1. C’est mon métier ...
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300/mai 201328 • vegetable.fr • no
300/mai 2013
Grande distribution : regard d’expert
BERTRAND
GUÉLY
partage ici son
expérience des
hommes et du
terrain et surtout
s’efforcera
d’apporter des
propositions
réalistes pour
que la situation
puisse s’améliorer
concrètement au
quotidien.
La théâtralisation
simple, quelques objets
symboliques en disent
parfois plus que tous
les panneaux.
v
ous la connaissez.
Plus très jeune, la
voix cassée par les
harangues lanci-
nantes à un audi-
toire pressé (qui
l'ignore superbe-
ment) et les demi cigarettes vite
fumées, frigorifiée entre les piles
de palettes consignées et le com-
pacteur du fond de la cour, maigre
dans sa doudoune publicitaire mal
ajustée et ce malgré des années
d'assiettes texanes froides à
6,90 € partagées avec les copines
à la cafet (le seul vrai bon moment
de la journée), elle « anime ». Elle
n'a pas grand chose a voir avec les
jeunettes ukraino-callipyges sélec-
tionnées par Pink Lady, que fou-
droie du regard Madame Michu en
poussant plus vite son caddy... et
son mari hypnotisé qui salive pour
tout autre chose que la pomme
bien connue. Vous la voyez, debout
devant un stand en carton miteux,
à moitie monté, tendre une
assiette en plastique ou agonisent
quelques morceaux de pommes
oxydés de la main droite et regar-
der sa montre à la main gauche,
tout en marmonnant sans convic-
tion des formules de foires exposi-
tions de province. « Allez on en pro-
fite Messieurs Dames... » Alors, vous
vous demandez, tout en connais-
sant au fond la réponse, si c'est
bien efficace.
Pourtant, les faits sont là : faute d'avoir
identifié d'autres moyens publi-pro-
motionnels alternatifs plus convain-
cants en FL, on continue à engloutir
aveuglement des budgets importants
pour ces animations que certains
Chefs de Rayon en sont venus désor-
mais à refuser tant elles sont impro-
ductives, ou qu’ils utilisent de façon
illégale, comme personnel d'appoint...
C’est la politique
du « j’ai pas mieux ! »
J’ai souvent été agacé par la volonté
au début très louable de promouvoir,
communiquer, former le client de
façon pérenne et avec un réel retour
sur investissement mais qui, inva-
riablement, après x réunions pari-
siennes couteuses, débouchait sur
l'incontournable powerpoint dans
lequel les « marketeux » annonçaient
triomphalement que, pour faire
connaitre leur fruit, ils allaient faire
des présentoirs, des panneaux, des
mobiles, des leaflets, des folders et
qu'on allait voir ce qu'on allait voir !
Soyons clairs : tous ces matériels,
aussi bien pensés soient-ils, ne sont
que très rarement installés convena-
blement et les documentations des-
tinées au client finissent générale-
ment par terre où elles se prennent
dans les roues des caddies. À chaque
grand nettoyage par le vide de la
réserve magasin, on jette des cartons
complets jamais ouverts. Livré après
l'animation, pas trouvé, kit incom-
plet, pas le temps ou l'envie d'instal-
ler, pas de place, pas le droit/sacro-
saint concept magasin...
Pourquoi est-ce si compliqué ? Ce
matériel doit d'abord être envoyé
sur plateforme (trop cher de livrer
directement chaque magasin), éclaté
(mais le prestataire logistique ne s'y
intéresse pas vraiment car il n'est pas
rémunéré pour ce type de prestation),
préparé (sur quelle palette?), expé-
dié dans chaque magasin concerné
par l'animation (liste mouvante en
fonction des vagues), accepté par la
sécurité (ou est le BL ? le carton est-il
traité ignifugé ?), puis posé le jour J
Allez, on en profite
m’sieurs ’dames !Vaste programme qu’organiser
une animation dans le rayon FL.
Entre le modèle « foire expo »
et celles encadrées par des
services marketing aux résultats
peu probants, quelques conseils
pour une bonne animation.
BertranD GuÉlY
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2. ...
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Animations
Les mécanismes
promotionnels
Le mois
prochain
mais « on a plus de Chef Déco depuis la
dernière vague de réduction des frais! »
et il y a le syndrome Ikea (j'ai fini
mais il me reste plein de pièces !).
Vous l'avez compris : il est logique
que le taux de pose soit très faible.
D'ailleurs, sur d'autres rayons, les
fournisseurs ont compris ça depuis
longtemps et, travaillant avec des
marges leurs permettant de se les
payer, ils engagent des merchandi-
seurs professionnels dont la fonc-
tion est justement de poser ce
matériel qui ne s'installe malheu-
reusement pas encore tout seul si on
le jette en l'air comme une tente de
chez Décathlon (pourquoi d'ailleurs
ne pas s'en inspirer ?).
Enfin, n'oubliez jamais que les
courses sont rarement un plaisir et
que les clients, pressés d'en finir,
ne prennent de toutes façons pas le
temps de lire cette débauche d'infor-
mation. Par contre, toute la commu-
nication on-pack (sachet, sticker,...)
ou même in-pack (petit leaflet dans
la barquette), ils la connaitront par
cœur a force de la lire en dégustant
le fruit. Privilégiez toujours ce qui a
une chance de finir dans la coupe de
fruits ou sur la porte du frigo.
