Zotero avancé - support de formation doctorants SHS 2024
Intervention du 22 novembre 2013 copie
1. De l’analyse des discours électroniques à
l’analyse du discours numérique : quelles entrées
pour quels corpus?
F. Mourlhon-Dallies, Paris V, EDA.
2. I. Les discours électroniques :
quelles mises en série?
Corpus : ensemble de textes (écrits, oraux, sur
écran) regroupés en vue de répondre à une
hypothèse de recherche. Ce regroupement
s’effectue sur la base de ce que le chercheur juge :
- comparable (critères d’appariement)
- représentatif (en qualité/typicité et en quantité/taille
du corpus)
-
Toute constitution de corpus se heurte implicitement à deux limites :
Il faut pouvoir le récolter (et l’archiver)
Il faut pouvoir en penser les lignes de découpe, les entrées
d’analyse etc. Il existe à condition d’être «montrable» et
«pensable».
3.
Avec les premières productions langagières sur Internet
(analysées à partir de 1992 environ en Sciences du
langage)
- on s’est trouvé face à un impensé (de l’émergent),
souvent plurisémiotique, très polyphonique (polylogue
polyfocalisé).
- on s’est trouvé aussi face à du corpus pré-archivé
(investigabilité et traçabilité), relativement massif
(quantitativement intéressant) et jouant sur des empans
temporels plus longs éventuellement que les corpus
exploratoires souvent mobilisés en AD française.
4. Premiers types de corpus (reposaient sur des couplages
plus ou moins explicites avec l’existant) :
Au départ, pour l’analyse des discours électroniques :
- Pas d’entrées spécifiques créées
- Mise en série avec des corpus oraux (conversations) ou
écrits (genre épistolaire, presse, théâtre) – critères
d’appariements sur la base de ressemblances
Les discours électroniques étaient mis en regard
avec des discours d’une autre nature,
créant ainsi une interdisciplinarité « deux à deux »
5. Entrées choisies, dépendantes de l’histoire du
champ
Séminaire MODYCO de J. Anis à Nanterre
entre 1995 et 2004
(sous l’angle de l’écriture électronique,
dans les forums,
les courriels, les listes de diffusion, les textos et les tchats)
Cediscor, Paris 3
Analyse du discours
centrée sur genres,
didacticité,
discours rapporté
(forums, courriels)
Sous groupe CMO
Lyon 2
Conduit par M. Marcoccia
Analyse conversationnelle,
Émotions
(forums, tchats)
6. Ce qui était normal, car le projet n’était pas de décrire le
fonctionnement de la communication électronique, mais
D’approfondir des notions déjà bien ancrées en AD,
à partir des nouvelles réalisations langagières
qu’offraient les discours électroniques (d’où
l’impression d’avoir affaire à des morceaux choisis,
ce que MA Paveau a très justement qualifié
d’extraction).
Problématique de l’ancien et du nouveau, posée en
introduction des Carnets 8 du Cediscor. Logique
comparatiste. Mais déjà question du « même » du
« différent » et du « radicalement autre ». II.
7.
« Mais on peut se demander si, à force de
réinterroger les disciplines mères, on ne court pas le
risque de tourner le dos aux spécificités des
discours de l’internet, dès lors qu’on veut en cerner
les particularités. Si l’on espère vraiment voir du «
nouveau », l’identifier, peut-être faut il se montrer
avant tout sensible à des entrées nouvelles en
discours, comme si avant de se repérer, de se
décrire, le nouveau devait se penser » (Introduction,
Carnets du Cediscor n°8 (2004, p.17).
8. L’ADN a un projet plus
ambitieux
L’ADN paraît se placer sous l’angle d’une exploration complète des
dispositifs numériques en eux-mêmes et pour eux-mêmes (même si les
comparaisons de proche en proche ne sont pas exclues, sous la forme de
déclinaisons, reformulations, avatars entre sites, blogs, tweets, versions
papier)
L’ADN paraît chercher à fonder ses propres catégories d’analyse :
technoconversationnalité, mémoire numérique etc…En cela elle produit des
notions hybridées, relevant plutôt d’une interdisciplinarité notionnelle (si l’on
reprend le Manifeste de Nicolescu) que d’une interdisciplinarité mettant en
regard deux à deux des disciplines (littérature et forums de discussion pour
les didascalies/ ponctuation et smileys).
