussi, un concile et dépose Cyrille. Mais Cyrille parvient à obtenir l'approbation de l'empereur. Nestorius est exilé en Haute Égypte. Ses écrits sont détruits. Le nestorianisme se répand en Asie centrale, en Inde et en Chine, comptant 200 évêchés et des dizaines de millions de fidèles à son apogée au 12ème siècle. Il subsiste environ 100 000 Chrétiens nestoriens en Iran, en Irak, aux États-Unis et en Inde. Photo du bas : Concile d’Éphèse (431), mosaïque à la basilique N.-D. de Fourvière à Lyon. « Ce concile se déroule dans un climat épouvantable : bagarres de rues menées par des moines aux mœurs de brigands, distribution d’or et de cadeaux divers pour influencer les votes, Cyrille étant un champion de pots-de-vin. » Jacques Duquesne, op. cit.
  • 33. Hypatie d'Alexandrie (v. 360-415), mathématicienne et philosophe grecque, fille du mathématicien Théon. Études de sciences, philosophie et éloquence à Athènes. Travaille dans le domaine de l'astronomie et de la philosophie, écrit des commentaires sur L'Arithmétique de Diophante, sur Les Coniques d'Apollonios de Perga et sur Les Tables de Ptolémée. Ses exposés publics à Alexandrie, où elle défend les thèses néoplatoniciennes, lui valent une grande renommée. En 415, est assassinée dans l’église appelée Césarion par les hommes de main de l’évêque Cyrille, infirmiers-fossoyeurs d'Alexandrie, les parabalani (membres d'une confrérie chrétienne), démembrée et brûlée à un endroit nommé Cinaron. Aucun de ses travaux ne nous est parvenu, à cause en particulier de l'incendie final de la bibliothèque d'Alexandrie. Images : - Détail du tableau de Raphël (1483-1520) L’École d'Athènes, une référence à Hypatie ? - Théophile d’Alexandrie, évêque d’Alexandrie de 384 à 412. En 391, détruit et incendie le Sérapéum d’Alexandrie, sanctuaire dédié à Serapis, où est installée une annexe de la célèbre bibliothèque d'Alexandrie. Cette destruction a pour but d’assoir la religion chrétienne, conformément au décret de l’empereur Théodose Ier concernant les temples païens, et entraine la perte de 40 000 à 70 000 rouleaux. Son neveu et successeur l’évêque Cyrille (376-444) éradique le paganisme, le judaïsme et ce qu'il considère comme des hérésies : écrit contre les Ariens et les Antiochiens, fait fermer les synagogues et les églises des Novatiens. Anéantit ainsi la communauté juive et s'en prend de la même manière aux autres communautés chrétiennes qualifiées d'hérétiques. Fait condamner Nestorius au concile d’Éphèse . Père et docteur de l’Église catholique depuis 1882.
  • 34. Jean Cassien (v. 360-435), moine chrétien, Père de l’Église. Né en Scythie, dans la région des bouches du Danube. D'abord moine à Bethléem, vit pen- dant une quinzaine d'années avec les Pères du désert en Palestine, en Égypte, puis à Rome, s’établit en Gaule et fonde deux communautés monastiques à Marseille, celle de St Victor pour les hommes, celle de St Sauveur, avec sa soeur, pour les femmes. Benoît de Nursie s'appuiera sur ses ouvrages pour établir sa règle monastique. Établit un pont entre le monachisme d'Orient et celui d'Occident. Dans deux de ses conférences, aborde la question de la grâce et de la liberté humaine. Les réponses qu'il donne à cette question vont à l'inver- se des positions de Saint Augustin, défendues par Prosper d'Aquitaine, et le font condamner comme semi-pélagien*. Sur les instances du futur pape Léon Ier, compose un traité sur l'Incarnation, contre Nestorius, patriarche de Constantinople. Ses œuvres sont le premier manuel de spiritualité du christianisme nicéen. Son anthropologie marquée par l’intériorité et la croissance peut éclairer des problématiques contemporaines touchant à l’articulation entre le psychologique et le spirituel. * Augustin d’Hippone considère que la foi chrétienne est un effet de grâce et de la volonté divine, le chrétien est qualifié d’élu de Dieu. La doctrine du semi-pélagianisme, qui considère que le libre arbitre peut mener à la foi sans nécessiter le secours de la grâce, est condamnée lors du concile d'Orange, en 529.
  • 35. Boèce Anicius Manlius Severinus Boethius (v. 480-524), philosophe et hom- me politique latin, consul, maître du palais de Théodoric, roi des Ostro- goths. Sur la base de textes grecs, ambitionne l’exposer les 4 disciplines du quadrivium (arithmétique, musique, géométrie et astronomie) c'est-à-dire les 4 voies menant à l'étude de la philosophie. Emprisonné à la fin de sa vie, rédige Consolation de Philosophie, dans laquelle la poursuite de la sagesse et l'amour de Dieu sont décrits comme les véritables sources du bonheur. Également théoricien de la musique et auteur des Apices, système de chiffres décimaux à l'origine de l'introduction de la numération de position par Gerbert d'Aurillac (v. 945-1003). Accusé de sympathie pour la politique de reconquête de l'Italie inspirée par l'empereur Justinien, est arrêté sur les ordres de Théodoric ; longtemps emprisonné, est cruellement mis à mort en 524. Témoin des derniers feux de l'Empire romain, occupe une place fondamentale dans la transmission de la philosophie antique en Occident. Sa traduction en latin de l’œuvre logique d'Aristote, ainsi que son commen- taire par Porphyre de Tyr, exerceront une influence déterminante sur la philosophie médiévale. « Qu'est-ce apparemment que la santé des âmes sinon la bonté ? Et leur maladie, sinon la méchanceté ? Et quel est celui qui préserve les bonnes choses et chasse les mauvaises, sinon Dieu, le maître et le méde- cin des âmes ? »
  • 36. Benoît de Nursie Benedicto de Nursia (v. 480 - v. 547), moine, fondateur de l'ordre des bénédictins. Sa vie n’est connue qu’à travers le récit empreint de légendes de Grégoire le Grand (540-604). Études de lettres et de droit à Rome. Dégoûté par la vie libertine étudiante, décide de tout quitter, et mène pendant 3 ans dans une caverne à Subiaco une vie simple érémitique (du grec èrémitês, isolé). Accepte de devenir abbé dans le monastère de Vicovaro, mais les moines, en désaccord avec les règles de vie cénobitique (du grec koinos : commun) qu'il impose, tentent de l'empoisonner. En 529, s’installe avec quelques moines dans une ancienne forteresse qu’ils transforment en monastère, sur le Montecassino (Mont Cassin, 529 m). Rédige v. 540 une règle qui, codifiée par Benoît d’Aniane, se répand à l’époque carolingienne et reste la règle fondamentale des bénédictins et de la vie monastique : travail, prière ou contemplation, lecture; modération, gravité, austérité, douceur. "L’oisiveté est ennemie de l’âme, c’est pourquoi, à certaines heures, les frères doivent s’occuper au travail des mains et à certaines autres à la lecture divine (lectio divina)."
