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L’Europe
en dates et en figures
1 – De l’Antiquité à 1945
Étienne Godinot .13.01.2024
Pourquoi ce diaporama ?
Sources
Le projet de réaliser ce diaporama m’est venu en août 2020 au
Mémorial de Caen* (Calvados, Normandie) , à la vue de quelques dates
marquantes de la construction européenne. Elles figurent sur les murs
devant la salle circulaire où est projeté l’audiovisuel "L’Europe, notre
histoire" (photo du haut).
Autres sources : Wikipédia et sites de l’Union européenne, IRNC.
* Ce Mémorial, ouvert en 1988, présente l’histoire du débarquement des Alliés en Normandie
en juin 1944, mais aussi la fragilité de la paix (la guerre franco-allemande de 1870-71, les deux
Guerres Mondiales, la guerre froide) et la construction de l’Europe.
Précisions
Il ne s'agit pas ici, bien sûr, de présenter l'histoire de l'Europe
depuis l'Antiquité jusqu’en à 1945 en quelques dizaines de diapositi-
ves, mais de montrer, par des diapositives qui incitent simplement
l'internaute intéressé à faire des recherches pour en en savoir plus,
quelques dates significatives de l’histoire de l’Europe et quelques
personnages intéressants.
L'Europe n'a pas un passé très brillant (notamment en raison
du fait que le christianisme perverti à la mode constantinienne a été
incapable de s'opposer au pouvoir politique), mais il y a eu quand
même, depuis l‘Antiquité grecque, des penseurs, des spirituels et des
hommes politiques qui dénonçaient les injustices et les guerres
provoquées par les pays de l’Europe, et qui l’appellent aujourd’hui à
avoir un rôle autre et nouveau dans le monde.
Toute information, réaction et suggestion permettant de
corriger, compléter et améliorer ces diaporamas est bienvenue,
notamment sur le rôle de femmes dans la construction de l’Europe.
L’antiquité grecque
La Grèce, la Macédoine et les pays influencés par la culture
grecque (par ex. la Sicile, la Turquie) donnent à l’Europe et au monde
des phares et des génies dans de nombreux domaines : écrivains,
poètes, artistes, philosophes, mathématiciens, astronomes, architectes,
ingénieurs, médecins : Thalès, Pythagore, Épiménide, Héraclite,
Parménide, Eschyle, Anaxagore, Pindare, Sophocle, Euripide, Socrate,
Démocrite, Hippocrate, Platon, Diogène, Aristote, Épicure, Euclide,
Archimède, Érathostène, Épictète, Théon, Ptolémée, etc.
Le Vème siècle ("siècle de Périclès") est une période d’essor de la
culture et de la démocratie athénienne.
Diogène, probablement pour la première fois dans l’histoire, se
déclare « citoyen du monde ».
La culture grecque a irrigué tout le bassin méditerranéen et a
influencé les penseurs européens du Moyen Âge aux temps modernes
(Thomas d’Aquin et Averroès confrontent le christianisme et l’islam à la
pensée d’Aristote, Jean Anouilh actualise l’Antigone de Sophocle, etc.).
Images : Pythagore,
Diogène de Sinope
La Rome antique
La Rome antique parvient à dominer l'ensemble du monde médi-
terranéen et de l'Europe de l'Ouest du Ier au Vème siècles par la conquête
militaire et par l'assimilation des élites locales. Durant ces siècles, Rome
passe d'une monarchie à une république oligarchique, puis à un empire
autocratique.
La civilisation romaine a contribué à l'élaboration, dans le monde
occidental, du droit, des institutions et des lois, des langues, de l'art et de
la littérature, de l'architecture et de la technologie, a créé des routes
pavées (voies romaines), des amphithéâtres, aqueducs, bains publics, etc.
Mais l’histoire de Rome est l’histoire de guerres : samnites, latine,
puniques, macédonienne, antiochique, d’Achaïe, des Cimbres, des
Gaules, etc., à quoi s’ajoutent les nombreuses guerres civiles*.
C’est un régime brutal qui distrait le peuple par les jeux de mort du
cirque et maintient son ordre par une répression féroce. D’après Tacite,
les Romains ont tué 600 000 Juifs, et déporté pour les vendre sur les
marchés d’esclaves les survivants de ce massacre. Après la révolte de
Spartacus (-73,-72), 6 000 esclaves sont crucifiés sur la Via Appia.
* par ex. entre Marius et Sylla (-88, -81), entre Jules César et Pompée (-49, -45), entre
Octave-Auguste et Marc-Antoine (-32, -30), en 68, à la mort de Néron (68), à la mort de Commode
(193), etc.
Images : Légion romaine, pont du Gard
325 - Le césaropapisme de Constantin Ier
Constantin est proclamé 34e empereur romain en 306 par les
légions de Bretagne (actuel sud de la GB). Il réunit sous son autorité
un Empire romain affaibli et divisé et se débarrasse de ses concur-
rents, les empereurs Maxence en 312 (bataille du pont Milvius) et
Licinius en 324 (bataille d’Andrinople).
Il établit la liberté de culte individuel, qui met fin aux persécu-
tions des chrétiens (édit de Milan, 313).
Constantin Ier est le premier empereur à favoriser le christia-
nisme. Il contribue à la fondation de sa doctrine en convoquant et en
orientant le premier concile œcuménique chrétien à Nicée (actuelle
Turquie, image du bas) en 325. Pour éviter les débats théologiques et
maintenir une union parmi les chrétiens, considérés comme un
facteur d'unité dans l'empire, il fait condamner Arius, prêtre d’Alexan-
drie qui s’oppose à la divinisation de Jésus de Nazareth.
Il affirme son autorité dans le domaine religieux : c'est le
césaropapisme, confusion entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel.
../..
Images : Statue de Constantin. Icône du 1er concile de Nicée
Le christianisme constantinien en Europe
En 392, l’empereur Théodose interdit le polythéisme, le christia-
nisme devient la religion officielle de l'Empire romain. Par la suite,
l’Église romaine devient elle-même puissance temporelle : elle rend la
justice (et même organise l’Inquisition), inspire les traités, les papes
déposent les empereurs, organisent les croisades, etc.
Le message et le témoignage de Jésus de Nazareth étant ainsi
trahis, le christianisme perverti, malgré toutes ses réalisations positives,
(le droit d’asile; la Trêve de Dieu et la Paix de Dieu, initiatives de l'Église
pour contrôler la violence féodale par l'application de sanctions religieu-
ses; l’enseignement; l’action caritative, etc.) n’osera jamais vraiment
s’opposer au pouvoir temporel.
Les Églises chrétiennes d’Europe n’empêcheront pas la
conquista de l’Amérique latine*. Elles n’empêcheront pas la traite
négrière, ni l’esclavage, ni la colonisation.
Elles n’empêcheront pas les deux Guerres mondiales. Malgré les
appels du pape Benoît XV, les belligérants de la Première Guerre
mondiale mobilisent Dieu : les drapeaux français portent le symbole du
Sacré Cœur; la devise Gott mit uns ("Dieu avec nous") est une
composante des emblèmes militaires allemands depuis 1701 jusque
dans les années 1960.
* malgré les protestations d’un Bartolomé de las Casas ou le témoignage des jésuites
dans les reduciones du Paraguay.
962 - Début des universités en Europe
Après celle de Parme, fondée en 962, des universités sont créées
à travers l’Europe : Bologne, Oxford, Modène, Paris, Cambridge,
Salamanque, Montpellier, Padoue, Naples, Toulouse, Valladolid, Rome,
Sienne, Coimbra, Lisbonne, etc. La latin est la langue usuelle partout en
Europe.
Dans toutes les universités, on pratique la lectio et la disputatio,
on lit les mêmes autorités. Les calendriers universitaires, les cursus, le
système des examens et des grades sont partout les mêmes, ce qui
favorise une grande mobilité des étudiants. La constitution Habita promul-
guée par l'empereur Frédéric Barberousse en 1158 donne des garanties
économiques et judiciaires à ceux qui voyagent pour étudier.
Dès 1200, le roi Philippe Auguste accorde aux maîtres et étudiants
parisiens des privilèges judiciaires. En 1231, une bulle du pape Grégoire
IX décrète que maîtres et étudiants parisiens sont désormais sous sa
protection.
Dès le XIIIe siècle, Paris et Bologne deviennent des centres de
production de livres dont les ateliers concurrencent les scriptoria ecclé-
siastiques traditionnels. Le système de communication médiéval, qui
associe étroitement la parole, le geste et l’écrit, permet, grâce à l’intensifi-
cation des transferts culturels, de voir se dessiner l’ébauche d’une culture
européenne.
1306 - Pierre Dubois
Pierre Dubois (v. 1255-1321), probablement élève de Thomas
d’Aquin, avocat et procureur, a été conseiller du roi de France
Philippe IV le Bel (ci-contre, gisant du roi à la cathédrale St Denis) et auteur en
1300 d’un traité sur la suppression des guerres : Summaria brevis et
compendiosa doctrina felicis expeditionis et abbreviationis guerrarum
et litium regni Francorum.
En 1306, il présente à Philippe Le Bel et au roi Édouard Ier
d'Angleterre un plan de 142 paragraphes intitulé « À propos de la
récupération de la Terre Sainte » (De Recuperatione de Terre
Sancte), qui devrait être garanti par une "paix durable en Europe".
Ses propositions sont très novatrices : création d’une union
européenne, établissement d’un tribunal d’arbitrage international,
interdit économique à déclarer contre toute puissance chrétienne qui
ferait la guerre à une autre puissance chrétienne, cessation des
guerres, règlement des litiges, armée paneuropéenne pour pacifier le
Proche-Orient, papauté réduite au rôle de guide spirituel suite au
démantèlement des États du Pape, sécularisation des biens ecclé-
siastiques, promotion des femmes dans l’éducation, etc.
1316 - Dante Alighieri
Dante Alighieri (1265-1321), poète, philosophe et homme
politique florentin, écrit vers 1316 son principal ouvrage sur la théorie
de l'État, De Monarchia libri tres (Trois livres sur la monarchie), qui
prône la séparation de l'Église et de l'État : un souverain pontife pour
le pouvoir spirituel, et l’empereur du St Empire romain germanique élu
du peuple romain.
Il affirme que les particularités des peuples en Europe rendent
nécessaires des lois différentes selon les États de l’Empire.
La politique de l‘Empereur ne devrait donner aux « dirigeants »
en Europe que des « lignes directrices » générales conduisant à la
paix pour les peuples, la paix étant le moyen de réaliser la destination
naturelle de l’homme.
De Monarchia est brûlé sur le bûcher en 1329 par le cardinal
français Bertrand du Pouget et mis en 1559 dans le premier Index
librorum prohitorum (Index des livres des livres interdits par l’Église
catholique romaine). Il y reste jusqu'en 1881.
1453 - Fin de la guerre de Cent Ans
La guerre de Cent Ans est un conflit entrecoupé de trêves plus ou
moins longues, opposant, de 1337 à 1453, la dynastie des Plantagenêt à
celle des Valois et, à travers elles, le royaume d'Angleterre et celui de
France. Le déclenchement de la guerre est motivé par la montée progres-
sive de la tension entre les rois de France et d’Angleterre au sujet de la
Guyenne, des Flandres et de l'Écosse. La question dynastique en est le
prétexte officiel.
Les évènements les plus connus sont la bataille navale de l’Écluse (1340), la
bataille de Crécy (1346), le siège de Calais (1346-47), la bataille de Poitiers (1356,
image du bas), le traité de Brétigny (1360), l’épopée de Jeanne d’Arc (1412-1431), la
bataille de Castillon (1453), le traité de Picquigny (1475). Batailles, mais aussi
disettes, épidémies, bandes de mercenaires pillant le pays lorsqu'ils n'étaient plus
payés par leur embaucheur, etc.
La peste noire tue 30 à 50 % des Européens en 5 ans (1347-1352) faisant
environ 25 millions de victimes.
Sur le plan démographique, les batailles ont fait peu de morts en
dehors de la noblesse, mais les pillages ont eu des conséquences
néfastes sur les populations civiles. Du point de vue militaire, cette guerre
marque le déclin de la cavalerie au profit de l’infanterie et l'apparition de
l’artillerie. Elle aboutit à une affirmation du sentiment national, la rivalité
franco-anglaise n'étant plus dorénavant seulement issue d'un conflit
dynastique.
1465 - Georges de Bohême
Georges, seigneur de Kunštát et de Poděbrady (1420-1471),
est roi de Bohême entre 1458 et 1471.
Entre novembre 1465 et février 1467, en conflit avec le pape
Paul II (photo du bas) qui le déclare « hérétique », il envoie ses ambassa-
deurs dans toute l'Europe occidentale pour proposer à la chrétienté
une alliance permanente sous la forme d'un traité instaurant une
« Confédération des rois et princes chrétiens ».
Son plan de fédération se compose de 21 articles, dont la foi
catholique, les relations juridiques avec les non-membres, les procé-
dures en cas de rupture de contrat, le tribunal fédéral, le tribunal
arbitral, le droit supranational, la jurisprudence interne, l'élargissement
des alliances, l'asile, les monnaies européennes, le financement, la
trésorerie fédérale, le Conseil fédéral, les proportions selon la nation,
les armoiries et les règles de succession. L’Assemblée se réunirait à
Bâle, puis, en alternance, dans une ville française et italienne. Les
fonds de la « caisse commune » seraient alimentés par la dîme perçue
par l'Église.
L'ambassade reçoit un accueil poli des cours, notamment du roi
de France Louis XI, mais les souverains ne donnent pas suite au
projet.
1494 - Partage de l’Amérique
Après la découverte des Antilles par Christophe Colomb en
1492, la Castille et le Portugal se partagent l'Amérique grâce au traité de
Tordesillas, en juin 1494, sous l'égide du pape Alexandre VI. Ce traité
vise à partager le Nouveau Monde, considéré comme terra nullius, entre
les deux puissances coloniales émergentes. Il définit comme ligne de
partage un méridien localisé à 370 lieues (1 770 km) à l'ouest des îles du
Cap-Vert.
Conséquence considérable, le traité place le Brésil, découvert en
1500 par le Portugais Pedro Alvares Cabral, sous souveraineté
portugaise.
Les autres puissances maritimes européennes (Angleterre,
France, Pays-Bas) n’ont aucun droit sur ces nouvelles terres. Elles ne
peuvent dans un premier temps que recourir à la piraterie et à la contre-
bande pour profiter des richesses du Nouveau Monde avant que, avec
l'apparition du protestantisme, elles ne rejettent l'autorité pontificale.
Outre la capture de certaines colonies espagnoles, ces
puissances continueront la colonisation en occupant des terres plus au
nord, notamment les territoires actuels des États-Unis et du Canada, peu
ou pas colonisés ni par les Espagnols, ni par les Portugais.
1516 - Didier Érasme
Le prêtre, philosophe et humaniste néerlandais Desiderus Erasmus
Roterodamus (ou Érasme de Rotterdam,1467-1536), précepteur puis
conseiller de Charles Quint, traducteur du Nouveau Testament du grec au
latin, voyage beaucoup en Europe. Il se veut citoyen du monde. Dans
l’Éloge de la folie (1511), sous le masque du bouffon, il prononce un
réquisitoire contre les abus de toute sorte et les déviations de l'Église, et
affirme sa liberté de pensée par rapport aux autorités ecclésiastiques.
En 1516, dans son traité Querela pacis (Plaidoyer pour la paix), il
proclame « Le monde entier est notre patrie à tous ». Il exhorte les rois et
les princes à prendre conscience de leur solidarité naturelle et à se réunir
en une immense assemblée.
Sacré « prince de l'humanisme » par les siens, puis modèle pour
Montaigne, Descartes et Leibnitz, Érasme est le premier à témoigner à ce
point d'un esprit européen, qui le pousse à mener inlassablement, sa vie
durant et d'œuvre en œuvre, une « guerre contre la guerre ».
Il exhorte empereurs, rois et princes, grands et notables, évêques,
prêtres et moines, à travailler, chacun à sa place, à la résolution des conflits
qui ravagent l'Europe depuis des années, afin de bâtir la paix.
1623 - Émeric Crucé
Émeric Crucé ou Émeric de la Croix (v.1590-1648) est un moine
français, enseignant dans un collège parisien dans la période qui suit
les guerres de religion.
