1. N°1
MISE AU POINT
Les nouvelles recommandations
sur les traitements antiarythmiques
de la fibrillation atriale
COMMENT JE FAIS EN PRATIQUE DEVANT…
… des extrasystoles ventriculaires
sur cœur apparemment sain ?
CAS CLINIQUE
Faut-il penser à l’implantation précoce
d’une sonde ventriculaire gauche épicardique
à l’occasion d’une chirurgie cardiaque ?
NEWS & INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES
Pacemaker et défibrillateur sans sonde
ENTRETIEN
Télécardiologie : de la théorie à la pratique
Groupe Consensus
3. MISE AU POINT
Les nouvelles recommandations
sur les traitements antiarythmiques
de la fibrillation atriale
D e nouvelles
recommandations de prise
en charge de la fibrillation atriale
Jean-Yves Le Heuzey
Cardiologie et rythmologie, Hôpital européen Georges Pompidou, Paris
ont été présentées au congrès de
la Société européenne de 2006. De nouvelles recommandations 51 % un niveau de preuve C. Pour mé-
cardiologie et publiées dans viennent d’être publiées par un groupe spé- moire, le niveau de preuve C ne correspond
l’European Heart Journal(1). cifiquement européen de 25 cardiologues, qu’à un consensus d’experts, sans preuve
Plutôt que d’aborder ce long sous l’égide de la Société européenne de de certitude, alors que le niveau A corres-
manuscrit dans un seul article, cardiologie, et sont le résultat d’un travail pond à la présence de plusieurs études ran-
nous avons fait le choix de traiter, de près de 3 ans rendu nécessaire par l’évo- domisées concordantes et le niveau B à
dans ce premier numéro de la lution des connaissances dans ce do- l’existence d’un seul essai randomisé ou de
revue Rythmes, de la prise en maine, principalement en ce qui concerne plusieurs grandes études non randomisées.
charge antiarythmique et, dans le le traitement antiarythmique. Globale- On mesure donc la difficulté de la prise en
numéro suivant, de la prévention ment, un total de 210 recommandations a charge de la fibrillation atriale qui manque
thrombo-embolique. été proposé, dont 40 % d’entre elles encore d’études randomisées pour avoir un
Le Professeur Le Heuzey, l’un des étaient en classe I, 35 % en classe IIa, 18 % meilleur niveau de preuve.
rédacteurs du texte, a accepté de en classe IIb et 7 % en classe III. Rappelons
nous présenter les principaux que la classe I correspond à une recom- Catégories de FA
points à retenir pour la pratique. mandation de traitement ou de procédure
utile et efficace, la classe IIa à une recom- Aux catégories de FA paroxystique, per-
Des recommandations concernant la prise mandation pour laquelle il peut y avoir des sistante et permanente, a été rajoutée celle
en charge et le traitement de la fibrillation opinions divergentes, mais plus de preuves de la FA persistante prolongée (Tableau 1).
atriale existaient depuis 2001, date à la- en faveur de son utilité, la classe IIb à une
quelle elles avaient été publiées par un efficacité et une utilité moins bien établies, La classification EHRA
groupe réuni par l’American College of Car- et la classe III à une recommandation « de des symptômes
diology, l’American Heart Association et ne pas faire ». Concernant le niveau de
l’European Society of Cardiology. Ces re- preuve, 16 % avaient un niveau de Dans la classification EHRA, les symptômes
commandations avaient été mises à jour en preuve A, 33 % un niveau de preuve B et sont gradés (Tableau 2). Cette gradation des
symptômes sera avant tout utile pour pro-
TABLEAU 1 poser ou pas des thérapeutiques de contrôle
Catégories de FA du rythme ou de la fréquence.
• FA paroxystique FA d’arrêt spontané, en général en moins de 48 h
Comment raisonner
• FA persistante FA durant plus de 7 jours nécessitant une cardioversion devant une FA ?
• FA persistante prolongée FA de plus d’un an pour laquelle une stratégie
de contrôle du rythme est envisagée Cet article se focalise sur le traitement an-
• FA permanente FA acceptée tiarythmique. Il est cependant important de
noter que cela ne peut se faire sans pren-
TABLEAU 2 dre en compte le patient dans son ensem-
Classification EHRA des symptômes ble, notamment concernant la prévention
• EHRA I Pas de symptômes thrombo-embolique (Figure 1).
• EHRA II Symptômes modérés n’affectant pas la vie quotidienne
En matière de traitement antiarythmique,
deux nouveautés doivent être notées. La
• EHRA III Symptômes sévères affectant la vie quotidienne
première concerne le fait que le vernaka-
• EHRA IV Symptômes invalidants nécessitant une interruption d’activités de la vie lant est cité dans la liste des médicaments
quotidienne
qui peuvent être utiles pour faire une car-
Rythmes • n°1 3 Mars 2011
4. MISE AU POINT
dioversion pharmacologique. Cette subs- FIGURE 1
tance est un « ARDA » (Atrial Repolariza-
tion Delaying Agent), agissant principale-
ment sur le canal IKur, canal potassique pré-
cocement activé lors de la repolarisation et
relativement spécifique de l’oreillette. Il a
montré dans son programme de dévelop-
pement qu’il était capable de réduire une
fibrillation atriale en rythme sinusal dans un
peu plus de la moitié des cas avec un dé-
lai rapide. Une étude randomisée contrô-
lée contre amiodarone a été faite, l’étude
AVRO, montrant à 90 min un taux de ré-
duction d’un peu plus de 50 %, contre seu-
lement un peu plus de 5 % pour l’amio-
darone. Ce médicament est cité car il a ré-
cemment obtenu l’accord du CHMP, com-
mission de l’EMEA (Agence européenne du
FIGURE 2
médicament), pour une future mise sur le
marché.
Concernant le traitement oral à visée ryth-
mique, des nouveautés ont été introduites,
d’une part sur le simple contrôle de la fré-
quence lorsqu’il est choisi, et d’autre part
sur le contrôle du rythme.
Concernant le contrôle de la fréquence, il
est tenu compte des résultats de l’étude
RACE II qui a montré qu’il n’y avait pas
d’avantage majeur à un contrôle strict de
la fréquence par rapport à un contrôle plus
lâche.
