Définition des cholestases néonatales par le centre de référence de l'atrésie des voies biliaires (chu Bicêtre) avec qui l'AMFE est conventionné et avec qui nous menons la campagne de dépistage des maladies du foie chez les bébés, l'alerte jaune. www.alertejaune.com
2. 4-060-A-15 ¶ Cholestases néonatales
• Doit être suspectée si ictère persiste ou apparaît après 15 jours de vie et si bilirubine Figure 1. Cholestases néonatales : enquête
étiologique urgente. La crainte de méconnaître
conjuguée > 10 % de la bilirubine totale
une atrésie des voies biliaires doit être constam-
• Ictère cholestatique : selles décolorées, urines foncées ± hépatomégalie ment présente à l’esprit.
• Suspicion de cholestase = injection parentérale de 10 mg de vitamine K (+ plasma
si signes hémorragiques)
Équipe
Atrésie des voies biliaires
médicochirurgicale
jusqu'à preuve du contraire !
expérimentée
“ Erreurs à ne pas commettre
Quelques erreurs à éviter dans le diagnostic des
cholestases du nouveau-né.
À la maternité :
• ne pas s’inquiéter, à tort, de la couleur blanche des
selles (la précocité de la décoloration des selles est un
argument très important en faveur du diagnostic d’atrésie
des voies biliaires).
Au cours du premier mois :
• dire qu’il est « banal » qu’un ictère se prolonge au-delà
du 10 e jour (l’ictère simple du nouveau-né à terme a
toujours disparu à cet âge) ;
Figure 2. Selles de trois nourrissons de moins de 3 mois nourris exclu- • porter par excès un diagnostic d’ictère au lait de mère ;
sivement au lait maternel ou maternisé premier âge. La décoloration
• être rassuré à tort par une courbe de croissance correcte
partielle ou totale des selles signe la cholestase et doit faire envisager
(la croissance des enfants atteints d’atrésie des voies
systématiquement le diagnostic d’atrésie des voies biliaires. Chez un
nouveau-né ictérique, une décoloration des selles doit être systématique- biliaires est le plus souvent normale pendant les premières
ment recherchée dès le séjour à la maternité. semaines) ;
• fausser l’interprétation de la couleur des selles par un
régime ou un traitement inappropriés (laits synthétiques :
78 confié à une équipe chirurgicale habituée à opérer au moins
couleur grise des selles ; fer: couleur grise ; amphotéricine
79 trois nouveaux cas d’enfants atteints d’atrésie des voies biliaires
orale : couleur orange) ;
80 par an [2].
81 Les modalités pratiques de la conduite diagnostique sont • être rassuré à tort par à un compte-rendu
82 schématisées dans la Fig. 3. La crainte de méconnaître une échographique décrivant une vésicule biliaire présente (la
83 atrésie des voies biliaires doit être constamment présente à présence d’une vésicule biliaire n’exclut pas le diagnostic
84 l’esprit. Les conditions du diagnostic étiologique se fondent sur d’atrésie des voies biliaires limitée aux canaux
85 des éléments cliniques, biologiques et radiologiques simples hépatiques) ;
86 dont les résultats doivent être obtenus en quelques jours. Il est • porter par excès un diagnostic d’ « hépatite néonatale »
87 cependant des cas où la cause n’est pas rapidement identifiée. (cette entité n’existe pas en dehors des fœtopathies
88 Une biopsie hépatique à l’aiguille doit être alors rapidement infectieuses ou des hépatites virales postnatales dont
89 faite et interprétée par un pathologiste ayant l’expérience des
l’agent doit absolument être identifié).
