2. Baya, l’icône pionnière de la
peinture algérienne célébrée
dans une exposition
rétrospective à l’Institut du
monde arabe
Institut du monde arabe
3. Biographie
Née Fatma Haddad en 1931 dans
la banlieue est d’Alger, Baya
connaît le deuil dès l’âge de 5
ans, lorsqu’elle perd son père,
puis à 9 ans, quand sa mère
décède.
Dans une société algérienne où
une indigène orpheline mineure
non scolarisée ne peut aspirer à
de grands rêves, son avenir
semble bien sombre.
Un accord est alors passé : la
grand-mère accepte que Fatma
aille vivre sous le toit de
Marguerite, qui finira par
l’adopter, âgée de 13 ans.
Marguerite encouragera Fatma à
poursuivre sa passion et
l’introduira auprès d’artistes et
d’intellectuels. Son destin en sera
bouleversé.
4.
5. Elle sera, dans un premier
temps, accueillie par sa
grand-mère, jusqu’à sa
rencontre avec Marguerite
Caminat, une Française
exilée en Algérie après
avoir fui l’occupation
allemande.
Marguerite rencontre la
petite Fatma (elle n’a pas
encore de nom d’artiste
officiel) dans une ferme où
elle travaille. Elle observe
l’enfant qui s’isole afin de
dessiner dans la gadoue
et sculpter avec la terre.
6.
7. Et Fatma devint Baya
Le galeriste Aimé Maeght
remarque la jeune fille lors d’un
séjour à Alger. Il lui offre une
chance inespérée pour l’époque :
une première exposition à Paris.
Nous sommes en 1947 et Fatma
a 16 ans.
Des personnalités telles que
l’écrivain Albert Camus, le recteur
de la mosquée de Paris ainsi que
la femme du président français
Vincent Auriol assistent au
vernissage. C’est un véritable
événement.
Fatma devient Baya, un nom
qu’elle a adopté plus tôt en
Algérie en hommage à sa mère
Bahia, qui se faisait appeler «
Baya » par ses proches
8.
9. La femme-enfant fait réagir le maître du
surréalisme, André Breton, qui écrit en
1947 dans un texte dithyrambique qui lui
est dédié – confondant au passage
l’Afrique du Nord et le Yémen : « Baya dont
la mission est de recharger de sens ces
beaux mots nostalgiques : ‘‘l’Arabie
heureuse’’. Baya, qui tient et ranime le
rameau d’or. »
L’adolescente revient en France quelques
mois plus tard afin de travailler à une
cinquantaine de sculptures en céramique à
l’atelier Madoura, créé en 1938 par
Suzanne Douly et Georges Ramié à
Vallauris, dans les Alpes-Maritimes.
Elle y côtoie notamment Pablo Picasso, qui
fréquente l’atelier depuis 1946.
La critique Edmonde Charles-Roux lui
consacre une double page dans Vogue, en
1948. On y voit Baya, souriante, posant
parmi ses toiles.
Son succès médiatique et commercial est
météorique et l’intérêt porté à son encontre
ne faiblit pas au cours des années.
10.
11. L’oiseau bleu
Âgée de seize ans, Baya se rend
à Paris pour l’exposition qui
connait un grand succès ; le
magazine Vogue notamment
consacre un article à la jeune
artiste.
À Paris, Baya rencontre de
nombreux artistes, dont le peintre
Georges Braque. Pendant son
séjour en France, elle passe
également quelques temps à
réaliser des modelages au sein
de l’atelier Madoura, à Vallauris
dans le sud de la France, où elle
côtoie Picasso, qui se montre
impressionné et intéressé par son
art.
12.
13. Femme aux oiseaux Le temps du mariage
En 1953, Baya épouse le musicien El
Hadj Mahfoud Mahieddine, de près de
30 ans son aîné. Ce mariage marque
son retrait de la vie publique et une
longue pause dans sa carrière
artistique et professionnelle. Pendant
les dix années qui suivent, elle se retire
au sein de la sphère domestiques et se
consacre à l’éducation des six enfants
auxquels elle donne naissance.