  • 37. Pseudo-Denys l'Aréopagite* Probablement moine syrien vers l'an 500, qui dissimule sa véritable identité sous le nom du disciple converti par Paul à Athènes. Le premier auteur, en grec, de traités chrétiens de théologie mystique. Son œuvre s'inspire du néoplatonisme*, notamment des écrits de Proclus, mais aussi d’ Origène, Clément d'Alexandrie, Grégoire de Nysse. Son traité Les noms divins examine les noms de Dieu structurés par le mouvement de la procession, de la conversion et de la permanence. On ne peut nommer Dieu que par ses processions, car en tant qu’il est non-être et au-delà de l’être, il reste caché et au-delà de tout nom. L’auteur passe en revue les différents noms de Dieu : le bien, la lumière, le beau, l’amour, etc. Ces titres, qui jouent un rôle central dans le platonisme tardif, sont ici pro- fondément christianisés. Son court Traité de la théologie mystique est le texte le plus lu et médité par les penseurs du Moyen-Âge. Il montre que l’union mystique, illustrée par l’entrée de Moïse dans la Ténèbre (Exode 19), transcende toute expression et activité des sens et de l’intellect, si bien que connaissance et ignorance de Dieu sont tenues pour identiques. La montée de Moïse ../.. * L’aéropage était le conseil et tribunal d'Athènes (qui siégeait sur la colline Aréopage, consacrée au dieu Arès), réputé pour sa compétence, son intégrité et sa sagesse. Par extension, assemblée de juges, de savants, d'hommes de lettres très compétents.
  • 38. Pseudo-Denys l'Aréopagite sur le Sinaï représente l’ignorance de Dieu, mais sa redescente fonde la validité de la théologie positive. Introduit la distinction entre la théologie mystique, la théologie symbolique et la théologie spéculative. Défend une théologie apopha- tique : on approche mieux Dieu en disant ce qu’il n’est pas plutôt que ce qu’il est. Répartit en trois étapes* le chemin de l’union à Dieu : voie purgative (purification des vices), voie illuminative (développement des vertus de courage, prudence, justice et tempérance) et voie unitive (maturité spirituelle et humaine permettant d’affronter jusqu’à l’héroïsme toutes les situations) ou, suivant Augustin : Commençants, Progressants et Parfaits. Jean de la Croix, Ignace de Loyola, Thérèse d’Avila ("les sept demeures") ont chacun revisité ce modèle en décrivant une "ascen- sion" de la personne qui, d’une certaine manière suit le même schéma de dépossession-transformation et de rapprochement de Dieu. ../.. ** Jean Climaque, moine syrien des 6ème et 7ème siècles, dans son traité L’échelle du paradis (en grec, échelle se dit klimax) ne donne pas moins de 33 degrés à son échelle spirituelle : degrés 1-4 : renoncement au monde et obéissance à un père spirituel ; degrés 5-7 : pénitence et affliction (penthos) comme voies de la véritable joie ; degrés 8-17 : lutte contre les vices et acquisition des vertus ; degrés 18-26 : fuite des pièges de l'ascèse (paresse, orgueil, pusillanimité) ; degrés 27-29 : atteinte de l’hésychia (paix de l'âme) et de l’apatheia (impassibilité).
  • 39. Pseudo-Denys l'Aréopagite « Dieu n’a pas de force et il n’est aucune force ni aucune lumière. Et il ne vit pas et il n’est pas non plus la vie. Et il n’est pas l’être ni l’éternité ni le temps. Et il n’est ni le savoir ni même la vérité, ni la seigneurie ni la sagesse, ni non plus l’Un et l’unité ou même la divinité parce qu’il est totalement au-delà de tout et au-dessus de tout et de chacun. Il est celui qui transcende toute affirmation et toute négation. » Cette méditation apophatique de Denys l’Aréopagite, qui frise l’athéisme, est à rapprocher de ces autres méditations antérieures ou postérieures : - Augustin d’Hippone : « Que peut-on dire en parlant de Toi ? » - Johann Eckhart : « Si j’avais un Dieu que je pusse connaître, je ne voudrais plus le tenir pour Dieu ! Si tu connais quelque chose de Dieu, il n’est rien de cela. » - Simone Weil : « Dieu ne peut être présent dans la création du monde que sous la forme de l’absence »
  • 40. Pseudo-Denys l'Aréopagite Les auteurs contemporains, notamment en psychologie, actua- lisent et adaptent en langage non religieux cette progression vers l’ac- complissement humain : - la voie purgative est la période de thérapie, de soin des blessures et de guérison des dysfonctionnements qui empêchent la personne d’être elle- même; - la voie illuminative est la période pendant laquelle la personne entre peu à peu dans sa mission et se demande ce qu’elle peut et doit apporter de spécifique et d’unique dans la caravane humaine; - la voie unitive est la période de passage à l’action : "Comment donner ce que j’ai à donner ?" Ainsi, Marge Reddington, infirmière et psychothérapeute états- unienne, propose une approche intégrée de l’être humain en évolution et un programme (‘Symbolisation’) d’identification et de satisfaction des besoins physiques, psychologiques et spirituels de l’être humain et de croissance existentielle. Les neurosciences confirment cette intuition des penseurs du siècle précédent (Abraham Maslow, Éric Berne, Marge Reddington, Carlo Moiso) en reliant les soifs de la personne à chacun de nos trois cerveaux : le besoin de sécurité et de structure est en lien avec le cerveau reptilien, la soif de reconnaissance se forge dans le cerveau limbique, siège des émotions et de la mémoire des situations vécues, la soif de stimulation, d’action et de créativité est commandée par le néocortex.
  • 41. Patanjali (entre 300 et 500 après J.-C. ? *), fondateur indien de la philosophie du yoga. Son enseignement est contenu dans les Yoga Sutras, un court texte composé de 195 aphorismes. Le yoga comporte 8 "marches" pour évoluer vers une plus grande conscience d’être : règles sociales, règles vis-à-vis de soi-même, postures, contrôle de la respiration, maîtrise des sens, concentration, méditation, union au divin. La non-violence (ahimsa), respect en pensée, en parole et en action de la vie de tout être vivant, est la première exigence éthique de l’homme. « La non-violence, la vérité, le désintéressement, la modération, le refus des possessions inutiles » (…) « ne dépendant ni du mode d’existence, ni du lieu, ni de l’époque, ni des circonstances ». Ce qui perturbe l’existence de l’homme, ce sont ses pensées. « Ces pensées, comme la violence, qu’on la vive, la provoque ou l’approuve, sont causées par l’impatience, la colère et l’erreur ». « Si quelqu’un est installé dans la non-violence, autour de lui l’hostilité disparaît. » * L’anonymat est une des caractéristiques des grands sages de l’Inde ancienne. Ils estiment que leur enseignement est le résultat d’un effort collectif sur plusieurs générations et refusent de s’en attribuer tout le mérite.