90 maladies du foie de l’enfant [3]. L’examen recherche avant tout
91 des signes d’obstacles sur les voies biliaires (fibrose porte,
92 prolifération de voies biliaires et bouchon de bile dans les voies
93 biliaires) (Fig. 4) et l’existence de tels signes doit conduire à
94 discuter rapidement une opacification des voies biliaires anomalie de formation de la bile (Fig. 7). La cholestase peut être 110
95 (cholangiographie transpariétale, endoscopique rétrograde ou secondaire à des lésions des voies biliaires extrahépatiques, 111
96 lors d’une laparotomie exploratrice) qui permet de faire la extra- et intrahépatiques, intrahépatiques, à des anomalies 112
97 preuve de l’atrésie des voies biliaires (Fig. 5) [1, 4, 5]. L’opacifica- métaboliques d’origine hépatocytaire ou à des facteurs externes 113
98 tion des voies biliaires peut aussi être faite d’emblée sans biopsie comme une infection bactérienne ou une nutrition parentérale. 114
99 hépatique quand il existe une forte suspicion d’atrésie des voies Les atteintes exclusives des voies biliaires extrahépatiques ne 115
100 biliaires (décoloration complète, précoce et durable des selles, représentent qu’une petite proportion (5 %) des causes de 116
101 hépatomégalie ferme voire dure, échographie montrant un cholestase néonatale. Les causes de cholestase néonatale sont 117
102 aspect hyperéchogène triangulaire du hile hépatique, une rapportées dans le Tableau 1 [6-9] et les principales sont détaillées 118
103 vésicule biliaire atrophique, ou un syndrome de polysplénie). dans les paragraphes suivants [1]. 119
104 Les causes de cholestase de l’enfant qui débutent après la
105 période néonatale, ainsi que leurs modalités thérapeutiques, Atrésie des voies biliaires [2, 10-12]
120
106 sont rapportées dans la Fig. 6.
C’est la cause la plus fréquente de cholestase néonatale (un 121
cas sur 10 000 naissances) et représente à elle seule 50 % des 122
107 ■ Étiologie et physiopathologie causes de cholestase néonatale [1]. Elle est la principale indica- 123
tion de transplantation hépatique chez l’enfant. Elle est le 124
108 La cholestase se définit comme l’ensemble des manifestations résultat d’une oblitération acquise, de cause inconnue, anté- ou 125
109 dues à la diminution ou à l’arrêt du flux biliaire ou à une immédiatement postnatale, des voies biliaires qui touche 126
2 Pédiatrie
3. Cholestases néonatales ¶ 4-060-A-15
Figure 3. Arbre décisionnel. Conduite prati-
que et étapes du diagnostic en cas de choles-
Décoloration franche et persistante des selles tase néonatale.
Échographie abdominale
Dilatation des voies biliaires ?
Oui : Non : éliminer
- lithiase biliaire - syndrome d'Alagille,
- kyste cholédoque - mucoviscidose,
- autre cause extrahépatique - déficit alpha-1 antitrypsine
Résultats négatifs Biopsie
Atrésie des voies biliaires
Cholangite sclérosante Cholangiographie
Figure 4. Image d’obstacles sur les voies biliaires : prolifération de
néoductules avec thrombi biliaires (flèches).
127 l’ensemble des voies biliaires dans 80 % des cas. Des mécanis-
128 mes immuno-inflammatoires dirigés contre les voies biliaires Figure 5. Cholangiographie transvésiculaire préopératoire dans une
129 sont probablement impliqués [13]. Une origine génétique peut atrésie des voies biliaires sans atteinte du canal cholédoque : absence
130 être évoquée en cas d’association avec un syndrome de polys- d’opacification du canal hépatique commun et des voies biliaires intrahé-
131 plénie (10 % des cas) [14, 15]. La découverte d’une image kystique patiques (flèche).
