Mémoire et reconnaissance de crimes du passé. — 10. La mémoire des crimes des guerres dans l'Ex-Yougoslavie
1. Diaporamas ‘De l’offense à la réconciliation’
Série ‘Mémoire et reconnaissance de crimes du passé’
10 - La mémoire des crimes des guerres
dans l’ex-Yougolavie (1991-2001)
Étienne Godinot 11.05.2023
2. La série de diaporamas
‘De l’offense à la réconciliation’
Sommaire - Rappel
Série 1 : Mémoire et reconnaissance de crimes du passé
1 - Introduction
2 - La mémoire de l’esclavage
3 - La mémoire du colonialisme
4 - La mémoire du génocide des Arméniens
5 - La mémoire de la Shoah
6 - La mémoire des crimes du communisme
7 - La mémoire des crimes commis par les États-Unis
8 - La mémoire des crimes des Khmers rouges au Cambodge
9 - La mémoire du génocide du Rwanda
10 - La mémoire des crimes commis pendant les guerres en ex-Yougoslavie
11 - La mémoire de l’apartheid en Afrique du Sud
12 - La mémoire des crimes commis par les institutions religieuses
Série 2 : Justice, pardon et réconciliation
1 - Justice, pardon et réconciliation : dissiper les malentendus
2 - Pardon et réconciliation entre personnes
3 - Pardon et réconciliation entre groupes humains
4 - La réconciliation franco-allemande
5-1 - L’Algérie et la France : de 1830 à 1962
5-2 - L’Algérie et la France : depuis 1962
6 - Le Japon et les traces de sa période impériale en Asie du Sud-Est
7 - La Chine. Une volonté de revanche ?
8 - Institutions en faveur des droits humains.
9 - Relire et dépasser le passé pour inventer l’avenir
3. La mémoire des crimes des
guerres dans l’ex-Yougoslavie
(1991-2001)
Les guerres de l’ex-Yougoslavie sont une série de
conflits violents dans les territoires de l'ancienne ‘Républi-
que fédérative socialiste de Yougoslavie’ entre 1991 et
2001. Deux séries de guerres se succèdent, affectant les
6 Républiques de la défunte fédération. On parle aussi de
« guerre des Balkans », de « guerre civile yougoslave » ou
plus rarement de « troisième guerre balkanique ».
Souvent décrites comme les conflits les plus
meurtriers d'Europe depuis la Seconde Guerre mondiale,
elles sont marquées par de nombreux crimes de guerre,
les crimes contre l'humanité et le viol. Le « nettoyage
ethnique » en Bosnie est le premier crime européen à être
officiellement jugé de nature génocidaire depuis la
Seconde Guerre mondiale, et de nombreux participants
individuels clés seront par la suite accusés de crimes de
guerre.
4. De la 1ère Guerre mondiale à Tito
La nation de Yougoslavie est créée au lendemain de la Première
Guerre mondiale. Elle est principalement composée de Chrétiens slaves
du Sud, avec une importante minorité musulmane. Cette nation dure de
1918 à 1941, lorsqu'elle est envahie par les puissances de l'Axe pendant
la Seconde Guerre mondiale.
L’Allemagne nazie fournit un soutien 1) aux Oustachis croates,
organisation terroriste fondée en 1929, qui mènent une campagne de
massacres contre les Serbes, les Juifs et les Roms à l'intérieur de son
territoire, 2) et aux Tchetniks serbes, qui mènent également leur propre
campagne de nettoyage ethnique et de génocide contre les Croates et les
Bosniaques.
En 1945, la ‘République fédérative socialiste de Yougoslavie’
(RSFY) est établie sous Josip Broz Tito, qui, bien que prenant ses
distances avec l’URSS, maintient une direction fortement autoritaire qui
réprime le nationalisme dans les divers pays de la Yougoslavie.