  • 42. Mahomet Muḥammad ou Mohammed (v. 570 - v. 632), Abū al-Qāsim Muḥammad ibn ʿAbd Allāh ibn Abd al-Muṭṭalib ibn Hāshim, arabe issu de la tribu de Quraych. Fondateur de l'islam, en est considéré comme le prophète majeur *. Berger puis caravanier, entre au service d’une riche veuve qu’il épouse. Selon la Tradition, reçoit en 610 de l’archange Gabriel (Djibril) le premier verset du Coran à la grotte de Hira. Forme ses disciples dans le monothéisme. Pendant sa période mecquoise (610-622), guide spirituel, propose une morale de l’action bonne, droite, et juste. Banni par sa tribu polythéiste, migre en 622 (l’hégire) de La Mecque à Yathrib (Médine) dont il devient le chef religieux, politique et militaire. Fait assassiner ses opposants, ordonne la lapidation d’une femme infidèle, fait arracher et brûler les palmiers des tribus juives Nadir (625), justifie le massacre des 600 à 900 Juifs de la tribu des Qurayzah (627). Il impose aux non-Musulmans (Juifs, Chrétiens, etc.) la dhimmma, à la fois protection et soumission aux autorités. * En regardant la vie des 6 personnages, on a de bonnes raisons d’estimer que le roi David des Hébreux (Daoud pour les Musulmans) est à Jésus de Nazareth ou à François d’Assise ce que Mahomet dans l’islam est à al-Hallâj ou à Sohravardi. Pour Jean-Marie Muller, « une authentique réforme de l’islam implique de prendre une distance critique par rapport à la lettre du texte coranique », de la même façon que les Musulmans ont pris leurs distances depuis longtemps avec l’esclavage (le Coran permet de prendre pour concubines des esclaves acquises par le butin de la guerre).
  • 43. Maxime le Confesseur* (v. 580-662), moine et théologien byzantin. Premier Secrétaire à la cour de l'empereur Héraclius, devient moine en 613, au monastère de Chrysopolis. À la suite de l'invasion du Proche-Orient par les Perses sassanides, se réfugie à Carthage en 626. Participe, à partir de 639, à la controverse monothélite, relative au nombre de volontés en Jésus-Christ, considéré depuis 325 comme homme-Dieu. Ses écrits théologiques et spirituels sont fortement influencés par les œuvres d'Évagre le Pontique, des Pères cappadociens, du Pseudo- Denys l'Aréopagite, de Cyrille d'Alexandrie et de Léonce de Jérusalem. En 653, arrêté par l’empereur byzantin Constant II, en même temps que le pape Martin. Jugé à nouveau en 662 par les évêques et les sénateurs byzantins. On le torture, on lui arrache la langue, on lui coupe la main droite, pour s'assurer de son silence, puis on l'exile en Lazique*. ../.. * ‘Confesseur’ non pas au sens de ‘qui entend en confession’, mais au sens de ‘confesser sa foi’ avec ferveur et à ses risques et périls, comme ‘l’Église confessante’ (Bekennende Kirche) de Dietrich Bonhoeffer * Protectorat de l’empire byzantin, à l’Ouest de la Géorgie actuelle, au bord de la mer Noire.
  • 44. Maxime le Confesseur Affirme qu’il y a une empreinte du divin dans chaque plante, animal, être humain, qui détermine son identité et sa finalité. La vocation de l’homme est d’être déifié, et, en se déifiant, la nature humaine déifie également le cosmos tout entier : les vivants et les morts, les animaux, les plantes, les fleuves et les montagnes, jusqu’aux anges eux-mêmes. Irénée Hausherr* explique que le concept grec de philautie (Φιλαυτία, de φίλος, qui aime, et αὐτὸς, soi-même) indique habituel- lement un défaut, l’égoïsme, mais comporte aussi une dimension positive très importante qui se réfère au commandement évangélique de s’aimer soi-même pour pouvoir aimer les autres comme soi-même : la tendresse pour soi débouche sur la charité envers l’autre. * Irénée Hausherr (1891-1978, photo du haut), jésuite français, professeur de spiritualité et de patristique au Pontificum Instituum Oriantalum, Institut pontifical oriental pour la patristique et la spiritualité de l'Orient chrétien. Langues maîtrisées : latin, grec, allemand, anglais, syria- que, arménien, arabe, russe et langues slaves. Ses travaux sur la prière (en particulier dans le cadre de l'hésychasme, qu'il a contribué à faire connaître à l'occident), la direction spirituelle, le penthos (componction), la philautie et la contemplation, font aujourd'hui encore référence.
  • 45. Isaac de Ninive ou Abba Isaac, ou Isaac le Syrien (v. 640 - v.700), moine et ascète nestorien, écrivain, évêque, mystique et théologien de l'Église de l'Orient. Né dans l’actuel Qatar, devient moine très jeune. Abdique 5 mois après avoir été élu évêque par les habitants de Ninive, se retire comme anachorète au mont Matout parmi les ascètes du Nord. . Pour lui, les voies de la connaissance de Dieu sont existen- tielles : foi, prière, humilité, purification de l’esprit et son union avec le cœur. « Je veux un cœur qui s'enflamme de charité pour la création entière, pour les hommes, pour les oiseaux, pour les bêtes, pour les démons, pour toutes les créatures. Priez aussi pour les animaux et même pour les reptiles, dignes eux aussi d'une pitié infinie. » « Voici, mon frère, un commandement que je te donne : que la miséricorde l’emporte toujours dans ta balance, jusqu’au moment où tu sentiras en toi-même cette miséricorde que Dieu éprouve envers le monde. »
  • 46. Shantideva (v. 685-763), philosophe indien madhyamika, une branche du bouddhisme mahāyāna. Un des derniers grands maîtres d'expression sanskrite, jouit d'une considération particulière dans le bouddhisme tibétain. Auteur du Bodhicharyavatara, œuvre capitale de la tradition bouddhiste indo- tibétaine, hymne à la compassion universelle. Propose de nombreuses pratiques qui servent de base au lodjong, entraînement de l'esprit à la compassion : on apprend à abandonner l'égoïsme et à considérer les autres comme plus importants que soi même. Dans la pratique de tonglen, on décide de prendre toute la négativité et les souffrances pour soi et de donner tout le bonheur aux autres. « Puissé-je être pour toutes les créatures celui qui calme les douleurs ! Puissè-je être pour le malade le remède, l’infirmier, le médecin, jusqu’à la disparition de la maladie ! Puissè-je être pour les pauvres un trésor inaliénable ! Puissè-je être le protecteur des abandonnés, le guide de ceux qui cheminent, la barque, le gué, le pont pour ceux qui désirent l’autre rive. Puissè-je être la lampe de ceux qui ont besoin de lampe, le serviteur de ceux qui ont besoin de serviteurs ! »
  • 47. Rabi’a al Adawiyya Rabi’a al Adawiyya al Qaysiyya ou Rabia Basri (v. 713-801), mystique et poétesse musulmane soufi (Irak actuel), souvent dénommée "la Marie Madeleine de l’Islam". Ancienne esclave affranchie, renonce jusqu'au mariage et à tous les plaisirs éphémères de la vie pour ne se consacrer qu’à Allah. Pratique le végétarisme. Les maigres écrits qu'il nous reste d'elle en font l'un des premiers chantres de l'amour divin. Une des premières à dépasser la démarche ascétique traditionnelle pour appeler à l’union parfaite avec Dieu. Met l’accent sur le pur amour de Dieu pour lui-même, qui doit délivrer les croyants aussi bien de la peur de l’Enfer que du désir de Paradis*. Son immense rayonnement lui vaut la vénération de ses contem- porains. Pour les soufis, elle est connue comme « la Mère du Bien ». « Sans Toi, ô ma vie, ô ma confiance,Je ne serais jamais lancée dans l’immensité du pays. (…)Tant que je vivrai, je ne m’éloignerai pas de Toi. Tu es le seul maître de l’obscurité de mon cœur. » « Mon Dieu, si je t’adore par crainte de ton Enfer, brûle-moi dans ses flammes, et si je t’adore par convoitise de Ton Paradis, prive m’en. Je ne t’adore, Seigneur, que pour Toi. Car Tu mérites l’adoration. » * On raconte ainsi qu’elle portait une torche et un seau et, lorsqu’on lui posait la question des raisons de cet étrange appareillage, elle répondait : « Je vais vers le ciel, pour jeter du feu sur le paradis et de l’eau sur l’enfer, afin que tous les deux disparaissent et que les hommes regardent Dieu sans espérance ni crainte. » (propos rapporté au 14e siècle par Aflaki)
  • 48. Âdi Shankara ("Celui qui apporte la félicité", 788 ? -720 ?), maître spirituel de l'hindouisme, philosophe indien de l'école Advaita Vedānta, commen- tateur des Upanishad védiques, du Brahma Sūtra et de la Bhagavad-Gita. Originaire du Kérala, disciple de Govinda Bhagavatpâda, voyage à travers l’Inde, compose des commentaires des textes sacrés de l'hin- douisme. Réformateur religieux, orateur, prédicateur, cherche à créer une entente entre les écoles religieuses de son époque. Affirme que toutes les divinités ne sont que des formes différentes de l'Être suprême. Fonde 4 monastères aux 4 points cardinaux de l’Inde (photo du bas : celui de Shingeri). Serait mort à 32 ans, près du mont Kailash dans l'Himalaya. Veut rétablir le sens du rituel, qui doit être avant tout intérieur. Refuse les rituels sanglants, exhorte les desservants des temples à remplacer les offrandes de boissons alcoolisées (madya), de viande (māṃsa) et de poisson (matsya) par des offrandes de riz, de fleurs et de laitages. Encourage 4 qualités principales : - capacité de distinguer (entre l'éternel et l'éphémère) - contrôle des passions (peur, colère, jalousie, etc.) - équanimité (voir du même œil tous les êtres) - désir de libération du cycle des réincarnations.