Cette période de retrait coïncide
également avec la guerre d’Algérie, qui
fait rage pendant huit ans de 1954 à
1962. On ne connait pas à Baya de
prise de position publique sur le sujet.
Bien que lié à sa vie privée, son retrait
lui permet sans doute également
d’éviter l’instrumentalisation politique
de son destin de jeune artiste à succès
en pleine période coloniale. En juillet
1962, l’indépendance de l’Algérie est
reconnue.
14.
15. Danseuse
Après l’indépendance, en 1963, des
amis de Baya l’incitent à se remettre
au travail et le musée des Beaux-Arts
d’Alger fait l’acquisition de certaines de
ses œuvres.
L’artiste reprend ses pinceaux, et ne
les quittera plus jusqu’à sa mort. Elle
élargit le format de ses toiles et ajoute
à ses figures féminines, fleurs et
oiseaux, des objets du quotidien tels
que des instruments de musique, des
fruits, des meubles.
Baya expose à nouveau, lors de
l’exposition Peintres algériens en 1963
à Alger, l’année suivante à Paris puis
régulièrement en France, notamment à
Marseille, en Belgique et dans le
monde arabe.
Appréciée et reconnue pour son art,
elle y présente des anciens travaux et
des nouveaux.
Baya meurt à l’âge de soixante-six ans,
en novembre 1998.
18. Les œuvres de Baya conservées au
musée de l’Institut du monde arabe,
augmentées de la donation Claude et
France Lemand, forment un ensemble
documentant toutes ses périodes
d’activité, de 1947 à sa mort en 1998.
Elles viennent compléter le fabuleux
trésor des Archives nationales d'Outre-
Mer d'Aix-en-Provence et d'autres
prêts.
L'ensemble permet de saisir l’évolution
de sa peinture – avec notamment
l’introduction du thème de la musique à
partir des années 1960 –, jusqu’aux
émouvantes œuvres de 1998, les
dernières réalisées par l’artiste.
« Baya. Femmes en leur Jardin »
apportera aussi, dans une perspective
d’études coloniales et décoloniales, un
éclairage inédit sur le « cas Baya »,
étayé par l’exploration de ses archives,
en particulier sa correspondance avec
sa mère adoptive Marguerite Caminat.
20. Comment cette jeune fille
non scolarisée (comme 98%
des filles
« indigènes » de sa
génération), qui a connu
souffrance et violence, devint-
elle, à la fin de la période
coloniale, cette Baya
maîtrisant le langage des
formes et des couleurs et
créant un style bien
identifiable, propulsée dès
l’âge de 16 ans au sommet de
la notoriété, éblouissant les
amateurs d'art parisiens et
faisant l'objet d'une double
page (écrite par Edmonde
Charles-Roux) dans le
magazine Vogue ?
21.
22. Malgré sa personnalité discrète,
contrastant avec une scène artistique
tumultueuse qui opposait à Alger
différents courants et leurs
représentants, Baya fraya son propre
chemin, en participant à des
expositions collectives et en
bénéficiant de nombreuses expositions
personnelles, principalement dans la
capitale, où elle montra ses œuvres
presque tous les ans.
Elle fut en 1967 de l’aventure du
groupe Aouchem (Tatouages), fondé
par Choukri Mesli et Denis Martinez,
qui entendait connecter l’art
contemporain aux sources de l’art
africain et au répertoire formel transmis
par les arts populaires du Maghreb.
Consacrée comme l’une des
pionnières de l’art algérien, elle obtint
en 1969 le Grand Prix de peinture de la
ville d’Alger. Baya continua de travailler
en faisant évoluer sa peinture, et sa
production prolifique fut appréciée à
l’international.