Webinaire donné par Cécile Bardon, PhD, directrice associée du Centre de recherche et d'intervention sur le suicide, enjeux éthiques et pratiques de fin de vie (CRISE), le 9 avril 2021. Ce webinaire a été présenté par le Service québécois d'excellence en troubles graves du comportement (SQETGC).
Cours SE Le système Linux : La ligne de commande bash - IG IPSET
Comprendre le suicide et sa prévention chez les personnes ayant une DI ou un TSA
1. LES COMPORTEMENTS
SUICIDAIRES CHEZ LES
PERSONNES AYANT UNE DI
OU UN TSA
Cécile Bardon, PhD
Processus
AUDIS
Autisme,
Déficience Intellectuelle,
Suicide
2. Les comportements suicidaires chez les personnes
ayant une DI ou un TSA
Ampleur du problème
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
2
3. Le suicide dans la population générale
Données québécoises récentes (INSPQ, 2019) :
1 046 suicides en 2016
Taux de 12,1 décès par 100 000 personnes, en
baisse par rapport à 2015 (13,2/100 000)
Hommes : 18,6/100 000
Femmes : 5,7/100 000
Entre 2014 à 2016, le taux de suicide des
hommes et des femmes augmente avec l’âge
pour atteindre un sommet chez les personnes
âgées de 50 à 64 ans.
Le taux de suicide augmente progressivement
avec l’augmentation des inégalités matérielles
et sociales
Une diminution constante est observée depuis
2000
Rapport INSPQ :
https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/pu
blications/2497_suicide_quebec.pdf
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
3
4. Ampleur du phénomène
Les personnes présentant un TSA et
Les personnes présentant une DI légère
ont des comportements suicidaires au moins autant que
dans la population générale
Les personnes présentant une DI plus sévère
Font peu de tentatives de suicide et meurent peu par
suicide
Mais
Ont des idéations suicidaires
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
4
5. Les types de MAAS observables chez les
personnes présentant une DI ou un TSA
Pensées (non observables si non communiquées)
Penser à sa propre mort lorsqu’on est triste
Penser à cacher un couteau dans sa chambre
Avoir des flashs suicidaires ou se voir mort
Penser à la réaction des proches si on était mort ou disparu
Communications verbales
Verbales directes : « je veux mourir », « je veux me suicider »
Verbales indirectes : « Je veux rejoindre ma grand-mère au cimetière
», « Je voudrais être mort », « Vous seriez mieux sans moi », « Je veux
partir loin et ne pas revenir », « Je veux aller avec les oiseaux », « Je
veux faire comme … (la personne qui s’est suicidée) »
Verbales directes ou indirectes par textos ou médias sociaux
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
5
6. Communications non verbales
Dessins représentant : acte violent ou geste suicidaire,
tombes, souffrance, objets pour se suicider
Mimes : s’étrangler, se couper
Comportements auto-agressifs sans blessures
Essayer de s’enfoncer un objet non coupant (une branche), à
travers la peau (dans le ventre, bras ou jambe)
Avaler des pilules ou des substances non toxiques (sans
connaitre le niveau de danger)
Essayer de s’étrangler avec ses mains ou de retenir sa
respiration
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
6
7. Comportements auto-agressifs avec blessures ou avec
décès
Avaler des pilules ou des substances ayant un potentiel
toxique
Se blesser avec un objet coupant
S’étrangler ou se pendre avec une ceinture, une
serviette ou une corde
Sauter d’une fenêtre ou d’un endroit élevé
Se jeter devant un véhicule
Sauter à l’eau
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
7
8. Indices à observer pour repérer des
personnes à risque
Cognitifs : confusion, difficultés de concentration, indécision,
Émotionnels : humeur changeante, sautes d’humeur, manifestations de tristesse, de colère,
d’irritabilité, inquiétude accrue face à des évènements à venir, anxiété, agressivité accrue,
insatisfaction, déception, peurs ou insécurité face à une situation, sentiment d’incompétence
Comportementaux : changements de comportement (pire ou mieux), agitation ou
prostration, amplification des comportements habituels, augmentation de la consommation
de substances ou des comportements compulsifs, isolement, demande d’aide accrue,
absentéisme
Somatiques : apparition ou aggravation de troubles physiques, digestifs, maux de dos,
maux de tête, etc.
