Savez-vous que le commerce des produits bio et éthiques à deux siècles d'histoire ? Il fut un acteur pionnier des luttes sociales contre l'esclavage, l'émancipation féminine, il inventa la traçabilité et la notion de circuits-courts… Plongeons dans le passé, le présent et le futur des magasins bio.
Première parution : magazine Biocontact n°232 février 2013
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2005). Ce chiffre, a priori relativement faible, tra- ché est le moteur du secteur « engagé ». Ceux
duit une croissance exponentielle sur dix ans, le organisés en réseau ont su prendre le meilleur
marché ayant quadruplé sur cette période pour de la grande distribution (merchandising, logis-
approcher les 4 milliards d’euros en 2012 en tique) pour changer d’échelle, au détriment
alimentaire. Plus important, sa consommation cependant des distributeurs indépendants
entre dans les habitudes françaises : six Français quand ils ne sont pas fortement implantés
sur dix consomment désormais des produits localement. Sa part de marché est passée de
biologiques en 2011, quatre sur dix en achetant 131 millions d’euros en 1998 à 2,09 milliards
au moins une fois par mois… en 2011 (alimentaires et non alimentaires –
Le commerce équitable, malgré une image 1,028 milliard pour les magasins en réseau).
positive (100 % chez les 18-24 ans), passe quant Les autres modes de distribution : les Amap,
à lui depuis deux ans d’une croissance à deux points de vente en circuits courts (marchés de
chiffres à 4 % en 2011. producteurs, magasins paysans, etc.) et ventes
Le marché français de la distribution de alimentaires directes par Internet, malgré leur
l’alimentation biologique se segmente depuis popularité croissante, affichent une croissance
quinze ans en quatre grandes tendances : la modeste mais en augmentation constante
grande distribution, les magasins spécialisés (1 200 Amap pour 60 000 familles en dix ans).
segmentés entre les réseaux (Biocoop, La Vie La vente par Internet de produits bio – ali-
Claire, Biomonde, Satoriz, Naturalia…) et les mentaires transformés et non alimentaires (cos-
indépendants, la vente directe (avec les mar- métique, santé…) – est le secteur montant, avec
chés) et les artisans commerçants et magasins une grande sélection de produits, un ciblage
de vente de produits surgelés. très large, une promesse de prix bas et un ser-
La grande distribution, forte de 49 % de part vice client performant.
de marché (42 % en 1998), confirme sa position
d’acteur « démocratique » de la consomma- Quels produits ?
tion bio. La récession économique actuelle lui Au hit-parade des produits alimentaires bio
profite en partie avec son image « prix bas » les plus vendus : la gamme proposée en maga-
et un positionnement consommateur « occa- sins spécialisés est très large avec des milliers de
sionnel » ou peu motivé par la bio. Cependant, références. L’épicerie sucrée et salée y occupe
une baisse de la croissance des ventes est sur- la première place, devant les fruits et légumes,
venue, qui s’explique en partie par le fait que le rayon crèmerie et le pain. A noter que la dis-
cette famille d’acheteurs restreint facilement ses tribution en vrac, qui fait majoritairement par-
achats en temps de crise… Afin de s’accaparer tie de l’épicerie, peut représenter dans certains
les consom’acteurs les plus avertis et prêts à points de vente un chiffre d’affaires équivalent
dépenser plus, les grands distributeurs com- aux fruits et légumes.
mencent à ouvrir de « vrais » magasins bio ou En super et hypermarchés, le rayon crèmerie
d’acquérir des points de ventes bio existants. l’emporte (œufs, laits, autres produits laitiers),
Le secteur de la distribution spécialisée avec devant l’épicerie, les produits carnés, les fruits et
près de 2 400 magasins et 35 % de part de mar- légumes et le pain.
