Cette communication porte de manière spécifique sur l’épistémologie en éducation scolaire. Elle s’inscrit dans une perspective didactique, celle de la didactique des sciences. Les recherches sur les finalités éducatives associées aux disciplines scolaires mettent en évidence l’importance de considérer les préoccupations d’ordre épistémologique parmi les principales dimensions de l’éducation scientifiques (Hasni et Bousadra, sous presse). Les curriculums scolaires y font référence de manière variée. Que signifie la notion d’épistémologie en éducation scientifique? Quelles sont les modalités de sa prise en considération en enseignement? Quels sont les opportunités offertes aux élèves afin de s’approprier cette dimension et quels sont les défis auxquels cet enseignement fait face? Ce sont ces questions qui seront abordées dans cette communication, en s’appuyant notamment sur l’analyse de publications scientifiques dans le domaine, de curriculums scolaires, de ressources didactiques et de pratiques de classes. Nous ouvrirons en conclusion sur les questions éthiques associées à l’épistémologie en enseignement des sciences.
1. Épistémologie en formation scientifique à l’école : opportunités et
défis
Dans le cadre du colloque GREE-CREAS, Problématiques
épistémologiques à l’école: quels enjeux éthiques pour l’enseignement
et l’apprentissage?
87e congrès de l’ACFAS, 27-31 mai, Gatineau (UQO)
Abdelkrim Hasni et Fatima Bousadra, CREAS, Université de Sherbrooke
A.Hasni@USherbrooke.ca
2. 1. Introduction
2. L’épistémologie comme composante de la formation scientifique
3. Apports et limites du modèle prédominant de l’épistémologie des
sciences à l’école: cas des publications anglophones
4. Une alternative (complémentarité) au modèle prédominant? Une
introduction à l’épistémologie par la pratique scientifique
5. Conclusion: ouverture sur les questions éthiques
Plan
3. • Axe 1 du colloque: « la nature des savoirs, leurs processus d’élaboration et leurs
valeurs de vérité », tout en considérant le rôle du sujet apprenant (axe 2)
• L’épistémologie des sciences (sciences de la nature) et non pas l’épistémologie
d’autres champs disciplinaires ou du savoir en général (incluant le savoir de « sens
commun »)
Buts de la communication
• Présenter la vision de l’épistémologie des sciences à l’école prédominante dans
les publications scientifiques anglophones
• Proposer, sur la base de l’analyse précédente, des pistes de formation, par la
pratique scientifique, à l’épistémologie en sciences
• Conclure en ouvrant sur les questions de l’éthique en lien avec l’épistémologie des
sciences à l’école
Contexte
1. Introduction
4. Les préoccupations épistémologiques: une des (trois) principales dimensions de
la formation scientifique (Dushl et al., 2007; Hasni, 2005; Lederman et al., 2014)
• La structure disciplinaire
• Le savoir sur le savoir scientifique (dimension épistémologique)
• Les sciences dans leur relation avec la vie individuelle et sociale
Diverses expressions utilisées pour désigner les préoccupation épistémologiques
• “Ideas about science”; “how science works”; “scientific epistemological view”;
“scientific epistemological beliefs”; etc.
• Une expression prédominante dans le monde anglophone: Nature of science ou
NOS (Abd-El-Khalick, Bell & Lederman, 1998):
Typically, NOS refers to the epistemology and sociology of science, science as a
way of knowing… (Lederman, 1992, 2002).
L’épistémologie comme composante de la formation
scientifique
5. De grands défis pour l’école
De nombreuses études mettent en évidence des conceptions inadéquates (ou
traditionnelles) de la nature des sciences chez les élèves (Désautels et Larochelle,
1989; Deng, 2011; Lederman, 2007), les enseignants (Abd-El-Khalick et Lederman,
2000, Lederman, 1992, 2006; Pomeroy 1993), les scientifiques (Pomeroy, 1993;
Schwartz et Lederman, 2008) ou encore dans les revues professionnelles (Ayden,
2013) et dans les manuels (Dewnarain-Rammarain, 2016).