132 liquidienne sous-hépatique sur une échographie anténatale est
133 fortement évocatrice d’atrésie des voies biliaires et nécessite un
dans la seconde enfance ou à l’adolescence [10]. Environ 10 % 156
134 dépistage néonatal de la cholestase [16] . Une intervention
des enfants ayant bénéficié de l’intervention de Kasaï sont en 157
135 correctrice (intervention de Kasaï) anastomosant une anse vie avec leur foie natif à l’âge de 20 ans [12]. 158
136 intestinale (hépato-porto-entérostomie) ou la vésicule biliaire
137 (hépato-porto-cholécystostomie) au hile du foie permet un
138 rétablissement du flux biliaire. Si cette intervention chirurgicale Syndrome d’Alagille [17, 18]
159
139 est faite avant l’âge de 30 jours, on peut espérer que 50 % des Ce syndrome représente 10 à 15 % des causes de cholestase 160
140 enfants opérés seront en vie avec leur foie natif à l’âge de néonatale (un cas sur 100 000 naissances). Il est caractérisé par 161
141 5 ans [2]. Avec le temps, les chances de succès de l’intervention l’association de cinq critères majeurs : un faciès particulier (front 162
142 diminuent rapidement pour s’annuler quasiment après l’âge de bombé, petit menton pointu, hypertélorisme), un embryotoxon 163
143 4 mois. En cas d’échec de l’intervention, l’évolution se fait vers postérieur, des anomalies vertébrales à type de vertèbre en « aile 164
144 la décompensation de la cirrhose et nécessite une transplanta- de papillon » (Fig. 8), une sténose périphérique des branches de 165
145 tion hépatique, le plus souvent entre 1 et 2 ans [10]. Tous les l’artère pulmonaire et une cholestase chronique due à une 166
146 efforts doivent donc tendre à faire le diagnostic d’atrésie des paucité des voies biliaires interlobulaires. Le diagnostic est posé 167
147 voies biliaires avant l’âge de 1 mois pour tenter de réduire le sur l’association d’au moins trois des cinq critères. La paucité 168
148 nombre d’enfants qui nécessiteront une transplantation hépati- des voies biliaires est définie par l’absence de voie biliaire visible 169
149 que dans les premières années de vie [11]. Cependant, même en dans plus de 50 % des espaces portes sur une biopsie de foie 170
150 cas de rétablissement du flux biliaire, une cirrhose existe dans contenant au moins dix espaces portes complets (Fig. 9). 171
151 presque tous les cas en raison de l’atteinte associée des voies L’évolution vers la cirrhose n’est pas constante et peut apparaî- 172
152 biliaires intrahépatiques. Ces enfants sont exposés aux compli- tre à partir de l’adolescence [18]. 173
153 cations générales des cirrhoses, à la réapparition secondaire d’un Une transplantation hépatique plus précoce peut aussi être 174
154 ictère, à des cholangites bactériennes, à une nécrose ischémique indiquée en cas d’ictère persistant depuis la naissance associé à 175
155 du foie, et une transplantation hépatique est souvent nécessaire des xanthomes et un prurit sévère. La transmission se fait sur 176
Pédiatrie 3
4. 4-060-A-15 ¶ Cholestases néonatales
Dilatées Échographie abdominale
Cholangiographie voies biliaires ?
Chirurgie
Causes Non dilatées
extrahépatiques Gamma - GT sérique ?
Normale Augmentée
Prurit ?
Biopsie hépatique
Oui Alagille
Non obstacle ?
Alpha-1 antitrypsine
Oui :
Mucoviscidose
Cholangiographie
Toxique
voies biliaires ?
PFIC 1 et 2 Anormales Normales
Déficit de synthèse BRIC PFIC3
Cholangite
des acides biliaires primaires Toxique Cholangite auto-immune
sclérosante
Hépatite A
Figure 6. Arbre décisionnel. Conduite pratique et étapes du diagnostic en cas de cholestase débutant après la période néonatale. Gamma-GT :
gammaglutamyl transférase ; PFIC : cholestases intrahépatiques progressives familiales ; BRIC : cholestase intrahépatique récurrente bénigne.
