Enjeux de « savoir » dans les enseignements artistiques
1. Enjeux de « savoir » dans les enseignements
artistiques (l’exemple du « mur », en temps
d’isolement)
Séminaire GCAF du 18 novembre 2020
Éric Tortochot
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2. Plan (du mur)
Une force pour le territoire 2
• Connaissance et savoir
• Schèmes et concepts
• Du schème au savoir
• Savoirs théoriques / savoirs savants
• Savoirs en action / savoirs d’action
• Savoirs d’action > compétences
• Conclusion : le rapport au savoir / GCAF
• Bonus (1, 2 et 3)
3. Un mot sur « connaissance » et « savoir »
Une force pour le territoire 3
• Si l’on en croit les dictionnaires (TLFI), la connaissance résulte de l’activité de
l’individu qui agit avec et sur le monde.
• Le savoir est le fruit des expériences qui donnent accès à la connaissance.
• Le savoir est un construit qui résulte de la connaissance acquise dans
l’expérience au monde.
• Le savoir se transmet. Il « circule » d’un milieu à un autre.
LE MUR : un obstacle qui nous empêche de circuler, dirige nos pas, induit une attitude de repli ou de
franchissement, etc., qui nous fait connaître un monde naturel ou artificiel qui protège, isole, défend,
sépare, résiste, enclot, soutient, supporte, etc., sur lequel on peut laisser des empreintes, gribouiller,
gratter, graver, mesurer, etc.
4. Un mot sur « connaissance » et « savoir »
Une force pour le territoire 4
• « […] Toute connaissance porte sur des significations. […] Toute connaissance
est liée à une action. Connaître un objet ou un événement, c’est les utiliser en les
assimilant à des schèmes d’action. […] Connaître ne consiste pas à copier le réel
mais à agir sur lui et à le transformer (en apparence ou en réalité), de manière à
le comprendre en fonction des systèmes de compréhension auxquels sont liées
ces actions. » (Piaget, Biologie et connaissance, 1967, pp. 14-15.)
• Connaître, c’est organiser et réguler les informations acquises,
accumulées, par des systèmes d’autocontrôle orientés vers des
adaptations, vers la solution des problèmes.
LE MUR : une réalité commune, expériencée, expérimentée, devenue connaissance des règles du
monde, avec lesquelles il faut faire : s’appuyer dessus, le dessiner, le concevoir, y accrocher son
dessin, s’isoler pour jouer d’un instrument, cadrer une scène, cacher les coulisses, etc.
5. Un mot sur « connaissance » et « savoir »
Une force pour le territoire 5
• Vygotski : une émergence des concepts à partir de l’action, via la médiation
sociale (des pairs ou des « anciens »), et une intériorisation des savoirs de
référence, explicitement proposés par les formateurs.
• Au-delà de la zone prochaine de développement (ZPD), la formation n’apporte
rien au sujet qu’il n’ait déjà construit ; l’intériorisation des concepts professionnels
comme scientifiques ou techniques ne peut avoir lieu (Rogalski, 2004).
• Connaître, c’est conceptualiser par l’action avec les pairs (médiation
sociale).
LE MUR : jouer ou apprendre à bâtir un mur (qui tient debout) selon les techniques apprises avec les
autres ; mesurer (avec des instruments) le mur pour connaître sa surface et le tapisser, le peindre, y
accrocher des œuvres ; faire « mur » avec les autres contre quelque chose ou quelqu’un ; etc.
6. Un mot sur les « concepts »
Une force pour le territoire 6
Les concepts renvoient à des systèmes de classification (Lebahar, 2007) :
- Le « concept » de mur comme une des extensions de la classe générale
des «éléments d’architecture», opposée, par définition, à «baie»,
«façade», «couverture», «escalier», etc.
- Le « concept » de « mur » diversifié en plusieurs types : «mur de refend»,
«cloison», «mur de soutènement», «parapet», etc.
- Les schèmes mentaux, eux, renvoient aux opérations et procédures
utilisés pour établir des combinaisons de concepts.