Il publie en 1623 le Nouveau Cynée ou Discours d'Estat représen-
tant les occasions et moyens d'establir une paix générale et la liberté
de commerce pour tout le monde. Cynée ou Cineas, conseiller de
Pyrrhus (318-272 av. J.-C.), roi d’Épire* et diplomate, incarne selon le
philosophe grec Plutarque l'homme politique prioritairement animé du
désir de paix.
Pour préserver résolument la paix, Crucé imagine une assem-
blée permanente des Princes ou de leurs représentants, siégeant à
Venise et ayant obligation de régler les conflits.
Il ne fait pas du christianisme le ciment de sa fédération : elle
est de la sorte un concept politique et économique en dehors des
cloisonnements spirituels eux-mêmes. Il associe « Turcs, Persans,
Français, Espagnols, Juifs ou Mahométans ».
« On peut facilement imaginer la commodité et l’avantage de
voyager à travers les États d’Europe avec le passeport de n’importe
quel pays, ce passeport étant légitimé par la Ligue de la paix. »
* En gros, les Balkans actuels
1625 - Hugo Grotius
Huig de Groot, nom latinisé en Grotius, (1583-1645), est un huma-
niste, diplomate, avocat, théologien protestant et juriste né dans les
Provinces-Unies (aujourd'hui Pays-Bas). Emprisonné en 1618 pour son
implication dans les conflits entre calvinistes de son pays, il s'échappe en
1621, caché dans un coffre à livres, et écrit la plupart de ses œuvres
majeures en exil en France. Ambassadeur de Suède en France à partir
de 1634, il participera aux négociations mettant fin à la guerre de Trente
Ans qui oppose Catholiques et Protestants.
Sollicité par la ‘Compagnie hollandaise des Indes orientales’, il
écrit en 1609 Mare Liberum (De la liberté des mers - 1609), où il
revendique la liberté de circulation sur les mers, à l'encontre des
Portugais et Espagnols qui prétendaient la contrôler.
Dans son œuvre majeure De jure belli ac pacis (Sur le droit de la
guerre et de la paix -1625), il pose les fondements du droit international :
celui-ci s'impose à tous les États (le droit du plus fort ne peut tout justifier)
et il n'est pas d'origine divine ni assimilable à un droit successoral entre
dynasties régnantes (on n'hérite ni ne lègue pas des populations comme
des biens meubles). Il forge une théorie de l'État et de la puissance civile
dont il présente avec minutie et avec beaucoup de vigueur intellectuelle
les articulations internes et internationales.
1639 - Henri IV
Évoqué dans les Mémoires (1639) de son conseiller Maximilien
de Béthune, duc de Sully (1559-1641), le « Grand dessein » du roi fran-
çais Henri IV (1553-1610) est un projet de confédération européenne,
visant à limiter les guerres* et à promouvoir la tolérance religieuse.
Henri IV, en association avec Élisabeth Ière d'Angleterre, imagine
une confédération de pays présidée par un empereur élu, en rationa-
lisant les frontières internes de l'Europe, en éclatant les plus grands
pays et regroupant les plus petits pour qu'aucun n'ait structurellement
la prééminence, en définissant une constitution limitant le risque de voir
le pays de l'empereur acquérir une prééminence, en mettant en place
un traité de paix et d'assistance mutuelle permettant à la fois de réduire
considérablement les dépenses militaires et d'augmenter l'efficacité de
la défense commune et en affirmant, par une politique de tolérance
religieuse, l'influence politique de la France sur l'Europe.
* Rappelons toutefois qu’après son abjuration du protestantisme en juillet 1593, Henri IV
fait la guerre aux Ligueurs catholiques qui ne le reconnaissent pas, déclare la guerre à
l’Espagne qui soutient la Ligue, soumet la Bretagne et ravage la Franche-Comté. Il signe en
avril 1598 l’édit de Nantes qui met en place une paix entre Protestants et Catholiques. En 1600,
il envahit la Savoie. En janvier 1601, par le traité de Lyon, le duc de Savoie cède au roi de
France la Bresse, le Bugey, le pays de Gex et le Valromey.
1648 - Traités de Westphalie
Les traités de Westphalie en 1648 (traités de Münster et
d’Osnabrück) mettent fin à la guerre de Trente Ans (qui a impliqué
l'ensemble des puissances du continent dans le conflit entre le Saint-
Empire romain germanique et ses États allemands protestants en
rébellion), et à la guerre de Quatre-Vingts Ans (opposant les Provinces-
Unies révoltées contre la monarchie espagnole).
Pour la première fois se retrouvent autour d'une table de
négociation les grands États d'Europe afin de définir les relations entre
eux dans le respect de leur souveraineté respective.
Ils sont aussi à la base du "système westphalien", expression
utilisée a posteriori pour désigner le système international spécifique
mis en place de façon durable par ces traités. Ils jettent les bases de
l'absolutisme et érigent l’État-nation comme socle du droit interna-
tional. Chaque monarque est désormais maître chez lui, y compris en
matière religieuse (principe Cujus regio, ejus religio : la religion d'un
peuple doit être celle de son souverain).
1693 - William Penn
William Penn (1644-1718), Quaker anglais, fondateur en 1682 de
la ville de Philadelphie et de la province de Pennsylvanie aux États-
Unis, écrit en 1693 Essai vers la paix présente et future de l’Europe par
la mise en place d’un Parlement européen ou d’États.
Dans ce livre, il prône une réforme radicale du système des
relations internationales, par l’établissement d’une Assemblée générale
de tous les princes et États souverains.
Dans les chapitres 4 à 8 de l'essai, l'auteur décrit l'institution
proposée comme « Parlement d'Europe, Parlement impérial, États
d'Europe, Confédération européenne, Ligue européenne ou États de la
Diète générale ». Il suggère d'éventuels États membres, discute des
conditions d'admission et des titres légaux, examine la présidence et
les représentations nationales, réfléchit aux règles et règlements
concernant les élections et les votes, fait valoir des dispositions sur la
présence et la substitution, propose d'éventuelles sanctions et suggère
certaines langues de travail.
1713 - Charles-Irénée Castel de Saint Pierre
Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre, ou abbé de Saint-Pierre
(1658-1743) est un prêtre, écrivain, diplomate et académicien français,
précurseur de la philosophie des ‘Lumières’.
Négociateur du traité d’Utrecht (1712-1713) mettant fin à la
guerre de Succession d'Espagne, il s’inspire de ces discussions difficiles
pour concevoir en 1713 un Projet pour rendre la paix perpétuelle en
Europe, qui actualise le projet d’Henri IV. Il brise l'idée populaire que
l'équilibre des puissances en Europe est le meilleur moyen de maintenir
la paix et montre qu'au contraire cet équilibre mène à une course aux
armements des nations puissantes qui veulent s'assurer l'ascendant en
cas de rupture de la paix.
Il propose une sorte de traité alternatif, ancré dans la pratique,
dans lequel il imagine la constitution d'une Diète générale d'Europe, qui
fonctionnerait à la manière des diètes que connaissent les 7 souverai-
netés de Hollande ou les 13 de Suisse. Il conçoit un conseil permanent
en Europe.
Il s'attelle à prouver sa faisabilité et à résoudre les problèmes
diplomatiques que son idée pourrait engendrer.
1714 - Fin des guerres de Louis XIV
Le roi français Louis XIV affirme la puissance de son
royaume en l’engageant dans une série de guerres : guerre
de Dévolution (1667-1668), guerre de Hollande (1672-1678),
guerre des Réunions (1683-1684), guerre de la Ligue
d'Augsbourg (1688-1697) et enfin guerre de Succession
d'Espagne (1701-1713).
Le sac du Palatinat (1688-1689, photo du haut) et la révocation de l'Édit
de Nantes (1685) sont deux énormes taches sur le règne du "Roi Soleil".
Voltaire, dans son Siècle de Louis XIV (1751), rapporte les mots que
le roi mourant aurait adressés à son arrière-petit-fils, le futur Louis XV,
le 26 août 1715 : «Tâchez de conserver la paix avec vos voisins. J'ai
trop aimé la guerre ; ne m'imitez pas en cela, non plus que dans les
trop grandes dépenses que j'ai faites. Prenez conseil en toutes
choses, et cherchez à connaître le meilleur pour le suivre toujours.
Soulagez vos peuples le plus tôt que vous pourrez, et faites ce que
j'ai eu le malheur de ne pouvoir faire moi-même. »
Photo du bas : bataille de Denain (1712)
1795 - Immanuel Kant
En 1795, le philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804),
grand penseur de l’Aufklärung (les Lumières allemandes), écrit son
traité Zum ewigen Frieden (Pour la paix perpétuelle).
Reprenant une idée de Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre, il y
formule un certain nombre de principes destinés à créer les conditions
d’une « paix perpétuelle » (par opposition à une simple « cessation des
hostilités » provisoire qui est la seule forme de paix possible tant que
« l’état de nature » continue de régner entre les États).
1 - Aucun traité de paix ne doit valoir comme tel, si on l'a conclu en se réservant
tacitement matière à guerre future.
2 - Nul État indépendant ne pourra être acquis par un autre État, par échange,
héritage, achat ou donation.
3 - Les armées permanentes doivent être supprimées avec le temps.
4 - On ne doit point contracter de dettes publiques en vue des conflits extérieurs de
l'État.
5 - Aucun État ne doit s'immiscer de force dans la constitution et le gouvernement
d'un autre État.
6 - Aucun État, en guerre avec un autre ne doit se permettre des hostilités de
nature à rendre impossible la confiance réciproque lors de la paix future.
1814 - Claude-Henri de Saint-Simon
Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825),
est un philosophe, économiste et militaire français. Philanthrope et
philosophe de l'industrialisme, il est le penseur de la société industrielle
française, « le dernier des gentilshommes et le premier des socialistes »,
comme on l’a décrit.
En 1814 paraît son essai De la réorganisation de la société
européenne, ou de la nécessité et des moyens de rassembler les
peuples de l'Europe en un seul corps politique, en conservant à chacun
son indépendance nationale.
Ce projet d'États-Unis d'Europe est fondé sur une constitution
commune. Cette Europe qu’on peut qualifier de fédérale, même s’il
n’emploie pas ce terme dans ses ouvrages, devait selon lui orbiter autour
d’un Parlement européen ayant un pouvoir de décision et qui, selon les
souhaits de son concepteur, devait être composé de savants, d’indus-
triels, de négociants, d’administrateurs et de magistrats.
« L’Europe aurait la meilleure organisation possible, si toutes les
nations qu’elle renferme, étant gouvernées chacune par un parlement,
reconnaissaient la suprématie d’un parlement général placé au-dessus
de tous les gouvernements nationaux et investi du pouvoir de juger leurs
différends. »
1814-1815 - Le Congrès de Vienne
Après la première défaite de Napoléon, les grandes
puissances se réunissent à Vienne de septembre 1814 à
juin 1815 pour définir les conditions de la paix en Europe.
Le congrès de Vienne permet également la
discussion sur la libre circulation navale, l'abolition de la
traite négrière (mais pas de l'esclavage, qui persiste), et
l’affirmation de la neutralité de la Suisse et de la Savoie.
Cette paix par l’équilibre des puissances durera une
quarantaine d’années.
1815 - Fin des guerres napoléoniennes
Le 18 juin 1815, à 20 kilomètres au sud de Bruxelles,
la bataille de Waterloo oppose l'armée française, dirigée par
l'empereur Napoléon Ier, à l'armée des Alliés, dirigée par le duc
de Wellington et composée de Britanniques, d'Allemands, de
Néerlandais et de Prussiens. Elle s'achève par la défaite
décisive de l'armée française.
Alors que les pertes militaires des guerres napoléoniennes sont
estimées entre 2,5 millions et 3,5 millions de morts, les pertes civiles
varient de 750 000 à 3 millions.
Ludwig van Beethoven (1770-1827), qui voulait nommer sa 3ème
symphonie « Symphonie Bonaparte", la nommera finalement « Sym-
phonie héroïque". La décision de Napoléon de s’autoproclamer empe-
reur en 1804 constitue le point de basculement de cette relation
d’amour – d’abord – et de détestation – ensuite. Car le républicanisme
du compositeur voit dans ce geste (et dans le rétablissement de
l’esclavage en 1802) la trahison des idéaux de la Révolution française
dont Napoléon lui avait donné l’impression d’être le fer de lance.
Bismarck, en écrasant les Français à Sedan en septembre 1870
et en faisant Napoléon III prisonnier, proclamera la revanche des
Prussiens après les défaites de Iena et Auerstaedt en octobre 1806.
1821- Conrad Friedrich von Schmidt-Phiseldeck
Von Schmidt-Phiseldeck (1770-1832) est un Allemand du Nord au
service du roi du Danemark, archiviste, philosophe et théologien
allemand, devenu danois, conseiller d’État et directeur de la Banque
royale danoise.
Il publie à Copenhague en 1821 Der Europäische Bund (La ligue
européenne). Il est convaincu que l'hégémonie mondiale ira aux États-
Unis d’Amérique pour des raisons technologiques et industrielles, mais
que l'Europe conservera encore longtemps sa prédominance intellec-
tuelle et morale. Il affirme la nécessité d'une unification sur la base d'une
conception européenne de la culture. L'unité européenne est pour lui
une nécessité : « L'Europe en tant qu'Etat multinational (Völkerstaat)
civilisé, est tellement liée et imbriquée dans toutes ses parties que
chacun ne peut prospérer que dans le bien être de toutes ».
La future fédération serait un ensemble "organique" d'Etats égaux
et autonomes, comprenant tous les peuples de l'Europe chrétienne. Les
institutions prévues sont : une cour fédérale, une armée, un congrès
permanent où siègeraient les chefs d'Etat ou leurs représentants, un
droit de citoyenneté et Frankfort serait la capitale. Il s'agit donc d'un
système confédéral.
1831 - Wojciech Jastrzębowski
Wojciech Jastrzębowski (1788-1882) est un ingénieur et
naturaliste polonais, considéré comme le fondateur du terme et du
concept de l’ergonomie.
Au cours de la bataille d'Olszynka Grochowska pour la défense
de Varsovie en 1831, il formule un document qui peut être décrit
comme un projet de la première constitution de l'Europe unie : une
république sans frontières intérieures, avec un système judiciaire unifié
et des institutions composées de représentants de toutes les nations.
Le document, intitulé O wiecznym pokoju między narodami, (À
propos de la paix éternelle entre les nations), se compose de 77
articles. Il sera publié en mai 1831 à l'occasion de l'anniversaire de la
constitution du 3 mai 1791.
Dans son texte, il suggère que toutes les nations renoncent à leur
souveraineté et deviennent soumises à des lois communes, que tous
les monarques soient désormais les gardiens et les exécuteurs de ces
lois et n’aient pas d’autre titre que pères des nations. Il présente un
projet d'Europe unie en une seule entité sans frontières intérieures.
1834 - Guiseppe Mazzini
Giuseppe Mazzini (1805-1872) est un homme politique et patriote
italien, fervent républicain et combattant pour la réalisation de l'unité
italienne. Il organise en 1831 un mouvement politique appelé Giovine
Italia inspiré par le socialisme et qui s'appuie sur la jeunesse.
En avril 1834, avec 6 autres Italiens, 5 Allemands et 5 Polonais,
il fonde, près de Berne où il est alors exilé, l'association Giovine
Europa (‘Jeune Europe’), mouvement à la fois politique et culturel.
C’est la plus grande réalisation de ses idées de la liberté des nations.
Son objectif est de fédérer les nations européennes sur des bases
fraternelles et républicaines. Le mouvement a également un rôle
important dans la promotion des droits des femmes.
Ce mouvement révolutionnaire fédère les différents
mouvements nationalistes européens (irlandais, grecs, polonais,
italiens...) qui aboutissent en 1848 au "Printemps des peuples".
L'association politique s'est dissoute en 1836, deux ans après sa
fondation et Mazzini est banni de la Suisse.
« L’humanité ne sera vraiment constituée que lorsque tous les
peuples qui la composent, ayant acquis leur souveraineté naturelle,
seront associés en une fédération républicaine. »
1849 - Victor Hugo
Dans son discours d'ouverture du ‘Congrès international de la
Paix’ à Paris, le 21 août 1849, l’écrivain français Victor Hugo (1802-
1885), qui en est le président, se montre un visionnaire sur la néces-
sité d'une Europe unie qu'il appelle de ses vœux, un siècle avant que
ne s'amorce la construction européenne.
