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SYMETRIX
DRH DANS
LA TOURMENTE
DIGITALE
DE L’OBSERVATION
À L’ACTION
MICHEL DIAZ,
Directeur associé de Féfaur
Michel Diaz est co-fondateur et Directeur associé de
Féfaur un leader européen des études et du conseil
en stratégie Digital Learning. Conférencier recherché,
il intervient et publie régulièrement en France et à
l’étranger. Il anime la rédaction de e-learning Letter
(www.e-learning-letter.com), premier Web media
français d’information professionnelle sur le Digital
Learning en France
Michel Diaz figure dans la liste trainingpress des 10
principaux influenceurs européens.
HUBERT VAN CAPPEL,
Directeur de Symetrix
A travers plus de 20 ans d’expériences professionnelles
au service de la stratégie et du marketing digital, Hubert
a travaillé sur tous les aspects du parcours client.
Après avoir créé une première agence de marketing
événementiel, il rejoint le Groupe Publicis pour
développer entre autres les nouveaux canaux digitaux. Il
devient ensuite directeur marketing & communication du
pôle Assurances de La Compagnie Financière Edmond
de Rothschild et y développe des projets de e-business.
Il consacre les années suivantes chez Louis Vuitton puis
chez Fullsix pour L’Oréal à développer sa connaissance
des parcours clients off et on line. Après une seconde
création d’entreprise dans le e-commerce de luxe et
plusieurs missions de conseil dans la stratégie digitale
il rejoint le Groupe SBT pour prendre la direction de
Symetrix.
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MICHEL :
La transformation digitale des entreprises est en cours. Les responsables RH ne
doivent pas se contenter d’un strapontin, en laissant la part du lion à ces nouveaux
« CDO » (Chief Digital Officiers) qu’on voit entrer en force dans les comités de
direction. Au contraire : les RH ont un rôle clé à jouer dans l’accompagnement
des métiers et des salariés confrontés à cette transformation digitale. Quel
est pratiquement ce rôle, dans quel contexte il intervient, au service de quels
enjeux, quels outils peut-on utiliser… Ces sont quelques-unes des questions que
nous voulons aborder dans ce dialogue… Mais il nous faut bien commencer par
le commencement : qu’est-ce qu’on entend par transformation digitale ?
HUBERT :
Il y a beaucoup de définitions qui circulent. Ma petite pierre à cet édifice
commun : « Processus, qui par la dématérialisation de certain coûts de la chaîne
traditionnelle de valeur d’une activité (métier, distribution, sourcing, relation
client…) permet de réinventer celle-ci pour un plus grand bénéfice ». Le bénéfice
attendu étant en cohérence avec la stratégie d’entreprise.
Dans le champ RH, qui nous occupe principalement, le recrutement,
l’employabilité, la mobilité, le développement et le pilotage des talents, aussi bien
que l’accompagnement au changement des collaborateurs sont des domaines
où le Digital permet d’avoir un impact très positif. Et pour bien clarifier ce que
nous entendons par « Digital » : si la transformation est rendue possible par les
nouvelles technologies numériques, c’est d’abord et avant tout à l’intelligence
de l’homme que l’on doit cette « disruption » des business models. Les outils
numériques permettent de rebattre les cartes, de remettre en question le
« savoir-faire » de métiers séculaires. Mais ce ne sont que des outils. Lorsque
l’opportunité de transformer des modèles historiques par la technique s’est
présentée, ce sont des entrepreneurs qui s’en sont emparés.
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MICHEL :
Et l’on pourrait multiplier les exemples, comme le fait qu’Amazon distribue
maintenant de l’alimentaire et pourrait être la première société au monde à
dépasser 3 mille milliards de dollars…
HUBERT :
Les 2 forces d’Amazon : être le meilleur en logistique et être le « Google du
comportement d’achat » : chaque parcours client est testé et mesuré sur la
plus grosse base consommateurs du monde ! Mais au-delà de ces grandes
entreprises numériques mondialement connues, on pourrait aller dans le détail
des métiers qui sont « disruptés » : de l’artisan-joaillier qui utilise l’impression
3D pour créer des bijoux sur mesure, en passant par le masseur qui se forme
grâce à un MOOC ou les danseurs qui enseignent sur YouTube, jusqu’aux
campagnes électorales qui se jouent largement sur le Web et les réseaux
sociaux… On n’a que l’embarras du choix !
MICHEL :
Quels sont les premiers exemples de disruption qui te viennent spontanément
à l’esprit ?
HUBERT :
Prenons le cas du site de locations immobilières Airbnb qui a remporté l’appel
d’offres portant sur la fourniture de chambres à l’occasion des prochains Jeux
olympiques d’été, en 2016 à Rio de Janeiro. Airbnb, qui est une des start-ups
les plus dynamiques de ces cinq dernières années depuis sa fondation par trois
étudiants aux Etats-Unis, a été préférée à d’autres acteurs en apparence plus
légitimes, les grands groupes d’hôtellerie. La société, qui propose en location
aussi bien des chambres individuelles chez des particuliers que des manoirs
ou des îles, a dernièrement été valorisée à 13 milliards de dollars (11,9 milliards
d’euros) soit plus que par exemple, Hyatt Hotels (8,5 milliards de dollars). Dans
le cadre de son contrat, Airbnb fournira 20.000 chambres lors des JO. C’est la
première fois qu’on sollicite des particuliers pour pallier un pic de la demande
pour des chambres d’hôtels dans le cadre d’un grand évènement sportif ! Par
contraste, lors des JO de Londres de 2012, certains propriétaires de maisons
s’étaient vus menacer d’amendes s’ils louaient leurs logements pendant les
Jeux… Quand on parle de changement…
Je vous prédis également la disparition des assurances auto individuelles : la
voiture automatique sans chauffeur combinée à une appli de type Uber fera
disparaître le besoin de posséder un véhicule. Au contraire je préfèrerai me faire
livrer n’importe où et en 5 minutes le véhicule que je désire à ce moment : utilitaire,
familiale, ou cabriolet. Plus besoin d’être propriétaire et donc de m’assurer. Les
voitures sans chauffeur de Google circulent déjà depuis des millions de km
et quasiment sans accident. Ceci répond parfaitement à la défaillance de nos
politiques actuelles pour enrayer le nombre de morts sur les routes.
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6. MICHEL :
Si tu devais retenir trois mots pour caractériser cette transformation…
HUBERT :
La transformation s’applique à tous les sujets, publics, privés ou professionnels.