7. Du schème au « savoir »
Une force pour le territoire 7
• Pour Lebahar (2003), « le schème, c’est globalement une classe de conduites adaptée à
une classe définie de situations et d’objets, pour les transformer, et qui se transforme elle-
même en fonction de cette adaptation, notamment quand elle doit s’accommoder à la
complexité croissante des situations ciblées, en se différenciant en conduites spécialisées »
(p. 173).
• Cette « conduite » est elle-même une « totalité organisée », répétable et conservable
(Bastien, 1987) : en tant que conduite, elle relie des actions ou procédures de
transformation pragmatique de situations et états de problèmes à des représentations ou
utilisations finalisées de connaissances pour comprendre et planifier la transformation de
ces situations (Ibid).
LE MUR : il peut être une simple cloison mobile, un « mur-rideau » (un des types de concept de mur
qui évolue vers celui de séparation, d’espace ouvert transformable) ; le mur perd alors sa fonction de
soutien et de fermeture ; le concept initial, général, se transforme sous l’effet de la situation de
conception en un savoir nouveau sur le « mur »
8. Savoirs théoriques / savoirs savants / croyances
Une force pour le territoire 8
- Savoirs théoriques (Barbier, 2011, p. 4) :
• Savoirs disciplinaires (disciplines de recherche, d’enseignement, professionnelles)
• Vers de nouveaux objets et de nouveaux champs qui les rapprochent de l’action et de son intelligibilité
(ex : le développement de champs de recherche ou de milieux scientifiques correspondant à des
champs de pratique [les arts …])
- Savoirs savants (exemple de l’Histoire: Demers & Éthier, 2013, p. 97) :
• Nouveau programme d’histoire et éducation à la citoyenneté : un rapprochement entre l’histoire
scolaire et les pratiques de référence savantes
• Pratiques savantes : savoir-faire experts des historiens professionnels dans un contexte autre que les
pratiques ordinaires (Perrenoud, 1998), ou les pratiques sociales de référence (Martinand, 1986)
- Production de « croyances » (Demers & Éthier, 2013) :
• Substrat culturel socialement situé, constitutives de l’identité sociale d’un individu ou d’un groupe
• Normes sociales intériorisées et conscience pratique (« stocks de savoirs » expérientiels [Schutz,
1987], ou dimension contextuelle de la pratique sociale [Overgaard, 1994])
9. Savoirs en action / savoirs d’action
Une force pour le territoire 9
Les savoirs en action ont un triple sens chez Jean-Pierre Astolfi (2005, p. 7) :
• Une mobilisation de savoirs théoriques dans la pratique, avec ce que cela suppose comme
transformation de ceux-ci
• Une extraction des savoirs implicites, adhérents aux pratiques, mis en œuvre de façon non
consciente et en attente de conceptualisation
• Une exigence de rendre fonctionnels et opératoires les savoirs trop souvent dispensés de
façon académique, sans permettre de véritable ouverture conceptuelle
LE MUR : concevoir un mur suppose de connaître les matériaux (et de les distinguer selon leurs
spécificités mécaniques [savoirs en SPC]), de connaître les techniques de constructions (et de les
distinguer selon leurs finalités : cloisonner, supporter, isoler, etc. [savoirs en technologie], les métiers
concernés (savoirs des urbanistes, politiques, architectes, ingénieurs, maçons, designers, etc.], les
usagers (et leurs savoirs en action), et de faire avec l’ensemble des savoirs impliqués (métacognition).