« Nous disons à la France, à l'Angleterre, à la Prusse, à l'Autri-
che, à l'Espagne, à l'Italie, à la Russie, nous leur disons : Un jour
viendra où les armes vous tomberont des mains, à vous aussi ! (…)
Un jour viendra où il n'y aura plus d'autres champs de bataille
que les marchés s'ouvrant au commerce et les esprits s'ouvrant aux
idées.
Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés
par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable
arbitrage d'un grand Sénat souverain qui sera à l'Europe ce que le
parlement est à l'Angleterre, ce que la diète est à l'Allemagne, ce que
l'Assemblée législative est à la France !
Un jour viendra où l'on montrera un canon dans les musées
comme on y montre aujourd'hui un instrument de torture, en s'éton-
nant que cela ait pu être. »
1860 et 1900 - L’impérialisme
des pays d’Europe en Asie
La Grande-Bretagne et la France de Napoléon III ont envoyé
vers Pékin un corps expéditionnaire de 3 000 soldats français et
autant d’anglais, pour contraindre l'empereur à ouvrir son pays à
leurs commerçants et missionnaires.
Après la bataille et la prise du pont de Pa-li-kao (image du haut) le 21
septembre 1860, le corps expéditionnaire ne rencontre plus d'obstacle. Le 18
octobre 1860, les Anglais ayant rejoint les Français, ils dévalisent ensemble le
Palais d’été des empereurs de Chine : vastes collections d'œuvres d'art, livres
de grande valeur, objets de jade, or, laque, perles, bronzes. Avant de quitter
les lieux, et en représailles à la torture et l'exécution d’une vingtaine de
prisonniers européens et indiens, les soldats britanniques mettent le feu aux
bâtiments, majoritairement construits en bois de cèdre. Une des merveilles du
monde part en fumée.
Outre la création de concessions supplémentaires, la Chine doit signer
de nouvelles conventions avec les vainqueurs, en complément du traité de
Tianjin de 1858. Elle doit leur octroyer la liberté de circuler sur ses fleuves,
leur verser de fortes indemnités et supprimer les droits de douane pour les
textiles britanniques.
Le Palais d’Été sera détruit une deuxième fois en 1900 par la coalition
des huit puissances (Autriche-Hongrie, France, Allemagne, Italie, Japon,
Russie, Angleterre et États-Unis) intervenue pour mater la révolte des Boxers.
1863 - Henri Dunant
L’homme d’affaires suisse Henri Dunant (1828-1910) se trouve en
juin 1859 à proximité de la ville italienne de Solferino et découvre les
dégâts humains de la bataille qui vient de s’y dérouler (38 000 morts et
blessés). Il obtient des Français que les médecins autrichiens faits
prisonniers aident à la prise en charge des blessés, met en place
d'autres hôpitaux et fait venir du matériel à ses frais. L’année suivante, il
participe à Genève à la fondation du ‘Comité international de secours
aux militaires blessés’, désigné dès 1876 sous le nom de ‘Comité
international de la Croix-Rouge’.
Durant la guerre franco-allemande de 1870-1871, il fonde ‘l'Alliance
générale pour l'ordre et la civilisation’, dont les objectifs sont la diminution
du nombre de conflits armés et de l'oppression en améliorant par une
formation les normes morales et culturelles des simples citoyens de la
société.
En février 1874, il est nommé Secrétaire international lors du
premier congrès de la ‘Société pour l'amélioration des conditions des
prisonniers de guerre’ nouvellement créée à Paris.
Il conçoit en collaboration avec l'Italien Max Gracia l'idée de la
fondation d'une bibliothèque mondiale qui sera reprise environ un siècle
plus tard par l'UNESCO.
1867 - Revue États-Unis d’Europe
Frédéric Passy (1822-1912), économiste et homme politique
français, membre de l'Institut, lauréat du prix Nobel de la paix, a
consacré sa vie à l'idéal pacifiste et a diffusé des idées féministes,
abolitionnistes, sociales et libérales.
À l'issue d'une campagne qu'il mène dans le journal Le Temps
contre une guerre entre la France et la Prusse, il fonde à Genève la
‘Ligue de la paix et de la liberté’ en mai 1867.
La Ligue ne parvient pas à empêcher la guerre franco-prussienne
de 1870, ce qui conduit à sa dissolution. Mais, loin de se décourager,
Passy crée la ‘Société française des amis de la paix’, qui devint en 1889
la ‘Société française pour l’arbitrage entre nations’, à vocation plus
spécifique, ancêtre de la Société des Nations (SDN) puis de l'ONU.
La Ligue fait paraître en 1867 sa revue États-Unis
d’Europe.
En décembre 1901, il reçoit conjointement avec le
Suisse Henri Dunant, fondateur de la ‘Croix-Rouge’, le premier
prix Nobel de la paix.
Passy publie en 1909 son ouvrage Pour la Paix qui
retrace son action en faveur de l’harmonie mondiale.
1871 - Fin de la guerre franco-allemande
La guerre franco-allemande de juillet 1870 à janvier 1871 oppose
la France à une coalition d'États allemands dirigée par la Prusse
et comprenant les vingt et un autres États membres de la
confédération de l'Allemagne du Nord ainsi que le royaume de
Bavière, celui de Wurtemberg et le grand-duché de Bade. Cette
guerre, déclenchée à la suite d’un démêlé diplomatique mineur, est consi-
dérée par Otto von Bismarck , Premier ministre prussien, qui fait tout pour
qu'elle advienne, comme une conséquence de la défaite prussienne lors de la
bataille d'Iéna en 1806 contre l'Empire français.
Le bilan humain est 238 000 morts du côté français, 49 000 du côté
allemand.
Forts de cette victoire, les États allemands s’unissent en un Empire
allemand, proclamé au château de Versailles, le 18 janvier 1871.
Le traité de Francfort (10 mai 1871) prévoit l’annexion par le Reich de
l'Alsace (excepté le Territoire de Belfort) et d'une grande partie de la Lorraine.
La France doit également supporter l'occupation d'un bon tiers de son
territoire jusqu'en 1873, et le paiement d'une indemnité de 9 milliards de
francs-or (5 d'indemnité de guerre et 4 de frais de guerre). ../..
Photo du bas : En présence de Bismarck, le traité de Francfort est scellé par Jules Favre,
ministre des Affaires étrangères de la Troisième République
1871 - Guerres franco-allemandes : le cycle des revanches
La France perd 1 597 000 habitants, 14 470 km², 1 694
communes et 20 % de son potentiel minier et sidérurgique.
L’annexion de l’Alsace-Lorraine est pour Bismarck le « retour » à
l'Allemagne de ces territoires qui ont jadis fait partie du Saint-Empire
romain germanique. La reconquête de l'Alsace-Lorraine, des « provinces
perdues », va devenir une obsession caractérisée par un revanchisme
qui va être l'un des motifs du déclenchement de la Première Guerre
mondiale.
Ainsi, la 2ème Guerre Mondiale (1939-45) avait pour cause majeure la volonté
de revanche d’Hitler contre l’humiliation subie par le traité de Versailles (juin 1919),
suite à la Première Guerre mondiale (1914-1918) qui avait pour raison
principale la volonté de revanche des Français après l’humiliation subie par la
proclamation de l’Empire allemand à Versailles (janvier 1971), au traité de Francfort
et à l’annexion de l’Alsace-Lorraine,
suite à une guerre de 1870-71 déclenchée pour des motifs d’ambitions natio-
nalistes et une volonté de revanche des Prussiens après la victoire de Napoléon à
Iéna et Auerstaedt en 1806…
Images : - La Prusse humiliée à Iena et Auerstedt (1806). « Sans Iena, pas de Sedan ! » dira
Bismarck.
- Pendant l’entre deux-guerres, caricature symbolisant la volonté de revanche des
Français (le coq gaulois) contre les Allemands (l’aigle impérial) après la défaite de 1871.
1885 - Partage de l’Afrique
Le partage de l'Afrique désigne le processus de compétition
territoriale entre les puissances européennes en Afrique, partie
du mouvement général de colonisation de la fin du XIXe siècle (princi-
palement entre 1880 et 1914). Les deux principaux pays européens
concernés étaient la France et le Royaume-Uni. L'Allemagne, l'Italie,
le Portugal, la Belgique et l'Espagne y ont aussi participé, mais de
façon moins importante et souvent plus tardive.
Cette division est souvent symbolisée par la Conférence de
Berlin (1884-1885, photo), même si elle n'a fait que fixer des règles et
n'a pas procédé au partage. Cette division a le plus souvent repris
des tracés établis antérieurement en les modifiant parfois.
La colonisation était un processus expansionniste qui consistait à
conquérir militairement un pays, l’occuper et l’exploiter, à le mettre sous tutelle,
à le dominer sur les plans politique, économique, culturel, religieux. Elle avait
pour but l’exploitation des avantages d’un territoire (matières premières miné-
rales, produits agricoles tropicaux, main d’œuvre, position stratégique, espace
vital, etc.) au profit de sa métropole. Elle invoquait pour prétexte des notions
telles que "le développement de la civilisation".
Image du bas : Carte de l’Afrique colonisée en 1914
1905 à 1914 - Jean Jaurès
Le Français Jean Jaurès, philosophe, grand orateur, député le
plus jeune de son époque à 26 ans, journaliste, est un démocrate de
conviction. Ses actions peuvent se résumer par une inébranlable lutte
pour la défense de la paix et de la dignité humaine.
Le 9 juillet 1905, alors qu'il doit assister à une réunion pour la
paix à Berlin, il ne peut pas passer la frontière. Mais le discours qu'il devait
prononcer est publié dans L’Humanité ainsi que dans le journal
allemand Vorwärts. Il invite les ouvriers allemands et français à « travailler
tous ensemble, avec le même cœur, pour fonder une paix définitive entre
l’Allemagne et la France ».
Le 25 juillet 1914, à Lyon-Vaise, il prononce son ultime discours
contre la guerre : « Il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de
meurtre et de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le
salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces
qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands,
Italiens, Russes, et que nous demandions à ces milliers d’hommes de
s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible
cauchemar. »
Cinq jours après, Jaurès est assassiné au café du Croissant, à
Paris. Trois jours plus tard, la guerre est déclarée.
1917 - Rudolf Steiner
Rudolf Steiner (1861-1925), philosophe, occultiste et penseur
sociétal autrichien, est le fondateur de l’anthroposophie qu’il qualifie de
chemin de connaissance visant à restaurer les liens entre les hommes, la
nature et les mondes spirituels.
En juin 1917, il a un long entretien à Berlin avec le comte Otto
von Lerchenfeld (1868-1938), ministre à la cour de Bavière. Durant les
trois heures de cet échange, Steiner développe pour la première fois
l’idée d’une tri-articulation de l’organisation de la société*.
Comme contre-proposition de l’Europe centrale face au program-
me du président états-unien Wodrow Wilson, il affirme la nécessité de
surmonter l’État national centralisé classique, comme condition d’une
future paix européenne. L’Europe a pour mission, selon lui, de porter et
de faire rayonner dans le monde l’impulsion de la tri-articulation sociale.
* Les fondements de l’organisation sociale sont pour Steiner :
- le domaine de la culture et de l’esprit où l’individu peut exprimer ses diverses capacités : science,
art, spiritualité et religion y offrent un chemin de liberté individuelle;
- la politique qui élabore les lois; elle trouve son expression dans les assemblées démocratiques
pour développer l’égalité entre les hommes;
- l’économie répond aux besoins des hommes. Groupés en associations non corporatistes, ceux-
ci peuvent développer l’intérêt pour autrui et vivre l’économie en fraternité.
1918 - Fin de la Première Guerre mondiale
Le 11 novembre 1918 est signé l’armistice qui met fin à la
Première Guerre mondiale.
Les pertes humaines de cette guerre s'élèvent à environ
18,6 millions de morts : 9,7 millions de militaires (52 %) et
8,9 millions de civils (48 %). Les Alliés comme les Empires
centraux perdent approximativement plus de 9 millions de vies
chacun. Durant les 4 ans du conflit, près de 60 millions d'hommes
ont pris les armes. En France, 10 % de la population masculine
active est morte ou a disparu.
Ces chiffres n’incluent pas le génocide subi par les Arméniens
(1,3 à 1,5 million de morts) ni la grippe espagnole (30 à 50 millions
de morts), conséquences indirectes de la guerre.
La guerre a donné l’occasion à l’humanité d’inventer de
nouveaux moyens de destruction : grenades, mines,
mitrailleuses, gaz asphyxiants, chars d’assaut, avions,
sous-marins, etc.
Photo : La signature de l’armistice dans un wagon
dans la forêt de Rethondes
1918 - Romain Rolland
Romain Rolland (1866-1944), écrivain français, est professeur
d’histoire de la musique à la Sorbonne. Il recherche la paix « Au-
dessus de la mêlée” (titre de son livre paru en 1915) pendant et après
la Première Guerre mondiale.
En novembre 1918, il écrit une lettre ouverte au président
Woodrow Wilson, publiée dans Le Populaire. « D’un bout à l’autre se
lève, parmi les peuples, la volonté de ressaisir le contrôle de leurs
destinées et de s’unir pour former une Europe régénérée. Mais entre
eux reste ouvert l’abîme de méfiance et de malentendus. Il faut jeter un
pont sur ce gouffre. Il faut rompre les fers de l’antique fatalité qui rive
ces peuples aux guerres nationales et les fait, depuis des siècles, se
ruer aveuglément à leur mutuelle destruction. »
Il fondateur la revue Europe en février 1923. Née sous les
auspices du pacifisme de l'entre-deux-guerres, Europe a ensuite
longtemps été proche du Parti communiste français.
Tenaillé par son idéal humaniste et sa quête d’un monde non-
violent, il fait connaître Gandhi en Europe et le reçoit chez lui en Suisse
en 1931.
1919 : Le traité de Versailles
Le traité signé en juin 1919 à Versailles et les traités annexes
déterminent les sanctions prises à l'encontre de l'Allemagne et de ses alliés
(Autriche-Hongrie, Empire ottoman). L’Allemagne, qui n'est pas représentée au
cours de la conférence, est amputée de 15 % de son territoire et de 10 % de sa
population au profit de la France, de la Belgique, du Danemark, et surtout de la
Pologne, recréée. Elle est privée de ses colonies et astreinte à de lourdes
réparations économiques et à d'importantes restrictions de sa capacité
militaire.
« Paix » pour les uns, « diktat » pour les autres, le traité contient en
germe les causes d'un second conflit, vingt ans plus tard. Il sera dénoncé
comme tel par des personnalités telles que le pape Benoît XV (1854-1922),
l’économiste anglais John Maynard Keynes (1883-1946) ou en France par le
courant socialiste mené par Jean Longuet (1876-1938).
La première partie du traité établit une charte pour la création
de la ‘Société des Nations’ (SDN).
Photos : La signature à Versailles
Le traité vu par la presse allemande comme une condamnation à mort
1920 - Pierre Ceresole
Le Suisse Pierre Ceresole (1879-1945) étudie à Zürich, voyage
aux États-Unis, est ingénieur au Japon.
En 1915, il est profondément impressionné par le "refus de
servir" de l'instituteur vaudois John Baudraz, et par l'absence de prise
de position des Églises à son sujet. Étant libéré de l'obligation militaire
pour raisons de santé, il refuse de payer la "taxe militaire" (impôt
remplaçant la participation à l'armée) et subit sa première condam-
nation à un jour de prison. En novembre 1917, il appelle à refuser les
« idoles nationales ».
En 1919, il est cofondateur aux Pays-Bas du ‘Mouvement
international de la Réconciliation’ (International Fellowship of
Reconciliation’ - IFOR). Il devient le premier secrétaire général de
cette nouvelle internationale de chrétiens refusant la guerre.
En 1920, il crée le ‘Service civil international’ (SCI), et ouvre
près de Verdun, avec des amis allemands, autrichiens et anglais, le
premier chantier de reconstruction, d’une durée de 5 mois.
« Cette idée de vouloir faire triompher la justice par la violence
paraîtra un jour aussi bête et fausse que nous paraît la torture pour
savoir la vérité ».
1923 - Heinrich Mann
L’écrivain allemand Heinrich Mann (1871-1950) écrit en 1923 le
texte L’Europe, État suprême, où il déclare : « Notre foi, c’est l’Europe ! »
et en affirme « la nécessité absolue ». Ses œuvres sont brûlées lors des
autodafés nazis de 1933. Il émigre en France, puis aux États-Unis.
