2. 31-108-A-10 Aplasies et hypoplasies squelettiques congénitales de jambe Radiodiagnostic
l’inverse de ce que l’on observe dans les aplasies péronières. Nous
avons observé quatre luxations congénitales de hanche dont l’origine
malformative ne faisait pas de doute.
Pour les malformations péronières, la malformation est bilatérale
une fois sur cinq. Les malformations associées sont moins habituelles
que dans les hypoplasies du tibia. Les malformations du membre
supérieur sont rares : trois cas de main bote cubitale dans les 51 cas
de la série de Lefort et Carlioz [15]. On a décrit également des
malformations vertébrales. À l’inverse, appartenant à l’ectromélie
longitudinale externe, les malformations fémorales proximales de
tous types sont fréquentes.
¦ Origine de ces malformations
Elle reste totalement inconnue. On peut évoquer une origine acquise
pour les malformations unilatérales isolées et une mutation
dominante dans les malformations bilatérales. Nous avons observé,
dans notre série, trois cas de malformations familiales. Il a été décrit
des cas familiaux où l’aplasie tibiale était associée à des mains
fendues ou à des polydactylies. L’anomalie se transmettait sur le
mode autosomique dominant, à pénétrance variable dans les mains
fendues et à manifestation régulière dans les polydactylies [14].
Compte tenu de ces éléments, le conseil génétique doit être très
prudent.
Pour les agénésies unilatérales isolées, le risque de récurrence de
l’anomalie pour un autre enfant est très faible, si ce n’est nul. Il s’agit
probablement de malformations acquises dont la cause n’est pas
connue. Il en est de même pour la descendance du sujet atteint, bien
que le conseil nous paraisse plus aléatoire.
Pour les agénésies bilatérales, les agénésies associées à des mains
fendues ou des polydactylies, le risque est très différent. S’il s’agit
d’un cas bilatéral, on peut évoquer une mutation dominante. Le
risque est donc théoriquement nul pour les autres germains et de
50 % pour la descendance. Dans les aplasies tibiales associées à des
mains fendues ou à des polydactylies, il peut exister une
transmission héréditaire dominante à expression variable et il existe
un risque important pour les autres germains et pour la
descendance.
Aplasie et hypoplasie du tibia
L’aplasie du tibia comporte tous les intermédiaires entre la simple
hypoplasie et l’absence complète de tibia. Elle reste une
malformation assez rare, qui est en pratique sévère. Le pied est
toujours anormal, la qualité du genou fait tout le pronostic de la
maladie. Le traitement de ces malformations est difficile et sujet à
beaucoup de controverses entre les partisans des techniques de
reconstruction et ceux des techniques d’amputation avec
appareillage.
ASPECT CLINIQUE
Il est d’emblée très évocateur. La jambe est très courte, incurvée en
varus et flessum (fig 1). La peau a un aspect normal mais peut
présenter une fossette cutanée. Le péroné est présent, palpable,
incurvé en varus. Le tibia, en revanche, n’est pas toujours palpable
et tous les stades sont possibles entre l’absence complète de tibia, la
palpation d’une extrémité supérieure de petite taille ou la palpation
d’un morceau de tibia occupant le tiers ou la moitié supérieurs de la
jambe. Le genou est en flessum, avec une mobilité et une stabilité
variables selon l’état de développement de l’articulation et de
l’appareil extenseur. La tête du péroné fait saillie, luxée à la face
postéroexterne du condyle externe. La rotule est le plus souvent
présente, souvent hypoplasique, parfois luxée. Elle se prolonge par
un tendon rotulien difficile à palper qui s’insère sur l’extrémité
tibiale si elle existe. Il est important de noter la stabilité et la
motricité du genou, éléments importants du pronostic. Le pied,
souvent raide et irréductible, est enroulé en varus équin sur la face
interne de la jambe, avec une malléole externe saillante. Il possède
cinq rayons dans plus de la moitié des cas (60 %), avec une
hypoplasie du premier rayon dans un tiers de ces cas. Dans 40 %
des cas, le nombre de rayons est diminué (25 %) ou augmenté (15 %)
(fig 2). Il peut exister une duplication complète du pied et nous
avons retrouvé un cas avec neuf rayons. Des syndactylies sont
fréquentes lorsque les orteils sont en surnombre. La cuisse a un
aspect normal dans la grande majorité des cas. Une duplication du
fémur, palpable sous la forme d’une grosse exostose interne, a été
retrouvée dans 17 cas (15 %). Cette duplication est le témoin de
l’ectromélie interne (fig 3).
ASPECTS RADIOLOGIQUES
Les aspects radiographiques dépendent de la gravité de la
malformation et de l’âge de l’enfant, car à l’anomalie de formation
2 Le pied est enroulé en varus équin sur la face interne de la
jambe.
A. Le pied a cinq rayons mais le premier est hypoplasique.
B. Le nombre de rayons peut être diminué ou augmenté.
*A
*B
1 Agénésie tibiale. La jambe est courte,
incurvée. Le tibia n’est pas palpable. Le pé-roné
est incurvé en varus.
2
3. Radiodiagnostic Aplasies et hypoplasies squelettiques congénitales de jambe 31-108-A-10
s’ajoute un retard d’ossification. Le tibia est visible dans 30 % des
cas (42 cas). Il est constitué le plus souvent d’une extrémité
supérieure avec une épiphyse, un cartilage de croissance et un
fragment métaphysodiaphysaire plus ou moins long et effilé (fig 4).