Images : - Les Oustachis (en croate : ‘les insurgés’), mouvement séparatiste croate, antisémite,
fasciste et anti-yougoslave. Ils instaurent entre juin 1941 et mai 1945 ‘l'État indépendant de
Croatie’, une dictature particulièrement arbitraire et meurtrière, qui se signale par de nombreux
massacres d’un grand nombre de Juifs, Serbes et Roms, en grande partie dans le camp de
Jasenovac. Le mémorial de Jasenovac, conceptualisé par l’architecte Bogdan Bogdanović en
1966 en souvenir des victimes des fascistes, est un des monuments partisans les plus célèbres.
- le drapeau des Tchetniks serbes (mai 1941 à juin 1945)
- Josip Broz Tito (1892-1980), chef du régime communiste yougoslave, au pouvoir de 1945 à 1980.
5. La montée du nationalisme dans les Républiques
de la Fédération
Après la mort de Tito en 1980, les relations entre les 6 Républiques
de la RSFY se détériorent. La Slovénie et la Croatie souhaitent une plus
grande autonomie au sein de la confédération yougoslave, tandis que la Serbie cherche
à renforcer l'autorité fédérale. Comme il devient clair qu'il n'y a pas de solution accep-
table par toutes les parties, la Slovénie et la Croatie se dirigent vers la sécession. Au
milieu de difficultés économiques, la Yougoslavie fait face à une montée du nationalisme
parmi ses divers groupes ethniques. Au début des années 1990, il n'y a aucune autorité
effective au niveau fédéral. La présidence fédérale est composée des représentants des
6 Républiques, de 2 provinces* et de l‘Armée populaire yougoslave, et la direction
communiste était divisée selon les lignes nationales.
Les représentants de la Voïvodine, du Kosovo et du Monténégro à la présidence
sont remplacés par des affidés du président de la Serbie, Slobodan Milošević.
* 6 Républiques : Bosnie-Herzégovine, Croatie, Macédoine, Monténégro, Serbie, Slovénie
2 provinces autonomes de la Serbie : Kosovo et Voïvodine
Image : Slobodan Milošević (1941-2006), président de la Serbie de mai 1989 à juillet 1997 et président de la Répu-
blique fédérale de Yougoslavie de juillet 1997 à octobre 2000. Accusé auprès du Tribunal pénal international pour l'ex-
Yougoslavie (TPIY) de La Haye pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et génocide, meurt pendant la 5ème
année de son procès d'un infarctus du myocarde sans qu'aucun jugement n'ait été rendu. Sa mort entraîne l’arrêt du
procès.
6. La "serbisation"
Le nationalisme de Milosevic
Au départ, l'Armée populaire yougoslave (JNA) cherche à
préserver l'unité de l'ensemble de la Yougoslavie en écrasant les
gouvernements sécessionnistes, mais elle est de plus en plus sous
l'influence du gouvernement serbe de Slobodan Milošević, qui a une
rhétorique nationaliste serbe et souhaite utiliser la cause yougoslave afin
de préserver l'unité des Serbes dans un seul État.
En conséquence, la JNA commence à perdre les Slovènes, les
Croates, les Albanais du Kosovo, les Bosniaques et les Macédoniens
ethniques, et devient effectivement une armée serbe.
Selon un rapport de l’ONU de 1994, la partie serbe dirigée par Slobo-
dan Milosevic ne visait pas à restaurer la Yougoslavie, mais à créer une
« Grande Serbie » en annexant certaines parties de la Croatie et de la
Bosnie. Milosevic réprouve violemment les agitations albanaises au
Kosovo, réintègre le Kosovo et la Voïvodine dans le territoire serbe,
soutient les manifestations des minorités serbes en Croatie et en Bosnie,
exacerbe les tensions inter-ethniques.
Images :
- Chars M4A3E4 yougoslaves défilant en 1961 à Ljubljana (capitale de la Slovénie)
- Emblème de l'Armée populaire yougoslave (Jugoslavenska Narodna Armija, JNA)
7. Le démantèlement
En mai 1990, les élections libres en Croatie donnent la victoire à ‘l’Union
démocratique croate’ et à son dirigeant Franjo Tudjman, autre figure majeure
de la montée des nationalismes. En Bosnie, le ‘Parti d’action démocratique’
d’Alija Iztbegovic, chef de file des Musulmans, l’emporte. En Macédoine, ce
sont les nationalistes qui dominent.