  • 49. Abu Yazîd Bistâmî (v. 804 - v. 875), soufi, ascète et mystique perse, surnommé sultân al-'ârifîn (le sultan des initiés). Quitte Bistam, son village natal, voyage durant 30 années, visitant la Syrie et particulièrement les alentours de Damas. S’occupe de science et de combattre son propre nafs (le moi égoïste). Lorsque quelqu’un frappe à sa porte et le demande, répond : « Non, il n’y a que Dieu dans cette maison ! » La présence divine a annihilé en lui l’ego humain ordinaire. Ses contemporains ne compren- nent pas ses affirmations relatives à la science de l’Unicité et de la Connaissance de Dieu, et le forcent à s’exiler 7 fois. « Le recueillement se reconnaît à cinq indices : en évoquant son moi, on s'appauvrit ; en se remémorant son péché, on se repent ; en se représentant le monde, on médite ; en imaginant l'au-delà, on se réjouit ; en invoquant le Souverain, on s'honore. » « Dix défauts rendent le corps vil : l'animosité, la colère, l'orgueil, l'outrage, la querelle, l'avarice, l'ostentation du dénuement, l'abandon du respect, la grossièreté, la renonciation à l'équité. » Le soufisme, courant mystique de l’islam, est honni par les fondamen- talistes islamistes qui le considèrent comme hérétique.
  • 50. Hunayn Ibn Ishaq (v. 808-873), médecin, traducteur et enseignant arabe de Bagdad, diacre de la religion chrétienne nestorienne. Traduit en arabe L'anatomie de Galien puis les Aphorismes d'Hippocrate. Vers 830, est chargé de supervi- ser les traducteurs de la ‘Maison de la sagesse’ (Bayt al-Hikma) du calife al- Mamun. Maîtrise le grec, compose un lexique syriaque-arabe, invente un vocabulaire scientifique et technique arabe. Participe aux conférences de savants organisées par le calife al-Wathiqqui le charge de rédiger une sorte d'encyclopédie médicale. Refuse de préparer un poison mortel demandé par le calife et desti- né à se débarrasser de l'un de ses ennemis. Est emprisonné, menacé d’exé- cution, refuse toujours, entreprend en prison une traduction de la Bible en arabe, et devient finalement premier médecin du calife. On lui attribue une centaine d'ouvrages, la plupart de médecine et de pharmacie. Écrit un livre de philosophie, perdu, dont on a un résumé intitulé Adab al-falasifa, et une méditation sur les motifs qui poussent à adhérer à une religion. À la différence d'Ammar al-Basri, théologien chrétien nestorien arabe, ne s'en tient pas pour croire au seul critère du miracle, mais y ajoute des causes plus rationnelles. ../.. Image du haut : Enluminure d'un manuscrit de l'Isagogè, introduction aux Catégories d'Aristote, écrite au 3ème siècle par le philosophe néoplatonicien Porphyre (234-305), représentant Hunayn Ibn-Ishaq al-'Ibadi
  • 51. Hunayn Ibn Ishaq et les ‘maisons de la sagesse’ Les ‘maisons de la sagesse’ (bayt al-ḥikma), auraient associé, pour certains auteurs, des bibliothèques, des observatoires, des hôpitaux, des lieux de réunion et des centres de traduction d'ouvrages de cosmologie, d'astrologie, de mathématique, de philosophie, de poésie et d'histoire. D'autres auteurs, comme Houari Touati, les envisagent plus modeste- ment comme une institution bibliothécaire, le « dépôt de livres de la sagesse des Anciens ». Leur rôle est majeur dans la transmission de l'héritage des civilisations grecque, perse et du Moyen-Orient, mais aussi indienne, chinoise, etc. Cet aspect fait de ces maisons un des symboles de l'âge d'or de la science arabe, comme lieu de collecte, de diffusion, de copie et de traduction de la littérature d'adab (les belles-lettres). La Maison de la sagesse du 9ème siècle à Bagdad a laissé place à un institut de recherche. L'ancienne madrasa médiévale n'existe plus et le centre de recherche contem- porain est en partie détruit lors de la guerre d'Irak de 2003. Images : - La bibliothèque de Bagdad, la plus grande institution scientifique au monde, détruite en 1258 par les Tatars. - Khal Torabully, né en 1956, écrivain mauricien, poète, linguiste et réalisateur de films. Membre-fondateur du ‘Groupe d'études et de recherches sur les mondialisations’ (GERM) à Paris. En 2012, la ‘Maison de la sagesse’ de Grenade (Andalousie), est lancée par des citoyennes et citoyens de cette cité, sur une idée de Khal Torabully.* Elle a pour but de réactualiser la convivencia, tolérance religieuse dans l’Andalousie médiévale du 12ème siècle. Elle est saluée par l'Unesco comme une initiative citoyenne œuvrant pour la paix dans le monde.
  • 52. Jean Scot ou Érigène (: d’Irlande) (v. 810 - 876), clerc, philosophe et théologien. Originaire d’Écosse ou d’Irlande, vient en France vers 845, appelé par Charles II le Chauve, et passe presque 30 ans à la cour de ce prince. Penseur original, sachant le grec, l'arabe et l'hébreu, nourri de la lecture des écrits d'Augustin, d'Origène, etc., traducteur de textes alors attribués à Denys l'Aréopagite (moine syrien mystique, d'inspira- tion néo-platonicienne, vers 500 après J.-C.). En 851, écrit dans De la prédestination que Dieu ne prévoit ni peines, ni péchés (ce sont des fictions) et que l’Enfer n'existe pas, ou alors il se nomme le remords. Affirme que la raison humaine n'entre pas en contradiction avec la foi. Lors d’un débat sur la prédestination, vers 865, est dénoncé comme hérétique par le pape Nicolas Ier. Au lieu de se retirer dans un couvent, demeure en France, et meurt sur sa terre d'accueil. Réhabilité par le pape Benoît XVI en 2009.