Les corpus construits dans cette perspective semblent également plus
homogènes, car puisés principalement dans le réservoir du numérique
(sans forcément s’inscrire dans une logique comparatiste) mais leur
hétérogénéïté constitutive pose difficulté : analyse d’un dispositif, mais
éclaté (notamment, multicanal, polyphonique, mouvant etc.) III.
9. II. Morceaux choisis en Analyse
des discours électroniques
La question de « la sous couche technique » et de
son impact :
Réflexion amorcée avec les smileys (et leur
évolution en gestures mobiles, bandeaux défilants,
leur coloration/FMD)
Réflexion amorcée sur les frappes (plus ou moins
économiques, pour obtenir un caractère donné /
Anis + équipe de Louvain sur les bords de l’écran)
Réflexion sur l’aspiration outillée de sites,
(Beaudoin, revue Réseaux no 116, 2002/6,
Parcours sur Internet / Fleury + Beaudouin et alii,
dans les Carnets 8 du Cediscor en 2004)
10.
Réflexion sur l’épaisseur temporelle :
-- schémas de connexion, tels que dans Anis
(liste de diffusion, visualisation des connexions
et de la participation, ceci est possible parce
qu’une liste de diffusion est relativement stable
et limitée)
11.
12. -- rythme et tempo (H. Bays) autant que geste
et intonation // notion d’échoïsation à revisiter
sans doute.
13. III. Ce que l’analyse du discours numérique
apporte à la réflexion sur la constitution des
corpus
La question renvoie à ce qu’on y cherche et donc au regard
fondateur qui a prédéterminé le découpage du corpus
L’ADN met sur le devant de la réflexion la notion de multicanalité/
analyse multimodale, qu’elle rend obligatoire là où elle a été
longtemps contournée :
-- Les réunions (ppt, écoute discrète ou lecture de messages sur les
téléphones, discussions en aparté, prise de notes, questions orales,
discours de celui qui passe le ppt) / Mosaïque discursive
multicanale sans archivage numérique/ Problématique de
l’oralographique / LF 175, sept. 2012 réunions+ conversation mobile
/ Problématique des tâches instrumentées sur ordinateur en classe
de langue en présentiel.
.
14. Elle rend aussi plus visible la question des
discours produits simultanément (qui
demanderaient plusieurs récoltants conjoints)
-- Les cibistes // tchats (question de l’ubiquité/
cf. Langage et travail, SNCF dans une gare)
-- Les Conseils d’administration et les
conseils des ministres (évoqués sur D8 par
R. Bachelot et F. Mitterrand)
Analyses presque jamais effectuées en
raison de leur complexité, mais des réalités
d’enchevêtrement qui préexistent au
numérique, dès lors qu’on raisonne sur des
situations et des dispositifs
15. Elle met également la question
l’interlocuteur type (lecteur, scripteur)
-- dans le cours de fac, même problématique pour la
question de la participation et des lectures et cours
suivis antérieurement (groupes composites, parcours
diversifiés) : pas d’étudiant type.
-- pas de mode de réception unique : en cours, les uns
lisent les polys distribués, les autres non, les uns
suivent le ppt, les autres non, les uns se connectent
sur le net durant le cours, les autres pas. Mais là
encore, pas de visualisation ni de traçabilité, alors que
dans le cas des corpus numériques, c’est plus visible.
16. L’ADN remet aussi en avant la question de la
multidimensionnalité de la lecture
Ordre de lecture (site, page facebook, plusieurs
circulations possibles), vrai aussi de la presse tv
magazine (on commence par l’horoscope, la grille
des programmes, les pages people / on ne lit pas
tout). Idée de lecture sélective.
Spatialisation de la lecture (emballages de corn
flakes, de farine, comme mosaïque de micro
textes // sites (sans son ni vidéo bien sûr, quoique
maintenant il y ait des surfaces téléchargeables sur
le support papier aussi).
17.
L’ADN ferait émerger la question de ce que j’appelle « l’objet de
mots » [dégradé qui va de l’emballage (contenant + somme de
discours écrits) à la bouteille à la mer (emballage de protection
d’un message)+ à la stèle funéraire (support d’écriture et
monument)] Dans la série, on aurait aussi les tags, les graffitis
de prisonniers sur les murs des cellules…
N.B. : « objet de mots » a été forgé par nos soins dans le
domaine didactique des Simulations globales, où il s’agit de
recréer des univers de vie. Quand on est dans cette démarche,
on s’aperçoit qu’il existe beaucoup d’objets porteurs de mots, qui
font corps avec le langage.