Son jeune frère Thomas Mann (1875-1955, image du milieu), lauréat du
prix Nobel de littérature en 1929, également adversaire résolu du nazisme,
émigre en 1933 en Suisse puis aux États-Unis. Il est déchu de la natio-
nalité allemande en 1936. Dans l’essai Dieser Krieg (Cette guerre - 1939)
édité à Amsterdam, il appelle à la résistance au nazisme et souhaite la
naissance d’une « confédération européenne ».
Durant les années de guerre, il lance par la BBC des appels aux
Allemands leur demandant de s’opposer à Hitler en fidélité à Goethe et
Schiller. Il se réinstalle en Suisse en 1952 pour ne pas avoir à choisir entre
l’Allemagne de l’Ouest ou de l’Est.
Klaus Mann (1906-1949, image du bas), fils de Thomas, Européen
antifasciste, déclare en 1930 : « L'Europe devra s'unir pour des raisons
économiques. Mais cette union demeurera dépourvue de sens s'il lui
manque les présupposés intellectuels qui seuls la doteront d'une réalité
supérieure.» Il résume sa pensée en 1943, dans un texte inspiré intitulé
Le coeur de l'Europe.
1923 - Richard Coudenhove-Kalergi
Richard Niklaus von Coudenhove-Kalergi (1894-1972) est un
homme politique, essayiste, historien et philosophe d'origine austro-
hongroise par son père et japonaise par sa mère, naturalisé Français
en 1939 après avoir fui le nazisme.
En juillet 1922, il lance son premier appel à l'unité de l'Europe,
intitulé La Question européenne, dans la Neue Freie Presse de Vienne
et la Vossische Zeitung de Berlin. En 1923 est publié à Vienne son
livre Paneuropa. Il développe l'idée de réunir le charbon allemand et
l'acier français.
En 1929, Aristide Briand présente l'idée européenne à la Socié-
té des Nations à Genève : « Entre des peuples qui sont géographi-
quement groupés comme les peuples d'Europe, il doit exister une
sorte de lien fédéral ». R. N. de Coudenhove-Kalergi propose alors la
création de l'hymne national européen sur une musique de Ludwig van
Beethoven, l’Ode à la joie de la neuvième symphonie.
En 1930, au IIème ‘Congrès Paneuropéen’ à Berlin, il propose de
célébrer une journée de l'Europe au mois de mai. En décembre 1933
est inauguré le ‘Centre économique paneuropéen’ à Vienne. En 1952,
il est élu président d'honneur du ‘Mouvement européen’.
1924 - Hermann Hesse
Hermann Hesse (1877-1962), est un romancier, poète, peintre et
essayiste allemand. Sa famille paternelle est d'origine balte, sa mère a des
origines souabes et suisses. Il devient un écrivain connu à partir de 1904.
Il collabore jusqu'en 1912 à l'édition de la revue libérale März, dirigée
contre le régime de Guillaume II. C’est un des rares intellectuels euro-
péens à comprendre la monstruosité de la 1ère Guerre mondiale, l’abjection
de la haine nationaliste et les impostures de la propagande. « La paix plus
noble que la guerre, c'est exactement ce que cette guerre mondiale contre
nature devrait graver dans nos mémoires. » Au service de l'Assistance aux
prisonniers allemands, il procure des livres à des centaines de milliers de
prisonniers en France, en Angleterre, en Russie et en Italie.
En 1924, il obtient la nationalité suisse. En 1932, il s'exprime pour
les auteurs - juifs ou non - pourchassés par les nazis. Durant la guerre de
1939-1945, ses œuvres sont interdites en Allemagne, son éditeur est
arrêté par la Gestapo.
Il obtient le prix Nobel de littérature en 1946 et le ‘Prix de la paix’ des
libraires allemands en 1955.
1924 à 1927 - Edgar Stern-Rubarth,
Elemér Hantos, Émile Borel
Le 12 avril 1924, le journaliste, écrivain et chef d'entreprise
allemand Edgar Stern-Rubarth (1883-1972) et l'économiste hongrois
Elemér Hantos (1880-1942), ex-Secrétaire d'État dans son pays,
fondent le ‘Comité international pour l'Union Douanière Européenne’.
Ce comité comprend bientôt 12 membres et essaime dans
d'autres pays européens après que les initiateurs du projet se sont
adressés à la ‘Société des Nations’ (SDN) pour solliciter son aide à la
création d'un grand marché libre des Européens, garant de la paix
économique.
Ils font partie des 10 personnalités internationales, dont l'écono-
miste français Charles Gide (1847-1932), qui lancent le 12 mars 1925
un appel en faveur d'une ‘Union douanière européenne’.
Le ‘Comité français de coopération européenne’, fondé en 1927
par le mathématicien français et député radical Émile Borel (1871-
1956), prône, dans le cadre de la Société des Nations, une coopé-
ration renforcée entre puissances européennes, autour de la France,
de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne.
Photos : Elemér Hantos, Émile Borel
1929 - Aristide Briand et Gustav Stresemann
Le 5 septembre 1929 à Genève, lors de la 10ème session de la Socié-
té des Nations (SDN), le Français Aristide Briand (1862-1932, image du haut),
président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, propose un
‘Mémorandum sur l'organisation d'un régime d‘Union fédérale
européenne’.
« Je pense qu’entre des peuples qui sont géographiquement
groupés, comme les peuples d’Europe, il doit exister une sorte de lien
fédéral. Ces peuples doivent avoir à tout instant la possibilité d’entrer en
contact, de discuter de leurs intérêts communs, de prendre des résolutions
communes. »
Le 9 septembre 1929, cette suggestion reçoit le soutien appuyé du
chancelier allemand Gustav Stresemann (1878-1929, image du bas), lors d’un
nouveau discours portant sur cette même question du "désarmement
douanier".
À la tête de cette « Union européenne », conçue comme une
« agence régionale » de la SDN, on trouverait un « organe représentatif
directeur » composé des représentants de tous les gouvernements
européens, la « Conférence européenne ». En complément de cet organe
décisionnel, serait créé un organe exécutif et « instrument d’action », le
« Comité politique permanent ». Il s’agit là d’un système fondamentale-
ment intergouvernemental et sans contrôle démocratique direct.
1933 : Julien Benda
Julien Benda (1867-1956) est un critique, philosophe et
écrivain français, défenseur d’Alfred Dreyfus.
Dans La trahison des clercs (1927), il reproche aux intellec-
tuels ("les clercs") d'avoir quitté le monde de la pensée désinté-
ressée pour se commettre dans des passions politiques de race,
nation, classe ou parti : antisémitisme, xénophobie, nationalisme,
militarisme, nationalisme, marxisme, etc.
Dans son Discours à la nation européenne (1933), il s’adres-
se avec véhémence à ceux qui veulent vraiment faire l’Europe pour
qu’ils ne se trompent pas sur sa nature et sur les conditions de sa
possibilité. Sa nature n’est pas d’ordre matériel, économique, moné-
taire, elle est essentiellement intellectuelle et morale. L’Europe est
une idée qui n’a pas d’autre support que la force de l’esprit ayant la
volonté d’incarner cette idée dans la réalité. Seule la passion de la
raison peut faire contrepoids au nationalisme et aux susceptibilités
de genre, de culture, de religion. ../..
1933 : Julien Benda
« L’Europe ne sera pas le fruit d’une simple transformation éco-
nomique, voire politique. Elle n’existera vraiment que si elle adopte un
certain système de valeurs, morales et esthétiques ; si elle pratique
l’exaltation d’une certaine manière de penser et de sentir, la flétrissure
d’une autre ; la glorification de certains héros de l’histoire, la démonéti-
sation d’autres. (…)
L’Europe se fera comme s’est faite la nation. Celle-ci n’a vraiment
existé que le jour où elle a possédé un système de valeurs propre à sa
nature. (…)
Les transformations économiques de l’Europe ne lui seront vrai-
ment acquises, ne pourront être tenues pour stables, que le jour où elles
seront liées à un changement profond de sa moralité, de ses évaluations
morales. La Matière invite l’Esprit à lui donner l’existence.
Il faudra renoncer à la forme individualiste de l’économique et
accéder à une forme collective et concertée. (…) Elle devra renoncer à
l’exercice illimité de son pouvoir d’entreprendre, et rationner sa soif d’enri-
chissement, discipliner sa production. Il lui faudra changer sa conception
de la monnaie. Celle-ci a pour garantie la discipline des peuples qui la
manient. »
« Nécessité pour ses éducateurs de croire à une action morale, transcendante à
l’économique. Revenir de Marx à Platon »
« Ce n’est pas le Zollverein qui a fait l’Allemagne, ce sont les Discours à la nation
allemande de Fichte ». Photos : Platon et Johann Gottlieb Fichte (1762-1814)
1934 - Stefan Zweig
Stefan Zweig (1881-1942), est un écrivain, dramaturge, poète, roman-
cier, journaliste et biographe autrichien, issu d’une famille juive. Il est sauvé
de la dépression par l’opiniâtreté de son maître Romain Rolland dans sa
lutte contre la guerre. Il condamne ensemble fascisme, nazisme et stalinis-
me, considérés comme des « excroissances du nationalisme ». Il fuit le
nazisme en février 1934, se réfugie à Londres (où il est naturalisé britan-
nique) puis à New-York, puis au Brésil.
L’Europe à construire est un sujet qui le préoccupe une grande partie
de sa vie et plus encore au cours de ses dix dernières années. Il plaide pour
une unification de l’Europe qui passerait également par la culture et l’huma-
nisme. Dès 1932, il anticipe la construction européenne et insiste sur l’im-
portance des échanges universitaires. En 1934, il propose des rencontres
de citoyens européens à l’occasion de grands colloques professionnels.
« Tant que l’idée européenne n’aura pas pris une forme fondamen-
talement visible, sensible et capable de susciter l’enthousiasme, elle sera
condamnée à la stérilité et ne parviendra pas à se transformer en réalité. »
« Ma patrie spirituelle, l'Europe, s'est détruite elle-même. (…) Je salue
tous mes amis. Puissent-ils voir encore l'aurore après la longue nuit ! Moi je
suis trop impatient, je pars avant eux. »*
* Lettre expliquant son suicide
1938 - Accords de Munich
Les accords de Munich sont signés le 30 septembre 1938 entre l'Allemagne,
la France, le Royaume-Uni et l'Italie représentés respectivement par Adolf Hitler,
Édouard Daladier, Neville Chamberlain et Benito Mussolini, afin de régler "pacifi-
quement" le conflit qui oppose Adolf Hitler et la Tchécoslovaquie.
Ils prévoient l'évacuation du territoire des Sudètes par les Tchèques avant le
10 octobre et son occupation progressive par les troupes allemandes. La France
abandonne ainsi la Tchécoslovaquie à Hitler malgré un traité d’alliance qui garan-
tissait ses frontières.
Winston Churchill aurait proféré une formule célèbre : « Ils devaient choisir
entre le déshonneur et la guerre. Ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la
guerre ».
Gandhi de son côté déclare : « L'Europe a vendu son âme pour une
existence terrestre de deux jours de plus. La paix que l'Europe a gagnée à
Munich est le triomphe de la violence, et c'est aussi sa
défaite. Si l'Angleterre et la France avaient été sûres de
la victoire, elles auraient certainement rempli leur devoir :
sauver la Tchécoslovaquie. Mais elles ont reculé devant
la violence combinée de l'Allemagne et de l'Italie. »
1941 - Dietrich Bonhoeffer
Dietrich Boenhoeffer (1906-1945) est un pasteur luthérien, théolo-
gien et écrivain allemand. En 1935, il rejoint ‘l’Église confessante’
(Bekennende Kirche), opposée au nazisme, dissoute en 1937. Interdit
d’enseigner, il dirige un séminaire pastoral clandestin. À Stockholm, il
donne aux Britanniques des preuves de l’extermination des Juifs et leur
demande de l’aide pour éliminer Hitler.
En août 1941, il rédige à Genève avec le pasteur et théologien
néerlandais Willem Visser’t Hooft (1900-1985) le mémoire L’Église et la
réorganisation de l’Europe : « Nous croyons qu’il est possible de trou-
ver en Allemagne des hommes qui ont prouvé, par leur attitude pendant
les dernières années, qu’ils ne sont pas intoxiqués par des idées
nationales-socialistes, et qu’on peut compter sur eux comme collabo-
rateurs loyaux d’une communauté européenne des nations. Et nous
croyons qu’il faudrait leur donner une chance, non seulement à cause
de l’Allemagne, mais à cause de l’Europe entière. »
Arrêté le 5 avril 1943 sous l'inculpation d’ "affaiblissement du
potentiel de guerre de l'Allemagne", il est condamné à mort par la Cour
martiale, comme l'amiral Wilhelm Canaris et le général Hans Oster, et
pendu nu dans le camp de Flossenbürg le 9 avril 1945.
1943 - La Rose Blanche
Sous le nom Die Weisse Rose (‘la Rose blanche’), des étudiants
munichois* se constituent, à partir du printemps 1942, en groupe de
résistance contre l’idéologie et le régime nazis. L’activité du groupe
consiste pour l’essentiel dans la diffusion de tracts à des milliers
d'exemplaires à Munich et dans plusieurs autres grandes villes. Ces
tracts, d’une haute tenue littéraire et philosophique, soutiennent que tout
Allemand qui ne s’oppose pas ouvertement au régime nazi est coupable
des crimes du régime. Les Résistants sont dénoncés et exécutés.
L'écrivain allemand anti-nazi en exil Thomas Mann (1875-1955)
leur rend hommage sur les ondes de la BBC tandis que, durant l'été
1943, l'aviation anglaise jette sur le pays un million d'exemplaires du
dernier tract rédigé par le professeur Kurt Huber.
Dans leur 5ème tract, les Résistants écrivent : « Les peuples
européens auront à se connaître et à s'unir pour jeter les bases d'un
relèvement commun. (…) Seule une saine coopération fédérale entre
États permettra à l’Europe exsangue de reprendre vie. »
* Alexander Schmorell, Sophie, Hans et Inge Scholl, Christoph Probst, Willi Graf, Traute
Lafrenz, Jürgen Wittenstein, Lilo Ramdohr, soutenus par leur professeur Kurt Huber.
Photo du haut : H. et S. Scholl et C. Probst
1944 - Déclaration des Résistances européennes
La ‘Déclaration des résistances européennes’ est un texte
présentant un projet de fédération européenne, publié le 7 juillet 1944
à Genève à l'initiative d'Ernesto Rossi (1897-196, photo 1), Altiero Spinelli
(1907-1986, photo 2), Henri Frenay (1905-1988, photo 3) et d'autres chefs
de mouvements de Résistance au nazisme en Europe.
« La paix européenne est la clé de voûte de la paix du monde. En
effet, dans l’espace d’une seule génération, l’Europe a été l’épicentre de
deux conflits mondiaux qui ont eu avant tout pour origine l’existence sur
ce continent de trente États souverains. Il importe de remédier à cette
anarchie par la création d’une Union fédérale entre les peuples euro-
péens. »
« L’Union fédérale devra être fondée sur une déclaration des
droits civils, politiques et économiques qui garantira le libre développe-
ment de la personnalité humaine et le fonctionnement normal des
institutions démocratiques. »
La structure de l'Union fédérale devait être composée de trois organes :
1) un gouvernement responsable envers les peuples des États membres; 2) une
armée placée sous les ordres de ce gouvernement, remplaçant les armées
nationales; 3) un tribunal suprême chargé de juger les différends entre États
membres ou entre la Fédération et les États.
1944 - Création du Benelux
Pendant la Seconde Guerre mondiale déjà, les gouverne-
ments de Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg décident de
collaborer plus étroitement.
Le Benelux est créé le 5 septembre 1944 (à Londres, par les
trois gouvernements en exil) comme union douanière ayant pour
objet de mettre fin aux barrières douanières aux frontières et de
garantir la libre circulation des personnes, des biens et des services
entre les trois pays.
‘L’Union économique Benelux’, impliquant un élargissement et
un approfondissement de la coopération économique, est instituée
à La Haye par le traité du 3 février 1958 pour une durée de 50 ans,
jusqu’à 2008.
Elle est remplacée par le traité de La Haye du 17 juin 2008
instituant l’’Union Benelux’ (entrée en vigueur le 1er janvier 2012).
1945 - Fin de la Deuxième Guerre mondiale
Le 8 mai 1945 est la date de la victoire des Alliés sur l'Alle-
magne nazie et de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe,
marquée par l'annonce de la capitulation de l'Allemagne. La guerre
prendra fin en Asie avec la capitulation du Japon le 2 septembre
suite aux bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki les 6 et 9 août.