L’épiphyse tibiale supérieure est cependant rarement visible à la
naissance et s’ossifie secondairement. Parfois, l’extrémité est en
forme de « patte d’éléphant » au-dessous de laquelle un noyau
d’ossification peut apparaître secondairement. Parfois, le tibia est
relativement long, s’écarte du péroné à son extrémité distale en
créant un diastasis et se termine au niveau de la face interne de
l’arrière-pied (fig 5). Dans certains cas, il existe seulement un
fragment osseux médiodiaphysaire, grossièrement triangulaire, situé
à distance du genou et du pied. Dans 70 % des cas, le tibia n’est pas
visible à la naissance (94 cas) (fig 6). Un noyau d’ossification
épiphysaire est cependant apparu secondairement, entre 18 mois et
5 ans de délai, 14 fois à l’extrémité supérieure (fig 7) et une fois
seulement à l’extrémité inférieure. Cette apparition tardive de
l’épiphyse est le plus souvent isolée, sans ossification de la
métaphyse, ce qui témoigne de l’absence de cartilage de croissance
à ce niveau.
Le péroné est normalement constitué avec ses deux épiphyses. Il est
soit rectiligne, soit incurvé en varus avec une grande courbure
intéressant toute la diaphyse. Cette courbure est parfois remplacée
par une angulation médiodiaphysaire et nous avons observé, dans
un cas, une fracture néonatale. Parfois hypertrophique
transversalement, le péroné est souvent court, avec un
raccourcissement moyen de 20 % (de 6 à 40%). L’extrémité
inférieure est située sur la face externe du calcanéum. L’extrémité
supérieure est située sur la face externe du condyle externe, à une
hauteur variable selon la présence et la taille du tibia.
Le pied n’est pas toujours hypoplasique et peut avoir un squelette
normalement développé. Il n’est, en tout cas, jamais normal car au
minimum en attitude vicieuse en varus équin. À la naissance, le
noyau calcanéen est toujours présent et le noyau astragalien parfois
absent, apparaissant avec retard. Une synostose astragalo-calcanéenne
est très fréquente, mais jamais visible à la naissance.
Elle est en général complète et découverte lors de l’intervention de
reposition du pied ou lors de la dissection de la pièce d’amputation.
D’autres synostoses du médiopied, des métatarsiens ou des
phalanges sont fréquentes.
À l’avant-pied, toutes les combinaisons sont possibles, depuis le
pied à un métatarsien jusqu’à la duplication du pied qui devient
complète quand s’associe une duplication de l’astragale. Le nombre
d’orteils est toujours égal ou supérieur au nombre de métatarsiens.
Le fémur est, dans la grosse majorité des cas, normalement
développé avec une structure, une morphologie et une longueur
3 Agénésie tibiale avec
duplication du fémur qui
donne l’aspect d’une grosse
exostose sur la face interne
de la cuisse.
4 Hypoplasie du tibia. L’extrémité su-périeure
comporte une épiphyse et un frag-ment
métaphysodiaphysaire effilé.
5 Hypoplasie tibiale avec diastasis tibiopéronier. Seule
l’extrémité distale du tibia est malformative.
6 Absence complète de tibia. Aucune
structure osseuse n’est visible à la
naissance.
7 Hypoplasie tibiale avec apparition se-condaire
d’un noyau d’ossification épiphy-saire
tibial supérieur, témoin de la présence
d’une maquette cartilagineuse.
3
4. 31-108-A-10 Aplasies et hypoplasies squelettiques congénitales de jambe Radiodiagnostic
normales. Une hypoplasie modérée peut s’observer avec un
pourcentage de raccourcissement moyen de 3 %. La duplication du
fémur apparaît sous la forme d’une ébauche d’extrémité inférieure
appendue sur le bord interne de la diaphyse ou de la métaphyse
(fig 8). L’hypoplasie du noyau d’ossification inférieur a été notée par
certains auteurs [12, 13].
ASPECTS ANATOMIQUES
Les descriptions anatomiques des agénésies du tibia que nous
rapportons ici proviennent de la confrontation des données de la
littérature [25, 26, 28], des comptes-rendus d’intervention et de la
dissection d’un foetus mort-né qui présentait une agénésie du
tibia [19]. Elles concernent, pour la plupart, les formes les plus graves
d’agénésie tibiale.
¦ Anomalies ostéoarticulaires
L’articulation du genou est absente dans les cas d’agénésie complète.
L’épiphyse fémorale peut être normale. Elle peut être simplement
hypoplasique avec des condyles peu développés, une trochlée mal
creusée, voire convexe, et une échancrure intercondylienne à peine
ébauchée. Elle peut être très hypoplasique, de forme conique ou
réduite à un seul condyle externe. Dans d’autres cas, il n’y a pas de
tibia osseux, mais il existe une maquette cartilagineuse épiphysaire
tibiale supérieure qui peut être mise en évidence par échographie [9]
ou en imagerie par résonance magnétique (IRM) (fig 9). Cette
maquette, de taille variable (15 à 40 mm de haut), peut comporter
deux plateaux tibiaux donnant l’impression d’un genou normal ou
être réduite à un seul plateau tibial externe ou interne. Ce noyau
cartilagineux, même de petite taille, donne insertion au tendon
rotulien [19]. Les ligaments croisés ont un développement
probablement très variable. Ils ont été retrouvés dans certains cas
où il n’existait qu’une épiphyse cartilagineuse tibiale. L’instabilité
antéropostérieure des genoux est cependant très fréquente, même
avec des genoux paraissant radiologiquement normaux. La rotule
est le plus souvent présente, volontiers hypoplasique. Le tendon
rotulien peut être normal et s’insère sur la maquette cartilagineuse.