Psychiatriques : augmentation des symptômes
Sur le plan neuro-végétatif : dégradation du sommeil, appétit, niveau d’énergie,
Pertes d’acquis et difficultés d’adaptation dans la situation actuelle : stagnation ou régression
Signes de désespoir : discours négatif face à l’avenir, découragement, démission,
dévalorisation de soi, arrêt de traitement, refus du suivi ou absences, refus de l’aide offerte
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
8
9. Impacts des manifestations suicidaires
Qu’est-ce que ça nous fait quand quelqu’un d’autre
veut mourir?
Quelles sont nos émotions, nos réactions?
Comment reconnait-on notre malaise et son impact
sur notre intervention et celles de nos collègues?
Comment ça influence nos interventions?
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
9
10. Parler du suicide avec des personnes ayant une DI ou
un TSA
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
10
11. Comprendre le danger chez les
personnes présentant une DI ou un TSA
Distinguer la planification suicidaire de la tentative de suicide :
N’est pas si nécessaire,
tant que les moyens envisagés ne sont pas létaux et qu’on a le temps
d'interagir avec la personne
tant qu’on comprend que la personne souffre et qu’on s’occupe de sa
détresse avec elle
Précision - quand on parle de danger :
Danger du comportement pour la sécurité de la personne
Compréhension du niveau de danger peut affecter l’estimation (ex. : la
personne qui mange de l’herbe en pensant que c’est dangereux)
Estimer le danger : référence au terme utilisé dans la grille d’estimation
de la dangerosité du passage à l’acte suicidaire utilisé auprès de la
population générale (arrimage des concepts et termes)
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
11
12. Ambivalence et intention suicidaire
Il est très difficile de déterminer s’il y a intention ou non
La recherche d’une intention clairement articulée teinte
le jugement clinique, incite à minimiser le risque
suicidaire et à ne pas intervenir adéquatement
Même dans la population générale, l’intention peut ne
pas être claire, même pour la personne suicidaire elle-
même
L’ambivalence entre vivre et mourir est toujours
présente et module l’intention
Une grande impulsivité peut provoquer un passage à
l’acte, sans intention et sans planification perceptible
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
12
13. Espoir et désespoir
Trois triades du désespoir
La souffrance est :
Interminable, inacceptable,
insoutenable (Shneidman, 1976)
Interminable, inévitable, intolérable
(Chiles & Strohsahl, 1995)
Perception négative de la personne
suicidaire (Beck et al., 1975) :
D’elle-même
De son entourage
De son avenir
Se souvenir que :
L’ambivalence est toujours présente
La personne a des raisons de vivre :
explorer les raisons de vivre plus
que les raisons de mourir
Il s’agit d’ouvrir une brèche dans le
désespoir par une intervention
adéquate!
Espoir ≠ distraction
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
13
14. Recueillir l’information
Varier les sources d’information et ne pas négliger
l’observation directe de la personne et de son
comportement (ex. : attitude, expressions corporelles,
émotions, changements perceptibles dans ces expressions)
Rester prudent avec les perceptions et analyses des proches
et des intervenants
Important de récapituler et de résumer ce que la personne
dit
Permet d’augmenter l'attention en donnant la possibilité d'ajouter
plus de détails ou de précisions
Permet à la personne d’approuver ou pas l’interprétation de la
personne qui fait l’entrevue
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
14
15. Validation de la demande d’aide
La première étape nécessaire à tout processus
d’estimation du danger et du risque
Il est important de toujours valider la demande
d’aide (ex. : « Tu as bien fait de me dire que tu
veux me parler », « C’est important de le dire
quand ça ne va pas bien »)
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
15
16. Tendance à l’acquiescement
Acquiescement : la personne donne une réponse
affirmative
Elle répond oui aux deux questions.
Ex. : « Êtes-vous heureux? » et « Êtes-vous triste? »
Elle est en accord avec une information donnée
Acquiescement se produit quand :
la question n'est pas comprise
la personne ne sait pas comment répondre à la
question
la personne recherche l'approbation sociale
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
(Emerson et al. 2012; Prosser & Bromley 2012)
16
17. Attitude de l’intervenant face à
l’usager
Une attitude bienveillante, chaleureuse, rassurante, patiente,
accueillante est essentielle
Montrer qu’on est disponible pour entendre et comprendre est
crucial (l’accueil et l’établissement d’une relation de confiance)
Il est important d’être assez directif avec la personne (ex. : « C’est
important, on va s’assoir et prendre le temps d’en parler. »)
S’adapter au niveau émotionnel de la personne, en tenant compte
de sa compréhension de ses émotions et de son niveau de
désorganisation
La personne idéale pour faire l’estimation est un intervenant familier
avec lequel la personne a un bon contact (cela peut signifier que la
rencontre se fait à deux personnes : le spécialiste en estimation et le
spécialiste de la personne).