Diverses finalités à considérer pour l’école
• Comprendre le degré de validité des savoirs scientifiques (incluant les processus)
• Comprendre le processus scientifique, et par conséquent, les questions
auxquelles les sciences peuvent répondre ou pas
• Aider à prendre des décisions éclairées face à des problématiques de la vie
personnelle ou sociale (incluant les problématiques suscitant des controverses
socioscientifiques)
• Etc.
6. • Analyse de publications anglophones:
Prédominance de la caractérisation développée par Abd-El-Khalik, Lederman et des
auteurs qui leur sont associés (Akerson, Abd-El-Khalick & Lederman, 2000;
Schwartz & Lederman, 2008)
• Plusieurs parlent de vision consensuelle, consensus model of NOS (Chang, Chang,
& Tseng’s, 2010; Abd-El-Khalick, 2012; Abd-El-Khalick, Bell, & Lederman,
1998;Deng,2011, 2013; Lederman, Abd-El-Khalick, Bell, & Schwartz, 2002;
McComas, 2017)
Une conception largement partagée dans la communauté scientifique anglophone
• Une conception faisant appel souvent à 7 caractéristiques (attributs), parfois 6 (Karisa,
2017), 8 (Aydin, 2013) ou plus (McComas, 2016), qui guide la recherche (conception
des acteurs) et la formation
Apports et limites du modèle prédominant de
l’épistémologie des sciences à l’école: cas des publications
anglophones
7. Adapté de Aydin (2013)
Caractéristiques de la
NOS
Signification
Tentateveness of
science
La science est provisoire, mais fiable
The use of creativity
and imagination
La créativité est l’imagination sont vitales dans l’aventure scientifique (à côté
de la rationalité)
Empirical basis of
science
Les explications scientifiques doivent s’appuyer sur la preuve obtenue par
l’observation et l’expérimentation
Observation / Inférence L’observation et l’inférence sont qualitativement distinctes, en ce sens que la
première est accessible aux sens, alors que la seconde est seulement
identifiée sur la base des manifestations et des effets
Theory and law Les lois et les théories ont des fonctions distinctes: les lois décrivent l’état
(régularité) des relations perçues, les régularités et les généralisations; les
théories sont des cadres explicatifs des lois et des phénomènes
Role of subjectivity Lorsque les scientifiques développent des questions, proposent des
investigations ou font des observations et des inférences, ils sont influencés
par leurs savoirs, leurs attentes, leurs conceptions et les théories auxquelles
ils adhèrent
Science as socially and
cultularlly embedded
Le contexte culturel et social influence grandement le travail des scientifiques
8. Une remise en question du « consensus view » (Allchin, 2017; Hodson et Wong, 2017)
• Vision unique qui ne reflète pas nécessairement la NOS (Hodson et Wong, 2017,
parlent du « consensus view lobby”)
• Point de vue de sociologues, d’historiens et d’épistémologues des sciences, mais
pas celui des scientifiques
• Ignorance des différences entres les disciplines: Schwartz, Lederman, and Abd-El-
Khalick (2012) affirment que “there is no functional difference across science
domains at the level … appropriate to K–12 learners”
• Risque que la liste des attributs devienne un modèle de formation
• Marginalisation des processus: « restrict the definition of NOS to the characteristics
of scientific knowledge and exclude consideration of the nature of scientific inquiry
is highly problematic” (Hodson et Wong, 2017).
• Les risques de dérives associées à certains attributs: tentative - subjective
(relativisme); créativité (arbitraire); séparation entre l’observation et la théorie;
etc.