En effet, l’étude RACE II avait inclus des pa-
tients présentant une FA permanente et qui
ont été randomisés entre une stratégie de chopneumathie chronique obstructive, on veauté a été ici introduite : la possibilité,
contrôle strict de la fréquence avec une fré- peut proposer diltiazem, vérapamil, digi- dans certains cas, chez des patients très
quence ventriculaire de repos < 80 bpm au taliques ou bêtabloquants non sélectifs, en symptomatiques et sans cardiopathie sous-
repos et < 110 bpm lors d’un effort modéré, cas d’insuffisance cardiaque digitaliques ou jacente, de réaliser une ablation par isola-
et une stratégie de contrôle plus lâche avec bêtabloquants. Dans les autres cas ou en tion des veines pulmonaires sans essai préa-
une fréquence ventriculaire de repos présence d’une seule hypertension, tous les lable d’antiarythmique. Rappelons cepen-
< 110 bpm. médicaments cités peuvent être utilisés. dant que dans la majorité des cas, il est né-
L’étude RACE II n’a pas retrouvé de diffé- L’élément nouveau le plus important de ces cessaire d’essayer d’abord un antiaryth-
rence sur le critère primaire de jugement nouvelles recommandations concerne la mique avant de proposer une ablation.
comprenant les décès de causes cardio- place de la dronédarone dans le choix des Pour les patients avec cardiopathie sous-ja-
vasculaires, les hospitalisations pour in- médicaments antiarythmiques à utiliser cente, il convient de différencier 3 cas de
suffisance cardiaque, les AVC, les embolies pour le maintien du rythme sinusal. Comme figure : patients avec une hypertension ar-
systémiques, les hémorragies et les aryth- on le verra dans la Figure 4, l’algorithme térielle et une hypertrophie ventriculaire
mies engageant le pronostic vital. séparant les patients sans cardiopathie gauche, patients avec une maladie coro-
L’algorithme proposé tient compte des sous-jacente ou avec une anomalie mineure naire, patients avec une insuffisance car-
symptômes et du mode de vie. S’il n’y a pas comme par exemple une hypertension diaque. En cas d’hypertension artérielle avec
de symptômes ou s’ils sont tolérables ou si artérielle sans hypertrophie ventriculaire hypertrophie ventriculaire gauche, les an-
le mode de vie est plutôt inactif, on pourra gauche, des patients avec cardiopathie sous- tiarythmiques de classe I ainsi que le sotalol
se contenter d’un simple contrôle lâche. jacente, qui figurait dans les recomman- ne sont pas conseillés, et la proposition en
Dans le cas inverse, un contrôle plus dations 2006, se retrouve dans les nouvelles première intention est donc la dronédarone.
strict, afin d’obtenir une fréquence inférieure avec l’indication claire de la place de la dro- En cas d’échec, on pourra envisager l’amio-
à 80 bpm, est nécessaire (Figure 2). nadérone. S’il n’y a pas de cardiopathie darone ou l’ablation par cathéter. En cas de
En cas de style de vie inactif, le médicament sous-jacente, la proposition est d’utiliser la maladie coronaire, les propositions concer-
proposé est la digitale ; en cas de style de dronédarone, la flécaïnide, la propafé- nent la dronédarone bien entendu, mais
vie actif, on peut choisir le médicament en none ou le sotalol. Ce n’est qu’en cas également le sotalol. Rappelons que ces in-
fonction d’une pathologie sous-jacente d’échec que l’on peut envisager l’ablation dications de la dronédarone sont basées sur
éventuelle (Figure 3) : en cas de bron- par cathéter ou l’amiodarone. Une nou- les données de l’étude ATHENA, qui avait
Rythmes • n°1 4 Mars 2011
5. montré la possibilité d’utiliser ce médica- risquent de limiter son utilisation et impli- d’insuffisance cardiaque. En effet, dans ces
ment, avec un intérêt en termes de morbi- quent une surveillance étroite des trans- recommandations, la dronédarone ne doit
mortalité, sur le critère composite morta- aminases. pas être utilisée chez les patients en insuf-
lité totale et hospitalisation pour raison car- Le problème du choix du médicament an- fisance cardiaque stade IV, mais également
diovasculaire. ATHENA s’est intéressée à tiarythmique chez le patient en insuffisance III et II instables. Elle n’est donc autorisée
l’effet sur la morbi-mortalité du traite- cardiaque est encore plus complexe. On sait que chez les patients en insuffisance car-
ment. L’étude a inclus des patients ayant une qu’une étude négative, l’étude ANDRO- diaque stade I ou II stable. En cas d’échec
fibrillation atriale et au moins un facteur de MEDA, avait été réalisée avec la dronéda- de la dronédarone, on peut envisager
risque de mortalité (âge > 75 ans, HTA, dia- rone chez des patients en insuffisance l’amiodarone ou l’ablation par cathéter.
bète, AVC ou AIT, antécédent thrombo-em- cardiaque stade IV. Les rédacteurs des re- Pour les patients avec une insuffisance car-
bolique, FEVG < 40 %, oreillette gauche commandations se sont voulus prudents diaque plus sévère, la seule possibilité est
> 50 mm). quant à l’emploi de la dronédarone en cas l’amiodarone. ■
Les patients ont été randomisés entre dro-
FIGURE 3
nédarone 400 mg deux fois par jour et pla-
cebo.
Choix du médicament pour le contrôle de la fréquence cardiaque
Le critère primaire de jugement comprenait
la mortalité totale et les hospitalisations pour Fibrillation atriale
motif cardiovasculaire.
L’étude a inclus 4 628 patients et a retrouvé,
après un suivi moyen de 21 mois, une di- Style de vie inactive Style de vie active
minution significative du critère primaire de
jugement dans le groupe dronédarone de Cardiopathie sous-jacente
24 %, réduction en rapport essentiellement
avec une diminution des hospitalisations
pour motif cardiovasculaire. La place de la Aucune ou Insuffisance Bronchopneumopathie
hypertension cardiaque chronique obstructive
dronédarone dans ces recommandations est
donc large dans la mesure où elle peut être
Digitaliques Bêtabloquants Bêtabloquants Diltiazem
prescrite chez des patients avec cardiopa- Diltiazem Digitaliques Vérapamil
thie sous-jacente comme les coronariens Verapamil Digitaliques
mais les dernières informations sur sa to- Digitaliques Bêtabloquants
cardiosélectifs
lérance hépatique, non connues au moment
de la rédaction des recommandations,
FIGURE 4
RÉFÉRENCE
1. Camm AJ, Kirchhof P, Lip G, Schotten U, Savelieva I, Ernst S, Van Gelder I, Al-Attar N, Hindrickx G, Prendergast B, Heidbuchel H, O Alfieri, Angelini A,
Attar D, Colonna P, De Caterina R, De Sutter J, Goette A, Gorenek B, Heldal M, Hohnloser S, Kolh P, Le Heuzey JY, Ponikowski P, Rutten F. Guidelines for
the management of atrial fibrillation. The taskforce for the management of atrial fibrillation of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J
2010;31(19):2369-429.
Rythmes • n°1 5 Mars 2011
6. COMMENT JE FAIS EN PRATIQUE DEVANT…
… des extrasystoles ventriculaires
sur cœur apparemment sain ?