La Slovénie déclare son indépendance le 25 juin 1991.
Après la déclaration d'indépendance de la Croatie et de la Slovénie en
1991, le gouvernement fédéral yougoslave tente d'arrêter de force l'éclatement
imminent du pays, le Premier ministre yougoslave Ante Marković déclarant les
sécessions de la Slovénie et de la Croatie illégales et contraires à la constitu-
tion de la Yougoslavie, et apportant son soutien à l'Armée populaire yougo-
slave pour garantir l'unité intégrale de la Yougoslavie.
Images :
- Franjo Tudjman (1922-1999), premier président de la Croatie indépendante
- Alija Iztbegovic (1925-2003), philosophe, fonde en 1989 le SDA, parti national des Musulmans de
Bosnie, président de la République de Bosnie-Herzégovine de 1990 à 1996, partisan d’une Bosnie multi-
ethnique
8. Les guerres en ex-Yougoslavie
1 ) ‘Guerre des Dix Jours’ (1991) lancée par la JNA après la
sécession de la Slovénie : quelques dizaines de victimes ;
2) Guerre d'indépendance de la Croatie (1991-1995) : bataille
de Borovo Selo (ami 1991), bataille et massacre de Vukovar (août à
nov. 1991), siège de Dubrovnic (oct. 1991 à mai 1992) ;
3) Guerre de Bosnie (1992-1995) : « nettoyage ethnique »,
massacre et le déplacement forcé des populations bosniaques par la
faction serbe de Bosnie dirigée par l'ultra-nationaliste Radovan
Karadžić, nettoyage ethnique de Prijedor, massacres de Višegrad,
nettoyage ethnique de Foča, de Doboj, le massacre de Zvornik, siège
de Goražde. Cette guerre fait 2,2 millions de réfugiés ou déplacés,
dont plus de la moitié Bosniaques. Jusqu'en 2001, il y avait encore
650 000 Bosniens déplacés, tandis que 200 000 avaient quitté le pays
de façon permanente ;
Photos : Radovan Karadžić
Général Ratko Mladic
9. Les guerres en ex-Yougoslavie
4) Guerre du Kosovo (1998-1999) : massacre de 45
Kosovars albanais lors du massacre de Račak. Cette guerre de 15
mois fait des milliers de civils tués des deux côtés et plus d'un
million de déplacés. Après la fin de la guerre, les Albanais sont
rentrés, mais plus de 200 000 Serbes, Roms et autres non-
Albanais ont fui le Kosovo. Fin 2000, la Serbie est ainsi devenue
l'hôte de 700 000 réfugiés serbes ou déplacés internes du Kosovo,
de Croatie et de Bosnie.
5) Insurrection dans la vallée de Preševo (1999-2001)
menée contre la république fédérale de Yougoslavie par les
insurgés ethno-albanais de ‘l'Armée de libération de Preševo,
Medveđa et Bujanovac’ (UÇPMB),
6) Insurrection en république de Macédoine (février 2001) :
le groupe militant de ‘l'Armée de libération nationale albanaise’
(ALN) attaque à Tetovo les forces de sécurité de la république de
Macédoine.
Images : Massacre de Račak
Destruction de Vukovar
Charnier à Vukovar
Emblème de l’ UÇPMB au Kosovo
10. Les accords de Dayton
Les accords de Dayton, signés le 14 décembre 1995 à
Paris, mettent fin aux combats interethniques qui ont lieu en Bosnie-
Herzégovine. Bien que signés à Paris, ils ont gardé le nom de "Dayton" car
l'essentiel des négociations se sont déroulées en novembre de la même
année sur la base aérienne de Wright-Patterson, près de Dayton (Ohio) aux
États-Unis.