  • 53. Mansur al-Hallâj Husayn ibn Mansur al-Hallâj (857 ? - 922), poète et philosophe persan, mystique du soufisme. Naît dans une famille pauvre, son père travaille la laine, d’où le nom de al-Hallâj, "le cardeur". . Peu satisfait par l'enseignement traditionnel du Coran, attiré par une vie ascétique, fréquente des maîtres du soufisme. Prédicateur en Iran, puis en Inde et peut-être jusqu’aux frontières de la Chine ? Rentré à Bagdad, suspecté aussi bien par les Sunnites que par les Chiites pour ses idées mystiques (recherche de l'amour divin et de l'union de l'âme et de Dieu) et son influence sur les foules. . Fait passer au second plan les rites et les usages religieux, d’où sa volonté de supprimer le pèlerinage à La Mecque, ou plutôt de le remplacer par un "pèlerinage votif", c’est-à-dire en esprit. Faussement accusé d'avoir participé à la révolte des Zanj, mais sa condamnation résulte du fait qu'il a proclamé publiquement "Ana al haqq" ("Je suis la Vérité ») *. * Cette affirmation n'est pas incongrue dans le milieu soufi où ce genre de propos est considéré comme émanant d'un homme qui, "fondu" dans "l’océan de la divinité", possède un rang spirituel très élevé. Abdennour Bidar précise que le poète et philosophe indien musulman Mohamed Iqbal (1877-1938) traduit cette expression par « Je suis la vérité créatrice », en ce sens qu’une personne qui s’efforce d’être fidèle à ses appels les plus profonds fait aussi l’expérience de découvrir et déployer sa créativité.
  • 54. Mansur Al Hallâj Ne voulant pas renier ses propos publics, est condamné à mort, flagellé, crucifié et décapité à Bagdad en mars 922. Son cadavre est brûlé, et ses restes jetés dans le Tigre avec son œuvre. Auteur d'une œuvre abondante visant à renouer avec la pure origine du Coran et son essence verbale et lettrique. Cinq types de textes nous sont parvenus : une collection d’oracles et d’invocations composés à la Mecque vers 900, des fragments théologiques, des hymnes et prières, le livre philosophique du Tâwasîn, et le plus célèbre de ses écrits le Dîwân (= le Registre), un recueil poétique. « Sache que judaïsme, christianisme et islam, comme les autres religions, ne sont que dénomination et appellation, le but recherché à travers elles jamais ne varie, ni ne change. » « Mon Dieu… Tes serviteurs se sont réunis pour me tuer, par zèle pour ton culte et par désir de se rapprocher de Toi. Pardonne-leur ! Car si Tu leur avais dévoilé ce que Tu m’as dévoilé, ils n’eussent pas agi comme ils ont agi. »
  • 55. Vasugupta (v. 860 - v. 925), mystique indien, originaire du Cachemire, hindouiste shivaïte* appartenant à l'école trika. Probablement contem- porain des érudits bouddhistes des 8ème et 9ème siècles et de l’école philosophique hindoue de l’Advaita Vedanta (non-dualité). Auteur de 2 ouvrages majeurs : les Shiva Sutras et les Spanda Karikas. Les Śiva Sūtra, qu'il aurait reçus en rêve, sont à la base du système trika ou système non-duel du shivaïsme du Cachemire. Selon d’autres légendes postérieures, aurait trouvé les sutras inscrits sur un rocher appelé Sankaropala. Maître de Kallaṭa qui compose la Spandakārikā sous sa direction. Abhinavagupta (10e siècle) représente l'apogée de ce courant. Le shivaïsme du Cachemire enseigne que le monde est une expansion de Dieu et qu'en conséquence la réalisation doit s'obtenir au sein de la vie quotidienne. Le texte étudie la nature et de la cause de la servitude, et la manière dont on se libère de cette servitude. Il a été abondamment commenté par des auteurs indiens, comme Jaideva Singh (1893-1986). Certains manuscrits ont été traduits en anglais, comme Mark Dyczkowski, né en 1951. * Le shivaïsme est l' une des principales traditions hindoues qui vénère Shiva, également appelé Rudra, comme l'Être suprême. C'est la tradition hindoue qui accepte le plus la vie ascétique et met l'accent sur le yoga et, comme d'autres traditions hindoues, encourage un individu à découvrir et à ne faire qu'un au fond de soi avec Shiva. ,
  • 56. Avicenne Abu Ali Husayn Ibn Sīnā (980-1037), médecin, philosophe et mystique arabo-islamique d’origine persane. S'intéresse à l'astronomie, l'alchimie, la chimie, la physique, l’astronomie, les mathématiques et la psychologie. Commentateur d'al-Farabi (mort en 950), opère une fusion de l’aristotélisme, du platonisme et de la pensée islamique dans le Kitab al-Shifa (‟Livre de la guérison”) Son ouvrage al-Qanun fi al-Tibb, connu comme le "Canon de la médecine" sera le manuel de référence des écoles européennes jusqu'au 17ème siècle. Consacre ses dernières années à la philosophie et compose un "Traité de l'âme et du destin", un "Guide de la Sagesse", etc. Sa pensée sur la distinction de l‘ "essence" de l'être et de l' "Existence" sera exploitée par Thomas d'Aquin ; elle est une des bases de la philosophie scolastique néo-aristotélicienne du Moyen-Âge chrétien.
  • 57. Abdallâh al-Ansârî Khwâdja ‘Abdullâh al Ansâri al Harawî (‘L‘homme de Hérat’, 1006-1089), maître spirituel musulman afghan. Juriste (faqīh), poète, exégète, maître en hadīth (paroles de Mahomet), historien, orateur, fervent hanbalite*. Défenseur fervent de la sunna et connaisseur du Coran, s’oppose aux acharites et mutazilites et ne ménage ni le Sultan ni les notables qui cherchent souvent, en vain, à le faire condamner, mais le contraignent cependant à quitter sa ville à plusieurs reprises. Peu connu en Occident, n’ayant laissé chez les Arabes que le souvenir d’un polémiste virulent qui « passait à l’injure dès qu’il constatait la moindre divergence de vues avec son interlocuteur » (selon Ibn Rajab Baghdâdî), n’a pas cessé pourtant de rayonner sur les peuples de langue persane, pour lesquels il représente l’un des plus anciens monuments de leur prose. Pour le peuple afghan surtout qui partage sa culture et sa finesse, son tempérament bouillant et altier, demeure un protecteur et un intercesseur. Ses nombreux ouvrages sont encore étudiés et commentés aujourd’hui, particulièrement le Manazil as-sā’irīn, traduit en français sous le titre Les étapes des itinérants sur le chemin de Dieu, et traitant de cent stations spirituelles (maqāmāt) de la voie. * Le hanbalisme (théoricien : Ahmed ibn Hanbal -780-855) est, avec le malikisme, le hanafisme et le chaféisme, l'une des quatre écoles de jurisprudence (madahab) de l'islam sunnite.