Cette guerre, initiée par des pays d’Europe, constitue le conflit armé
le plus vaste que l’humanité ait connu, mobilisant plus de 100 millions de
combattants de 61 nations, déployant les hostilités sur 22 millions de km2,
et tuant environ 62 millions de personnes, dont une majorité de civils.
On assiste à l'émergence, à une échelle inconnue jusqu'alors, de
crimes de masse particulièrement atroces et pour certains sans précédent,
tout particulièrement à l'instigation de l'Allemagne nazie et du Japon
impérial.
Cette guerre propulse les États-Unis et l’URSS, principaux vain-
queurs, au rang de superpuissances concurrentes appelées à dominer le
monde et à se confronter dans une vive rivalité idéologique et politique,
pendant près d'un demi-siècle, et à s'affronter militairement par États
interposés (guerres de Corée, du Viêtnam, d'Afghanistan). ■

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L’Europe en dates et en figures. — 01. De l’Antiquité à 1945

  • 1. L’Europe en dates et en figures 1 – De l’Antiquité à 1945 Étienne Godinot .13.01.2024
  • 2. Pourquoi ce diaporama ? Sources Le projet de réaliser ce diaporama m’est venu en août 2020 au Mémorial de Caen* (Calvados, Normandie) , à la vue de quelques dates marquantes de la construction européenne. Elles figurent sur les murs devant la salle circulaire où est projeté l’audiovisuel "L’Europe, notre histoire" (photo du haut). Autres sources : Wikipédia et sites de l’Union européenne, IRNC. * Ce Mémorial, ouvert en 1988, présente l’histoire du débarquement des Alliés en Normandie en juin 1944, mais aussi la fragilité de la paix (la guerre franco-allemande de 1870-71, les deux Guerres Mondiales, la guerre froide) et la construction de l’Europe.
  • 3. Précisions Il ne s'agit pas ici, bien sûr, de présenter l'histoire de l'Europe depuis l'Antiquité jusqu’en à 1945 en quelques dizaines de diapositi- ves, mais de montrer, par des diapositives qui incitent simplement l'internaute intéressé à faire des recherches pour en en savoir plus, quelques dates significatives de l’histoire de l’Europe et quelques personnages intéressants. L'Europe n'a pas un passé très brillant (notamment en raison du fait que le christianisme perverti à la mode constantinienne a été incapable de s'opposer au pouvoir politique), mais il y a eu quand même, depuis l‘Antiquité grecque, des penseurs, des spirituels et des hommes politiques qui dénonçaient les injustices et les guerres provoquées par les pays de l’Europe, et qui l’appellent aujourd’hui à avoir un rôle autre et nouveau dans le monde. Toute information, réaction et suggestion permettant de corriger, compléter et améliorer ces diaporamas est bienvenue, notamment sur le rôle de femmes dans la construction de l’Europe.
  • 4. L’antiquité grecque La Grèce, la Macédoine et les pays influencés par la culture grecque (par ex. la Sicile, la Turquie) donnent à l’Europe et au monde des phares et des génies dans de nombreux domaines : écrivains, poètes, artistes, philosophes, mathématiciens, astronomes, architectes, ingénieurs, médecins : Thalès, Pythagore, Épiménide, Héraclite, Parménide, Eschyle, Anaxagore, Pindare, Sophocle, Euripide, Socrate, Démocrite, Hippocrate, Platon, Diogène, Aristote, Épicure, Euclide, Archimède, Érathostène, Épictète, Théon, Ptolémée, etc. Le Vème siècle ("siècle de Périclès") est une période d’essor de la culture et de la démocratie athénienne. Diogène, probablement pour la première fois dans l’histoire, se déclare « citoyen du monde ». La culture grecque a irrigué tout le bassin méditerranéen et a influencé les penseurs européens du Moyen Âge aux temps modernes (Thomas d’Aquin et Averroès confrontent le christianisme et l’islam à la pensée d’Aristote, Jean Anouilh actualise l’Antigone de Sophocle, etc.). Images : Pythagore, Diogène de Sinope
  • 5. La Rome antique La Rome antique parvient à dominer l'ensemble du monde médi- terranéen et de l'Europe de l'Ouest du Ier au Vème siècles par la conquête militaire et par l'assimilation des élites locales. Durant ces siècles, Rome passe d'une monarchie à une république oligarchique, puis à un empire autocratique. La civilisation romaine a contribué à l'élaboration, dans le monde occidental, du droit, des institutions et des lois, des langues, de l'art et de la littérature, de l'architecture et de la technologie, a créé des routes pavées (voies romaines), des amphithéâtres, aqueducs, bains publics, etc. Mais l’histoire de Rome est l’histoire de guerres : samnites, latine, puniques, macédonienne, antiochique, d’Achaïe, des Cimbres, des Gaules, etc., à quoi s’ajoutent les nombreuses guerres civiles*. C’est un régime brutal qui distrait le peuple par les jeux de mort du cirque et maintient son ordre par une répression féroce. D’après Tacite, les Romains ont tué 600 000 Juifs, et déporté pour les vendre sur les marchés d’esclaves les survivants de ce massacre. Après la révolte de Spartacus (-73,-72), 6 000 esclaves sont crucifiés sur la Via Appia. * par ex. entre Marius et Sylla (-88, -81), entre Jules César et Pompée (-49, -45), entre Octave-Auguste et Marc-Antoine (-32, -30), en 68, à la mort de Néron (68), à la mort de Commode (193), etc. Images : Légion romaine, pont du Gard
  • 6. 325 - Le césaropapisme de Constantin Ier Constantin est proclamé 34e empereur romain en 306 par les légions de Bretagne (actuel sud de la GB). Il réunit sous son autorité un Empire romain affaibli et divisé et se débarrasse de ses concur- rents, les empereurs Maxence en 312 (bataille du pont Milvius) et Licinius en 324 (bataille d’Andrinople). Il établit la liberté de culte individuel, qui met fin aux persécu- tions des chrétiens (édit de Milan, 313). Constantin Ier est le premier empereur à favoriser le christia- nisme. Il contribue à la fondation de sa doctrine en convoquant et en orientant le premier concile œcuménique chrétien à Nicée (actuelle Turquie, image du bas) en 325. Pour éviter les débats théologiques et maintenir une union parmi les chrétiens, considérés comme un facteur d'unité dans l'empire, il fait condamner Arius, prêtre d’Alexan- drie qui s’oppose à la divinisation de Jésus de Nazareth. Il affirme son autorité dans le domaine religieux : c'est le césaropapisme, confusion entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel. ../.. Images : Statue de Constantin. Icône du 1er concile de Nicée
  • 7. Le christianisme constantinien en Europe En 392, l’empereur Théodose interdit le polythéisme, le christia- nisme devient la religion officielle de l'Empire romain. Par la suite, l’Église romaine devient elle-même puissance temporelle : elle rend la justice (et même organise l’Inquisition), inspire les traités, les papes déposent les empereurs, organisent les croisades, etc. Le message et le témoignage de Jésus de Nazareth étant ainsi trahis, le christianisme perverti, malgré toutes ses réalisations positives, (le droit d’asile; la Trêve de Dieu et la Paix de Dieu, initiatives de l'Église pour contrôler la violence féodale par l'application de sanctions religieu- ses; l’enseignement; l’action caritative, etc.) n’osera jamais vraiment s’opposer au pouvoir temporel. Les Églises chrétiennes d’Europe n’empêcheront pas la conquista de l’Amérique latine*. Elles n’empêcheront pas la traite négrière, ni l’esclavage, ni la colonisation. Elles n’empêcheront pas les deux Guerres mondiales. Malgré les appels du pape Benoît XV, les belligérants de la Première Guerre mondiale mobilisent Dieu : les drapeaux français portent le symbole du Sacré Cœur; la devise Gott mit uns ("Dieu avec nous") est une composante des emblèmes militaires allemands depuis 1701 jusque dans les années 1960. * malgré les protestations d’un Bartolomé de las Casas ou le témoignage des jésuites dans les reduciones du Paraguay.
  • 8. 962 - Début des universités en Europe Après celle de Parme, fondée en 962, des universités sont créées à travers l’Europe : Bologne, Oxford, Modène, Paris, Cambridge, Salamanque, Montpellier, Padoue, Naples, Toulouse, Valladolid, Rome, Sienne, Coimbra, Lisbonne, etc. La latin est la langue usuelle partout en Europe. Dans toutes les universités, on pratique la lectio et la disputatio, on lit les mêmes autorités. Les calendriers universitaires, les cursus, le système des examens et des grades sont partout les mêmes, ce qui favorise une grande mobilité des étudiants. La constitution Habita promul- guée par l'empereur Frédéric Barberousse en 1158 donne des garanties économiques et judiciaires à ceux qui voyagent pour étudier. Dès 1200, le roi Philippe Auguste accorde aux maîtres et étudiants parisiens des privilèges judiciaires. En 1231, une bulle du pape Grégoire IX décrète que maîtres et étudiants parisiens sont désormais sous sa protection. Dès le XIIIe siècle, Paris et Bologne deviennent des centres de production de livres dont les ateliers concurrencent les scriptoria ecclé- siastiques traditionnels. Le système de communication médiéval, qui associe étroitement la parole, le geste et l’écrit, permet, grâce à l’intensifi- cation des transferts culturels, de voir se dessiner l’ébauche d’une culture européenne.
  • 9. 1306 - Pierre Dubois Pierre Dubois (v. 1255-1321), probablement élève de Thomas d’Aquin, avocat et procureur, a été conseiller du roi de France Philippe IV le Bel (ci-contre, gisant du roi à la cathédrale St Denis) et auteur en 1300 d’un traité sur la suppression des guerres : Summaria brevis et compendiosa doctrina felicis expeditionis et abbreviationis guerrarum et litium regni Francorum. En 1306, il présente à Philippe Le Bel et au roi Édouard Ier d'Angleterre un plan de 142 paragraphes intitulé « À propos de la récupération de la Terre Sainte » (De Recuperatione de Terre Sancte), qui devrait être garanti par une "paix durable en Europe". Ses propositions sont très novatrices : création d’une union européenne, établissement d’un tribunal d’arbitrage international, interdit économique à déclarer contre toute puissance chrétienne qui ferait la guerre à une autre puissance chrétienne, cessation des guerres, règlement des litiges, armée paneuropéenne pour pacifier le Proche-Orient, papauté réduite au rôle de guide spirituel suite au démantèlement des États du Pape, sécularisation des biens ecclé- siastiques, promotion des femmes dans l’éducation, etc.
  • 10. 1316 - Dante Alighieri Dante Alighieri (1265-1321), poète, philosophe et homme politique florentin, écrit vers 1316 son principal ouvrage sur la théorie de l'État, De Monarchia libri tres (Trois livres sur la monarchie), qui prône la séparation de l'Église et de l'État : un souverain pontife pour le pouvoir spirituel, et l’empereur du St Empire romain germanique élu du peuple romain. Il affirme que les particularités des peuples en Europe rendent nécessaires des lois différentes selon les États de l’Empire. La politique de l‘Empereur ne devrait donner aux « dirigeants » en Europe que des « lignes directrices » générales conduisant à la paix pour les peuples, la paix étant le moyen de réaliser la destination naturelle de l’homme. De Monarchia est brûlé sur le bûcher en 1329 par le cardinal français Bertrand du Pouget et mis en 1559 dans le premier Index librorum prohitorum (Index des livres des livres interdits par l’Église catholique romaine). Il y reste jusqu'en 1881.
  • 11. 1453 - Fin de la guerre de Cent Ans La guerre de Cent Ans est un conflit entrecoupé de trêves plus ou moins longues, opposant, de 1337 à 1453, la dynastie des Plantagenêt à celle des Valois et, à travers elles, le royaume d'Angleterre et celui de France. Le déclenchement de la guerre est motivé par la montée progres- sive de la tension entre les rois de France et d’Angleterre au sujet de la Guyenne, des Flandres et de l'Écosse. La question dynastique en est le prétexte officiel. Les évènements les plus connus sont la bataille navale de l’Écluse (1340), la bataille de Crécy (1346), le siège de Calais (1346-47), la bataille de Poitiers (1356, image du bas), le traité de Brétigny (1360), l’épopée de Jeanne d’Arc (1412-1431), la bataille de Castillon (1453), le traité de Picquigny (1475). Batailles, mais aussi disettes, épidémies, bandes de mercenaires pillant le pays lorsqu'ils n'étaient plus payés par leur embaucheur, etc. La peste noire tue 30 à 50 % des Européens en 5 ans (1347-1352) faisant environ 25 millions de victimes. Sur le plan démographique, les batailles ont fait peu de morts en dehors de la noblesse, mais les pillages ont eu des conséquences néfastes sur les populations civiles. Du point de vue militaire, cette guerre marque le déclin de la cavalerie au profit de l’infanterie et l'apparition de l’artillerie. Elle aboutit à une affirmation du sentiment national, la rivalité franco-anglaise n'étant plus dorénavant seulement issue d'un conflit dynastique.
  • 12. 1465 - Georges de Bohême Georges, seigneur de Kunštát et de Poděbrady (1420-1471), est roi de Bohême entre 1458 et 1471. Entre novembre 1465 et février 1467, en conflit avec le pape Paul II (photo du bas) qui le déclare « hérétique », il envoie ses ambassa- deurs dans toute l'Europe occidentale pour proposer à la chrétienté une alliance permanente sous la forme d'un traité instaurant une « Confédération des rois et princes chrétiens ». Son plan de fédération se compose de 21 articles, dont la foi catholique, les relations juridiques avec les non-membres, les procé- dures en cas de rupture de contrat, le tribunal fédéral, le tribunal arbitral, le droit supranational, la jurisprudence interne, l'élargissement des alliances, l'asile, les monnaies européennes, le financement, la trésorerie fédérale, le Conseil fédéral, les proportions selon la nation, les armoiries et les règles de succession. L’Assemblée se réunirait à Bâle, puis, en alternance, dans une ville française et italienne. Les fonds de la « caisse commune » seraient alimentés par la dîme perçue par l'Église. L'ambassade reçoit un accueil poli des cours, notamment du roi de France Louis XI, mais les souverains ne donnent pas suite au projet.
  • 13. 1494 - Partage de l’Amérique Après la découverte des Antilles par Christophe Colomb en 1492, la Castille et le Portugal se partagent l'Amérique grâce au traité de Tordesillas, en juin 1494, sous l'égide du pape Alexandre VI. Ce traité vise à partager le Nouveau Monde, considéré comme terra nullius, entre les deux puissances coloniales émergentes. Il définit comme ligne de partage un méridien localisé à 370 lieues (1 770 km) à l'ouest des îles du Cap-Vert. Conséquence considérable, le traité place le Brésil, découvert en 1500 par le Portugais Pedro Alvares Cabral, sous souveraineté portugaise. Les autres puissances maritimes européennes (Angleterre, France, Pays-Bas) n’ont aucun droit sur ces nouvelles terres. Elles ne peuvent dans un premier temps que recourir à la piraterie et à la contre- bande pour profiter des richesses du Nouveau Monde avant que, avec l'apparition du protestantisme, elles ne rejettent l'autorité pontificale. Outre la capture de certaines colonies espagnoles, ces puissances continueront la colonisation en occupant des terres plus au nord, notamment les territoires actuels des États-Unis et du Canada, peu ou pas colonisés ni par les Espagnols, ni par les Portugais.
  • 14. 1516 - Didier Érasme Le prêtre, philosophe et humaniste néerlandais Desiderus Erasmus Roterodamus (ou Érasme de Rotterdam,1467-1536), précepteur puis conseiller de Charles Quint, traducteur du Nouveau Testament du grec au latin, voyage beaucoup en Europe. Il se veut citoyen du monde. Dans l’Éloge de la folie (1511), sous le masque du bouffon, il prononce un réquisitoire contre les abus de toute sorte et les déviations de l'Église, et affirme sa liberté de pensée par rapport aux autorités ecclésiastiques. En 1516, dans son traité Querela pacis (Plaidoyer pour la paix), il proclame « Le monde entier est notre patrie à tous ». Il exhorte les rois et les princes à prendre conscience de leur solidarité naturelle et à se réunir en une immense assemblée. Sacré « prince de l'humanisme » par les siens, puis modèle pour Montaigne, Descartes et Leibnitz, Érasme est le premier à témoigner à ce point d'un esprit européen, qui le pousse à mener inlassablement, sa vie durant et d'œuvre en œuvre, une « guerre contre la guerre ». Il exhorte empereurs, rois et princes, grands et notables, évêques, prêtres et moines, à travailler, chacun à sa place, à la résolution des conflits qui ravagent l'Europe depuis des années, afin de bâtir la paix.