Jean-François Leclercq
Paris
L
a découverte d’extrasystoles ven- ➜ L’électrocardiogramme est souvent polarisation, évocateurs d’une cardio-
triculaires (ESV) est fréquente à sous-utilisé. On doit regarder : myopathie gauche ou d’une dysplasie
l’ECG ou au Holter chez des pa- • l’aspect des ESV, en particulier leur droite.
tients, souvent jeunes, chez qui il n’y a vecteur principal qui indique leur site
pas de cardiopathie connue. Dès lors, d’origine. Les ESV bénignes sur cœur ➜ L’échographie doit être strictement
deux questions se posent : sain viennent le plus souvent de l’in- normale (seule la ballonisation mitrale
➜ Ces ESV viennent-elles révéler une fundibulum du ventricule droit et ont sans valve myxoïde est autorisée). Elle
cardiopathie sous-jacente et/ou ont- donc un aspect de retard gauche et un permet d’éliminer une cardiomyopathie
elles une signification péjorative ? axe vertical, elles sont très positives en gauche dilatée ou hypertrophique, mais
➜ Faut-il les traiter, et si oui, comment ? II,III,F et peu élargies (Figure 1). Plus a peu d’intérêt pour une cardiopathie
elles sont fines et amples, plus leur ca- ischémique ou une dysplasie.
La recherche d’une cardiopathie cau- ractère idiopathique est vraisembla-
sale est le temps essentiel, car la ble ; ➜ Le Holter apporte trois renseigne-
conduite ne sera pas la même selon ses • le reste de l’ECG : pour admettre le ments :
résultats. Elle comporte plusieurs exa- diagnostic d’ESV bénigne, il ne doit • le degré de polymorphisme : c’est
mens, du plus simple au plus com- montrer ni trouble de conduction in- l’élément le plus significatif. Les ESV bé-
plexe : traventriculaire, ni anomalie de la re- nignes sur cœur sain sont mono-
morphes. On peut admettre une 2e mor-
FIGURE 1
phologie si elle est exceptionnelle. A par-
tir de 3 morphologies, il est peu vrai-
Extrasystolie ventriculaire trigéminée sur cœur normal semblable que le cœur soit normal ;
• la relation avec la fréquence sinusale
et l’effort. Le plus souvent les ESV bé-
nignes disparaissent pour les fréquences
les plus élevées, et leur répartition peut
être variable le reste du temps ;
• l’existence de doublets et de salves.
Si elles sont monomorphes et ni trop
longues ni trop rapides, elles ne modi-
fient pas le caractère vraisemblablement
idiopathique du trouble du rythme.
➜ L’épreuve d’effort est intéressante
pour étudier le comportement des ESV
lors d’une stimulation sympathique.
Les ESV bénignes disparaissent pendant
l’effort, et réapparaissent à la récupé-
ration, souvent de façon exacerbée
avec des salves. L’aggravation pendant
l’effort avec apparition de doublets ou
de salves polymorphes est un argument
L’aspect est caractéristique d’ESV infundibulaires. Noter que les ESV sont peu élargies de poids pour une cardiopathie sous-ja-
et ont une grande amplitude, et que l’ECG est normal par ailleurs (l’onde T négative en
V1 est acceptable à 22 ans). cente, les plus fréquentes étant l’insuf-
fisance coronaire et la dysplasie.
Rythmes • n°1 6 Mars 2011
7. FIGURE 2
Y a-t-il des éléments
de mauvais pronostic ?
S’il y a une cardiopathie causale, la pré-
sence d’ESV fréquentes est en soi un élé-
ment pronostique défavorable. Mais si
tous les examens étiologiques sont nor-
maux, il faut malgré tout examiner :
• le degré de polymorphisme ;
• l’aspect morphologique ;
• le couplage des ESV.
Plus elles sont polymorphes, plus il y a
d’aspects de retard droit (venant donc du
VG), plus le couplage est court
(< 350 ms), moins le diagnostic d’ESV bé-
nigne sur cœur sain reste vraisemblable.
Ceci impose à tout le moins une sur-
Recherche de PTV chez 138 patients avec ESV sur cœur apparemment sain. Ceux veillance régulière et la répétition des
qui avaient une cardiopathie sous-jacente aux examens plus approfondis (dysplasie du examens d’imagerie, ainsi que l’inter-
VD ou cardiomyopathie gauche essentiellement) ont le plus souvent des PTV. Les chif-
fres indiquent le nombre de patients. Si on met la barre à 2 critères comme c’est habi-
diction de l’activité sportive.
tuel, il n’y a que 5 faux négatifs. Si on la met à 3 critères, il n’y a qu’un faux positif.
Quelles indications
thérapeutiques ?
➜ La recherche de Potentiels Tardifs aggravation des ESV). L’IRM peut aider
Ventriculaires (PTV) a une grande dans les cas limites pour le diagnostic S’il y a une cardiopathie significative, le
place dans le diagnostic étiologique. de cardiomyopathie hypertrophique. traitement à discuter en premier lieu est
Comme on le voit sur la Figure 2, la Mais c’est surtout pour le diagnostic de un bêtabloquant, puisque pratiquement
prévalence des PTV est différente en- dysplasie du ventricule droit qu’elle est toutes les arythmies ventriculaires sur car-
tre les ESV sur cœur sain et celles sur utile, en concurrence avec la scintigra- diopathie sont majorées par le tonus adré-
cardiopathie. C’est un signe assez pré- phie et l’angiographie VD. L’IRM est très nergique. En l’absence de cardiopathie,
coce qui permet souvent de suspecter performante pour apprécier les vo- et si le bêtabloqueur est insuffisant, on
une cardiomyopathie gauche ou une lumes, la scintigraphie pour détecter les peut le remplacer ou l’associer à un an-
dysplasie droite. retards de dépolarisation, et l’angio- tiarythmique de classe I ou de classe III.
graphie VD pour détecter les anomalies L’alternative est de proposer une abla-
➜ Les examens spécialisés d’imagerie de cinétique localisées (Figure 3). En ef- tion par radiofréquence du site d’origine
visent à assurer le diagnostic d’ESV idio- fet, le diagnostic de dysplasie du ven- des ESV. Ceci se pratique surtout dans
pathique. Outre l’écho, ils comportent tricule droit reste difficile, même avec les cavités droites, mais il existe égale-
la coronarographie, l’IRM, la scinti- les possibilités d’imagerie de plus en plus ment des ESV gauches sur cœur sain.
graphie en contraste de phase et l’an- performantes, pour la bonne raison Bien entendu, le caractère monomorphe
giographie ventriculaire droite. La co- qu’il s’agit d’une maladie évolutive, et est essentiel pour poser cette indication
ronarographie ne se discute que chez les qu’au stade initial il y a peu de lésions : qui reste rare et limitée aux ESV très
patients de 50 ans ou plus qui ont des elles sont mal visibles mais peuvent suf- symptomatiques et résistantes à tout trai-
anomalies à l’ECG d’effort (ischémie ou fire à donner des troubles du rythme. tement. ■
FIGURE 3
L’imagerie de la dysplasie du ventricule droit
De gauche à droite : l’IRM montre un VD plus grand que le VG, avec graisse intra-pariétale, l’angiographie une loupe de la paroi
inférieure du VD, et la scintigraphie un retard de dépolarisation localisé au VD.