Sur le champ professionnel, en particulier du point de vue de l’entreprise et
du collaborateur, on peut qualifier la transformation digitale d’inévitable,
d’acculturante et de disruptive.
« La
transformation
digitale est
inévitable,
acculturante et
disruptive. »
Son inévitabilité ne fait aucun doute. Aucun métier, aucune entreprise ou
industrie ne peut ignorer qu’il existe de nouvelles façons d’aborder et de mener
ses activités. Comme pour le cas de l’hébergement des JO de Rio : tout métier
est potentiellement concerné et est déjà touché. Le digital est contagieux, il fait
sauter l’une après l’autre les digues de toutes les certitudes métier. La question
« pourquoi la transformation digitale ?» est définitivement tranchée : « parce
que c’est possible ! ». C’est une déclinaison du « Yes we can » de Barack Obama
(dont l’élection a été financée en partie par la première campagne politique en
crowd funding). Parce que c’est rendu possible, et bien sûr parce que cela crée
un avantage pour mon activité.
La transformation digitale est « acculturante », dans le sens où elle ne nous est
pas extérieure, et inerte comme l’éther imaginé par les physiciens du XIXème
siècle ! Au contraire, elle est en nous. Nous créons de nouveaux réflexes, par
exemple celui de comparer les produits sur Internet ou de consulter l’avis des
consommateurs avant d’acheter ; nous avons de nouveaux comportements,
comme ceux générés par notre « interfaçage » avec les écrans – le swiping,
le multi-tasking… Nous sommes aussi confrontés à de nouvelles addictions, la
pratique massive des réseaux sociaux. Nouvelles cultures (Facebook), nouvelles
représentations de soi (LinkedIn), nouveaux référentiels (combien avons-nous
de followers ?), nouveaux modèles économiques : nous avons cité Airbnb et
Amazon, mais on pourrait mettre en avant Blablacar, Kickstarter, Uber… Je
pense qu’à partir du moment où l’on a choisi la pilule bleue, et qu’on utilise
ces services, il est très difficile de revenir en arrière. L’expérience démontre
la facilité déconcertante avec laquelle nous adoptons ces nouveaux codes et
usages.
Enfin - puisque seulement trois mots ! -, je qualifierais la transformation digitale
de « disruptive » : Passer en une génération de la sténo à l’email, de la pellicule
au pixel, du bazar à Amazon… C’est une terre brûlée permanente de tout ce que
nous avons connu. Et ceci va se reproduire et s’accélérer dans les temps selon
la loi de Moore. Des géants quasi-séculaires comme Kodak peuvent s’effondrer,
des monstres apparaître (Google n’a finalement que 10 ans d’existence). Nos
référentiels en prennent un coup ! Comment me projeter à plus de 5 ans, dans
mon entreprise, dans ma carrière ? Et en même temps, quelle formidable
occasion de créer les activités, le métier ou l’entreprise de mes rêves dans le
garage d’une petite ville en Inde (Il y a plus d’internautes en Inde qu’aux USA) !PAGE 6
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7. MICHEL :
Tu insistes à juste titre sur la part de l’humain, du rêve, de l’esprit d’entreprise et
d’aventure dans ce vaste mouvement, quelles sont les postures qui permettent
de rester à flot, voire de surfer sur cette vague ?
HUBERT :
Si l’aventure est au coin de la rue, alors soyons Agiles : puisque tout change
si vite, il vaut mieux évoluer par petites itérations maitrisées qu’à travers des
grands plans quinquennaux. Adaptons nos organisations à des mouvements
rapides, promouvons les investissements légers et les modes de décision les
plus courts. Acceptons de faire baisser les enjeux pour avoir le droit de se
tromper et mieux rebondir.
Une autre posture qui me semble essentielle : soyons curieux. La veille sur
Internet est un passe-temps utile, car dans le digital tout est Savoir et tout peut
se savoir. Allons voir ce qui se fait de mieux. Et comme tout peux se mesurer,
mesurons pour voir ce qui marche ailleurs. Multiplions les tests, les nouvelles
expériences en matière d’organisation, interrogeons nos clients. Pratiquons
l’analogie ! Par exemple le tunnel de transformation du e-commerce : ce sont
les 5 ou 6 clics (étapes) qui séparent le visiteur de l’acte d’achat. A chacune
de ces étapes, l’e-commerçant mesure le taux de rebond (c’est-à-dire le % de
visiteurs qui quittent la page) et teste les meilleures alternatives. On peut utiliser
la méthode du « AB Testing » (qui permet de comparer le comportement des
visiteurs sur deux pages Web différentes). De même les nouvelles technologies
permettent de mesurer la déperdition de valeur à chaque étape de la chaîne
d’activité de l’entreprise et de tester des alternatives à moindre coût. Testons
l’engagement des apprenants sur une formation e-learning en proposant plus
de modalités. Cette curiosité est à instiller dans tous les processus internes :
organisation, management, développement et parcours des collaborateurs…
Quant à la troisième posture qui consiste à être « inventif », elle consiste à
porter un nouveau regard sur mon entreprise, et, en effet, réinventer tout ou
partie de mon activité. Si la gestion de mon SAV via un call center coûte trop
cher, pourquoi ne pas le rendre gratuit en le faisant faire par mes clients ?!
Ce n’est pas une vue de l’esprit : c’est ainsi que procède Zappos (la place de
marché spécialisée dans la vente de chaussures) qui a déployé des forums
clients dynamiques où certains d’entre eux, passionnés, répondent à d’autres
clients. Les meilleures réponses sont valorisées et les meilleurs clients fidélisés
via un programme d’ambassadeurs.
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« Soyons
Agiles, curieux
et inventifs.»
8. MICHEL :
Certaines entreprises sont-elles plus touchées que les autres ?
HUBERT :
Il faut déjà noter que la plupart sinon toutes les entreprises B2C (dont les clients
sont des consommateurs) possèdent un site e-commerce. Les ventes et leur
préparation, passent de plus en plus par ces sites marchands qui existent depuis
une décennie : il n’est pas rare qu’elles dépassent 20% des ventes totales de
l’entreprise, ce qui finit par remettre sérieusement en question le modèle de
distribution traditionnel.
Les autres entreprises particulièrement touchées sont celles qui vendent des
biens ou des services de commodité : le web, qui permet de comparer les prix et
de récupérer les avis clients, encourage la compétition par le prix. Cela pousse
ces entreprises à réduire leur coût et donc à utiliser la dématérialisation comme
un levier de réduction de coûts.