  • 15. 1623 - Émeric Crucé Émeric Crucé ou Émeric de la Croix (v.1590-1648) est un moine français, enseignant dans un collège parisien dans la période qui suit les guerres de religion. Il publie en 1623 le Nouveau Cynée ou Discours d'Estat représen- tant les occasions et moyens d'establir une paix générale et la liberté de commerce pour tout le monde. Cynée ou Cineas, conseiller de Pyrrhus (318-272 av. J.-C.), roi d’Épire* et diplomate, incarne selon le philosophe grec Plutarque l'homme politique prioritairement animé du désir de paix. Pour préserver résolument la paix, Crucé imagine une assem- blée permanente des Princes ou de leurs représentants, siégeant à Venise et ayant obligation de régler les conflits. Il ne fait pas du christianisme le ciment de sa fédération : elle est de la sorte un concept politique et économique en dehors des cloisonnements spirituels eux-mêmes. Il associe « Turcs, Persans, Français, Espagnols, Juifs ou Mahométans ». « On peut facilement imaginer la commodité et l’avantage de voyager à travers les États d’Europe avec le passeport de n’importe quel pays, ce passeport étant légitimé par la Ligue de la paix. » * En gros, les Balkans actuels
  • 16. 1625 - Hugo Grotius Huig de Groot, nom latinisé en Grotius, (1583-1645), est un huma- niste, diplomate, avocat, théologien protestant et juriste né dans les Provinces-Unies (aujourd'hui Pays-Bas). Emprisonné en 1618 pour son implication dans les conflits entre calvinistes de son pays, il s'échappe en 1621, caché dans un coffre à livres, et écrit la plupart de ses œuvres majeures en exil en France. Ambassadeur de Suède en France à partir de 1634, il participera aux négociations mettant fin à la guerre de Trente Ans qui oppose Catholiques et Protestants. Sollicité par la ‘Compagnie hollandaise des Indes orientales’, il écrit en 1609 Mare Liberum (De la liberté des mers - 1609), où il revendique la liberté de circulation sur les mers, à l'encontre des Portugais et Espagnols qui prétendaient la contrôler. Dans son œuvre majeure De jure belli ac pacis (Sur le droit de la guerre et de la paix -1625), il pose les fondements du droit international : celui-ci s'impose à tous les États (le droit du plus fort ne peut tout justifier) et il n'est pas d'origine divine ni assimilable à un droit successoral entre dynasties régnantes (on n'hérite ni ne lègue pas des populations comme des biens meubles). Il forge une théorie de l'État et de la puissance civile dont il présente avec minutie et avec beaucoup de vigueur intellectuelle les articulations internes et internationales.
  • 17. 1639 - Henri IV Évoqué dans les Mémoires (1639) de son conseiller Maximilien de Béthune, duc de Sully (1559-1641), le « Grand dessein » du roi fran- çais Henri IV (1553-1610) est un projet de confédération européenne, visant à limiter les guerres* et à promouvoir la tolérance religieuse. Henri IV, en association avec Élisabeth Ière d'Angleterre, imagine une confédération de pays présidée par un empereur élu, en rationa- lisant les frontières internes de l'Europe, en éclatant les plus grands pays et regroupant les plus petits pour qu'aucun n'ait structurellement la prééminence, en définissant une constitution limitant le risque de voir le pays de l'empereur acquérir une prééminence, en mettant en place un traité de paix et d'assistance mutuelle permettant à la fois de réduire considérablement les dépenses militaires et d'augmenter l'efficacité de la défense commune et en affirmant, par une politique de tolérance religieuse, l'influence politique de la France sur l'Europe. * Rappelons toutefois qu’après son abjuration du protestantisme en juillet 1593, Henri IV fait la guerre aux Ligueurs catholiques qui ne le reconnaissent pas, déclare la guerre à l’Espagne qui soutient la Ligue, soumet la Bretagne et ravage la Franche-Comté. Il signe en avril 1598 l’édit de Nantes qui met en place une paix entre Protestants et Catholiques. En 1600, il envahit la Savoie. En janvier 1601, par le traité de Lyon, le duc de Savoie cède au roi de France la Bresse, le Bugey, le pays de Gex et le Valromey.
  • 18. 1648 - Traités de Westphalie Les traités de Westphalie en 1648 (traités de Münster et d’Osnabrück) mettent fin à la guerre de Trente Ans (qui a impliqué l'ensemble des puissances du continent dans le conflit entre le Saint- Empire romain germanique et ses États allemands protestants en rébellion), et à la guerre de Quatre-Vingts Ans (opposant les Provinces- Unies révoltées contre la monarchie espagnole). Pour la première fois se retrouvent autour d'une table de négociation les grands États d'Europe afin de définir les relations entre eux dans le respect de leur souveraineté respective. Ils sont aussi à la base du "système westphalien", expression utilisée a posteriori pour désigner le système international spécifique mis en place de façon durable par ces traités. Ils jettent les bases de l'absolutisme et érigent l’État-nation comme socle du droit interna- tional. Chaque monarque est désormais maître chez lui, y compris en matière religieuse (principe Cujus regio, ejus religio : la religion d'un peuple doit être celle de son souverain).
  • 19. 1693 - William Penn William Penn (1644-1718), Quaker anglais, fondateur en 1682 de la ville de Philadelphie et de la province de Pennsylvanie aux États- Unis, écrit en 1693 Essai vers la paix présente et future de l’Europe par la mise en place d’un Parlement européen ou d’États. Dans ce livre, il prône une réforme radicale du système des relations internationales, par l’établissement d’une Assemblée générale de tous les princes et États souverains. Dans les chapitres 4 à 8 de l'essai, l'auteur décrit l'institution proposée comme « Parlement d'Europe, Parlement impérial, États d'Europe, Confédération européenne, Ligue européenne ou États de la Diète générale ». Il suggère d'éventuels États membres, discute des conditions d'admission et des titres légaux, examine la présidence et les représentations nationales, réfléchit aux règles et règlements concernant les élections et les votes, fait valoir des dispositions sur la présence et la substitution, propose d'éventuelles sanctions et suggère certaines langues de travail.
  • 20. 1713 - Charles-Irénée Castel de Saint Pierre Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre, ou abbé de Saint-Pierre (1658-1743) est un prêtre, écrivain, diplomate et académicien français, précurseur de la philosophie des ‘Lumières’. Négociateur du traité d’Utrecht (1712-1713) mettant fin à la guerre de Succession d'Espagne, il s’inspire de ces discussions difficiles pour concevoir en 1713 un Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe, qui actualise le projet d’Henri IV. Il brise l'idée populaire que l'équilibre des puissances en Europe est le meilleur moyen de maintenir la paix et montre qu'au contraire cet équilibre mène à une course aux armements des nations puissantes qui veulent s'assurer l'ascendant en cas de rupture de la paix. Il propose une sorte de traité alternatif, ancré dans la pratique, dans lequel il imagine la constitution d'une Diète générale d'Europe, qui fonctionnerait à la manière des diètes que connaissent les 7 souverai- netés de Hollande ou les 13 de Suisse. Il conçoit un conseil permanent en Europe. Il s'attelle à prouver sa faisabilité et à résoudre les problèmes diplomatiques que son idée pourrait engendrer.
  • 21. 1714 - Fin des guerres de Louis XIV Le roi français Louis XIV affirme la puissance de son royaume en l’engageant dans une série de guerres : guerre de Dévolution (1667-1668), guerre de Hollande (1672-1678), guerre des Réunions (1683-1684), guerre de la Ligue d'Augsbourg (1688-1697) et enfin guerre de Succession d'Espagne (1701-1713). Le sac du Palatinat (1688-1689, photo du haut) et la révocation de l'Édit de Nantes (1685) sont deux énormes taches sur le règne du "Roi Soleil". Voltaire, dans son Siècle de Louis XIV (1751), rapporte les mots que le roi mourant aurait adressés à son arrière-petit-fils, le futur Louis XV, le 26 août 1715 : «Tâchez de conserver la paix avec vos voisins. J'ai trop aimé la guerre ; ne m'imitez pas en cela, non plus que dans les trop grandes dépenses que j'ai faites. Prenez conseil en toutes choses, et cherchez à connaître le meilleur pour le suivre toujours. Soulagez vos peuples le plus tôt que vous pourrez, et faites ce que j'ai eu le malheur de ne pouvoir faire moi-même. » Photo du bas : bataille de Denain (1712)
  • 22. 1795 - Immanuel Kant En 1795, le philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804), grand penseur de l’Aufklärung (les Lumières allemandes), écrit son traité Zum ewigen Frieden (Pour la paix perpétuelle). Reprenant une idée de Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre, il y formule un certain nombre de principes destinés à créer les conditions d’une « paix perpétuelle » (par opposition à une simple « cessation des hostilités » provisoire qui est la seule forme de paix possible tant que « l’état de nature » continue de régner entre les États). 1 - Aucun traité de paix ne doit valoir comme tel, si on l'a conclu en se réservant tacitement matière à guerre future. 2 - Nul État indépendant ne pourra être acquis par un autre État, par échange, héritage, achat ou donation. 3 - Les armées permanentes doivent être supprimées avec le temps. 4 - On ne doit point contracter de dettes publiques en vue des conflits extérieurs de l'État. 5 - Aucun État ne doit s'immiscer de force dans la constitution et le gouvernement d'un autre État. 6 - Aucun État, en guerre avec un autre ne doit se permettre des hostilités de nature à rendre impossible la confiance réciproque lors de la paix future.
  • 23. 1814 - Claude-Henri de Saint-Simon Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825), est un philosophe, économiste et militaire français. Philanthrope et philosophe de l'industrialisme, il est le penseur de la société industrielle française, « le dernier des gentilshommes et le premier des socialistes », comme on l’a décrit. En 1814 paraît son essai De la réorganisation de la société européenne, ou de la nécessité et des moyens de rassembler les peuples de l'Europe en un seul corps politique, en conservant à chacun son indépendance nationale. Ce projet d'États-Unis d'Europe est fondé sur une constitution commune. Cette Europe qu’on peut qualifier de fédérale, même s’il n’emploie pas ce terme dans ses ouvrages, devait selon lui orbiter autour d’un Parlement européen ayant un pouvoir de décision et qui, selon les souhaits de son concepteur, devait être composé de savants, d’indus- triels, de négociants, d’administrateurs et de magistrats. « L’Europe aurait la meilleure organisation possible, si toutes les nations qu’elle renferme, étant gouvernées chacune par un parlement, reconnaissaient la suprématie d’un parlement général placé au-dessus de tous les gouvernements nationaux et investi du pouvoir de juger leurs différends. »
  • 24. 1814-1815 - Le Congrès de Vienne Après la première défaite de Napoléon, les grandes puissances se réunissent à Vienne de septembre 1814 à juin 1815 pour définir les conditions de la paix en Europe. Le congrès de Vienne permet également la discussion sur la libre circulation navale, l'abolition de la traite négrière (mais pas de l'esclavage, qui persiste), et l’affirmation de la neutralité de la Suisse et de la Savoie. Cette paix par l’équilibre des puissances durera une quarantaine d’années.
  • 25. 1815 - Fin des guerres napoléoniennes Le 18 juin 1815, à 20 kilomètres au sud de Bruxelles, la bataille de Waterloo oppose l'armée française, dirigée par l'empereur Napoléon Ier, à l'armée des Alliés, dirigée par le duc de Wellington et composée de Britanniques, d'Allemands, de Néerlandais et de Prussiens. Elle s'achève par la défaite décisive de l'armée française. Alors que les pertes militaires des guerres napoléoniennes sont estimées entre 2,5 millions et 3,5 millions de morts, les pertes civiles varient de 750 000 à 3 millions. Ludwig van Beethoven (1770-1827), qui voulait nommer sa 3ème symphonie « Symphonie Bonaparte", la nommera finalement « Sym- phonie héroïque". La décision de Napoléon de s’autoproclamer empe- reur en 1804 constitue le point de basculement de cette relation d’amour – d’abord – et de détestation – ensuite. Car le républicanisme du compositeur voit dans ce geste (et dans le rétablissement de l’esclavage en 1802) la trahison des idéaux de la Révolution française dont Napoléon lui avait donné l’impression d’être le fer de lance. Bismarck, en écrasant les Français à Sedan en septembre 1870 et en faisant Napoléon III prisonnier, proclamera la revanche des Prussiens après les défaites de Iena et Auerstaedt en octobre 1806.
  • 26. 1821- Conrad Friedrich von Schmidt-Phiseldeck Von Schmidt-Phiseldeck (1770-1832) est un Allemand du Nord au service du roi du Danemark, archiviste, philosophe et théologien allemand, devenu danois, conseiller d’État et directeur de la Banque royale danoise. Il publie à Copenhague en 1821 Der Europäische Bund (La ligue européenne). Il est convaincu que l'hégémonie mondiale ira aux États- Unis d’Amérique pour des raisons technologiques et industrielles, mais que l'Europe conservera encore longtemps sa prédominance intellec- tuelle et morale. Il affirme la nécessité d'une unification sur la base d'une conception européenne de la culture. L'unité européenne est pour lui une nécessité : « L'Europe en tant qu'Etat multinational (Völkerstaat) civilisé, est tellement liée et imbriquée dans toutes ses parties que chacun ne peut prospérer que dans le bien être de toutes ». La future fédération serait un ensemble "organique" d'Etats égaux et autonomes, comprenant tous les peuples de l'Europe chrétienne. Les institutions prévues sont : une cour fédérale, une armée, un congrès permanent où siègeraient les chefs d'Etat ou leurs représentants, un droit de citoyenneté et Frankfort serait la capitale. Il s'agit donc d'un système confédéral.
  • 27. 1831 - Wojciech Jastrzębowski Wojciech Jastrzębowski (1788-1882) est un ingénieur et naturaliste polonais, considéré comme le fondateur du terme et du concept de l’ergonomie. Au cours de la bataille d'Olszynka Grochowska pour la défense de Varsovie en 1831, il formule un document qui peut être décrit comme un projet de la première constitution de l'Europe unie : une république sans frontières intérieures, avec un système judiciaire unifié et des institutions composées de représentants de toutes les nations. Le document, intitulé O wiecznym pokoju między narodami, (À propos de la paix éternelle entre les nations), se compose de 77 articles. Il sera publié en mai 1831 à l'occasion de l'anniversaire de la constitution du 3 mai 1791. Dans son texte, il suggère que toutes les nations renoncent à leur souveraineté et deviennent soumises à des lois communes, que tous les monarques soient désormais les gardiens et les exécuteurs de ces lois et n’aient pas d’autre titre que pères des nations. Il présente un projet d'Europe unie en une seule entité sans frontières intérieures.