Rythmes • n°1 7 Mars 2011
8. CAS CLINIQUE
Faut-il penser à l’implantation
précoce d’une sonde ventriculaire
gauche épicardique à l’occasion
d’une chirurgie cardiaque ?
L a resynchronisation par voie
épicardique est
habituellement réservée aux
Walid Amara*, Yves Esanu*, Nicolas Bonnet**
* Service de cardiologie et rythmologie, GHI Le Raincy-Montfermeil
** Service de chirurgie cardiaque, Centre cardiologique du Nord, Saint-Denis
échecs de resynchronisation par
voie percutanée ou lors du
remplacement de matériel après serré avec une surface à 0,65 cm2, une tobre 2010, montrent l’absence de ré-
une infection de stimulateur ou dysfonction ventriculaire gauche avec hospitalisation, une amélioration de la
de défibrillateur cardiaque, une FEVG mesurée entre 40 et 45 % et dyspnée (classe II de la NYHA), ce-
notamment chez les patients une akinésie de la moitié basale de la pendant sans amélioration notable de
dépendants. paroi inférieure et du septum. L’ECG la fraction d’éjection.
Dans ce cas clinique, une sonde montrait un rythme sinusal avec un bloc
épicardique implantée de branche gauche complet. Que dit la littérature ?
précocement à l’occasion d’un
remplacement valvulaire • A l’occasion de son remplacement val- Peu d’études se sont intéressées à l’im-
aortique chez une patiente ayant vulaire aortique par bioprothèse, une plantation per-opératoire d’une sonde
une dysfonction ventriculaire sonde ventriculaire gauche épicardique ventriculaire gauche épicardique. Une
gauche modérée, a été utilisée a été mise en place dans l’hypothèse série italienne (1) a porté sur 124 patients
plus d’un an plus tard, lorsque la d’une resynchronisation ultérieure ayant bénéficié d’une chirurgie car-
patiente a dû être implantée compte tenu de la dysfonction ventri- diaque et souffrant d’une insuffisance
d’un défibrillateur triple culaire gauche. Cette sonde a été ame- cardiaque systolique. Tous les patients
chambre, en raison d’une née jusqu’à l’aire prépectorale et ca- de cette série ont reçu une sonde ven-
dégradation de sa fonction puchonnée, en l’absence de critère for- triculaire gauche épicardique qui a été
ventriculaire gauche. mel de resynchronisation (FEVG > 35 % tunnélisée jusqu’à la région sous-cla-
pouvant s’améliorer après la chirurgie, vière. Parmi ces patients, 54 ont vu l’in-
dyspnée pouvant être expliquée par le dication de resynchronisation confirmée
Cas clinique rétrécissement aortique) (Figure 1). à un mois, et 33 à 6 mois (ces 87 pa-
tients ont été équipés d’un appareil re-
Le cas présenté est celui d’une patiente • Après une période initiale de stabi- synchronisateur). Les taux de réponses
de 73 ans. lité, la patiente a présenté fin 2009 une des deux groupes étaient respective-
aggravation de sa dyspnée (stade III de ment de 63 et 71 %.
• Cette patiente a comme antécédent la NYHA) avec dégradation de la fonc-
une cardiopathie ischémique avec une tion systolique ventriculaire gauche (la Quant au devenir des sondes épicar-
angioplastie et stent de l’IVA à deux re- FEVG était alors évaluée à 30 %). diques, des données comparatives aux
prises en 2002 et 2006. Celle-ci a été sondes implantées en percutané via le
opérée en mars 2008 d’un remplace- • Cette patiente a bénéficié en no- sinus coronaire(2) montrent l’absence de
ment valvulaire aortique par biopro- vembre 2009 de l’implantation d’un dé- différence sur la mortalité (30,6 % vs
thèse pour un rétrécissement aortique fibrillateur triple chambre qui a été 23,8 %, p = 0,22) ou les récidives d’in-
serré symptomatique. La patiente pré- connecté à deux sondes droites mises suffisance cardiaque (26,2 % vs 31,5 %,
sentait alors une dyspnée d’effort in- en place par voie endocavitaire et à la p = 0,53). Cette étude avait cependant
validante. sonde ventriculaire gauche implantée noté une plus grande fréquence des in-
20 mois plus tôt (Figure 2). suffisances rénales aiguës (26,2 % vs
• L’échographie pré-opératoire avait 4,9 %, p < 0,001) et des infections
montré un rétrécissement aortique • Les dernières données de suivi, en oc- (11,9 % vs 2,4 %, p = 0,03) chez les pa-
Rythmes • n°1 8 Mars 2011
9. FIGURE 1
tients resynchronisés par une tech-
nique chirurgicale.
On notera cependant que des données
récentes semblent suggérer que la sti-
mulation ventriculaire gauche endo-
cardique optimisée permet d’améliorer
la réponse à la resynchronisation en
comparaison aux méthodes classiques
de resynchronisation(3).
Les messages pour la pratique
Ce cas clinique suggère l’intérêt de la
mise en place d’une sonde ventriculaire
gauche épicardique à l’occasion d’une
chirurgie cardiaque, chez les patients
ayant une dysfonction ventriculaire
gauche, même modérée. La mise en
place d’une sonde épicardique est un
geste qui a une faible morbidité et qui
Radiographie thoracique avant la pose du défibrillateur triple chambre montrant la sonde
ventriculaire gauche épicardique.
a l’avantage de simplifier l’implantation
ultérieure d’un stimulateur ou défi-
brillateur triple chambre, le geste étant
FIGURE 2
alors plus simple et plus rapide. ■
Radiographie thoracique après la pose du défibrillateur triple chambre, qui est relié à
deux sondes droites et à la sonde gauche épicardique.
RÉFÉRENCES
1. Barosi A, Lunati M, Speca G, et al. Cardiac resynchronization therapy in patients undergoing open-chest cardiac surgery. J Interv Card Electrophysiol
2010:DOI:10.1007/s10840-009-9451-2. 2. Ailawadi G, Lapar DJ, Swenson BR. Surgically placed left ventricular leads provide similar outcomes to per-
cutaneous leads in patients with failed coronary sinus lead placement. Heart Rhythm 2010 May;7(5):619-25. 3. Derval N, Steendijk P, Gula LJ, et al. Op-
timizing hemodynamics in heart failure patients by systemic screening of left ventricular pacing sites. The left lateral ventricular wall and the coronary si-
nus are rarely the best sites. J Am Coll Cardiol 2010;55:566-75.