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La vente directe des producteurs aux jeune et sensible aux engagements éthiques Heureusement, le déploiement rapide dans
consommateurs se développe surtout en des marques. les années 2000 de magasins bio de deuxième
fruits, légumes et vin, et dans le secteur de Très demandeur en information produits génération, centrés sur un développement
l’élevage avec les fromages et la vente de viande (conseils d’achat, formulation, fabrication, rapide grâce à une offre large et une présen-
en caissettes. Enfin, les artisans commerçants emballage), il veille de plus en plus aux enga- tation commerciale, plus ou moins calquées
assurent majoritairement le pain, ainsi que les gements sociaux des magasins et des marques sur le modèle de la grande distribution, laisse
produits carnés et le vin. (implantation locale, refus d’importations loin- aussi place à une grande richesse d’expérimen-
taines de produits pouvant être cultivés en tation, stimulée par la crise et le rêve d’établir
Consommateur bio, qui es-tu ? France, respect de la parité homme-femme et rapidement une société écologique de l’après-
Les consom’acteurs des années 2010 ont de l’égalité des chances, etc.) et recherche une pétrole : place à la relocalisation, aux nouveaux
bien changé et sont bien plus nombreux. Tous consommation responsable (écorecharges, circuits courts (magasins paysans, fermes-
les milieux sociaux sont aujourd’hui concernés, vrac). Notons que le rayon vrac, longtemps magasins, coopératives alimentaires autogé-
du jeune au sénior, avec une moyenne d’âge considéré comme un rayon militant, com- rées…), aux micro-usines locales, aux bâtiments
de 41 ans. Le segment le moins impliqué, et le mence à se démocratiser en grande distribu- à haute performance environnementale avec
plus sensible au prix et à des « égopromesses » tion et à être aussi fréquenté pour son rapport toit-jardin, préparant ainsi le magasin bio de
de santé, beauté et statut social (consomma- qualité-prix intéressant, crise oblige. (2) troisième génération ■
teurs opportunistes pragmatiques), privilégie
la grande distribution. Ce sont eux qui assurent Quel futur pour le commerce bio ? ❯ Sauveur Fernandez.
majoritairement la croissance de la bio. La La bio a vu son essor bondir grâce aux peurs Expert indépendant en
venue du premier enfant et les ennuis de santé alimentaires des dernières décennies. Les nou- marketing durable et
sont des facteurs déclencheurs importants qui velles peurs des années 2010 (récession, chô- éco-innovation. Pionnier
incitent à consommer bio régulièrement. mage, pollution, catastrophes écologiques) français des principes
de la communication
Les consom’acteurs les plus actifs et les plus vont contribuer à soutenir la croissance du
responsable, il décrypte
influents proviennent cependant de catégo- secteur – la bio est devenue en effet une valeur les tendances de
ries socioprofessionnelles urbaines et cultivées refuge, malgré ses prix encore élevés – à condi- consommation à venir
dites moyennes et supérieures. Ce consomma- tion que les distributeurs et les marques bio et aide les marques et distributeurs à la
teur citoyen, sensibilisé, est motivé lui aussi par ne se focalisent pas uniquement sur la peur création de produits et services éthiques.
sa santé, mais accorde une importance égale de la concurrence et la seule recherche de
à l’environnement et l’offre locale. Il fréquente promotions (une tendance en cours !), mais ❯ Contact
Sauveur Fernandez
surtout les magasins bio spécialisés, les circuits reprennent aussi le flambeau des pionniers en
4, rue de Chaffoy – 30000 Nîmes
courts et les ventes directes (Amap…), sans relevant de nouveaux défis : une bio pour tous, Tél. : 06.11.40.19.91
dédaigner, en appoint, la grande distribution. pourvoyeuse d’emplois, de lien social, attentive Site : www.econovateur.com
Peu fidèle à une enseigne mais convaincu par à une consommation soutenable et conviviale,
la bio, il n’a pas été freiné dans ses achats par la et qui combat les menaces toujours actuelles de
crise. Il est néanmoins devenu attentif au rap- l’hyperconsommation, de l’agriculture de syn- 1. Le terme consom’acteur a été utilisé pour
la premier fois en 1992 dans la charte des
port qualité-prix et prévoit moins d’augmen- thèse, des biotechnologies et des énergies dan- Biocoop.
ter ses achats, à l’exception d’une frange plus gereuses. Il y va de sa survie… et de sa légitimité. 2. Sources : Bio linéaires, Agence bio.
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