Puis, si malgré tous ces loupés
potentiels, le matériel est convena-
blement posé, l'aventure ne s'arrête
pas là pour autant : il faut que l'ani-
matrice, qui vendait de la lessive
ou des lasagnes la semaine passée,
connaisse un peu le produit et ait
une histoire à raconter. Là aussi, le
« marketeux » a la solution et, sûr de
lui, s'avance « tous briefs dehors ».
Devant la difficulté de réunir les ani-
matrices avant l'animation (frais
supplémentaires, n'ont pas de voi-
ture, souvent choisies au dernier
moment ou remplacées), le brief est
là aussi un powerpoint lu avec autant
d'attention qu'un éditorial de Fran-
çois Beyrou dans le Figaro. Lors de
visites de contrôle en magasin, j'ai
ainsi appris que la banane arrivait
jaune en France, était déchargée a dos
d'hommes (pauvres dockers) ou que
les ananas poussaient dans un arbre.
Enfin, attention à l'aspect légal car
les agences réellement spécialisées et
professionnelles ne sont pas légion
alors que la loi sur les animations
est claire : salaire fixe minimum,
horaires et temps de pause définis,
zéro manutention même pour réas-
sortir, pas d'accès à la réserve…
Certaines Directrices d'agence dou-
teuses ont plutôt tendance à se com-
porter avec leur personnel comme si
elle faisait commerce d'un autre type
de prestations. Seuls avantage colla-
téraux des animations mais pas des
moindres, le Chef de rayon dédiera
presque toujours une tête de gon-
dole au produit, l'approvisionnera en
quantité plus importante – supposée
suffisante – et le détaillera a un prix
promotionnel a marge basse. Alors,
Messieurs les fournisseurs, on arrête
les animations ? Non, bien sur.
Les 5 clés de la réussite
1. Dans la mesure ou votre emploi du
temps chargé vous le permet (temps
faibles de la campagne, après la
récolte), animez vous-mêmes car, en
plus de la connaissance parfaite des
produits, vous parlerez avec quelque
chose que sentira le client : la pas-
sion du produit. J'ai en mémoire de
animations avec des producteurs de
pruneaux mi-cuits pour la Saint-Luc
ou de Golden face rosée du Limou-
sin et me souviens encore de l'in-
térêt des clients parisiens a qui on
explique la « cuisson » des prunes
d'Ente ou pourquoi la pomme se
colore grâce aux amplitude ther-
miques jour/nuit dans le verger. On
est très loin du « On en profite »...
C'est aussi une bonne alternative
aux animations de nutritionnistes
qui, elles aussi, sont délicates tant la
vulgarisation nécessaire au client est
dure à faire vivre. Il y a de grandes
chances que le client sature vite si
on lui explique que ses frites seront
bonnes car le taux de matière sèche
est suffisant et qu'il doit manger
de l'ananas s'il veut maigrir car il
contient de la broméline.
2. Complétez avec une théâtralisa-
tion simple. Quelques objets sym-
boliques et/ou pédagogiques sont
bien moins couteux que les éternels
et impersonnels kits en carton. Tant
qu'à avoir du matériel, autant pré-
férer la claie agenaise, un pressoir
a raisin ou un régime de bananes
complet qui en dit plus que tous les
panneaux.
3. Investissez dans la valeur ajoutée
réelle pour le client. Par exemple, la
découpe ananas est probablement
une des animations qui fonctionne
le mieux car on lève pour le client
les freins à l'achat de ce fruit: la dif-
ficulté de préparation, le choix risqué
d'un fruit trop mur… Ici, on multi-
plie par 8 les ventes par rapport au
fond de rayon et, en plus, le client
est naturellement prêt à payer un
peu plus pour ce service.
4. C'est vous qui payez, alors négo-
ciez des contreparties : volumes
poussés, sans reprise possible (atten-
tion au faux « refus qualité » une fois
l'animation terminée), l'animatrice
vient avec son matériel et le pose
de façon autonome, l'animatrice est
dédiée et n'animera en aucun cas un
autre produit, prix promo assurant
la revente...
Exigez du CR les résultats de ces ani-
mations : pas les gros rapports reliés
spirales fournis par l'agence où tout
est faux ou inexploitable mais une
simple extraction des sorties caisses
pour mesurer l'élasticité réelle et le
retour sur investissement.
5. Demandez au CR son planning
animations rayon pour éviter les
cacophonies inefficaces. Vous ris-
quez autrement d'avoir un Dépar-
tement produits frais qui ressemble
à une criée aux poissons avec des
vieilles gagneuses essayant de beu-
gler plus fort que la voisine. Pour
peu que l'animateur antillais fasse
un peu trop déguster son rhum aux
copines, le client confronté a toute
cette agitation, n'aura qu'une envie :
ne pas s'arrêter ! Bonnes ventes !
Exigez du CR les résultats
de ces animations : une simple
extraction des sorties caisses.
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