1. Déjouer les pièges de l'HTA résistante
2008-10-27 16:37:36.0 | PASCALE SOLÈRE
Nice, France — La session « HTA résistante » co-animée par le Collège National des Cardiologues Français et la
SFHTA s'est attachée à illustrer la problématique de la prise en charge de l'HTA résistante.[1] Les bilans à mettre en
oeuvre, les étiologies à ne pas oublier, en particulier endocriniennes comme les hypercorticismes infracliniques, et pour
finir un point sur la sténose de l'artère rénale et les bénéfices à attendre d'une dilatation au regard des résultats de
l'étude ASTRAL.
Penser aux mesures ambulatoires et aux étiologies secondaires
« L'algorithme de prise en charge de l'HTA résistante, c.-à-d. persistant sous trithérapie à dose adaptée incluant un
diurétique, a été défini par les recommandations ANAES 2000 » rappelle le Dr Thierry Denolle (Dinard). Il s'agit de
rechercher :
En première intention :
un problème d'observance, néanmoins pas plus fréquent que dans l'HTA en général
un effet blouse blanche, d'où l'intérêt des mesures tensionnelles ambulatoires
une pseudo-HTA, rare
une association médicamenteuse inadaptée, relativement fréquente, ou une interaction médicamenteuse
En seconde intention :
une HTA secondaire, « dont l'incidence autour de 4 % en population générale (tous les hypertendus) atteint les 20 %
dans l'HTA résistante » souligne T Denolle.
L'incidence autour de 4 % de l'HTA secondaire en population générale (tous les hypertendus) atteint
20 % dans l'HTA résistante — Dr Denolle (Dinard)
« Ce n'est qu'une fois ces diagnostics d'exclusion posés qu'une quadrithérapie pour HTA résistante doit être initiée.
Néanmoins, dans la « vraie vie », comme l'a montré l'étude menée par l'URLM de Bretagne en 2003, si les médecins
généralistes suivent l'algorithme de l'HAS, ils tendent à surestimer les cas d'HTA résistantes. Tandis que les
cardiologues à qui ils adressent ces patients tendent de leur côté à mésestiment les étiologies secondaires ».
Dans cette étude menée à partir des demandes d'ALD pour HTA résistante par le MG, première surprise : 27 % des
patients étaient dès le départ « reclassables » par simple automesure. Les patients réellement mal équilibrés, avec une
prédominance d'HTA systolique isolée (60 %), bénéficiaient d'un avis spécialisé, très majoritairement cardiologique
(98 %).
Les médecins généralistes tendent à surestimer les cas d'HTA résistantes. Tandis que les cardiologues
à qui ils adressent ces patients tendent de leur côté à mésestiment les étiologies secondaires —
Dr Denolle
Deuxième surprise : seulement 30 % se sont vus prescrire une exploration de l'artère rénale et 15 % un dosage de
rénine, quand 82 % ont eu un ECG, 60 % une échographie cardiaque et 30 % un fond d'œil ! « Résultat, on est à 8 %
2. d'étiologies secondaires : quand on ne cherche pas, on ne trouve pas... »
Et à 4 mois de suivi, la prise en charge est un échec relatif avec un quart des sujets équilibrés et deux tiers d'HTA
masquée sans compter les autres facteurs de risque cardiovasculaires, eux aussi insuffisamment contrôlés... « Ce qui
montre l'utilité des automesures ambulatoires, la relative rareté des bilans étiologiques et la prise en charge par ailleurs
insuffisante des autres facteurs de risque dans ces HTA résistantes » résume T Denolle.
Attention aux étiologies endocriniennes notamment Cushing infracliniques
Pr Girerd
« Parmi les HTA résistantes adressées en consultation d'HTA résistante au sein du service d'endocrinologie à la Pitié
Salpêtrière en 2007, 20 % étaient d'étiologie endocrinienne contre 2 % d'étiologie rénale. Il ne faut donc pas oublier ces
20 % d'HTA résistantes d'étiologies endocriniennes d'autant qu'elles sont souvent bien contrôlées par une simple
bithérapie avec la spironolactone et les diurétiques thiazidiques » souligne le Pr Xavier Girerd (Paris).
Mais que rechercher par ordre de fréquence ? Notre pratique comme la littérature montrent que ces étiologies
endocriniennes sont dominées par :
les hyperaldostéronismes primaires : isolés (maladie de Conn) ou liés à une hyperplasie des surrénales (Cushing). Il
faut y penser en particulier si le potassium < 3,5 mmol/L, l'HTA non contrôlée sous IEC ou ARAII avec le potassium <
3,7 mmol/L et si on a un antécédent de contrôle sous spironolactone.
les hypercorticismes infracliniques : des formes, relativement fréquentes, où l'on n'a pas de diagnostic de Cushing
évident mais plutôt un Cushing infraclinique dominé par l'HTA résistante qu'il faut savoir évoquer devant un patient
présentant une kaliémie un peu basse, qui a pris du poids récemment (syndrome métabolique), fatigué...
le phéochromocytome, exceptionnel.
le cortico-surrénalome, encore plus exceptionnel et redoutable.
Quels examens hormonaux prescrire ?
Avant de « passer la main » le cardiologue peut déjà prescrire :
hyperaldostéronisme : un dosage de rénine et d'aldostérone
hypercorticisme : un cortisol libre urinaire — 1er test de suspicion (positif si > 50 microg/24 h) — suivi si (+) d'un test
de freinage à la dexaméthasone.
