1. David Calvez, président de la société A.M.I., a fait radicalement changer le style de
management de son entreprise pour s’adapter à la génération Y. Un pari autant
innovant que délicat à mettre en place.
maginez une entreprise
où vous n’auriez pas de
chefs et où vous déter-
mineriez vos propres
horaires… Le tableau est utopique,
irréalisable, voir marxiste ? C’est le
concept du « management partici-
patif », que David Calvez, le diri-
geant de l’Atelier de Métallerie In-
dustrielle de Torcé a adopté pour
améliorer sa productivité, répondre
aux nouvelles exigences des
clients, et surtout, revaloriser ses
collaborateurs. Ou quand l’humain
devient le socle d’un nouveau style
de management : une philosophie
attirante mais risquée…
Un contexte nouveau
Depuis 1999, l’entreprise AMI-API
connaît un développement impor-
tant qui correspond à une hausse
de la demande et du chiffre d’af-
faires (de plus de 4 millions au-
jourd’hui). La principale probléma-
tique de l’entreprise : réussir à être
ultra-réactive avec une forte capa-
cité d’anticipation face à des clients
toujours plus exigeants sur les dé-
lais. La gestion des équipes se doit
donc d’être toujours plus souple et
agile. La croissance de l’entreprise
amplifie ce problème et, dès 2013,
l’organisation des équipes devient
de plus en plus difficile à gérer. La
charge de travail, très fluctuante,
entraîne de grosses modifications
d’horaires pour les salariés. Beau-
coup d’incompréhension émane
des différentes équipes sur les dé-
cisions de la hiérarchie... De plus,
les salariés, issus de la généra-
tion Y, sont hermétiques aux tech-
niques traditionnelles de manage-
ment. C’est donc un contexte
Changer son management
de A à Z pour les Y !
I
L’équipe
« collaborative »
d’AMI.
64 DYNAMIQUE ENTREPRENEURIALE
- COMMENT FAIRE... -
AVRIL 2014 | N°48
... POUR ADAPTER SON MANAGEMENT À LA GÉNÉRATION Y ?
2. nouveau, au niveau des clients
comme des salariés, qui pousse les
dirigeants à révolutionner leurs
méthodes de management.
L’humain, la base du
concept
David Calvez, le dirigeant d’AMI,
s’inspire de différentes méthodes
de management innovantes pour
rénover la gestion de son entre-
prise. Les lectures de William De-
ming et de Jean François Zobrist lui
permettent de se forger une
conception humaniste de la gestion
d’entreprise. Le management par-
ticipatif relève d’une vraie forme
d’idéologie. Considérer la « dimen-
sion humaine » de l’entreprise, et
donc replacer l’Homme à la base
du fonctionnement de l’entreprise.
En France, le management partici-
patif apparaît avec la boîte à idées !
Les mesures prises chez AMI sont
autrement plus importantes.
L’usine devient un lieu d’épanouis-
sement pour les employés. Ces
derniers ne sont plus envisagés
comme des outils de production,
mais comme des décideurs actifs.
L’objectif est de valoriser les em-
ployés et leur savoir-faire. Alléger
la hiérarchie, une des principales
mesures prise par le dirigeant, res-
ponsabilise et redonne de la liberté
aux salariés.
Une vraie petite révolution
David Calvez applique rapidement
des mesures concrètes en suivant
ses principes. Ses collaborateurs
ont désormais le pouvoir de déter-
miner leurs horaires en fonction
de la charge de production. Ils dé-
cident de leurs changements d’ho-
raires, de leurs heures supplé-
mentaires et de leurs samedis
travaillés. D’autres mesures plus
petites suivent le même raisonne-
ment. Les salariés choisissent
leurs tenues de travail et sont res-
ponsables des achats d’outillages
ou de consommables. Pour les
travailleurs d’AMI, le changement
le plus brusque fut peut-être la
suppression du poste de chef
d’atelier. C’est une grande partie
de la hiérarchie qui disparait sym-
boliquement, et il faut donc un cer-
tain temps aux employés pour
s’adapter. La mise en place du
nouveau système se fait petit à pe-
tit, pour ne pas trop perturber les
équipes. Pour que ces change-
ments conséquents soient bien
compris et adoptés par les sala-
riés, David Calvez a usé de la com-
munication en organisant des
« points info » et des petites réu-
nions de productions. Des forma-
tions sont aussi organisées en in-
terne pour faire partager cette
nouvelle culture. Autre initiative,
une animatrice d’amélioration
continue est embauchée afin de
suivre la bonne mise en place du
changement. Son rôle est d’auto-
nomiser le système, en aidant à
résoudre les petits problèmes qui
perturbent les performances gé-
nérales. Ce manager vérifie aussi
à ce que les bonnes décisions
soient prises par les équipes.
Les limites et les risques
du système
En se lançant dans ces change-
ments structurels profonds, David
Calvez était conscient des risques,
et notamment celui de déstabiliser
et désorganiser ses équipes. La
disparition du chef d’atelier pouvait
perturber les employés, pas habi-
tués à prendre des décisions. L’ap-
port de deux cultures différentes
(le management participatif et
l’amélioration continue) était aussi
complexe à inculquer, ce qui a de-
mandé un gros travail de pédago-
gie. Enfin, passer au management
participatif ne marche que dans un
sens. Impossible de faire machine
arrière si l’on remarque que le sys-
tème ne fonctionne pas bien ! Sur
la petite révolution qu’a vécue son
entreprise, le directeur reconnait
avoir eu quelques peurs ! Ne plus
savoir ce qu’il se passe, avoir l’im-
pression de perdre le contrôle... De
plus, ce changement représentait
un investissement conséquent qui
a mis du temps à porter ses fruits.
Mais David Calvez voit déjà des
changements sur la production et
l’ambiance de travail. Selon lui, les
conséquences positives sur le
chiffre d’affaires ne devraient pas
tarder à se faire sentir. Au-
jourd’hui, le président d’AMI es-
père que ce phénomène s’amplifie,
et est fier que des décisions soient
prisent sans lui. C’est la preuve
que le système gagne en autono-
mie et se pérennise. l
1.Créer une idéologie différente : donner plus d’importance à
l’Homme qu’à la production. La productivité s’en ressentira.
2. Inculquer profondément cette nouvelle culture.
3.Responsabiliser ses collaborateurs en supprimant la hiérarchie.
L’employé s’investira dans le projet.
4. Chef d’entreprise : faites confiance ! Faites participer les employés
aux choix décisionnels
5.Être souple et revenir à la logique : les horaires doivent s’adapter à
la charge de travail.
6.Engager un coach qui ne donnera pas d’ordre mais veillera à
autonomiser le système.
7.S’ouvrir aux cultures adjacentes : le Kaizen et l’amélioration
continue.
COMMENT PASSER AU MANAGEMENT
PARTICIPATIF ?
DYNAMIQUE ENTREPRENEURIALE 65
- COMMENT FAIRE... -
AVRIL 2014 | N°48
... POUR ADAPTER SON MANAGEMENT À LA GÉNÉRATION Y ?