On trouve aussi parmi les entreprises fortement concurrencées par le digital
celles qui sont les plus faibles en matière de la relation et de la connaissance
client. Agréger des flux de clients pour devenir le portail de la plomberie
(monplombier.com) est devenu un modèle de disruption classique sur Internet.
Car finalement ce qui fait la différence, hors le prix, c’est la notoriété et une
expérience de consommation rapide et simplifiée.
A l’opposé, des marques très fortes, en particulier dans le luxe, la distribution
spécialisée ou la gastronomie, pour ne citer que ces secteurs, pourraient se
sentir à l’abri, dans la mesure où elles sollicitent massivement les sens et la
subjectivité… Si leur métier historique est moins susceptible d’être digitalisé,
leurs métiers connexes le sont dorénavant : marketing, distribution, logistique,
finance… Et rien n’est plus agaçant que de voir un « pure player » débouler sur
votre marché du jour au lendemain et prélever sa commission sur vos activités ! Citons
des services comme booking.com qui s’est imposé comme interface entre les
hôtels et leurs clients. Ce portail de réservation ne référence que les hôtels qui
lui payent une commission et impose une concurrence féroce par le prix pour le
plus grand bonheur des touristes.
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MICHEL :
On comprend ces enjeux et les risques qu’une entreprise court à rater sa
transformation digitale ou à la mener trop lentement…
HUBERT :
Oui, la question du rythme est essentielle, car le fameux dicton « il y a de la place
pour tout le monde » est infirmé sur le web : le bonus revient aux entreprises
qui s’affichent sur la première page Google d’une requête. 90% des recherches
s’arrêtent à la première page et les 10% suivant ne dépassent pas les 3 suivantes.
Ces entreprises en tête de liste, sont souvent celles qui ont été pionnières dans la
digitalisation de pans entiers de leur secteur d’activité.
9. MICHEL :
Plaçons-nous du point de vue non plus de
l’entreprise mais des collaborateurs… Peut-
on considérer qu’aucun salarié ne pourra
échapper à l’impact du digital, quelles que
soient ses activités et sa fonction dans
l’entreprise ?
HUBERT :
Si vous possédez un smartphone, vous
êtes déjà impacté : vous pouvez recevoir
des emails, participer à des réunions à
distance, même en dehors de vos temps
de présence en entreprise. Les 35 heures
ne vous protègent pas de la tentation de
regarder votre smartphone. De plus vous
êtes « connectables » voir « visibles » sur les réseaux sociaux, même quand
vous dormez. Plus profondément, tout ce qui vaut pour le particulier vaut pour
l’entreprise et tout ce qui vaut pour l’entreprise vaut pour le collaborateur. Il
serait naïf de penser que votre métier, que vos rôles ne peuvent être repensés
ou dotés d’outils plus performants. Vos missions peuvent être divisées ou
agrégées à d’autres. On voit maintenant le marketing Digital chapoter le
marketing traditionnel dans de nombreuses entreprises. Quant au Chief
Happiness Officer, c’est un nouveau métier qui vient puiser dans plusieurs
fonctions : communication interne, architecture d’intérieur, psychologie
d’entreprise, etc. Une de ces fonctions qui n’existaient pas il y a 2 ans et qui
peinent à trouver leur traduction en Français. Digital signifiera sans doute plus
de responsabilités, plus de connaissances, moins de spécialisation.
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La vitesse est donc clé. Il est préférable de s’attaquer à un segment de l’entreprise
(une activité, un métier) et de le traiter vite, pour passer au suivant en apprenant
de ses erreurs et en organisant la contagion interne, au lieu de vouloir traiter la
transformation globalement - ce qui nécessite une digestion lente.
Voici un des grands enjeux de la transformation digitale : la Confiance. La
Confiance est indispensable pour aider mon entreprise à survivre à moyen
terme. Elle commence dans le regard des autres, des clients, des partenaires,
des collaborateurs. Personne ne veut présenter l’image obsolète d’un centre de
coût, de complexité… Au contraire on souhaiterait contribuer positivement à
l’e-reputation de l’entreprise.
Sur cette confiance on envisage sereinement une refonte de la chaîne de valeur :
j’ai l’opportunité de réinventer tout ou partie de mon activité, je peux découvrir
et mobiliser des gisements de valeurs en exploitant sans préjugés le potentiel
du digital… Réduction de mes coûts de transport, de logistique via l’analyse data
et le suivi en temps réel géo-localisé de mes transporteurs, tests de nouveaux
marchés via le e-commerce…
« Digital
signifiera sans
doute plus de
responsabilités,
plus de
connaissances,
moins de
spécialisation. »
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MICHEL :
Du coup, la transformation digitale de l’entreprise et de ses activités suppose
que tous les salariés aient un certain niveau de culture digitale…
HUBERT :
La posture d’agilité vaut autant pour les collaborateurs, elle constitue quasiment
un prérequis : agilité, capacité au changement, mobilité d’esprit sans lesquelles
aucune transformation n’est possible. Il en va de même de la curiosité, de
l’intérêt pour la nouveauté, de l’envie de tester, de se prêter à de nouvelles
expériences. Si ces deux postures sont partagées par les collaborateurs, il n’y
a pas d’obstacles humains à la transformation. En particulier chacun devrait
naturellement s’intéresser aux possibilités du digital dans son métier. C’est un
premier pas vers une culture digitale professionnalisée. On pourrait objecter
à raison que les usages et les outils digitaux sont souvent des modes fugaces.
C’est vrai ; mais les savoir-être, les tournures d’esprit qui doivent au contraire
se vivre, sont durables. Tous les collaborateurs, sans exception, devraient
être sensibilisés aux impacts du digital dans leur entreprise. Il est de la double
responsabilité de l’entreprise et du collaborateur de s’approprier cette fameuse
culture digitale. Il faut parler ici d’acculturation plus que de formation. Cette
nouvelle culture englobe la connaissance des acteurs comme des solutions et
des outils, l’histoire des évolutions techniques et économiques. C’est la culture
générale qui doit permettre à chacun de participer à la discussion en entreprise
et de comprendre les potentiels de la dématérialisation. Le mieux étant de le
vivre dans un projet : Cela peut commencer très simplement, par exemple
en travaillant sur l’e-reputation de son entreprise sur un réseau social.