Rythmes • n°1 9 Mars 2011
10. NEWS & INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES
Pacemaker
et défibrillateur sans sonde
D epuis l’implantation des
premiers pacemakers
(PM) à l’aube des années 60, le
Hugues Blangy
Département de cardiologie, Institut des maladies du cœur
et des vaisseaux Louis Mathieu, CHU de Nancy
matériel et la technologie ont fait
d’importants progrès, tant en
performances qu’en miniaturisa- vraient pas apparaître en clinique avant 5. quid des interférences, en particulier
tion. Toutefois, les sondes res- au moins 5 ans. mécaniques (vibrations) ?
tent le point faible de ces dispo- En réalité, cette idée n’est pas nouvelle,
sitifs. Elles sont à l’origine de certains projets vieux de 40 ans envi- Malgré ces réserves, la technologie ul-
multiples complications. A l’im- sageaient déjà ce type de stimula- trasonique est à ce jour la plus avancée.
plantation : difficultés d’accès teurs, en ayant recours à l’énergie nu- D’autres pistes existent, comme l’in-
veineux (en particulier chez les cléaire. Mais d’autres voies de re- duction à partir d’un champ électro-
enfants), pneumothorax, tam- cherche existent. L’une des plus avan- magnétique déjà testée chez l’ani-
ponnade. A distance : déplace- cées concerne le « PM ultrasonique ». mal (4).
ments, fractures de sondes à Cette technologie a été testée chez l’ani-
l’origine de stimulation ineffi- mal (1), chez l’homme (2) et en particulier Défibrillateur sans sonde
cace et/ou de chocs inappropriés chez l’insuffisant cardiaque (3), mais
dans le cas d’un défibrillateur toujours en aigu. La source ultrasonore Ces dernières années, le monde de la
(DAI), infection et endocardite. est placée sur la peau (potentiellement défibrillation a été confronté à une sé-
Ces complications sont poten- implantable en sous-cutané), elle dé- rie de sondes affectées par un taux de
tiellement mortelles. Lorsqu’elle livre une énergie ultrasonore reçue par rupture anormalement élevé. Avec la
est nécessaire, l’extraction d’une un récepteur positionné sur l’endo- multiplication des indications prophy-
sonde est un geste difficile et ris- carde, équipé d’un cristal piézo-élec- lactiques, le clinicien sera de plus en
qué qui nécessite expérience et trique capable de transformer l’onde so- plus confronté à ce type de problème.
environnement adéquat. C’est nore en courant électrique à l’origine Dans le cas d’un DAI, une rupture de
pourquoi des recherches sont en de la stimulation (Figure 1). Cette sonde entraîne des chocs inappro-
cours pour développer des sys- technique de stimulation est efficace, priés et/ou inefficaces. Les consé-
tèmes de stimulation ou de défi- même chez l’insuffisant cardiaque, la quences pour le patient sont souvent re-
brillation sans sondes. fenêtre ultrasonore est suffisamment doutables. Si la technologie sans sonde
large pour être sûre, même en cas de devrait permettre d’éviter la plupart des
mouvements du patient. Le position- complications infectieuses graves, il
nement endocardique du récepteur n’est pas certain qu’il en soit de même
Pacemakers sans sonde laisse entrevoir la possibilité de choi- pour les chocs inappropriés.
sir le ou les site(s) de stimulation. A ce Le principe repose sur l’implantation
Chacun a pu rêver lors de la dernière stade, des études en chronique avec du d’un boîtier actif latéro-thoracique
édition de Cardiostim sur le stand matériel implantable sont nécessaires, gauche, et d’une sonde sous-cutanée
Medtronic devant ces petites capsules les principales limites de cette tech- composée d’un coil flanqué de 2 élec-
autonomes implantables directement au nologie sont les suivantes : trodes de détection (Figure 2). Ce dis-
contact du myocarde. Sans relever 1. la perte d’énergie est considérable, positif développé par la société Ca-
réellement de la science-fiction, ces dis- n’autorisant pas une longévité des bat- meron Health est programmable pour
positifs posent aujourd’hui de nom- teries actuelles de plus de 10 jours ; détecter les tachycardies entre 170 et
breuses questions techniques et de 2. le positionnement optimal de la 250 bpm, possède des discriminants
sécurité. Outre le problème de la mise source reste à définir ; pour éviter de traiter les tachycardies su-
en place qui repose sur l’utilisation de 3. le fonctionnement de 2 sites de sti- praventriculaires, est capable de déli-
cathéters de gros calibre, les capsules mulation avec une seule source pose vrer des chocs jusqu’à 80 joules et une
doivent être stables, programmables, des problèmes techniques ; stimulation transthoracique post-choc
autonomes en énergie et idéalement re- 4. les effets à long terme des ultrasons limitée à 30 sec. Il est muni d’une fonc-
chargeables à distance. Elles ne de- sur les tissus traversés sont mal connus ; tion Holter pour mémoriser les épi-
Rythmes • n°1 10 Mars 2011
11. FIGURE 1 FIGURE 2
Pacemaker ultrasonique temporaire comportant une source d’ul-
trasons et un récepteur transducteur intracardiaque monté à l’ex-
trémité d’un cathéter d’électrophysiologie. Le défibrillateur sous-cutané de Cameron Health.
sodes, et n’a pas de fonction antibra- brillation moyen à 36 joules contre Ces résultats préliminaires méritent
dycardique ni de stimulation antita- 11 joules pour un DAI endoveineux. La bien sûr d’être confirmés. Ils laissent en-
chycardique. Ce sont-là ses princi- durée d’implantation du système était trevoir la possibilité d’implanter des sys-
pales limites, il doit ainsi être proposé en moyenne de 1 heure et ne nécessi- tèmes moins invasifs, en particulier à
à des patients susceptibles de présen- tait pas l’usage de la fluoroscopie. Au nos patients les plus jeunes. Toutefois,
ter des arythmies rapides et sans indi- cours du suivi, 12 TV spontanées ont été les avantages liés à l’abandon de la
cation de stimulation cardiaque (ex : détectées et traitées efficacement avec sonde intracardiaque sont contreba-
syndrome de Brugada). Dans le cadre des chocs programmés à 65 joules. Les lancés par des inconvénients inhé-
d’une utilisation normale, la longévité principaux problèmes rencontrés ont rents à cette technologie qui en limi-
de la batterie est estimée à 5 ans. été des migrations de la sonde sous-cu- tent probablement les indications.