10. Savoirs d’action > compétences
Une force pour le territoire 10
Les savoirs d’action vus par Jean-Marie Barbier (2011, p. 4) :
• Savoirs relatifs aux transformations du réel [issus de l’expérience : connaissance]
• Compétences pratiques, aux savoirs cachés, aux savoirs d’expérience, aux savoirs informels, aux
habiletés acquises dans l'action et par l’action
• Savoirs affermis dans leur statut de savoirs et à rapprocher des savoirs théoriques dans les
nouvelles formes d’organisation, de formation ou de recherche, où ils sont énoncés et formalisés
Les compétences vues par Philippe Jonnaert (2006) :
• Pour savoir faire, on n’a pas nécessairement besoin de savoir qu’on sait faire
• La compétence comme « intelligence des situations », permettant l’activité d’une personne dans
l’espace problématisé des situations
• L’espace problématisé : prise de conscience de la non-viabilité de ses constructions par la
personne pour atteindre ce qu’elle vise dans une situation, jusqu’à celui où elle a pu construire de
nouvelles réponses viables cette fois, dans cette même situation
• Cet espace est heuristique, fait d’échecs et de réussites, d’essais et d’erreurs
11. Conclusion : le rapport au savoir / GCAF
Une force pour le territoire 11
• Processus cognitifs en jeux dans l’activité formative : agir, pouvoir agir,
pouvoir d’agir, apprendre, apprendre à apprendre, apprendre à dire et à énoncer,
conduire à s’engager et se réengager dans l’apprentissage
• Geste créatif : agir sur le monde, pouvoir agir sur le monde, pouvoir d’agir dans le
monde que l’on connaît, savoir faire sans savoir que l’on sait faire, interagir, créer
du savoir (sur le monde, celui sur ou dans lequel on agit et d’où l’on tire la
connaissance), pouvoir de constituer et d’énoncer du savoir par le discours et du
discours sur le savoir
LE MUR : en quoi ce concept, a priori associé à l’empêchement, peut-il devenir un objet de savoir
propre aux didactiques des enseignements artistiques (et en H-G), dans une dynamique
transdisciplinaire et épistémologique, permettant de poser avec clarté et détermination, les enjeux
cognitifs, perceptifs, kinesthésiques, proprioceptifs, performatifs des gestes d’enseignement et
d’apprentissage, en vue d’engager des élèves à apprendre, à apprendre à apprendre, à se réengager?
12. Le « mur » dans les enseignements artistiques
Une force pour le territoire 12
- Arts plastiques : dispositif, perspective, espace intérieur/extérieur, cimaise, support,
surface, séparation, écran, construction (Merzbau, Schwitters), etc.
- Musique : intérieur / extérieur, résonance, réverbération, absorption, propagation, protection
(insonorisation, ex : opéra Bastille), etc.
- Danse : contre, sur, au pied du, autour, avec (Palermo, Palermo, Bausch), etc.
- Design / architecture : artefact (objet, système, marchandise et symbole), porteur, mobile,
circulation, fermeture, ouverture, limite (ex : le « mur-rideau »), etc.
- Histoire-géographie : d’Adrien, des Lamentations, frontière, de Berlin, entre USA et
Mexique, de Palestine, muraille de Chine, enfermement, exclusion, etc.
- Cinéma : cadre, bord, séparation, coupure, passage, changement, modification, symbole
(Dogville, Von Trier), etc.
- Théâtre : bords de scène, coulisses, décors, symbole (Le cercle de craie caucasien,
Brecht), etc.
Bonus (1)
13. Les savoirs dans les enseignements de design
Une force pour le territoire 13
- Quels savoirs sont enseignés, par qui, pourquoi : la dimension curriculaire des
formations (mais aussi, l’approche PCK [Hultén & Björkholm, 2016])
- Quels savoirs en jeu dans l’activité professionnelle ? À partir de quelles pratiques
sociales de référence ou de quels savoirs savants ?
- Approche didactique sur les conditions de la transmission des savoirs, savoir-
faire, savoir-être, en situation : quel geste du professeur dans son activité
d’enseignement ?
- Approche didactique sur les conditions et formes de développement d’une
compétence de renouvellement des modèles d’artefact : quelle activité créative
de l’enseignant et de l’élève en situation d’enseignement-apprentissage du
design?
Bonus (2)
14. Les savoirs dans une matrice disciplinaire du design
Une force pour le territoire 14
• Interroger les fondements d’une discipline d’enseignement (Develay, 1993)
• quels savoirs déclaratifs (ou formes prédicatives, propositionnelles de la connaissance
comme information mémorisée) ;
• quels savoirs procéduraux (ou formes opératoires de la connaissance pour résoudre des
problèmes) ;
• quels types d’activité, de tâches.