Cholestase par le dosage pondéral d’alpha-1 antitrypsine et l’étude du 196
phénotype et du génotype. Le gène est situé sur le chromosome 197
14 et la différence essentielle entre la protéine normale et la 198
Diminution du flux biliaire protéine mutée est une substitution acide glutamique-lysine en 199
position 342 de la séquence d’acides aminés. Un diagnostic 200
prénatal de la maladie est disponible. L’atteinte hépatique 201
pourrait être due à une absence de dégradation de l’alpha- 202
1 antitrypsine dans le réticulum endoplasmique. 203
Absence d'acides biliaires Rétention d'acides biliaires
dans l'intestin dans le foie et le sang
Cholestases intrahépatiques progressives 204
familiales (PFIC1-3) [20-22] 205
Les maladies du foie regroupées sous cette appellation 206
Malabsorption des graisses Lésions
Prurit correspondent à un groupe hétérogène d’entités, initialement 207
et des vitamines ADEK hépatocytaires
reportées sous le nom de Maladie de Byler, qui représentent 208
Figure 7. Conséquences de la cholestase. 10 % des causes de cholestase néonatale (un cas sur 100 000 209
naissances) et qui ont été récemment démembrées. Il s’agit 210
177 un mode autosomique dominant. Des mutations du gène d’une cholestase de transmission autosomique récessive, 211
178 Jagged 1 situé sur le chromosome 20 ont été identifiées chez d’origine hépatocellulaire et évoluant vers l’insuffisance hépato- 212
179 70 % des patients [17]. Ce gène code une protéine qui lie un cellulaire souvent avant l’adolescence. Dans les deux premiers 213
180 récepteur transmembranaire (Notch) impliqué dans la différen- types (PFIC1, PFIC2), la cholestase est caractérisée par un début 214
181 ciation cellulaire à des étapes précoces du développement. Un souvent néonatal, un prurit féroce au bout de quelques mois, et 215
182 diagnostic moléculaire anténatal est maintenant disponible, une activité sérique toujours normale de la GGT. La PFIC1 est 216
183 mais dans deux tiers des cas les mutations sont sporadiques. due à une mutation du gène FIC1, situé sur le chromosome 18, 217
dont la fonction n’est pas précisément connue [23]. La PFIC2 est 218
due à une mutation du gène BSEP, situé sur le chromosome 2, 219
184 Déficit en alpha-1 antitrypsine [19] qui code le transporteur canaliculaire impliqué dans la sécrétion 220
185 Cette maladie, qui représente 5 à 10 % des causes de choles- biliaire des acides biliaires [24, 25]. Par opposition aux deux 221
186 tase néonatale, est transmise sur un mode autosomique récessif. premières, la PFIC3 débute souvent plus tard dans la vie et est 222
187 Seul le phénotype PiZ est associé à une maladie du foie. En souvent compliquée par l’apparition d’hypertension portale et 223
188 France, la fréquence des homozygotes ZZ est estimée à un cas d’insuffisance hépatocellulaire plus tardive [26, 27] . Elle est 224
189 sur 10 000 naissances. Seulement 15 à 20 % des enfants ZZ vont caractérisée par un prurit inconstant et modéré, une activité 225
190 présenter une cholestase néonatale et environ 30 % d’entre eux sérique élevée de la GGT et une prolifération ductulaire malgré 226
191 vont développer une cirrhose qui sera une indication à la des voies biliaires normales. Les patients ont des mutations du 227
192 transplantation hépatique. Il n’existe pas de manifestations gène MDR3, situé sur le chromosome 7, qui code le transpor- 228
193 pulmonaires de la maladie à l’âge pédiatrique. Le diagnostic est teur canaliculaire responsable de la sécrétion biliaire des 229
194 le plus souvent suggéré par l’absence de pic d’alpha-1 globulines phospholipides. Un diagnostic moléculaire anténatal des PFIC 230
195 sur l’électrophorèse des protéines sériques (Fig. 10) et confirmé est possible. Le traitement de référence reste la transplantation 231
4 Pédiatrie
5. Cholestases néonatales ¶ 4-060-A-15
Tableau 1.
Étiologie des cholestases du nouveau-né.
