VP1 - Toulouse terre de rugby : un puissant marqueur du territoire
Dis
1. Le 15° prix de la presse territoriale
Des mots sous pression
Le jury aura donc examiné et décortiqué cette année 126
publications afin d'attribuer en toute sérénité. Les fiches
accompagnant les dossiers renseignaient sur les options choisies par
les candidats. L'idée d'entrer un peu plus dans le détail des arguments
est née à Bordeaux parce que les oreilles des uns et des autres, jurés
aguerris ou étudiants, ont été frappées par la répétition de certains
mots, qualificatifs et expressions. D'aucuns revenaient comme des
leitmotiv.
Premier constat : depuis 2011, 52 journaux ont décidé une
refonte de leur maquette. Avec quasiment le même objectif, la
modernité !
Moderne, c'est le mot magique qui apparaît dans 57 des 126
fiches. Un bel hommage sans doute à Philippe Meyer, qui terminait
chacune de ses chroniques sur France Inter d'un « nous vivons un
monde moderne » à la fois narquois, ironique et un rien désespéré.
La maquette donc est moderne, ou contemporaine. Forcément
attractive, rythmée, aérée, voire innovante. Elle est parfois décalée,
souple, élégante même, ou encore percutante et pire encore,
audacieuse.
Il est quand même un graphiste qui a pensé apporter de « la
rondeur et de la douceur ». Qu'il en soit remercié.
Curieusement, la fameuse modernité a une fâcheuse tendance à
s'étioler quand on compare les intentions et le résultat... sur le papier.
Et lorsque le président du jury relit pour la nième fois : « notre
magazine se démarque des autres magazines ou bulletins municipaux
par un traitement moderne et dynamique », on ne peut s'empêcher de
sourire.
A la 29° répétition de dynamique, on a tendance à rire pour de
bon. Ajoutons que 42 entendent « inciter à lire » et jouent pour cela
« la simplicité ». Et que 37 autres créent du « lien social » dans « une
logique de proximité ».
2. Alors, si modernité, dynamique et proximité se taillent la part du
lion dans ce vocabulaire, notez que la « synergie », si indispensable il
y a peu, a totalement disparu du paysage moderne.
Toujours à lire ces fiches, on pourrait encore s'inquiéter d'une
éventuelle présence d'alcool puisque 17 fiches revendiquent des
maquettes « sobres » et/ou « épurées » !
Et pourtant, on ne rira pas vraiment parce que que nous savons
tous combien l'exercice est difficile.
La presse territoriale, c'est d'abord de la sueur et parfois des
larmes. Pour dégager un sommaire. Pour dire les choses sans les dire
tout en les disant. Pour décrocher enfin la sacro-sainte validation.
Celles et ceux qui s'y collent font généralement mieux que tous les
mathématiciens du monde : chaque numéro publié dessine la
quadrature du cercle.
Comment réaliser des magazines territoriaux qui se tiennent, qui
expliquent les compétences et les projets, qui éclairent les citoyens sur
l'action de la collectivité et la vie du territoire, qui donnent du sens à
cette action, tout en évitant la bonne vieille propagande ?
La clé pourrait se trouver sous le paillasson de la presse
marchande et des news magazines. Pas moins de 26 fiches évoquent
le style, l'approche, le traitement ou les codes journalistiques dont il
est bon de s'inspirer.
A force de souligner le poids des mots, j'ai failli oublier le choc
des photos. Ils sont 78 sur 126 à vouloir « faire la part belle aux
visuels », et à publier « des images fortes qui parlent ». Cela fera au
moins le bonheur des photographes.
Faut-il pour autant offrir « une pluie de visages » à ses lecteurs
pour présenter une galerie de portraits ? Le risque est bien que des
formules trop modernes tuent la modernité.
Pierre Geistel