1. Université Hassan II _Mohammedia
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Mohammedia
Département de Philosophie, Sociologie et Psychologie
Filière de Sociologie
U.E: Thèmes & textes choisis (Genre & Sociétés)
Niveau: 6ème semestre
Professeur : Mme Souad AZIZI
LE CONCEPT DE CONSTRUCTION
SOCIALE DES SEXES
DE MARGARET MEAD
2. Margaret MEAD (1901-1978)
• Anthropologue américaine
• Représentante du courant culturaliste (Voir
diaporama de cours du même nom)
Filière de Sociologie de Mohammedia/Genre et société/6ème semestre/Professeur: Souad Azizi
3. Apport de MEAD à l’anthropologie du genre
1ère à déconstruire le déterminisme biologique.
Démontre que le tempérament des hommes et des
femmes n’est pas déterminé par le sexe biologique
mais construit par la société.
Contribue à la distinction du sexe social du sexe
biologique.
Montre que le tempérament et les rôles sociaux
attribués aux hommes et aux femmes sont variables
d’une société à l’autre et n’ont pas de fondement
biologique.
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4. Titre de l’ouvrage référence
• Titre original : Sex and Temperament in
Three Primitive Societies, 1935.
• Traduction française : Mœurs et sexualité en
Océanie, 1963.
• Remarque : La traduction française gomme
totalement l’objet explicite de l’ouvrage.
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5. Objet de Sex and Temperament
L’objectif de Mead n’est
- ni de vérifier s’il existe ou non « des différences réelles et universelles,
qualitatives ou quantitatives » entre les sexes
- ni d’établir « un traité sur le droit des femmes »,
- ni de faire « une enquête sur les fondements du féminisme ».
Son intention clairement énoncée et explicitée est « d’exposer dans quelle
mesure, chez trois populations primitives, les manifestations sociales du
tempérament sont fonction des plus évidentes différences entre les deux
sexes ».
Ce qu’elle soumet donc à question ce sont les corrélations « naturelles » que
l’on établit dans sa propre société (Nord-américaine) entre les attitudes
tempéramentales et le sexe biologique des individus.
Pourquoi ce détour par trois sociétés exotiques?
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6. Approche des sociétés autres et approche comparative
« Pourquoi étudier ce problème chez des sociétés primitives ? C’est parce
que là, nous trouvons le drame de la civilisation écrit en petit, un
microcosme social semblable en espèce, sinon en dimensions, aux
structures sociales complexes de peuples qui, comme le nôtre, sont
tributaires d’une tradition écrite, et de l’intégration d’un grand nombre
de traditions historiques et contradictoires. Voilà donc ce que j’ai voulu
étudier chez les doux montagnards Arapesh, les féroces cannibales
Mundugumor, les gracieux chasseurs de tête Tchambuli. Comme toute
société humaine, chacune de ces tribus avait donné à la différence entre
les sexes une interprétation sociale particulière. En comparant ces
interprétations, il est possible de discerner plus clairement la part des
constructions de l’esprit par rapport à la réalité des faits biologiques
sexuels. » (Mead, 1963 : p. VIII)
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7. Principales différences observées entre les 3 sociétés primitives
• Types de société et cadre de vie
• Mode de subsistance et principale activités
• Organisation du travail et répartition des tâches
• Type d’habitat et mode de résidence du couple
• Organisation sociale
• Type de mariage
• Rôle des hommes et des femmes
• Tempérament des deux sexes
• Formation de l’individu dans les 1ères années de vie
• Type d’initiation selon le sexe, accès des femmes aux
secrets des hommes
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8. Les trois sociétés étudiées
Les Arapesh Les Mundugumor Les Chambuli
« doux
montagnards »
« féroces
cannibales »
« gracieux chasseurs
de têtes »
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9. Types de société et cadre de vie