Siège de la lésion Nature de la maladie
Voies biliaires extrahépatiques (5 % des cas) Lithiase de la voie biliaire principale
Perforation spontanée des voies biliaires [6]
Sténose congénitale
Dilatation congénitale (kyste du cholédoque)
Tumeur
Voies biliaires extra- et intrahépatiques (47,5 % des cas) Atrésie des voies biliaires*
Cholangite sclérosante
Intrahépatique (voies biliaires ou hépatocyte) Infections
(47,5 % des cas) - fœtopathies
- (CMV, toxoplasmose, syphilis, rubéole)
- infection bactérienne périnatale
- infection urinaire postnatale (Escherichia coli)
Paucité des voies biliaires
- syndrome d’Alagille
- non syndromiques
Maladies récessives autosomiques
- déficit en alpha-1 antitrypsine
- mucoviscidose
- Niemann-Pick type C
- maladie de Gaucher
- maladies peroxysomales
- cholestases intrahépatiques familiales progressives (PFIC1-3))
- déficit de synthèse des acides biliaires primaires
- déficit de synthèse du cholestérol
- déficit de la chaîne respiratoire mitochondriale**
-déficit en citrine [7]
Cholestase néonatale transitoire (bénigne)***
Divers
- déficit en cortisol (insuffisance surrénale, déficit ACTH) [8]
- angiome
- alimentation parentérale exclusive prolongée [9]
- posthémolyse (bile épaisse)
CMV : cytomégalovirus ; ACTH : adrenocorticotrophic hormone. * : cause la plus fréquente de cholestase néonatale ; ** : mode de transmission qui n’est pas toujours
autosomique récessif ; *** : origine multifactorielle probable : prématurité (immaturité de la sécrétion biliaire), ischémie ou hypoxie hépatiques (retard de croissance intra-
utérin, souffrance périnatale, entérocolite), infections bactériennes, alimentation parentérale exclusive.
232 hépatique mais certains enfants atteints de PFIC peuvent l’évolution de la maladie. Il s’agit peut-être d’une maladie 256
233 bénéficier d’un traitement par l’acide ursodésoxycholique ou génétique autosomique récessive car quelques observations de 257
234 d’une dérivation biliaire externe [28-30]. cas familiaux sont connues [35]. 258
235 Cholestase néonatale transitoire Déficits de synthèse des acides biliaires 259
236 (ou bénigne) [31] primaires [36] 260
237 Elle représente 5 à 10 % des causes. Son évolution est [37-40]
Les déficits de synthèse des acides biliaires primaires 261
238 spontanément favorable et son origine est probablement
239 multifactorielle. Elle pourrait avoir un mécanisme initial sont des maladies de transmission autosomique récessive qui 262
240 résultant de la conjonction d’une souffrance fœtale aiguë ou étaient confondues avec les PFIC et représentent maintenant des 263
241 chronique entraînant une ischémie ou une hypoxie hépatique entités bien caractérisées sur le plan clinique et moléculaire. 264
242 et de l’immaturité de la sécrétion biliaire [32] en cas de préma- Elles relèvent d’un traitement par l’acide cholique. Deux déficits 265
243 turité. Il s’agit d’un diagnostic d’élimination qui ne peut être enzymatiques principaux de la voie de synthèse des acides 266
244 retenu qu’après avoir éliminé les autres causes de cholestase biliaires primaires à partir du cholestérol, transmis sur un mode 267
245 néonatale et si le contexte est évocateur. Un déficit hétérozygote autosomique récessif et responsables de cholestase chronique, 268
246 de MDR3 ou BSEP pourrait représenter une prédisposition ont été décrits. Le mieux connu est le déficit en 3b-hydroxy- 269
247 génétique [27, 33]. C27-stéroïde déshydrogénase/isomérase, caractérisé par l’absence 270
de prurit, une activité sérique normale de la GGT, et un taux 271
sérique effondré d’acides biliaires primaires. Le diagnostic est 272
248 Cholangite sclérosante à début néonatal [34] fait par l’analyse urinaire, en spectrométrie de masse, des 273
249 Le diagnostic repose sur l’opacification des voies biliaires métabolites anormaux des acides biliaires qui s’accumulent en 274
250 (Fig. 11). Après plusieurs mois d’ictère cholestatique, l’évolution amont du déficit enzymatique de la voie de synthèse des acides 275
251 se fait vers une régression spontanée de l’ictère avec persistance biliaires. Il est vraisemblable que la cholestase et l’atteinte 276
252 des signes biologiques de cholestase et présence d’une cirrhose hépatique sont secondaires à la fois à l’absence d’acides biliaires 277
253 qui se décompense au bout de quelques années et nécessite une primaires indispensables à la formation et à la sécrétion de la 278
254 transplantation hépatique. Il est possible qu’un traitement par bile, et à l’accumulation des acides biliaires atypiques en amont 279
255 l’acide ursodésoxycholique puisse avoir un effet bénéfique sur du déficit enzymatique. 280
Pédiatrie 5
6. 4-060-A-15 ¶ Cholestases néonatales
Électrophorèse des protides Déficit en alpha-1 antitrypsine
normale
A B
Pic d'alpha-1 globulines Absence de pic
d'alpha-1 globulines
Figure 10.