« Il est de
la double
responsabilité
de l’entreprise
et du
collaborateur
de s’approprier
la culture
digitale. »
MICHEL :
Nous venons de caractériser la rupture digitale par des mots clés ; en particulier
nous avons vu que toutes les entreprises sont ou seront touchées, et qu’il
leur faut pour cela s’assurer que l’ensemble des collaborateurs possède cette
nouvelle culture générale nécessaire au travail comme dans la vie privée… Tu
as donné des pistes, finalement, pour aider les DRH à se forger une vision de
la transformation digitale en cours… La question qu’on peut évidemment se
poser, c’est celle de l’exemplarité de la DRH en la matière…
HUBERT :
Les DRH n’ont pas attendu pour avancer dans ce qu’on
pourrait appeler la « digitalisation RH », et certaines
initiatives sont exemplaires. Même si les SIRH ne sont
pas ce qui se fait de plus abouti en matière de digital
RH, ces systèmes d’information et de gestion de la paie,
des ressources humaines… ont permis l’entrée des outils
numériques dans les DRH, et l’acculturation à des usages
structurants, notamment à travers les fonctions de pilotage
et de reporting.
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À L’ACTION
Autre vertu : le temps économisé sur des tâches fastidieuses est redéployé sur
d’autres plus intéressantes. Mais ces évolutions ont bénéficié aux équipes RH
plutôt qu’aux collaborateurs.
Les Intranets ont permis de constituer les premiers réseaux d’information
partagée dans l’entreprise, suivis par d’autres dispositifs à la convergence des
besoins Métiers et RH, comme les « job boards » internes qui supportent la
mobilité et la cooptation… Je pense à la plateforme MyJobs du Crédit Agricole,
avec ses 25 000 inscrits internes, soit 50% des effectifs, et ses 8 000 offres
de publiées. Enfin, avec l’apparition des premiers Réseaux Sociaux d’Entreprise
(RSE), les entreprises se sont dotées d’un espace de discussion et de partage en
temps réel.
MICHEL :
Sans oublier la formation et le e-learning !
HUBERT :
Le e-learning, qui apparaissait il y a 15 ans comme un gadget suivant l’utilisation
des CD-Rom de formation, a fini par rencontrer un large assentiment des
entreprises comme des métiers et des collaborateurs. Il a dépassé sa vocation
« divertissante » et démontré sa grande efficacité dans les apprentissages.
Nul ne saurait contester les profonds changements d’attitude qu’il a entraîné
vis-à-vis de la formation, en particulier ce passage du « push » issu du
monde ancien, c’est-à-dire d’une formation décidée par l’entreprise et ses
systèmes de formation, au « pull » où le collaborateur vient dorénavant
chercher une formation en « libre accès ». C’est ici qu’on voit tout le potentiel
de la transformation digitale, ici qu’on peut dire qu’elle commence réellement :
lorsque le digital modifie structurellement les comportements en entreprise.
De la même façon qu’internet a permis l’e-commerce, ou le smartphone a
engendré les applications (et non l’inverse), les outils digitaux ouvrent la voie
du changement à celui qui en exploite le potentiel.
Le projet Facteo de la Poste en est un exemple remarquable : un smartphone
pour chaque postier, ce qui fait de ce projet, avec 94 000 smartphones
livrés, le plus gros déploiement de terminaux numériques en France ! Un
seul outil au service de la vie professionnelle avec des applis métiers comme
l’organisation des tournées ou la gestion des recommandés… et de la vie
personnelle ponctuée de ses appels et sms. Ce projet,
qui est courageusement porté par la DRH, a nécessité
de nombreux ateliers avec les facteurs utilisateurs. Cette
sorte de couteau suisse est une porte sur de nouveaux
services de proximité qui pourraient être délivrés à terme
par les facteurs.
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MICHEL :
Les réalisations sont donc nombreuses, utiles, parfois largement éprouvées… Le digital RH s’exprime
en particulier par ces systèmes d’information que tu viens d’évoquer, les smartphones entrent en
jeu, l’innovation fait son apparition… Quelles sont les nouvelles applications RH qui pourraient
apparaître ?
HUBERT :
Une première application RH qui pourrait changer l’entreprise, est l’évaluation continue et le
pilotage des talents par les savoir-être. Le but serait d’organiser la mobilité et la progression
des collaborateurs de façon beaucoup plus réactive. Cet objectif serait supporté par un outil de
mesure permettant au collaborateur de construire, après chaque mission, une représentation de
ses acquis et de ses envies, de façon à dessiner une trajectoire venant à la rencontre des besoins de
l’entreprise : le matching entre une opportunité de poste et un talent s’organiserait façon Meetic.
MICHEL :
Un changement considérable ! Mais est-ce que c’est actuellement possible ?
HUBERT :
Le changement apporté serait en effet considérable : le collaborateur aurait
potentiellement accès à n’importe quel poste de la société, et les mouvements
internes et externes en seraient fluidifiés. Par ailleurs les collaborateurs
s’engagent beaucoup plus quand ils comprennent mieux ce que l’entreprise
attend d’eux ! La disparition progressive de l’organisation en silos s’appuie sur
le remplacement d’un management des savoir-faire par un management des
savoir-être. Et c’est possible, dans la mesure où les savoir-faire s’enregistrent
en base de données et se transmettent grâce à la formation digitale. Le
collaborateur est motivé par la perspective d’un nouveau poste. Quant à la
DRH, c’est elle qui fixe les règles des « matchs » et qui anime cette communauté
de potentiels.
D’autres applications digitales sont déjà largement opérationnelles dans les
entreprises les plus avancées. Le Knowledge Management, qui repose sur la
digitalisation et le stockage des savoirs métiers, pour prévenir les situations
de départs à la retraite ou de mobilité des collaborateurs, est restituable
dans le cadre de formations spécifiques. Le chemin est ici bien balisé… Cette
récupération prend la forme de ressources numérisées multi-support (vidéo
immersives, réalité augmenté, interviews…) spécifiques à chaque métier ; les
ressources viennent ensuite s’intégrer dans des programmes de formation
certifiantes.
C’est une excellente première réponse à la disparition programmée du courrier papier : « La
numérisation de la société menace notre métier historique. [...] Notre modèle économique n’est
plus viable, le groupe doit donc se transformer ». (Philippe Wahl, PDG de la Poste)
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Un mot sur la réalité augmentée : c’est aujourd’hui une approche autant qu’une
technologie offrant la possibilité de se former à un métier manuel, technique
comme on peut la voir en application chez Renault qui la met en pratique pour
former ses garagistes en concession sur ses nouveaux modèles.
