1. Enseigner les SES
Le rôle des documents et le débat inductif/déductif…
(2ème séance du 21 mars 2016)
Formation des M1 de SES (Ph.Watrelot) 2015-2016
3. Documents et questions
• Inductif/déductif ?
• l’utilisation des documents au coeur de la
pédagogie des SES
• Un usage qui s’est transformé et réduit
• les documents dans les pratiques actuelles des
profs de SES
• Savoir poser des questions et guider les élèves
4. Inductif - déductif ?
La distinction concerne tout ce qui est perceptible du dehors dans la
personne et dans son entourage. Bornons nous à la considérer dans le
costume. Pour cela, il est nécessaire de commencer par quelques
considérations très générales sur les fonctions du costume dans l'humanité.
Pourquoi s'habille-t-on ?
Le vêtement humain a des fonctions diverses.
Hygiénique, il nous défend contre la rigueur des saisons, remplaçant chez
l'homme le pelage et le plumage dont la nature a pourvu les autres animaux.
Pudique, il se rattache à l'institution du mariage : c'est une précaution de la
jalousie contre des désirs illicites.
Esthétique, il fait valoir la beauté ou bien il est lui-même une beauté ; il sert
aussi à voiler ou à corriger la laideur.
Distinctif, il est le signe extérieur, aisément saisissable, des fonctions, des
rangs et des classes. Il efface des inégalités individuelles ; il crée ou consacre
et manifeste des égalités et des inégalités sociales.
De ces quatre fonctions, la première est peut-être la plus utile, mais elle fut
toujours et est encore aujourd'hui traitée comme la moins importante et
subordonnée aux trois autres, même chez les civilisés. C'est, en tout cas, la
dernière en date. L'homme ne s'est pas vêtu pour avoir chaud ; tardivement,
il a utilisé pour se préserver du froid de l’hiver et aussi des ardeurs de l’été
des accessoires qu'il avait d'abord ajoutés à sa personne pour de tout autres
fins. Bien avant de s'envelopper d'une robe et d'un manteau, il s'est orné de
colliers, de bracelets et de bagues ; il s'est logé des pierres ; des métaux, des
coquilles ; des os, des bois précieux dans le lobe de l'oreille, la cloison du
nez, la lèvre. Il s'est peint la peau : le tatouage n'est pas un vêtement chaud.
Les peaux d'animaux furent l'exhibition des dépouilles qu'un habile chasseur
était fier de montrer, avant que l'arrivée de la période glacière en fit une
nécessité. Les étoffes elles-mêmes furent des engins de pêche et de chasse,
puis des insignes et des trophées, plus tard seulement des défenses contre
les intempéries.
Edmond GOBLOT, La barrière et le niveau, 1925, éd. PUF.
Par quoi commencer ?
un faux débat ?
5. Une page de sensibilisation et de travail sur les prénotions
7. Inductif/déductif
La démarche inductive part d’observations et mène à une
hypothèse ou un modèle scientifique. Il s’agit donc d’une
généralisation à une classe d’objets de ce qui a été observé sur
quelques cas particuliers.
Observation Induction
Théories
Concepts/lois
Déduction
La démarche déductive part de l’hypothèse pour l’appliquer à un
cas d’observations.
Le chercheur pose a priori l’hypothèse d’une relation entre
différentes variables, et l’applique ensuite à l’étude d’un certain
nombre d’observations. C’est pourquoi on parle le plus souvent
de démarche “hypothético-déductive”
Observation
Hypothèse
(concepts)
Vérification Déduction
8.
9.
10. Autant d'obstacles. Inversement, l'enseignement trop précoce de modèles ou de
schémas d'explication peut durcir de Jeunes esprits et les rendre inaptes à
entreprendre ultérieurement des études sérieuses de sciences économiques et
sociales.
Double écueil à éviter. Développer le sens de l'observation est une première
réponse. Mais l'observation peut être située à trois niveaux: observation directe,
(utilisation de l'expérience de l'élève, évidemment « critiquée » ou observation
suscitée); observation indirecte par l'intermédiaire du document chiffré;
observation indirecte par l'intermédiaire d'un observateur privilégié (analyse de
texte). Ainsi est-il possible de passer de l'environnement immédiat, - point
d'application utile mais non exclusif de cet enseignement - à un monde moins
proche.
Préambule de 1967
11. L'observation elle-même exige d'être située et conduite. Située dans un système
de «références», ou le temps - essentiellement le long terme - et l'espace
constituent les principales coordonnées. Il ne s'agit pas de suivre des évolutions
qui recouperaient le programme d'histoire, ni d'aborder des tableaux plus ou
moins exhaustifs. L'encyclopédisme des faits est à bannir. Mais il faut établir une
certaine relativité des phénomènes, prendre une certaine mesure des distances,
des différences, le cas échéant des permanences. Peut-être comprendre le
mécanisme de certains passages ou de certaines mutations.