A, B. Électrophorèse des protides sériques et déficit en alpha-1 antitryp-
sine. L’absence de pic d’alpha-1 globulines évoque le diagnostic, qui est
confirmé par le dosage sérique de l’alpha-1 antitrypsine, et le phénoty-
page (phénotype ZZ) ou le génotypage.
Figure 8. Radiographie du rachis dorsal de face : vertèbres en « ailes de
papillon » (flèches) caractéristiques du syndrome d’Alagille.
Figure 11. Cholécystographie transhépatique dans une cholangite
sclérosante néonatale : perméabilité des voies biliaires extrahépatiques
avec des voies biliaires intrahépatiques rares et irrégulières (flèches).
douleurs abdominales ou des vomissements, rarement des signes 300
infectieux témoignant d’une cholangite ou d’une cholécystite. 301
Figure 9. Image de paucité des voies biliaires : espace porte sans voie
L’échographie confirme le diagnostic. Une opacification des 302
biliaire interlobulaire et contenant une artère (A) et une veine (V).
voies biliaires est indiquée en cas de suspicion de lithiase de la 303
voie biliaire principale. Cela permet d’éliminer une éventuelle 304
281 Mucoviscidose [41] anomalie anatomique des voies biliaires et offre la possibilité 305
d’un geste thérapeutique. Des facteurs favorisants ont été 306
282 Cette maladie de transmission autosomique récessive est rapportés (infection, déshydratation, nutrition parentérale, 307
283 exceptionnellement révélée par une cholestase néonatale [42]. Le hémolyse) mais dans environ 50 %, aucune cause favorisante 308
284 diagnostic est rapidement fait à l’aide du dosage de la trypsine n’est retrouvée (lithiase primitive). En cas de lithiase vésiculaire 309
285 immunoréactive, du test de la sueur et de la recherche de isolée, l’élimination biliaire spontanée est fréquente. Tant que la 310
286 mutations du gène CFTR localisé sur le chromosome 7. Une lithiase reste asymptomatique, une simple surveillance échogra- 311
287 cirrhose peut apparaître chez 5 à 25 % des enfants et le risque phique est proposée. Une cholécystectomie est indiquée en cas 312
288 augmente avec l’âge. L’atteinte hépatique est principalement la de complications (douleurs récidivantes, cholécystite aiguë). En 313
289 conséquence d’une obstruction des voies biliaires par un mucus
cas de lithiase de la voie biliaire principale, une élimination 314
290 anormal secondaire au défaut de sécrétion du chlore, par les
spontanée peut être observée. En l’absence de complication 315
291 cellules épithéliales des voies biliaires, due à la protéine CFTR
infectieuse, on préconise une surveillance clinique et biologique 316
292 anormale. Il est possible qu’un traitement par l’acide ursodé-
pendant 1 à 2 semaines. Si les selles ne se recolorent pas et 317
293 soxycholique puisse avoir un effet bénéfique sur l’évolution de
294 la maladie [43]. l’ictère ne régresse pas, ou d’emblée en présence d’une cholan- 318