Les principaux participants sont les présidents serbe (Slobodan
Milošević), croate (Franjo Tuđman) et bosnien (Alija Izetbegović), ainsi que le
négociateur étatsunien Richard Holbrooke assisté de Christopher Hill.
Ils prévoient une partition de la Bosnie-Herzégovine à peu
près égale entre la fédération de Bosnie-et-Herzégovine (croato-
bosniaque) et la république serbe de Bosnie (serbe), ainsi que le
déploiement d'une force de paix multinationale, l'IFOR* : un système
de gouvernance tripartite complexe permet de conserver l'intégrité
territoriale de la Bosnie, laissant une large autonomie aux entités
croato-musulmane d'une part et serbe d'autre part.
Images :
- Poignée de main après signature du General Framework Agreement for Peace in Bosnia
and Herzegovina
- Division de la Bosnie-Herzégovine telle que prévue par les accords de Dayton.
11. La force militaire internationale d’interposition
La ‘Force de protection des Nations unies’ (FORPRONU,
UNPROFOR en anglais) est créée en février 1992 par le ‘Conseil de
sécurité’ des Nations unies pour créer les conditions de paix et de sécurité
nécessaires à la négociation d'un règlement d'ensemble des guerres de
Yougoslavie. Ses effectifs en mars 1995 sont de 38 600 militaires, y
compris 685 observateurs militaires des Nations unies, plus 800 policiers
civils, 2 020 autres civils recrutés sur le plan international et 215 agents
locaux.
Suite aux accords de Dayton, l’IFOR (Implementation Force), force
opérationnelle de l’OTAN, succède à la FORPRONU en déc. 1995, avec
un mandat d’un an pour pour faire respecter la paix. L’IFOR déploie un
maximum de 55 000 personnels provenant de 32 nations.
La SFOR (Stabilization Force) dépendant également de l'OTAN la
remplace en déc. 1996 pour stabiliser la paix et reprend une partie des
unités sur place, avec 31 000 personnels à sa création en décembre
1996, et un effectif en baisse régulière avec 18 000 personnels en mars
2002.
En décembre 2004, la ‘Force de l’Union européenne Althea’, en
abrégé EUFOR Althea, succède à la SFOR, en partenariat avec l’OTAN.
Elle compte environ 1800 hommes en juin 2011.
12. Le rôle des forces d’interposition
et leurs pertes humaines
L’IFOR et la SFOR ont pour mission les tâches suivantes :
- Mettre fin aux agressions (ex.: neutralisation des snipers qui
bombardent Sarajevo, opérations aériennes Deliberate Force contre
les positions des Serbes de Bosnie en août et septembre 1995, etc.)
- superviser le transfert de territoires entre la Fédération de Bosnie-
Herzégovine et la Republika Srpska, le tracé de la ligne de démar-
cation entre les deux entités, le déplacement des armes lourdes vers
des zones de cantonnement approuvées,
- dissuader ou empêcher la reprise des hostilités ou quelconque
menace à la paix, collecter et détruire des armes et des explosifs non
enregistrés détenus par des particuliers,
- superviser les opérations de déminage, arrêter les personnes
accusées de crimes de guerre, aider les réfugiés et les personnes
déplacées à regagner leur foyer.
- promouvoir un climat dans lequel le processus de paix peut continuer
d'évoluer,
- offrir une aide aux organisations internationales, un soutien à
‘l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe’ (l'OSCE)
en préparant et en surveillant les élections de septembre 1996.
170 membres de la FORPRONU dont 52 français ont été tués
pendant ces opérations, notamment lors du combat du pont de
Vrbanja, et 700 ont été blessés. 116 militaires français sont morts en
ex-Yougoslavie selon un rapport d'octobre 2011.
13. Les médias de la haine
« Sans les médias, particulièrement sans les chaînes de télévision,
la guerre dans l’ex-Yougoslavie n’est pas imaginable. » Ce terrible verdict,
fait par l’ancien directeur des programmes de ‘Sarajevo TV’, met le doigt
sur un volet fondamental de l’histoire de l’éclatement de la Fédération
yougoslave.