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
17
18. Conditions facilitant l’exploration des
MAAS
Partir de ce que la personne dit/comprend, sans mettre
de mots dans sa bouche, surtout pas au début
Noter les termes utilisés par la personne pour parler de
sa détresse et de ses MAAS, puis les réutiliser (ex :
« Quand tu [terme utilisé par la personne], viens me le
dire »).
Utiliser un ton neutre dans les questions
Porter attention au non-verbal (celui de l’intervenant et
celui de l’usager)
Partir du discours de la personne, de ses mots à elle, si
vous reformulez, utiliser des termes simples
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
18
19. Conditions facilitant l’exploration des
MAAS
Rassurer la personne qu’on ne vise pas à la punir, mais
à comprendre pour mieux l’aider
Rester ouvert afin bien comprendre sans faire dévier la
pensée en posant trop de questions
Tolérer les silences, être patient
Encourager l’expression de la souffrance qui amène les
idées suicidaires, écouter l’histoire de la personne selon
sa perception, quelle que soit votre analyse de la
situation
Utiliser les moyens de communication qui sont familiers
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
19
20. À éviter
Éviter de mettre des mots dans sa bouche.
Éviter de transmettre une impression de suggestion (ex. :
as-tu pensé au suicide pour arrêter de souffrir?) ou de
désapprobation des idées suicidaires (ex. : j’espère que
tu ne penses pas au suicide?)
Éviter d’induire les réponses (ex. : est-ce que tu as
caché ce couteau pour te tuer?)
Éviter de couper le fil de pensée de la personne en
posant trop de questions
Prendre soin de ne pas trop orienter les questions avec
des interprétations, la personne peut avoir des
difficultés à retrouver ce qu’elle voulait dire
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
20
21. À éviter
Éviter la stigmatisation et la culpabilisation (ex. : as-tu pensé
à la peine que tu ferais si tu te suicidais?)
Éviter les questions sur l’intention suicidaire (ce n’est pas un
indicateur fiable de risque et ça peut changer très vite)
Éviter de donner des passe-droits à cause des MAAS, ou à
l’inverse, priver la personne d’une activité (cela pourrait être
perçu comme une punition et nuire à l’expression de ses
besoins dans le futur)
Éviter de remettre en cause la réponse de la personne (ex. :
« êtes-vous sûr? »), ceci peut aggraver le potentiel
d'acquiescement et peut entraver, plutôt que d’aider ou de
clarifier un problème.
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
21
23. Repérer une personne à risque
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
23
Le repérage vise à répondre aux questions suivantes :
Est-ce que la personne présente des manifestations
suicidaires?
Que dois-je faire pour aller plus loin dans mon
analyse du risque suicidaire et des actions à mettre
en place?
25. Gérer un épisode suicidaire
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
25
Estimer le danger de
passage à l’acte
Qualifier le danger d’un passage à l’acte
suicidaire
Identifier la présence/nature/intensité des
idéations suicidaire
Identifier les facteurs de risque et de
protection
Identifier les déclencheurs
Documenter l’historique individuel et
familial de comportements suicidaires
Décrire le niveau de désespoir
Comprendre l’impulsivité de la personne
Comprendre ce qui se passe pour la
personne sans a priori
Orienter l’intervention (allouer les bons
services au bon moment avec la bonne
intensité)
Intervenir lors de l’épisode
suicidaire
Assurer la sécurité
Prévenir le passage à l’acte
Renforcer l’espoir
Diminuer le risque de passage à
l’acte futur
Renforcer les facteurs de protection
Réduire les facteurs de risque
27. Réduire le risque suicidaire
Processus AUDIS- Formation @ C.Bardon
27
Objectifs de l’évaluation
Compléter l’information recueillie
Identifier les facteurs de risque
plus distaux, les facteurs de
vulnérabilité et les facteurs de
protection agissant à long terme
dans la construction du risque
suicidaire
Comprendre le processus
suicidaire de la personne
Prendre des décisions sur le
risque suicidaire
Objectifs de
l’intervention
Déterminer les interventions visant à
réduire les facteurs de risque,
renforcer les facteurs de protection
et modifier le processus suicidaire
Identifier et mettre en place des
pistes d’intervention visant à
améliorer le bien-être de la
personne et réduire la détresse