L'observation doit être conduite: l'enseignement économique et social suppose la
connaissance d'un vocabulaire, d'un nombre restreint de concepts
rigoureusement définis, comme il demande la manipulation élémentaire, la lecture
des données chiffrées et de leur expression graphique; en somme, un langage qu'il
convient de rendre progressivement familier aux élèves.
Préambule de 1967
12. 1. Une approche scientifique du monde social
Les sciences sociales, même si la question de leur spécificité par
rapport aux sciences de la nature fait l'objet de débats,
poursuivent indiscutablement une « visée scientifique ». Comme
dans les autres sciences, il s'agit de rendre compte de façon
rigoureuse de phénomènes soigneusement définis, de construire
des indicateurs de mesure pertinents, de formuler des hypothèses
et de les soumettre à l'épreuve de protocoles méthodologiques et
de données empiriques. Les schèmes d'intelligibilité construits par
les sciences sociales font ainsi l'objet d'un effort continu
d'enrichissement au sein des communautés savantes. [...] L'accent
mis sur l'ambition scientifique des sciences sociales ne doit pas
conduire cependant à un point de vue « scientiste ».[...]
Préambule Programme Première ES 2011
13. Préambule Programme Première ES 2011
2. Les disciplines et leur croisement
Si les sciences sociales ont en commun une ambition de connaissance scientifique
du social et, dans une certaine mesure, une histoire commune, elles se
caractérisent aussi par une spécialisation disciplinaire. La science économique, la
sociologie et la science politique ont des modes d'approche distincts du monde
social : elles construisent leurs objets d'étude à partir de points de vue différents,
elles privilégient des méthodologies distinctes, des concepts et des modes de
raisonnement qui leur sont propres.
[...] Il convient donc de permettre aux élèves de bien comprendre et
de maîtriser « les outils conceptuels et analytiques propres à chaque
discipline » avant de pouvoir croiser les regards sur un certain nombre
d'objets d'étude communs et sans pour autant s'interdire de faire parfois
référence à d'autres disciplines.
15. Dès la création d'un enseignement d'initiation aux faits
économiques et sociaux, les Instructions officielles (juillet et
octobre 1967) privilégient comme méthode pédagogique “ la
constitution et le commentaire de dossiers documentaires ” tant au
niveau de l'enseignement que de l'évaluation du travail des
élèves.
Cette prééminence accordée à l'étude de dossiers
documentaires sera confirmée par les Instructions officielles
accompagnant les modifications ultérieures des programmes...
16. Pourquoi utiliser des
documents en SES ?
Développer le sens
de l'observation des élèves
(démarche inductive)
Développer l'esprit critique
Offrir plusieurs points de vue
et du débat
(l'enseignant n'est pas la seule source de savoir)
17. 3 justifications didactiques
• développement du sens de l'observation des élèves :
Les documents sont donc conçus avant tout comme moyen
de révéler à l'élève une réalité extérieure qu'il est censé mal
connaître et qu’il doit analyser
démarche inductive
18. • Plus que d'accumuler des connaissances, il s'agit de
développer chez l'élève “ une certaine attitude
intellectuelle ” et de le former à l'esprit
expérimental : la priorité est donnée à l'apprentissage des
savoir-faire et des méthodes d'observation et d'analyse sur
l'acquisition des connaissances “ académiques ”
enseignement de culture générale
Formation du citoyen
à l’esprit critique
19. • modifier les rapports entre professeurs et
élèves au sein de la classe en remplaçant le cours
magistral par “ le dialogue permanent ” entre maître
et élèves.
Il n’y a pas une seule source de savoir
les documents permettent d’illustrer la
diversité des points de vue et de
favoriser le débat.
20. Le travail sur documents intervient alors dans
toutes les phases de la démarche pédagogique :
• Ils permettent de sensibiliser les élèves au
problème à étudier
• Ils les aident à construire une
problématique et un plan
• ils nourrissent la réflexion et la synthèse
• la construction de dossiers documentaires
par les élèves est fortement encouragée
21. Le travail sur documents n'induit pas, à lui seul,
des pratiques de classe fondamentalement
différentes du cours magistral.Tout dépend de la
manière dont les documents sont effectivement
exploités.
La nature et l’usage des documents se sont
modifiés depuis la création de la discipline.
Ils apparaissent souvent comme une
permanence du passé mais sans avoir forcément
conservé l’esprit initial (ni même la référence
aux instructions officielles)
22. Le travail sur documents est donc omniprésent à l’époque
dans les pratiques de classe, même si les textes envisagent la
possibilité de recourir épisodiquement au cours magistral à la
demande des élèves.