Il peut être réduit à un tissu fibreux qui vient se perdre dans les
parties molles de la jambe ou s’attacher sur la tête du péroné. Les
ménisques ont été peu souvent décrits. Il a été noté des ménisques
en « C » et des ménisques discoïdes. Le tibia, quand il est présent, a
une structure macroscopique normale. Sa partie distale effilée est
cependant friable. Les études histologiques ont montré qu’il
s’agissait d’os de structure haversienne normale. La cheville ne
comporte qu’une surface articulaire astragalienne, externe ou
supéroexterne, qui s’articule avec l’extrémité inférieure du péroné.
Dans un cas, une maquette cartilagineuse inférieure a été retrouvée
à l’intervention. Elle s’est ossifiée à 5 ans. Le pied comporte une
grande variété d’anomalies ostéoarticulaires déjà décrites sur la
radiographie.
¦ Anomalies musculotendineuses
Les anomalies musculotendineuses intéressent essentiellement les
muscles internes.
Le muscle quadriceps était toujours présent, ce qui ne préjuge en
rien de sa valeur fonctionnelle. Lorsqu’il existait une duplication
fémorale, il existait en général un deuxième quadriceps avec parfois
une rotule et une ébauche de tendon rotulien. Le biceps était souvent
volumineux et régulièrement inséré sur la tête du péroné.
Les muscles de jambe sont répartis dans trois loges aponévrotiques,
avec des corps musculaires qui s’insèrent sur les cloisons
intermusculaires et sur le péroné.
Les muscles de la loge antérieure de la jambe, notamment le long
extenseur de l’hallux et le tibial antérieur, sont souvent atrophiques
ou absents, surtout s’il existe une hypoplasie du premier rayon. Les
muscles de la loge postérieure sont également anormaux :
hypertrophie du triceps sural, gastrocnémien surnuméraire, agénésie
presque complète des muscles postérieurs, absence ou hypoplasie
du long fléchisseur de l’hallux, hypoplasie et anomalies d’insertion
du tendon tibial postérieur etc. Les muscles de la loge externe sont
plus constants. Nous avons retrouvé un muscle surnuméraire qui
s’insérait sur la face externe du calcanéum et une anomalie
d’insertion du muscle long fibulaire qui s’insérait sous la base du
cinquième métatarsien.
¦ Anomalies vasculaires
Elles ont pu être analysées sur 17 artériographies. Dans la moitié
des cas, l’artériographie était normale avec trois axes vasculaires de
jambe. Dans les autres cas, il n’existait que un ou deux axes
vasculaires de jambe, avec absence d’injection de l’artère fémorale
profonde dans un cas. Ces anomalies exposent aux complications
vasculaires postopératoires.
¦ Anomalies nerveuses
Les trois nerfs principaux de la jambe étaient le plus souvent
présents et normaux. Cependant, le nerf tibial postérieur était parfois
volumineux. Dans un cas de duplication du fémur, on a pu observer
deux nerfs sciatiques, un gros tronc externe volumineux et un
deuxième interne grêle.
SYNTHÈSE ET CLASSIFICATION
En 1978, Jones [12] a proposé une classification en quatre stades. Dans
le type I, où aucun tibia n’est radiologiquement visible à la
naissance, il différencie deux stades (a ou b) sur l’existence ou non
d’un genou, en fonction de l’aspect radiographique de l’épiphyse
fémorale inférieure, elle-même fonction de la présence ou non d’un
tibia cartilagineux. Kalamchi propose, lui, de classer ces formes avec
tibia cartilagineux dans les types II d’agénésie partielle. Il les
différencie des types I sur l’importance du flessum du genou et sur
l’aspect, également, de l’épiphyse fémorale inférieure. Cependant, il
ne différencie pas, dans ses résultats, les cas avec tibia osseux des
cas avec tibia cartilagineux [13].
8 La duplication du fé-mur
se présente comme une
ébauche surnuméraire d’ex-trémité
inférieure de fémur.
9 La maquette cartilagi-neuse
tibiale supérieure
peut être mise en évidence
en imagerie par résonance
magnétique.
4
5. Radiodiagnostic Aplasies et hypoplasies squelettiques congénitales de jambe 31-108-A-10
Nous avons proposé une synthèse de ces deux classifications et nous
distinguons les différentes formes d’agénésie tibiale en fonction de
la qualité de l’articulation du genou (fig 10).
– Type I : aucun tibia n’est cliniquement palpable ni
radiologiquement visible (type Ia de Jones). La tête du péroné est
haute, saillante à l’extrémité de la cuisse. Il n’y a pas d’articulation
de genou et la jambe est en flessum marqué, avec peu ou pas de
mobilité. C’est le cas le plus fréquent. Nous avons retrouvé 79 cas
sur 136 (59 %).
– Type IIa : le tibia n’est pas radiologiquement visible, mais il y a
une masse cartilagineuse à son extrémité supérieure qui s’ossifie
secondairement. L’absence d’ossification métaphysaire tibiale
indique qu’il n’y a pas de plaque conjugale à l’extrémité supérieure
du tibia. La tête du péroné est moins haute. Il existe une articulation
du genou de qualité fonctionnelle médiocre, en flessum moins
marqué, mobile mais instable. Nous en avons retrouvé 14 cas (10 %).