  • 58. Bruno le Chartreux (v. 1030-1101), moine catholique. Né à Cologne dans une famille noble, peut-être les Hardefust, étudie, à la collégiale Saint-Cunibert, la grammaire, la rhétorique et la dialectique. Chanoine et directeur des études de l’école-cathédrale de Reims. Doit s’exiler pour avoir dénoncé la simonie* de l’archevêque Manassès de Gournay. En 1083, avec deux compagnons Pierre et Lambert, se rend en Bourgogne auprès de Robert de Molesme (v. 1029-1111, cofon-dateur de l’ordre de Cîteaux, les cisterciens), pour lui demander l'habit monastique et l'autorisation de vivre une expérience semi- érémitique dans l'ermitage de Sèche-Fontaine, près de Troyes, une dépendance de l'abbaye de Molesme. En 1084, avec l’accord de l’évêque de Grenoble, Hugues, s’installe avec 6 compagnons dans la solitude sauvage du massif de la Chartreuse à 1190 m d’altitude, où il reste 6 ans. Leur expérience (pauvreté, silence, prière, travail manuel et intellectuel) donne lieu à la création d’un nouvel ordre monastique, les chartreux*. Est appelé à Rome par un de ses anciens élèves élu pape sous le nom d’Urbain II, qui veut l’avoir à ses côtés comme conseiller. En 1092, ne pensant qu'à reprendre sa vie d'ermite, part pour la Calabre où il fonde d'autres ermitages, à Santo Stefano del Bosco et à Santa Maria della Torre. * vente-achat des charges ecclésiastiques au sein de l’Église. La simonie doit son nom à un personnage des Actes des Apôtres, Simon le Magicien, qui voulut acheter à Pierre son pouvoir de faire des miracles. ** Le chartreux vit seul en cellule, mais il partage des moments communautaires, au moins à trois reprises dans la journée. Image : monastère de la Grande Chartreuse à St Pierre de Chartreuse (Isère)
  • 59. Rachi de Troyes (1040-1105), rabbi Shlomo ben Yts’hak (Rabbi Salomon fils d’Isaac) dit Rachi, né à Troyes (Champagne), rabbin, écrivain, philosophe, poète, chroniqueur. Études à Mayence, Worms. Éminent exégète et commenta- teur juif de la Bible, du Talmud et des commentaires midrash. . Fonde à l’âge de 30 ans à Troyes sa propre yeshiba (école talmudique) qui attire de très nombreux disciples. Établit, selon les normes de la critique scientifique, le sens des textes sacrés. Répond aux questions qui lui sont adressées de partout en Europe, notamment en faveur des femmes et de la considération qui leur est due. Ses réponses sont révélatrices de sa personnalité, de sa gentil- lesse et de son humilité. Doué d'une mémoire et d'une connaissance encyclopédiques, n’hésite pas à dire « Je ne sais pas ! » Les dernières années de sa vie sont assombries par les massacres de Juifs du bord du Rhin pendant la première croisade prêchée par le pape Urbain II (1095-1096). Sa détresse devant le destin funeste de son peuple transparaît dans des commentaires de Psaumes ou de livres bibliques. Un des premiers auteurs à utiliser la langue française de l’époque. Influence, par le truchement du franciscain Nicolas de Lyre (1270-1349), la traduction de la Bible par Martin Luther.
  • 60. Jetsün Milarépa Né Mila Thöpaga (v. 1040- v. 1123), ermite, yogi et poète tibétain. Pratique la magie noire pour se venger de la spoliation et des mauvais traitements subis par des membres de sa famille. Lama Röngtön, son maître de l'école Nyingmapa*, l’envoie à Marpa Lotsawa (1012-1097). Pendant 6 ans, Marpa le soumet à des épreuves dures pour lui faire expier ses fautes passées (karma), le prépare à une existence de solitude, lui transmet les enseignements de Nâropa (1016-1100) en insistant particulièrement sur l'exercice de la "chaleur interne". Vêtu d'une simple robe de coton, vit pendant des années comme un reclus dans le froid glacial de l'Himalaya, à l'abri de grottes de montagnes où il s'adonne à la méditation. Après une période de 9 années de solitude ininterrompue, prend avec lui quelques disciples dont le médecin Gampopa. Instruit le peuple au moyen de ses chants, qui constituent, encore aujourd'hui, une source d'inspiration dans la tradition Kagyüpa ou "tradition de la transmission orale". Le récit de sa vie est rédigé par Tsang Nyôn Heruka au 14ème siècle. Maître de renom du bouddhisme tibétain, avec Padmasambhava un des deux grands saints typiques du Tibet. * fondée au 8ème siècle par Padmasambhava (717-762, littéralement en sanskrit ‘né du lotus’), venu de l'Inde au Tibet. Les moines de cette école ont l'habitude de porter des bonnets rouges, d'où le nom d' « école des coiffes rouges » donnée à la lignée Nyingmapa.
  • 61. Omar Khayyām (v. 1048-1131), mathématicien, astronome, poète et philosophe libre-penseur persan musulman. Invité comme directeur de l’observa- toire d’Ispahan par le sultan seldjoukide Mālikshāh Jalāl al-Dīn, consa- cre 5 années à la réforme du calendrier solaire. Auteur des Quatrains, vers sensuels et mystiques. Les agnosti- ques voient en lui un de leurs frères né trop tôt, tandis que certains musulmans perçoivent plutôt chez lui un symbolisme ésotérique, rattaché au soufisme. Affirme que l'homme spirituel n'a pas besoin de lieu dédié pour vénérer Dieu, et que la fréquentation des sanctuaires religieux n'est ni une garantie du contact avec Dieu, ni un indicateur du respect d'une discipline intérieure. « Contente-toi de savoir que tout est mystère : la création du monde et la tienne, la destinée du monde et la tienne. Souris à ces mystères comme à un danger que tu mépriserais. Ne crois pas que tu sauras quelque chose quand tu auras franchi la porte de la mort. Paix à l'homme dans le noir silence de l'Au-delà ! » « Considère avec indulgence les hommes qui s'enivrent. Dis-toi que tu as d'autres défauts. Si tu veux connaître la paix, la sérénité, penche-toi sur les déshérités de la vie, sur les humbles qui gémissent dans l'infortune, et tu te trouveras heureux. »
  • 62. Bahya ibn Paquda Bahya ben Joseph ibn Paquda (v. 1050-1120), ou Rabbenou Bahya ("notre maître Bahya"), rabbin et philosophe juif andalou de la première moitié du 11ème siècle, probablement à Saragosse. Dayan, juge d'un tribunal rabbinique. Érudit aussi versé dans la littérature rabbinique traditionnelle que dans les sciences et la philosophie arabe, grecque et romaine dont il cite de nombreux auteurs. Son grand-œuvre, traité ascétique et mystique, le premier système juif d'éthique, paraît en 1080 en langue arabe sous le titre de Al Hidayah ila Faraid al-Qulub, ou Guide des devoirs du Cœur, traduit en hébreu par Juda ibn Tibbon, vers 1161-1180, sous le titre de Hovot ha-Levavot. Sa philoso- phie est basée sur l'amélioration éthique de l'homme plutôt que sur la recherche d’une vérité ultime. Met l'accent sur la volonté joyeuse du cœur aimant Dieu et au service de la vie. Le strict respect des règles fixées par la Torah ne représente qu’une partie du judaïsme. L’autre, la plus ignorée mais la plus importante, est le respect des devoirs du corps et du cœur dans la soumission à Dieu et l’amour infini que l’on doit constamment s’efforcer de lui porter. Décèle dans l’amour un élan vers l’être aimé, le détachement qui permet l’ébranlement, l’union des deux amants, la lumière jaillie de leur étreinte.