9. Cas tirés de
l’histoire des
sciences
Travail (point de vue)
des scientifiques
Épistémologie
(histoire
sociologie) des
sciences
Principes:
• Faire vivre aux apprenants des pratiques scientifiques (on ne peut faire de
l’épistémologie sans comprendre les sciences comme mode de pensée et leur
fonctionnement)
• Engager les apprenants dans des analyses réflexives sur les diverses pratiques
• Mettre l’accent non pas sur une liste de caractéristiques, mais sur les dimensions qui
caractérisent le fonctionnement des sciences (Allchin, 2011)
• Considérer l’introduction à l’épistémologie par les pratiques scientifiques comme point
de départ d’une démarche progressive qui tient compte d’autres modalités didactiques:
histoire des sciences (exemples sélectionnés en fonction de buts prédéterminés); le
travail des scientifiques; l’épistémologie des sciences; etc.
Une alternative (complémentarité) au modèle
prédominant? Une introduction à l’épistémologie par la
pratique scientifique
Pratiques
scientifiques
10. Retour aux fondements de la naissance de la science moderne
Les sciences modernes (19e siècle), un système “autopoïétique” qui met en relation, d’une
part, la rationalité et, d’autre, part un système institutionnel et social (incluant les
communautés disciplinaires) (Stichweh, 1990)
Système scientifique Principales implications pour l’école
Rationalité
scientifique
- Des problèmes spécifiques
(théoriquement ancrés)
- Rôle de la preuve (des faits)
appuyés par des arguments
(place de la « méthode »)
- La « vérité » du savoir produit:
non absolue, mais par rapport à
une théorie
- Quels problèmes (Q ou H) étudier
et pourquoi?
- Quels sont les faits qu’on peut
utiliser ou produire pour étudier les
problèmes retenus?
- Que nous apprennent les faits
obtenus?
Communauté
scientifique
(dimension
sociale)
Rôle de la communauté
disciplinaire: associations,
publications, arbitrage, etc.
Quels arguments mettre de l’avant
pour attester de la rationalité du
processus et du savoir produit?
11. Réflexivité
Comment le savoir scientifique est-il
produit et validé?
Faits (preuves) qui résistent … diversité
des démarches - Rôle de la communauté
et de l’argumentation, etc.
Quels problèmes ou questions
peuvent être considérés par les
sciences?
- Pas de finalisme; théorie
préalable; possibilité de
générer ou d’accéder à des
preuves (faits); etc.
Quel relation entre les
savoirs scientifique et la
réalité?:
Une construction
Une représentation
Faits convoqués ou simulés :
bases de données; manuels et
ouvrages; logiciels de
simulation; etc.
Faits établis par:
l’expérimentation; l’observation
(sans expérimentation);
l’enquête; etc.
Situation
problématisante
Question ou
hypothèse
Recherche du sens
dans les faits :
Organisation,
analyse et
interprétation des
données
Compréhension des
phénomènes et
formulation d’énoncés
scientifiques (concepts,
modèles, etc.)
Savoirs conceptuels
préalables (et NOS)
Savoirs conceptuels
visés (et NOS)
Quel problème scientifique
considérer et pourquoi?
Quels faits scientifiques à
l’appui?
Que nous apprennent les faits
recherchés?
Argumentation – communications (dimension institutionnelle et sociale)
Intentions
Pratiques
Formation
visée
12. Cas tirés de
l’histoire des
sciences
Ex. Van Helmont;
Pasteur-Liebig-
Fouchet
Travail des scientifiques
Hodson et Wang (2017):
- Learning about scientists
- Learning from scientists
- Learning with scientists
Épistémologie
(histoire,
sociologie) des
sciences
Pratiques
scientifiques
13. • Une piste complémentaire: introduire les apprenants à l’épistémologie en faisant
appel aux pratiques scientifiques et en travaillant la transition de l’épistémologie
implicite à l’épistémologie explicite
• Des contextes d’approfondissement: histoire des sciences; travail des
scientifiques; etc.
• Le lien avec les questions éthiques:
- Questions éthiques que soulèvent certaines recherches scientifiques (génie
génétique, cellules souches, sélection des embryons, etc.)
- L’éthique dans le cadre de problématiques scientifiques controversées (vaccin,
glyphosate, etc.)
- Propriété intellectuelle
- Fraude et falsification
Conclusion
• Le NOS, un modèle prédominant, mais remis en question