Les Arapesh Les Mundugumor Les Chambuli
Société
d’horticulteurs
Société de cannibales,
chasseurs de têtes
Société de cannibales,
chasseurs de têtes
Territoire dans la
plaine et dans la
montagne près du
bassin du fleuve
Sépik
Territoire sur les
berges du Yuat,
affluent du fleuve
Sépik
Territoire sur les
berges d’un lac,
300km de
l’embouchure du
fleuve Sépik
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10. Mode de subsistance et principales activités
Les Arapesh Les Mundugumor Les Chambuli
Horticulture et
chasse au gibier =
principales activités
nourricières
Horticulture & pêche
au poisson =
principales activités
nourricières
Activités secondaires
: La chasse aux têtes
et le commerce
Pêche et vannerie :
activités principales
Activités secondaires
: La chasse aux têtes,
la peinture, la
sculpture et le
commerce
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11. Organisation du travail et répartition des tâches
Les Arapesh Les Mundugumor Les Chambuli
Coopération entre hommes et
femmes
Le travail féminin = principale
source de subsistance, source
de richesse et de prestige pour
les hommes
Principale source de
subsistance = le travail féminin
Horticulture : Les hommes
cultivent des jardins en
terrasses (très escarpées),
difficiles d’accès, difficiles à
protéger des porcs
domestiques et sauvages.
Coopération entre hommes et
femmes
Coopération entre hommes
pour la culture, la chasse et la
construction des maisons
Activités féminines :
Jardinage, culture du tabac et
pêche.
Activités masculines : Echange
des produits du travail des
femmes (tabac, noix d’arec et
de coco) contre les produits
fabriqués par les tribus des
marais. La chasse aux têtes et
l’organisation de fêtes.
Activités masculines
irrégulières : culture
d’ignames, fabrication du
sagou.
Activités féminines : pêche
quotidienne, récolte de plantes
aquatiques sucrées (canne à
sucre, tiges de lotus) ; tressage
de filets moustiquaires.
Activités masculines : Echange
de poisson fumé et de filets
moustiquaires pour achat de
sagou et de taro. Activités
artistiques (peinture et
sculpture) et organisation de
fêtes.
Activités masculines
irrégulières : culture
d’ignames et de taro
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12. Type d’habitat
Les Arapesh Les Mundugumor Les Chambuli
Communautaire Individuel Sexuellement divisé
Vivent dans des hameaux
dont les hommes sont unis
par des relations de parenté.
Chaque mari peut posséder
jusqu’à trois cases pour sa
famille.
Case des hommes : Espace
de réunion de tous les
hommes du village. Espace
des initiations et rituels
masculins secrets
Ni village, Ni case des
hommes.
Chaque mari a plusieurs
cases entourées d’un enclos
et cachées au milieu de la
brousse.
Hostilité et rivalité
quotidienne entre hommes,
entre femmes et entre
membres d’une même
famille
Les cases des hommes (15)
sont alignées le long de la
rive du lac.
Les cases des femmes se
trouvent sur les flancs de la
colline dans le prolongement
des terrains de culture.
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13. Organisation sociale
Les Arapesh Les Mundugumor Les Chambuli
Filiation patrilinéaire Filiation « de la corde » Filiation patrilinéaire
Transmission du nom et des
biens en ligne patrilinéaire
Pas de notion de propriété :
« les hommes appartiennent à la
terre » et non l’inverse.
Société communautaire, pas
d’individualisme prononcé.
Société égalitaire, pas
d’institution politique.
Le rôle des chefs est surtout
cérémoniel.
Une corde comprend un
homme, ses filles, les fils de ses
filles, les filles des fils de ses
filles ou bien une femme, ses
fils, les filles de ses fils, les fils
des filles de ses fils.
Transmission des biens suivant
l’ordre de filiation de la corde.
(les filles héritent même des
armes de leurs pères et les
transmettent à leur fils).
Autorité des mères sur les fils
et autorité des pères sur les
filles.
Relations conflictuelles entre
co-épouses, entre frères
germains et entre demi-frères.
