L'approche Business Models : utilité et utilisations suivant les profils d’entreprises/organisations et de métiers/fonctions
1. Carine Baillie – Mémoire de Master MSC – UVSQ – Décembre 2010
Business models :
un concept méconnu
et sous-utilisé ?
Utilité et utilisation des Business models
suivant les profils d’entreprises/organisations
et de métiers/fonctions
2. Définitions et composantes
d’un Business model (BM)
Un concept récent et non stabilisé au niveau académique, bien
qu’il existe un relatif consensus sur l’objectif et la logique des BM :
> Where and how we can make money
> Création de valeur à produire/délivrer et capturer/partager Lehmann-Ortega, 2008
> des « modèles de revenus » et des « structures de coûts » associés
> Comment faciliter la compréhension du concept ?
* Les BM sont positionnés au niveau tactique
* Les BM découlent du concept de « chaîne de valeur »
(quelles fonctions de l’entreprise contribuent le plus à générer
de la marge), en y ajoutant qu’un BM s’insère dans un réseau
d’échanges de valeurs, d’entreprises en réseau, un écosystème Osterwalder, 2004
d’affaires où les stratégies de partenariats et d’alliances
sont devenues déterminantes
* Cela nécessite une vision transversale, une approche systémique
et itérative, des connaissances variées (Finances, Commercial, Marketing,
Achats, Logistique, SI, RH, Qualité…) et des compétences diversifiées
afin de penser en stratège et en financier, et d’agir en entrepreneur
et marketeur. Cela rend les BM complexes à appréhender,
notamment dans les organisations en silos et cloisonnées.
3. Pour les formaliser et les présenter
* Les tableaux Excel et les méthodes de Financement de projet pour faire des prévisionnels de
résultats opérationnels et flux de trésorerie servent à évaluer différentes hypothèse s de BM et
comparer leurs potentiels avec des références connues dans tel ou tel secteur d’activité.
* L’explicitation des BM se fait sous forme graphique,
modélisations/représentations simplifiées de la réalité,
afin de visualiser les flux de transactions/informations,
ainsi que les flux financiers.
* Les solutions logicielles de Business Intelligence
et de gestion de la performance sont aussi utilisés
(le cabinet Innosight fondé par Christensen dit mener des
recherches avec SAP sur l’innovation de BM,
SAP et IBM interviennent dans un cours de Chesbrough
sur Open Innovation et Business models, …).
•Autres démarches et outils utilisés :
- la méthode Business Model Generation,
avec le modèle Canvas en 9 blocs
- la stratégie Océan Bleu
- le Design Thinking (human centric design,
need finding et nouveaux usages)
4. Intérêts et limites du concept de BM
Principaux intérêts et apports
* L’approche par les BM met l’accent sur de nouveaux modèles de création de valeur et de nouveaux
modèles de revenus. Cela a été lié au départ à l’apparition d’Internet et de nouveaux secteurs d’activité
* L’innovation de BM s’est aussi développée dans des secteurs traditionnels : compagnies aériennes
low cost, e-commerce,…
* L’Open Innovation et l’Open Business Model reposent sur un nouveau phénomène : l’innovation
participative, la conception collaborative, …
Principales limites et critiques
Les BM sont perçus comme un concept plus pragmatique et opérationnel que des concepts classiques de la
stratégie d’entreprise dont la pertinence a été prise en défaut. Mais les défenseurs d’une orthodoxie académique
« rechigne » à intégrer les BM parmi les concepts fondamentaux de la stratégie (source : Demil , Lecocq et Warnier).
* Se focaliser sur les BM peut faire négliger l’analyse de l’environnement et de la concurrence.
* Aujourd’hui, bien que formaliser et présenter son/ses BM est un passage obligé dans les Business
Plan pour obtenir des financements, ils apparaissent moins déterminants que la capacité à gérer les
aspects humains (compétences managériales et organisationnelles) et l’adéquation produit/marché.
* Cela prend du temps, pour un résultat aléatoire, dans un contexte de volatilité de la demande, de
raccourcissement des cycles de vie, d’hyper-compétition, d’incertitudes accrues, …
* L’innovation de BM, quand elle est radicale plutôt qu’incrémentale, peut déstabiliser des
organisations existantes qui y sont mal préparées.
* Les BM étant associé à un objectif de profit, augmentation de la productivité, destruction-créatrice
cela peut entraîner un rejet, ou au moins une prise de distance avec l’utilisation du mot lui-même.
5. Des perceptions et des avis contrastés
* Dans la sphère académique : le concept de BM est surtout développé en Entrepreneuriat
et en Management de l’Innovation. Il l’est beaucoup moins en Stratégie d’entreprise.