Après avoir étudié la configuration et tanée lorsqu’elle n’était pas positionnée
le positionnement de la sonde, les dé- de façon adéquate, et des phéno- Conclusion
veloppeurs l’ont comparée au sys- mènes de sur-détection essentielle-
tème endoveineux classique en aigu et ment musculaires qui n’ont pas occa- Les progrès technologiques autoriseront
viennent de publier une étude in- sionné de chocs inappropriés et qui ont à moyen terme des systèmes de sti-
cluant 55 patients implantés à long pu être corrigés par reprogrammation mulation ou de défibrillation auxquels
terme et suivis pendant une moyenne du vecteur de détection. Les auteurs nous n’aurions osé rêver voici seule-
de 10 mois (5). Les FV induites à l’im- n’évoquent pas la tolérance du choc dé- ment quelques années. Sous réserve de
plantation ont été parfaitement détec- livré pour traiter une TV sur un patient l’évolution du métier de stimuliste, le
tées et traitées avec un seuil de défi- conscient. futur promet d’être passionnant. ■
RÉFÉRENCES
1. Echt DS, Cowan MW, Riley RE, et al. Feasibility and safety of a novel technology for pacing without leads. Heart Rhythm 2006;3:1202-6. 2. Lee KL,
Lau CP, Tse HF, et al. First human demonstration of cardiac stimulation with transcutaneous ultrasound energy delivery. J Am Coll Cardiol 2007;50: 877-
83. 3. Lee KL, Tse HF, Echt DS, et al. Temporary leadless pacing in heart failure patients with ultrasound-mediated stimulation energy and effects on the
acoustic window. Heart Rhythm 2009;6:742-8. 4. Wieneke H, Konorza T, Erbel R, et al. Leadless pacing of the heart using induction technology. Pacing
Clin Electrophysiol 2009;32:177-83. 5. Bardy GH, Smith WM, Hood MA, et al. An entirely subcutaneous implantable cardioverter-defibrillator. N Engl J Med
2010;363:36-44.
Rythmes • n°1 11 Mars 2011
12. AUTOUR DU RYTHME
Infarctus cérébraux cryptogéniques
Ou comment mieux cerner l’étiologie des infarctus
cérébraux ? L’avis des neurologues
Eric Bodiguel, Jean-Louis Mas
Service de neurologie, Hôpital Sainte-Anne, Paris
Qu’est-ce qu’un infarctus siques, inflammatoires, ou infectieuses, des sus plaque non sténosante). Pour tenter de
cérébral cryptogénique ? affections hématologiques, des troubles de résoudre cette complexité, de nouvelles
la coagulation, des maladies métaboliques classifications des AVC définissant pour
Au terme d’une recherche étiologique rares, etc. Le bilan étiologique initial chaque groupe étiologique des niveaux de
complète, 25 à 40 % des infarctus céré- doit comporter une exploration non in- probabilité diagnostique sont en train de
braux restent sans cause identifiée : ils sont vasive des artères extra- et intracrâ- voir le jour.
dits cryptogéniques(1). niennes, une échocardiographie trans-
Sous une apparente simplicité, cette dé- thoracique, un enregistrement ECG si pos- La rythmologie
finition pose plusieurs problèmes. sible prolongé en unité neurovasculaire, peut-elle aider à diminuer
et un bilan biologique. Il sera complété, la proportion d’infarctus
• Le premier est le degré d’exhaustivité en fonction de l’âge et du contexte, par cérébraux cryptogéniques ?
du bilan étiologique. Parmi les nom- d’autres explorations (recherche d’une
breuses causes d’infarctus cérébral, trois anomalie de la coagulation, d’une mala- Environ 20 % des infarctus cérébraux sont
dominent par leur fréquence : l’athéro- die de système, échocardiographie trans- associés à une fibrillation auriculaire
sclérose, la maladie des petites artères cé- œsophagienne, angiographie cérébrale, (FA)(2) et l’infarctus cérébral peut être ré-
rébrales et les cardiopathies emboli- étude du LCR, voire biopsie cérébro- vélateur de la FA. Une question non ré-
gènes. Les dissections des artères à dis- méningée…). On ne devrait théorique- solue est celle de la fréquence avec la-
tribution cérébrale sont la cause la plus fré- ment parler d’infarctus cérébral crypto- quelle un infarctus cérébral en apparence
quente chez le sujet jeune. Les autres génique qu’au terme d’une recherche étio- cryptogénique relève d’une FA pa-
causes sont des artériopathies dyspla- logique complète, mais en pratique le de- roxystique non connue et non enregis-
gré d’exhaustivité dépend de l’âge du pa- trée lors de l’infarctus cérébral.
FIGURE
tient et de la probabilité de détection d’une Après un infarctus cérébral, un Holter
cause rare pouvant bénéficier d’un trai- ECG enregistre une FA non connue
tement spécifique. jusque-là chez seulement 4 à 6 % des pa-
tients(3). Le taux de détection augmente
• Le deuxième problème est celui de la avec la durée d’enregistrement. Dans une
rapidité de réalisation des explorations, série de 56 patients ayant présenté un in-
qui peut conditionner leur sensibilité. farctus cérébral cryptogénique, un en-
Ainsi, les signes IRM de dissection arté- registrement ECG continu ambulatoire de
rielle peuvent disparaître en deux se- 21 jours par télémétrie a enregistré une
maines(1). On peut suspecter que la sen- FA chez 23 % des patients(4). L’enregis-
sibilité de détection d’un thrombus in- trement par Holter ECG de plus de
tracardiaque diminue avec le temps, bien 70 extrasystoles auriculaires par 24 h per-
que ceci n’ait pas été démontré. met la détection ultérieure d’une FA pa-
roxystique par R-test chez 26 % des pa-
• Le troisième problème est l’estimation tients(5). Après un infarctus cérébral,
du degré d’imputabilité d’une cause po- l’ECG d’admission enregistre une FA dans
tentielle identifiée. L’imputabilité peut va- 2,7 % des cas, des ECG répétés détectent
rier de façon très importante en fonction une FA chez 4,1 % des patients jusque-
Exemple d’infarctus cérébral cryptogé- de la cause (par exemple fibrillation au- là en rythme sinusal, un Holter ECG com-
nique. Séquence IRM de diffusion riculaire versus foramen ovale perméable) plète la détection chez 5 % des patients
6 heures après le début des symp-
tômes. ou du degré de sévérité lésionnelle (par avec ECG normaux, et le R-test de
exemple sténose athéromateuse serrée ver- 7 jours détecte une FA chez 5,7 % des
Rythmes • n°1 12 Mars 2011
13. patients avec ECG et Holter normaux(6). un infarctus cérébral cryptogénique, et souvent graves, que leur taux de morta-
Pour l’avenir, les pistes de recherche l’évaluation de l’impact des stratégies de lité est élevé, qu’ils sont potentiellement
concernent l’optimisation des méthodes dépistage de la FA. L’impact thérapeutique évitables, et que leur prévalence augmente
de dépistage, la sélection de patients à haut pourrait être d’autant plus important que avec le vieillissement de la population(2).