Les hommes ayant un ancêtre mâle
commun portent le même nom,
forment un groupe distinct et
possèdent en commun une terre et
une case (indivision).
Solidarité entre hommes d’une
même case fragile (querelles
fréquentes).
Relations d’évitement entre un père
et son fils aîné et le cadet immédiat,
ses deux successeurs immédiats.
L’oncle paternel = « petit papa »,
relations affectueuses avec ses
neveux.
Organisation clanique et duale. La société
est divisée en deux « moitiés » exogames ;
le « peuple du Soleil » et le peuple de la
« Mère » ; chaque clan peut être divisé en
deux « moitiés »
Chaque homme appartient aussi à
plusieurs autres groupes, « il est comme un
acteur qui joue de nombreux rôles » (p.
224)
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14. Type de mariage
Les Arapesh Les Mundugumor Les Chambuli
Mariage exogame.
Fiançailles précoces d’un
adolescent à peine nubile à une
petite fille de 5 à 6 ans.
Résidence virilocale.
La polygamie si elle existe n’est
pas une source de prestige ou une
démonstration de puissance
virile. L’institution du lévirat
impose à l’homme de prendre en
charge la veuve de son frère et
ses enfants
Polygamie courante, considérée
comme source de richesse et de
prestige (6 à 9 femmes).
Mariage exogame idéal : échange
direct de sœurs. Droit de
prééminence du frère sur sa sœur,
en contradiction avec le fait
qu’elle n’appartient pas à sa
corde. Le père peut user de son
autorité pour échanger sa fille
contre une jeune épouse.
Les sœurs = un motif de conflit
entre frères, une source de conflit
entre père et fils. La présence de
rivales de la mère autre source
de tensions entre père/fils et
entre demi-frères.
La rivalité fille/mère est aussi
vivace que la rivalité fils/père
Mariage endogame entre cousins
croisés (la fille de l’un des demi-
frères ou cousins de la mère.
L’épouse est appelée « aiyai »
comme la mère; le même nom
est donné à toutes les petites
filles du clan maternel.
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15. Rôles des hommes et des femmes
Les Arapesh Les Mundugumor Les Chambuli
Les femmes ont un rôle de
reproduction.
Les hommes ont un rôle
d’entretien. Ils pourvoit à
l’alimentation de leur
femme, leurs enfants, leurs
parents et autres proches
consanguins.
Fonction « maternelle » du
père : rôle important dans les
soins apportés aux enfants
dans les premières années de
vie.
Les rôles des hommes et des
femmes ne sont pas
clairement distingués.
Les femmes ont un rôle
économique important.
Le rôle des hommes est
essentiellement cérémoniel
et artistique.
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16. Tempérament des deux sexes
Les Arapesh Les Mundugumor Les Chambuli
Pas de différence entre le
tempérament des hommes et des
femmes. Les deux sont
« maternels » selon le point de
vue occidental.
Idéal domestique chez les deux
sexes.
Rapports sexuels considérés comme
dangereux : mise en contact du chaud
(principe masculin) et du froid
(principe féminin).
Apprentissage dès l’enfance de règles
et de tabous pour maitriser toute
pulsion sexuelle nuisible à la
croissance de leur propre corps au
moment de la puberté, à celle de leur
enfant pendant la grossesse et
pendant ses premiers mois de vie, ou
à la croissance des ignames ou à la
qualité du gibier.
Pas de différence entre le
tempérament des hommes et des
femmes.
Tempérament agressif et violent
chez les deux sexes.
Les rapports sexuels violents et
passionnés sont recherchés par les
femmes comme par les hommes.
L’abstinence imposée par les tabous
relatifs à la croissance au moment de
la puberté ou relatifs à la croissance
du fœtus sont difficilement supportés
par l’homme comme par la femme.
En fait, ils sont rarement respectés.