  • 28. 1834 - Guiseppe Mazzini Giuseppe Mazzini (1805-1872) est un homme politique et patriote italien, fervent républicain et combattant pour la réalisation de l'unité italienne. Il organise en 1831 un mouvement politique appelé Giovine Italia inspiré par le socialisme et qui s'appuie sur la jeunesse. En avril 1834, avec 6 autres Italiens, 5 Allemands et 5 Polonais, il fonde, près de Berne où il est alors exilé, l'association Giovine Europa (‘Jeune Europe’), mouvement à la fois politique et culturel. C’est la plus grande réalisation de ses idées de la liberté des nations. Son objectif est de fédérer les nations européennes sur des bases fraternelles et républicaines. Le mouvement a également un rôle important dans la promotion des droits des femmes. Ce mouvement révolutionnaire fédère les différents mouvements nationalistes européens (irlandais, grecs, polonais, italiens...) qui aboutissent en 1848 au "Printemps des peuples". L'association politique s'est dissoute en 1836, deux ans après sa fondation et Mazzini est banni de la Suisse. « L’humanité ne sera vraiment constituée que lorsque tous les peuples qui la composent, ayant acquis leur souveraineté naturelle, seront associés en une fédération républicaine. »
  • 29. 1849 - Victor Hugo Dans son discours d'ouverture du ‘Congrès international de la Paix’ à Paris, le 21 août 1849, l’écrivain français Victor Hugo (1802- 1885), qui en est le président, se montre un visionnaire sur la néces- sité d'une Europe unie qu'il appelle de ses vœux, un siècle avant que ne s'amorce la construction européenne. « Nous disons à la France, à l'Angleterre, à la Prusse, à l'Autri- che, à l'Espagne, à l'Italie, à la Russie, nous leur disons : Un jour viendra où les armes vous tomberont des mains, à vous aussi ! (…) Un jour viendra où il n'y aura plus d'autres champs de bataille que les marchés s'ouvrant au commerce et les esprits s'ouvrant aux idées. Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage d'un grand Sénat souverain qui sera à l'Europe ce que le parlement est à l'Angleterre, ce que la diète est à l'Allemagne, ce que l'Assemblée législative est à la France ! Un jour viendra où l'on montrera un canon dans les musées comme on y montre aujourd'hui un instrument de torture, en s'éton- nant que cela ait pu être. »
  • 30. 1860 et 1900 - L’impérialisme des pays d’Europe en Asie La Grande-Bretagne et la France de Napoléon III ont envoyé vers Pékin un corps expéditionnaire de 3 000 soldats français et autant d’anglais, pour contraindre l'empereur à ouvrir son pays à leurs commerçants et missionnaires. Après la bataille et la prise du pont de Pa-li-kao (image du haut) le 21 septembre 1860, le corps expéditionnaire ne rencontre plus d'obstacle. Le 18 octobre 1860, les Anglais ayant rejoint les Français, ils dévalisent ensemble le Palais d’été des empereurs de Chine : vastes collections d'œuvres d'art, livres de grande valeur, objets de jade, or, laque, perles, bronzes. Avant de quitter les lieux, et en représailles à la torture et l'exécution d’une vingtaine de prisonniers européens et indiens, les soldats britanniques mettent le feu aux bâtiments, majoritairement construits en bois de cèdre. Une des merveilles du monde part en fumée. Outre la création de concessions supplémentaires, la Chine doit signer de nouvelles conventions avec les vainqueurs, en complément du traité de Tianjin de 1858. Elle doit leur octroyer la liberté de circuler sur ses fleuves, leur verser de fortes indemnités et supprimer les droits de douane pour les textiles britanniques. Le Palais d’Été sera détruit une deuxième fois en 1900 par la coalition des huit puissances (Autriche-Hongrie, France, Allemagne, Italie, Japon, Russie, Angleterre et États-Unis) intervenue pour mater la révolte des Boxers.
  • 31. 1863 - Henri Dunant L’homme d’affaires suisse Henri Dunant (1828-1910) se trouve en juin 1859 à proximité de la ville italienne de Solferino et découvre les dégâts humains de la bataille qui vient de s’y dérouler (38 000 morts et blessés). Il obtient des Français que les médecins autrichiens faits prisonniers aident à la prise en charge des blessés, met en place d'autres hôpitaux et fait venir du matériel à ses frais. L’année suivante, il participe à Genève à la fondation du ‘Comité international de secours aux militaires blessés’, désigné dès 1876 sous le nom de ‘Comité international de la Croix-Rouge’. Durant la guerre franco-allemande de 1870-1871, il fonde ‘l'Alliance générale pour l'ordre et la civilisation’, dont les objectifs sont la diminution du nombre de conflits armés et de l'oppression en améliorant par une formation les normes morales et culturelles des simples citoyens de la société. En février 1874, il est nommé Secrétaire international lors du premier congrès de la ‘Société pour l'amélioration des conditions des prisonniers de guerre’ nouvellement créée à Paris. Il conçoit en collaboration avec l'Italien Max Gracia l'idée de la fondation d'une bibliothèque mondiale qui sera reprise environ un siècle plus tard par l'UNESCO.
  • 32. 1867 - Revue États-Unis d’Europe Frédéric Passy (1822-1912), économiste et homme politique français, membre de l'Institut, lauréat du prix Nobel de la paix, a consacré sa vie à l'idéal pacifiste et a diffusé des idées féministes, abolitionnistes, sociales et libérales. À l'issue d'une campagne qu'il mène dans le journal Le Temps contre une guerre entre la France et la Prusse, il fonde à Genève la ‘Ligue de la paix et de la liberté’ en mai 1867. La Ligue ne parvient pas à empêcher la guerre franco-prussienne de 1870, ce qui conduit à sa dissolution. Mais, loin de se décourager, Passy crée la ‘Société française des amis de la paix’, qui devint en 1889 la ‘Société française pour l’arbitrage entre nations’, à vocation plus spécifique, ancêtre de la Société des Nations (SDN) puis de l'ONU. La Ligue fait paraître en 1867 sa revue États-Unis d’Europe. En décembre 1901, il reçoit conjointement avec le Suisse Henri Dunant, fondateur de la ‘Croix-Rouge’, le premier prix Nobel de la paix. Passy publie en 1909 son ouvrage Pour la Paix qui retrace son action en faveur de l’harmonie mondiale.
  • 33. 1871 - Fin de la guerre franco-allemande La guerre franco-allemande de juillet 1870 à janvier 1871 oppose la France à une coalition d'États allemands dirigée par la Prusse et comprenant les vingt et un autres États membres de la confédération de l'Allemagne du Nord ainsi que le royaume de Bavière, celui de Wurtemberg et le grand-duché de Bade. Cette guerre, déclenchée à la suite d’un démêlé diplomatique mineur, est consi- dérée par Otto von Bismarck , Premier ministre prussien, qui fait tout pour qu'elle advienne, comme une conséquence de la défaite prussienne lors de la bataille d'Iéna en 1806 contre l'Empire français. Le bilan humain est 238 000 morts du côté français, 49 000 du côté allemand. Forts de cette victoire, les États allemands s’unissent en un Empire allemand, proclamé au château de Versailles, le 18 janvier 1871. Le traité de Francfort (10 mai 1871) prévoit l’annexion par le Reich de l'Alsace (excepté le Territoire de Belfort) et d'une grande partie de la Lorraine. La France doit également supporter l'occupation d'un bon tiers de son territoire jusqu'en 1873, et le paiement d'une indemnité de 9 milliards de francs-or (5 d'indemnité de guerre et 4 de frais de guerre). ../.. Photo du bas : En présence de Bismarck, le traité de Francfort est scellé par Jules Favre, ministre des Affaires étrangères de la Troisième République
  • 34. 1871 - Guerres franco-allemandes : le cycle des revanches La France perd 1 597 000 habitants, 14 470 km², 1 694 communes et 20 % de son potentiel minier et sidérurgique. L’annexion de l’Alsace-Lorraine est pour Bismarck le « retour » à l'Allemagne de ces territoires qui ont jadis fait partie du Saint-Empire romain germanique. La reconquête de l'Alsace-Lorraine, des « provinces perdues », va devenir une obsession caractérisée par un revanchisme qui va être l'un des motifs du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Ainsi, la 2ème Guerre Mondiale (1939-45) avait pour cause majeure la volonté de revanche d’Hitler contre l’humiliation subie par le traité de Versailles (juin 1919), suite à la Première Guerre mondiale (1914-1918) qui avait pour raison principale la volonté de revanche des Français après l’humiliation subie par la proclamation de l’Empire allemand à Versailles (janvier 1971), au traité de Francfort et à l’annexion de l’Alsace-Lorraine, suite à une guerre de 1870-71 déclenchée pour des motifs d’ambitions natio- nalistes et une volonté de revanche des Prussiens après la victoire de Napoléon à Iéna et Auerstaedt en 1806… Images : - La Prusse humiliée à Iena et Auerstedt (1806). « Sans Iena, pas de Sedan ! » dira Bismarck. - Pendant l’entre deux-guerres, caricature symbolisant la volonté de revanche des Français (le coq gaulois) contre les Allemands (l’aigle impérial) après la défaite de 1871.
  • 35. 1885 - Partage de l’Afrique Le partage de l'Afrique désigne le processus de compétition territoriale entre les puissances européennes en Afrique, partie du mouvement général de colonisation de la fin du XIXe siècle (princi- palement entre 1880 et 1914). Les deux principaux pays européens concernés étaient la France et le Royaume-Uni. L'Allemagne, l'Italie, le Portugal, la Belgique et l'Espagne y ont aussi participé, mais de façon moins importante et souvent plus tardive. Cette division est souvent symbolisée par la Conférence de Berlin (1884-1885, photo), même si elle n'a fait que fixer des règles et n'a pas procédé au partage. Cette division a le plus souvent repris des tracés établis antérieurement en les modifiant parfois. La colonisation était un processus expansionniste qui consistait à conquérir militairement un pays, l’occuper et l’exploiter, à le mettre sous tutelle, à le dominer sur les plans politique, économique, culturel, religieux. Elle avait pour but l’exploitation des avantages d’un territoire (matières premières miné- rales, produits agricoles tropicaux, main d’œuvre, position stratégique, espace vital, etc.) au profit de sa métropole. Elle invoquait pour prétexte des notions telles que "le développement de la civilisation". Image du bas : Carte de l’Afrique colonisée en 1914
  • 36. 1905 à 1914 - Jean Jaurès Le Français Jean Jaurès, philosophe, grand orateur, député le plus jeune de son époque à 26 ans, journaliste, est un démocrate de conviction. Ses actions peuvent se résumer par une inébranlable lutte pour la défense de la paix et de la dignité humaine. Le 9 juillet 1905, alors qu'il doit assister à une réunion pour la paix à Berlin, il ne peut pas passer la frontière. Mais le discours qu'il devait prononcer est publié dans L’Humanité ainsi que dans le journal allemand Vorwärts. Il invite les ouvriers allemands et français à « travailler tous ensemble, avec le même cœur, pour fonder une paix définitive entre l’Allemagne et la France ». Le 25 juillet 1914, à Lyon-Vaise, il prononce son ultime discours contre la guerre : « Il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes, et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar. » Cinq jours après, Jaurès est assassiné au café du Croissant, à Paris. Trois jours plus tard, la guerre est déclarée.
  • 37. 1917 - Rudolf Steiner Rudolf Steiner (1861-1925), philosophe, occultiste et penseur sociétal autrichien, est le fondateur de l’anthroposophie qu’il qualifie de chemin de connaissance visant à restaurer les liens entre les hommes, la nature et les mondes spirituels. En juin 1917, il a un long entretien à Berlin avec le comte Otto von Lerchenfeld (1868-1938), ministre à la cour de Bavière. Durant les trois heures de cet échange, Steiner développe pour la première fois l’idée d’une tri-articulation de l’organisation de la société*. Comme contre-proposition de l’Europe centrale face au program- me du président états-unien Wodrow Wilson, il affirme la nécessité de surmonter l’État national centralisé classique, comme condition d’une future paix européenne. L’Europe a pour mission, selon lui, de porter et de faire rayonner dans le monde l’impulsion de la tri-articulation sociale. * Les fondements de l’organisation sociale sont pour Steiner : - le domaine de la culture et de l’esprit où l’individu peut exprimer ses diverses capacités : science, art, spiritualité et religion y offrent un chemin de liberté individuelle; - la politique qui élabore les lois; elle trouve son expression dans les assemblées démocratiques pour développer l’égalité entre les hommes; - l’économie répond aux besoins des hommes. Groupés en associations non corporatistes, ceux- ci peuvent développer l’intérêt pour autrui et vivre l’économie en fraternité.
  • 38. 1918 - Fin de la Première Guerre mondiale Le 11 novembre 1918 est signé l’armistice qui met fin à la Première Guerre mondiale. Les pertes humaines de cette guerre s'élèvent à environ 18,6 millions de morts : 9,7 millions de militaires (52 %) et 8,9 millions de civils (48 %). Les Alliés comme les Empires centraux perdent approximativement plus de 9 millions de vies chacun. Durant les 4 ans du conflit, près de 60 millions d'hommes ont pris les armes. En France, 10 % de la population masculine active est morte ou a disparu. Ces chiffres n’incluent pas le génocide subi par les Arméniens (1,3 à 1,5 million de morts) ni la grippe espagnole (30 à 50 millions de morts), conséquences indirectes de la guerre. La guerre a donné l’occasion à l’humanité d’inventer de nouveaux moyens de destruction : grenades, mines, mitrailleuses, gaz asphyxiants, chars d’assaut, avions, sous-marins, etc. Photo : La signature de l’armistice dans un wagon dans la forêt de Rethondes
  • 39. 1918 - Romain Rolland Romain Rolland (1866-1944), écrivain français, est professeur d’histoire de la musique à la Sorbonne. Il recherche la paix « Au- dessus de la mêlée” (titre de son livre paru en 1915) pendant et après la Première Guerre mondiale. En novembre 1918, il écrit une lettre ouverte au président Woodrow Wilson, publiée dans Le Populaire. « D’un bout à l’autre se lève, parmi les peuples, la volonté de ressaisir le contrôle de leurs destinées et de s’unir pour former une Europe régénérée. Mais entre eux reste ouvert l’abîme de méfiance et de malentendus. Il faut jeter un pont sur ce gouffre. Il faut rompre les fers de l’antique fatalité qui rive ces peuples aux guerres nationales et les fait, depuis des siècles, se ruer aveuglément à leur mutuelle destruction. » Il fondateur la revue Europe en février 1923. Née sous les auspices du pacifisme de l'entre-deux-guerres, Europe a ensuite longtemps été proche du Parti communiste français. Tenaillé par son idéal humaniste et sa quête d’un monde non- violent, il fait connaître Gandhi en Europe et le reçoit chez lui en Suisse en 1931.
  • 40. 1919 : Le traité de Versailles Le traité signé en juin 1919 à Versailles et les traités annexes déterminent les sanctions prises à l'encontre de l'Allemagne et de ses alliés (Autriche-Hongrie, Empire ottoman). L’Allemagne, qui n'est pas représentée au cours de la conférence, est amputée de 15 % de son territoire et de 10 % de sa population au profit de la France, de la Belgique, du Danemark, et surtout de la Pologne, recréée. Elle est privée de ses colonies et astreinte à de lourdes réparations économiques et à d'importantes restrictions de sa capacité militaire. « Paix » pour les uns, « diktat » pour les autres, le traité contient en germe les causes d'un second conflit, vingt ans plus tard. Il sera dénoncé comme tel par des personnalités telles que le pape Benoît XV (1854-1922), l’économiste anglais John Maynard Keynes (1883-1946) ou en France par le courant socialiste mené par Jean Longuet (1876-1938). La première partie du traité établit une charte pour la création de la ‘Société des Nations’ (SDN). Photos : La signature à Versailles Le traité vu par la presse allemande comme une condamnation à mort
  • 41. 1920 - Pierre Ceresole Le Suisse Pierre Ceresole (1879-1945) étudie à Zürich, voyage aux États-Unis, est ingénieur au Japon. En 1915, il est profondément impressionné par le "refus de servir" de l'instituteur vaudois John Baudraz, et par l'absence de prise de position des Églises à son sujet. Étant libéré de l'obligation militaire pour raisons de santé, il refuse de payer la "taxe militaire" (impôt remplaçant la participation à l'armée) et subit sa première condam- nation à un jour de prison. En novembre 1917, il appelle à refuser les « idoles nationales ». En 1919, il est cofondateur aux Pays-Bas du ‘Mouvement international de la Réconciliation’ (International Fellowship of Reconciliation’ - IFOR). Il devient le premier secrétaire général de cette nouvelle internationale de chrétiens refusant la guerre. En 1920, il crée le ‘Service civil international’ (SCI), et ouvre près de Verdun, avec des amis allemands, autrichiens et anglais, le premier chantier de reconstruction, d’une durée de 5 mois. « Cette idée de vouloir faire triompher la justice par la violence paraîtra un jour aussi bête et fausse que nous paraît la torture pour savoir la vérité ».
  • 42. 1923 - Heinrich Mann L’écrivain allemand Heinrich Mann (1871-1950) écrit en 1923 le texte L’Europe, État suprême, où il déclare : « Notre foi, c’est l’Europe ! » et en affirme « la nécessité absolue ». Ses œuvres sont brûlées lors des autodafés nazis de 1933. Il émigre en France, puis aux États-Unis. Son jeune frère Thomas Mann (1875-1955, image du milieu), lauréat du prix Nobel de littérature en 1929, également adversaire résolu du nazisme, émigre en 1933 en Suisse puis aux États-Unis. Il est déchu de la natio- nalité allemande en 1936. Dans l’essai Dieser Krieg (Cette guerre - 1939) édité à Amsterdam, il appelle à la résistance au nazisme et souhaite la naissance d’une « confédération européenne ». Durant les années de guerre, il lance par la BBC des appels aux Allemands leur demandant de s’opposer à Hitler en fidélité à Goethe et Schiller. Il se réinstalle en Suisse en 1952 pour ne pas avoir à choisir entre l’Allemagne de l’Ouest ou de l’Est. Klaus Mann (1906-1949, image du bas), fils de Thomas, Européen antifasciste, déclare en 1930 : « L'Europe devra s'unir pour des raisons économiques. Mais cette union demeurera dépourvue de sens s'il lui manque les présupposés intellectuels qui seuls la doteront d'une réalité supérieure.» Il résume sa pensée en 1943, dans un texte inspiré intitulé Le coeur de l'Europe.