risque de FA parmi ceux ayant présenté les infarctus cérébraux associés à la FA sont ■
RÉFÉRENCES
1. Amarenco P. Underlying pathology of stroke of unknown cause (cryptogenic stroke). Cerebrovasc Dis 2009;27(suppl 1):97-103. 2. The Task Force for
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2010;doi:10.1093/eurheartj/ehq278. 3. Liao J, Khalid Z, Scallan C, et al. Atrial fibrillation or flutter after acute ischemic stroke. A systematic review. Stroke
2007;38:2935-40. 4. Tayal AH, Tian M, Kelly KM, et al. Atrial fibrillation detected by mobile cardiac outpatient telemetry in cryptogenic TIA or stroke. Neu-
rology 2008;71:1696-701. 5. Wallmann D, Tüller D, Wustmann K, et al. Frequent atrial premature beats predict paroxysmal atrial fibrillation in stroke pa-
tients – An opportunity for a new diagnostic strategy. Stroke 2007;38:2292-4. 6. Jabaudon D, Sztajzel J, Sievert K, et al. Usefulness of ambulatory 7-day
ECG monitoring for the detection of atrial fibrillation and flutter after acute stroke and transient ischemic attack. Stroke 2004;35:1647-51.
ENTRETIEN
Télécardiologie :
de la théorie à la pratique
L es prothèses implantables
(stimulateurs et défibrilla-
teurs) cardiaques peuvent main-
Entretien avec le Professeur Philippe Mabo
Service de cardiologie, CHU de Rennes
tenant, pour une majorité d’en-
FIGURE 1
tre elles, être suivies « à dis-
tance ». Ce mode de surveil- Principe du télésuivi des stimulateurs et DAI
lance, usuellement appelé « té-
lécardiologie », pourrait modi-
fier notre appréhension du suivi
de ces patients. Le professeur
Philippe Mabo, président du
1 Patient ou DAI
avec PM 2 Boîtierdes données
envoi
patient :
Groupe de rythmologie de la
Société française de cardiologie,
a beaucoup œuvré pour la mise
en place de la télécardiologie. Il
a accepté de répondre aux ques-
tions de Rythmes.
■ La rédaction : Professeur Mabo,
pourriez-vous nous dire ce qu’on entend
réellement par « télécardiologie » ?
Pr P. Mabo : « Télécardiologie » est un
terme générique dont la déclinaison peut
3 centre deautomatique
un
Analyse
des données dans
service
s’envisager dans divers domaines, du
télé-enseignement à la télé-expertise, du
4 Médecin avec accès
au site internet sécurisé
télédiagnostic à la télésurveillance, tous
appliqués à la cardiologie. Pour la pratique forme de la télétransmission des électro- plus rarement, entre une « structure iso-
clinique rythmologique, le champ d’ap- cardiogrammes par exemple, dans le ca- lée » (par exemple un navire) et un cen-
plication le plus ancien relève du domaine dre de l’urgence, entre premiers secours tre expert d’analyse en temps réel ou dif-
du télédiagnostic, essentiellement sous la et services hospitaliers de cardiologie ou, féré. Plus récemment, sous l’impulsion de
Rythmes • n°1 13 Mars 2011
14. ENTRETIEN
la société Biotronik, s’est développé le s’associe désormais celui de suivi de la pa- lésurveillance, tout « événement anormal »
concept de télésuivi appliqué aux patients thologie, voire de suivi du patient. Ceci est détecté générant une alerte. Notre point
porteurs d’un stimulateur ou défibrillateur d’autant plus vrai qu’on parle de l’insuf- de vue est que la télécardiologie ne doit
automatique cardiaque. fisance cardiaque. Si la fiabilité technique pas être un système d’astreinte 24 h/24 et
est aujourd’hui maîtrisée par les différents ne doit pas se substituer au suivi clinique
■ Comment fonctionne la transmission constructeurs et validée, le bénéfice cli- capital.
entre la prothèse et le médecin ? nique doit être évalué à la fois sur des cri-
Sur le plan technologique, la prothèse est tères « durs » de morbi-mortalité et sur le ■ Une question subsiste : comment in-
capable d’établir une connexion sans fil, plan médico-économique. tégrer cette nouvelle modalité de suivi
automatique, de courte distance, avec un dans la pratique quotidienne ?
boîtier assurant lui-même la transmis- ■ Où en est-on des résultats des Le projet de loi sur la télémédecine devrait
sion via le réseau téléphonique filaire ou études randomisées ayant évalué la té- faciliter le déploiement, mais de nombreux
GSM vers un centre de traitement des don- lécardiologie ? points nécessiteront d’être résolus. Citons
nées qui, in fine, via un réseau internet sé- Des études prospectives sont en cours en de façon non exhaustive : financement (à
curisé, adresse les informations au centre France chez des patients porteurs d’un dé- l’acte ou forfaitaire ?) pour le médecin ou
d’implantation où est habituellement suivi fibrillateur automatique (E-Cost, EVA- la structure de soins, le télésuivi ouvrant
le patient (Figure 1). Les informations té- TEL), l’étude COMPAS, seule étude pros- la porte à la délégation de tâche auprès
létransmises concernent le fonctionnement pective ayant été effectuée dans une po- des paramédicaux, financement pour les
de la prothèse (intégrité des sondes, ten- pulation porteuse d’un stimulateur car- industriels non plus d’un produit mais d’un
sion de la batterie…) et des données pa- diaque, venant de se terminer. L’étude service, sécurité des données en termes
tients, principalement les événements COMPAS, étude de non infériorité par rap- d’anonymisation et de stockage, pérennité
rythmiques et les thérapies délivrées et, port au suivi classique, confirme la sécurité des systèmes, responsabilité en cas de par-
dans un futur proche, des informations sur du télésuivi en termes de mortalité et tage de l’information. Le télésuivi des pro-
le statut hémodynamique, particulièrement d’événements cardiovasculaires et va- thèses cardiaques implantables a pris
utiles dans le contexte de la resynchroni- lide l’impact du télésuivi sur la réduction son élan et rien ne devrait l’arrêter désor-
sation cardiaque. des consultations programmées. mais. Mais il nous faudra trouver rapide-
ment le cadre réglementaire pour ac-
■ Vous voulez dire que ce suivi « à dis- ■ La télécardiologie doit-elle être un compagner cette nouvelle pratique mé-
tance » sera utile au suivi « global » du système de surveillance 24 h sur 24 ? dicale et éviter une éventuelle sortie de
patient et devrait intéresser le cardiologue Le télésuivi peut se décliner en télécon- route qui priverait alors les patients d’une
traitant ? sultation, permettant d’assurer à distance réelle avancée technologique. ■
En effet, au concept de suivi de la prothèse le suivi habituel de la prothèse, et en té-
QUIZZ ÉLECTRO
Le choc inapproprié
qui suit le choc inefficace
L es chocs inappropriés font
partie des conséquences non
souhaitées d’une implantation de
Nicolas Clémenty, Laurent Fauchier
CHU Trousseau, Tours
défibrillateur. La plupart des chocs
inappropriés sont liés à l’usure de fibrillateur ventriculaire automatique sim- de stimulation VVIR. La thérapie anti-
la sonde de défibrillation ou à des ple chambre Biotronik Lumos VRT im- arythmique dans la zone de fibrillation
arythmies atriales rapides. Dans planté en prévention primaire de la mort ventriculaire (programmée au-delà de
cette observation, les auteurs rap- subite car il a une cardiomyopathie dila- 222 bpm) comprend un premier choc à
portent une cause « logicielle » de tée idiopathique avec FEVG à 25 %. Il est 20 joules suivi en cas d’inefficacité d’une
choc inapproprié. en fibrillation atriale permanente et une série de chocs à 30 joules (au maximum
ablation par radio-fréquence de la jonc- 7 chocs). Un mois avant l’hospitalisation,
Un homme de 63 ans est hospitalisé pour tion auriculo-ventriculaire a été réalisée. il y a eu une fibrillation ventriculaire syn-
un orage rythmique. Il est porteur d’un dé- Le défibrillateur est programmé en mode copale avec choc approprié efficace.