– Type IIb : le tibia est radiologiquement visible dans sa partie
supérieure. La métaphyse est ossifiée mais le noyau épiphysaire
tibial supérieur n’est pas toujours visible à la naissance. Il existe un
cartilage de croissance à l’extrémité supérieure du tibia. L’agénésie
intéresse la moitié inférieure du tibia. La tête du péroné est en
situation à peu près normale. L’articulation du genou est de qualité
variable. Nous avons retrouvé 33 cas sur 136 (24 %).
– Type III : le tibia est cliniquement palpable ou radiologiquement
visible dans sa partie inférieure. L’agénésie intéresse les deux tiers
supérieurs du tibia. Le genou est très instable. Il s’agit d’une forme
très rare : deux cas sur 136 (1,5 %).
– Type IV : le tibia est simplement hypoplasique dans sa partie
distale et il existe un diastasis tibiopéronier inférieur. Le genou est
normal. Le péroné fait saillie à son extrémité inférieure, luxé sur la
face latérale du calcanéum. Le pied est en varus équin, interposé
dans le diastasis tibiopéronier. Nous avons retrouvé sept cas (5 %)
dans notre étude.
10 Classification en quatre types des agénésies
et hypoplasies du tibia.
A. Type I : absence complète de tibia ; le péroné
est haut et saillant.
B. Type IIa : le tibia n’est présent que sous
la forme d’une maquette cartilagineuse qui
s’ossifiera secondairement ; le péroné est moins
haut.
C. Type IIb : le tibia est présent dans sa partie
supérieure ; le péroné est en situation normale.
D. Type III : le tibia est présent dans sa partie
inférieure.
E. Type IV : le tibia est hypoplasique dans
sa partie distale ; il existe un diastasis tibiopé-ronier
inférieur.
TRAITEMENT
Les méthodes thérapeutiques peuvent se classer en deux grands
groupes : les méthodes conservatrices et les méthodes non
conservatrices.
¦ Méthodes conservatrices
Elles ont pour but de recréer un tibia et un pied plantigrade. Elles
sont diverses et utilisées en fonction de l’état anatomique local.
– L’arthrodèse péronéofémorale consiste à obtenir la fusion entre
fémur et péroné en réimplantant l’extrémité supérieure du péroné
dans une logette osseuse creusée dans l’épiphyse fémorale
inférieure. Il y a un risque de lésion du cartilage de croissance
péronier supérieur, mais aussi fémoral inférieur. Elle aboutit à un
membre raide sans aucune possibilité de genou prothétique.
– L’intervention de Brown consiste à refaire un tibia à partir du
péroné [3, 17, 24]. Il faut créer une néoarticulation du genou en reposant
le péroné sous le fémur et réaligner le tendon quadricipital dans
l’axe du segment jambier. Elle permet de conserver le potentiel de
croissance de l’extrémité supérieure du péroné. L’épiphyse péronière
se remodèle au contact des condyles fémoraux. La stabilité du
néogenou ainsi créé est cependant précaire, rendant souvent
nécessaire un appareillage. Le risque de flessum est important,
pouvant conduire à une désarticulation secondaire [4].
– La tibialisation du péroné consiste à reconstruire la partie
inférieure agénésique du tibia en utilisant le péroné. Le péroné est
ostéotomisé. La partie inférieure est translatée et fixée au moignon
tibial. L’ostéosynthèse doit être solide pour éviter les pseudarthroses.
L’extrémité supérieure et son périoste sont laissés en place, réalisant
une bifurcation tibiopéronière [5]. Certains la solidarisent au moignon
tibial.
La reposition du pied est le complément nécessaire de ces
interventions de reconstruction du tibia. Elle nécessite une libération
large avec de nombreuses ténotomies, en y associant si nécessaire
5
6. 31-108-A-10 Aplasies et hypoplasies squelettiques congénitales de jambe Radiodiagnostic
une astragalectomie ou un raccourcissement du péroné, et en fixant
la position de façon efficace et prolongée. Malgré ces précautions, le
risque de récidive de la malposition du pied est important. Les 19
pieds qui ont été reposés dans notre étude ont nécessité 42
interventions !
L’arthrodèse péronéotarsienne consiste à fusionner l’arrière-pied
avec le péroné. Il y a un risque de stérilisation du cartilage de
croissance de l’extrémité inférieure du péroné. Positionné en équin,
le pied en appui digitigrade peut compenser en partie l’inégalité de
longueur.
Le traitement de l’inégalité de longueur fait appel aux méthodes
classiques d’allongement progressif. On les réalise si le tibia a été
reconstruit et si le pied est plantigrade. Elles sont cependant difficiles
à mettre en oeuvre, du fait de l’os à allonger qui est dystrophique et
de l’instabilité des articulations sus- et sous-jacentes. Il y a un risque
important de luxation du genou et de déstabilisation du pied qu’il
faut prévenir.
De nombreuses autres interventions sont parfois nécessaires chez
ces enfants pour lesquels le programme de reconstruction est long
et périlleux : traitement d’une pseudarthrose, ostéotomie de
correction d’axe, épiphysiodèse, réaxation de rotule, libération d’un
flessum de genou, ostéosynthèse de fracture etc.
¦ Méthodes non conservatrices : amputations
Elles ont pour but d’assurer rapidement une fonction de
déambulation : l’amputation de cuisse est peu utilisée chez le jeune
enfant car le moignon est très court en fin de croissance. La
désarticulation du genou a l’avantage de laisser persister le cartilage
de croissance fémoral inférieur, responsable de 70 % de la croissance
du fémur. Les amputations de jambe posent également le problème
de la longueur du moignon. Les amputations de pied sont diverses.