« Sachant qu'en pratique, c'est le scanner qui renseigne le mieux et le plus directement sur ces étiologies, et que
partant de là, on peut aussi débuter par le scanner dont le résultat — tumeur unilatérale ou bilatérale — va lui-même
orienter les explorations biologiques » commente X Girerd.
Le délicat problème du dépistage et traitement d'une sténose athéromateuse rénale
3. Une sténose athéromateuse de l'artère rénale est fréquente chez le polyvasculaire. Cependant elle est rarement
responsable d'HTA, explique le Pr Jean Pierre Fauvel (Néphrologue, Lyon).
Il existe néanmoins un score de risque de sténose rénale très utile en pratique clinique basé sur 9 critères cliniques :
tabac, âge, sexe, autres localisations athéromateuses, ancienneté de l'HTA, IMC, souffle abdominal, créatinine,
cholestérol. S'il donne une probabilité supérieure à 20 %, cela vaut le coup de la rechercher.
Pourquoi ? Parce que sa prise en charge thérapeutique, au delà d'une normalisation des PA, vise deux objectifs
importants : préserver la fonction rénale et réduire le risque de complications cardiovasculaires chez ces patients à très
haut risque. Il y a néanmoins débat aujourd'hui sur qui dépister et comment, et sur la prise en charge thérapeutique,
médicamenteuse ou par angiostenting.
Début 2008, on avait peu de données sur l'angiostenting de l'artère rénale. Les trois essais randomisés mettaient en
évidence un bénéfice modéré sur le contrôle tensionnel — économie en moyenne 0,8 traitement — sans bénéfice en
terme de prévention rénale et cardiovasculaire dans ces études d'une durée limitée à 1 an.
Les résultats de l'étude ASTRAL publiés cette année se sont avérés forts décevants. Il s'agit d'un essai randomisé
angiostenting versus traitement médicamenteux chez des patients pour lesquels le médecin jugeait qu'il ne connaissait
pas les bénéfices de l'angioplastie. « Cet essai n'inclut donc pas les patients ayant une indication formelle à
l'angiostenting rénal » souligne JP Fauvel.
Il s'agit de sténoses rénales en moyenne à 75 %, dont la moitié sont bilatérales, avec 400 patients dans chaque bras,
et un suivi à 48 mois. Résultat, on n'a pas de gain associé à la revascularisation sur la fonction rénale (clairance de la
créatinine) qui tend à légèrement se détériorer dans le temps. Le gain tensionnel est limité à une réduction moyenne
des PAS de 0,8 mm Hg. Enfin, l'étude ne met pas en évidence de bénéfice sur les complications cardiovasculaires —
décès, infarctus, AVC, hospitalisations pour IC — à 48 mois. Et ces résultats viennent un peu modifier les
recommandations.
En pratique clinique, il convient donc de considérer chaque cas individuellement en tenant compte :
du niveau tensionnel sous traitement médicamenteux bien conduit,
de la fonction rénale sous traitement médicamenteux bien conduit (trithérapie à dose efficace incluant en particulier
IEC ou ARAII),
de la taille du rein en aval de la sténose — il n'est pas utile de dilater un petit rein — et du degré de résistance,
du nombre de reins — une sténose sur rein unique impose une dilatation
de l'étiologie de la sténose — athéromateuse dont on a parlé ici ou — fibrodysplasique à dilater systématiquement,
et, in fine, du choix éclairé du patient.
Conduite à tenir devant une sténose rénale athéromateuse selon JP Fauvel
Caractéristiques patient
Traitement
Sténose AR > 70 % (uni- ou bilatérale), PA contrôlée, insuff. rénale modérée (créat. < 150 micromol/L, MDRD > 50
Médical ; Surveillance par écho-
mL/min/1,73)
doppler
Insuff. rénale sévère ou taille du rein < 8 cm ou occlusion de l'AR (sans reperméabilisation distale) ou absence de
Médical car revascularisation
fonction du rein sténosé
pas possible
Sténose AR > 70 % (uni- ou bilatérale), taille du rein > 8 cm surtout si IR < 0,80 ET nécessité d'un IEC mais
Angioplastie (+ stent pour les
mauvaise tolérance rénale, IR progressive ou OAP flash
lésions ostiales)
4. « La prise en charge d'une sténose athéromateuse rénale doit toujours tenir compte des caractéristiques du patient.
Mais vu les résultats d'ASTRAL, l'angiostenting est aujourd'hui réservé aux sténoses avec gros rein (> 8 cm) surtout si
l'indice de résistance est élevé (> 0,8) chez des patients nécessitant par ailleurs un traitement par IEC pour leur coeur
mais qui ne le supportent pas au niveau rénal ou dont la fonction rénale se dégrade rapidement ou présentant des
OAP flash » résume JP Fauvel (Lyon).
Références
1. « L'HTA secondaire ». Session commune CNCF/SFHTA, 20e congrès du CNCF, Nice, octobre 2008.
2. Denolle T, Eon Y, LE Neel H et coll. « Programme régional d'amélioration de la prise en charge en médecine
générale du patient hypertendu résistant ». Archives des maladies du coeur et des vaisseaux 2005;98(7-8):111.
3. Angioplasty and Stenting for Renal Artery Lesions (ASTRAL) trial. 2008 SCAI-ACC i2 Summit .
Liens
Les antagonistes de l'aldostérone ont une place dans l'HTA résistante
[heartwire > Actualités ; 19 décembre 2007]
Le cardiologue doit-il encore prendre la « tension » des patients ?
[heartwire > CNCF Actualités ; 22 octobre 2007]
L'HAS a révisé ses recommandations pour la prise en charge de l'HTA
[heartwire > Actualités ; 27 octobre 2005]
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