gite, la levée de l’obstacle s’impose. La cholangiographie 319
percutanée associée au drainage et lavage des voies biliaires 320
295 Lithiase biliaire [44] permet de lever l’obstacle dans au moins 80 % des cas. La 321
296 Il s’agit de lithiase de nature pigmentaire, composée de sels cholécystectomie de première intention n’est pas indiquée et 322
297 calciques insolubles de bilirubine non conjuguée. Les circons- doit être faite en cas d’échec de la radiologie interventionnelle, 323
298 tances de découverte sont le plus souvent un ictère cholestati- cela d’autant plus que la récidive de la lithiase biliaire primitive 324
299 que et/ou un épisode de décoloration des selles, parfois des est exceptionnelle. 325
6 Pédiatrie
7. Cholestases néonatales ¶ 4-060-A-15
326 ■ Traitement [8] Leblanc A, Odievre M, Hadchouel M, Gendrel D, Chaussain JL,
Rappaport R. Neonatal cholestasis and hypoglycemia: possible role of
394
395
327 Un traitement symptomatique est toujours nécessaire. Tout cortisol deficiency. J Pediatr 1981;99:577-80. 396
[9] Chen CY, Tsao PN, Chen HL, Chou HC, Hsieh WS, Chang MH. 397
328 enfant suspect de cholestase doit recevoir, dès que possible, une
Ursodeoxycholic acid (UDCA) therapy in very-low-birth-weight 398
329 injection parentérale de 10 mg de vitamine K pour prévenir les
infants with parenteral nutrition-associated cholestasis. J Pediatr 2004; 399
330 complications hémorragiques. Une prise en charge nutrition- 145:317-21. 400
331 nelle est indispensable et des vitamines liposolubles A, D, E et [10] Fouquet V, Alves A, Branchereau S, Grabar S, Debray D, Jacquemin E, 401
332 K sont données par voie intramusculaire si l’ictère persiste. Un et al. Long-term outcome of pediatric liver transplantation for biliary 402
333 traitement par la rifampicine permet souvent de contrôler le atresia: a 10 year follow-up in a single center. Liver Transpl 2005;11: 403
334 prurit [45]. Une alimentation hypercalorique enrichie en trigly- 152-60. 404
335 cérides à chaîne moyenne et dextrine maltose doit rapidement [11] Bernard O. Plaidoyer pour le diagnostic précoce de l’atrésie des voies 405
336 être proposée, éventuellement complétée par une alimentation biliaires. Arch Pediatr 1995;2:937-9. 406
337 entérale continue nocturne (sonde nasogastrique) en cas de [12] Lykavieris P, Chardot C, Sokhn M, Gauthier F, Valayer J, Bernard O. 407
338 croissance insuffisante. Dans les cas extrêmes de dénutrition, en Outcome in adulthood of biliary atresia: a study of 63 patients who 408
339 particulier chez les enfants atteints d’atrésie des voies biliaires survived for over 20 years with their native liver. Hepatology 2005;41: 409
340 décompensée, il peut être nécessaire de débuter une nutrition 366-71. 410
[13] Carvalho E, Liu C, Shivakumar P, Sabla G, Aronow B, Bezzera JA. 411
341 parentérale en attendant la transplantation hépatique.
