2. Le Musée de Montmartre consacre
une exposition à Théophile-
Alexandre Steinlen (1859-1923),
artiste emblématique de Montmartre
à la fin du XIXe siècle. Cette
exposition présentée du 13 octobre
2023 au 11 février 2024 marque le
centenaire de sa disparition. Elle
rend hommage à cet artiste
inclassable et protéiforme, qui fut
dessinateur, graveur, peintre et
sculpteur et qui n’appartint qu’à une
seule école : celle de la liberté.
3. Un fil conducteur se détache au
sein de sa production extrêmement
prolifique : celui de l’engagement,
tant l’artiste associa art et politique,
en se faisant témoin critique de son
temps.
Steinlen fit circuler ses motifs d’une
technique et d’un médium à l’autre,
entre presse illustrée, art du livre,
affiche et tableau.
Le peuple des humains, mais aussi
celui des chats qui en est comme
un double carnavalesque mais à
l’irréductible étrangeté animale,
sont les principaux sujets de
l’artiste qui s’intéressa également
aux genres classiques de la
peinture, en particulier le nu et le
paysage.
Méfiant envers toutes les chapelles,
Steinlen croyait en la mission
sociale et politique de l’art, comme
voie et voix vers un monde meilleur.
4. Selon un parcours chrono-
thématique, l’exposition retrace la
carrière de Steinlen et donne un
aperçu de la richesse de sa
production à travers une sélection
d’une centaine d’œuvres, dont une
grande proportion de peintures à
l’huile, moins connues que son
œuvre graphique, largement
représentée également dans
l’exposition, ainsi que des
sculptures.
Suivant le fil conducteur de l’art
social, le parcours est organisé en
trois principaux mouvements :
Montmartre et le Chat Noir ; le
peuple comme sujet et but de l’art ;
enfin, entre peinture d’histoire et
nus intimes, le rapport aux genres
classiques de l’histoire de l’art,
toujours au service d’une vision
politique de l’art.
5.
6. Biographie
Théophile Alexandre Steinlen, né à Lausanne
en 1859 et mort à Paris en19231, est un artiste
anarchiste, peintre, graveur, illustrateur,
affichiste et sculpteur suisse, naturalisé
français en 1901.
Théophile Alexandre Steinlen est le fils de
Samuel Steinlen, un employé des Postes de
Lausanne.
Originaire d'Allemagne, la famille Steinlen avait
été admise à la bourgeoisie de Vevey en 1832.
Théophile Alexandre Steinlen étudie la
théologie à l'Université de Lausanne pendant
deux ans, puis, en 1879, se tourne vers l'art,
suivant une formation au dessin d'ornement
industriel à Mulhouse, chez Schoenhaupt,
avant de s'installer à Paris avec sa femme
Émilie en 1881.
7. Un artiste montmartrois
Logeant depuis 1883 sur la butte
Montmartre, Steinlen fait rapidement
connaissance avec les personnalités
artistiques qui y gravitent. Il entre en relation
avec Adolphe Willette, et Antonio de La
Gandara avec lesquels il fréquente à partir
de 1884 le Chat noir, le cabaret tenu par
Rodolphe Salis, devenant notamment l'ami
d'Henri de Toulouse-Lautrec. Il y connaît
naturellement Aristide Bruant.
Il expose initialement au Salon des
indépendants, en 1893, puis, régulièrement,
au Salon des humoristes.
Adversaire de l’injustice, compatissant
envers les déshérités, qui alors ne
manquaient pas à Montmartre, il dépeint des
scènes de la rue, des usines, de la mine,
mettant en scène les malheureux de toute
espèce, mendiants, ouvriers dans la misère,
gamins dépenaillés et prostituées. Ces
personnages semblent plus souvent écrasés
par leur triste condition que révoltés. Il est
par ailleurs le spécialiste des chats, qu’il
dessine sans se lasser, dans toute leur
fantaisie, joueurs, endormis ou en colère. Il
dessine aussi des nus féminins.