Rythmes • n°1 14 Mars 2011
15. A l’admission, l’ECG montre une fibril- tachycardie ventriculaire. Après re-dé- nouveau enregistrée lors d’épisodes ul-
lation atriale et un entraînement électro- tection de la tachycardie ventriculaire, térieurs avec à nouveau un choc inap-
systolique ventriculaire. L’interrogation des celle-ci s’arrête en fait spontanément proprié (parfois même 2 à la suite) faisant
mémoires du défibrillateur aux urgences pendant la durée de la 2e charge. L’algo- suite à un choc inefficace.
montre que l’appareil a délivré une dou- rithme de re-confirmation de l’arythmie Les algorithmes de re-confirmation des ta-
zaine de chocs électriques internes, le pre- ventriculaire étant désactivé pour le chyarythmies ventriculaires dans les dé-
mier d’entre eux étant approprié et effi- 2e choc et ceux qui suivent, on constate fibrillateurs sont utilisés à la fin du temps
cace. que le traitement est délivré alors que nécessaire à la charge de l’appareil et avant
Le 2e épisode montre le démarrage d’une l’arythmie ventriculaire est déjà finie, ce que ne soit délivré le choc électrique in-
tachycardie ventriculaire rapide à 240 bpm que l’appareil a, d’une certaine manière, terne (1). Rappelons que la plupart des épi-
correctement détectée en zone de fibril- diagnostiqué puisque le choc tombe sur sodes de tachycardie ventriculaire (et
lation ventriculaire. Après le temps né- un rythme ventriculaire stimulé à la fré- parfois même certaines fibrillations ven-
cessaire à la charge, le premier choc est quence de base (Figure 1). Cette sé- triculaires) sont spontanément résolutifs et
délivré mais est inefficace pour arrêter la quence, loin d’être exceptionnelle, est à ne justifient pas de thérapie électrique.
Néanmoins, ces arythmies ventriculaires
FIGURE 1
spontanément résolutives ne sont pas
systématiquement rapportées comme
étant une cause possible de chocs inap-
propriés. Les algorithmes de re-confir-
mation sont activés en nominal dans les
défibrillateurs Biotronik pour le 1er choc.
Le choc est annulé si 3 cycles sur 4 dé-
tectés en fin de charge sont sinusaux ou
stimulés. En revanche, sur les réglages stan-
dard, cet algorithme est désactivé pour les
chocs suivants au motif de réduire le dé-
lai du traitement pour les tachyarythmies
ventriculaires qui se prolongent et qui peu-
vent être mal tolérées d’un point de vue
hémodynamique. L’activation de l’algo-
rithme de re-confirmation peut se faire au
cas par cas, ce qui a été réalisé pour le pa-
tient de notre observation. Néanmoins, sur
d’autres modèles de défibrillateur, il n’est
pas possible d’activer l’algorithme de re-
confirmation à partir du 2e choc.
L’algorithme de re-confirmation nous
semble donc devoir être activé assez sys-
tématiquement avant tous les chocs dé-
livrés. Le délai supplémentaire de 2 se-
condes nécessaire à la re-confirmation pa-
raît assez court pour ne pas être délétère.
Parallèlement à la programmation de dé-
lais de détection allongés pour confirmer
le caractère soutenu de la tachycardie ven-
triculaire (2), la re-confirmation semble le
Le démarrage d’une tachycardie ventriculaire à 240 bpm est correctement détecté en moyen le plus efficace de prévenir les
zone de fibrillation. Après un temps de charge de 8,8 secondes, le 1er choc est délivré chocs inappropriés liés à des tachyaryth-
mais est inefficace pour arrêter l’arythmie. Celle-ci est correctement re-détectée par l’ap- mies ventriculaires non soutenues. ■
pareil mais l’arythmie se termine néanmoins spontanément pendant la 2e période de charge
(qui dure 10,8 secondes). Dans la mesure où l’algorithme de re-confirmation n’est pas
actif pour le 2e choc et les suivants, le choc interne est délivré sur le rythme ventricu-
laire stimulé à la fréquence de base.
RÉFÉRENCES
1. Raedle-Hurst TM, Wiecha J, Schwab JO, et al. Clinical performance of a specific algorithm to reconfirm self-terminating ventricular arrhythmias in cur-
rent implantable cardioverter-defibrillators. Am J Cardiol 2001;88:744-9. 2. Mansour F, Guash E, Berruezo A, et al. Inappropriate shocks or inappropriate
programming? A review of Guidant’s reconfirmation algorithm. Europace 2009;11:1120-2.
Rythmes • n°1 15 Mars 2011
16. Value through Innovation*
Même après un siècle d’expérience, notre curiosité reste intacte
Pour le bien des générations futures
Boehringer Ingelheim est toujours resté fidèle à son
image d’entreprise indépendante à capitaux fami-
liaux alors que son activité continue à se développer
à l’échelle internationale. La recherche fait notre
force. Entreprise du médicament, nous mesurons
notre succès par la mise sur le marché régulière de
médicaments innovants. Avec 42 000 collaborateurs
à travers le monde et une expérience de plus d’un
03/2011
siècle, notre vocation est de contribuer à l’amélio-
ration de la santé de tous.
11-1014
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