  • 43. 1923 - Richard Coudenhove-Kalergi Richard Niklaus von Coudenhove-Kalergi (1894-1972) est un homme politique, essayiste, historien et philosophe d'origine austro- hongroise par son père et japonaise par sa mère, naturalisé Français en 1939 après avoir fui le nazisme. En juillet 1922, il lance son premier appel à l'unité de l'Europe, intitulé La Question européenne, dans la Neue Freie Presse de Vienne et la Vossische Zeitung de Berlin. En 1923 est publié à Vienne son livre Paneuropa. Il développe l'idée de réunir le charbon allemand et l'acier français. En 1929, Aristide Briand présente l'idée européenne à la Socié- té des Nations à Genève : « Entre des peuples qui sont géographi- quement groupés comme les peuples d'Europe, il doit exister une sorte de lien fédéral ». R. N. de Coudenhove-Kalergi propose alors la création de l'hymne national européen sur une musique de Ludwig van Beethoven, l’Ode à la joie de la neuvième symphonie. En 1930, au IIème ‘Congrès Paneuropéen’ à Berlin, il propose de célébrer une journée de l'Europe au mois de mai. En décembre 1933 est inauguré le ‘Centre économique paneuropéen’ à Vienne. En 1952, il est élu président d'honneur du ‘Mouvement européen’.
  • 44. 1924 - Hermann Hesse Hermann Hesse (1877-1962), est un romancier, poète, peintre et essayiste allemand. Sa famille paternelle est d'origine balte, sa mère a des origines souabes et suisses. Il devient un écrivain connu à partir de 1904. Il collabore jusqu'en 1912 à l'édition de la revue libérale März, dirigée contre le régime de Guillaume II. C’est un des rares intellectuels euro- péens à comprendre la monstruosité de la 1ère Guerre mondiale, l’abjection de la haine nationaliste et les impostures de la propagande. « La paix plus noble que la guerre, c'est exactement ce que cette guerre mondiale contre nature devrait graver dans nos mémoires. » Au service de l'Assistance aux prisonniers allemands, il procure des livres à des centaines de milliers de prisonniers en France, en Angleterre, en Russie et en Italie. En 1924, il obtient la nationalité suisse. En 1932, il s'exprime pour les auteurs - juifs ou non - pourchassés par les nazis. Durant la guerre de 1939-1945, ses œuvres sont interdites en Allemagne, son éditeur est arrêté par la Gestapo. Il obtient le prix Nobel de littérature en 1946 et le ‘Prix de la paix’ des libraires allemands en 1955.
  • 45. 1924 à 1927 - Edgar Stern-Rubarth, Elemér Hantos, Émile Borel Le 12 avril 1924, le journaliste, écrivain et chef d'entreprise allemand Edgar Stern-Rubarth (1883-1972) et l'économiste hongrois Elemér Hantos (1880-1942), ex-Secrétaire d'État dans son pays, fondent le ‘Comité international pour l'Union Douanière Européenne’. Ce comité comprend bientôt 12 membres et essaime dans d'autres pays européens après que les initiateurs du projet se sont adressés à la ‘Société des Nations’ (SDN) pour solliciter son aide à la création d'un grand marché libre des Européens, garant de la paix économique. Ils font partie des 10 personnalités internationales, dont l'écono- miste français Charles Gide (1847-1932), qui lancent le 12 mars 1925 un appel en faveur d'une ‘Union douanière européenne’. Le ‘Comité français de coopération européenne’, fondé en 1927 par le mathématicien français et député radical Émile Borel (1871- 1956), prône, dans le cadre de la Société des Nations, une coopé- ration renforcée entre puissances européennes, autour de la France, de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne. Photos : Elemér Hantos, Émile Borel
  • 46. 1929 - Aristide Briand et Gustav Stresemann Le 5 septembre 1929 à Genève, lors de la 10ème session de la Socié- té des Nations (SDN), le Français Aristide Briand (1862-1932, image du haut), président du Conseil et ministre des Affaires étrangères, propose un ‘Mémorandum sur l'organisation d'un régime d‘Union fédérale européenne’. « Je pense qu’entre des peuples qui sont géographiquement groupés, comme les peuples d’Europe, il doit exister une sorte de lien fédéral. Ces peuples doivent avoir à tout instant la possibilité d’entrer en contact, de discuter de leurs intérêts communs, de prendre des résolutions communes. » Le 9 septembre 1929, cette suggestion reçoit le soutien appuyé du chancelier allemand Gustav Stresemann (1878-1929, image du bas), lors d’un nouveau discours portant sur cette même question du "désarmement douanier". À la tête de cette « Union européenne », conçue comme une « agence régionale » de la SDN, on trouverait un « organe représentatif directeur » composé des représentants de tous les gouvernements européens, la « Conférence européenne ». En complément de cet organe décisionnel, serait créé un organe exécutif et « instrument d’action », le « Comité politique permanent ». Il s’agit là d’un système fondamentale- ment intergouvernemental et sans contrôle démocratique direct.
  • 47. 1933 : Julien Benda Julien Benda (1867-1956) est un critique, philosophe et écrivain français, défenseur d’Alfred Dreyfus. Dans La trahison des clercs (1927), il reproche aux intellec- tuels ("les clercs") d'avoir quitté le monde de la pensée désinté- ressée pour se commettre dans des passions politiques de race, nation, classe ou parti : antisémitisme, xénophobie, nationalisme, militarisme, nationalisme, marxisme, etc. Dans son Discours à la nation européenne (1933), il s’adres- se avec véhémence à ceux qui veulent vraiment faire l’Europe pour qu’ils ne se trompent pas sur sa nature et sur les conditions de sa possibilité. Sa nature n’est pas d’ordre matériel, économique, moné- taire, elle est essentiellement intellectuelle et morale. L’Europe est une idée qui n’a pas d’autre support que la force de l’esprit ayant la volonté d’incarner cette idée dans la réalité. Seule la passion de la raison peut faire contrepoids au nationalisme et aux susceptibilités de genre, de culture, de religion. ../..
  • 48. 1933 : Julien Benda « L’Europe ne sera pas le fruit d’une simple transformation éco- nomique, voire politique. Elle n’existera vraiment que si elle adopte un certain système de valeurs, morales et esthétiques ; si elle pratique l’exaltation d’une certaine manière de penser et de sentir, la flétrissure d’une autre ; la glorification de certains héros de l’histoire, la démonéti- sation d’autres. (…) L’Europe se fera comme s’est faite la nation. Celle-ci n’a vraiment existé que le jour où elle a possédé un système de valeurs propre à sa nature. (…) Les transformations économiques de l’Europe ne lui seront vrai- ment acquises, ne pourront être tenues pour stables, que le jour où elles seront liées à un changement profond de sa moralité, de ses évaluations morales. La Matière invite l’Esprit à lui donner l’existence. Il faudra renoncer à la forme individualiste de l’économique et accéder à une forme collective et concertée. (…) Elle devra renoncer à l’exercice illimité de son pouvoir d’entreprendre, et rationner sa soif d’enri- chissement, discipliner sa production. Il lui faudra changer sa conception de la monnaie. Celle-ci a pour garantie la discipline des peuples qui la manient. » « Nécessité pour ses éducateurs de croire à une action morale, transcendante à l’économique. Revenir de Marx à Platon » « Ce n’est pas le Zollverein qui a fait l’Allemagne, ce sont les Discours à la nation allemande de Fichte ». Photos : Platon et Johann Gottlieb Fichte (1762-1814)
  • 49. 1934 - Stefan Zweig Stefan Zweig (1881-1942), est un écrivain, dramaturge, poète, roman- cier, journaliste et biographe autrichien, issu d’une famille juive. Il est sauvé de la dépression par l’opiniâtreté de son maître Romain Rolland dans sa lutte contre la guerre. Il condamne ensemble fascisme, nazisme et stalinis- me, considérés comme des « excroissances du nationalisme ». Il fuit le nazisme en février 1934, se réfugie à Londres (où il est naturalisé britan- nique) puis à New-York, puis au Brésil. L’Europe à construire est un sujet qui le préoccupe une grande partie de sa vie et plus encore au cours de ses dix dernières années. Il plaide pour une unification de l’Europe qui passerait également par la culture et l’huma- nisme. Dès 1932, il anticipe la construction européenne et insiste sur l’im- portance des échanges universitaires. En 1934, il propose des rencontres de citoyens européens à l’occasion de grands colloques professionnels. « Tant que l’idée européenne n’aura pas pris une forme fondamen- talement visible, sensible et capable de susciter l’enthousiasme, elle sera condamnée à la stérilité et ne parviendra pas à se transformer en réalité. » « Ma patrie spirituelle, l'Europe, s'est détruite elle-même. (…) Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore l'aurore après la longue nuit ! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux. »* * Lettre expliquant son suicide
  • 50. 1938 - Accords de Munich Les accords de Munich sont signés le 30 septembre 1938 entre l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l'Italie représentés respectivement par Adolf Hitler, Édouard Daladier, Neville Chamberlain et Benito Mussolini, afin de régler "pacifi- quement" le conflit qui oppose Adolf Hitler et la Tchécoslovaquie. Ils prévoient l'évacuation du territoire des Sudètes par les Tchèques avant le 10 octobre et son occupation progressive par les troupes allemandes. La France abandonne ainsi la Tchécoslovaquie à Hitler malgré un traité d’alliance qui garan- tissait ses frontières. Winston Churchill aurait proféré une formule célèbre : « Ils devaient choisir entre le déshonneur et la guerre. Ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la guerre ». Gandhi de son côté déclare : « L'Europe a vendu son âme pour une existence terrestre de deux jours de plus. La paix que l'Europe a gagnée à Munich est le triomphe de la violence, et c'est aussi sa défaite. Si l'Angleterre et la France avaient été sûres de la victoire, elles auraient certainement rempli leur devoir : sauver la Tchécoslovaquie. Mais elles ont reculé devant la violence combinée de l'Allemagne et de l'Italie. »
  • 51. 1941 - Dietrich Bonhoeffer Dietrich Boenhoeffer (1906-1945) est un pasteur luthérien, théolo- gien et écrivain allemand. En 1935, il rejoint ‘l’Église confessante’ (Bekennende Kirche), opposée au nazisme, dissoute en 1937. Interdit d’enseigner, il dirige un séminaire pastoral clandestin. À Stockholm, il donne aux Britanniques des preuves de l’extermination des Juifs et leur demande de l’aide pour éliminer Hitler. En août 1941, il rédige à Genève avec le pasteur et théologien néerlandais Willem Visser’t Hooft (1900-1985) le mémoire L’Église et la réorganisation de l’Europe : « Nous croyons qu’il est possible de trou- ver en Allemagne des hommes qui ont prouvé, par leur attitude pendant les dernières années, qu’ils ne sont pas intoxiqués par des idées nationales-socialistes, et qu’on peut compter sur eux comme collabo- rateurs loyaux d’une communauté européenne des nations. Et nous croyons qu’il faudrait leur donner une chance, non seulement à cause de l’Allemagne, mais à cause de l’Europe entière. » Arrêté le 5 avril 1943 sous l'inculpation d’ "affaiblissement du potentiel de guerre de l'Allemagne", il est condamné à mort par la Cour martiale, comme l'amiral Wilhelm Canaris et le général Hans Oster, et pendu nu dans le camp de Flossenbürg le 9 avril 1945.
  • 52. 1943 - La Rose Blanche Sous le nom Die Weisse Rose (‘la Rose blanche’), des étudiants munichois* se constituent, à partir du printemps 1942, en groupe de résistance contre l’idéologie et le régime nazis. L’activité du groupe consiste pour l’essentiel dans la diffusion de tracts à des milliers d'exemplaires à Munich et dans plusieurs autres grandes villes. Ces tracts, d’une haute tenue littéraire et philosophique, soutiennent que tout Allemand qui ne s’oppose pas ouvertement au régime nazi est coupable des crimes du régime. Les Résistants sont dénoncés et exécutés. L'écrivain allemand anti-nazi en exil Thomas Mann (1875-1955) leur rend hommage sur les ondes de la BBC tandis que, durant l'été 1943, l'aviation anglaise jette sur le pays un million d'exemplaires du dernier tract rédigé par le professeur Kurt Huber. Dans leur 5ème tract, les Résistants écrivent : « Les peuples européens auront à se connaître et à s'unir pour jeter les bases d'un relèvement commun. (…) Seule une saine coopération fédérale entre États permettra à l’Europe exsangue de reprendre vie. » * Alexander Schmorell, Sophie, Hans et Inge Scholl, Christoph Probst, Willi Graf, Traute Lafrenz, Jürgen Wittenstein, Lilo Ramdohr, soutenus par leur professeur Kurt Huber. Photo du haut : H. et S. Scholl et C. Probst
  • 53. 1944 - Déclaration des Résistances européennes La ‘Déclaration des résistances européennes’ est un texte présentant un projet de fédération européenne, publié le 7 juillet 1944 à Genève à l'initiative d'Ernesto Rossi (1897-196, photo 1), Altiero Spinelli (1907-1986, photo 2), Henri Frenay (1905-1988, photo 3) et d'autres chefs de mouvements de Résistance au nazisme en Europe. « La paix européenne est la clé de voûte de la paix du monde. En effet, dans l’espace d’une seule génération, l’Europe a été l’épicentre de deux conflits mondiaux qui ont eu avant tout pour origine l’existence sur ce continent de trente États souverains. Il importe de remédier à cette anarchie par la création d’une Union fédérale entre les peuples euro- péens. » « L’Union fédérale devra être fondée sur une déclaration des droits civils, politiques et économiques qui garantira le libre développe- ment de la personnalité humaine et le fonctionnement normal des institutions démocratiques. » La structure de l'Union fédérale devait être composée de trois organes : 1) un gouvernement responsable envers les peuples des États membres; 2) une armée placée sous les ordres de ce gouvernement, remplaçant les armées nationales; 3) un tribunal suprême chargé de juger les différends entre États membres ou entre la Fédération et les États.
  • 54. 1944 - Création du Benelux Pendant la Seconde Guerre mondiale déjà, les gouverne- ments de Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg décident de collaborer plus étroitement. Le Benelux est créé le 5 septembre 1944 (à Londres, par les trois gouvernements en exil) comme union douanière ayant pour objet de mettre fin aux barrières douanières aux frontières et de garantir la libre circulation des personnes, des biens et des services entre les trois pays. ‘L’Union économique Benelux’, impliquant un élargissement et un approfondissement de la coopération économique, est instituée à La Haye par le traité du 3 février 1958 pour une durée de 50 ans, jusqu’à 2008. Elle est remplacée par le traité de La Haye du 17 juin 2008 instituant l’’Union Benelux’ (entrée en vigueur le 1er janvier 2012).
  • 55. 1945 - Fin de la Deuxième Guerre mondiale Le 8 mai 1945 est la date de la victoire des Alliés sur l'Alle- magne nazie et de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, marquée par l'annonce de la capitulation de l'Allemagne. La guerre prendra fin en Asie avec la capitulation du Japon le 2 septembre suite aux bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki les 6 et 9 août. Cette guerre, initiée par des pays d’Europe, constitue le conflit armé le plus vaste que l’humanité ait connu, mobilisant plus de 100 millions de combattants de 61 nations, déployant les hostilités sur 22 millions de km2, et tuant environ 62 millions de personnes, dont une majorité de civils. On assiste à l'émergence, à une échelle inconnue jusqu'alors, de crimes de masse particulièrement atroces et pour certains sans précédent, tout particulièrement à l'instigation de l'Allemagne nazie et du Japon impérial. Cette guerre propulse les États-Unis et l’URSS, principaux vain- queurs, au rang de superpuissances concurrentes appelées à dominer le monde et à se confronter dans une vive rivalité idéologique et politique, pendant près d'un demi-siècle, et à s'affronter militairement par États interposés (guerres de Corée, du Viêtnam, d'Afghanistan). ■