Ces captations de savoirs sont aujourd’hui partout, et notamment à travers
les MOOC/COOC/SPOC qui se sont fortement développés ces dernières
années. Les RH ont là aussi un rôle majeur à jouer, dans le lancement de ces
programmes de numérisation, en fonction des menaces que la pyramide des
âges ou la concurrence font peser sur les savoir-faire métiers. C’est aussi aux
RH d’organiser la stratégie de certification comme une voie de développement
des talents.
MICHEL :
On est là au cœur des enjeux du digital RH. Au fond il s’agit de mieux servir les
besoins des métiers et des personnes ! Par exemple, servir mieux et plus vite une
demande de recrutement et d’intégration d’un nouvel embauché, suppose la mise
en œuvre d’un Portail de formation / intégration ; tu parlais aussi de renforcer la
formation… on ne saurait trop insister sur ce point : comment se passer aujourd’hui
du Digital Learning pour délivrer des dispositifs collant plus étroitement aux
besoins du travail et à l’alignement des compétences sur les marchés et les métiers
de l’entreprise ?
HUBERT :
On relève souvent, à juste titre, un autre enjeu fort : comment répondre aux
demandes digitales du salarié. Celui-ci se considère de plus en plus, comme
un « consommateur de son travail », ou en tant qu’apprenant comme d’un
consommateur de formation ! Le bien-être collaborateur passe avant le
salaire en matière de fidélisation chez les nouvelles générations.
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À L’ACTION
MICHEL :
On n’oubliera pas au passage la nécessaire optimisation des processus RH ! Car il ne suffit pas de mettre
en œuvre des offres RH de qualité, encore faut-il que le coût en diminue ! Les directions d’entreprise
commencent à demander des comptes sur tous les services offerts par les RH… La formation est là
aussi un exemple presque trop évident… Tous ces enjeux intéressent un nombre de parties prenantes
internes, voire externes, dont certaines empièteraient bien sur le territoire régalien des RH… Ce qu’on
peut voir, par exemple, avec les CDO, ces Chief Digital Officers qui fleurissent à présent dans plus
de 23% des grandes entreprises comme le montre une récente enquête Russel Reynolds sur l’impact
du digital, laquelle précise aussi que 20% seulement des dirigeants juge la fonction RH capable de se
transformer !
HUBERT :
On pourrait certes douter de la capacité de changement ou d’innovation de la fonction RH sur les
outils numériques ; elle n’a pas la réputation d’être particulièrement technophile. Mais l’essentiel de
la transformation porte sur l’Humain. Le digital RH consiste plus à construire la bonne vision de son
organisation et de ses collaborateurs qu’à choisir les bons outils. Les DSI, les CDO choisiront les bons
outils et feront figure d’expert sur ce qui a été réalisé ailleurs. Le mettre en œuvre ici, maintenant,
dans mon entreprise, c’est une toute autre histoire !
« Le digital RH
consiste plus
à construire la
bonne vision de
son organisation
et de ses
collaborateurs
qu’à choisir les
bons outils. »
MICHEL :
On notera au passage que les CDO sont une “menace“
parmi d’autres. En particulier les métiers voire les
collaborateurs eux-mêmes ont une propension certaine
à utiliser toujours plus les outils digitaux qui leur
permettent de s’affranchir des RH… La formation en
est un excellent exemple, avec des contenus et des
dispositifs Digital Learning dont la maîtrise et le budget
échappent souvent au département formation. De sorte
qu’un autre mot clé de la transformation digitale, c’est celui
de désintermédiation : les RH doivent être en mesure
de prouver la valeur qu’elles créent dans l’entreprise,
sauf à courir le risque d’une sortie par le bas. C’est
une urgence, car cette désintermédiation serait une
catastrophe, et pas seulement pour elle : l’ensemble des
salariés et finalement l’entreprise perdraient beaucoup
à l’avènement d’un digital qui ne serait pas au service
d’un projet essentiellement humain.
HUBERT :
Je n’ai pas grand crainte qu’au pays du droit social, on
veuille et on puisse se séparer de la fonction RH ! Mais tu
as raison, ce serait annihiler définitivement une certaine
conception de l’entreprise…
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À L’ACTION
Seuls les robots n’ont plus besoin de DRH ! Encore un mot sur cette question du CDO, un poste qui a
été créé pour répondre à différents manques et dont le contenu et la valeur varient d’une entreprise
à l’autre : gourou ou visionnaire, évangéliste ou stratège, il est plus souvent recruté à l’extérieur de
l’entreprise, souvent dans des agences digitales, que promu de l’interne - l’exemple de Florian Sauvin,
CDO du groupe Bel issu de la direction et de la famille actionnaire, est une exception. CDO et DRH ne
seront pas longtemps en conflit : la transformation digitale de l’entreprise nécessite qu’ils collaborent,
chacun dans son champ de responsabilité. Celui de la DRH est clairement celui de la montée en
compétences des salariés et de la gestion des talents. Aux stratèges de fixer une direction, au DRH
d’en assurer la traduction dans le plus grand partage des valeurs de l’entreprise. Pour résumer : Si les DRH
ne sont pas toujours des experts du digital, les CDO ne le sont pas plus en matière d’accompagnement
et de trans-formation des collaborateurs !
HUBERT :
En effet, c’est le moment de parler de « disruption contrôlée », je me référe
à l’impératif, pour les entreprises, de tester de nouvelles organisations sans
prendre de risques inutiles, ces tests pouvant être faits à petite échelle. Une
bonne façon de procéder, c’est de créer une mini start-up interne intégrant
différents profils de collaborateurs, y compris des étudiants ou des stagiaires
pour réinventer une partie du business. On donnera à ses participants des
moyens inversement proportionnels à leur liberté de penser ! Ce type d’approche
permet une éclosion d’idées au cœur de l’entreprise. C’est un peu ce que des
entreprises expérimentent avec les Hakathons, sauf qu’il s’agirait cette fois
d’avoir un objectif business raisonné permettant d’ouvrir
de nouvelles portes sur l’activité et les méthodes de
travail. Ces expérimentations permettent par ailleurs
de faciliter et d’optimiser des recrutements internes et
externes. Il appartient aux RH de réunir les ingrédients
du cocktail, d’apprécier les output (positifs ou non) de
ce laboratoire et de détecter les innovations et leur
potentiel de généralisation dans l’entreprise.