Tempéraments sexuellement
différenciés et inversés par
rapport aux autres sociétés
patrilinéaires
Les femmes sont flegmatiques et
dominatrices et sont d’un
tempérament sexuel
entreprenant. Tandis que les
hommes sont émotionnellement
instables.
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17. Formation de l’individu dans les premières années de vie
Les Arapesh Les Mundugumor Les Chambuli
L’homme participe aux soins des enfants.
L’homme comme la femme sont maternels,
doux et attentionnés envers leurs enfants.
On apprend aux enfants à considérer tous
les adultes comme des parents affectueux ;
pas de différence entre les différents
membres de la famille. Les consanguins et
les alliés sont également respectés et aimés.
L’enfantement n’est désiré ni par l’homme,
ni par la femme.
La femme n’accepte pas son état qui la
prive de satisfaction sexuelle et peut
entrainer son mari vers la recherche d’une
autre épouse.
Beaucoup de discussions entre mari et
femme pour savoir si on va ou non garder le
premier enfant. Souvent le premier né n’est
pas lavé, sauf si c’est une fille. La pratique
de l’adoption est préférée à l’enfantement.
L’enfant n’est pas désiré et il est traité
durement dans les premiers mois de sa vie
(174-175) ; la mère n’est pas du tout
maternelle (tétée rapide, debout, enfant tout
le temps suspendu dans un panier dur et
sombre. Le sein n’est donné que pour
nourrir, jamais pour consoler, apaiser ou
jouer. Le sevrage est précoce et très rude
(177).
On apprend aux enfants à faire des
distinctions entre les différents membres de
la famille.
Tout enfant doit mettre à mort un
prisonnier qui va être mangé par le groupe
(189).
La mère et les autres femmes traitent les
enfants avec indulgence et insouciance. Un
homme chambouli est toujours sûr, à tout
âge, de trouver du réconfort auprès du
groupe des femmes, alors que ses relations
avec les hommes sont toujours tendues
(225).
Les enfants sont sevrés tard, n’importe
comment, et ils sont bourrés de friandises
par leur maman
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18. Type d’initiation selon le sexe et accès des femmes aux secrets des hommes
Les Arapesh Les Mundugumor Les Chambuli
Seuls les enfants mâles sont
initiés ; les femmes et les
enfants des deux sexes sont
tenus dans une ignorance
totale et leur peur des êtres
surnaturels est nourrie et
maintenue.
Les secrets de l’initiation sont connus
des femmes qui peuvent se soumettre
à l’épreuve si elles le souhaitent.
Aucune relation entre l’initiation la
fin de la croissance ou le droit de se
marier. « Tout est organisée autour de
l’idée d’exclusion, et du droit de ceux
qui ont été initiés de mépriser et
d’exclure ceux qui ne l’ont pas été. »
(163)
L’initiation ne sert pas non plus à
réaffirmer face aux femmes la
solidarité des hommes.
Les femmes peuvent être initiées si
elles le souhaitent mais elles ne sont
pas incisées et doivent respecter des
tabous alimentaires pendant un an.
Les secrets des hommes sont
pour les femmes des secrets
de polichinelles que les
petites filles découvrent
avant les petits garçons, bien
qu’elles ne soient pas initiées
comme ces derniers.
Les femmes font semblant
d’ignorer tout « pour ne pas
vexer les hommes ».
Filière de Sociologie de Mohammedia/Genre et société/6ème semestre/Professeur: Souad Azizi
19. Rapport à la violence
Les Arapesh Les Mundugumor Les Chambuli
Ne connaissent ni la guerre,
ni le viol
Le blessé doit payer le prix
du sang car « le sang vient
de la mère ; il est par
conséquent, la propriété du
groupe maternel » (p24),
voir rôles rituels du frère de
la mère.
Société violente envers les
étrangers (cannibalisme).
Mais la violence est aussi
structurelle entre ses
membres.
Société violente avec les
étrangers.
Querelles fréquentes entre
les hommes d’un même clan,
mais les femmes sont source
de réconfort et d’équilibre
émotionnel.
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