Les travaux concluent tous à un rôle déterminant des médias ex-
yougoslaves dans l’exacerbation des sentiments nationalistes de tous
bords. " Il y a des journalistes qui sont vraiment des criminels de guerre ;
ils ont les mêmes responsabilités, sinon plus, que les militaires dans ce
conflit... " a pu dire Zlatko Dizdarevic, le rédacteur en chef d'Oslobodenje,
l'héroïque journal de Sarajevo. Il accusait une certaine presse, et surtout
certaines télévisions, d'avoir délibérément instillé la haine dans les veines
des diverses communautés de l'ex-Yougoslavie, pour pousser aux mas-
sacres, aux viols, à l‘ « épuration » ethnique...
Un rapport du Parlement européen en janvier 1994 indique qu’en
Croatie « le journal Hrvatska Vjesnik glorifie la guerre, en mène la propa-
gande la plus bestiale, la plus raciste, la plus antiserbe et antimusulmane
qui soit. », qu’en Bosnie, « les médias contrôlés par l'Etat sont là aussi,
des machines à fabriquer de la haine et de l'hystérie ».
Le même constat sera fait au Rwanda avec la ‘Radio-Télévision des Mille
Collines’ (RTML) ou la revue Kangura qui incitent les Hutus à la haine et au meurtre.
14. Le « nettoyage » et la « purification » ethniques
Une commission d'experts des Nations Unies chargée d'exami-
ner les violations du droit international humanitaire commises en ex-
Yougoslavie a défini le nettoyage ethnique comme le fait de « ... rendre
une zone ethniquement homogène en utilisant la force ou l'intimidation
pour faire disparaître de la zone en question des personnes appartenant
à des groupes déterminés. »
Les opérations de nettoyage ethnique ont pour vocation le
départ en masse de populations considérées comme indésirables par les
apologues du nationalisme. Aussi, dans une perspective d’appropriation
pérenne des territoires convoités, il est nécessaire d’empêcher le retour
de ces populations, une fois la guerre achevée.
L’acharnement à détruire systématiquement toute trace de la présence de
l’autre, ses marqueurs identitaires, son patrimoine culturel, est caractéristique de la
guerre en ex-Yougoslavie. « C’est pourquoi, écrit Michel Sivignon, la purification
ethnique s’en prend aussi aux paysages, qu’il convient de nationaliser en détruisant
les signes dont, dans l’avenir, les habitants qu’on a chassés pourraient se
recommander pour justifier leur retour »
La Commission d'experts a également dressé une liste des
exactions et mesures coercitives employées pour faire disparaître les
populations civiles.
15. Le bilan humain
Selon une étude du réputé démographe (croate) Vladimir
Zerjavic, ce conflit aurait provoqué la mort de près de 220 000
personnes : 160 000 Bosniaques, 30 000 Croates et 25 000
Serbes. Selon l'International Center for Transitional Justice, les
guerres de l’ex-Yougoslavie ont causé la mort de 140 000 person-
nes. Le ‘Centre de droit humanitaire’ fait une estimation de
130 000 morts.
Les bombardements de l'OTAN auraient tué près de 500
civils dans le camp serbe, selon l'organisation non gouvernemen-
tale Human Rights Watch (et entre 1 200 et 5 000 civils, selon les
autorités serbes), ainsi qu'un nombre inconnu de soldats dans
l'armée fédérale.
On estime à 4 millions le nombre de réfugiés.
Images : Pleurs, cercueils et cimetière à Srebenica
16. Le Tribunal pénal international
pour l'ex-Yougoslavie (TPIY)
Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
(TPIY) est un organe des Nations Unies créé pour poursuivre
les crimes graves commis pendant les guerres yougoslaves
et juger leurs auteurs. Ce tribunal ad hoc est situé à La
Haye, aux Pays-Bas.