Analysis of the biliary transcriptome in experimental biliary atresia. 412
342 Le traitement spécifique des principales causes de cholestase Gastroenterology 2005;129:713-7. 413
343 néonatale a déjà été abordé dans les paragraphes précédents. En [14] Jacquemin E, Cresteil D, Raynaud N, Hadchouel M. CFC1 gene muta- 414
344 ce qui concerne les causes les plus rares : une dilatation des tion and biliary atresia with polysplenia syndrome. J Pediatr 415
345 voies biliaires en échographie conduit à une cholécystographie Gastroenterol Nutr 2002;34:326-7. 416
346 transhépatique éventuellement associée à une intervention [15] Schön P, Tsuchiya K, Lenoir D, Mochizuki T, Guichard C, Takai S, et al. 417
347 chirurgicale en cas de kyste du cholédoque [46]. Un traitement Identification, genomic organization, chromosomal mapping and muta- 418
348 spécifique doit être utilisé pour la toxoplasmose congénitale, la tion analysis of the human INV gene, the ortholog of a murine gene 419
349 syphilis congénitale, une insuffisance surrénale, ou une infec- implicated in left-right axis development and biliary atresia. Hum Genet 420
350 tion urinaire. Dans l’avenir, la thérapie cellulaire, génique ou 2002;110:157-65. 421
351 pharmacologique ciblée pourra peut-être représenter une [16] Hasegawa T, Sasaki T, Kimura T, Sawai T, Nose K, Kamata S, et al. 422
Prenatal ultrasonographic appearance of type IIId (uncorrectable 423
352 alternative à la transplantation hépatique pour certaines
type with cystic dilatation) biliary atresia. Pediatr Surg Int 2002;18: 424
353 cholestases comme les PFIC [21, 47, 48]. 425-8. 425
354 La surveillance ultérieure comporte : [17] Crosnier C, Driancourt C, Raynaud C, Dhorne-Pollet S, Pollet N, 426
355 • la vaccination contre les virus des hépatites A et B, l’organi- Bernard O, et al. Mutations in JAGGED1 gene are predominantly 427
356 sation de la transplantation hépatique pour les enfants sproradic in Alagille syndrome. Gastroenterology 1999;116:1141-8. 428
357 atteints d’une maladie menaçant d’une évolution rapide vers [18] Lykavieris P, Hadchouel M, Chardot C, Bernard O. Outcome of liver 429
358 une cirrhose ou une insuffisance hépatocellulaire (atrésie des disease in children with Alagille syndrome: a study of 163 patients. Gut 430
359 voies biliaires, cholestases intrahépatiques progressives 2001;49:431-5. 431
360 familiales, cholangite sclérosante, déficit en alpha- [19] Marcus N, Teckman JH, Perlmutter DH. a1-antitrypsin deficiency: 432
361 1 antitrypsine) ; from genotype to childhood disease. J Pediatr Gastroenterol Nutr 433
362 • l’identification des maladies pour lesquelles la transplantation 1998;27:65-74. 434
363 hépatique est contre-indiquée (Niemann-Pick type C, maladie [20] Jacquemin E. Progressive familial intrahepatic cholestasis: genetic 435
basis and treatment. In Pediatric liver. Clin Liver Dis 2000;4: 436
364 des peroxysomes, maladie de Gaucher, déficit de synthèse du
753-63. 437
365 cholestérol) [49-52] ou doit être discutée avec précaution
[21] Baussan C, Cresteil D, Gonzales E, Raynaud N, Dumont M, Bernard O, 438
366 (déficit de la chaîne respiratoire mitochondriale limitée au et al. Genetic cholestatic liver diseases: the example of progressive 439
367 foie) [53, 54] ; familial intrahepatic cholestasis and related disorders. Acta 440
368 • la mise en place des conditions d’un conseil génétique et Gastroenterol Belg 2004;67:179-83. 441
369 d’un éventuel diagnostic anténatal en cas de grossesse [22] Van Mil SW, Houwen RH, Klomp LW. Genetics of familial intrahepatic 442
370 lorsqu’il est disponible ; le contrôle de la guérison sans cholestasis syndromes. J Med Genet 2005;42:449-63. 443
371 séquelle hépatique des cholestases néonatales transitoires, des [23] Klomp LW, Vargas J, van Mil SW, Pawlikowska L, Strautnieks SS, van 444
372 fœtopathies, des kystes du cholédoque et des lithiases Eijk MJ, et al. Characterization of mutations in ATP8B1 associated 445
373 biliaires. with hereditary cholestasis. Hepatology 2004;40:27-38. 446
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553 Service d’hépatologie pédiatrique, Centre de référence de l’atrésie des voies biliaires, département de pédiatrie, Centre hospitalier universitaire de Bicêtre,
554 78, rue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre cedex, France.
555 Toute référence à cet article doit porter la mention : Gonzales E., Jacquemin E. Cholestases néonatales. EMC (Elsevier SAS, Paris), Pédiatrie, 4-060-A-15, 2006.
Disponibles sur www.emc-consulte.com
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