• Questionner la discipline (Terrien, 2014) en tant que communauté de pratiques :
• quelle posture professionnelle (attitudes et éthique, par ex.) ;
• quelles compétences professionnelles (pluralité des ressources internes et ex-ternes,
combinables différemment selon les contextes, par ex.) ;
• quelle compréhension (maîtrise approfondie de savoirs disciplinaires et de savoirs issus
d’autres domaines comme la psychologie et la sociologie, par ex.) ;
• quel répertoire de scénarios pédagogiques et didactiques, flexibles et évolutifs.
Bonus (3)
15. Bibliographie
Une force pour le territoire 15
- Astolfi, J.-P. (Ed.) (2005). Savoirs en action et acteurs de la formation (Vol. 365).
Rouen, France: Publications de l'Université de Rouen.
- Barbier, J.-M. (Ed.) (2011). Savoirs théoriques et savoirs d'action (3e ed.). Paris:
Presses Universitaires de France.
- Bastien, C. (1987). Schèmes et stratégies dans l'activité cognitive de l'enfant.
Paris: Presses Universitaires de France.
- Chevallard, Y., & Johsua, M.-A. (1991). La transposition didactique, du savoir
savant au savoir enseigné, avec Un exemple d’analyse de la transposition
didactique. Grenoble, France: La Pensée sauvage.
- Darbellay, F. (Ed.) (2012). La circulation des savoirs: interdisciplinarité, concepts
nomades, analogies, métaphores. Bern, Suisse: Peter Lang.
- Demers, S., & Éthier, M.-A. (2013). Rapprochement entre curriculum, savoirs
savants et pratiques enseignantes en enseignement de l’histoire : l’influence de
l’épistémologie pratique. Education et didactique, 7(2), 95-113.
doi:10.4000/educationdidactique.1743
- Develay, M. (1993). Pour une épistémologie des savoirs scolaires. Pédagogie
collégiale, 7(1), 35-40.
- Eschenauer, S. (2018). Créativité et empathie dans les apprentissages
performatifs : vivre et encorporer ses langues. Recherches & éducations, (Hors
série), 1-15.
- Hultén, M., & Björkholm, E. (2016). Epistemic habits: primary school teachers’
development of pedagogical content knowledge (PCK) in a design-based research
project. International Journal of Technology and Design Education, 26(3), 335-351.
doi:10.1007/s10798-015-9320-5
- Jonnaert, P. (2006). Action et compétence, situation et problématisation. In M.
Fabre & E. Vellas (Eds.), Situations de formation et problématisation (pp. 31-39).
Louvain-la-Neuve: De Boeck Supérieur.
- Lebahar, J.-C. (2003). La conception d'artefacts : l'activité cognitive du sujet-
concepteur. "Un système qui s'observe en train de fonctionner". (HDR Rapport
d'habilitation à diriger des recherches). Université de Provence, Aix-en-Provence.
- Lebahar, J.-C. (2007). La conception en design industriel et en architecture. Désir,
pertinence, coopération et cognition. Paris: Lavoisier.
- Martinand, J.-L. (1994). La didactique des sciences et de la technologie et la
formation des enseignants. Aster, 19, 61-75.
- Perrenoud, P. (1998). La transposition didactique à partir de pratiques: des
savoirs aux compétences. Revue des sciences de l'éducation, 24(3), 487-514.
doi:10.7202/031969ar
- Piaget, J. (1967). Biologie et connaissance. Essai sur les relations entre les
régulations organiques et les processus cognitifs (Vol. 42). Paris, France:
Gallimard.
- Rogalski, J. (2004). La didactique professionnelle : une alternative aux approches
de "cognition située" et "cognitiviste" en psychologie des acquisitions. Activités,
1(2), 103-120. doi:10.4000/activites.1259
- Terrien, P. (2014). Formation des maîtres et de musiciens pédagogues : le
musicien-enseignant. Les Cahiers de la Société québécoise de recherche en
musique, 15(1), 45-54. doi:10.7202/1033794ar
16. TITRE DE LA PRÉSENTATION
> TITRE DE LA PARTIE
Merci de votre attention
Une force pour le territoire 16