Dans le cas TPIY, écrit Pierre Hazan*, et contraire-
ment de ce qui a pu se passer en Centrafrique, au Burundi,
au Rwanda ou en Afrique du Sud, « la transaction entre
l’accusation et la défense autour du plaider coupable visait à
répondre aux pressions du Conseil de sécurité de l’ONU :
limiter la longueur et le coût des procès par des aveux de
l’accusé négociés en échange du retrait d’accusation de
certains crimes. Avec le risque que cet utilitarisme juridique
mène à l’établissement de vérités historiques incomplètes. »
* Chef de projet de justiceinfo.net, professeur associé à l'université de Neuchâtel
17. Les condamnations prononcées par le TPIY
Le procès le plus important concerne l'ancien
président serbe Slobodan Milošević, qui est inculpé en 2002 de
66 chefs de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre et de
génocide commis dans les guerres du Kosovo, de Bosnie et de
Croatie. Il décède en 2006, avant qu'un verdict ne soit rendu.
Néanmoins, le procès du TPIY a contribue à délégitimer son
leadership en Serbie.
Plusieurs condamnations sont prononcées par le TPIY
et par son successeur, le ‘Mécanisme pour les tribunaux pénaux
internationaux’ (MICT).
Le premier verdict notable confirmant le génocide à
Srebrenica concerne le général serbe Radislav Krstić : il est
condamné en 2001 (la Chambre d'appel confirme le verdict en
2004).
Photos : Slobodan Milošević, Radislav Krstić devant le TPIY
18. Les condamnations prononcées par le TPIY
Un autre verdict est prononcé contre l'ancien dirigeant serbe de
Bosnie, Radovan Karadžić , également condamné pour génocide.
Le 22 novembre 2017, le général Ratko Mladić est condamné à la
prison à vie.
Parmi les autres condamnations importantes figurent celles de l'ultranatio-
naliste Vojislav Šešelj, du chef paramilitaire Milan Lukić, du politicien serbe de
Bosnie Momčilo Krajišnik, du général serbe de Bosnie Stanislav Galić, reconnu
coupable du siège de Sarajevo, ancien ministre adjoint du ministère serbe des
Affaires intérieures et le chef de son département de la sécurité publique, Vlastimir
Đorđević, qui fut condamné pour des crimes au Kosovo, l'ancien commandant de la
JNA, Mile Mrkšić, ainsi que les anciens présidents de la république serbe de Krajina,
Milan Martić et Milan Babić
Plusieurs Croates, Bosniaques et Albanais ont également été reconnus
coupables de crimes, notamment Jadranko Prlić et Slobodan Praljak (chef croate de
l'ex-Herzégovine), Mladen Naletilić, (ex-commandant militaire croate de Bosnie),
Enver Hadžihasanović (ex-commandant de l'armée bosniaque) et Haradin Bala (ex-
commandant du Kosovo)
Photos : Radovan Karadžić et Ratko Mladić devant le TPIY
19. La résistance non-violente au Kosovo
En 1989 le Serbe Slobodan Milosevic abolit le statut d’autonomie
de la province où 90 % des habitants sont Albanais. La radio et la
télévision en albanais sont restreintes et les journaux fermés par les
Serbes. Les Albanais du Kosovo sont licenciés en grand nombre
d'entreprises et d'institutions publiques, notamment des banques, des
hôpitaux, des postes et des écoles.
Ibrahim Rugova fonde la ‘Ligue Démocratique du Kosovo’ (Lidhja
Demokratike e Kosovës - LDK). Le 24 mai 1992, après des élections
générales clandestines, il est élu président de la République non
reconnue du Kosovo dont le gouvernement en exil est basé à Genève.
Son option non-violente lui vaut le surnom de “Gandhi des
Balkans”. La LDK anime la résistance à l’oppression serbe et orga-
nise une société parallèle (écoles, dispensaires, fiscalité, Parlement
clandestins). Il est président du Kosovo de mai 2002 à janvier 2006.