MICHEL :
La question, c’est un peu celle du contrôle que les RH doivent tout de même
conserver face à toutes ces initiatives engendrées par le digital. Au moins un
contrôle sur leur cohérence d’ensemble…
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DRH DANS
LA TOURMENTE
DIGITALE
DE L’OBSERVATION
À L’ACTION
MICHEL :
Je voudrais m’arrêter un instant sur un modèle que j’ai utilisé en formation, et qui
pourrait tout aussi bien l’être dans le champ plus général des RH. Ce modèle, qui
est issu des travaux de Paul Hoskins, permettra de distinguer trois niveaux de
maturation digitale des RH. Le premier, le stade tactique, correspond à ce que
j’ai par ailleurs appelé le saupoudrage digital (et que Paul Hoskins désigne par
« Digitally Reactive ») : on réagit le plus souvent sous la contrainte, on injecte du
digital dans une solution RH déjà existante. Le deuxième stade, plus avancé, qu’on
pourrait qualifier de digital stratégique se caractérise par le fait que le digital est
pris en compte très en amont, dans toute solution que les équipes formation-RH
doivent délivrer auprès des salariés et des métiers ; on reste dans le paradigme
actuel, mais la valeur créée grâce au digital est beaucoup plus importante. Enfin,
on pourrait parler de stade transformationnel : le troisième stade est celui d’une
offre de service réinventée par le digital, l’innovation est à courant continu, en
prise avec l’innovation permanente des technologies et des usages rapidement
appropriés par les utilisateurs, les «digital natives» en particulier ; ce ne sont pas
seulement les offres qui sont réinventées, ce sont aussi les processus, les façons de
faire, et bien sûr les métiers RH…
HUBERT :
Je souscris à ce modèle !
MICHEL :
Et pour le compléter, on pourrait préciser quelques marqueurs qui permettent de
dire où en sont les RH… Par exemple l’apparition du terme « talent » utilisé à la place
de celui de « compétences » montre que l’entreprise et sa DRH ont compris qu’il est
préférable d’attirer, de développer et de fidéliser des talents, c’est-à-dire des salariés
capables d’improviser dans des situations inédites, que de construire des référentiels
de compétences plus ou moins stables pour des métiers qui disparaissent ou qui
ne sont pas encore apparus ! De même cette « orientation salarié » que recèle la
notion d’apprenance ou de learning, alors que celle de formation met l’accent sur le
formateur ou le processus de formation… On pourrait poursuivre sur cette voie, et
montrer quelle place ces approches, souvent en rupture avec qui prévalait jusque-là,
révèlent du niveau de culture digitale des RH…
HUBERT :
C’est exact. Une autre illustration, est le passage de la notion de SIRH dont nous
avons parlé, à celle de « Talent Management System » qui place le salarié au
centre du dispositif, y compris en lui donnant la main sur la saisie de ses propres
informations dans la plateforme… Au fond, tu viens de parler de culture digitale,
et je te rejoins pleinement : le digital, c’est avant tout affaire de culture… C’est
pourquoi il est aussi simple de s’y lancer : ce n’est pas une question d’outils,
et ceux-ci sont très accessibles… Et en même temps, ça peut paraître aussi
complexe : la culture, les comportements, les postures, on n’a pas si facilement
envie de changer !
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DRH DANS
LA TOURMENTE
DIGITALE
DE L’OBSERVATION
À L’ACTION
MICHEL :
Je voudrais maintenant qu’on aborde le sujet important de l’accompagnement
des salariés dans cette transformation digitale de l’entreprise. Dès lors que
réussite de cette transformation passe par l’acculturation digitale de tous les
salariés, quel que soit le poste qu’ils occupent dans l’entreprise, on imagine
qu’ils vont devoir être accompagnés durablement. La DRH va bien sûr jouer un
rôle essentiel dans cet accompagnement…
HUBERT :
On voit bien le rôle clé des DRH dans cet accompagnement et finalement la faible
probabilité qu’elles ont d’en être dessaisie, pourvu qu’elles prennent la mesure
de la transformation qu’il faudra accomplir sur l’Humain, et qu’elles conservent
le leadership de cette trans-formation. Remarquons aussi que pour permettre
à l’acculturation d’être réellement virale elle doit se faire organiquement via les
réseaux internes. Connaître ces réseaux internes, être capable de détecter les
ambassadeurs, et activer l’Humain autour du projet de l’entreprise constitue
une autre légitimité de la DRH.
« Le digital,
c’est avant
tout affaire de
culture. »
MICHEL :
On peut imaginer des nouvelles missions, l’émergence de fonctions RH qui
n’existent pas encore ?
HUBERT :
Oui, de nouveaux rôles empruntés au monde digital apparaissent : le
« Digitalizer » qui va retraduire la culture de l’entreprise pour prendre en
compte sa transformation par le digital. L’ « Architecte de la transformation »
prend en charge de digitaliser le plan de transformation de l’entreprise
en apportant des méthodes et des outils. Le « Scrum Master » détecte,
adopte et forme à de nouvelles méthodes de travail, organise la circulation
des savoirs et installe le reverse-mentoring. « L’ UX Designer », construit
l’environnement du collaborateur, et permet de renforcer son engagement,
par une meilleure expérience de travail. Le « Community manager » évalue
et cartographie les talents pour construire et animer un réseau social
interne. Il en sera sans doute rapidement indispensable d’ajouter le «
Data Scientist » qui mesurera et corrigera chacun de ces programmes
d’actions ci-dessus.
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DRH DANS
LA TOURMENTE
DIGITALE
DE L’OBSERVATION
À L’ACTION
MICHEL :
Les DRH joueront donc un rôle clé dans la transformation digitale de l’entreprise, à travers notamment
l’acculturation digitale de l’ensemble des salariés. On a bien compris qu’il s’agit bien d’une acculturation,
c’est-à-dire du développement d’une nouvelle culture, ou de la mise à jour, si on peut dire, d’une
culture d’entreprise revisitée par le digital, car il n’est pas tant question d’outils que de pratiques et de
postures. On a bien compris le rôle d’accompagnement qui sera joué par les équipes formation-RH, et
qu’elles devront être exemplaires dans leur propre transformation digitale… Tu as par exemple parlé
des innovations qu’elles pourraient rapidement mettre en œuvre… Ceci dit, je me mets à la place d’un
DRH : par où est-ce que je pourrais commencer ?!