  • 63. Abu Hamid al-Ghazali Abu Ḥamid Moḥammed ibn Moḥammed al-Ghazālī (1058- 1111), ou Algazel, juriste, théologien, philosophe et mystique, né à Tûs dans le Khorâsân (Est de l’Iran actuel). Études à Nishapur. Directeur de l'université Nizāmiyya à Bagdad. À la suite d’une crise intellectuelle et spirituelle, quitte son poste et devient pèlerin errant pendant 10 ans (Arabie, Palestine, Alexandrie). Enseigne à Nishapour, se retire à Tûs. Auteur d’une cinquantaine d’ouvrages. Cherche le lien entre philosophie, théologie et soufisme, entre raison, foi et spiritualité. Puise dans l'héritage grec et dans les valeurs chrétiennes des éléments qu’il intègre à sa foi musulmane. Met en garde contre les dangers du conformisme aveugle en matière religieuse, mais aussi contre le piège d’un discours de la raison qui prétend à la connais- sance par le déni de tout ce qui la dépasse. Dans son ouvrage Tahafut al-Falasifa (‘L‘incohérence des philosophes’ -1095), auquel répondra Averroès, entend montrer que les philosophes n'aboutissent qu'à des erreurs, condamnables selon lui puisque contredisant la Révélation. Sa critique vise particulièrement l'aristotélisme d'Avicenne.
  • 64. Pierre Abélard (1079-1142), philosophe français, dialecticien, musicien et théologien chrétien. Initie au sein des écoles cathédrales les études aristotéliciennes et fonde en 1110 à Sainte Geneviève-du-Mont, à Paris, le premier collège qui, préfigurant l'Université, échappe à l'autorité épiscopale. Après sa liaison amoureuse et son mariage en secret avec son élève Héloïse, est émasculé en 1117 par les sbires du chanoine Fulbert, oncle d’Héloïse. Se fait moine en 1119 à l’abbaye de Saint-Denis. Reprend son enseignement à la demande de ses disciples, mais au concile de Soissons en 1121, son cours Theologia summi boni (Théologie du souverain bien) est dénoncé pour hérésie et livré à un autodafé. Fonde le monastère du Paraclet à Nogent-sur-Seine et se retire à St Gildas-de-Rhuys où il devient abbé. Dans son ouvrage Sic et non (1122), invite chacun, et non pas seulement les clercs, à se référer directement au texte et non pas seulement à la parole de prédicateurs ou d'évêques trop souvent incultes. ../..
  • 65. Pierre Abélard En 1125, son traité d'éthique Scito te ipsum ("Connais-toi toi- même") inaugure le droit moderne en fondant la notion de culpabilité non plus sur l'acte commis, mais sur l'intention. En 1140, sa Théologie pour les étudiants fait l'objet d'une seconde condamnation pour hérésie au concile de Sens à la demande de Bernard de Clairvaux, pour qui la foi ne doit pas être questionnée par la raison. Condamné notamment pour s’être opposé à l’interprétation de la mort de Jésus comme sacrifice expiatoire. Applique la dialectique et la grammaire à des questions théologi- ques, utilise des disciplines profanes pour traiter des questions spécifi- ques aux dogmes catholiques. . . Par son œuvre Dialogus interphilosophum, Judaeum et Christia- num, précurseur du dialogue interconvictionnel. « Le doute amène l'examen, et l'examen la vérité.» «On ne peut croire ce qui ne se comprend pas.»
  • 66. Bernard de Chartres Bernardus Carnotensis (décédé vers 1130), philosophe platoni- cien français. Humaniste et philosophe, fonde l'école de Chartres. Maître puis chancelier (1124) de l’église Notre-Dame de Chartres. On lui attribue la métaphore "Nani gigantum humeris insidentes" qui montre l'importance, pour tout homme en recherche de vérité, de science et de sagesse, de s'appuyer sur les travaux des Anciens, des grands penseurs du passé, de ses prédécesseurs (les "géants"). Cette phrase, citée par ses élèves Guillaume de Conches (1090- 1154) et l’Anglais Jean de Salisbury (1120-1180), est également utilisée au fil des siècles par Isaiah di Trani, talmudiste italien (v. 1180 - v. 1250), par Montaigne et par divers scientifiques comme Blaise Pascal ou Isaac Newton. « Nous sommes comme des nains juchés sur des épaules de géants, de telle sorte que nous puissions voir plus de choses et de plus éloignées que n’en voyaient ces derniers. Et cela, non point parce que notre vue serait puissante ou notre taille avantageuse, mais parce que nous sommes portés et exhaussés par la haute stature des géants. »
  • 67. Hildegard de Bingen Hildegard von Bingen (1098-1179), religieuse bénédictine mystique du duché de Franconie (Saint-Empire romain germanique). Entre à 8 ans au couvent bénédictin de Disibodenberg, prononce ses vœux à 15 ans, en devient abbesse à 38 ans. Commence à 43 ans à consigner les visions mystiques qu'elle a depuis l’âge de 3 ans. En 1147, fonde sa propre maison monastique, le couvent de Rupertsberg, qu’elle agrandit en 1165 d’un ancien monastère, à Eibingen. Auteure de nombreux écrits sur la morale, le cosmos, les plantes, la médecine psychosomatique, l’alimentation, le jeûne. Peintre, compositrice de 77 chants, hymnes et antiennes. Créé une langue, la lingua ignota (en latin ‟langue inconnue”). Scandalisant l’Église médiévale, revalorise le corps, trouve un intérêt à la sexualité. Prêche en public à Mayence, Würtzburg, Bamberg, Trèves et Cologne. Proclamée docteur de l'Église par le pape Benoit XVI en octobre 2012. «…Quelque chose comme un nuage lumineux, dans lequel je vois des images et j'entends des mots que j’écrivais ou dictais... presque sans arrêt entre les temps de prières avec mes sœurs et de mon sommeil très court ».