L’amputation complète du pied est une méthode simple qui consiste
à replacer la coque talonnière sous le péroné et permet d’obtenir un
moignon de bonne qualité. L’amputation de l’avant-pied nécessite
de reposer chirurgicalement l’arrière-pied sous le péroné. La
technique de Boyd consiste à enlever l’astragale et à reposer le
calcanéum sous le péroné. Elle permet la correction de l’attitude
vicieuse du pied et donne un très bon moignon [8]. Ces méthodes
ont l’avantage de l’efficacité et permettent à l’enfant d’acquérir la
marche avec sa prothèse dès l’âge de 1 an.
¦ Indications
La revue des 105 dossiers de patients et l’appréciation des résultats
obtenus nous ont permis de préciser les indications chirurgicales.
Elles dépendent surtout du type de la malformation, de l’existence
ou non d’un genou, de sa stabilité et de l’uni- ou bilatéralité des
lésions.
– Dans les agénésies de type I, il existe une différence évidente dans
les résultats entre les deux types de chirurgie. Les enfants qui ont
été amputés d’emblée (24 patients) ont eu une seule intervention,
ont tous été appareillés et ont une fonction satisfaisante. Les enfants
qui ont eu une reconstruction (32 patients) ont eu en moyenne
quatre interventions, avec des durées de traitement de 6 ans. Il y a
deux bons résultats sur les 32 et 10 amputations secondaires.
Compte tenu de ces résultats, les options thérapeutiques pourraient
être simples à prendre. L’intervention reconstructive décrite par
Brown, si séduisante qu’elle puisse paraître, ne donne pas, dans
notre série nationale [19], les résultats annoncés par l’auteur. Le genou
obtenu n’est jamais stable et nécessite une prothèse avec emboîture
de cuisse, voire souvent une orthoprothèse si la jambe est trop
courte, ce qui est bien souvent le cas. Le pied est bloqué dans une
position plantigrade au prix de plusieurs interventions (fig 11). Dès
lors, la prothèse étant indispensable, il n’y a pas de réel avantage à
vouloir reconstruire une agénésie complète du tibia et conserver le
membre. La durée du traitement et le nombre d’interventions que
subissent ces enfants sont des éléments importants à prendre en
compte. La décision d’une amputation est d’autant mieux acceptée
*A
11 Résultat à l’âge adulte
d’une opération de Brown.
A. L’extrémité supé-rieure
du péroné pla-cée
sous le fémur s’est
remodelée et tibiali-sée
; le genou reste très
instable et raide.
B. Le pied est planti-grade,
mais raide.
*B
qu’elle est proposée précocement et apparaît comme un échec
lorsqu’elle vient au terme d’un programme thérapeutique déjà bien
engagé.
Le traitement de l’agénésie tibiale complète semble être la
désarticulation au niveau du genou avec appareillage par une
prothèse qui comporte une emboîture fémorale et une articulation
de genou. L’intervention doit être réalisée dans la première année
pour permettre à l’enfant d’acquérir la marche dans des délais
normaux [6, 16]. L’opération de Brown peut être indiquée si les parents
refusent l’amputation ou si le patient n’a pas accès à un
appareillage [20].
Dans les formes bilatérales, l’amputation bilatérale donne une petite
taille debout sans prothèse. On peut envisager une reconstruction
bilatérale car il n’y a pas de problème d’inégalité. L’instabilité du
genou rend indispensable le port d’un appareillage pour la marche
qui ne rend pas indispensable la conservation du pied.
– Dans les agénésies de type II, les résultats ont pu être analysés sur
24 patients dont le traitement était terminé. Les sept patients qui
présentaient une forme de type IIa ont totalisé 19 interventions
(2,7 par patient). Six patients sont appareillés, cinq pieds ont été
amputés soit d’emblée, soit secondairement. Les 17 patients qui
présentaient une agénésie de type IIb ont totalisé 73 interventions
(4,3 par patient). Six patients ne sont pas appareillés. Tous les
genoux ont été conservés, assez mobiles et instables une fois sur
deux. Dix pieds ont été conservés, tous raides, sept plantigrades et
trois en attitude vicieuse. La qualité du genou semble être l’élément
pronostique essentiel.
– Dans les types IIa unilatéraux, la qualité du genou est médiocre,
avec un genou mobile mais instable. Il n’est pas possible de se
passer d’appareillage et la chirurgie d’allongement est hasardeuse.
Une prothèse de jambe avec cuissarde ou joues latérales donne
une meilleure fonction qu’un appareil cruropédieux avec
chaussures orthopédiques et compensation d’inégalité. Dès lors,
il devient inutile de conserver un pied qui va gêner l’appareillage.
Il faut préférer une amputation complète du pied en plaçant la
coque talonnière sous l’extrémité inférieure du péroné, plutôt
6
7. Radiodiagnostic Aplasies et hypoplasies squelettiques congénitales de jambe 31-108-A-10
qu’une amputation de l’avant-pied et reposition de l’arrière-pied
sous le péroné qui risque d’aboutir à un moignon court, en
stérilisant le cartilage péronier inférieur. Les auteurs proposent
donc, dans ces types IIa, une tibialisation du péroné associée à
une amputation du pied permettant de régler le problème en un
temps opératoire.