Hypothèse sur la page perso : image de soi, portrait + mots
(et/ou portrait de mots)???
18. Au final
L’ADN
met en avant la question du dispositif
(support, format, formulation en lien avec des
pratiques sociales situées).
C’est
une problématique discursive, qui met
en jeu la notion de genre discursif
19. Est réactivée la question des
genres
Genres éditoriaux relativement souples (Beacco, opposition
genres éditoriaux/genres théoriques construits)
Genre et hypergenre/ Maingueneau (site perso) : « Les
hypergenres « dialogue », « lettre », « journal », etc.) permettent
de « formater » un texte : ce ne sont pas des genres de discours,
c’est-à-dire des dispositifs de communication sociohistoriquement définis, mais des modes d’organisation textuelle
aux contraintes pauvres, qu'on retrouve à des époques et dans
des lieux très divers et à l’intérieur desquels peuvent se
développer des mises en scène de la parole très variées. »
Le blog, le tweet, le forum ne seraient ils pas des scénographies
particulières à l’intérieur d’hypergenres ?
le forum /discussion publique, débat ou le courriel par rapport
à l’épistolaire (on retombe sur du déjà fait en AC électroniques)
20. Modèle de Maingueneau à revisiter sur un second plan :
distinction entre les genres auctoriaux, les genres
routiniers institués et les genres conversationnels (or une
consultation médicale est conversationnelle et glisse du
professionnel au familier, cf. Mondada 2013), le dernier
type serait à nuancer.
L’idée de conversationnalité (Paveau, Dictionnaire
d’ADN, Technoconversationnalité) est sûrement plus
prudente.
21. Autre proposition
Noms donnés aux réalisations langagières circulantes
(FMD) qui correspondent
-- soit à des formats (comme blog, courriel) lesquels associent
étroitement des supports ayant une matérialité et des formulations
récurrentes (mise en forme fortement infléchie par le dispositif de
communication)
-- soit à des genres routinisés (pensés comme cristallisations de
marques) très stabilisés avec un fort ancrage institutionnel (genres
professionnels).
-- A quoi s’ajoutent des genres discursifs théoriques en surplomb,
qui imposent au chercheur une nouvelle dénomination et
redécoupent la matière discursive telle qu’elle se donne
spontanément (conversation écrite asynchrone en petit groupe de
familiers aux préoccupations proches recouvre en fait les noms en
circulation de « courrier des lecteurs d’une revue spécialisée » + «
« forums de discussion » / Glottopol 10).
22. Conséquence sur la constitution de corpus
En travaillant en ADN, on peut partir du principe qu’on travaille sur
des formats discursifs (comme si autrefois on avait constitué en AD
un corpus d’affiches) tels le blog, la page facebook, le site web.
(Cela rejoint l’idée de dispositif).
Comment resserrer intellectuellement un corpus de
cette nature?
Tentation (qui revient alors à pratiquer de l’analyse des discours
électronique et pas de l’analyse des discours numériques ; cela
n’est pas interdit ni condamnable, mais cela ne participe pas du
projet original de l’ADN) : un corpus de blogs en cuisine, un corpus
de pages personnelles de différents sportifs, un corpus de sites de
chaînes de radio.
23. Si on considère les thématiques, les domaines ou les
acteurs comme discriminants au premier chef pour la
constitution d’un corpus, alors on minore la sous couche
technique et/ou le dispositif comme objet d’étude et de
réflexion
Ne pourrait on pas aussi constituer un corpus de pages
personnelles sans photos ni vidéos, un autre avec, etc..
Est-ce pertinent?
Comparer des messages Facebook en circuit ouvert ou
en circuit fermé (R. Metioui)?
Quels critères moulés sur le dispositif lui-même
pour une ADN qui se démarque de l’Analyse des
discours électroniques ???
24. En ADN
Quelques critères d’appariement « plus adaptés » :
- Flux (site, fil de discussion, etc. très fréquenté ou
plus confidentiel)
- Fréquence d’intervention (messages postés par
des habitués ou à titre exceptionnel)
- Présence (on se voit ou pas, synchrone ou pas)
- Intensité de l’échange (réponses du tac au tac,
délai)
- Composition (texte, texte+son, texte+vidéo, mini
forum + photo, etc.)