  • 68. Aelred de Rievaulx (1110-1167), moine cistercien anglais. Fils d'un prêtre marié, vit une grande partie de sa jeunesse à la cour du roi d'Écosse Troisième abbé de Rievaulx (près de York) en 1147. Compose de nombreux écrits, historiques, poétiques et religieux. Un des représen- tants des plus importants de la spiritualité monastique du 12ème siècle. Son traité L’amitié spirituelle analyse l’amitié et la relation fraternelle, et comprend 3 livres. Le 1er dégage, après l'avoir analysée, la notion d'amitié. Le 2ème expose les fruits de l'amitié, dit aussi la différence entre l'amitié et la charité, les différentes espèces de l'amitié vraie et les fausses amitiés. Le 3ème établit les quatre stades par lesquels doit passer toute amitié digne de ce nom : l'élection, la probation, l'admission et la fruition. « Parmi les réalités humaines, il n’y a rien de plus saint à désirer, rien plus avantageux à rechercher, rien de plus difficile à trouver, rien de plus doux à connaître par expérience, rien de plus fructueux à entretenir (que l’amitié). (…) Que chacun évite toute action déplacée et toute parole inconvenante. On ne cultive bien l’amitié qu’en veillant à mainte- nir l’égalité. »
  • 69. Thomas Becket (1118-1170), archevêque anglais. Fils d'un marchand de Rouen, études à Paris. Entre au service de Théobald, archevêque de Cantor- béry et primat d'Angleterre, qui lui confie la charge d'archidiacre. Devient le chancelier et l'ami du roi Henri II Plantagenêt. Après la mort de Théobald en 1162, Henri II confie l'archevêché de Cantorbéry à son ami Thomas, espérant avoir un interlocuteur complaisant à la tête du clergé anglais. Mais Thomas prend sa nouvelle tâche à cœur, abandonne sa charge de chancelier et renvoie les sceaux au roi. De fastueux, devient ascétique, invite les pauvres à sa table, prend l'habit de moine. Sommé de comparaître devant une assemblée de barons, se réfugie durant 6 ans en France, à Pontigny puis à Sens. Sur la foi d'une promesse de réconciliation d'Henri II, qui le rencontre en France, consent à revenir en Angleterre. Les querelles reprennent de plus belle. Un jour, comme l'arche- vêque a excommunié tous les évêques qui ont pris le parti du roi, celui- ci s'écrie : « Eh ! quoi, parmi tous ces lâches que je nourris, aucun n'est donc capable de me venger de ce misérable clerc ? » Quatre chevaliers courent à la cathédrale de Cantorbéry et assassinent Becket en décembre 1170.
  • 70. Averroès Abū al-Walīd Muḥammad ibn Ruchd (1126 -1198), médecin et philosophe musulman d’Espagne, dit Averroès. Descendant d'une lignée de juristes de Cordoue. Érudition exceptionnelle : jurisprudence, théologie et philoso- phie, grammaire, médecine, physique, astronomie et mathématiques. Sa vie se partage entre Cordoue, Marrakech et Fès. Un des principaux commentateurs d'Aristote : tout son effort tend à concilier la philosophie de ce dernier avec le Dieu du Coran. Refuse la tradition théologique musulmane, mais accepte intégralement la révélation coranique et la philosophie d'Aristote comme étant les deux expressions différentes de la vérité. Auteur d’un Traité sur l'accord de la philosophie et de la religion, met l'accent sur la nécessité pour les savants de pratiquer la philosophie et d'étudier la nature créée par Dieu. De ce fait, pratique et recommande les sciences profanes, notamment la logique et la physique, en plus de la médecine. ../..
  • 71. Averroès Défend la théorie de l’éternité de la matière et celle de l’intellect actif, intermédiaire entre Dieu et les hommes. Pour lui, la raison doit soutenir et éclairer les vérités révélées par le Coran, pour supprimer les contradictions entre les différents versets du texte et comprendre leur sens métaphorique. Un des animateurs pendant 4 siècles de la pensée occidentale, suscitant des disciples et des opposants (principale- ment Thomas d’Aquin). Condamné par la religion musulmane qui lui reproche de déformer les préceptes de la foi, doit fuir, se cacher, vivre dans la clandestinité et la pauvreté. Meurt réhabilité à Marrakech. Ses principes considérés comme dangereux seront condamnés par l’Université de Paris, par l'Église catholique en 1240, puis en 1513 au 5ème concile de Latran. « L'ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence. Voilà l'équation. » Photo : mosquée de Cordoue (Espagne) où Averroès se recueillait et conversait avec ses amis et ses élèves
  • 72. Joachim de Flore Gioacchino da Fiore (v. 1132 - v.1202), moine bénédictin, penseur et mystique et italien. Né en Calabre, notaire à Palerme. Vers 1159, au cours d'un pèlerinage en Terre Sainte, guérit miraculeusement d'une maladie épidémique et reçoit une révélation (?), devient prédicateur ambulant. Fonde un ordre cistercien nouveau, dont la maison mère, San Giovanni in Fiore, approuvée en 1196 par le pape Célestin III, comptera jusqu'à 32 filiales. Développe d'originales théories à propos de l'interprétation de l'Écriture, de la Trinité, du symbolisme des nombres, etc. Dénonce la simonie des clercs et l’invasion du Temple par les marchands. Visionnaire apocalyptique, annonce l’avènement futur de l’ère de l’Esprit : l’Église charnelle (Ecclesia carnalis) "de Pierre" se convertira en Église spirituelle (Ecclesia spiritualis) "de Jean". Est convaincu qu’après l’ère du Père (Ancien Testament) et celle du Fils (Nouveau Testament) adviendra l’ère de l’Esprit qui rendra caduques les lois et les structures institutionnelles mises en place au cours es ères précédentes. ../..
  • 73. Joachim de Flore Malgré l’intervention du pape Grégoire IX en sa faveur, son œuvre est considérée subversive et condamnée en 1215 au 4ème concile de Latran. En 1254, le franciscain Gerardo di Borgo San Doninno (12?? -1276) publie à Paris Introductorium in Evangelium Aeternum (Introduction à l’Évangile éternel) pour présenter une édition abrégée des œuvres de Joachim. Le texte est examiné à Agnani par une commission de trois cardinaux et condamné en octobre 1255. Gerardo, qui ne veut pas se rétracter, est condamné à la prison à vie. Après sa mort, on lui refuse une sépulture religieuse. Joachim, autrefois hérétique, est plutôt aujourd’hui classé comme prophète. Ernest Renan note qu’on peut le classer « sur les confins de l’Église grecques et de l’Église latine » et qu’il semble avoir joué un certain rôle dans les tentatives de rapprochement entre les deux Églises. « Le premier est l'âge de la crainte, le second de la foi, le troisième de la charité. » J. de F. « Auprès de moi brille l’abbé calabrais Joachim, qui fut doué d’esprit prophétique » Dante Alighieri ../..
  • 74. Joachim de Flore Les 3 temps qui structurent l’histoire de l’humanité selon Joachim de Flore d’après Jacques Brosse 1 2 3 Connaissance ………….. Sagesse ………………….. Pleine compréhension Obéissance servile Servitude filiale Liberté Épreuve …………………. Action ……………………. Contemplation Crainte Foi Amour Âge des esclaves ……… Âge des fils ……………… Âge des amis Âge des patriarches Âge des apôtres Âge des enfants Père ………………………. Fils ……………………….. Esprit
  • 75. Moïse Maïmonide Moshe ben Maïmon (1138-1204), rabbin juif séfarade andalou. Talmudiste, commentateur de la Mishna, jurisconsulte, auteur du Mishné Torah, l’un des plus importants codes de loi juive. . Philosophe, métaphysicien et théologien, entreprend, comme Averroès, une synthèse entre la révélation et la vérité scientifique, représentée alors par le système d’Aristote dans la version arabe d’Al-Fârâbî. Médecin de cour et astronome, publie aussi des traités dans ces domaines. Selon lui, on peut être fidèle à la fois à la tradition de la Bible et du Talmud et à l'investigation intellectuelle entièrement libre, telle que la requièrent la science et la philosophie. Loi divine et recherche rationnelle ont chacune a besoin de l'autre. Par exemple, la première prescrit de connaître Dieu et de l'aimer, mais Il ne peut être connu que par l'étude de sa création, c'est-à-dire par les sciences naturelles. Est pour les uns un "second Moïse", et pour les autres un hérétique. Influence les mondes arabo-musulman et chrétien, notam- ment Thomas d'Aquin, qui le surnomme "l’Aigle de la Synagogue".