– Dans les types IIb unilatéraux, la stabilité du genou est variable
et, schématiquement, plus le moignon tibial est long, plus le
genou est stable. Si le genou est instable dans tous les plans, on
peut proposer, comme dans le type IIa, de tibialiser le péroné et
d’amputer le pied ou l’avant-pied. Le cartilage tibial supérieur est
actif et il n’y a pas de problème de moignon court. Si le genou est
stable ou n’a qu’une instabilité antéropostérieure, on peut « se
lancer » dans une chirurgie complète de reconstruction avec, dans
un premier temps, tibialisation du péroné et reposition du pied
et, secondairement, chirurgie d’allongement.
– Dans les formes bilatérales, il faut rester conservateur car il n’y
a pas d’allongement à prévoir. Il faut essayer de conserver le pied
du côté où l’agénésie est la moins grave.
– Les agénésies de type III ne comportent pas de genou mais un
pied de bonne qualité. C’est une malformation exceptionnelle et c’est
peut-être dans ces cas que se justifie l’opération de Brown qui
permet d’avoir un pied plantigrade et un genou stabilisé par une
orthèse.
– Les agénésies de type IV ont un genou normal et justifient une
chirurgie de correction de l’équin du pied et une chirurgie
d’allongement [18, 23].
Au-delà de cette analyse qui peut paraître purement technique, il
faut considérer le retentissement psychologique de la malformation
sur l’enfant et son entourage. La malformation est un drame familial
et « l’enfant et les parents tiennent à ce membre partiellement
amputé ». L’amputation proposée est souvent considérée comme
une aggravation de la malformation. Les interventions chirurgicales,
multiples et douloureuses, ne donnent pas toujours de bons résultats
et ne constituent jamais une réparation complète de la malformation.
Elles sont une épreuve et un traumatisme pour l’enfant et sa famille.
Il faut les prendre en compte à chaque fois que l’on établit, avec
l’enfant et sa famille, un programme de reconstruction. Un climat
de confiance est indispensable pour mener à bien cette entreprise
périlleuse.
Aplasie et hypoplasie du péroné
Les malformations du péroné sont les plus fréquentes des aplasies
osseuses du membre inférieur. Ici aussi, il existe tous les degrés entre
la simple hypoplasie discrète et l’absence totale de péroné. L’aplasie
péronière est de diagnostic évident, alors que l’hypoplasie péronière
est plus difficile à diagnostiquer, et il faut la rechercher en dessous
d’une malformation fémorale ou de l’autre côté d’une aplasie
péronière connue [15].
ASPECT CLINIQUE
La jambe est courte et très souvent courbe, avec une crosse à sommet
antérieur et interne. Le sommet de la courbure se situe à la jonction
deux tiers supérieurs/tiers inférieur de la jambe. La peau est
déprimée en fossette au sommet de l’incurvation. Le péroné est ou
n’est pas palpable, en fonction de la gravité de l’hypoplasie. Le
genou est souvent en valgus et parfois en flessum. La rotule est en
place. Une laxité antéropostérieure est retrouvée dans la majorité
des cas, objectivée par un tiroir antérieur ou un signe de Lachmann.
Cette laxité est cependant bien supportée et rarement à l’origine
d’épisodes d’instabilité. Le pied est toujours anormal, plus petit que
le pied controlatéral ou franchement malformé, avec absence d’un
ou plusieurs rayons externes. Des syndactylies sont possibles. Ce
pied est en attitude vicieuse, toujours en valgus, parfois en équin, et
avec une adduction de l’avant-pied. Cette attitude vicieuse est
12 Hypoplasie du péroné avec tibia
courbe et court. La courbure est à sommet
antéro-interne. Le raccourcissement est
de 20 % et ce pourcentage reste constant
pendant la croissance.
aggravée par la déformation de la jambe. La cuisse peut être
normale. Elle est très souvent anormale, soit seulement courte,
parfois très courte, trapue, en rotation externe et abduction. Elle
constitue alors l’élément prépondérant de la malformation du
membre.
ASPECTS RADIOGRAPHIQUES
Le péroné est aplasique ou hypoplasique. Si l’aplasie est complète, il
est non radiovisible. Si l’aplasie est incomplète, des calcifications
peuvent apparaître tardivement à la place du péroné vestigial.
L’aplasie peut être localisée, le plus souvent à l’extrémité supérieure.
Si le péroné est hypoplasique, il comporte une extrémité supérieure
bien formée, mais bas située, et une extrémité inférieure un peu haut
située et qui peut apparaître tardivement.
Le tibia est très souvent courbe. L’angulation est variable et peut
atteindre l’angle droit. Le sommet est antérieur et interne, la corticale
postérieure concave est épaisse. Des stries horizontales sont visibles,
convergentes vers le sommet de la crosse. Cette courbure tibiale ne
comporte pas de zone dystrophique et n’évolue pas vers une
pseudarthrose congénitale. Elle a une tendance à la correction
progressive avec la croissance. Ce tibia est également toujours court
(fig 12). Sa longueur va de 60 à 95 % de la longueur du tibia sain
controlatéral et ce pourcentage reste à peu près constant tout au long
de la croissance [11, 21]. La jambe malformée suit une courbe de
croissance harmonieuse mais dont la pente est plus faible que celle
de la jambe normale. L’inégalité de longueur suit la règle habituelle
d’évolution des inégalités de longueur d’origine congénitale. La
prévision de l’inégalité de longueur de fin de croissance peut être
réalisée précocement en utilisant l’une ou l’autre des méthodes
mathématiques, graphiques ou informatiques. En pratique, du fait
de ce pourcentage constant, il est possible d’avoir, d’emblée, une
idée de l’inégalité en fin de croissance en calculant le pourcentage
de raccourcissement sur la radiographie initiale et en le rapportant à
la longueur d’un tibia normal de fin de croissance, soit 350 mm chez
la fille et 370 mm chez le garçon. Si un garçon de 5 ans, ayant un
tibia de 200 mm, a un raccourcissement de 40 mm, soit un
pourcentage de 20 %, son inégalité en fin de croissance sera de 20 %
´ 370 mm = 74 mm. Ce calcul approximatif est utile car l’importance
de l’inégalité est un facteur pronostique important.