On distingue :
- une vision entrepreneuriale et/ou innovante des BM (valoriser la recherche, stimuler la créativité, le
marketing expérientiel et l’open innovation vs les études de marché,…)
- une vision gestionnaire des BM (ROI de la R&D, gestion de portefeuille de BM, évolution incrémentale
ou radicale des BM, DAS et avantage compétitif…) qui relève de la responsabilité de la DG et soulève des
problèmes d’alignement entre de nouveaux BM et les structures existantes
Les deux visions semblent difficiles à concilier, tant sur le plan pratique que sur le plan théorique.
> On perçoit une évolution comparable à celle déjà constatée dans le domaine de la Qualité,
notamment dans les activités de service :
- des démarches tout d’abord techno et eco centric
- une évolution vers des approches davantage socio et human centric (Développement durable, RSE,
intégrer la diversité, …)
Aujourd’hui, combiner et faire la synthèse des approches techno/éco et socio/human centric
est présenté comme une préoccupation importante, au moins dans les entreprises qui ont la volonté,
les moyens et compétences pour cela.
* Parmi les praticiens en entreprise du panel de mon enquête « terrain » :
- les entrepreneurs : ils ont une compréhension au moins intuitive et sont intéressés par les BM, mais la
plupart d’entre eux manque de temps, de connaissances ou de volonté de les formaliser
- les dirigeants : ils ont une compréhension et un intérêt variables pour les BM suivant les secteurs
d’activité, parcours professionnels, tailles d’entreprise;…
- les managers : les perceptions et points de vue sont très contrastés, suivant les métiers/fonctions
6. Synthèse sur l’utilisation des BM
Au-delà de l’exercice obligé dans la présentation d’un Business Plan ou d’un Business Case
* Un Business Model formalisé a vocation à être partagé, afin de mettre tout le monde d’accord.
Cela permet de challenger les idées et limiter le risque d’échec.
* C’est un repère, même si on sait que les chiffres notamment vont évoluer. L’objectif est de savoir
s’il y a bien création de valeur.
* Formaliser son/ses BM est indispensable avant de lancer un projet ambitieux, nécessitant des
investissements importants. Néanmoins, notamment dans une activité de service, cela peut se faire
dans un 2ème temps, après avoir testé diverses pistes pour voir celles qui «accrochent» le mieux
auprès des clients/prospects et de potentiels partenaires
* L’analyse des archétypes de BM de sa filière d’activité (concurrents, partenaires), dans d’autres
secteurs, et de ses clients BtoB est d’autant plus utile quand il y a démultiplication de BM complexes
* En phase de stagnation ou déclin d’activité, l’innovation de BM est plus rentable à brève échéance
que l’innovation de produits et de procédés. Néanmoins, l’innovation de BM est elle aussi risquée.
Bien souvent, il faut faire aussi évoluer la structure de l’entreprise, son organisation, son management
* Dans des entreprises de grande taille, où la délégation et la coordination sont plus complexes,
il peut être intéressant d’associer davantage de métiers/fonctions et niveaux hiérarchiques à la
co-construction de nouveaux BM (pour passer du tacite à l’explicite ; car la diversité des points de
vue favorise l’innovation, les orientations prises sont mieux acceptées et intégrées,…)
* Cela peut créer une dynamique de transformation dans les relations clients ainsi qu’en interne
> Attention néanmoins : l’innovation de BM, et encore plus l’open BM, ne semblent possibles que
dans des contextes où l’accent est aussi mis sur le management équitable et le management par les
valeurs, dans un climat de confiance et avec des marques de reconnaissance tangibles.
7. Sensibilisations et formations
à l’utilisation des BM
* Dans les écoles de commerce, les Business Models sont un concept fondamental. Ils commencent
à être présentés dans les écoles d’ingénieur. En revanche, dans d’autres cursus de formation, tout
comme dans l’esprit de bon nombre de managers, dirigeants et entrepreneurs, l’approche par les
BM reste encore très floue.
* La présentation des BM dans les manuels académiques, de même que dans les ouvrages « de
vulgarisation » consacrés au sujet, est encore souvent « élitiste » , trop abstraite et technique.
Néanmoins, certaines approches renouvelées (en groupes de travail pluridisciplinaires, avec des
outils informatiques simples d’utilisation) semblent mieux répondre aux attentes et besoins des
entreprises, des managers, des entrepreneurs,….
Dans un contexte où les capacités à expliciter et formaliser des BM apparaissent
comme une des clés du renouvellement de la compétitivité et pérennité des entreprises,
diverses actions de sensibilisation et formation seraient à développer :
> en interne des entreprises (diffusion d’une culture Business Models à travers des
actions de formation, communication interne, incitations à l’intrapreneuriat,…)
en les intégrant/combinant à des démarches et outils de pilotage existants :
outils du contrôle de gestion, démarche et outils CRM, Balanced Score Card, …
> via les organismes de soutien aux PME et TPE : CCI, incubateurs,…
> dans les cursus d’enseignement supérieur (et même dès le lycée)
en Economie, Gestion, Management,…