Ibrahim Rugova (1944-2006), écrivain et un homme d'État yougoslave puis kosovar. Diplômé
à Paris de ‘l’École des Hautes Études en Sciences Sociales’, il reçoit le prix Sakharov en 1998
décerné par le Parlement européen « pour son engagement en faveur du principe de la résistance
pacifique à la violence. »
20. Les missions d’intervention civile de paix
L’association ‘Équipes de Paix dans les Balkans’ (EPB) est
créée en tant que branche française de l’ONG internationale Balkan
Peace Team (BPT). Elle envoie pendant 7 ans des volontaires civils
dans les Balkans pour des missions ‘d’intervention civile de paix’, et
notamment à Mitrovica pour soutenir les initiatives de dialogue inter-
communautaire.
Véritables médiateurs, ces volontaires organisent des rencon-
tres et permettent la constitution de réseaux entre femmes et entre
étudiants des deux communautés serbe et albanaise. Plusieurs
stages de résolution non-violente des conflits sont ainsi été organisés
entre Serbes et Albanais. En 2000, BPT crée un centre culturel à
Dragash, destiné à rassembler les populations, et surtout les jeunes,
des communautés Gorani (slaves musulmans) et albanaises de cette
commune du sud du Kosovo.
La démarche d’EPB ne consiste pas à envoyer des équipes
entières sur le terrain, mais à placer des volontaires, individuellement
ou en petit nombre, au sein d’ONG locales, en s’engageant à suivre
moralement, matériellement, et financièrement ces volontaires dans
leur travail pour ces associations.
Image : Pierre Dufour, ancien officier mécanicien de l’armée de l’air, membre du
‘Mouvement pour une Alternative Non-violente’ et cofondateur de EPB.
21. Le combat non-violent
contre la dictature de Milosevic
Srdja Popovic, Slobodan Djinovic, Stanko Lazarevic et Aleksan-
dar Maric et autres sont membres du mouvement de résistance de la
jeunesse serbe Otpor ! ("Résistance !") qui joue un rôle majeur dans
le renversement de Slobodan Milosevic en octobre 2000, de même
que la coalition des partis politiques d’opposition DOS et le CESID
avec ses milliers d’observateurs électoraux .
Ces trois acteurs ont reçu des aides d’organisations états-
uniennes et ont bénéficié des formations à l’action non-violente ani-
mées par Robert Halwey, proche collaborateur de Gene Sharp, dont
les livres ont été traduits et diffusés en fiches sur Internet. Otpor !
tente ensuite de se transformer en parti politique qui essuie un fiasco
électoral ( 60 000 voix) aux élections parlementaires.
Quand Otpor ! s’intègre dans le Parti Démocratique du prési-
dent Boris Tadic en septembre 2004, Popovic et Djinovic s’en éloi-
gnent et créent en 2005 le Centre for Applied Non-Violent Actions
and Strategies (CANVAS) qui organise des séminaires de formation
à la lutte contre les fraudes électorales dans d'anciens satellites
soviétiques. D’autres leaders serbes d’Otpor !, Ivan Marovic, Stanko
Lazarevic et Aleksandar Maric, créent le Center for Non-Violent
Resistance.
Images : Srdja Popovic, Slobodan Djinovic et Ivan Marovic
22. L’avancée vers la démocratie
et l’Union européenne
La Slovénie est un État membre de l'Union
européenne depuis le 1er mai 2004.
En décembre 2009, le président Boris Tadić a remis
la demande d'adhésion de la Serbie à la présidence (alors suédoise)
du Conseil de l'Union européenne.
Depuis décembre 2022, la Bosnie-Herzégovine a le statut de
candidat.
Après avoir rejoint l'Union européenne en 2013, la Croatie entre
dans la zone euro et dans l'espace Schengen janvier 2023. Elle rejoint
les 17 États membres de l'Union européenne (UE) qui sont à la fois
dans la zone euro et dans l'espace Schengen.
La Macédoine du Nord fait un pas de plus vers le processus
d’adhésion à l’Union européenne. Le Parlement du pays approuvé
en juillet 2022 un accord, négocié par la France, pour mettre un
terme à son différend avec la Bulgarie voisine. Ce conflit bloquait
jusque-là l’ouverture des négociations alors que Skopje est candidat
à l’UE depuis 2005.