Le pied est anormal car souvent amputé d’un ou plusieurs rayons
externes. L’articulation de la cheville est orientée vers l’arrière et le
dehors. La surface astragalienne est souvent en dôme et témoigne
alors d’une synostose de l’arrière-pied. Ces synostoses sont très
fréquentes [10] et peuvent intéresser tout le pied. Elles ne sont, dans
le jeune âge, que des synchondroses non radiovisibles.
Le fémur est souvent anormal car la malformation fémorale rentre
dans le cadre de l’ectromélie longitudinale externe. Simple fémur
7
8. 31-108-A-10 Aplasies et hypoplasies squelettiques congénitales de jambe Radiodiagnostic
court, fémur court avec coxa vara, aplasie fémorale proximale,
aplasie fémorale totale, il n’y a pas de parallélisme entre la sévérité
de la malformation péronière et celle de la malformation fémorale
(fig 13). Cette malformation fémorale est souvent l’élément
dominant de la malformation du membre dans laquelle l’hypoplasie
du péroné n’est qu’un des éléments que l’on pourrait qualifier de
secondaire.
Le genou est anormal sur son versant externe. Outre l’absence de la
tête du péroné, il existe une hypoplasie du condyle externe et du
plateau tibial externe responsable d’un genu valgum.
ASPECTS ANATOMIQUES
Ces données descriptives sont tirées des comptes-rendus opératoires
ou des pièces de dissection après amputation. Lorsqu’il est absent,
le péroné est remplacé par un péroné vestigial régulièrement
retrouvé au cours des interventions. C’est une bride fibreuse, effilée
vers le haut et plus épaisse en bas, au sein de laquelle peuvent
apparaître des ossifications. La malléole externe vestigiale est
articulée avec le bloc astragalocalcanéen et reliée au tibia et à
l’arrière-pied par de solides ligaments. Le ligament latéral externe
de la cheville est très solide et attire le pied en valgus. Ce péroné
vestigial se poursuit en dehors par la cloison intermusculaire et en
dedans par la cloison interosseuse. La laxité antéropostérieure du
genou est liée à une hypoplasie ou une agénésie des ligaments
croisés, et surtout du ligament croisé antérieur. Elle peut être
suspectée sur l’hypoplasie des épines tibiales sur la radiographie.
IRM ou arthroscopie confirment l’absence ou l’hypoplasie du
ligament croisé antérieur dans 95 % des cas et du ligament croisé
postérieur dans 65 % des cas [22]. Les muscles présentent un certain
nombre d’anomalies. Le tendon du biceps descend très bas et
s’attache sur le péroné vestigial. Le tendon d’Achille est court et
large. Le corps musculaire du triceps sural descend souvent jusqu’au
calcanéum. Les muscles fibulaires sont individualisés. Le tendon du
long fibulaire passe sous la plante du pied et s’insère normalement
sur la base du premier métatarsien. Le court fibulaire s’insère sur la
face externe du calcanéum lorsque le cinquième rayon manque.
Parfois, les deux muscles forment une masse unique dont le tendon
s’attache sur le calcanéum. Le tronc du nerf sciatique poplité externe
est souvent normal. Des anomalies des branches de division et des
branches collatérales ont été signalées. Les vaisseaux sont souvent
anormaux, avec notamment une hypoplasie ou une absence de
l’artère tibiale antérieure. Ces anomalies vasculaires peuvent être à
l’origine de complications sévères, notamment lors de chirurgie
d’allongement.
SYNTHÈSE ET CLASSIFICATION
La classification des hypoplasies péronières est simple. Le pronostic
dépend non pas tant de la malformation péronière que surtout de la
malformation fémorale et du raccourcissement tibial. Nous
adopterons la classification en deux types de Achterman et
Kalamchi [1] (fig 14).
– Le type I est l’hypoplasie du péroné. Il inclut toutes les formes dans
lesquelles une portion de péroné est présente. Ce groupe est divisé
en deux sous-groupes. Dans le type Ia, le péroné est complètement
13 Fémur court congéni-tal
avec coxa vara associé
à une hypoplasie péronière.
14 Classification des agénésies et hypoplasies du péroné.
A. Type Ia : le péroné est complètement formé, simplement hypoplasique.
B. Type Ib : l’extrémité supérieure du péroné est absente.
C. Type II : le péroné est totalement absent et la courbure tibiale est cons-tante
dans cette forme.
8
9. Radiodiagnostic Aplasies et hypoplasies squelettiques congénitales de jambe 31-108-A-10
formé mais plus grêle que du côté normal et plus court, avec une
épiphyse proximale trop basse et une épiphyse distale trop haute.
Dans le type Ib, il y a une absence partielle du péroné, en général
l’extrémité supérieure sur le tiers ou la moitié de sa longueur.
– Le type II est l’agénésie du péroné. Le péroné est absent ou
seulement remplacé par un fragment vestigial inférieur.
Il n’existe pas de différence significative entre le type I et le type II,
concernant notamment le raccourcissement fémoral et tibial, le
valgus du genou, l’absence de rayon externe ou les synostoses du
pied. En revanche, la différence entre les deux types s’exprime au
niveau de la courbure tibiale qui est constante (95 %) dans les types
II et peu fréquente (10 %) dans les types I. Le pied n’est jamais
plantigrade mais toujours en équin valgus dans les types II. Il peut
être plantigrade dans les types I.