HUBERT :
Pour commencer, en tant que DRH, je connais la stratégie de mon entreprise, et je sais si le mot « digital »
en fait partie. Et si c’est le cas, j’ai aussi une petite idée de ce qu’on pourrait appeler « la pression digitale »
qui règne dans l’entreprise ! Nous disposons à Symetrix d’un outil qui permet d’évaluer ce niveau de cette
pression… Comme une sorte de baromètre : le « R-U-DIGITAL » est un outil de diagnostic qui confronte les
points de vue de différents acteurs de l’entreprise. La DRH peut mettre cet outil à disposition des managers
et de leurs équipes pour les aider à estimer leur niveau de culture digitale. La DRH peut rapidement organiser
un premier point d’acculturation avec un expert interne ou externe à même de combler les écarts des
connaissances et faire le lien avec la stratégie d’entreprise. L’objectif est de s’ouvrir aux nombreuses facettes
du digital et de tracer quelques points d’arrimage concrets sous pilotage RH : changement d’organisation
du travail, parcours digital du collaborateur, etc. Et bien sûr de savoir où en est mon entreprise par rapport
à ses concurrents.
MICHEL :
Est-il possible d’avoir une idée des principaux jalons de ma stratégie RH sur les
trois premières années ?
HUBERT :
Merci pour cette temporalité… Trois ans, c’est justement la bonne distance pour
installer un tel plan dans des entreprises de plusieurs dizaines à plusieurs milliers de
salariés.
Le premier jalon à poser est celui de l’orientation. Il consiste à faire une nouvelle
traduction des valeurs de l’entreprise à travers le Digital. Avant de se transformer, il
faut déclarer qui on est. Aucune transformation n’est durable si elle ne pose pas en
premier la question de la culture : ce qui doit rester, ce qui doit évoluer. On devra
faire face à deux problématiques classiques.
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DRH DANS
LA TOURMENTE
DIGITALE
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À L’ACTION
D’abord celle des différences de culture digitale entre les générations qui coexistent dans l’entreprise :
que les plus jeunes en sachent plus que les plus âgés crée une sorte de hiérarchie inversée.
Ensuite celle de l’entreprise en silo qui ne pourra pas tirer tout le profit du digital en l’état. Il y a une
nécessité à revoir l’organisation générale tout en faisant évoluer la culture d’entreprise.
Ces digitalisations (par métier, par activité, etc.) doivent être planifiées… Une mise en musique largement
du ressort des RH !
Cette phase d’orientation débouche sur un plan d’actions, avec pour objectif la prise en compte du facteur
humain : expliquer partager, mettre en mouvement les hommes et les femmes de l’entreprise. Alterner
actions légères et actions plus lourdes, actions individuelles et actions collectives, permet de concevoir
efficacement cette feuille de route qui doit rester souple.
« Alterner actions légères et actions plus lourdes, actions
individuelles et actions collectives. »
« Il faut
challenger les
connaissances
des
collaborateurs
en multipliant
les actions
pédagogiques. »
MICHEL :
Quelles phases viennent après celle de l’orientation que tu viens de résumer ?
HUBERT :
L’acculturation, c’est-à-dire l’étape qui permet de transformer effectivement la
culture d’entreprise au niveau du collaborateur. Le plan partagé que j’évoquais ne
suffit pas ! Il faut challenger les connaissances des collaborateurs en multipliant les
occasions pédagogiques. Je ne parlerai pas de « formation » mais de séances de
découverte, de sensibilisation portant sur des sujets ponctuels : réseaux sociaux,
innovation, Big Data. Des séances pouvant prendre des formes diverses, par
exemple des petits déjeuners confiés à la responsabilité
de collaborateurs. Dans toute entreprise, il y a des salariés
que ces sujets passionnent. C’est à eux qu’il faut donner
la main. C’est eux qu’il faut aider dans la logistique de
ces moments d’échanges. Ces sessions peuvent donner
l’occasion de sortir de l’entreprise, d’aller voir comment
ça se passe ailleurs. Allez visiter les start-up de votre
secteur d’activité, pour échanger sur leur analyse de votre
industrie. Il n’y a jamais eu autant d’incubateurs en France,
au sein des écoles, des pôles d’excellence, des villes, des
départements, et des grandes entreprises elles-mêmes !
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Après la phase d’acculturation et de façon très rapprochée et itérative, il faut passer aux tests : concrétiser
des initiatives avec les « early testers », avec pour premier objectif de contourner la résistance naturelle au
changement. Privilégiez pour commencer les tests à petite échelle : sur des actions sans gros enjeux. Le
deuxième objectif de ces tests, est d’identifier les ambassadeurs de la transformation : les collaborateurs
enthousiastes et moteurs pour construire progressivement des réseaux à plus grande échelle.
Le plan d’actions peut commencer par deux ou trois actions simples sur un petit projet, pour maximiser
les chances de succès et estimer la résistance au changement. Par exemple, accompagner tous les salariés
dans la création de leur profil sur LinkedIn. Ce type de projet est engageant pour les salariés, et permet
d’aller vers des projets plus complexes, comme la mise en place d’une carte de visite électronique, puis
de la dématérialisation de la feuille de paie, etc. Chaque action peut être testée sur une BU ou une équipe
avant d’être déployée sur la totalité de l’entreprise pour un meilleur apprentissage. Un concours de projets
internes peut également être lancé dans le cadre du plan d’actions. Les actions peuvent être jouées
sur des modes nouveaux : hackathon, start-up interne, atelier disruptif… Par exemple pour un assureur
challenger en start-up interne quels seront les nouveaux services de l’assurance santé. C’est l’occasion de
mélanger les métiers et amorcer le désilotage des équipes. Ces actions intègrent bien sûr, pour chacune,
une mesure quantitative et qualitative !
La dernière phase de cette démarche, est celle des réseaux : il faut généraliser
le passage au digital grâce à la communauté des ambassadeurs construite
précédemment. Les tests et les initiatives ont en effet permis d’identifier les early
adopters prêts à avancer dans la transformation digitale. Les actions peuvent être
étendues à toute l’entreprise à travers ce réseau d’ambassadeurs. Les RH vont
accompagner les acteurs impliqués dans cette phase : support et moyens de
l’action ; elles continuent d’évaluer la performance de ces actions.