Cette conception extensive du travail sur documents conduit
d'ailleurs à ne pas dissocier cours et travaux dirigés de
manière à éviter de faire de faire du travail dirigé un simple
moment d'illustration d'un cours magistral qui l'aurait précédé.
23. Une conception extensive
du document
Textes
- témoignages
- articles de presse
- extraits de livres de
vulgarisation
- textes scientifiques ou
de grands auteurs
Images (fixes ou animées)
- publicités
- dessins de presse
- tableaux, dessins
- films
- documentaires
Statistiques
- tableaux
- graphiques
24. Les documents servent
aussi de supports pour
l’évaluation des élèves
Baccalauréat années 70 = dissertation
appuyée sur un dossier documentaire (jusqu’à
12 documents)
- permet de soulager l’effort de mémoire
- permet d’évaluer la capacité à traiter des
informations
Mais… deux dangers : le commentaire
systématique et la paraphrase
25. Un usage des documents qui
s’est transformé... et réduit...
Les principales critiques
• critique de l’inductivisme « trouver la clé
cachée sous le paillasson. »
• mise sur le même plan de type de
documents de statuts très différents (une BD
= un texte d’auteur)
26. Codification de l’usage des
documents
(années 90)
Les Objectifs de référence de la classe de
seconde (1991) fixent trois objectifs :
• collecter les informations,
• traiter les informations,
• les analyser et les commenter
27. Codification de l’usage des
documents
(années 90)
Épreuves du baccalauréat
- Dissertation : 6 documents maximum dont au moins 2
statistiques
- Epreuve de synthèse (1995-2012) : 3 ou 4 documents
dont au moins un statistique
Les documents ne doivent pas dépasser 1300 signes
pour les textes et 65 données chiffrées pour les
tableaux statistiques.
28. Codification de l’usage des
documents
(2012)
Épreuves du baccalauréat
-Dissertation : 4 documents maximum “factuels” (stats) dont
éventuellement un texte
“ Chaque document statistique ne devra pas dépasser 120 données chiffrées
et le texte éventuel comporter plus de 2 500 signes.”
-Epreuve composée (à partir de 2013) : la 3e partie (EC3) contient 2
ou 3 documents
“ Les documents ne doivent pas dépasser 1300 signes pour les textes et 65
données chiffrées pour les tableaux statistiques.
Chaque texte ne devra pas dépasser 2 500 signes et chaque document
statistique comporter plus de 120 données chiffrées.”
29. Dans l'épreuve de dissertation, le dossier
documentaire constitue avant tout une aide pour
l'élève qui est libre de l'utiliser à sa façon en
fonction de la problématique qu'il a choisie pour
répondre à la question posée.
théories, etc.
Codification de l’usage
des documents
30. L’utilisation des documents
dans les pratiques actuelles
C’est toujours une pratique habituelle
(95% des observations)…
…mais la nature des documents étudiés a changé
(les documents purement factuels ne représentent
plus que 25%)
(d’après rapport inspection générale 2000)
31. L’utilisation des documents dans
les pratiques actuelles
L’essentiel des documents utilisés provient des
manuels mais aussi de revues de vulgarisation
(Alternatives économiques, Sciences Humaines, Le
Monde, …)
La tension entre la contrainte de scientificité et
celle de lisibilité conduit souvent à apporter des
modifications aux documents proposés aux élèves
au risque d'en dénaturer le sens.
32. L’utilisation des documents
dans les pratiques actuelles
“Dans la majorité des situations observées, l'analyse des
documents fait l'objet d'un travail préalable de préparation sur la
base de questions posées par le professeur. Lorsque ce travail a
été réellement effectué par les élèves, ce qui dépend
généralement de la régularité des contrôles effectués par
l'enseignant, le cours peut alors se construire à partir d'un jeu de
questions-réponses. Cependant, dans à peu près un tiers des cas,
la découverte des documents se fait en cours”
(source inspection générale de SES)
“Les travaux pratiques donnent cependant l'occasion aux
professeurs de systématiser les méthodes d'exploitation des
documents. ”
(rapport inspection générale)
33. Des objectifs différents
selon les niveaux
En seconde, des objectifs modestes
Les professeurs exercent les élèves à extraire le contenu informatif des
documents et à opérer des transformations simples, pour construire une courte
synthèse.
Le travail sur les textes porte plus spécifiquement sur la vérification de la
maîtrise d'un vocabulaire économique et sociologique de base, la capacité à
repérer les grandes articulations d'un raisonnement et à distinguer les idées
principales des idées secondaires.
L'analyse des tableaux statistiques et des graphiques est surtout centrée sur la
capacité à lire correctement les chiffres, à opérer des calculs de pourcentages,
d'indices ou de coefficients multiplicateurs à partir de données brutes, enfin à
réaliser des représentations graphiques adéquates à partir de tableaux
statistiques
34. Des objectifs différents
selon les niveaux
En classe de première et de terminale, les objectifs se
complexifient.