TRAITEMENT
Comme dans l’agénésie tibiale, les méthodes thérapeutiques peuvent
se classer en deux grands groupes : les méthodes conservatrices et
les méthodes non conservatrices.
¦ Méthodes conservatrices
Elles ont pour but de reconstruire un membre sinon normal, au
moins d’une longueur suffisante, avec un pied plantigrade et si
possible sans appareillage. La reposition du pied nécessite la
résection du péroné vestigial, une libération large avec allongement
des tendons et une fixation par broches. Une astragalectomie est
parfois nécessaire lorsque le pied est très raide. La correction de la
crosse tibiale par ostéotomie est souvent réalisée, même si
l’évolution spontanée se fait vers la correction. Elle se fait au mieux
dans le même temps que la reposition du pied. La correction de
l’inégalité de longueur est faite secondairement par un ou deux
allongements progressifs, complétés si besoin par une épiphysiodèse
controlatérale. Ces allongements sont difficiles car il y a un risque
important de déstabilisation du pied, de luxation du genou et de
déviation de la jambe en valgus et en flessum. L’allongement est fait
autour de l’âge de 11 ou 12 ans pour garder la possibilité d’une
épiphysiodèse complémentaire. S’il y a deux allongements prévus,
le premier allongement est réalisé entre 5 et 8 ans, en fonction de
l’importance de l’inégalité. S’il y a nécessité de compléter
l’égalisation, on peut réaliser une épiphysiodèse du côté sain sur le
cartilage fémoral inférieur et/ou tibial supérieur, en fonction du
calcul prévisionnel. Dans le but de minimiser l’agression du membre
sain, les techniques d’épiphysiodèse percutanée, qui ont fait la
preuve de leur efficacité, sont, à notre avis, à préférer aux autres
types d’épiphysiodèse par agrafes ou selon Phemister. Pour les
mêmes raisons, les interventions de raccourcissement extemporané
du membre sain controlatéral paraissent peu recommandées.
¦ Méthodes non conservatrices
Elles permettent de régler le problème en une seule intervention.
Elles consistent essentiellement en l’amputation du pied selon la
technique de Syme [29]. C’est une désarticulation de la cheville avec
reposition de la coque talonnière sous le tibia. Le moignon est de
bonne qualité et permet la mise en place d’une prothèse de jambe.
L’amputation du pied peut être remplacée par une amputation de
l’avant-pied et une arthrodèse tibioastragalienne ou
tibiocalcanéenne. Le moignon est également de bonne qualité, mais
il y a un risque de stérilisation du cartilage tibial inférieur et donc
de moignon plus court.
¦ Indications
Elles dépendent surtout de la qualité du pied et de l’importance de
l’inégalité de longueur en fin de croissance. La gravité de la
malformation fémorale intervient largement dans les indications [7]
et, lorsqu’elle est sévère, passe au premier plan. Schématiquement,
lorsque le pied est en attitude vicieuse sévère et que l’inégalité
prévisionnelle est importante, supérieure à 15 cm, il est peu
raisonnable, à l’heure actuelle, de se lancer dans un programme de
reconstruction qui comportera au moins deux allongements et une
ou plusieurs interventions sur le pied. L’amputation de Syme est
une solution qui donne un résultat fonctionnel rapide, constant et
stable. L’enfant a, avec sa prothèse, une vie sociale normale et peut
pratiquer toutes les activités sportives [27]. Cette amputation est
d’autant mieux acceptée qu’elle a été pratiquée tôt, si possible avant
l’âge de la marche. Réalisée plus tard, au décours d’une chirurgie de
reconstruction devenue irréalisable, elle est vécue comme un échec.
À l’opposé, si le pied est plantigrade d’emblée et si l’inégalité est
inférieure à 10 cm, il paraît souhaitable de programmer une
chirurgie de reconstruction qui comporte une reposition du pied,
une correction de la crosse tibiale et un allongement tibial, associé
éventuellement à une épiphysiodèse. En attendant l’allongement,
l’inégalité est traitée, au début, par une simple talonnette ou semelle
dans la chaussure, puis par une semelle compensée sous la
chaussure et, en dernier recours, par une chaussure orthopédique
avec compensation d’inégalité de longueur.
Entre ces deux tableaux, toutes les formes sont possibles et c’est là
qu’interviennent l’expérience, les convictions du chirurgien et
surtout l’attitude des parents face à la malformation de leur enfant.
Conclusion
Les hypoplasies et aplasies du tibia et du péroné sont des malformations
graves et complexes du squelette jambier. On peut opposer les aplasies
et hypoplasies tibiales, qui sont rares mais graves et qui rentrent dans
un contexte polymalformatif et parfois familial, aux aplasies et
hypoplasies péronières qui sont plus fréquentes, moins préoccupantes
s’il elles n’étaient pas associées à des malformations fémorales.
La prise en charge est difficile car l’expérience de chacun est modeste. La
reconstruction chirurgicale nécessite plusieurs temps opératoires
constituant une entreprise longue et semée d’embûches qui ne donne
jamais un membre normal. Elle est à mettre en balance avec la mise en
place d’une prothèse, solution définitive mais efficace sur le plan
fonctionnel.
Références ä
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10. 31-108-A-10 Aplasies et hypoplasies squelettiques congénitales de jambe Radiodiagnostic
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