Cette approche en 4 phases qui permet de démarrer une stratégie de digitalisation
RH coordonnée avec la transformation digitale de l’entreprise, ne doit pas être
séquencée de façon trop rigide. Chacune des phases interagit potentiellement avec
lesautres;onn’enajamaisterminéaveccettedigitalisation,carlenumériquecontinue
d’innover… Il faudra donc régulièrement déployer de nouvelles expérimentations,
identifier de nouveaux ambassadeurs.
DRH DANS
LA TOURMENTE
DIGITALE
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À L’ACTION
« On n’en a jamais terminé avec la digitalisation car le
numérique continue d’innover. »
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MICHEL :
Tu viens d’insister sur le retour d’expérience, sur l’évaluation des actions… Quels
critères, quelles observations permettront à la DRH de savoir elle est sur la bonne
voie et au bon rythme ?
HUBERT :
Chaque action du plan doit en effet comporter une logique de mesure
simple mais rigoureuse, à travers quelques KPIs bien choisis – le nombre de
participants, le nombre des participants qui sont allés jusqu’au bout de l’action
(taux de transformation), celui des messages, des votes, etc. On voit ce type de
démarche, dans des expérimentations sur LinkedIn : la progression de la taille
du réseau moyen d’un collaborateur, le nombre de contenus postés, partagés,
le nombre de « Like ». Ces KPIs peuvent être assortis d’un objectif financier,
dans le cas où le collaborateur recrute, ou en fonction du trafic entrant sur le
site Corporate à partir des articles qu’il a écrits. Ces exemples montrent qu’il
est simple de créer un baromètre interne, qui reflétera finalement le niveau
d’engagement des participants. L’engagement, c’est la clé ! Ceci dit, à chaque
entreprise son rythme propre, tout en évitant toutefois les temps morts et
les effets tunnel… D’où l’intérêt de segmenter les gros projets en petits sous-
projets.
MICHEL :
Une autre chose dont on pourrait convenir facilement : beaucoup des actions
évoquées sont peu coûteuses, car, tu as raison de le signaler, peu gourmandes
en technologies. Nul besoin, donc, de demander un budget conséquent à la
direction de l’entreprise ! Prenons le simple exemple, combien parlant, des
contenus de formation générés par les salariés sur le terrain : leur smartphone
suffit pour capturer des gestes, des séquences de savoirs qui pourront être
homologuées par le département formation et figurer sur le Portail de formation
de l’entreprise ou du métier.
HUBERT :
Oui, parfaitement, ce type de démarche doit être valorisé et communiqué en
entreprise. Pour revenir aux diverses actions du plan dont on parlait, l’entreprise
peut utiliser une partie de son budget de formation à former ses collaborateurs aux
transformations en cours. Ce n’est pas tant l’argent qui pourrait manquer dans un
tel projet, que le temps et l’implication nécessaire de tous les acteurs, qui restent
une denrée rare… J’estime en effet que le temps moyen additionnel devrait être de
l’ordre de 10 à 15% sur 3 ans. Mais le digital permet par contre une totale souplesse
dans l’organisation des agendas.
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22. MICHEL :
Faut-il recruter une personne pour s’occuper de cette transformation digitale RH ?
HUBERT :
L’équipe RH peut avoir besoin de quelqu’un pour aider à absorber la charge de travail. Un chef
de projet qui encadrera les différentes actions. Si l’équipe est accompagnée en externe c’est pour
pouvoir devenir légitime à court-moyen terme. L’équipe gagnera en légitimité à se former plutôt qu’à
intégrer un « CDO » qui n’en aurait pas le nom. Nos clients apprécient particulièrement de pouvoir
devenir autonomes à l’issue de nos interventions. Ensemble nous mesurons combien ces thématiques
donnent du sens à la fonction RH.
DRH DANS
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23. Féfaur est un leader européen du conseil
indépendant en stratégie Digital Learning.
Son Schéma Directeur Digital Learning® est
utilisé dans les grandes entreprises en France
et à l’étranger. Féfaur produit des études
économiquesettechniquesquifontréférence,
par exemple l’édition annuelle du Benchmark
LMS Féfaur qui constitue la première source
d’information des grandes entreprises et
organisations dans leur projet d’acquisition /
remplacement de leur plateforme LMS. Ses 3
séminaires stratégiques annuels - Évaluation
de la formation, Plateformes, Stratégies Digital
Learning - sont suivis par des centaines de
décideurs formation-RH.
Michel Diaz est co-fondateur et directeur
associé de Féfaur. Conférencier recherché, il
intervient et publie régulièrement en France
et à l’étranger. Il dirige la rédaction du site
e-learning Letter, premier Web media français
d’information professionnelle sur le Digital
Learning.
Michel Diaz figure dans la liste trainingpress
des 10 principaux influenceurs européens.
Plus d’informations sur www.fefaur.com
Depuis 15 ans, nous accompagnons de grandes
entreprises internationales et institutions dans la mise en
œuvre de leur transformation digitale. Nous les aidons à
construire et déployer une stratégie RH globale incluant
tous les outils du digital pour assurer l’engagement des
collaborateurs leur parcours professionnel.
Contribuant à enrichir la culture d’entreprise, nous
intervenons sur sa raison d’être et ses valeurs: plan
de trans-formation des équipes, Réseaux Sociaux
d’Entreprise, méthodes agiles et expérimentations de
travail.
Nous inventons des dispositifs sur-mesure où
technologie et pédagogie s’allient pour construire
des Environnements Collaborateurs expérientiels et
engageants: développement et adaptive learning,
community management. Nous protégeons et faisons
perdurer les Savoir-faire et Savoir-être en digitalisant le
Knowledge Management. Nous contribuons à améliorer
l’efficacité opérationnelle des équipes sur le terrain au
plus près de leurs outils et de leur parcours.
Nous donnons aux équipes RH les moyens d’être
autonomes en renforçant leur compréhension et leur
anticipation du changement par des parcours itératifs.
Nous coproduisons les outils de mesure, de reporting
et de smart data nécessaires pour à l’amélioration
continue.
Symetrix fait partie du Groupe SBT, au côté d’Ose
Consulting, conseil en stratégie, Arnava, conseil en RH,
et Happy Neuron, recherche et développement d’outils
technologiques basés sur les sciences cognitives.
Symetrix intègre l’ensemble des ressources conseil,
pédagogie, IT et design, nécessaires à penser, former et
produire les réponses à nos clients.
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