La Serbie et l’Albanie, candidates à l’UE, s’impatientent alors que
l’Ukraine la Moldavie, dans le contexte de l’agression russe, ont obtenu
le statut de candidats.
23. Le violoncelliste de Sarajevo
Dans Sarajevo assiégée en 1992, Vedran Smailović, violon-
celliste bosniaque, joue de son instrument dans la bibliothèque de la
ville partiellement détruite par les bombardements serbes.
Cet acte de défi à la violence des agresseurs, de résilience et
d’espérance fait bien sûr penser à un autre concert d’un autre
violoncelliste opposé à la dictature : le 11 novembre 1989, Mstislav
Rostropovitch célèbre à sa manière la chute du mur de Berlin en
improvisant un récital devant le mur.
Photos : - Vedran Smailović (né 1956), jouant du violoncelle dans la bibliothèque de
Sarajavo. L'auteure canadienne Elizabeth Wellburn a travaillé avec lui pour écrire le livre
pour enfants Echoes from the Square (1998). Un autre auteur canadien, Steven Galloway,
s’est inspiré de cet évènement dans son roman à succès de 2008, Le violoncelliste de
Sarajevo . Dans le livre, un violoncelliste anonyme joue tous les jours à 16 h 00 pendant 22
jours, toujours à la même heure et au même endroit, pour honorer les 22 personnes tuées
par un obus de mortier alors qu'elles faisaient la queue pour du pain le 26 mai 1992. Le
récit, y compris l'heure de l'attaque au mortier, est fictif. Vedran Smailović s’installe fin 1993
en Irlande du Nord où il est compositeur, chef d'orchestre et interprète.
- Mstislav Rostropovitch devant le mur de Berlin.
24. Les lieux de mémoire
La gestion du patrimoine culturel en ex-Yougoslavie a un potentiel de division.
En Croatie, le premier président croate mène dès la fin de la guerre une politique
de croatisation de l’espace public, à travers la destruction de tous les monuments
serbes hérités de l’occupation par les forces serbes de Franjo Tudjman entre 1991 à
1995. De plus, des symboles anciens sont aussi réactivés, permettant au nouveau
gouvernement de mettre en œuvre sa politique nationaliste.
En Bosnie-Herzégovine, un site s’est ouvert au tourisme et rappelle le temps où la
Yougoslavie disposait d’une armée puissante et dotée de moyens considérables : le
bunker de Konjic, construit par Tito durant la guerre froide.
Le parc mémoriel de Dudik, construit en 1980, s’inscrit dans le courant architec-
tural des parcs mémoriels partisans. Ce site a pour objectif de commémorer les 455
victimes (dont une majorité de Serbes) des fascistes Oustachis, enterrées dans les 9
fosses communes mises au jour dans ce lieu après la Seconde Guerre mondiale.
Images : Le bunker de Tito à Konjic
Le parc mémoriel de Dudik, conçu par Bogdan Bogdanovitch,
25. Les lieux de mémoire
Si l’occupation de l’espace par les dispositifs mémoriels
est une réalité indéniable, il est à noter que, paradoxa-
lement, la communication de la mémoire aux jeunes
générations souffre d’importantes faiblesses. En effet, il y a peu de
transmission familiale et l’enseignement de cet épisode historique
est assez lacunaire malgré la place qui lui est accordée dans les
manuels scolaires.
Photos :
- Le Pont Stari Most à Mostar (Bosnie), construit en 1566, détruit en novembre 1993
- Le château d’eau de Vukovar (Croatie). Il n’a pas été restauré pour devenir un mémorial
en souvenir de la violence subie par la ville et par ses habitants.
- La bibliothèque de Sarajevo (Bosnie) détruite en août 1992
- Le monument mémoriel de Vukovar (Croatie)
- Mémorial d’Ovcara à Vukovar (Croatie)