L'entraînement à la confrontation d'informations émanant
de plusieurs documents, l'exercice du sens critique sont
davantage développés.
Comparer des textes d'auteurs se rattachant à des
courants de pensée opposés, en mettant en évidence les
présupposés de chaque argumentation et les modes de
raisonnement développés .
35. Rupture ou permanence ?
Le travail sur documents n'induit pas, à lui seul,
des pratiques de classe fondamentalement
différentes du cours magistral.Tout dépend de la
manière dont les documents sont effectivement
exploités.
La nature et l’usage des documents se sont
modifiés depuis la création de la discipline.
Ils apparaissent souvent comme une
permanence du passé mais sans avoir forcément
conservé l’esprit initial (ni même la référence
aux instructions officielles)
36. N'oubliez pas la consigne !
(extrait du rapport de l’inspection générale, 2000)
“Trop souvent l'étude des documents repose sur une
suite de questions dont la cohérence ne semble
obéir ni à une problématique d'ensemble, ni à
une progressivité des difficultés, ni à une
méthode d'investigation particulière. Le caractère
elliptique et allusif de ce travail laisse inévitablement une
impression d'insatisfaction aux élèves comme à
l'inspecteur !”
39. “Ils zappent la lecture
de la consigne, pour me
demander, Madame,
qu’est-ce qu’il faut
faire ?”
40. Comment aider les élèves ?
Faites lire la consigne par un élève ; une fois, deux fois.
Ménagez un temps nécessaire pour faire intérioriser
et mobiliser les ressources. Puis donnez le signal du
départ.
Dans le cas d’un devoir, faites lire toutes les questions,
réservez le temps, puis départ. Cela peut éviter les
erreurs de type impulsif.
Faites lire la consigne, et décomposez-la : demandez à
repérer le verbe, les éléments importants, les aides
possibles, le support utilisé, le temps imparti.
41. Comment aider les
élèves ?
Faites lire la consigne, et décomposez-la :
demandez à repérer le verbe d’action, les
éléments importants, les aides possibles, le
support utilisé, le temps imparti.
42. Construire une consigne
Evitez les verbes « mentalistes » (appréciez, que
pensez vous ?) et préférez les verbes d’action
concrète : relevez , mesurez, comparez, calculez,
argumentez...
43. Etayer / desétayer...
• Jusqu’où aider les élèves ?
• Comment les guider vers une bonne compréhension du texte ?
• Comment les aider à aller vers l’autonomie ?
• Donc, faut-il toujours les guider ?
44. Vygotski (1896-1934) a élaboré de nombreux concepts dont celui de ZPD, zone proximale
de développement. Celle-ci décrit l’espace conceptuel entre ce que l’enfant peut apprendre
de lui-même et ce qu'il peut apprendre avec l'aide d’un adulte. Elle est donc tout ce que l’enfant
peut maîtriser quand une aide appropriée lui est donnée.
Pour Vygotski, les enfants peuvent réaliser et maîtriser des problèmes complexes quand ils sont
accompagnés par une personne compétente. L'enseignant, l'éducateur a alors une fonction utile
dans la construction de l'apprentissage. L'enfant ne construit pas seul ses savoirs par une
maturation psychologique plus ou moins naturelle.
Le travail du pédagogue consiste alors à construire des situations de formation avec une
possibilité d'assurance, dans des conditions socio-relationnelles propices, permettant de
construire des savoirs : organiser, structurer, etc...C'est ce qu'on peut appeler l'étayage. Si on
reste à ce niveau-là, on ne dégage pas le sujet de sa dépendance par rapport à la situation de
formation. Si on veut le faire progresser, il faut donc passer à une formation de désétayage; et
on peut désétayer que ce qui a été étayé.
ZPD
zone proximale de
développement
45. ❝ Désétayer, c'est permettre à l'apprenant de se passer des aides
formatives. Dans leur dimension socio-relationnelle d'abord : il faut
que le sujet ne soit plus dépendant des aides psychologiques dont on
l'a, dans un premier temps, enouré; et dans leur dimension cognitive
ensuite : il faut que le sujet soit capable de transférer ce qu'il a
appris dans des situations différentes de la situation d'apprentissage.
C'est ce que j'appelle dans mon jargon " la décontextualisation". Le
sujet doit devenir progressivement capable de se passer de la
présence du maître et de trouver des situations où il peut réutiliser
ce qu'il a appris à l'école. C'est ce que les Américains appellent le "
bridging ", c'est-à-dire la capacité de faire des "ponts" avec d'autres
situations que celles dans lesquelles on a appris [...] ❞
Philippe Meirieu