9. Steinlen pratique de préférence le dessin
et le pastel pour dépeindre la vie
quotidienne de la rue et ses petits métiers.
Le réalisme de ses dessins a inspiré
certaines œuvres de Jean Peské, ou les
débuts de Pablo Picasso. Il développe
également un œuvre gravé, reprenant les
mêmes thèmes que ses dessins, ou en y
mêlant la politique, comme dans les
lithographies par lesquelles il illustre les
malheurs de la Belgique et de la Serbie en
1914-1918.
Mais ce sont surtout ses affiches qui,
comme celle de la Tournée du Chat noir,
sont à l’origine de sa popularité. Il pratique
aussi la sculpture sur le thème des chats
(Chat angora assis).
Il illustre également des ouvrages
littéraires, comme la refonte en 1903 des
Soliloques du Pauvre de Jehan Rictus, et
collabore à divers journaux humoristiques
tels que Gil Blas illustré, L'Assiette au
Beurre (dès le no 1), Le Rire et Les
Hommes d'aujourd'hui, puis Les
Humoristes, qu’il fonde en 1911 avec Jean-
Louis Forain et Charles Léandre.
Steinlen est inhumé au cimetière Saint-
Vincent à Paris.
10.
11. Engagements libertaires En 1883, il réalise un dessin, intitulé Allons,
chante, barbare, pour illustrer la pièce, Le
Rêve d'un Viveur, de Jean-Louis Dubut de
Laforest.
En 1897, il devient le principal illustrateur de
La Feuille de Zo d’Axa et s'engage durant
l’affaire Dreyfus en dénonçant les
machinations militaires et les mensonges de
l’état-major, renvoyant dos à dos la justice et
l'armée8.
La même année, il se lie d’amitié avec Jean
Grave et, quand ce dernier lance Les Temps
nouveaux en 1902, il est parmi les illustrateurs
comme Maximilien Luce, Jules Grandjouan,
Félix Vallotton, Paul Signac et Camille
Pissarro.
Il fournit également en soutien des estampes
pour des tombolas ou pour des ventes au
profit des Temps nouveaux auxquels il
participe jusqu’à la Première Guerre mondiale
et à la reprise jusqu’en 1920. Il fait des
portraits de Jean Grave (gouache et estampe),
illustre de nombreux livres et brochures liés
au mouvement anarchiste ainsi que Guerre
et militarisme de Jean Grave (1909), L’État,
son rôle historique de Pierre Kropotkine, La
Question sociale de Sébastien Faure ou
encore Évolution et Révolution d’Élisée
Reclus. Entre 1901 et 1912, il dessine dans
l’Assiette au beurre où il dénonce les
iniquités sociales et affirme ses aspirations
et sa démarche libertaires.
12. En 1901, Samuel-Sigismond Schwarz fait
appel à ses talents pour illustrer la première
couverture de L'Assiette au beurre.
Schwarz n'avait publié jusqu'alors que des
magazines plutôt légers ; Steinlen était très
au fait de ce qui se passait dans le monde
de la presse engagée en Europe, il était un
ami d'Albert Langen, le fondateur de la
revue satirique allemande Simplicissimus,
un éditeur militant qui fut rapidement
condamné par le pouvoir impérial, et qui
s'était inspiré en 1896 du Gil Blas illustré.
En 1902, Steinlen milite pour la constitution
d’un syndicat des artistes peintres et
dessinateurs dont il prononce le discours
d’adhésion à la Confédération générale du
travail en juillet 1905. En 1904, il adhère à
la Société des dessinateurs et humoristes
dont, en 1911, il est un des présidents
d’honneur. En 1905, il adhère ainsi que
Charles Andler, Séverine ou encore Octave
Mirbeau, à la « Société des amis du peuple
russe et des peuples annexés » dont le
président est Anatole France. En 1907, il
figure parmi un comité constitué pour ériger
une statue à Louise Michel. Il est
également signataire de diverses pétitions,
contre la condamnation à mort du
cordonnier Jean-Jacques Liabeuf en 1910.